Christophe Granger, La saison des apparences. Naissance des corps d’été, Paris, Anamosa, 2017, 360 p.
Le burkini a fait rejouer une longue histoire : celle des corps, des postures et des dévoilements qui conviennent à la saison estivale.
C’est cette palpitante histoire que recompose ce livre, réédition revue et augmentée d’un quasi classique : celle qui a vu les Français apprendre à vivre l’été avec leur corps pour personnage principal.
C’est l’histoire de l’été et des corps qui vont avec, allongés, dénudés, offerts au soleil. En France, elle se noue entre 1920 et 1960. Alors s’impose un répertoire proprement estival de gestes et de postures légitimes. Alors les édits changeants de la silhouette, le bronzage, l’horizontalité publique et le périmètre capricieux des dévoilements inventent, à échelle d’hommes et de femmes, de nouveaux savoir-faire et de nouvelles exclusions. Mais ce n’est pas tout. Dans la levée des accoutumances, les corps d’été ont des allures de civilisation suspendue. Ils font exister un pli annuel des rapports au monde, qui sacralise le retour à la simplicité, la variation des expériences et des identités. Cette morale des corps d’été est travaillée de jeux sociaux considérables. De résistances, aussi, et de liesses punitives, qui, oubliées depuis (ou presque), ont pourtant viscéralement tourmenté l’avènement de cette variation saisonnière des manières d’être. Il y a peu, la question du burkini a réactivé ces débats anciens, soulignant de nouveau les tiraillements sociaux qui entourent nos corps.
Christophe Granger est historien, membre du Centre d’histoire sociale du XXe siècle (CNRS/Paris-1). Il est notamment l’auteur de La Destruction de l’université française (2015), Le Vase de Soissons n’existe pas (avec Victoria Vanneau, 2013), À quoi pensent les historiens ? (dir., 2013).