HENRY Juliette, Genèse et évolution d’un musée du XIXe siècle : le Musée Condé du Château de Chantilly. La pensée muséographique du duc d’Aumale, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 177 p.
Le musée Condé du château de Chantilly est resté un musée typique du XIXe siècle, au décor intérieur surabondant, avec un éclairage zénithal et un accrochage des tableaux sur plusieurs niveaux, cadre à cadre et qu’aucune logique ne semble coordonner. En effet, en constituant, le 25 octobre 1886, la donation de son château, et de tout ce qu’il contient, à l’Institut de France, son concepteur Henri d’Orléans (1822-1897), duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe, impose des clauses très strictes : que le musée soit ouvert au public, que l’accrochage reste inchangé et qu’aucun tableau ne sorte du musée. De par la volonté du Prince, le musée présente donc encore aujourd’hui une muséographie gelée, figée en 1897, à sa mort.
Historien, bibliophile, collectionneur amateur, ayant consacré ses vingt années d’exil à essayer de rassembler les collections familiales dispersées (Bourbon, Condé, Orléans), à acheter dans des ventes ou à des particuliers manuscrits, estampes, gravures, peintures, meubles, objets d’art et antiquités, le duc d’Aumale décida à son retour en France de relever les murs du Grand château de Chantilly hérité, avec sa fortune, de son grand-oncle Louis Henri Joseph, duc de Bourbon. Son ambition est de construire un musée, écrin pour sa fabuleuse collection, la deuxième collection de peinture après celle du Louvre, qu’il a constituée, et qu’il ne va pas cesser d’enrichir par de nouvelles acquisitions jusqu’à sa mort. Mais c’est aussi un musée d’histoire, inspiré du Musée historique de Versailles, créé par son père, où il rend hommage aux familles qui l’ont précédé. Modifié et étendu au cours de son élaboration, le Musée Condé témoigne de la pensée muséographique d’une figure du XIXe. Exigeant et animé d’un souci constant, contrôlant pas à pas les projets et les travaux, le duc d’Aumale imprime au lieu son esprit et une certaine idée qu’il se fait du musée.
Cette recherche propose d’étudier tout d’abord les paramètres qui font du duc d’Aumale un grand collectionneur ancré dans le XIX’ siècle, en soulignant son attachement pour l’héritage historique, remontant aux familles des Montmorency et des Condés, qu’il a reçu en même temps que la demeure princière qu’est Chantilly, en présentant les influences qui ont modelé cet exilé, arraché à sa patrie, fils du roi des Français, son goût pour l’armée, la chasse, l’Orient et l’Italie qui marquent sa politique d’acquisition tournée vers la reconstruction d’un patrimoine et le choix d’une peinture « intellectuelle », chargée de symboles et de souvenirs. Le propos s’attache ensuite à montrer quelles ont été l’action et la volonté du Prince mécène lors de la reconstruction, du remembrement du Grand château, de la conception de l’espace muséal et de l’aménagement du musée Condé jusque dans le choix des décors et du mobilier muséographique, et quelles sont les lignes directrices de l’accrochage, réalisé en plusieurs étapes, et qui demeure un exemple de la muséographie du XIXe siècle. Sont enfin analysés le processus de la donation, qui s’inscrit dans le projet de création du musée, et les conséquences du passage de témoin de la gestion du Musée Condé à l’Institut de France qui eut pour mission d’ouvrir le musée au public en 1898 et de conserver l’esprit insufflé par le duc d’Aumale en appliquant les clauses de la donation, et les limites du développement de la gestion de ce musée figé dans le passé au cours du XXe siècle.