Habitat et famille des ouvriers de la métallurgie à Sèvres : 1896-1936

SOLLET Benoît, Habitat et famille des ouvriers de la métallurgie à Sèvres : 1896-1936, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985

À partir des renseignements contenus dans les listes nominatives de la ville de Sèvres, on a essayé de préciser l’évolution de l’habitat et de la famille des métallurgistes habitant cette ville de 1896 à 1936. Une étape préalable a été nécessaire pour cerner au mieux cette population. Elle a fait apparaître une indétermination des métiers due, d’une part, à l’imprécision des termes utilisés pour les désigner, et d’autre part, à l’évolution de la qualification ouvrière. On a également pu noter l’arrivée successive de nouveaux métiers. Ainsi les manœuvres apparaissent sur les recensements en 1911, les ouvriers et les sténodactylos en 1921, les O.S. en 1936.

Dans son ensemble, la population métallurgiste de Sevres ne cesse de rajeunir durant toute la période, ce qui contraste avec le vieillissement général de la population française constaté à partir de 1911. En fait, Sèvres s’inscrit dans le développement de la région parisienne, point d’aboutissement de l’exode rural. Il apparaît que tout le phénomène migratoire des métallurgistes de Sèvres se situe pratiquement dans le quart nord-ouest de la France.

L’immigration étrangère, quant à elle, est caractérisée par l’arrivée massive des Belges à la faveur de la Grande Guerre. Ces derniers étant en majorité des professionnels, ceci explique qu’il faille attendre 1936 pour enregistrer une baisse de qualification du travail immigré alors que le phénomène a pu se produire plus tôt ailleurs.

Les données des listes nominatives de Sèvres concernant l’habitat permettent de déceler une densité maximum dans le logement juste avant la Grande Guerre.

Celle-ci débouche sur le phénomène pavillonnaire des années 20 dans lequel les métallurgistes           de Sèvres s’inscrivent pleinement.

Mais au plus fort de la vague pavillonnaire, 80 % des métallurgistes logent encore en immeuble or il apparaît que pour ces derniers, si la pression du logement connaît un répit dans les années qui suivent la guerre, l’entassement est redevenu la règle en 1936.

L’étude de l’accession au logement individuel suivant la profession enregistre le phénomène de l’évolution de la qualification ouvrière : en 1936 un tourneur n’a pas plus d’espoir d’habiter un pavillon qu’un journalier ou un O.S. En fait, derrière ce terme se cache le plus souvent un manœuvre sur tour.

Le principal enseignement des données concernant les groupes domestiques des métallurgistes de Sèvres est un recul de la famille nucléaire au profit de la famille élargie dans l’entre-deux-guerres. Il semble que deux facteurs se soient conjugués pour faire reculer la famille conjugale durant cette période : d’une part le déséquilibre démographique occasionné par la guerre qui a poussé nombre de veuves chez leurs enfants et d’autre part le contexte économique qui a contraint les ouvriers à se rassembler dans des groupes domestiques élargis, au sein desquels fonctionnait une entraide réciproque. (Le contexte économique est très dur à Sèvres en 1921 avec Renault qui vient de licencier la moitié de son personnel).

En 1921 la famille élargie, c’est d’abord les collatéraux. Cela confirme une entraide économique : on aide les nouveaux arrivants dans la région parisienne et les chômeurs.

En 1936 cette famille élargie c’est d’abord les grands-parents il s’agit plus d’un soutien de famille du fait de l’allongement de la vie et du manque de ressources des plus agés.