Florys Castan-Vicente lauréate du Prix du GIS-Genre 2021

Florys Castan-Vicente est lauréate du prix du GIS Institut du Genre 2021 en histoire, pour sa thèse « Un corps à soi ? Activités physiques et féminismes durant la « première vague » (France, fin du XIXe siècle – fin des années 1930) », sous la direction de Pascal Ory, soutenue le 23 novembre 2020 à l’Université Panthéon-Sorbonne Paris 1.

L’objet de cette thèse consiste à examiner les liens entre activités physiques et féminismes en France, afin d’envisager une réévaluation de la place du corps dans les mobilisations de la première vague (fin du XIXe siècle – années 1930), mais aussi de la proximité des sportives avec le mouvement féministe. La généalogie des discours sur l’infériorité physique des femmes, fondement de l’exclusion des droits universels, permet de souligner un intérêt commun des pratiquantes d’activités physiques et des militantes qui contestent l’idée d’un corps naturellement faible et malade. Parmi les premières pratiquantes, certaines participent au mouvement féministe ; d’autres sont intégrées aux discours comme exemples des capacités physiques des femmes. La réforme du costume, qui mobilise les pratiquantes et les militantes, soulève la question de la liberté de mouvement et mène parfois au rejet de normes esthétiques perçues comme aliénantes, et à la revendication d’une nécessaire réappropriation de soi. Alors que les premières compétitions s’organisent, la presse féministe défend les participantes, et encourage les initiatives d’institutions autonomes de femmes. Parmi ces dernières, certaines sont des émanations directes du mouvement féministe, ou en sont proches. La Grande Guerre apparaît comme un catalyseur pour la dynamique d’institutionnalisation et d’autonomisation des sportives. Une fédération de sportives se crée : les stratégies, rhétoriques, et réseaux de ses dirigeantes recoupent ceux du mouvement féministe qui s’implique de manière concrète dans le soutien à l’organisation. Le contexte patriotique et hygiéniste aidant, les premières championnes deviennent des figures populaires sur lesquelles les militantes s’appuient, même lorsque celles-là ne se revendiquent pas féministes. Les compétitions se développent, et permettent la mise en place d’une fédération internationale de sportives, qui organise ses propres Jeux mondiaux mais peine à s’imposer, à constituer un réseau solide, et ne s’appuie pas sur les organisations féministes mondiales. Elle est néanmoins l’occasion d’examiner les influences transnationales entre organisations de sportives. On peut ainsi distinguer des «féministes sportives» sur l’ensemble de la période, qui forment un réseau intégré à la première vague mais sont aussi divisées. Elles s’opposent sur les stratégies à adopter face aux opposants, entre transgressions de genre et recherche de respectabilité. Selon leur positionnement, elles défendent des activités aux finalités distinctes : esthétiques, hygiéniques, égalitaires ou hédoniques. À partir de la seconde partie des années 1920, l’alliance entre féministes et sportives se distend. Les fédérations autonomes se dissolvent, et la première vague du féminisme sportif s’éteint à la fin des années 1930.