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Résumés des mémoires de maitrise – Années 2000

2009

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2008

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2005

AUGARDE Marie-Véronique, La communication de la municipalité de Saint­Denis à travers l’évolution du bulletin municipal de 1971 à 1991, Maîtrise [Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CHS, 2005, 110 p.

Un aspect de la communication de la municipalité de Saint-Denis est étudié dans ce mémoire à travers l’évolution du bulletin municipal de 1971 à 1991. Au cours de cette période, il a changé par trois fois de formule. Il a commencé tout d’abord par le Bulletin d’Information Municipale en juin 1971, puis en octobre 1981 apparaît le Mensuel d’Information Municipale et enfin celui-ci se transforme en Journal de Saint-Denis en mai 1986. Ces changements successifs sont révélateurs d’une attention particulière portée non seulement à l’information des citoyens mais aussi, et dans une certaine mesure, surtout de la prise de conscience de la part de la municipalité de la nécessité d’avoir une politique de communication étudiée et adaptée à sa population. Comment se traduit l’évolution du bulletin municipal ? Pourquoi et comment cette évolution a-t-elle eu lieu ? Voilà les questions auxquelles cette étude cherche à répondre en s’attachant à particulièrement à percevoir s’il y a eu une professionnalisation de la communication dionysienne et, si oui, dans quels termes elle s’est effectuée. Les bornes chronologiques choisies, en plus de correspondre à trois formes de bulletin différentes, correspondent également aux mandats successifs Marcelin Berthelot, maire de Saint-Denis de mars 1971 à juin 1991. L’on observe également au cours de cette période un essor général du bulletin municipal, bien souvent accompagné d’une importance croissante accordée à la communication politique locale. Cette dernière s’est, sans aucun doute, faite sous l’impulsion d’une professionnalisation des services de communication municipale. Pour répondre à ces questions nous nous sommes essentiellement appuyés sur l’étude des différents bulletins aux archives municipales de Saint-Denis. La communication étant une discipline encore relativement récente, les ouvrages historiques la concernant, sont assez rares. Nous avons donc consulté des ouvrages de sciences politiques traitant ce sujet afin d’obtenir, autant que possible, une vue d’ensemble sur cette question et pour cette période.

BERNATETS Jean-Claude, Approche critique de l’histoire des résistants et de la résistance dans le département de l’Aisne, 1940-1944, Maîtrise [Claire Andrieu, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2005, 182 p.

Elle met en évidence des parcours singuliers qui ne s’en inscrivent pas moins dans une aventure collective, à la nature plurielle, populaire, minoritaire. Elle coïncide partiellement avec ce qui a pu être dit. Elle s’éloigne par contre fortement des mythes forgés de toutes pièces dans l’immédiate après-guerre et qui se perpétuent même aujourd’hui dans le département. Le corpus choisi permet d’établir sinon de rétablir nombre de vérités. La Résistance dans l’Aisne ne naît nullement du néant. Militants communistes, socialistes et syndicalistes y jouent un rôle essentiel. FN et FTP, pour leur part, y apportent une contribution majeure. Elle n’est pas unie, mais au contraire profondément divisée sur fond d’anti-communisme bien que les combattants fassent preuve de solidarités, se prêtent assistance. L’intégration de ses forces para militaires au sein des FFI reste pour une large part formelle, virtuelle, jamais achevée. Il n’apparaît pas que gaullistes et alliés, au-delà de la subordination et de l’obéissance qu’ils exigent de sa part aient eu réellement l’intention de l’armer convenablement. Son bilan, toutefois, se présente comme très honorable. Certains des chefs de l’OCM ont tenté de travestir et de réécrire la part prise par leur mouvement pour en masquer la modestie. L’épopée de la Résistance axonaise repose en fait avant tout sur le travail ingrat, obscur, obstiné, persévérant où chacun outre sa propre vie, risque celle des siens. À l’héroïsme ordinaire correspond un parcours jalonné de multiples tragédies, de sang et de larmes, de lâchetés et d’ignominies. Pour les survivants et la mémoire des morts, en regard des sacrifices consentis, il s’achève d’espoirs déçus, d’espérance vaine dans l’avènement d’un monde nouveau. L’âme de ce mouvement de résistance, ce sont les humbles, les sous grades, soutiers inconnus ou méconnus d’une gloire qu’ils n’ont pas revendiquée et dont les circonstances seules en ont fait pourtant les véritables artisans. Ces quelques milliers d’hommes et de femmes, de jeunes et d’étrangers représentent la grandeur et l’honneur de l’Aisne. Ils payent chèrement leur goût de la liberté, leur aversion du fascisme, l’amour de leur terroir et de leur patrie. Avant-garde éclairée et martyre d’une population axonaise profondément germanophobe, qui dans sa masse se tient éloignée de la collaboration, elle permet que cette dernière n’y sombre jamais. Au-delà de ces faits d’armes, il s’agit-là de sa plus grande victoire. Leur participation à la lutte contre le nazisme et son satellite le régime vichyssois, pour libérer le territoire, restaurer la démocratie et la République, ouvrir le chemin à des lendemains qui chantent, impose et mérite gratitude, respect et reconnaissance. Ce premier travail de recherche ne permet toutefois pas d’élucider un certain nombre de problèmes loin d’être subsidiaires.

2004

CARRÉ Stéphanie, Les comités d’action en mai-juin 1968 en région parisienne, à travers l’étude des tracts, Maîtrise [Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 160 p.

Nous plaçons ce travail de recherche dans la continuité du travail effectué par Michelle PERROT, Madeleine REBERIOUX et Jean MAITRON dans le Mouvement social, n° 64, juillet – septembre 1968, intitulé la Sorbonne par elle-même, en espérant compléter au mieux les recherches sur les comités d’action, grâce à l’étude d’un corpus de tracts sélectionnés au CHS. Mai 68 est sans conteste l’événement social et culturel le plus important qu’ait connu la société française depuis 1945. La crise universitaire, partie de Nanterre, incomprise des autorités, s’étend à l’ensemble de la société et bouscule le pouvoir politique et l’État. L’agitation étudiante, plus représentative et radicale dans Paris et sa région prend la forme d’une protestation globale : contre l’ordre social, la hiérarchie, la guerre, la famille, le conformisme. Spontanée, joyeuse, libertaire, créative, violente aussi et marquée par la renaissance des idéologies d’extrême gauche, elle proclame « l’imagination au pouvoir » et met en évidence des nouvelles formes de contestations qui se développent durant le mouvement et qui perdureront après lui. Les comités d’action ont été une des formes les plus originales de ce mouvement. Organisme de base de l’action étudiante, le comité d’action est un groupe informel et restreint de camarades attelés à une tâche liée au mouvement, celle-ci étant souvent au point de départ leur seul dénominateur commun. Inspirés des comités Viêtnam de base et des comités d’action lycéens, existant depuis 1967, on peut dénombrer près de 450 comités d’action en région parisienne en juin 1968. Les comités d’action sont présents aussi bien dans les universités et les lycées, que dans les entreprises et les quartiers. Nous nous sommes alors demandé quels ont été la place, le rôle et la fonction des comités d’action dans le mouvement de mai 1968. Après avoir expliqué l’origine, la création et la multiplication des comités d’action (par qui, pourquoi et comment) et leur nature, nous voyons en quoi les comités d’action ont influencé le déroulement des événements tout en étant nés avec eux et en subissant leurs effets. En étudiant les données quantitatives (lorsque c’est possible de le faire) et qualitatives, notamment à travers l’étude du vocabulaire des tracts, nous étudions comment ces comités s’organisent (avec notamment l’étude plus spécifique de la coordination des comités d’action), et comment ils tentent de se définir. L’appellation « comité d’action » (dont l’origine reviendrait à Trotski) recouvre, en effet, des réalités très différentes : la perpétuelle ambiguïté des taches qu’ils se fixent reflète l’ambiguïté même de l’action du mouvement étudiant. Le principal mot d’ordre qui réunit les militants et les non-militants dans ces comités d’action c’est, justement, l’action. Les comités d’action ont alors pour but de promouvoir l’action directe sous toutes ses formes, dans la rue, mais aussi dans les Universités et dans les usines. Par là ils sont un reflet de l’ensemble du « Mouvement de Mai » marqué par une dimension essentielle : la volonté d’éclatement, l’effort de jonction avec les usines. Il faut sortir de l’université pour faire la révolution en poussant la classe ouvrière, sans laquelle rien n’est possible. Les comités d’action, « vigies de la Révolution », structures « gauchistes » par excellence pourtant nées du refus de la division groupusculaire de l’extrême gauche révolutionnaire, essaient ainsi, malgré les divergences idéologiques, de travailler en union pour créer, face au pouvoir légal, un pouvoir révolutionnaire. Or cette tentative a échoué, notamment parce que les divergences étaient trop fortes et que la structure même du comité d’action réunissait en son sein les facteurs de l’échec. L’objectif du mémoire est alors de voir en quoi les comités d’action sont un reflet du mouvement de mai, dans tout ce qu’il a de contradictoire. En effet, ils sont à la fois une émanation du caractère spontané du mouvement traversé par l’esprit rousseauiste et libertaire, et une volonté paradoxale de structurer et d’orienter un mouvement pourtant indéfinissable.

CORM Alia, Le tourisme en Italie pendant la période fasciste (1925-1935), Maîtrise [Pascal Ory-Marie-Anne Matard-Bonnuci], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 178 p.

Cette étude a pour objet l’organisation du tourisme international en Italie, de la prise réelle du pouvoir par les faisceaux, jusqu’à la veille de l’entrée en guerre de l’Italie contre l’Éthiopie. Le tourisme international est envisagé de manière quantitative et chronologique. Son étude est faite d’un point de vue économique et politique. Le tourisme est exploité par l’État comme une activité lucrative. Il est aussi perçu comme étant une activité au caractère politique, permettant de banaliser la dictature. Dans le cadre de tensions politiques en Europe, le tourisme permet au régime fasciste de s’exprimer et d’exposer son idéologie. Le tourisme bénéficie d’une croissance importante pendant cette période. En effet, le tourisme, activité internationale et pacifique, se développe en Italie dans le cadre de l’instauration d’un régime autoritaire et expansionniste, le régime fasciste. Cette recherche tente d’analyser les modalités d’insertion du tourisme international dans la propagande fasciste destinée aux pays étrangers, et plus particulièrement à la France. La démarche adoptée est la suivante : dresser tout d’abord un tableau de la perception de l’Italie aux XVIIIe et XIXe siècles qui influence durablement les représentations de ce pays au début du XXe siècle ; puis dans un second temps, d’analyser les apports que le régime fasciste a exercés sur l’activité touristique et leur impact, enfin, dans un troisième temps, il s’agit de mettre en relief les différentes articulations de la propagande touristique fasciste à travers l’analyse de certains médias : presse, radio et livres. Le régime fasciste a su développer les infrastructures nécessaires au développement du tourisme, qui pendant l’entre-deux-guerres ne peut être qualifié de tourisme de masse, mais peut être décrit comme un tourisme quantitatif. Ce régime autoritaire et fermé lui a accordé une importance majeure et s’est énormément préoccupé de la promotion de l’image de l’Italie et de son nouveau régime politique à travers l’encouragement au tourisme international. La question posée par cette recherche est celle du lien entre un régime particulier et inédit en Europe, le fascisme, et le développement de l’activité touristique en Italie. Il montre comment le développement du tourisme international parvient à s’accommoder d’un régime dictatorial, ce qui est confirmé par l’évolution postérieure dans d’autres dictatures (Espagne, Yougoslavie, Cuba, etc.).

DEMONSAIS Bruno, Gavroche, anatomie d’un hebdomadaire socialiste (1943-1948), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 2 vol. 251 p. + 68 p. d’annexes

Cette étude monographique a pour objet l’hebdomadaire Gavroche, créé, fabriqué et distribué clandestinement à partir de mai 1943, avant de paraître officiellement du 9 novembre 1944 au 26 mai 1948. Porté sur les fonts baptismaux par une petite équipe de journalistes proches ou membres du mouvement socialiste dès l’entre-deux-guerres, le périodique associe, dans une formule semblable à celle des hebdomadaires des années vingt et trente (Candide, Vendredi, Marianne), deux types majeurs d’information : le commentaire politique et l’actualité littéraire. Ses deux directeurs successifs, René Lalou, éminent journaliste et critique littéraire, et Jean Texcier, l’un des premiers journalistes clandestins sous l’Occupation, symbolisent la double vocation de cet hebdomadaire socialiste à la Libération. Au moment où un nouveau régime politique s’élabore, où le socialisme semble « maître de l’heure » et où le communisme attire dans sa mouvance nombre d’intellectuels à la conquête du pouvoir littéraire et éditorial, la SFIO comprend la charge qui lui incombe de lancer — en cette période faste pour les publications — un hebdomadaire de vulgarisation culturelle. Relais de l’effervescence artistique de Saint-Germain-des-Prés, support des « nouvelles littéraires » et reflet des polémiques du milieu parisien, Gavroche se trouve par sa double nature (politique et culturelle) au centre des querelles de l’épuration et de la responsabilité des intellectuels (affaire René Lalou). Cette recherche répond également à la volonté de mettre en lumière l’originalité de ce périodique, à la fois héritier des codes d’une formule de presse ancienne (l’hebdomadaire politique et littéraire) et préfiguration du newsmagazine (type Express ou Nouvel Observateur). La réflexion se situe au carrefour de deux angles d’approches : une étude du contenant (maquette ; auréoles des structures de sociabilité qui président à la fabrication de l’hebdomadaire : passages par le Parti socialiste, les journaux socialistes, les publications littéraires, la presse clandestine, les institutions littéraires parisiennes) et une étude du contenu (poursuite du combat pour la libération du territoire atlantisme affiché, promotion d’un nouvel ordre international pacifié ; débats parlementaires, heurts avec les deux adversaires gaullistes et communistes, élaboration d’une « Troisième Force » ; vulgarisation culturelle : critiques artistiques, espace de création, de publication et de débats). Les messages véhiculés par l’hebdomadaire Gavroche visent à mobiliser les militants socialistes, à étoffer leur bagage politique et culturel et à occuper une place privilégiée dans la sphère intellectuelle parisienne, tout en respectant les idéaux assignés par ses fondateurs pendant la Résistance.

HUET Marie-Alice, Alphonse de Chateaubriand : ses idées, ses actions, Maîtrise [Pascal Ory, Patrick Eveno], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 291 p.

Cette étude biographique a pour objet Alphonse de Châteaubriant, fondateur et directeur de La Gerbe, en tant qu’intellectuel collaborationniste. Alphonse de Châteaubriant est un intellectuel de la première moitié du XXe siècle, auteur de romans régionalistes à succès : Monsieur des Lourdines et La Brière, dont le parcours est quelque peu atypique. Dans un premier temps, l’analyse porte sur l’itinéraire et la maturation d’Alphonse de Châteaubriant afin d’essayer de déceler d’éventuelles influences. Ainsi sa famille, sa rencontre avec Romain Rolland, la Première Guerre mondiale qui lui ouvrent peu à peu l’esprit et lui permettent de comprendre ce qui l’entoure. On remarque un tournant dans la vie d’Alphonse de Châteaubriant lorsqu’il fait la connaissance de Mme Castelot puisque cette dernière lui fait découvrir le nazisme auquel il adhère immédiatement. II n’aura de cesse de faire connaître ce régime en France notamment en écrivant un livre sur l’Allemagne nazie : La Gerbe des Forces. Cependant l’ambiguïté de son comportement : sa fuite devant l’avancée allemande en 1940 laisse supposer un refus du régime : il n’en est rien, Alphonse de Châteaubriant remonte dès le mois de juin 1940 pour fonder « son » hebdomadaire collaborationniste, créer des organisations pro-nazis afin d’encourager la collaboration. Dans un second temps la réflexion s’attache à tenter de comprendre les positions politiques, économiques, sociales et idéologiques d’Alphonse de Châteaubriant face aux grandes idéologies du moment : le capitalisme, le communisme et le nazisme. À la lecture de ses différents articles et conférences, ambiguës et brouillons, il ne fait aucun doute que le modèle à appliquer pour redresser la France est celui de l’Allemagne du III Reich. Afin de bien le faire comprendre à ses lecteurs, il n’hésite pas à stigmatiser, extrapoler, mentir sur les deux régimes politiques honnis. Dans un troisième, cette recherche répond la volonté de dégager l’originalité des idées, des références d’Alphonse de Châteaubriant, sur lesquelles il n’existe aucune étude. En effet il n’hésite pas à prôner une révolution, un retour à Dieu…. pour régénérer la France. Alphonse de Châteaubriant va même beaucoup plus loin, puisqu’il ne se gène pas pour dire au gouvernement de Vichy ce qu’il faut faire : COLLABORER et cite des exemples pour étayer ses arguments. Afin de rendre ses propos acceptables, Alphonse de Châteaubriant a recourt à La Bible, à des références historiques et littéraires. II s’agit à travers cette étude de mettre en lumière un intellectuel important de la Collaboration, mais oublié : Alphonse de Châteaubriant, d’essayer de démêler les fils de sa pensée afin de comprendre à quel type de famille d’intellectuel il peut appartenir.

LONGUET Émilie, Un hôpital pendant la Première Guerre mondiale (juillet 1914-février 1919) : l’hôpital de Lariboisière dans la guerre, Maîtrise [Annie Fourcaut, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 221 p.

En juillet 1914, l’hôpital Lariboisière constituait un des établissements hospitaliers les plus performants de Paris. Relevant de l’Administration générale de l’Assistance publique, sa fonction principale était d’accueillir et de soigner les personnes indigentes demeurant dans les quartiers du nord-est de la capitale. Dès le début de la guerre, cet hôpital fut militarisé. De ce fait, il occupa une place particulière dans le système de soin militaire, durant toute la durée de la Première Guerre mondiale et jusqu’en février 1919. Dans quelle mesure le fonctionnement de l’hôpital Lariboisière fut-il bouleversé ? En quoi le quotidien du personnel soignant fut-il affecté par le conflit ? En ouvrant ses portes aux soldats malades et blessés, l’hôpital vit son organisation administrative, ses (infra) structures ainsi que ses activités modifiées. En effet, les autorités militaires souhaitaient que les soldats hospitalisés fussent séparés des civils, considérés comme des foyers de contagion. De plus, la réglementation militaire devait être appliquée au sein de l’hôpital. Cette prépondérance des militaires nous amène à nous interroger sur l’autonomie du service de santé civil. En outre, la guerre engendra de nouveaux besoins sanitaires, notamment dans le domaine des plaies. De ce point de vue, la guerre suscita une amélioration des modalités thérapeutiques, en particulier en chirurgie. L’arrivée des militaires ne ferma par pour autant l’hôpital aux civils. Victimes eux aussi du conflit du fait des pénuries et du rationnement de certaines denrées, leur niveau de santé ne se dégrada que ponctuellement, lors de vagues épidémiques. De plus, les difficultés matérielles touchèrent aussi l’hôpital. Autrement dit, les conditions d’hospitalisation se détériorèrent. Pour autant, l’hôpital continua à assurer ses fonctions traditionnelles, prenant même une part importante dans la réflexion et la promotion de la politique de santé publique engagée par l’État. Par ailleurs, la guerre influença directement le travail du personnel soignant. La mobilisation provoqua le départ de nombreux agents masculins, remplacés en partie par des volontaires peu, voire pas expérimentés. Un certain nombre de mesures fut pris pour pallier ce problème. En outre, leur travail se caractérisait par sa pénibilité. Outre la suractivité, ce personnel, en tant que principal témoin de la brutalité de la guerre, était confronté à des situations traumatisantes. Leur niveau de revenu ne peut expliquer à lui seul leur dévouement. Celui-ci fut largement salué à la fin de la guerre par les instances dirigeantes et le public. La guerre fut donc un moment privilégié de la construction identitaire de ce groupe socioprofessionnel et à plus forte raison de cette institution.

MONTAVILLE Reidun, Le Centre de Formation du Comédien d’Écran (1943-1946), Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 188 p.

La période de l’Occupation tient une place particulière dans l’histoire du cinéma français. Loin d’avoir été amputé par les nombreux départs de prestigieux réalisateurs et acteurs, celui-ci se maintient à un haut niveau de qualité artistique. Selon Marcel L’Herbier, une chose manque, cependant, pour que le cinéma français acquière une valeur encore plus grande : une institution qui forme des jeunes gens à l’interprétation exclusivement cinématographique, et non pas théâtrale comme dans d’autres écoles. Pour en finir avec cette habitude de voir les écrans envahis par des comédiens de théâtre, Marcel L’Herbier décide de créer l’Institut de Formation Artistique pour le Cinéma (IFAC), qui prend le nom de Centre de Formation du Comédien d’Écran (CFCE) en juin 1944. L’IFAC est rattaché à la seule école de cinéma existante, le Centre Artistique et Technique des Jeunes du Cinéma (CATJC), qui est basé à Nice et qui forme à la fois des techniciens et des comédiens. L’IFAC, qui se présente comme la filiale parisienne de la section « comédiens » du CATJC, ouvre ses portes le 23 mars 1943 au 73 rue de Varenne, dans le 7e arrondissement à Paris. La création de ce centre s’inscrit d’emblée dans le programme de réorganisation du cinéma français opéré par le gouvernement de Vichy : Marcel L’Herbier bénéficie ainsi des subventions et du soutien de l’État français, et plus particulièrement du directeur général de la Cinématographie, Louis-Émile Galey. Celui-ci, au courant des revendications de la profession, a tout à fait conscience du manque de professionnalisation des métiers du cinéma. De plus, pour avoir une assise professionnelle bien établie, le CFCE se ménage l’appui des plus grands réalisateurs de l’époque, parmi lesquels Claude Autant-Lara, Louis Daquin, Jean Grémillon et Marcel Carné. Ce projet d’école de cinéma s’inscrit cependant d’emblée dans un cadre beaucoup plus large : Marcel L’Herbier réalise que ce manque atteint également d’autres disciplines telles que la radio, le jazz, le disque… Il projette ainsi, dès 1942, la création d’un « Conservatoire des Arts Nouveaux » destiné à la valorisation de formes d’art jusque-là dénigrées par le monde artistique. Ce projet ne vit toutefois jamais le jour. Le soutien de la direction générale de la Cinématographie amène à se poser la question de l’inscription du CFCE dans la politique globale du gouvernement de Vichy. À première vue, en effet, le CFCE présente les caractéristiques d’une institution d’influence vichyste former et encadrer sont ses mots d’ordre, tandis qu’il accorde une importance considérable, à travers les cours de sport, à la construction d’un physique sain. En réalité, le CFCE s’apparente plutôt à une banale école professionnelle formant les jeunes à un métier où le physique prime. Toutefois, le CFCE ne réussit jamais vraiment à s’imposer dans le milieu artistique : il subit longtemps les effets d’une polémique l’opposant au Centre des Jeunes du Spectacle (futur ENSATT) géré par l’Union des Artistes. Les critiques formulées en 1945 par le président et le secrétaire du Syndicat national des acteurs, qui nient toute spécificité de l’acteur de cinéma et ne comprennent donc pas la raison d’être du CFCE, discréditent celui-ci auprès des instances gouvernementales. En janvier 1946, ferme l’unique école pour acteurs de cinéma ayant eu une reconnaissance institutionnelle.

PÉPIN Caroline, La représentation d’André Malraux, ministre des Affaires culturelles, dans le journal Combat (1959-1969), Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 145 p. + annexes

Combat, quotidien aux ambitions culturelles et caractérisé par sa liberté de ton et la fougue de ses jeunes journalistes suit avec beaucoup d’attention la création du premier ministère des Affaires culturelles et de sa politique. Confiants et impatients, les journalistes se mobilisent, par le biais d’articles élogieux sur l’institution et sur son responsable, pour que le ministère, dont la survie n’est pas assurée, perdure. André Malraux apparaît, en effet, comme le premier atout du ministère. Aventurier, militant antifasciste, combattant dans les brigades internationales en Espagne, résistant, Malraux est la figure même de l’intellectuel engagé. Mais, Combat, retient surtout que c’est un artiste qui prend la tête du ministère : l’auteur de La Condition humaine, le réalisateur de L’Espoir, artiste qui plus est, a mené une réflexion sur l’Art (La métamorphose des dieux, Les voix du silence). Les journalistes espèrent voir Malraux marquer une rupture radicale avec la politique des Beaux-Arts. Ils confrontent leur conception de l’action culturelle avec celle de Malraux, s’accordent sur la nécessité d’une démocratisation culturelle, sur l’exigence de qualité, et s’opposent sur la question de la culture populaire. Mais, une fois en place, le ministre n’est pas toujours à la hauteur de leurs espérances. La politique du patrimoine et la mise en place des maisons de la culture sont très bien accueillies, mais les crises du théâtre et de l’Opéra, la tardive mise en place d’une politique musicale et la délicate question de la censure donnent lieu à des articles sévères et virulents à l’égard des Affaires culturelles, de leur ministre ou même de l’État. Car au-delà de la critique ou de l’approbation de l’action ministérielle, les journalistes interrogent la politique culturelle, sa conception, ses capacités à réaliser les ambitions fixées par André Malraux, le système ministériel et la place de la culture dans l’État. « Mai 68 » balaye toutes ces réflexions en contestant et remettant en cause la politique gaullienne et donc la politique malraucienne. L’« affaire Langlois », la dernière grande bataille de Combat les avait déjà ébranlées. Paradoxalement, André Malraux au nom de son passé révolutionnaire et du contenu de ses romans est appelé à rejoindre le mouvement. Son silence est très vivement critiqué et discrédite sa politique. Il quitte la vie politique sur les pas du général de Gaulle dans le silence le plus complet. Le ministre des Affaires culturelles est victime de sa légende. Toutes les polémiques que connaît le ministère des Affaires culturelles, entre 1959 et 1969, montrent que Combat ne sait pas distinguer l’écrivain du ministre, le révolutionnaire des années trente du chantre du gaullisme.

ROUSSARIE-SICARD Nathalie, Hommes et femmes devant les cours de justice de la Seine : juin 1946-novembre 1947, Maîtrise [Claire Andrieu, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 148 p.

L’évocation de la collaboration et de l’épuration provoque aujourd’hui encore beaucoup de questions. Pourquoi ? Ils sont des milliers d’hommes et de femmes à avoir été jugés par les Cours de justice de la Seine. Qui étaient ces gens ordinaires, dont personne ne connaissait le nom et qui n’auraient pas dû sortir de cet anonymat, s’ils avaient vécu à une autre époque ? À partir de quelques registres d’arrêts de ces Cours, entre juin 1946 et novembre 1947, nous avons sélectionné des dossiers individuels, mais en choisissant ceux qui comprenaient des hommes et des femmes condamnés à propos de leur engagement commun dans un fait relevant de l’accusation de collaboration, pour mettre en évidence la relation des uns et des autres dans ces circonstances particulières. Après avoir observé, d’abord, comment fonctionnaient les Cours de justice, nous avons cherché à savoir qui étaient ces gens, de quoi ils étaient accusés et à quoi ils étaient condamnés. En nous appuyant sur l’étude des dossiers individuels et à partir d’exemples précis, nous avons recherché ensuite comment et pourquoi ils avaient choisi la collaboration, comment fonctionnait un réseau de renseignements français au service de l’Allemagne, enfin nous avons étudié leurs comportements et les répercutions sur leur vie personnelle ou familiale. Nous y avons trouvé des femmes hors normes, des hommes qui avaient perdu leurs repères, une société à la dérive. Au-delà des sentiments de répulsion, ou de pitié qu’ils inspirent, ii nous a semblé utile d’essayer de les écouter, même si le choix des Archives judiciaires incite à une certaine prudence dans les conclusions que nous pouvons en tirer.

SNAIEDEN Raphaël, Mémoire, pratique, enjeux et discours autour de la commémoration de la Commune de Paris de 1938 à 1967 à travers le PCF et la SFIO, Maîtrise [Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 2 vol. 191 p. et 191 p.

La Commune de Paris, bien que de courte durée, marquera durablement le mouvement ouvrier et la conscience des travailleurs de nombreux pays. Les premières cérémonies en hommage à la Commune de Paris apparaîtront dès les années 1880. Dans le courant de la fin du XIXe et d’une grande partie du XXe siècle, la mémoire communarde sera célébrée sous différentes formes par de nombreux partis de « gauche ». Toutes organisations se revendiquant du socialisme, dans son sens le plus large, se devaient de participer à l’hommage rendu annuellement aux communards devant le Mur des Fédérés. L’absence d’une d’entre elles pouvait être considérée comme une profonde trahison, du moins durant des périodes de fortes mobilisations ouvrières. La Commune de Paris dégageant un très fort pouvoir évocateur, les organisations commémorant la Commune se voyaient facilement conférer la légitimité de son histoire et de ses symboles. Nous nous sommes efforcés d’approcher la mémoire de la Commune de Paris autour des pratiques, enjeux, et discours tenus par le PCF et la SFIO entre 1938 et 1967. Au regard de trente ans de commémoration de la mémoire communarde, de nombreuses évolutions surgiront, tout autant au niveau des lectures attribuées à l’événement révolutionnaire, que des pratiques commémoratives ou des forces mobilisées lors des manifestations d’hommages. Chargée d’une histoire et d’une symbolique forte, la mémoire de la Commune de Paris attisera les passions. Face à la volonté de certaines organisations de gauche d’apparaître comme dépositaire de cet héritage si convoité, surgiront, des conflits ouverts ou sous-jacents d’appropriation de la mémoire communarde. Le Mur des Fédérés restera l’immuable lieu de la commémoration communarde. Au gré de l’évolution de la vie politique, le PCF et la SFIO défileront unitairement ou séparément en ce lieu chargé d’histoire. D’autres lieux mémoriels s’imposeront aussi dans le Tout-Paris. Les représentations que le PCF et la SFIO feront de la Commune seront évolutives et changeantes. Les Commémorations de la Commune s’inscrivant toujours dans des luttes au présent, les analyses liées à la Commune de Paris, pour chaque période donnée, seront à l’image des lignes politiques menées par chacune des deux principales organisations de gauche. La forte proximité ressentie des communistes avec l’expérience communarde accordera au PCF une légitimité historique lui permettant de se présenter plus facilement comme dépositaire de l’expérience révolutionnaire de 1871. La SFIO oscillant entre apparente fidélité et abandon mémoriel, se revendiquera-t-elle aussi de l’héritage communard. Tiraillée entre un hommage sincère et une apparente volonté d’appropriation, la mémoire communarde restera cependant immuablement commémorée.

TOPART Alexandra, Témoignages et Documents (janvier 1958-avril/1963) : un journal semi-clandestin militant contre la guerre d’Algérie, Maîtrise [Claire Andrieu, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 166 p.

Témoignages et Documents est un journal semi-clandestin paru de janvier 1958 à avril 1963. Il a été créé pour répondre à la censure mise en place par le gouvernement français pendant la guerre d’Algérie et republier les textes interdits. Ses membres sont issus de toutes les tendances de l’opposition à la guerre : un grand nombre d’intellectuels, de chrétiens et de militants des divers partis de gauche participent au journal. Une scission importante se produit au sein du comité de patronage privant le journal d’une partie de ses soutiens. Témoignages et Documents proteste contre la guerre d’Algérie et milite pour une paix négociée : il publie des textes dénonçant la torture et les atteintes aux droits de l’homme, prône le respect des valeurs républicaines et de la démocratie en France et en Algérie, mais refuse de s’associer aux réseaux de soutien au FLN. Le journal est l’organe du Centre du Landy qui organise meetings et manifestations en vue de développer un mouvement d’opposition à la guerre et de toucher l’opinion. Mais Témoignages et Documents est une revue en marge qui doit faire face à la multiplication des saisies et des inculpations : elle forme avec VéritéLiberté, issu de la scission du comité de patronage de Témoignages et Documents, ce qu’on appelle la presse parallèle. Ces journaux circulent en dehors des grands circuits officiels de distribution et leur audience reste donc très limitée. L’originalité de Témoignages et Documents repose sur sa manière de présenter les thèses des militants anticolonialistes : les dirigeants du journal publient toutes les prises de position contre la guerre sans jamais émettre d’avis en leur nom propre afin de rassembler les pacifistes et de former une opposition unie face à la guerre et à la raison d’État.

VERGER Jérémie, l’École émancipée de la Libération à l’autonomie de la fédération de l’éducation nationale (1944-1948), Maîtrise [Claude Pennetier, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 175 p.

Le travail effectué traite du syndicalisme enseignant. Il s’inscrit dans la récente histoire des tendances, spécificité structurelle du syndicalisme enseignant en France. L’Ecole Emancipée est le groupement syndical le plus ancien chez les enseignants, héritier du syndicalisme révolutionnaire et l’organisation en tendances est une de ses revendications. La motion Bonissel-Valière (mars 1948) en est un bon exemple ; c’est elle qui fait passer la Fédération de l’Éducation nationale dans l’autonomie et qui règle son régime intérieur. Ce texte de compromis avec la majorité réformiste est largement inspiré par Marcel Valière, dirigeant de l’École Émancipée. L’étude se développe en trois temps : l’analyse du processus de reconstruction de la tendance, la caractérisation de la mémoire véhiculée par l’École Émancipée et de sa place dans le système syndical français. La tendance se disloque pendant la Seconde Guerre mondiale. L’étude de sa reformation à la Libération permet d’éclairer le processus de formation d’une tendance : le rôle des réseaux de sociabilité ainsi que l’évolution de l’implantation militante sur le territoire et selon les générations. Derrière l’apparente stabilité, l’arrivée de jeunes militants du Parti communiste internationaliste est importante, renforçant en particulier les groupes de la Seine et du Rhône. Néanmoins, la cohérence du groupe ainsi reformé est également reconstruite et garantie par la revendication d’une identité spécifique. Le discours unificateur véhiculé s’appuie sur l’histoire de l’Ecole Emancipée et en fait l’héritier des pionniers du syndicalisme enseignant et de la Fédération unitaire de l’Enseignement, c’est-à-dire la mémoire légitime du syndicalisme enseignant. L’héritage revendiqué de la diversité idéologique de la tendance et de l’importance qu’elle accorde à la pédagogie commence cependant à être remis en cause par les jeunes militants trotskystes. Enfin, le dynamisme de la tendance se traduit par son activité revendicative. L’analyse du système revendicatif, c’est-à-dire le positionnement adopté face aux grandes questions d’actualité comme le statut de la Fonction publique ou la réforme de l’enseignement, permet de déterminer la place de l’École Émancipée par rapport aux deux autres grands courants de pensée : les réformistes, majoritaires dans la FEN, et les partisans de la majorité confédérale, plus proches du Parti communiste. À ce titre, le lancement du journal Front ouvrier par Marcel Pennetier apparaît comme une tentative de rassemblement des syndicalistes révolutionnaires afin qu’ils fassent entendre leur voix au sein de la CGT, de la période de la « bataille de la production » au déclenchement de la Guerre froide. Il s’agit en effet de rendre compte du choix par l’École Émancipée de l’autonomie fédérale, traditionnellement interprétée comme un corporatisme.

VON KUNSSBERG Pauline, Mon Quotidien, « seul journal pour les 10-14 ans qui paraît tous les jours », neuf ans d’actualité au jour le jour, 1995-2004, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 224 p.

Cette étude monographique a pour objet le périodique Mon Quotidien lancé définitivement le 5 janvier 1995. Premier quotidien pour les enfants en France et dans le monde (hormis au Japon), il est publié par le groupe Play Bac et diffusé uniquement par abonnement. L’enjeu de la recherche consiste en un dégagement de l’originalité du support dans le paysage de la presse jeune d’actualité du XXe siècle, grâce à une mise en perspective partant de Benjamin (1929), jusqu’à ses contemporains hebdomadaires Le Journal des Enfants (1984) et Les Clefs de l’actualité junior (1995). Mon Quotidien incarne une nouvelle évolution dans cet horizon dont il bouleverse les modèles par sa périodicité inédite. La réflexion se situe au carrefour des efforts conceptuels innovateurs et de leur mise en application au cœur du journal, carrefour dont le lecteur se fait le gendarme. En effet, le journal étant inspiré et destiné à l’enfant, ce dernier se constitue comme le pivot des mécanismes d’élaboration et de diffusion. L’analyse procède à la mise en valeur des ces rouages par l’association des approches structurelles formelles du support (révélatrice des ambitions rédactionnelles), et du contenu, vecteur de ces ambitions. Il s’avère que celles-ci ne sont pas simplement d’ordre rédactionnel, mais bien aussi culturel. Le journal, s’appuyant sur des atouts formels indéniables, entend pénétrer les cadres de sociabilité de son public (l’école et la maison), et imprégner ses mœurs d’une pratique régulière (chaque jour) et régulée (dix minutes) de la lecture. Il s’agit de cerner ce phénomène nouveau, intervenant dans le paysage de la presse jeunesse française, d’amont en aval, de sa gestation à sa réception, afin d’élaborer un questionnement à la fois sur ses conditions de possibilités (matérielles et économiques, mais aussi culturelles) et sur sa validité (succès commercial, mais aussi impact sur les usages). Support d’une politique éditoriale nouvelle d’une presse non plus seulement vectrice d’informations, mais d’une pratique particulière de la lecture, Mon Quotidien et ses pairs pourraient aussi modéliser un lecteur idéal pour une presse quotidienne nationale en crise.

WEIS Cédric, Jeanne Halbwachs-Alexandre : une stalinienne dans la mêlée, Univ. Paris 1, 2004, 234 p.

Jeanne Halbwachs-Alexandre (1890-1980), agrégée de lettres (1913) et professeur de philosophie (1916-1955) est l’une des principales figures du pacifisme intégral des années 1930. Sœur du sociologue Maurice Halbwachs et ancienne élève d’Émile Chartier, dit Alain, elle s’intègre très tôt au groupe des étudiants socialistes révolutionnaires, adhère à la SFIO en 1914 et milite aux côtés de Maria Vérone à la Ligue des femmes pour le droit des femmes (LFDF). Dès cette époque, le féminisme de Jeanne Halbwachs est résolument tourné vers la paix, si bien qu’il s’éclipse avec l’entrée en guerre qui voit la majorité des femmes militante rejoindre l’Union sacrée. La Grande Guerre, révélatrice de sa combativité et de la radicalité de son pacifisme, la voit collaborer, entre 1916 et 1917, à l’un des quotidiens de la minorité socialiste favorable à la paix, Le Populaire du Centre. Avec Michel Alexandre, qu’elle épouse en août 1916, elle rédige en novembre 1915, au nom de la section française du Comité international des femmes pour la paix permanente (CIFPP), la « scandaleuse » brochure Un devoir urgent pour les femmes, et s’associe à la création de la Société d’études documentaires et critiques sur la guerre. À partir de 1917, le couple quitte le Parti socialiste, s’éloigne de Paris et de la Ligue des droits de l’homme. Tout au long de l’entre-deux-guerres, il participe activement à la publication des Libres propos, revue associant la pensée d’Alain à celle de ses disciples, et consacré en grande partie à l’expression de leur pacifisme. Jeanne Alexandre s’investit largement dans cette aventure, et son engagement auprès des femmes s’en trouve diminué. Par-delà la continuité perceptible de son pacifisme entre 1914 et 1939, nous verrons l’importance qu’elle accorde à la question sociale, la permanence de son humanisme, et essaierons de montrer dans quelle mesure ils sont à rapprocher de la conduite radicale de son combat pour la paix.

2003

AHN Hyun-Bae, L’utilisation du terme « anarchisme » dans l’Humanité avant la Première Guerre mondiale, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003

Les anarchistes sont parfois considérés, d’une façon très sévère, comme terroristes par la Droite, et comme extrémistes, qui entravent les activités de la Gauche. Du point de vue socialiste, comment l’identification ou la définition de l’anarchisme ont-elles évolué ? Les socialistes ont comme point commun avec les anarchistes de protéger les droits des ouvriers, de revendiquer la réforme et de critiquer la politique du gouvernement, mais les socialistes se veulent agir dans un cadre légal et parlementaire, contrairement aux anarchistes, qui agissent dans l’illégalité et l’antiparlementarisme. De ce fait, les socialistes montrent une sorte de confusion dans leurs comportements face aux anarchistes, en les traitant tantôt comme des alliés, tantôt comme des ennemis. Avec l’oppression plus directe de l’anarchisme par l’État, les socialistes ont pour objectif de présenter leurs opinions, leurs idées sous forme d’une lutte légale, soit au sein du Parlement, soit auprès de la presse, soit par le biais des grèves, tout en refusant d’être identifiés aux anarchistes. Le terme « anarchisme » apparu dans L’Humanité, la presse représentative des socialistes de cette époque-là, ne peut être utilisé que dans un sens négatif afin de marquer une identité clairement différenciée des anarchistes. Depuis la création du journal socialiste, L’Humanité, jusqu’avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale le terme « anarchie » est utilisé d’abord en un stéréotype négatif, comme chaos, désordre, etc. tout en perdant son sens idéologique originel. Il en est fait aussi une utilisation plus neutre comme dans les articles de Niel, fidèles à la charte d’Amiens, qui disent que le syndicat n’appartient ni aux socialistes, ni aux anarchistes, mais seulement aux ouvriers, ou dans les opinions de Bracke et de ses amis qui prétendent que les ouvriers doivent se rallier aux socialistes, en minimisant la montée du pouvoir des anarchistes au sein du syndicat. Enfin, L’Humanité montre la volonté de coopération de tous les membres de gauche, y compris les anarchistes et les syndicalistes révolutionnaires, pour l’émancipation sociale des ouvriers.

ATTRAZIC Lionel, Les éditions Copernic : 1976-1982 : « des livres pour la bataille des idées », Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 166 p.

En octobre 1976, des militants du Groupement de recherche et d’étude pour la civilisation européenne (GRECE) fondent les éditions Copernic. Conformément à sa stratégie métapolitique qui privilégie le combat culturel et doctrinal, le GRECE se dote d’un nouveau moyen de diffuser ses idées. Après les revues — Nouvelle École, Éléments ou encore Nation Armée — et l’entrisme dans la presse conservatrice — Le Spectacle du Monde, Valeurs Actuelles — la Nouvelle droite décide de publier des livres. Les militants du GRECE ont-ils réussi à faire de cette nouvelle structure un véritable instrument métapolitique ? Par instrument métapolitique, nous entendons un outil permettant de favoriser le débat d’idées tout en proposant des livres conformes à une certaine « culture de droite ouverte aux sciences biologiques, élitiste, européenne et germanophile, anti- judéo-chrétienne, tournant le dos au marxisme tout en se proclamant gramscisme de droite » pour reprendre la formule d’Anne-Marie Duranton-Crabol (« Alain de Benoist », in Dictionnnaire des intellectuels français, Paris, Le Seuil, 1996). Ce mémoire s’attache donc à répondre à cette double interrogation en examinant dans une première partie la manière dont la nouvelle maison d’édition est utilisée par ces concepteurs notamment en connexion avec le Figaro dimanche — supplément hebdomadaire du Figaro — où des militants grécistes disposent d’une tribune importante et du soutien sans faille de Louis Pauwels, son dirigeant. Cette synergie leur permet de mener quelques actions métapolitiques réellement efficaces, mais très éphémères – quelques mois. Dans une seconde partie, nous étudions le catalogue en montrant que les dirigeants de Copernic arrivent difficilement à maintenir un cap idéologique résolument gréciste. Enfin, dans une troisième partie nous recherchons les causes de cet échec : essentiellement l’adéquation Hachette-Copernic ainsi que les choix stratégiques trop aventureux de certains leaders du GRECE. Dans ce dernier chapitre, nous dépassons le simple cas des éditions Copernic — qui cessent définitivement de fonctionner en 1982 — pour essayer de mesurer la véritable place de la Nouvelle droite dans le paysage intellectuel français. Nous montrons notamment qu’elle n’est pas parvenue à transformer la sympathie qu’elle suscitait chez de nombreux intellectuels en une franche collaboration.

BRIE Julie de, Le Monde et la représentation des extrêmes gauche trotskystes, de 1968 à nos jours, Maîtrise [Claude Pennetier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 169 p.

La représentation des organisations qui se réclament du trotskysme a changé : Arlette Laguiller au lieu d’incarner une « Vierge Rouge », nouvelle Louise Michel, devient la « sœur Emmanuelle des banlieues et des usines closes ». Tout en se limitant aux mouvements trotskystes « dans un seul pays », ce travail vise à éclairer l’évolution de la représentation de trois formations emblématiques du trotskysme français dans la presse nationale et plus précisément dans le journal Le Monde. Les trois organisations prises en compte sont : le Parti des Travailleurs, la Ligue communiste révolutionnaire et Lutte ouvrière qui composent en France la face émergée de l’iceberg et sont rassemblés systématiquement notamment dans le traitement rédactionnel de la presse nationale. La perception des mouvements d’extrême gauche trotskystes par Le Monde est sujette à évolution. Elle fluctue et passe par trois grandes phases majeures qui ont été délimitées en fonction du traitement médiatique des trois principales organisations trotskystes. Les différentes étapes de représentation du quotidien ont été délimitées grâce à des forages dans le temps, lors des échéances électorales ou de moments médiatiquement forts de la mouvance trotskyste. En 1968, ces « nouveaux venus » pour les médias sont extrêmement délicats à cerner. Leur irresponsabilité politique, leur comportement incohérent sont souvent mis en exergue. Aux élections présidentielles de 2002, ils sont considérés comme des partis comme les autres, ou presque. Entre ces deux échéances, Le Monde se familiarise avec ces entités idéologiques et politiques non-conformistes, évolue, se transforme, de même que l’opinion publique, tandis que les organismes trotskystes entament un processus d’intégration au cœur d’un système politique qui, à l’origine, n’est pas le leur. Le produit trotskyste déclassé se vend de mieux en mieux aux rayons de la politique. Il devient un élément à part entière de la culture française. Sans aller jusqu’à parler de campagnes de presse favorables, les trotskystes ont bénéficié d’une certaine sympathie de la part du quotidien. Si les « tendances gauchistes », les groupuscules fanatiques des années soixante sont aujourd’hui présentés comme des partis politiques responsables et des alliés potentiels pour les formations politiques traditionnelles, Le Monde y est pour beaucoup. Certes, le comportement des formations elles-mêmes a beaucoup évolué, mais la succession de générations de journalistes dans l’histoire de la représentation des trotskystes est très importante pour comprendre l’évolution du regard porté et celle de l’opinion. Par nature, origine et structure, ce sont des mouvements qui se prêtent difficilement à une analyse scientifique, car ils se sont formés dans la tradition du cloisonnement et du secret. Aussi la presse a-t-elle une certaine tentation simplificatrice, celle de faire une analyse schématique et réductrice portant un jugement globalisant bientôt caduque. Le mérite du Monde est d’avoir voulu, dès le début, sortir de cette relation simpliste et d’avoir tenté patiemment de comprendre et de donner à comprendre les trotskystes, leur comportement et leur base sociale et politique. À la fin de la période, chaque partie s’emploie à apprivoiser et se servir de l’autre. Au point que l’on peut se demander qui, au terme de trois décennies, des trotskystes ou de la presse, a fait le plus de progrès dans la connaissance de l’autre.

BRINON Julie, La collection Rivages/Noir, du policier à la singularité, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 2 vol. : 188 p. et 20 p.

Ce travail cherche à positionner la collection Rivages Noir au sein de la littérature policière. Créée en avril 1986, elle se démarque dès le début par un graphisme qui rompt avec le style traditionnel des livres policiers, cherchant par ce procédé à cibler un public exigeant. Étudier sa formation, les auteurs et les œuvres qui la composent permet de mettre en exergue sa politique éditoriale fondée sur des orientations précises et différentes des autres collections policières. Composée à son début d’auteurs américains, elle s’élargit progressivement aux auteurs français et européens tout en privilégiant quatre auteurs phares : Jim Thompson, Robin Cook, Donald Westlake et James Ellroy. Elle innove par ses orientations en proposant aux lecteurs de suivre les auteurs sur la durée, ainsi que des œuvres inédites, intégrales et traduites par des professionnels. En cela, elle rompt avec des principes de publication bien établis dans l’édition policière. La collection accomplit également un travail éditorial en faisant redécouvrir des auteurs oubliés comme David Goodis ou Jim Thompson, des auteurs en mal de succès tels que Janvillem Van de Wetering et William Mac Ilvanney, et en publiant de nouveaux auteurs ayant une thématique nouvelle, à l’image de George Chesbro et Tony Hillerman. Composée essentiellement de romans noirs, la collection Rivages Noir se singularise aussi par la publication d’ouvrages qui se situent à la limite du genre tels que Noir comme le souvenir de Jonathan Latimer, et des œuvres qui se situent au-delà de la frontière du policier, comme Mémoires vives de Robin Cook.

BUGNON Fanny, Repopulateurs et réduction volontaire des naissances : un exemple notoire du discours antiféministe, France, 1918-1923, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 155 p.

Au sortir de la Première Guerre mondiale, un discours angoissé traverse la société française : la France serait menacée par la faiblesse de sa natalité. Ceux que l’on qualifie de « repopulateurs » — ou repopulationnistes — agitent cette menace depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, derrière leur chef de file, le Dr Jacques Bertillon. À l’origine issu de la bourgeoisie, ce courant connaît, après quatre années de guerre, un essor nouveau. Porté par les déficits démographiques, il trouve un nouvel écho auprès des classes dirigeantes, transcendant les couleurs politiques. La situation politique de la France est d’ailleurs favorable au message repopulationniste, le Bloc national ne se distinguant pas pour son progressisme avant-gardiste. En cette période de moralisme autoritaire, la question de la faiblesse de la natalité relève du tabou de la sexualité, territoire considéré comme masculin. Les femmes et leurs pratiques sexuelles sont placées au centre du discours des repopulateurs. Ce discours s’inscrit dans une dynamique antiféministe, dans le sens où il récuse l’idée que des femmes puissent se soustraire à la norme maternelle qu’il défend. Le contrôle de la sexualité devient ainsi un enjeu majeur pour les repopulationnistes. L’angoisse qui domine le courant repopulateur au début des années 1920 est celle d’un déclin du pays, rongé de l’intérieur par les antipatriotes qui ne sont pas les géniteurs d’une famille nombreuse, et menacé à l’extérieur pas une Allemagne revancharde à la natalité forte. La natalité est effectivement considérée comme l’indice de force et de vitalité d’un pays, la force du nombre en somme. Les repopulateurs livrent ainsi des propos alarmistes, apocalyptiques sur l’avenir de la France. Le caractère obsessionnel de la natalité illustre l’état d’anxiété des mentalités, état découlant directement des modifications sociales occasionnées par la guerre. Le conflit a en effet occasionné un brouillage des identités féminines et masculines traditionnelles, les femmes occupant des espaces habituellement dévolus aux hommes, mais, dans le même temps, renforçant la hiérarchie des sexes entre les soldats, figure patriotique masculine par excellence, et les femmes, cantonnées pour la plupart à l’arrière. À cette perturbation des rôles et des espaces traditionnellement définis comme masculins ou féminins répond une peur du désordre et de l’inversion des genres. Les repopulateurs participent activement à la diffusion de ce message en brandissant, comme remède moral et démographique, la figure de la mère de famille. En ces temps de reconstruction, la mère est présentée comme l’incarnation du patriotisme de la paix, continuation du patriotisme guerrier et viril des hommes. Le patriotisme s’impose comme la valeur refuge, pendant que parallèlement, la famille et surtout la natalité sont présentées comme des enjeux nationaux fondamentaux. Il s’agit de défendre la dichotomie sexuelle, convaincue d’une division « naturelle » qui obéirait à des arguments scientifiques. Les repopulateurs s’emploient ainsi à exalter la maternité, à valoriser cette spécificité féminine, se fondant sur l’idée d’un déterminisme biologique. Parce qu’elles possèdent un utérus, les femmes sont prédestinées à la maternité. Ce discours offre une vision profondément conservatrice de la place des femmes dans la société française des années 1920. Parce qu’il défend les valeurs familiales et sexuelles traditionnelles, parce qu’il ne considère les femmes que sous l’angle de la maternité, ce discours se révèle profondément antiféministe puisqu’il nie toute possibilité d’identité féminine en dehors de la maternité. C’est ici que les pratiques anticonceptionnelles et abortives concentrent les accusations des repopulateurs. En effet, ces pratiques se révèlent constituer un problème politique important, fondamentalement révélateur des enjeux des rapports entre femmes et hommes. Alarmés par la diffusion de ces méthodes dans toutes les couches de la société française, les repopulationnistes focalisent leurs angoisses et leurs accusations sur ce qu’ils ne peuvent contrôler. Ils en profitent pour stigmatiser les mouvements féministes, les accusant de connivence avec les néo-malthusiens, partisans de la limitation volontaire des naissances, voire d’être à l’origine de la diminution de la natalité. Cet amalgame démontre le caractère manipulateur des thèses repopulationnistes puisque sont volontairement occultées les positions majoritairement conservatrices en matière de sexualité des mouvements féministes de l’époque. Véritable bouc-émissaire, le féminisme est accusé de tous les maux dont souffre la société française des années 1920. Les repopulateurs manifestent ainsi au grand jour l’antiféminisme qui les anime. L’émancipation féminine, quelle qu’en soit la forme, est perçue comme une menace sociale puis qu’elle pousserait les femmes à fuir, à « déserter » la maternité. Les repopulateurs parviennent alors, grâce à leurs infiltrations dans le monde politique, à impulser la mise en place d’une nouvelle législation plus répressive en 1920, la création d’instances spécifiques à la question de la natalité, les prémisses d’une politique incitative et honorifique. L’ambition des repopulateurs est de pénétrer dans l’intimité des Français et de régenter leurs pratiques sexuelles. Dans une société où la bienséance sexuelle est clairement définie et déterminée selon que l’on soit homme ou femme, les moyens de réduction des naissances constituent une menace envers le pouvoir et les positions masculines puisqu’elles proposent un arbitrage de la sexualité et des rapports sociaux de sexe différent, menaçant les privilèges sexuels masculins. Perçue par les repopulateurs comme sérieuse, cette menace déclenche donc logiquement les foudres antiféministes. La position des repopulationnistes en matière de sexualité illustre leur incapacité à concevoir et à admettre des évolutions allant dans le sens de la liberté individuelle, hypothèse d’autant plus rejetée qu’elle concerne les femmes.

CHARPENTIER Émilie, Spectateur, vous avez la parole ! : le courrier des lecteurs dans Cinémagazine et Mon Ciné, Maîtrise [Pascal Ory, Christian-Marc Bosséno], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 227 p.

Cinémagazine (1921-1935) et Mon Ciné (1922-1937) sont deux magazines cinématographiques pour le grand public. Très peu étudiés par l’historien, ils ont davantage été utilisés comme complément d’information. Leur témoignage constitue pourtant un important champ de recherche pour l’histoire du cinéma de l’entre-deux-guerres. D’une part, car ils participent, pendant les années vingt, à l’accession du cinéma au rang de loisir de masse (en « couvrant » notamment le passage au parlant) ; d’autre part, parce que derrière leur aspect de fan magazine, entièrement dévolu au culte des stars, ces magazines œuvrent pour une vulgarisation massive du cinéma. L’étude de ces magazines se voulait, au préalable, comparative, mais finit par dégager une ligne éditoriale commune, caractéristique de la presse cinématographique « populaire » des années vingt (dont Cinémagazine et Mon Ciné ne sont que deux exemples), dans laquelle le courrier des lecteurs joue un rôle fondamental. Le choix d’axer cette analyse spécifiquement sur la rubrique du courrier s’ancre dans un débat historiographique contemporain, qui s’interroge sur la place du spectateur aux débuts du cinéma, c’est-à-dire en somme jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. De ces spectateurs encore largement méconnus, le courrier des lecteurs ne dresse pas un portrait formel, la source étant très imparfaite, codifiée et à manier avec précaution, mais livre des pistes, des indices et des questionnements, jamais exploités, et dont l’apport historique est pourtant indéniable. Parallèlement aux études sur le phénomène cinéphilique, compris dans sa dimension élitiste, le courrier des lecteurs de Cinémagazine et de Mon Ciné permet d’aborder une nouvelle tranche du spectatorat, beaucoup plus large, davantage fan que cinéphile (encore que…). Il s’agirait, en quelque sorte, de rééquilibrer une histoire du public cinématographique, composante essentielle d’une histoire culturelle du cinéma, en tentant notamment de rendre à ces lecteurs-spectateurs la parole.

CHÉREAU Claire, Liam O’Flaherty : l’expérience de la marginalité et la crise identitaire, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 2 vol. 172 p.+ annexes

L’histoire culturelle de l’Irlande passe par l’étude d’écrivains Irlandais contemporains des événements qui ont bouleversé le destin de l’Irlande, comme Liam O’Flaherty. Ce dernier a pris part à certaines de ces journées historiques. Il s’est battu pendant la guerre d’Indépendance et la guerre civile. Son œuvre consiste en partie à écrire l’Histoire de l’Irlande sous forme romancée depuis la Grande Famine du milieu du XIXe siècle jusqu’à la guerre civile, sous la forme d’un cycle de plusieurs romans. L’autre partie de son œuvre est constituée de nouvelles qui nous montrent les traditions ancestrales de la culture Irlandaises, et certains problèmes récurrents en Irlande comme l’exil. L’œuvre de Liam O’Flaherty, en plus de comporter une dimension historique, porte en elle une part d’autobiographie. Il a écrit des bribes de son histoire personnelle dans ces récits de l’Histoire, ce qui est rendu crédible par un style réaliste hérité à la fois des romanciers français du XIXe siècle, et des écrivains russes de la même époque. L’aspect autobiographique de ses romans et nouvelles nous montre la place marginale qu’il occupait par rapport à un pays où le nationalisme est très fort et où l’Église Catholique Irlandaise possède des pouvoirs matériels, en plus des pouvoirs spirituels qui lui incombent. En effet, Liam O’Flaherty a d’abord été communiste, engagement qui était méprisé par la majorité des Irlandais, ce qui incluait qu’il était agnostique voire athée, dans un pays où la religion est très forte et imprègne la vie quotidienne du peuple. L’athéisme provoque le rejet par la population qui était très superstitieuse à l’époque et très croyante. Liam O’Flaherty a multiplié les choix, les engagements qui l’ont conduit à être relégué au statut de paria et à devoir s’exiler en Angleterre et aux États-Unis jusqu’en 1953. La fin de sa vie est marquée par des revirements de positions et d’engagements d’un extrême à l’autre. Il est passé du communisme au nationalisme, et d’une production de livres considérables au néant littéraire. Les questions que nous nous posons concernent les raisons et les causes de cette place marginale de Liam O’Flaherty dans la société Irlandaise, et un autre élément marquant de sa vie et de sa personnalité : la mélancolie aiguë qui semble conditionnée beaucoup d’événements de sa vie.

CHIRACHE Emmanuel, Les représentations de la Révolution française dans la presse d’extrême droite (1936-1939), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 176 p.

De 1936, date où le Front populaire accède au pouvoir, à 1939, date du Cent-cinquantenaire de 1789, la Révolution est plus que d’actualité. Or, qui commente et fait l’actualité à cette époque si ce n’est la presse, et en particulier celle de l’extrême droite ? La masse des articles sur la Révolution, la fréquence des allusions à son égard, la richesse et la variété des opinions à son propos, dont regorge cette presse, offrent ainsi l’opportunité unique de saisir les contours d’une culture politique ambiguë. En confrontant leur discours à la Révolution, les journalistes d’extrême droite se trouvent en effet dans l’obligation d’affirmer leurs valeurs, de radicaliser leurs convictions, de dévoiler leurs hantises et leurs contradictions avec une crudité qu’ils ne soupçonnent pas. Ils croient ingénument faire l’histoire de la Révolution pour en dégager sa substance, ignorant que cette histoire est aussi un miroir, qui nous renvoie leur propre image. Sa pratique de l’histoire, la presse nationaliste la prétend qui plus est savante, donc neutre et apolitique, contrairement à la gauche, qui colporte la légende et les mythes de la Révolution, sans une once d’esprit critique. S’ils s’accordent sur l’idole à détruire, en revanche, nos journalistes se divisent sur les voies à emprunter, certains recommandant une histoire scientifique, dépassionnée, nuancée, d’autres, à l’inverse, prônant une histoire plus proche de la mémoire, plus engagée, d’un bloc. Une fois le mensonge qui entoure la Révolution levé, l’extrême droite doit s’atteler à une autre tâche : mettre à nu les sombres vérités qui constituent la trame du déroulement révolutionnaire. Selon elle, loin d’être l’insurrection spontanée de tout un peuple, le chaos révolutionnaire s’apparente davantage à une conspiration, au mieux à un engrenage d’intrigues, dont les acteurs sont changeants, franc-maçons, intellectuels frustrés, députés corrompus, Juifs, Jacobins, mais toujours médiocres, malintentionnés, envieux, haineux. Non pas heureuse, non pas douce, comme le voudraient les poncifs républicains, la Révolution est au contraire violente et belliciste par essence. La Terreur est sa fin, et la guerre son moyen. Des accusations lourdes de conséquences, dans le climat explosif de la fin des années trente, à l’heure où la droite redoute que l’antifascisme du Front populaire ne le mène à défendre, les armes à la main, le Frente popular, son voisin espagnol. En rupture totale — ou presque — avec un Ancien Régime largement idéalisé par les tenants de la droite radicale, la Révolution marque l’aube d’un temps nouveau, concèdent ces derniers à leurs adversaires démocrates ; seulement, le siècle et demi qui s’est écoulé depuis a moins l’allure d’une marche glorieuse vers le pays d’Utopie, que les traits d’une lente, mais sûre décadence nationale, se lamente-t-on dans Gringoire, Je suis partout et L’Action française. L’âpreté avec laquelle ces journaux défendent leur point de vue n’est pas gratuite, mais se justifie par la persistance du parti révolutionnaire en France, que les élections d’avril et mai 1936 ont porté à la tête de l’État, augurant du pire. Pour lutter contre ce funeste coup du sort, l’extrême droite n’a pas, ou peu, d’images contre-révolutionnaires à réactiver dans l’esprit des Français ; c’est par conséquent au nom de la liberté, de l’égalité, ou des Droits de l’homme, qu’elle va critiquer avec force et virulence la politique de Léon Blum. Paradoxalement, c’est au nom de la disparition de ces mêmes principes de 1789 dans une partie de l’Europe qu’elle condamne ensuite le Cent-cinquantenaire, en même temps qu’elle attend avec optimisme et patience la « divine surprise » de la fin du régime, qu’elle croit certaine. L’extrême droite française est dans la curieuse posture du révolutionnaire qui attend la Révolution.

COUGNOUX Mélanie, La mémoire officielle des tirailleurs sénégalais de 1945 à nos jours, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Marie-Claude Blanc-Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 203 p.

Lors des deux guerres mondiales, la France a fait appel à son Empire pour lui venir en aide. Des soldats de toutes les colonies ont donc débarqué en France dont les soldats de l’Afrique française réunis sous le vocable de « tirailleurs sénégalais ». Ils ont eu un rôle important dans un certain nombre de grandes batailles, ainsi que dans la libération de la France. Dans cette étude, il s’agit de voir comment la France, dans ce qu’elle a d’officiel, a rendu hommage à ces hommes. Le terme « mémoire officielle » désigne la mémoire produite par l’État, les régions, les communes et accessible au public à plus ou moins grande échelle. Dans l’immédiat après-guerre et jusque dans les années quatre-vingt, la mémoire des tirailleurs sénégalais est locale et associative, quasiment absente de la mémoire nationale. Des monuments et plaques sont érigés, commémorant essentiellement les massacres de 1940. Cette mémoire perdure après la décolonisation. Cependant en 1959 est décidée la cristallisation des pensions, c’est-à-dire le gel des montants versés au niveau atteint à la date de publication des décrets d’application. Dans les années soixante-dix, l’inflation agissant, l’écart de revenu se creuse entre anciens combattants français et africains. Puis, dans les années quatre-vingt, elle prend de l’importance, car elle sert un combat politique, celui de la lutte contre le racisme et contre l’extrême droite montante. Sont alors mises en avant les actions des étrangers et des tirailleurs dans la résistance et la libération de la France. Ce phénomène a fait que la mémoire des tirailleurs a été progressivement intégrée à notre mémoire nationale. Cela a permis dans un troisième temps de la faire tendre vers une mémoire à part entière, dont l’État est un relais actif et même parfois initiateur, vers la fin des années quatre-vingt-dix et début deux-mille. Des films sont produits rappelant le rôle des tirailleurs pendant les deux guerres mondiales et dénonçant également les oublis dont ils ont été victimes. Depuis peu, l’État se penche également sur le problème des pensions, la décristallisation ayant été très largement approuvée. Cependant, il faut noter que cette mémoire comporte encore des silences importants. Les recrutements des soldats africains et les méthodes douteuses employées à l’époque ne sont jamais mentionnés dans les articles, parfois rapidement évoqués dans les films, mais cela est le seul élément. Les tirailleurs sénégalais ne figurent pas toujours dans le récit de certaines batailles auxquelles ils ont pourtant participé. Les raisons de ces silences ne sont pas évidentes, ce travail présente quelques éléments de réponses. Cette étude ne prétend pas être exhaustive quant aux lieux de mémoire des tirailleurs sénégalais, mais propose de réfléchir à la place qui leur est accordée dans notre mémoire nationale, et les raisons des changements.

DECROUX Bérengère, « À nous deux Paris » : comparaison du Temps des copains et de Seule à Paris, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 2 vol. 160 p. + annexes

Le Temps des copains et Seule à Paris sont deux grands feuilletons sociaux qui ont marqué la télévision du début des années soixante. Tous deux ont été réalisés par un même réalisateur, Robert Guez, et ont la particularité de traiter d’un même sujet, l’arrivée à Paris de jeunes provinciaux, sous un angle masculin et féminin. Ils ont été coproduits par l’ORTF, qui était également leur diffuseur. Les deux feuilletons sont deux représentations liées à des contextes socio-historiques. La jeunesse était une classe d’âge prédominante dans la société de l’époque. Le désir d’affirmation de ces jeunes gens et l’amorce de l’émancipation féminine sont les sujets respectifs de chacune des deux histoires. Le Temps des copains expose l’intégration à Paris de trois jeunes étudiants, d’horizons sociaux confondus, dans un univers de bohème. Seule à Paris décrit l’arrivée d’une jeune femme issue d’un milieu social bourgeois, qui aspire à une brillante carrière d’étalagiste dans un Paris hostile. Ces deux feuilletons se distinguent également par leur style télévisuel. Le premier feuilleton revêt une tonalité comique, et dépeint une ambiance conviviale et théâtrale. Le deuxième se veut plus réaliste avec un réalisateur qui s’est mis à l’école du « cinéma-vérité ». Des thèmes communs sont évoqués comme l’ambition professionnelle, le rapport à l’autorité parentale et l’accomplissement social. Les deux récits sont les parcours initiatiques de jeunes personnes vers leur réalisation sociale. Mais la comparaison de ces deux feuilletons révèle pourtant un réel antagonisme entre la vie des trois protagonistes masculins et de l’héroïne de Seule à Paris. Ces deux fictions télévisuelles transcrivent deux conceptions de la réussite sociale. Dans Le Temps des copains comme dans Seule à Paris les personnages féminins apparaissent comme des jeunes femmes menant des vies difficiles, parfois proches du misérabilisme. Les dénouements des deux histoires définissent l’accomplissement du jeune homme essentiellement par son évolution professionnelle et l’amorce d’une vie aventureuse. Quant à la réalisation féminine, elle se distingue principalement par l’annonce de son statut de future épouse. La question de la carrière professionnelle n’est pas évoquée pour la femme. En exposant précisément des images propres aux représentations masculines et féminines de la réalisation sociale, ces deux feuilletons sont alors deux témoignages de la période culturelle des années soixante.

FROT Natacha, Le discours diététique dans la presse féminine française. De 1928 à 1998, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 126 p.

Ce mémoire est l’étude du discours diététique dans la presse féminine française entre 1928 et 1998. Nous nous intéressons à trois périodiques : Le petit écho de la mode, Marie Claire et Elle. En 1928, le discours diététique est encore inexistant dans la presse féminine française, mais nous constatons un intérêt pour la minceur qui lui est lié. Nous qualifions cette période de prémices de la diététique. À partir de 1938, la presse féminine française commence à tenir un discours diététique complet, dans la mesure où elle propose à la fois des conseils pour maigrir ou grossir, et des recommandations pour être en bonne santé grâce à une alimentation appropriée. Cependant, il existe très peu de preuves scientifiques. C’est à partir de 1958 que le discours diététique commence à se complexifier réellement. Ceci est dû à la refondation de la diététique en tant que science. Celle-ci se manifeste par l’utilisation de notions toujours plus scientifiques et par l’apparition de spécialistes de la question dans les journaux féminins. La presse féminine s’intéresse de très près aux découvertes faites dans le domaine de l’alimentation et la santé. Par ailleurs, les régimes amaigrissants prennent plus d’importance et commencent à se personnaliser et à prendre en compte le contexte social et politique. L’année 1988 marque un tournant dans l’évolution du discours diététique tenu par la presse féminine française. Pour la première fois, celle-ci prend du recul par rapport à la diététique et s’applique à la définir. De plus, ce discours se médicalise incontestablement, la majorité des articles étant écrits en collaboration avec divers spécialistes. La presse féminine montre clairement son désir d’informer ses lectrices de la moindre découverte faite dans le domaine diététique. Enfin, la fin de la période se caractérise principalement par le fait que le nombre de régimes amaigrissants augmente considérablement. Ils deviennent plus modernes, originaux et sont désormais associés à la notion de plaisir.

GENET Justine, Le quartier des Halles sous le regard de la police : étude des répertoires analytiques de 1934 à 1941, Maîtrise [Claire Andrieu, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 2 vol. : 99 p.+ 42 p. d’annexes

Le quartier des Halles a représenté un lieu unique de la capitale par son marché, principale source d’approvisionnement de l’agglomération parisienne depuis le Moyen Âge. Son étude, entre 1934 et 1941, sous le regard de la police, peut apparaître comme un angle original d’observation de la vie locale, notamment à travers les mains courantes (M.C.). Ces dernières se présentent sous la forme de recueils dans lesquels les policiers inscrivent l’ensemble des plaintes, arrestations et dépositions de personnes, victimes ou accusés d’un délit ou d’une infraction avec la justice civile et pénale, déposés ou recueillis par les agents lors de leur ronde dans le quartier. Cependant, les M.C. posent un problème de définition qui amène à conclure qu’il s’agit, en fait, de répertoires analytiques (R.A.). Aux Halles, se côtoient une population pauvre, avec ses manœuvres, ses prostituées, ses étrangers et une bourgeoisie marchande. Il y règne une effervescence qui favorise les petits délits, tels que les vols de marchandises, d’argent, la prostitution dans une période où la crise économique affecte de plus en plus les gens. Les tensions sociales viennent altérer la convivialité et la solidarité qui demeurent au sein du marché. Par ailleurs, l’approche de la guerre oblige les habitants à modifier leur mode de vie en appliquant les mesures de protection. La déclaration de guerre en septembre 1939 provoque la panique générale et la fuite. On refuse la guerre et reporte alors la faute sur les policiers. L’Occupation allemande amène la faim, la pénurie dans le quartier. On manque de tout, mais surtout de nourriture, malgré les cartes de rationnement. Le marché et les Grands Magasins sont victimes de vols encore plus nombreux. On s’adapte comme on peut aux lois allemandes, aux dures conditions de vie avec le troc, le marché noir, mais on accepte de moins en moins cette présence de l’occupant et on outrage alors les policiers. Ces derniers doivent pourtant continuer d’appliquer la loi et de faire régner l’ordre dans une atmosphère de plus en plus lourde. Le quartier des Halles possède donc une mémoire qui lui est véritablement spécifique et qui s’en est allée avec la disparition de ses halles centrales en 1962.

HERMAN Bernard, Les attentats de l’Organisation Armée Secrète (OAS) à Paris et leurs représentations d’avril 1961 à juillet 1962, Maîtrise [Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 2 vol. : 331 p.+ 138 p. d’annexes

Du 22 avril 1961 au 30 juin 1962, cinq cent quinze attentats commis en en région parisienne, dont 70 % dans Paris même, sont attribués à l’OAS. 89 % sont dus à des engins explosifs conçus pour ne pas tuer, mais pour faire des dégâts matériels. On dénombre toutefois dix-sept morts, dont douze Nord-Africains, essentiellement par mitraillages devenus mode d’action préférentiel en fin de période. Ce sont des attentats ciblés contre les formations politiques (et plus particulièrement le PCF à partir de décembre 1961), la communauté nord-africaine, les symboles de l’État, les médias et les militants de la paix en Algérie. Ils sont le fait de réseaux autonomes jusqu’en décembre 1961 puis des Missions II et III de l’OAS d’obédience algérienne jusqu’en juin 1962. Les « plastiqueurs » sont des hommes jeunes. 73 % sont métropolitains, civils en majorité (l 8 % sont des militaires). 74 % ont une formation de parachutiste. Beaucoup sont militants ou sympathisants de l’extrême droite. Leur choix de la violence, dont le but est de renverser le régime, s’explique par leur parcours politique et militaire, les exemples tirés du conflit algérien, la haine de De Gaulle qu’ils accusent de trahison et la croisade qu’ils mènent contre le communisme international. Contre les activistes, le Pouvoir met en jeu sa police, sa justice et son administration. Contre les attentats, collectivités et citoyens organisent leur protection. Contre les objectifs de l’OAS, syndicats, partis politiques et associations de gauche développent des manifestations. Certains sont tentés par le contre-terrorisme, que le PCF refuse, évitant la guerre civile. Les Parisiens, qui jugent les attentats incompréhensibles et intolérables, manifestent en masse leur refus de la violence le 13 février 1962 lors des obsèques des morts de Charonne, signant l’échec de l’OAS. Celle-ci, consciente des effets négatifs de la violence sur l’opinion, tente de forger d’elle-même une représentation valorisante, celle de nouvelle Résistance, dont les sigles, le vocabulaire, l’organisation, les modes d’action, les valeurs, les référents politiques, les symboles ainsi que les ennemis sont comparables à ceux de la première Résistance. Cette représentation ne peut s’imposer face à celles développées par De Gaulle, des criminels et des soldats perdus à visées subversives, et par le parti communiste, une organisation fasciste. C’est cette dernière que retient une importante fraction de l’opinion publique. Cette bataille des représentations, perdue par l’OAS qui entraîne dans sa chute l’extrême droite et le CNIP, est gagnée par De Gaulle qui consolide son pouvoir et le régime, ainsi que par le parti communiste qui sort de son ghetto et fait de la gauche, sous son égide, la seule forme d’opposition réelle au Pouvoir.

HEYDEN Catherine, « Happening » : artistes et contestation en France dans les années 50 et 60, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 2 vol. 218 p.+ annexes

Le mouvement des happenings est un courant artistique qui naît dans les années cinquante, simultanément en Asie, aux États-Unis et en Europe. Après la Seconde Guerre mondiale, l’holocauste et la bombe atomique, cette nouvelle pratique artistique perpétue la remise en cause de l’œuvre d’art et de l’artiste par la mise en situation, la notion d’événement, l’irruption de la vie quotidienne et du réel dans l’art. De ce fourmillement d’idées et de recherches apparaît la nécessité de créer un nouveau langage, seul jugé capable de changer la société. Les années soixante, en Europe et plus particulièrement en France, sont le cadre d’une effervescence sans précédent. La montée de fortes contestations mobilise des artistes de différents pays, pour la plupart nés peu avant ou pendant la Seconde Guerre mondiale. Conscients de l’émergence d’un nouvel ordre mondial, ils inscrivent leurs happenings dans une problématique de réaction au contexte historique de l’époque (guerre d’Algérie, Viêtnam) ainsi qu’à toute forme de censure. Au milieu des années soixante, le mouvement des happenings semble atteindre le sommet de son expression la plus révoltée. En France, les actions et les objectifs proposés ne sont ni étrangers ni dissociables des événements de mai 1968. En ce sens, nous nous sommes attachés à comprendre l’engagement des artistes pratiquant le happening dans la société française des années cinquante et soixante. Nous avons tenté de répondre à la question : le happening peut-il être considéré, ou non, comme un mouvement sinon révolutionnaire, du moins subversif de la société ? Est-il réellement anticipateur de Mai 1968, ce que revendiquent certains auteurs de happenings a posteriori ? Ou bien n’est-il simplement qu’un phénomène social, reflet des préoccupations de la jeunesse de son époque ? Nous traitons ainsi dans une première partie de la naissance et du développement de cette forme d’expression dans le monde de l’art. Puis, dans la seconde partie, nous nous attacherons à mettre en lumière l’évolution du happening qui développe en France, bien qu’essentiellement à Paris, un caractère de plus en plus contestataire, débordant du domaine artistique, et ce jusqu’aux événements de Mai 1968.

JOUTEUX Thomas, Le PS dans la campagne de François Mitterrand en 1981, Maîtrise [Franck Georgi, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 426 p.

En 1981, le Parti socialiste et François Mitterrand abordent l’élection présidentielle et la troisième candidature du leader socialiste dans des conditions bien différentes des précédentes échéances qui conduisent à faire du PS l’élément central du dispositif de campagne de son candidat. En effet, à la faveur de la rupture de l’union de la gauche en 1977, François Mitterrand est amené à n’être pour la première fois que le candidat de sa seule formation politique, ce qui n’est pas sans incidences sur le rôle-clef que le parti dont il a pris la tête dix ans plus tôt est appelé à jouer au cours de la campagne présidentielle, ceci par nécessité, mais aussi par cohérence. Nécessité, car le PS dont François Mitterrand a impulsé la rénovation lui fournit l’infrastructure indispensable en termes de moyens humains et matériels pour mener campagne. Cohérence, car depuis Epinay, et singulièrement depuis le congrès de Metz de 1979 et la montée en puissance de Michel Rocard comme possible présidentiable, toute la stratégie de François Mitterrand a consisté à utiliser son autorité sur le PS pour s’imposer, en plaçant ses lieutenants à la direction nationale ou à la tête des fédérations. La tendance à la personnalisation du débat politique inhérente à l’élection présidentielle serait pourtant de nature à inciter les candidats à se démarquer de la formation politique dont ils sont issus. Cependant, s’il s’agit du choix d’un homme pour exercer la présidence de la République, cette élection n’en demeure pas moins un choix politique, un moment que les socialistes et François Mitterrand considèrent comme propice à la réalisation de l’alternance que la crise économique et le rejet dont est victime le président Valéry Giscard d’Estaing sont de nature à favoriser en 1981. La campagne présidentielle de François Mitterrand est alors également celle d’un parti chargé d’incarner à côté de son candidat l’équipe politique destinée à assurer la relève et à gouverner la France après vingt-trois ans d’opposition. Aussi, l’organisation de la campagne du candidat se fonde-t-elle sur une imbrication avec les structures et les responsables du parti et donc sur une cohérence d’ensemble entre la campagne du PS et celle plus personnelle du candidat. Elle apporte ainsi une réponse originale au problème général posé par la place d’une formation politique dans le cadre de l’élection présidentielle et au contexte politique immédiat de 1981 de désunion de la gauche et de perspective crédible d’alternance. Il s’agit alors de faire apparaître la particularité d’une campagne présidentielle menée à partir d’un parti, d’en étudier les caractéristiques, mais aussi parfois les limites dans la mobilisation du PS au service d’un candidat devant par ailleurs tenir compte de la personnalisation induite par l’élection présidentielle. Pour cela, l’étude de « la mise en ordre de bataille du parti » qui met à la disposition de son candidat toutes ses ressources humaines et matérielles, puis celle de la mobilisation des réseaux socialistes, afin d’élargir l’assise de sa candidature, et enfin celle de la mise en œuvre des méthodes de campagne, qu’elles soient de nature proprement militantes ou davantage marquées par une certaine professionnalisation, sont apparues successivement nécessaires pour comprendre le schéma de construction de l’organisation militante d’une campagne présidentielle qui est celle du PS en 1981 et dont l’aspect alors collectif permet à ces quelques mois de combat électoral couronnés de succès de trouver une place essentielle dans la mémoire militante « réconciliée » du mitterrandisme au sein du Parti socialiste.

LECLERCQ Laurence, L’image de la France, de l’Union soviétique, du Royaume-Uni, et des États-Unis dans les dessins de la presse satirique allemande pendant la période nationale socialiste, 1933-1939, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 244 p.

De 1933 à 1939, le national socialisme n’a de cesse de dénoncer les nations qui le menacent ou le contrarient. Cette dénonciation s’exprime par l’intermédiaire de différents vecteurs de diffusion médiatiques, notamment dans la presse satirique allemande qui survit à la censure et qui accepte de subir le contrôle et les consignes de la chambre de la presse, comme der Kladderadatsch, der Simplicissimus et der Stürmer. Entre 1933 et 1939, ces trois hebdomadaires illustrés proposent des images satiriques des ennemis successifs de l’Allemagne national-socialiste : la France, l’Union soviétique, le Royaume-Uni et les États unis. Ces images satiriques, neutres ou très critiques, à l’égard de ces nations, ont été utilisées comme sources pour dresser le tableau déformé des relations internationales proposé par l’Allemagne à sa population entre 1933 et 1939. La France dans un esprit de revanche et l’Union soviétique pour raisons idéologiques sont les ennemis traditionnels. Ils subissent, au début de la période, les foudres de la presse satirique allemande. Progressivement, ces deux nations disparaissent des caricatures, au profit de la Grande-Bretagne et des États unis. La Grande-Bretagne et les États-unis sont mis en scène progressivement dans les dessins de la presse allemande à partir de 1933, et en 1938-1939 s’y imposent comme les ennemis majeurs de l’Allemagne nationale socialiste. La Grande-Bretagne, qui est perçue par Hitler comme un allié potentiel jusqu’en 1935, subit finalement les attaques graphiques allemandes très virulentes, dès que l’alliance envisagée échoue et que le Royaume-Uni essaie de convaincre les États unis d’intervenir en Europe pour contrer le danger allemand. Les États-Unis, accusés par Hitler d’être « corrompus, par les juifs » et affaiblis économiquement, répondent favorablement aux cris de détresse britanniques, et font l’objet à leur tour de dessins violents dans la presse allemande. L’étude de l’évolution des dessins satiriques dans la presse allemande entre 1933 et 1939 permet de constater que le dessin de presse, œuvre d’art, a été utilisé comme moyen de propagande. La caricature a ainsi permis de valoriser les valeurs culturelles et économiques du régime national-socialiste, au détriment des valeurs des nations ennemies (la société urbaine, le capitalisme), et de dénoncer leurs mœurs dépravées (le luxe, la « futilité » féminine et la corruption de la presse). Ainsi le dessin de presse permet à l’Allemagne de légitimer ses valeurs et ses agissements auprès de sa population.

LEMAIRE Anne, La politique culturelle de Philippe de Villiers : 1978-juin 1987 de la Vendée à l’État, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 229 p.

Créateur, en 1978, du spectacle du Puy du Fou en Vendée, de la première radio régionale libre, Alouette FM et d’une école de communication à Nantes, Philippe de Villiers faisait figure, au début des années 1980, d’entrepreneur culturel local important, et acquit ainsi une certaine reconnaissance. Pourtant en acceptant en mars 1986 un poste de secrétaire d’État auprès du ministre de la Culture et de la Communication, François Léotard, au sein du gouvernement de Jacques Chirac, il ne parvint jamais à s’adapter aux exigences de ses nouvelles fonctions et déclare aujourd’hui avoir fait une grosse erreur. En effet, ses réalisations furent peu nombreuses au regard de tous les projets avortés : de l’action locale à la politique culturelle nationale, le pas ne fut pas franchi aisément. Alors qu’il fut recruté pour ses qualités d’homme de terrain, pourquoi bénéficia-t-il d’une marge de manœuvre en définitive restreinte ? L’entrepreneur culturel était-il incompatible avec le secrétaire d’État ? Par ailleurs, au-delà de ce demi-échec rue de Valois, Villiers mis en place, depuis le Puy du Fou jusqu’à nos jours, une pensée extrêmement cohérente en matière d’action culturelle, fondée sur ses expériences vendéennes et qu’il développa largement en tant que secrétaire d’État. Il s’agit donc de voir comment il s’inscrit de façon originale au sein de ce qu’on appelle les politiques culturelles de droite, dans une perspective critique de l’action de la gauche dans ce domaine, particulièrement infléchie par Lang. « Vendéen de naissance et de cœur » comme il se définit lui-même, énarque et démissionnaire de la fonction préfectorale en 1981, Villiers se vante d’un parcours, il est vrai, peu commun. Pourtant ces années sont essentielles pour comprendre la suite de son action, y compris son passage au ministère, et témoignent d’une grande cohérence de pensée sur l’ensemble de sa carrière. En effet, c’est au cours de cette période qu’il devint « entrepreneur de culture ». Il se fit alors connaître comme un homme de terrain essentiellement, peu préoccupé de politique. Il entretint à cet effet une image volontairement contrastée, nouant des sympathies à droite comme à gauche, et plaçant les valeurs au-dessus des appartenances politiques. Par ailleurs, à travers le Puy du Fou, se mirent en place les éléments originaux d’une future politique culturelle, du moins d’une certaine conception de la culture. La réussite semblait totale. Toutefois, l’image du « saltimbanque » survécut mal à sa nomination au ministère : la gauche qui avait été séduite par son discours volontiers iconoclaste et ses réalisations originales se méfia de lui dès lors qu’il était entré dans un gouvernement de droite, après avoir clamé son désir de rester apolitique. Par ailleurs, la droite classique était rassurée de le voir rentrer dans le rang. On assiste donc à un renversement complet des sympathies en sa faveur. C’est pourquoi il déclara ensuite avoir « aliéné sa différence » en acceptant ce poste. L’arrivée de Villiers au ministère s’inscrit dans un contexte politique nouveau : celui de la première cohabitation, qui perturba alors la vie politique française. Ce système, jugé profondément pervers par Villiers, explique en partie son malaise rue de Valois. De plus, le domaine de la culture ressentait particulièrement les inconvénients de cette situation, puisque Léotard devait succéder à Jack Lang, personnage médiatique, très connu et apprécié du milieu des artistes, et resté proche du président de la République. L’héritage de son action était conséquent en mars 1986, et la question de la rupture ou de la continuité avec ce dernier se posa très vite, cristallisant les premiers désaccords entre Villiers et son ministre : les deux hommes n’entendaient pas gérer la situation de la même façon. Par ailleurs, la situation juridique de Villiers, particulièrement floue, ajouta à ses difficultés : chargé de seconder Léotard sur n’importe quel dossier où il pourrait avoir besoin de lui, il n’avait ni portefeuille ni attribution précise. Si cette imprécision devait lui permettre de faire valoir ses qualités d’entrepreneur indépendant en devenant la « boire à idées du ministère », susceptible de lancer des projets novateurs dans tous les domaines, l’absence de moyens (en particulier financiers) permettant de les réaliser, amputa de moitié l’intérêt de son travail, ce dont il souffrit beaucoup. Villiers réagit extrêmement mal, n’arrivant pas à s’intégrer au sein d’une structure dont il n’était pas maître. Son tempérament peu commode et son indépendance d’esprit y sont donc pour beaucoup dans ces difficultés. Par ailleurs, le reste de l’équipe le confina dans un rôle de représentation du ministère, comme une sorte de doublure de François Léotard, ce dont il ne pouvait se satisfaire. Aussi, quand le 1er juin, la mort de Vincent Ansquer laissa vacant le siège de député de Vendée, Villiers saisit l’occasion. Le « retour vendéen » apparaissait donc comme logique, dans la mesure où il voulait continuer d’agir comme un « entrepreneur de culture », ce que ne permettaient pas ses fonctions de secrétaire d’État. Toutefois, de la Vendée à la rue de Valois, si l’action concrète n’a pu véritablement s’épanouir, le discours est en revanche resté extrêmement cohérent, manifestant une réelle pensée en matière d’action culturelle, clairement orientée à droite, mais proposant une alternative originale aux politiques culturelles de gauche, telles qu’elles avaient été instituées par Malraux et infléchies par Lang. Fondée sur l’expérience de terrain, sa politique culturelle rêvée était assurément hybride, et mêlait une conception traditionaliste de la culture française à la prise en compte des nouvelles technologies et stratégies de communication comme l’avenir du secteur culturel, le tout régi par des principes économiques extrêmement libéraux et une conception minimale du rôle de l’État dans le domaine de la culture. Mais depuis la fréquentation, à la fin des années 1970, des cercles de la Nouvelle Droite, jusqu’à son adhésion à l’Alliance pour une nouvelle culture au début des années 1980 et l’écho de ses discours dans le mouvement de critique libérale de l’action de Lang qui s’amplifia au début des années 1990, Villiers semble avoir tiré des éléments de sa pensée ici ou là, sans pour autant s’inscrire durablement dans aucun de ces mouvements. Là encore, il fit figure de cavalier seul. Il fallut attendre son arrivée au conseil général de Vendée pour que sa pensée soit véritablement relayée par une politique culturelle publique, et pas seulement une action indépendante.

LEVALLOIS-LOMBARDO Julia, Archaïsme et modernité dans le discours politique : la propagande officielle en Basilicate du fascisme à la démocratie chrétienne, Maîtrise [Pascal Ory, Marie-Anne Matard-Bonucci], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 122 p.

Le grand public a découvert la région de la Basilicate par la publication en 1945 du roman de Carlo Lévi, Le Christ s’est arrêté à Éboli (Paris, Gallimard, 1948. Pour la version originale : Cristo si é fermato a Eboli, Roma, Einaudi, 1945). Ce dernier a médiatisé l’image d’une Lucanie isolée et délaissée. L’intérêt de cette recherche est de cerner les représentations construites par la propagande dans cette région du Mezzogiorno, symbole de « l’arriération », du régime fasciste aux premières années de la Démocratie chrétienne, plus précisément : la période allant d’octobre 1922 à juillet 1953. Nous avons travaillé sur l’ensemble des manifestations verbales, orales ou écrites, produites par des organes des régimes, tenues pour significatives d’une idéologie officielle. Nous avons tenté de comprendre l’évolution du caractère de la propagande. Les périodiques de la Basilicate ont été notre source principale. La Basilicate étant une région peu et mal connue, les périodiques régionaux (Italie méridionale) et nationaux traitent très rarement de la Basilicate. Les journaux cinématographiques et les documentaires de l’Institut Luce ont été notre seconde source. Ces productions nationales nous ont offert un traitement différent sur la région. Si l’on ne peut nier qu’il ait existé une opposition politique entre ces gouvernements, nous avons constaté différents types de continuités politiques tant au niveau du personnel politique que des thèmes abordés. Les différents régimes au pouvoir ont prétendu, successivement, résoudre la question méridionale, cependant ils ont abordé le problème d’une manière différente. Il nous a semblé que ce n’était pas tant l’arriération et les problèmes de la région qui avait intéressé le régime fasciste, mais le fait de pouvoir exalter ses propres valeurs. La propagande démocrate-chrétienne en Lucanie nous est apparue comme un écho au livre de Carlo Levi. Le gouvernement voulait montrer qu’il avait initié un mouvement pour « civiliser » cette région, dans laquelle le Christ « n’est jamais venu ».

MANDEL Emmanuelle, La fortune critique de Maurice Béjart 1955-1968, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 219 p.

L’étude de la réception de Maurice Béjart par la critique permet d’une part de s’interroger sur les aspects d’une composante très spécifique du succès du chorégraphe, et de le mettre en relation avec la composante qui provient du public. Elle permet par ailleurs d’observer la façon dont un groupe social, à la fois récepteur et médiateur culturel, la critique chorégraphe, réagit face à un produit culturel à très fort succès et donc très grande publicité : les créations d’un chorégraphe qui déforme la danse académique, emploie des musiques jamais dansées jusque-là, dénude les corps et les décors, mêle les autres arts à la danse et enfin attire les foules. La perception du personnage en lui même présente elle aussi l’intérêt de révéler un système de représentation quant à la place et à l’image du chorégraphe en général. Quelles sont les valeurs esthétiques et morales, les systèmes de référence des journalistes chargés de commenter les spectacles de danse dans la presse française des années 1950-1970 ? Comment accueillent-ils l’audace et l’innovation dans le domaine de la mise en scène de la danse ? Il s’agit aussi de comparer les jugements entre eux et d’interroger la nature du lien entretenu avec le journal qui les publie. Maurice Béjart crée en 1955 Symphonie pour un homme seul, le premier ballet qui le fait exister aux yeux de la critique. Treize ans plus tard, après le Sacre du printemps et Messe pour le temps présent au Festival d’Avignon, il est soutenu à chacune de ses créations par toute un pan de la critique. L’étude du discours de la critique sur l’œuvre nous révèle des valeurs conservatrices profondément ancrées pour une large partie des journalistes, un accueil de la nouveauté souvent très nuancé et prudent, tandis que le discours sur l’homme dévoile une fascination de la critique pour le personnage et l’attribution progressive du statut de vedette à un artiste qui n’est que chorégraphe. L’accueil critique de Béjart c’est l’acceptation et l’adhésion progressive à une danse et un chorégraphe qui remplissent les stades.

MARTEAU Aurélie, Les politiques culturelles de la municipalité de Malakoff de 1935 à 1971, Maîtrise [Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 161 p.

L’étude sur les politiques culturelles de la municipalité de Malakoff entre 1935 et 1977 a pour ambition de dégager le processus qui a conduit la municipalité — à majorité communiste depuis 1925 — à s’intéresser à la culture et à la vie culturelle de la commune, jusqu’à développer une politique spécifique à son égard. Elle cherche à dégager les enjeux de cette politique, ainsi que ses différents initiateurs, et tente d’en évaluer la portée sur une population promue au rang de public. Elle démontre enfin que si les objectifs (liés au départ à des fins de propagande et d’éducation du peuple) que la municipalité cherche à atteindre à travers la mise en place de ces politiques sont globalement atteints, ils sont rapidement dépassés par une conception plus libre et plus créative de la culture, qui s’impose à la municipalité par la présence de plus en plus importante d’acteurs et d’initiateurs de la culture.

MARTINI Aldine, Les carrés militaires de la première guerre mondiale dans les cimetières parisiens, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 112 p.

L’ampleur du premier conflit mondial eut de nombreuses répercussions sur les mentalités du XXe siècle. Le nombre de morts fut tel qu’il incita à une nouvelle approche de la mort du soldat, qui passe du statut de simple militaire mort au combat à celui d’individu héroïque, victime du devoir envers la Patrie. L’importance accordée à la réalisation des cimetières de guerre en est l’expression immédiate. Des premiers grands cimetières établis sur la ligne de Front aux petits carrés militaires des cimetières communaux, tous symbolisèrent la reconnaissance de l’État et de la Nation envers ces hommes. Les débuts de la guerre nécessitèrent la création de ces cimetières en grand nombre. Dans le cas de la capitale en tant que camp retranché, la majeure partie des décès militaires provenait des hôpitaux militaires de Paris vers lesquels étaient rapatriés les blessés du Front. Français ou étrangers, militaires de toutes conditions et même parfois civils, ces défunts bénéficièrent de toute une série de mesures de la part des autorités afin de prendre en charge les funérailles et les frais d’inhumations. Le choix des nécropoles accueillant des sépultures militaires fut déterminé en fonction du lieu de décès des militaires ainsi qu’en fonction des disponibilités de ces dites nécropoles. De ce fait, les grands cimetières parisiens extra-muros furent privilégiés quant à la création de divisions spéciales. Un modèle de nécropole fut établi afin que chacun ait une sépulture décente dans le respect de son individualité, tout en ne négligeant pas la nécessité d’harmonie, où particularismes et antagonismes s’effacent au profit de l’instauration d’un espace de paix. La fin de la guerre ne vit pas s’éteindre cette soudaine prise de conscience. L’Etat, les municipalités, mais aussi les nombreuses associations du souvenir et d’anciens combattants, créées dès la fin des hostilités, s’engagèrent, à plusieurs niveaux, à se faire les acteurs du devoir de mémoire. La perpétuation du souvenir devint primordiale et prit plusieurs formes. De l’organisation des cérémonies de commémoration à l’érection de monuments aux morts, l’après-guerre vit l’émergence d’une véritable religion civile, un culte des morts pour la Patrie. Cette mémoire de la guerre et de ses morts, enterrés loin de chez eux et loin du champ de bataille, reste vivante encore de nos jours grâce à une politique de diffusion de la mémoire et d’entretien des cimetières menée par l’État et ses partenaires.

MÉNAGER Camille, Le quartier de la Salpêtrière à travers les répertoires analytiques de son commissariat entre 1938 et 1943, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Denis Peschanski, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 203 p.

Registre policier où sont consignés les plaintes, déclarations, infractions, et délits constatés dans un quartier de Paris, le répertoire analytique est une source d’étude précieuse pour aborder une période donnée sous l’angle d’une « micro-histoire ». Nous l’avons choisi comme source afin d’étudier le quartier de la Salpêtrière, dans le XIIIe arrondissement, de 1938 à 1943. Nous abordons donc la période qui couvre l’immédiat avant-guerre, la guerre, et la majeure partie de l’Occupation selon une échelle locale, champ encore peu développé dans l’historiographie de ces années, en nous intéressant à l’évolution du comportement de la population face à un quotidien bouleversé. Elle a en effet dû d’abord s’adapter aux mesures de guerre, faire face à la mobilisation et à la défaite, puis s’accommoder de la présence allemande. L’augmentation régulière et importante du nombre de plaintes pour vol nous a permis de voir que les préoccupations majeures des habitants et travailleurs du quartier sont d’ordre matériel. En effet, face à la pénurie, tous les moyens sont bons pour « vivre et survivre », ce qui crée progressivement un climat de méfiance et d’agressivité générales d’autant plus pénible qu’il évolue dans un cadre répressif de plus en plus marqué : en ce qui concerne les communistes, les multiples infractions au décret du 26 septembre 1939 traduisent une répression qui n’apparaît qu’en filigrane en ce qui concerne les juifs. À ces tendances, qui ont été également dégagées au niveau national s’ajoutent des déclarations et enquêtes liées directement aux spécificités du quartier ; ainsi, sa vocation d’assistance et les hôpitaux de la Salpêtrière et de la Pitié qu’il abrite sont à mettre en relation avec la fréquente mention d’enquêtes d’aliénés dans nos répertoires. En nous attachant à citer fréquemment les répertoires tout en confrontant leur contenu aux diverses études faites auparavant sur Paris à la veille de la guerre et sous l’Occupation, et en évitant la compilation proprement dite d’exemples qui nous ont marqués, nous avons donc cherché à dresser un portrait bien particulier du quartier de la Salpêtrière, puisqu’il s’attache à décrire à travers un prisme policier le comportement de sa population pendant les années noires.

MICHEL Vincent, Édouard Berth (1875-1939) : essai de biographie intellectuelle, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 209 p.

Ce travail est la biographie intellectuelle d’un disciple de Georges Sorel (1847-1922), sociologue de la classe ouvrière et théoricien du syndicalisme révolutionnaire : Édouard Berth (1875-1939). Dans ce cadre général, nous avons choisi de retracer sa carrière intellectuelle, en utilisant des sources imprimées (collaboration à différentes revues socialiste et d’extrême droite et 7 ouvrages) et des sources privées (correspondance entre Sorel et Berth). Nous avons mené l’analyse des thèmes de sa production philosophique, en montrant que ses écrits, tout comme son action, témoignent d’un attachement persistant à un socialisme éthique et prolétarien, anti-étatiste et garant de l’autonomie de la classe ouvrière. Berth a tout d’abord reçu l’éducation classique du socialiste des années 1890 : apprentissage de la philosophie allemande (Hegel, Marx, Feuerbach…), étude de l’économie politique anglaise, connaissance du socialisme français (Saint-Simon, Proudhon…). Il s’est ensuite rapidement tourné vers un socialisme mystique, à l’instar de Sorel et de Péguy, et commence à collaborer au Mouvement socialiste dès 1899. De 1899 à 1902-1903, Berth soutient les expériences réformistes d’Alexandre Millerand, dans la mesure où cette politique renforce le statut autonome du prolétariat. De 1903 à 1908, Berth adopte une posture antidémocratique et exhorte les travailleurs à exacerber les conflits de classes. À partir de 1908, Berth s’éloigne de la CGT, bastion du syndicalisme révolutionnaire, et cesse sa collaboration au Mouvement socialiste. Il se rapproche des mouvements royalistes et fonde avec Georges Valois les Cahiers du Cercle Proudhon en 1911. Après cette phase transitoire, il soutient avec enthousiasme le bolchevisme (1922-1925), avant de se rapprocher de la Religion (1935). Recherchant des voies menant à son terme la lutte de classes, Berth se distingue par sa grande versatilité politique, mais n’en reste pas moins un théoricien socialiste, dont le grand mérite est d’avoir étendu les implications théoriques de la pensée sorélienne.

PAMART Marie, La mémoire des fusillés de Vingré, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 129 p.

Dans le hameau de Vingré (Aisne), douze soldats ont été fusillés pendant la Première Guerre mondiale, entre le 10 octobre et le 12 décembre 1914. Alphonse Brosse et Jean Boursaud, du 238e RI, accusés d’abandon de poste en présence de l’ennemi, sont fusillés le 10 octobre 1914 à Ambleny. Henri Jolbert et Émile Guiraud, du 42e RI, sont fusillés le 16 novembre à Vingré, pour le même motif Léonard Leymarie, du 305e RI, accusé d’abandon de poste en présence de l’ennemi pour mutilation volontaire, est fusillé à Fontenoy le 12 décembre 1914. Le même jour, Jean Grataloux, du 238e RI, est fusillé pour abandon de poste à Vingré. Le 4 décembre, vingt-quatre hommes du 298e RI passent en Conseil de guerre, accusés du même motif d’abandon de poste. Six sont passés par les armes_ : Henri Floch, Jean Blanchard, Francisque Durantet, Pierre Gay, Claude Pettelet et Jean Quinault. Des circonstances particulières, liées à la guerre, ont permis aux cours martiales, rétablies sous le nom de « conseils de guerre spéciaux », de condamner, à la hâte, ces hommes. Floch, Blanchard, Durantet, Gay, Pettelet et Quinault, appelés couramment « fusillés de Vingré » ont été réhabilités le 29 janvier 1921 par la Cour de Cassation, grâce à l’action de leurs familles, de Claude Lafloque, des associations d’anciens combattants et de la Ligue des droits de l’homme. Seulement, les officiers, coupables d’avoir fait fusiller des hommes qu’ils savaient innocents, ne sont pas punis lors du conseil de guerre de Clermont-Ferrand, qui se tient en octobre 1922. Ces événements inspirent quelques journalistes et écrivains, tel Andraud, Réau, Yrondy, à écrire sur Vingré et les histoires de fusillés du début de guerre. En ce qui concerne les six autres fusillés, ils n’ont jamais été réhabilités. Ces affaires n’ont pas été oubliées, ni dans les familles, ni dans leurs régions, ni à Vingré. Rencontrant et interviewant les familles de huit des fusillés de Vingré, il m’a été possible de saisir leurs doutes, leurs émotions et leurs peines ; seule la famille de Jean Boursaud ignorait les événements. Certaines ont préféré taire et tenté d’oublier ce triste passé, tandis que chez d’autres, la mémoire de ces hommes n’a jamais cessé de vivre. Outre la mémoire familiale autour des fusillés pour l’exemple, diverses manifestations ont eu lieu dans les années 1920, telle l’inauguration d’un monument des fusillés à Vingré, en 1925. Depuis quelques années, un retour des commémorations à la mémoire des fusillés s’observe, ainsi que la parution d’écrits ou de films ayant pour thème les fusillés pour l’exemple. Ces différentes manifestations de la mémoire des fusillés pour l’exemple ont été reprises par les politiques, tel Lionel Jospin à Craonne, le 5 novembre 1998. De plus en plus souvent, on tend à confondre mutins et fusillés pour l’exemple, alors qu’il existe des différences essentielles, d’ordre, politiques, juridiques et militaires. Peu d’hommes, fusillés pour l’exemple au début de la guerre, ont été réhabilités, alors que les responsables de ces exécutions, eux, n’ont jamais été poursuivis.

PÉGUET-MOLLARD Nicolas, La France dans l’épreuve de la coupe Davis de 1927à 1972 : le parcours de l’équipe nationale et son impact social à travers une étude de la presse écrite française, Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 174 p.

L’idée de consacrer une étude au phénomène de la Coupe Davis en France est venue d’une réflexion : l’épreuve est aujourd’hui considérée comme un événement incontournable du sport français, mais qu’en était-il dans le passé ? La Coupe Davis est créée en 1900 par Dwight Davis, un étudiant et un joueur de tennis américain, afin de promouvoir le tennis dans le monde, car ce sport intéresse peu le grand public. Simple défi entre les États-Unis et la Grande-Bretagne au départ, son nombre de participants augmente rapidement, et la France y fait son entrée en 1904. La particularité de l’épreuve est de proposer une compétition par équipes nationales dans un sport qui est individuel, et ce sur une durée de trois jours. Pour la France, les premières participations sont mitigées : l’équipe ne gagne sa première rencontre qu’en 1919. Dès lors, la victoire de 1927, point de départ de cette étude, est vécue comme une véritable surprise dans le pays. La question est alors de savoir dans quelles conditions la Coupe Davis va progressivement devenir un rendez-vous incontournable du sport français, et la place qu’occupe la France au cours de la période par rapport aux autres équipes. Nous avons choisi de découper cette étude en trois parties, pour nous arrêter au terme de la campagne de 1972. Dans un premier temps, l’épopée vécue par les Mousquetaires devient l’un des événements les plus marquants du sport au XXe siècle, et un succès qui bouleverse le public français. Sa fin marque le début d’une période creuse pour le tennis français jusqu’à la fin des années cinquante, avant que les volontés politiques et fédérales ainsi que de nombreux dirigeants décident de s’adapter aux évolutions de l’épreuve à partir du début des années soixante. Il nous a paru essentiel de nous concentrer pour ce sujet à une étude de la presse française : il s’agit en effet du média qui, sur toute la période étudiée, a le plus d’écho dans un lectorat large. Le développement de la radio et de la télévision s’y greffe progressivement, mais l’outil journalistique reste la principale source d’information de toutes les couches de la population. De plus, on observe des changements, au cours de la période, dans le traitement des informations liées aux rencontres de l’équipe de France en Coupe Davis. Au strict compte-rendu des rencontres succèdent peu à peu une approche analytique de cette épreuve sportive par la presse écrite, mettant en avant les difficultés et les atouts de l’équipe de France.

PERRIN Anne-Cécile, L’émission radiophonique Le masque et la plume de Michel Polac et François-Régis Bastide à Jérôme Garein (1954 -…) : une tribune de critiques des lettres, du théâtre et du cinéma, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 3 vol. 202 p.

En 1955 naît Le Masque et la Plume, tribune de critiques des lettres et du théâtre, dans le cadre du Club d’Essai, situé au 37, rue de l’Université à Paris. Le 31 octobre 1954, Michel Polac âgé de 17 ans, crée Pour l’amour du théâtre, enregistrée au théâtre des Noctambules. À la même période, François-Régis Bastide anime une émission littéraire qui se nomme Une idée pour une autre. Ces deux émissions durent jusqu’au 29 juin 1955 et sont la préfiguration de ce qui deviendra quelques mois plus tard Le Masque et la Plume. Cette tribune de critiques, qui porte un jugement sur des œuvres littéraires ou artistiques, regroupe des critiques prestigieux issus de la presse écrite et se réunit deux fois par mois, en public, au théâtre des Noctambules. Elle est très polémique, les producteurs orchestrent des débats passionnés entre les différents participants et le public est vivement invité à réagir aux propos de la tribune. À partir de 1957, le cinéma est rajouté à la tribune et l’émission est diffusée sur France Inter. C’est le début d’un succès sans précédent. La tribune rassemble des critiques prestigieux issus de la presse écrite, va de place en place et se produit dans différents théâtres. Surtout, ses polémiques et ses duels acharnés entre Jean-Louis Bory et Georges Charensol ou Pierre Marcabru et Gilles Sandier font d’elle une émission à succès. Les années 1960 sont une période très riche pour la tribune. Les critiques se trouvent confrontés à une richesse culturelle sans précédent : jeune théâtre, Nouveau Roman, Nouvelle Vague. C’est aussi à cette époque qu’est signé me « manifeste des 121 » en faveur du droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie. Quels sont leurs choix et de quelle façon s’engagent-ils dans ces événements culturels et politiques ? Mai 1968 bouleverse la tribune. Les sujets traités et le ton employé ne sont plus les mêmes. Michel Polac quitte l’émission. À partir des années 1970, François-Régis Bastide apporte quelques changements, le public et les polémiques sont moins mis en valeur, il intègre des personnages nouveaux. Arrivent les années 1980, l’élection de François Mitterrand et l’explosion de la bande FM. Pierre Bouteiller succède à François-Régis Bastide et reste à la tribune pendant sept ans. Il apporte beaucoup de nouveautés. C’est enfin Jérôme Garcin qui prend sa suite en 1989. Ce dernier n’a de cesse de vouloir retrouver les valeurs du Masque d’antan. Il est toujours à la tête de la tribune actuellement apprécie particulièrement ce rôle. Le Masque et la Plume existe donc depuis 48 ans et connaît un succès phénoménal, par sa liberté de ton, son humour grinçant, ses polémiques et son statut de plus ancienne émission radiophonique diffusée sur France Inter.

PICARD Camille, La femme et le vêtement dans les Trois Suisses : du premier catalogue généraliste au catalogue en ligne (1960-1996), Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 2 vol. : 144 p. ; 162 p.

Le catalogue de vente par correspondance, support de communication de masse par définition, est un terrain resté inexploré par les recherches historiques. Les photographies qu’il renferme ont pour but de convoquer les sens : montrer, faire ressentir un matériau, et surtout faire désirer l’article, physiquement absent. Pour ces raisons, et parce qu’il mise sur les horizons d’attente des consommateurs, le catalogue de vente par correspondance, illustré ici par les 3 Suisses reflète avec acuité les représentations sociales. Son étude est ici limitée aux seules rubriques féminines (vêtements de jour, de nuit et sous-vêtements), qui occupent la première place dans le catalogue. À travers elles, il s’agit de voir quelles femmes sont mises en scène et quels univers sont proposés à une clientèle que l’on peut estimer correspondre à la France entière puisque plus de la moitié des foyers sont dits vépécistes. À partir de la deuxième moitié des années 1980, les 3 Suisses se sont appliqués à suivre l’air du temps, à rajeunir l’image de la vente par correspondance. Surtout, ils renoncent au classicisme et à la pudeur de mise pendant les décennies précédentes

RAGUIN Vincent, Le PCF dans le département de la Seine vu par la préfecture de police (septembre 1940-mai 1942), Maîtrise [Claire Andrieu, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 157 p.

L’entrée des troupes allemandes à Paris le 14 juin 1940 ouvre une nouvelle ère dans le domaine de la répression anticommuniste. Le virage pris par la politique répressive dans le département de la Seine est pourtant moins net que ce que l’on a pu croire. En effet, la Troisième République finissante avait déjà pris les mesures les plus sévères contre le PCF jusqu’à la dissolution de ce parti le 26 septembre 1939. D’autre part, l’idéologie antimarxiste n’a pas attendu les armées de la Wehrmacht pour se développer, mais trouve sa source dans l’Entre-deux-guerres. Les rapports de la Préfecture de police permettent ainsi de dégager les grands axes du discours policier pendant les premières années de l’Occupation. Tous les thèmes développés font écho au discours anticommuniste tenu par la droite durant les années 1930 : le PCF est ainsi un parti fondamentalement antinational, totalement inféodé aux ordres de Moscou et dont la stratégie consiste à exacerber les tensions sociales en vue d’établir une dictature de type soviétique. Le discours préfectoral fait ici preuve d’une remarquable continuité. Le revirement stratégique profond pris par le PCF suite à l’invasion de l’URSS par Hitler ne se répercute que faiblement sur l’analyse faite par la police parisienne. Pour cette dernière, l’objectif du PCF reste le même, à ceci près que la révolution socialiste passe désormais par une pseudo libération nationale. Si les rapports de police sont riches d’informations sur la stratégie prêtée au PCF, ils sont également très instructifs quant à l’action développée par les militants communistes dans le département de la Seine. Bien sûr, la prudence doit être de mise face à une administration chargée du maintien de l’ordre, mais, si l’on s’entoure des précautions nécessaires, de nombreux enseignements sont à tirer des rapports du Préfet de police, notamment sur la répartition géographique des diverses formes d’action (propagande, manifestations de « ménagères », sabotages, attentats…). Malgré tous les efforts et les sacrifices des militants communistes, force est de constater que, jusqu’en mai 1942, c’est bien la répression qui mène le jeu. Les nouvelles conditions offertes par l’Occupation, l’état d’esprit régnant au sein de l’ensemble du corps policier parisien permettent en effet de mettre en place une véritable machine de guerre contre le PCF. Entre juillet 1940 et mai 1942, les forces de police ont procédé à plus de 2800 arrestations et à près de 1750 internements administratifs sur des communistes dans le département de la Seine. Doit-on pour autant conclure à un échec du combat mené par les communistes ? Les rapports de la Préfecture de police nous invitent à analyser l’action du PCF sous l’angle de ses retombées sur l’opinion publique parisienne. Or, les études récentes tendent à considérer l’automne-hiver 1942 comme le moment où les Parisiens commencent à se retourner suite à l’aggravation de la répression. Durant les deux premières années de l’Occupation, le PCF a ainsi payé un tribut très lourd face à une police motivée et efficace, mais son action paraît donner ses premiers fruits par l’évolution, partielle et complexe, de l’opinion publique parisienne.

RAPP Clarisse, Federico Fellini, de main de maître : la construction d’une image publique 1950-1993, Maîtrise [Pascal Ory, Christian-Marc Bosséno], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 282 p.

Le 29 mars 1993, Federico Fellini recevait son cinquième Oscar : la statuette, qui consacrait l’ensemble de sa carrière, venait s’ajouter à quatre Oscars du meilleur film étranger pour La Strada (1954), Les Nuits de Cabiria (Le notti di Cabiria, 1957), Huit et demi (Otto e mezzo, 1963) et Amarcord (1973). Sortant de la cérémonie, entouré de Giulietta Masina et de Marcello Mastroianni, considéré comme son alter ego à l’écran il se retrouva au beau milieu d’une foule de célébrités assaillies par des hordes de photographes, de cameramen et de journalistes. La scène n’aurait pas détonné dans La Dolce vita (1960), qui offrait un panorama de la jet-society des années cinquante traquée par les futurs paparazzi. Cette étude observe comment Fellini, alors qu’il revendiquait le côté artisanal de son métier, s’est laissé présenter comme un artiste, un auteur. Le mythe Fellini naît en 1954 avec la sortie sur les écrans de La Strada. Si le film suscite en Italie des débats polémiques, il reçoit en France un accueil dithyrambique. Après 1956, celui qui n’est encore qu’un cinéaste de renom accède au rang de star internationale. La Dolce vita permet à Fellini d’être unanimement reconnu en Italie et lui vaut le titre Il Maestro. Mais le film-phare de sa carrière est Huit et demi qui installe définitivement l’image du créateur, du cinéaste par antonomase. Le projet d’évoquer la carrière de Fellini répond à la volonté de comprendre comment l’image d’un artiste se construit socialement. Homme de spectacle, le metteur en scène se définissait lui-même comme un marionnettiste, un Monsieur Loyal et un inventeur. Enclin à fabuler sur sa propre vie, il s’est surtout imposé tout au long de sa carrière comme un conteur hors pair — les nombreux journalistes qui l’ont interviewé à Cinecittà ne le démentiraient pas. À travers cette étude transparaît ainsi le rôle des médiateurs et des vecteurs de diffusion d’une réputation, ainsi que l’originalité du cas de Federico Fellini qui consiste en sa « disponibilité ». Par amour du spectacle, il s’est créé un personnage qu’il a interprété devant comme derrière la caméra.

RIPOULL Galdric, Banlieues bleues : historique, programmation et prospection d’un festival de jazz en Seine-Saint-Denis (1979-2000), Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 217 p.

C’est le 10 décembre 1979 que se créer l’Association de Gestion des Festivals et Manifestations Culturelles Intercommunaux de la Région d’Aulnay (AGFMCIRA), chargée d’organiser un festival de jazz intitulé « Jazz en Aulnoye ». Les quatre municipalités communistes de Seine-Saint-Denis qui sont à l’origine de cette initiative, imprègnent fortement la manifestation de leur éthique politique. En effet, Jazz en Aulonoye cherche à démocratiser son public. De plus, la programmation fait une place particulière aux musiciens novateurs. Entre 1980 et 1983, Jazz en Aulnoye se déroule de façon continue et croissante. En 1984, il laisse sa place à un nouveau festival de jazz du nom de « Banlieues Bleues ». C’est Bernard Vergnaud, maire communiste de Sevran, qui est à l’origine de ce changement, quand il voit que d’autres municipalités souhaitent participer. Ainsi treize villes du département collaborent au festival dont Jacques Pornon prend la tête. Cette nouvelle échelle se ressent dans le budget de l’association, sa publicité, mais aussi sa programmation. Si Banlieues Bleues connaît des débuts difficiles, il franchit une étape décisive en 1989, accédant à la reconnaissance médiatique. À partir de cette date, le festival se stabilise et accentue ses objectifs originaires de Jazz en Aulnoye. Ainsi la programmation fait une place croissante à la découverte. D’autre part, pour élargir son public l’association développe considérablement à partir de 1990 ses actions musicales. Un travail qui l’entraîne sur le terrain social pour mettre en relation artistes et Dionysiens. À la fin des années quatre-vingt-dix, Banlieues Bleues paraît être solidement implanté dans son département, mais surtout dans l’horizon culturel national. Cela se remarque à la diffusion de son modèle auprès d’autres festivals de jazz en France, et aussi à sa place européenne. Cette histoire est aussi celle d’une évolution de la programmation et de la prospection du festival de jazz qui le caractérisent fortement. Au fil des années, l’innovation, les créations et la découverte occupent une place dans le programme. La prospection quant à elle évolue également. Si durant les premiers temps Banlieues Bleues à besoin d’une publicité abondante, elle diminue alors qu’augmente le travail des actions musicales davantage consacrées à la conquête d’un public jeune et dionysien. Au final, l’histoire de ce festival est riche pour deux grandes raisons. D’une part, elle offre un modèle intéressant pour ses liens avec le social, le politique, et son lieu géographique. D’autre part, Banlieues Bleues est un festival qui a joué un rôle important dans le paysage français des festivals de jazz.

ROLLIN Nicole, Gustave Mesureur Directeur de l’Assistance Publique, 1902-1920, Maîtrise [Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 145 p.

Ce mémoire de maîtrise aborde la carrière de Gustave Mesureur, qui à l’issue d’une carrière politique devient en 1902 directeur de l’Assistance publique de Paris. D’origine sociale modeste, dessinateur en broderie, il s’engage très jeune dans la franc-maçonnerie dont il adopte les idées morales et politiques. Conseiller municipal du deuxième arrondissement de Paris à l’âge de 34 ans, il devient député, ministre dans le cabinet Léon Bourgeois pendant un an de 1895 à 1896 et retrouve ensuite son poste de député jusqu’en 1902. L’action de Gustave Mesureur modifie sensiblement l’administration dont il a la charge. Le statut du personnel est transformé, la formation est améliorée par la création d’écoles d’infirmières hospitalières et la laïcisation des hôpitaux achevée. Il a contribué à la création d’un véritable service d’archives et à l’extension des bibliothèques qui avaient été négligées par ses prédécesseurs. Lorsqu’éclate la guerre de 1914-1918, Gustave Mesureur organise l’Assistance publique pour faire face aux tâches nouvelles qui lui incombent puis, deux ans après la fin du conflit, se retire.

ROQUETTE-BUISSON Jean de, La carrière politique de René Coty avant la présidence de la République, Maîtrise [Claude Pennetier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 196 p.

Le destin de René Coty est bien différent de celui des autres hommes politiques français. Entré dans l’histoire par hasard, le jour de son élection surprise à la Présidence de la République le 23 décembre 1953, il reste l’un des hommes les plus méconnus dans l’historiographie. Sa carrière politique a commencé un demi-siècle plus tôt en Seine-Inférieure, elle s’est construite sur le terrain où il a gravi un à un tous les échelons. Conseiller d’arrondissement à vingt-cinq ans, conseiller municipal à vingt-six ans, conseiller général à trente-sept ans, député à quarante et un ans, sénateur à cinquante-trois ans et président à soixante et onze ans : René Coty est resté disponible pour ses électeurs et a su attendre son heure. Son parcours est celui d’un républicain issu de la petite bourgeoisie locale havraise, attaché aux valeurs traditionnelles de la famille et ayant réussi par son seul talent et par ses convictions. L’historiographie perçoit à la fois la carrière d’un avocat et d’un homme politique. Les initiatives prises par l’élu de Seine-Inférieure sont indissociables de sa formation en droit. L’avocat se montre attaché au respect de la loi, aux droits et aux devoirs des citoyens et à la hiérarchie au sein d’une équipe. L’homme politique est plus pragmatique qu’idéologue. Resté extérieur aux formations politiques, il a su se faire une place au sein de leurs groupes parlementaires. Néanmoins, bien qu’évoluant sur l’échiquier politique de la gauche vers le centre droit, René Coty est apparu comme un indépendant. Son accession à la magistrature suprême s’explique par le fait qu’il entretenait des liens avec des hommes politiques de tout bord, ce qui le faisait ainsi apparaître comme un homme providentiel. L’historiographie retient enfin de la personne de René Coty un homme foncièrement droit, honnête et aimant les Français de toute condition sociale. Cependant, sa personnalité reste difficile à cerner puisque René Coty s’est montré discret durant toute sa vie, autant sur ses activités que sur sa vie privée : à part des cahiers personnels à caractère privé, il n’a pas rédigé de mémoires. Le futur président de la IVe République est un homme politique local ayant acquis progressivement une dimension nationale, un républicain mêlant juridisme et politique : un serviteur de la République, de la France… et des Havrais.

ROZEIRA DE MARlZ E CASTRO Frédéric, Le mythe du bon dictateur : perception du Portugal de Salazar dans les milieux intellectuels français d’extrême droite 1928-1945, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 123 p.

Salazar (1889-1970) est le seul homme politique portugais à avoir attiré l’attention à l’étranger après Pombal deux siècles plus tôt. Installé aux affaires en 1928, il incarne l’Estado Novo, cas unique de longévité politique en Europe. En ces années tournantes pour les intellectuels français, le Portugal a pu incarner une troisième voie. L’étude de sources françaises (ouvrages de la période relatifs au Portugal et magazines : L’Illustration, Je Suis Partout, Gringoire) permet de reconstruire l’imaginaire de ces intellectuels. Souvent issus des cercles maurrassiens, ils manifestent un refus violent des principes de 1789. Le Portugal fait figure de pays de cocagne, à l’écart des turbulences d’un Occident qui redoute son déclin. Le pays est représenté de façon médiocre par les vecteurs français. Les descriptions font la part belle à l’exotisme. Elles permettent aussi de donner forme à plusieurs mythes. L’époque des Découvertes illustre l’obsession de l’âge d’or. Salazar incarne le sauveur et le fiscaliste. Souvent associé à des qualificatifs de pureté et de clarté, il est le vainqueur du complot maçon et communiste. La dictature portugaise fait l’unanimité, mais pour des raisons variées. Son respect des valeurs chrétiennes réjouit les traditionalistes. Le régime corporatif et les organisations à caractère totalitaire (telles que la Jeunesse Portugaise, MP) intéressent les diverses familles de la droite extrême. Le régime de Vichy est l’occasion de passer de l’influence idéologique aux réalisations concrètes. S’ils s’intéressent parfois à la Constitution portugaise de 1933 qui instaure une « République unitaire et corporative », les intellectuels d’extrême-droite soulignent l’inachèvement des réformes, l’impossibilité de les transposer en France et le manque de charisme de Salazar. La perception du Portugal de Salazar de 1928 à 1945 ne sort que rarement du cadre décevant des récits hagiographiques. Les intellectuels français d’extrême-droite font figure de voyageurs candides, égarés par l’exotisme d’un pays archaïque.

SAINT-GÉRAND Léonore de, Quand la sécurité routière fait sa pub. Les spots télévisés des campagnes de sécurité routière (1973-2002), Maîtrise [Pascal Ory-Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 212 p.

Apparus sur les écrans télévisés en 1973, alors que la mortalité routière atteint des sommets (on compte plus de 16 500 tués sur la route en 1972), les spots de sécurité routière ont connu de véritables évolutions en trente années d’existence. Si leur forme est globalement restée la même (à savoir des spots en couleur de trente à quarante-cinq secondes avec slogan final, diffusés au sein des écrans publicitaires), leurs contenus, mais surtout le volume de leur production ont subi des changements. L’ampleur du fléau est telle au début des années soixante-dix que des moyens considérables sont alloués à la communication : en témoigne le nombre élevé de campagnes télévisées réalisées entre 1973 et 1981 (trois en moyenne par an), ainsi que le nombre de spots qui composent chacune d’entre elles (jusqu’à cinq différents pour une même campagne). Le contenu de cette communication s’attache à donner des conseils précis en sécurité routière, essentiellement sur les trois thèmes majeurs que sont la vitesse, la ceinture et l’alcool au volant. La représentation visuelle de l’accident de la route dans les spots se veut non violente, pour ne pas choquer : d’où le recours à des métaphores visuelles pour figurer le drame routier. Une première évolution se fait sentir au milieu des années quatre-vingt : les conseils précis de sécurité routière sont abandonnés au profit d’un discours généraliste sur le civisme au volant, le partage de la route, la responsabilité de chacun sur la route… Les mises en scène, toujours très métaphoriques, et non violentes, sont plus soignées qu’auparavant (des réalisateurs comme Jean-Jacques Beneix et Raymond Depardon sont mis à contribution). Enfin, une rupture se produit en 1999 : suite à l’aggravation de l’insécurité routière en 1998, les responsables de la communication décident de faire réagir les usagers en adoptant le ton du parler-vrai. Désormais, les violences physiques et morales provoquées par les accidents sont mises en scène dans les films de manière beaucoup plus réelle, donc beaucoup plus choquante. Entre temps, les budgets de la communication de sécurité routière n’ont pas été réajustés, ce qui a eu pour conséquence une réduction sensible du nombre de campagnes et de spots produits par an. Le paysage audiovisuel français a lui aussi beaucoup évolué : si les spots de la décennie soixante-dix bénéficiaient d’une bonne visibilité (les annonceurs utilisant la télévision étaient peu nombreux), ceux des années quatre-vingt-dix, noyés dans des écrans publicitaires de plus en plus longs, se sont faits très discrets. La question qui se pose enfin est celle de l’efficacité des spots de sécurité routière : il semblerait qu’on ne puisse mesurer précisément leurs effets réels sur la réduction du nombre d’accidents (les études et post-tests réalisés après les campagnes permettent de savoir si les spots ont été appréciés, mais non s’ils ont eu une influence sur la modification des comportements routiers). L’efficacité de cette communication télévisée est donc à rechercher ailleurs : elle constitue tout d’abord une sorte de contre-discours au discours dominant sur l’automobile (objet de plaisir, de vitesse, de puissance) ; par le biais de la télévision, elles diffusent des messages de sécurité visant à modifier la représentation culturelle et sociale de la route, qui est encore vécue par de nombreux usagers comme un espace privé où l’autre gêne. Elles permettent également de préparer l’opinion publique, pour que, le temps venu, telle mesure législative soit plus facilement acceptée et donc mieux respectée. Elles constituent aussi un pendant positif — et valorisant pour l’État — au système répressif du contrôle sanction.  

SCHOREISZ Stéphanie, Le quartier de Saint-Germain-des-Prés pendant l’Occupation, à travers les répertoires analytiques, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Denis Peschanski, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 190 p.

La vie quotidienne du quartier de Saint-Germain-des-Prés de 1939 à 1945 consiste dans l’étude des habitudes de vie et dans leur évolution sur un fond de défaite, d’Occupation et de Libération. Sur cette période, elle subit des bouleversements importants. L’archive nécessaire à cette étude est l’ensemble des dépositions des répertoires analytiques de la période. Il s’agit d’une source policière rédigée par les agents de police à leur retour de tournée. Dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, les habitants regroupés autour de l’abbaye, qui donne son origine au quartier, reçoivent l’annonce de l’entrée en guerre comme un véritable choc. Les hommes sont mobilisés tandis que les femmes tentent tant bien que mal de subsister. La défaite de l’armée française affole la population germanopratine qui décide de fuir et de s’engager sur les chemins de l’exode où les règles de vie et le respect d’autrui n’existent plus ; le nombre de vols et de pillages en est significatif. Les Allemands entrent dans la capitale le 14 juin 1940 et leur présence dans le quartier se fait immédiatement sentir : ils imposent, dès leur arrivée, un couvre-feu et un ensemble de règles soumettant les occupés, ils pillent les magasins et réquisitionnent les hôtels du quartier pour s’y loger. Paris et ses quartiers aux mains d’un pilleur se vident petit à petit de ses ressources alimentaires. Pénurie et privations sont quotidiennes. Tout vient à manquer : nourriture, vêtements, charbon. Face à cette pénurie, des ripostes sont établies comme le troc et l’envoi de colis familiaux, que les paysans envoient aux citadins pour compléter leur nourriture journalière. Cependant, ce manque de tout amène un bouleversement des comportements et des mentalités. La fraude, le vol sont monnaie courante. Dans ces temps de misère, l’honnêteté et la moralité sont sérieusement affectées. D’autre part, les services de police sont les exécutants dociles des mesures de répression édictées par l’Occupant. Cette collaboration est de plus en plus mal perçue par les habitants du quartier qui assistent impuissants aux rafles et traques des communistes et des Israélites du quartier. Certains décident de réagir et par des gestes symboliques marquent leur opposition à la présence de l’Occupant dans le quartier. Croix de Lorraine, tracts puis attentats se multiplient dans Saint-Germain-des-Prés. L’aboutissement final en est la libération du quartier par les hommes de la résistance, aidés des services de police français et des populations. Le quartier profite de sa liberté retrouvée, mais les exactions commises pendant l’Occupation par ceux qui ont pactisé avec les Allemands sont dénoncées et leurs auteurs arrêtés. Une véritable furie s’empare des habitants du quartier à l’encontre de ces « collaborateurs ». Avec la Libération, Saint-Germain-des-Prés « accueillent » de nouveaux « occupants » : les Américains commettent des délits et des abus dans le quartier : vols, agressions et marché noir. Un autre phénomène lié à la Libération est une véritable soif de vivre de la jeunesse qui a vécu cette difficile période d’Occupation. Saint-Germain-des-Prés devient le lieu de rendez-vous de ces jeunes qui se réunissent dans ses caves, devenues des bars. Jazz et fureur de vivre sont désormais les maîtres mots de Saint-Germain-des-Prés.

SÉVÉRINI Orsola, Étude comparative du vocabulaire du PCF et du PC [en 1947 à travers les éditoriaux de l’Humanité et de l’Unita, Maîtrise [Denis Peschanski, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 151 p.

L’objet de cette étude n’est pas de comparer les stratégies du PCF et de son homologue italien, mais d’étudier les évolutions, les similitudes et les dissemblances du vocabulaire qu’ils emploient. Plus précisément, il s’agit ici d’étudier le discours des deux partis communistes tel qu’il apparaît dans les deux journaux officiels de chaque parti. En effet, les sous-titres de l’Humanité et de l’Unità sont « organe central du Parti Communiste Français » d’une part, et « Organo del Partito Comunista Italiano » d’autre part. Il s’agit donc de bien plus que de journaux d’opinion, mais de véritables porte-parole de leur parti, où s’exprime la ligne politique de celui-ci ainsi que sa position sur les différentes questions d’actualité. Ce rapport à l’actualité est d’autant plus important qu’il s’agit de quotidiens. Nous verrons d’ailleurs que les journalistes sont des membres dirigeants de leur parti, parfois très influents. Il faut aussi tenir compte du fait que le discours communiste, tel qu’il apparaît dans L’Humanité et l’Unità, est un discours public, destiné aux membres et aux sympathisants du parti. Par conséquent, si cette étude peut mettre en lumière des éléments de la stratégie des deux partis, il ne pourra s’agir que d’éléments que le parti veut délibérément faire transparaître. Les différentes études des archives soviétiques et des partis communistes qui se sont multipliées à partir des années 1990 ont montré que le discours interne communiste peut parfois s’opposer diamétralement à son discours public. Parmi les nombreux articles qui composent les deux publications, j’ai choisi d’étudier l’éditorial. Un éditorial est un article où s’exprime la position prise par la rédaction du journal sur les différents sujets d’actualité. On peut donc le différencier des autres articles, car il ne se contente pas de relater ou de décrire un événement, mais il apporte une réelle réflexion et un point de vue sur le sujet en question. Même si dans le cas de l’Humanité et de l’Unità, il est plus difficile de distinguer l’éditorial des autres articles, qui expriment tous le point de vue communiste, celui qui ressemble le plus à la définition d’éditorial se situe à la première colonne à la gauche de la Une dans les deux cas. L’année 1947 est souvent présentée comme une année charnière au cours de laquelle les deux grands vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale basculent de l’alliance à l’affrontement qui se traduit par la guerre froide. En effet, de l’échec de la conférence de Moscou en mars à la naissance du Kominform en septembre, en passant par le plan Marshall, la situation internationale est de plus en plus tendue. La formation de deux blocs comprenant chacun son aire d’influence se précise. Il est cependant difficile de donner une date précise à ce tournant, le débat historiographique étant encore ouvert à ce sujet. Cette évolution a des répercussions au niveau national au centre desquelles les partis communistes jouent forcément un rôle majeur. Leur position est plus facile et plus claire en Europe orientale, mais il en va autrement dans les pays, comme la France et l’Italie, qui ont été libérés par les forces anglo-américaines. Si nous avons choisi de nous intéresser au PCI et au PCF, c’est que les deux partis connaissent des parcours semblables de part et d’autre des Alpes. En effet en janvier ils sont tous deux au gouvernement, ayant reçu plus de 20 % des suffrages, et forment une alliance tripartite avec le parti socialiste et le MRP en France, et la Démocratie Chrétienne en Italie. En mai, ils sont tous deux exclus de leur gouvernement respectif et, enfin, ce sont les deux seuls partis communistes de l’Europe occidentale à participer à la conférence constitutive du Kominform en septembre. De même, leur stratégie, fortement dépendante de Moscou est très proche. Plusieurs historiens se sont demandé les raisons pour lesquelles ces deux partis étaient si importants dans des pays libérés par les Alliés. Marc Lazar estime que ceci est dû au rôle que la Résistance a joué en France comme en Italie et au fait que dans les deux cas il y a eu une refondation de l’État à la suite du conflit. Cependant, si de nombreux éléments permettent de rapprocher le PCI et le PCF en 1947, il ne faut pas pour autant faire abstraction des nombreuses dissemblances. En effet, la France est du côté des vainqueurs et dispose à ce titre d’une zone d’occupation en Allemagne et d’un siège permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies, alors que l’Italie se situe du côté des vaincus au même titre que les autres anciens alliés de l’Allemagne nazie. De plus, si certes, il y a eu refondation de l’État dans les deux cas, pour la toute jeune République italienne, il s’agit d’un véritable apprentissage démocratique après vingt ans de régime fasciste. Alors que, bien qu’ébranlée par le régime de Vichy, la République française dispose de bases bien plus solides. De même, certains aspects sont propres à chaque pays : la France dispose d’un Empire colonial alors que ce n’est pas le cas en Italie ; le poids de l’Église catholique et du Vatican est très fort en Italie alors que la France est beaucoup plus laïque ; en outre, les disparités sociales sont beaucoup plus fortes en Italie qu’en France. En ce qui concerne les partis communistes, le PCF a déjà fait partie d’une coalition gouvernementale (bien que n’ayant pas directement participé au gouvernement) en 1936, alors que pour le PCI il s’agit d’une grande première. De même, les rapports avec les autres formations politiques ne sont pas les mêmes, en particulier en ce qui concerne le parti socialiste. Du point de vue bibliographique, outre la grande quantité de travaux consacrés au communisme, il existe plusieurs ouvrages mettant en parallèle le PCI et le PCF dans la période qui nous intéresse ici. On peut notamment citer du côté français, Maisons Rouges de Marc Lazar et, du côté italien, le livre de Elena Aga-Rossi et Giacomo Quagliarello, l’Altra faccia della luna. De même qu’il existe une importante bibliographie consacrée à l’année 1947, en tant que commencement de la guerre froide. Enfin, Denis Peschanski, dans Et pourtant ils tournent, effectue une analyse du vocabulaire du PCF à travers les éditoriaux de l’Humanité, mais pour la période 1934-1936. Mais il n’existe à notre connaissance, aucune étude qui, rassemblant ces différents éléments, mette en parallèle le vocabulaire de l’Humanité et de l’Unità.

VERNET Emelyne, Représentation d’un mythe : Napoléon à travers le cinéma et la télévision française, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 160 p.

L’effigie de Napoléon a suivi l’histoire du cinéma et de la télévision qui l’ont, dès leur début, représenté et continuent encore aujourd’hui. Indémodable, indétrônable pour certains, il inspira Abel Gance et Sacha Guitry, donna à Christian Clavier son premier grand rôle dramatique, servit les ambitions culturelles et commerciales des chaînes publiques. Les films s’inspirent de l’histoire, d’événements ou d’anecdotes de la vie de l’Empereur, exaltant l’homme en majesté ou le rendant le plus familier et simple possible. L’image animée faisait vivre les tableaux d’autrefois offrant à Napoléon de nouveaux moyens de représentation, parfois une nouvelle propagande.

WILLAUME Marie, La Semaine, Taure la vie et Actu : la presse populaire illustrée collaborationniste (1940-1944), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 263 p.

Cette étude a pour objet trois magazines populaires illustrés au service de la collaboration qui paraissent en France pendant l’Occupation : La Semaine (17 juillet 1940 – 8 juin 1944), Toute la vie (7 août 1941-10 août 1944) et Actu (3 mai 1942-13 août 1944). Ils ont été créés pour soutenir la politique de rapprochement franco-allemand par des collaborationnistes convaincus. Leurs directeurs respectifs sont Guy Bunau-Varilla, Jean Luchaire et Philibert Géraud. Dirigés et réalisés par des équipes françaises, ces hebdomadaires sont cependant sous le contrôle étroit des institutions allemandes chargées de la propagande en France occupée. Toute la vie et Actu sont deux des nombreuses publications contrôlées par le trust Hibbelen, le groupe de presse de l’ambassade. Reprenant les formules de la presse magazine illustrée des années trente, ces publications représentent une voie d’accès originale à la culture collaborationniste. Loin d’être exclusivement politique, leur contenu rédactionnel est d’une grande diversité : il mêle mondanités parisiennes, actualités militaires et diplomatiques, divertissements et articles célébrant la « renaissance » de la France. Cette recherche s’intéresse également à la structure formelle de ces médias qui se distingue par sa modernité et sa richesse iconographique. Ces trois titres véhiculent les valeurs de la Révolution nationale, mais également l’idéologie européenne. La dimension nationale du discours vise à susciter l’illusion d’une souveraineté française et à mobiliser les énergies dans l’instauration de l’ordre nouveau, d’une part, et à démontrer la nécessité de la collaboration, d’autre part. La dimension européenne insiste de façon manichéenne sur la légitimité du combat mené par le Reich contre des ennemis qui menacent la civilisation. L’édification de l’Europe nouvelle apparaît comme l’horizon pacifié de cette lutte et comme l’avenir de la France. Il s’agit de poser la question des conditions de production de ces magazines, de leur adaptabilité à la propagande et de leur place dans l’appareil d’occupation allemand.

2002

ALVINO Nicolas, Les sapeurs-pompiers de Paris : un Régiment de France (1926-1936), Maîtrise [Christian Chevandier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 179 p.

Le bruit familier des sapeurs-pompiers est devenu au cours des années un signal de détresse. Les hommes en casque à bord de leurs engins rouges se hâtent pour secourir l’inconnu. L’étude d’un tel groupe social fut semée d’embuches, mais l’accomplissement du travail n’en fut que plus bénéfique. La monographie des sapeurs-pompiers de Paris montre en quoi cette société dans la société a pu être mal perçue par les personnes qui l’entouraient. Suite à un immense incendie en 1810 à l’ambassade d’Autriche, Napoléon Ier jugea indispensable de mettre le Corps de sapeurs-pompiers de la ville de Paris sous statut militaire, avec une organisation stricte ne laissant pas de place pour la fantaisie ou le hasard. Le seul moyen pour défendre efficacement la ville fut de quadriller au mieux l’espace urbain selon une division basée sur la densité de population et sur la superficie de chaque secteur à défendre. Une fois ce problème réglé, il devait en ressortir une organisation des plus parfaites tant au niveau général que local. Le droit à l’erreur ne devait pas exister dans ce métier. On a alors pu s’apercevoir que l’évolution du Corps s’est faite dans le même temps que les progrès techniques que pouvait connaître la société. Les téléphones, les automobiles, mais aussi les tenues mieux adaptées aux circonstances de lutte contre le feu vont s’adapter à l’air du temps. Cette période fut aussi synonyme d’une tentative de retrouver les années glorieuses d’avant-guerre et on vit donc une douce folie s’emparer des gens, mais aussi des sapeurs-pompiers qui ne sont que des hommes. Majoritairement célibataires, ils ne refusaient pas de goûter aux plaisirs de la vie. Cela avait pour conséquences des réprimandes et de nombreux rappels à l’ordre de la part des capitaines de compagnies sur le respect de la discipline au sein des casernements. Ces lieux fermés au public se devaient d’être dans un état sanitaire irréprochable. Enfin, les sapeurs-pompiers ne restent pas sans honorer la mémoire des leurs tombés au feu, ils effectuent l’appel aux morts du feu et se doivent entre eux de se souvenir des devises du Corps : « courage et dévouement », « sauver ou périr ». Malgré leur vie bien chargée, ils disposaient aussi de temps de récupération pour se vider l’esprit et retrouver un peu d’humanité au sein des foyers ou en partageant un verre avec la population. En fait, on peut dire que cette société fermée ne l’est pas tant que cela, mais qu’elle se fait secrète sur ses principes de vie commune.

AMRI Aïcha, L’Action française et les femmes (1926-1936), Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 141 p.

Cette étude est consacrée d’une part, à la vision des femmes de l’Action française et d’autre part, à une présentation des femmes de l’Action française et de leur activité.

L’Action française est l’une des plus importantes ligues d’extrême-droite de l’entre-deux-guerres. Elle se distingue des autres ligues par sa capacité à avoir élaboré une doctrine cohérente. Aussi, l’Action française par le biais de ses dirigeants, principalement Charles Maurras et Léon Daudet, va établir sa vision des femmes et plus particulièrement de la femme française. Ainsi, les deux dirigeants de l’Action française par l’intermédiaire, entre autres, du quotidien de la ligue L’Action française vont décrire leur vision de la femme. La femme est perçue essentiellement comme mère au foyer. Les femmes qui sortent de leur « condition naturelle » sont considérées comme des « irrégulières ». Ainsi, la ligue dénonce toute volonté d’émancipation des femmes et rejette tout féminisme. Face aux « irrégulières » parmi lesquelles on retrouve les féministes, les étrangères et les Juives, l’Action française va présenter le modèle de la femme idéale : celle-ci est avant tout française, mère au foyer, catholique et patriote.

Parmi les membres de l’Action française on retrouve plusieurs femmes venues à la ligue suite à la séparation de l’Église et de l’État en 1995. Les femmes sont présentes dans la ligue en tant que ligueuses, mais aussi par le biais d’associations telles les Jeunes Filles Royalistes ou encore les Dames Royalistes. Les femmes de l’Action française sont des militantes convaincues qui n’hésiteront pas à aller sur le terrain pour propager l’idéologie de la ligue.

AMSELLEM Élodie, Le Mythe Dior, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002

Jupe virevoltant de vingt mètres de tour, chapeau incliné sur I’œil, démarche insolente, quand elle apparaît, le 12 février 1947, ce n’est pas un rêve, c’est la féminité incarnée, voluptueuse, mélange de folie et d’élégance.

Le New Look, qui rendit Christian Dior dès ce jour, célèbre, dynamisa une époque qui s’enlisait dans la dureté de l’après-guerre en ressuscitant un art de vivre auquel nul n’osait plus croire. Ce furent les grandeurs du café society », cocktail de créateurs en herbe et d’un Tout-Paris aristocratique encore plongé dans la splendeur du XIXe siècle.

Mais ce sont les Américains, alors fascinés par la vieille Europe, qui furent les vrais artisans de son succès. Dior le comprit et sut, le premier, commercialiser cette tradition de goût et d’élégance propre à la France. De la diversification de ses produits, à la mise en pratique des accords de licence, la griffe « Dior » se répand dans le monde et Christian Dior devient une personnalité aussi connue que Gandhi.

Pour comprendre ce succès, il faut retourner dans son passé, son enfance, pour découvrir quelles furent les sources de son inspiration.

Christian Dior évoque le luxe, le prestige, mais aussi l’image, la publicité, la photographie de mode, les ateliers de confection, les clientes, les défilés… il s’agit de tout un monde, propre à la Haute Couture et propre à cette griffe. Il est ainsi impossible de concevoir l’univers Dior sans parler de Roger Vivier, bottier, ou encore de René Gruau, illustrateur, de Mitzah Bricard, sa muse, ou de Raymonde Zehnaker, son amie et directrice du studio.

Le mensuel Vogue est en France, le meilleur écho des évolutions de la mode. C’est à travers cette presse féminine que le mythe Diors’est constitué. John Galliano, nouveau designer de la maison Christian Dior poursuit les « codes maison » laissés par Christian Dior, et s’en inspire encore aujourd’hui.

Le New New Look de Galliano perpétue cinquante ans plus tard l’héritage de Christian Dior, un nom magique qui comporte ceux de Dieu et or.

ANRIEU Christine, Les représentations des femmes dans la presse féminine : L’exemple du magazine Elle (1970-1990), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 168 p.+ 52 p. d’annexes.

À travers l’étude des pages rédactionnelles du magazine Elle, il s’agissait de comprendre pourquoi les thèmes « typiques » destinés aux femmes sont restés inchangés, tandis que les formes et les contenus du journal ont sans cesse évolué pour s’adapter aux changements socioculturels et écono­miques. Avec l’émancipation des femmes, leur presse s’est efforcée d’intégrer les questions correspondant à ce changement de statut social, ce nouveau partage de responsabilités en matière de travail, de droit d’éduca­tion des enfants et de sexualité. Il s’agissait de se demander dans quelle mesure cette presse massivement diffusée enregistre les mutations de la condition féminine de la fin du XXe siècle et quelles sont les différentes représentations des femmes.

Il ressort des pages du magazine féminin non pas une représentation univoque de la femme, mais des images multiples et contradictoires. Ainsi cohabitent le modèle physique de la femme jeune, mince et fardée, celui de la femme au travail, encore inégalement accepté, et l’image à multiples facettes de la vedette de cinéma. Ces représentations se superposent à des modèles plus anciens comme les rôles traditionnels de la féminité, en pre­mier lieu, la maternité, contradictoire avec le précepte de la minceur. Les images proposées ne peuvent en aucun cas se résumer à la dualité épouse et mère d’un côté, femme fatale de l’autre.

BEARD Jean, Les temps modernes : 1977-1991, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002

BEAUMONT Maud, Analyse thématique du monde de Zig et Puce dans les albums d’Alain Saint-Ogan, édités chez Hachette entre 1927 et 1952, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 343 p.

« Zig et Puce sont deux garçons qui veulent aller faire fortune en Amérique » : Voici comment Alain Saint-Ogan résume, en 1970, le thème de la série de bande dessinée Zig et Puce qu’il a scénarisée et dessinée avec passion pendant près de quarante ans. « L’histoire devait être un bouche-trou », ajoute-t-il humblement. En effet, lorsque la première planche de Zig et Puce paraît dans le « Dimanche-Illustré », un supplément hebdomadaire pour enfant de L’Excelsior, elle semble avoir pour seul destin de combler épisodiquement la dernière page du journal délaissée par les publicitaires. Mais Saint-Ogan ne sait alors pas qu’il vient de révolutionner la bande dessinée française en étant le premier dessinateur à systématiser l’utilisation du phylactère.

Néanmoins, cette innovation n’est pas la plus remarquable dans l’histoire de la série, et Zig et Puce inaugure surtout un phénomène inédit et spectaculaire. En effet ce qui n’était au début que les petites aventures humoristiques de deux jeunes globetrotteurs espiègles et téméraires, Zig et Puce, et de leur malicieux Pingouin Alfred s’est transformé en un véritable phénomène de société. Les trois petits personnages sont devenus de véritables idoles. Pour la première fois, une bande dessinée était mise sous les feux des projecteurs. Pourtant, malgré un succès si retentissant, Zig et Puce est tombée peu à peu dans l’oubli, Saint-Ogan n’ayant pas su renouveler son lectorat.

Pour autant, nous aurions pu penser qu’une telle révolution dans la bande dessinée aurait intéressé les journalistes et les historiens, loin de là. Les quelques recherches qui ont été consacrées à la série tiennent essentiellement en deux articles (revue Phénix, numéro 9 et Le collectionneur de bandes dessinées, numéros 48 et 49.). Et l’étude la plus ignorée et de loin, celle de l’œuvre elle-même. Ce terrain ne pouvait donc que m’attirer et je décidai de me consacrer à l’étude analytique des thèmes récurrents abordés dans Zig et Puce, qui constituent l’environnement socioculturel de la série et déterminent son action. Cette étude approfondie a pour dessein de mettre en exergue les qualités intrinsèques de la série, et de déterminer si sa perte d’adhésion réside dans la détérioration de ses indéniables qualités au fil des albums ou dans un défaut d’adaptation aux nouveaux codes de la bande.

BERDUCAT Maud, Le putsch d’Alger et la presse : une étude comparative de cinq quotidiens (Libération, Le Monde, l’Humanité, Le Figaro et l’Aurore), Maîtrise [Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2002

Le putsch d’Alger qui éclate dans la nuit du samedi 22 au dimanche 23 avril provoque un véritable effet de surprise dans l’ensemble des milieux politiques et dans la population. Le milieu journalistique n’est pas épargné.

L’ensemble des rédactions est mobilisé pour couvrir l’événement. L’importante place qui lui est réservée dans les journaux témoigne de sa gravité.

Mais ces quotidiens ne s’arrêtent pas à une simple présentation de l’événement, ils expriment chacun leurs opinions qui correspondent à leur idéologie et leur position politique. Ils vont néanmoins être unanimes sur un point : il faut dire non au putsch.

La crainte de l’instauration d’une dictature militaire et d’une guerre civile partagée par tous, puis de la remise en cause des négociations avec le GPRA qui inquiète surtout les journaux de gauche (L’Humanité, Le Monde et Libération), et enfin de l’internationalisation du conflit que pointe surtout Le Monde, les poussent à se mobiliser.

Ces journaux dans l’ensemble ne refusent pas leur soutien au général de Gaulle, qui a su faire preuve d’une fermeté implacable lors de son discours prononce le dimanche 23 avril à 20 heures. Il apparaît comme le meilleur rempart au putsch.

Seuls L’Humanité et Libération mettent surtout l’accent sur la manifestation populaire qui peut permettre de mettre à raison les généraux factieux, mais aussi d’influencer la politique du président de la République auquel ils reprochent « son imprévoyance et sa complaisance ».

L’échec du putsch, le mardi 25 avril, renforce l’idée pour la majorité de ces journaux, qu’il faut maintenant accélérer les négociations avec le GPRA et faire la paix. Le conflit algérien n’a plus de sens.

BÉRARD Jean, Les Temps modernes, 1977-1991, « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament » René Char, Feuillets d’Hypnos, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 176 p.

Une étude de la revue Les Temps modernes sur la période 1977-1991 renvoie à trois types d’interrogations, qui sont trois axes problématiques. Comment la revue fait-elle face à la maladie puis à la disparition de son fondateur et de son directeur emblématique, Jean-Paul Sartre ? Comment la revue réagit-elle en face du puissant mouvement qui pousse les intellectuels, au milieu des années 70, à opérer un retour critique sur leurs engagements passés, et, de manière exemplaire, sur leur adhésion au marxiste ? Enfin, compte tenu de ces deux éléments de rupture, que devient la revue dans les années 80 ? Quel type de réflexion développe-t-elle dans ce contex­te intellectuel nouveau ? Ces trois directions sont les trois moments de notre travail.

Le premier tente de cerner la manière dont s’opère la double succession, de Sartre en 1980, puis de Beauvoir en 1986. C’est Claude Lanzmann qui prend leur suite à la tête de la revue. Il est un intime du couple, et on comprend que, dès lors, la revue cherche à donner d’elle-même l’image de la continuité de sa vocation, dans le respect de l’inspiration et de la conception sartrienne de l’engagement.

Mais cette continuité ne résiste pas à l’analyse, et il apparaît que Les Temps modernes, de manière remarquablement synchrone avec le reste du paysage intellectuel français, négocient, au nom d’une critique du pouvoir, un virage radical et fondent sur de nouvelles bases leurs engagements politiques. Cela ne signifie pas que la revue renonce à ses centres d’intérêt (les femmes, le socialisme, les minorités, le Tiers-monde), mais qu’elle conçoit ses prises de position selon des critères nouveaux, qui ont pour noms droits de l’homme, liberté et citoyenneté. Mais la singularité la plus forte de la revue n’est pas là.

À la suite de Claude Lanzmann et de Shoah, Les Temps modernes ordonnent leur morale politique à partir de l’événement fondateur du génocide. L’Holocauste, outre un domaine d’étude et de recherche inlassablement exploré, devient le principe des positions de la revue. Dans un moment intellectuel marqué par le retour d’un universalisme humaniste, il est une figure historique du mal radical, et, à ce titre, une matrice de compréhension de ce qui fait la tragédie de notre siècle.

BIZET Fabrice, L’Amicale des Travailleurs africains en France : mode d’expression communautaire en « quartier sensible », Maîtrise [Jean-Louis Robert, Marie-Claude Blanc­Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 173 p.+ 48 p. d’annexes

Alors que les questions du « mal des banlieues » et de l’intégration des immigrés sont loin d’être résolues, cette étude monographique s’est penchée sur une association noire africaine située dans le quartier des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes.

Ayant toujours constitué un moyen d’expression privilégié des étrangers, les associations offrent une approche intéressante quant à leur identité, leur volonté d’être acteur au sein d’un pays où la citoyenneté leur est refusée. Étudier la création d’une population longtemps cantonnée dans les foyers, mais qui a souvent été aux avant-postes des luttes urbaines conforte cet intérêt. De surcroit, le mouvement associatif noir africain se distingue par son dynamisme, mais également par le peu de recherches l’ayant pris pour objet.

Depuis une vingtaine d’années, le processus ségrégatif d’accès au logement particulièrement intense chez les Noirs Africains, favorise l’émergence de regroupements résidentiels donnant lieu à l’éclosion d’associations communautaires revendiquant la représentativité de la communauté noire africaine locale et développant des activités favorisant l’amélioration des conditions de vie de leurs adhérents : c’est le cas de l’ATAF.

Basée sur des sources dans l’ensemble assez riches (écrites, iconographiques, orales), notre recherche a eu pour ligne directrice essentielle de retracer l’histoire de l’association. Afin d’appréhender au mieux cette dernière, nous avons jugé indispensable d’étudier au préalable le « milieu » dans lequel s’inscrit l’amicale (cadre local et hommes la composant). Par ailleurs, la « sédentarisation » en France et les années de militantisme posent la question de l’impact sur l’identité de ces hommes. Les populations noires d’Afrique étant souvent présentées comme émanant d’une société traditionnelle « figée dans l’airain du temps », il est intéressant de s’interroger quant aux permanences et aux mutations opérées de la société d’origine au pays d’accueil.

BOISAUBERT Léa, Histoire et mémoire de « L’Affiche rouge » (1944-1998) : symbole du combat des résistants immigrés de la MOI, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 155 p. + 56 p. d’annexes

À la Libération, une mémoire dominante de la Seconde Guerre mon­diale s’est imposée, renvoyant au peuple français l’image d’une masse unie dans la résistance derrière son chef charismatique ou son parti d’avant­ garde. Cette image imposait une « nationalisation » de la Résistance française, ne laissant guère de place aux particularismes. Pour les immigrés qui avaient fait le choix de l’intégration dans la société française, l’affirmation de leur différence ne pouvait être à l’ordre du jour. Dès lors, l’affiche de propagande allemande diffusée en février 1944, communément appelée « Affiche rouge », et illustrant le procès exemplaire de vingt-trois résistants immigrés appartenant à la MOI, reste le grand témoignage de la participation des immigrés dans le combat pour la libération de la France. Ainsi, paradoxalement une affiche de propagande allemande symbolisant la répression envers la Résistance, mais également le caractère résolument antisémite et xénophobe du régime nazi, devient progressivement le vecteur privilégié de transmission de la mémoire de ces hommes et ces femmes.

En effet, si au moment de sa diffusion, « l’Affiche rouge » n’a certainement pas ou peu marquée l’opinion publique de l’époque, son image s’est tout de même ancrée progressivement dans la mémoire collective grâce à différents vecteurs de transmission. C’est donc autour des hommes qu’elle incarne et particulièrement autour de la figure de Missak Manouchian, que se focalise pendant des années la mémoire des résistants immigrés. Loin d’être totalement oubliée, la mémoire des « vingt-trois » reste malgré tout confidentielle pendant près de quarante ans. Le PCF n’attribue en effet à cette dernière qu’une place marginale dans l’exaltation de sa mémoire résistante, instrumentalisant l’Affiche et les résistants immigrés de la MOI au gré de divers conflits idéologiques. Une commémoration annuelle en l’honneur des « vingt-trois » sert toutefois de fil conducteur dans la transmission d’une mémoire spécifique de la Résistance française. Mais cette mémoire est encore le fruit d’une fabrication aléatoire, sujette au refoulement et à la légende.

La véritable histoire de ces hommes incarnée par « L’Affiche rouge » reste totalement ignorée du grand public pendant des années. C’est le déclenchement d’une vaste polémique autour de la diffusion d’un docu­mentaire en 1985 qui engendre une rupture certaine dans la manière d’aborder l’histoire et la mémoire de ces résistants. Cette polémique permet dans un premier temps de faire éclater au grand jour une mémoire, jusque ­là confidentielle. L’opinion découvre ainsi l’existence d’une structure spéci­fique de la Résistance communiste : la MOI. Dans un deuxième temps, la focalisation de cette affaire sur l’arrestation massive de novembre 1943, à l’origine du procès des « vingt-trois », incite les chercheurs à s’intéresser à ce terrain vierge de l’histoire de la Résistance. L’avancée historiographique résultant de cette initiative permet alors de transmettre une mémoire des résistants FTP-MOI de la région parisienne plus conforme à la vérité historique et d’influencer quelques années plus tard l’enseignement de la Résistance dans le cadre du système scolaire. En effet, avec le changement de programme de 1995, « L’Affiche rouge » apparaît pour la première fois dans les manuels scolaires, permettant ainsi d’élargir la transmission de cette mémoire aux jeunes générations. Enfin en 1998, le thème du concours national de la Résistance et de la déportation est consacré pour la première fois, depuis sa création en 1964, aux étrangers dans la Résistance.

BOYER Leila, Les sociétés de secours mutuels parisiennes au tournant du XIXe et du XXe siècle, Maîtrise [Michel Dreyfus, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 192 p.

Une société de secours mutuels est une association dont les membres constituent une caisse par des cotisations régulières. L’argent mis en commun sert à secourir ceux qui se voient privés de revenu, à cause de la maladie, la vieillesse ou le décès du chef de ramille. En 1880, Paris compte plus de 500 sociétés, très diverses par leurs modes de recrutement, leurs tailles et leurs fonctionnements. Les cas de figure sont multiples, d’où l’ambigüité croissante de statuts juridiques héritée des régimes précédents, qui ne suffisent pas à comprendre la diversité des fonctionnements. Le travail a donc d’abord consisté à poser des repères parmi ces groupements.

En premier lieu, les objectifs et l’activité varient d’une association à l’autre. Une grande différence existe entre les sociétés qui organisent uniquement un service de retraite et les sociétés qui versent également des secours. En outre, les fonctionnements financiers sont plus ou moins élaborés. Sous l’impulsion d’H. Maze, la question de l’efficacité de la gestion est traitée par les mutualistes notamment lors du congrès de 1889. Les budgets de différentes sociétés ont été examinés pour déterminer si au terme de la période, les orientations définies en congrès ont eu un impact sur les pratiques des sociétés. À la fin des années 1880, certaines sociétés ont des modes de recrutement et de fonctionnement similaires. On peut effectuer des rapprochements parmi trois ensembles : les sociétés de I’artisanat, celles du commerce et les sociétés municipales d’arrondissement. Les sociétés dont les dirigeants s’impliquent dans les congrès nationaux ont été étudiées en priorité.

Les relations entre les groupements ont aussi été envisagées. Les années 1880-1898 sont une période d’incertitude à l’échelle régionale. Elles correspondent à la situation du mouvement mutualiste national. Celui-ci traverse une étape transitoire, depuis l’arrivée au pouvoir des républicains en 1879 jusqu’à la loi de 1898, qui libère les initiatives mutualistes. Tout d’abord, les sociétés parisiennes sont peu représentées lors des congrès de la mutualité, qui ont lieu à partir de 1883. De plus, les institutions parisiennes ont du mal à se développer et leur rayonnement est limité. Il s’agit en particulier de la Chambre consultative, créée en 1883, autorisée en 1884. Enfin, la législation héritée du Second Empire ne reconnaît pas aux sociétés de secours mutuels le droit des’associer, en particulier à l’échelle du pays. Des mouvements d’action nationale, comme la Ligue nationale de la prévoyance et de la mutualité (autorisée en 1890) ou l’Union nationale des présidents (autorisée en 1893) sont donc considérés comme parisiens, alors qu’ils ne touchent que très partiellement les sociétés de secours mutuels locales.

Les années qui suivent le vote de la Charte de la mutualité en 1898 sont décisives. D’une part, une réelle Union des sociétés du département de la Seine est créée en 1902. D’autre part, les premières années du XXe siècle sont marquées par un développement quasi exponentiel des effectifs. L’essor se produit principalement dans des sociétés de création récente, qui relève souvent des secteurs salariés en expansion dans la capitale, comme l’administration et les transports. Le tournant du siècle représente donc un moment charnière, au cours duquel la composition des effectifs mutualistes change profondément.

BRETONNEAU Aurélie, Le corps glorieux. L’invention d’un nouveau corps dans la publicité, 1958-1992, Maitrise [Pascal Ory], 2002, 150 p. + CD-ROM images

Le corps publicitaire, jeune, mince, beau, bronzé, nous apparaît avec la facilité de l’évidence : Pourtant, l’examen des publicités pour le corps parues dans les trois magazines que sont Paris Match, L’Express et Salut les copains de 1958 à 1992 révèle que ce « corps glorieux » n’est pas un donné, mais un construit historique, le vainqueur d’un combat contre la chair et ses tourments. En somme, à tenter de faire une généalogie de la morale moderne à partir de l’histoire visuelle des corps, on découvre que cette morale, pour paraître plus permissive que celle qu’elle supplante, n’en est pas moins contraignante. Elle révèle que la modernité et le souci de soi sont les composantes majeures de ce qu’il faut bien considérer comme un mythe, bâti autour de l’homme nouveau, forgé à même son corps. Il incombe alors à l’histoire de redonner aux images toute la place qu’elles méritent dans une histoire des représentations contemporaines, au sein d’une conscience collective devenue toute visuelle.

BROQUET Stéphane, Henri Queuille et le parlementarisme de la IVe République, Maîtrise [Pascal Ory, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 354 p.

Trente-deux ans après sa mort les Français se souviennent peu d’Henri Queuille. Il n’est pas considéré comme une des personnalités marquantes de la vie politique française. Seul son record de portefeuilles à la rue de Varenne reste encore dans les mémoires. Ses trois présidences du Conseil sont inconnues du grand public. Présent à la tête du Gouvernement pendant 16 mois et 29 jours, il est pourtant moins connu que Pierre Mendès France qui n’y est resté que 7 mois et 27 jours.

Pourtant les réalisations d’Henri Queuille sous la IIIe comme sous la IVe République ont été déterminantes. Son action est marquée par de grands thèmes qui apparaissent comme des leitmotivs dans sa carrière politique : défense des institutions républicaines en période de crise, restauration de l’autorité de l’État et maintien de l’ordre public pendant les grèves, politique agricole européenne, défense du franc et rétablissement des équilibres économiques, aménagement du territoire et primauté de l’intérêt général sur l’intérêt partisan ou électoral.

Henri Queuille est en effet un parlementaire très actif même s’il reste dans l’ombre des grands ténors du Parti radical. Entré au gouvernement pour la première fois à l’âge de 35 ans en 1920, il devient le « recordman de porte­feuilles ». Refusant de voter les pleins pouvoirs à Pétain en 1940, Henri Queuille rejoint de Gaulle à Londres en 1943 et obtient la présidence par intérim du gouvernement provisoire de la République française, remplaçant de Gaulle lors de ses voyages et préparant la nouvelle Constitution.

Il parvient au faîte du pouvoir en septembre 1948 à un moment où la IVe République semble vouée à la disparition, attaquée à Gauche par le Parti communiste et à Droite par le Général de Gaulle. Il sauve ainsi provisoirement le régime. Au cours des treize mois de l’« Année Queuille », record de longévité gouvernementale à l’époque, il réussit à rétablir la confiance, juguler une inflation galopante, lever l’hypothèque communiste en faisant face, avec courage et sang-froid, à des grèves quasi insurrectionnelles et provoquer enfin un retournement dans lequel s’enlisera le défi gaulliste. Son second Ministère prouve que le « contrat » entre les membres de la majorité ne peut être rompu impunément. Enfin, le troisième Ministère Queuille surmonte pacifiquement les difficultés sociales posées par les remous économiques de la Guerre de Corée. Finalement il accélère le vote de la loi électorale et la convocation des électeurs.

Ce mémoire a pour ambition d’apporter des éléments de réponses à trois questions qui se posent au sujet de la vision et de l’action politique d’Henri Queuille sur le parlementarisme de la IVe République.

La première question porte sur la culture politique d’Henri Queuille issue de la IIIe République. De quelle manière l’expérience parlementaire et gouvernementale d’Henri Queuille a réussi à forger sa vision du parlementarisme ?

La seconde question est la suivante : la vision parlementaire d’Henri Queuille est-elle une vision originale, différente de celle de ses partenaires radicaux et des membres d’autres partis ? On peut se demander en quoi ses relations ont influencé sa manière de concevoir le parlementarisme. Nous nous efforçons également d’établir des comparaisons entre Henri Queuille, les communistes, les socialistes, le MRP, afin de distinguer leurs points de convergence ou d’opposition.

La dernière question concerne plus particulièrement la vision parlementaire d’Henn Queuille. Il s’agit de se demander s’il a une vision générale, globalisante, qui n’intègre pas seulement les questions purement institutionnelles et constitutionnelles, mais également sociales, financières, d’économies sectorielles. Il prouve ainsi à la fois son pragmatisme et son lien avec le terrain. Pourquoi ces qualités doivent-elles se retrouver selon lui chez l’élu local, le député ou le ministre ?

CASANOVA Jean Baptiste, Les « Autonomes », le phénomène autonome dans la France des années 1970, Maîtrise [Franck Georgi, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 186 p.

La fin des années 1970 est caractérisée par la fin du gauchisme né de Mai 68. L’actualité de ces années est marquée par l’apparition partout en Europe de luttes armées qui s’opposent violemment aux États. Contrairement à ses voisins italiens et allemands, la France semble échapper à cette situation et ne pas connaitre « d’années de plomb ».

Pourtant de 1977 à 1979, une mouvance d’extrême gauche jusque-là inconnue monopolise la scène médiatique en s’illustrant en marge des manifestations pour les faire dégénérer en affrontements. Il s’agit de ceux que la presse appelle alors les « autonomes ».

Ils cristallisent sur eux l’animosité des services de police, des médias, des syndicats, et des autres mouvements et organisations de gauche parmi les­quels ils laisseront le souvenir d’une violence extrême. Nous voyons, dans notre mémoire, quelle est la réalité de ce mouvement, quelles en sont les origines, quels en sont les acteurs, et quelle en est l’histoire en nous interrogeant sur la place qu’occupe la violence. Car c’est autour du rapport à la violence que se démarque l’autonomie des autres groupes politiques contemporains, soit qu’ils la théorisent, soit qu’ils se solidarisent avec les mouvements de lutte armée étrangers, soit qu’ils la mettent en œuvre par l’émeute ou l’illégalisme.

Nous étudions ces aspects à partir de sources diverses : la presse militante de l’autonomie et quelques témoignages, les archives des Renseignements généraux, la presse quotidienne et les ouvrages publiés alors par le mouvement ou par des observateurs extérieurs sur ce dernier.

CASSOU Saoura, Lip, la construction d’un mythe, maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 252 p.

D’avril 1973 à janvier 1974, le personnel de l’entreprise horlogère Lip de Besançon fut en grève afin de lutter contre le démantèlement de l’entreprise et les licenciements prévus par la direction. Cette grève pour I’emploi eut un retentissement hors du commun. Celui-ci s’explique en partie par la volonté des grévistes de faire connaitre leur conflit à l’extérieur de l’entreprise. Ils cherchèrent ainsi par de nombreux moyens à populariser leur lutte, leur but étant que le soutien de la population leur permette d’être en position favorable dans le rapport de force face aux pouvoirs publics. Ils menèrent dans cet objectif une action originale, à savoir la remise en marche de la production et la vente des montres ainsi fabriquées. Ouverts sur l’extérieur, ils ont accepté l’aide de personnes qui ne faisaient pas partie du personnel de l’entreprise et ont eu accès à la fabrication d’outils, notamment un journal, un film et des cassettes audio. Ceux-ci ont donné aux Lip la possibilité d’intensifier leur popularisation et ils ont véhiculé des images de la grève. Les associations des différentes images ont per­ mis au conflit d’acquérir une dimension mythique. Il a en effet incarné des mythes préexistants, comme l’unité et l’autogestion. Par ailleurs, en mobilisant l’imaginaire de la population dans les domaines de l’organisation quotidienne, du politique et de l’humain, les images ont composé une représentation de la vie en société dans son ensemble. Enfin, le conflit évoquait d’une part des perspectives de changement des modes de lutte, de bouleversement de la société, d’évolution de l’homme, tandis que d’autre part apparaissaient des images de stabilité, de juste mesure et d’ordre. Tout en présentant une image rassurante, la grève a libéré des énergies, mis en marche des forces nouvelles qui ont donné envie d’agir. La puissance des espoirs qu’elle a éveillés, des rêves qu’elle a fait entrevoir, ont inscrit durablement le souvenir du conflit dans les mémoires. Apportant des réponses aux angoisses et aspirations du contexte de l’après Mai 68 et de la fin des Trente Glorieuses, le conflit Lip été un mythe fondateur et mobilisateur.

CHABERT Garance, Visa pour l’image, le festival international de photo journalisme de Perpignan. 1989-2002 : dans l’objectif des médias, Maîtrise [Pascal Ory], 2002. 162 p.+ 40 p. d’annexes

Créé en 1989 à la double initiative d’une municipalité désireuse de développer sa politique culturelle et des magazines Photo et Paris Match du groupe Hachette Filipacchi Médias, soucieux de soutenir un secteur de la photographie de plus en plus marginal dans ses pages, le festival de photo journalisme de Perpignan a gardé toue au long de sa jeune histoire la marque de cette double origine. En presque quinze ans d’existence, Visa pour l’image est devenu un grand succès populaire et le rendez-vous professionnel annuel de tous les acteurs du photo journalisme. Fondé sur un concept d’expositions, de soirées de projection et de rencontres avec les photographes, le festival a sorti le photo journalisme du support traditionnel de la presse et a en partie anticipé les tentatives actuelles de déplacement de la photographie de reportages vers des supports artistiques. Néanmoins, enfant de Paris Match à sa grande époque, le festival est resté ancré dans la nostalgie d’une presse laboratoire, où des reportages complexes et difficiles avaient la part belle des magazines. C’est pourquoi il s’est employé à développer un marché économique, propice à la publication des reportages qu’il représente dans les magazines. Médiatiser l’action culturelle d’une ville et d’un grand groupe de presse, et les reportages d’un monde violent que l’on a tendance à ne plus regarder, tant les images sont banalisées, voilà l’objectif de ce festival, qui de ce point de vue là, renouvelle avec succès chaque année son engagement.

CLANCIER Éliane, Monographie du Club d’Essai de la Radiodiffusion française, 1946-1960, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 166 p.

Le projet d’écrire la monographie du Club d’Essai de la Radiodiffusion française répondait à la volonté d’étudier de près l’un des joyaux de la période radiophonique s’étendant des années d’après-guerre jusqu’aux années 1960 et qualifiée d’âge d’or de la radio. C’est en effet durant cette période qu’a pu exister une radio d’écrivains, dirigée, animée, produite en grande partie par des poètes, des écrivains, des hommes de culture, des Journalistes ayant le sens poétique.             .

Le Club d’Essai est incontestablement le fruit de cette période radiophonique préoccupée de ces choses qui ornent l’esprit, mais c’est aussi une composante essentielle de l’histoire de l’art radiophonique. En 1946, Club d’Essai prend, en effet, la suite du Studio d’Essai, instance de créations et de recherches radiophoniques, créé par Pierre Schaeffer en 1942. Ce studio avait permis d’élucider l’affrontement au micro du texte, du comédien, voire de la musique, et de former des artisans consommés du micro et de la mise en ondes. Au Club d’Essai revenait la charge de faire passer ce laboratoire de « l’âge ingrat à l’âge de raison », c’est-à-dire de l’ère des réalisations régulières et concertées à une production expérimentale certes, mais déjà continue. Lourde tâche pour un simple service annexe de la Radiodiffusion française ! Pourtant, bon an, mal an, le Club d’Essai, sous la houlette du poète et dramaturge Jean Tardieu, parvint à devenir un foyer de créations et de rencontres artistiques où de grands hommes de lettres tels que Jean Cocteau, Albert Camus ou Raymond Queneau vinrent faire de la radio et où débutèrent de jeunes talents bientôt notoires : Pierre Tchernia, Michel Polac, Pierre Dumayet, etc.

De 1946 à 1948, ce sont les grandes heures du Club d’Essai : c’est l’enthousiasme de l’après-guerre ; le Club d’Essai doit découvrir de jeunes talents susceptibles de travailler avec ou à la radio. Ils affluent et, avec eux, de nouvelles formes d’émissions. Mais le Club d’Essai a pour vocation de fournir les meilleures de ses productions aux grandes chaines, or, avec elles, s’en vont aussi ses collaborateurs les plus inventifs et dynamiques. À partir de 1949, la télévision aussi attire certains d’entre eux.

La création, en 1948, du Centre d’Études Radiophoniques, organisme annexe du Club d’Essai, marque à la fois l’acmé de l’histoire du Club d’Essai et le début de son ultime étape. Le Centre d’Études Radiophoniques, d’abord chargé de réfléchir sur l’avenir de la radio, puis chargé de recherches, réduit peu à peu le Club d’Essai à un travail d’exégèse, à savoir celui d’un simple service de production chargé d’assurer régulièrement un programme. Le Club d’Essai s’essouffle donc avant de s’éteindre en 1960 au moment où ayant tout apporté il n’avait plus rien à démontrer.

COLIN Céline, L’image des oppositions aux pouvoirs allemands et vichystes à travers la presse officielle du 1er juillet 1940 au 12 novembre 1942 : étude réalisée à partir de l’analyse des quotidiens Le Matin et Le Figaro, Maîtrise [Pascal Ory, Claire Andrieu, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2002.

COLLEU Jean-Marie, Les feuilletons télévisés français, 1960-1974, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 140 p. + annexes

L’équipement des foyers français en téléviseurs s’accélère dans les années soixante. Accompagnant cette croissance, le volume des programmes augmente. De nouveaux genres d’émissions se créent. Les premiers feuilletons télévisés font leur apparition sur les écrans des 1957. Si dans un premier temps ce sont surtout des feuilletons étrangers, peu à peu une production française se développe. Il s’agit ici d’étudier le feuilleton télévisé français : sa programmation, ses protagonistes, ses conditions de production, les thèmes abordés et le compte rendu qui en est fait dans la presse télévisuelle.

COMBES Malika, L’IRCAM et le pouvoir politique 1970-1991, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 176 p.+ annexes

Institut de Recherche et de Coordination Acoustique/Musique, centre de « recherche musicale », est créé en 1977 au sein du Centre Georges­Pompidou. La création de cet institut est le résultat d’une demande, datant de 1970, du président de la République Georges Pompidou au musicien-chef d’orchestre de renommée internationale, Pierre Boulez, de mettre en place un département musique dans ce centre pluridisciplinaire. Elle a pour conséquence le retour en France de ce dernier, qui se considérait alors en « exil » et vivait en Allemagne, du fait d’un conflit autour de la création de la direction de la Musique qui l’avait violemment opposé à Marcel Landowski.

Par ailleurs, l’institut qu’il met en place s’inscrit dans le courant de l’« informatique musicale ». La naissance de l’IRCAM marque ainsi une étape de la reconnaissance d’une nouvelle approche de la création musicale et de son intégration dans le catalogue musical de l’État. Dans la politique dite de « recherche musicale » instaurée vers 1975 par le directeur de la Musique Jean Maheu, l’institut de Pierre Boulez dispose d’une place centrale.

Cette situation privilégiée, le monopole que tente d’instaurer Pierre Boulez dans ce milieu, et qui est rendu possible grâce à ses appuis politiques et aux moyens considérables attribués à l’IRCAM, vont faire objets de polémiques dès la création de l’institut. Ces débats amènent bien souvent à une réflexion plus générale sur le rôle de l’État dans notre société et sur les conséquences des décisions prises par une intervention directe du pouvoir, au niveau central, en matière d’art. L’intervention de l’État est-elle légitime dans le domaine de la Culture, dans la création artistique, qui relève d’abord de l’individu ?

Les polémiques émanent parfois de la sphère politique. Ainsi, le directeur de la musique Maurice Fleuret, sous le premier septennat Mitterrand, s’oppose à Jack Lang lorsqu’il dénonce la position hégémonique l’IRCAM et affirme la volonté de rééquilibrer les aides à la « recherche musicale ».

Au début des années 1990, une crise importante éclate au sujet de l’IRCAM. Or le conflit s’est déplacé. En effet, l’institut adopte une politique d’ouverture qui désamorce Ies critiques. Outre les accusations traditionnellement portées sur la musique contemporaine, c’est Pierre Boulez qui est visé par cette polémique. L’on dénonce son omniprésence dans les affaires musicales de la France, et notamment dans les projets de l’Opéra Bastille et de la Cité de la Musique.

Les liens privilégiés avec le pouvoir politique que l’on reproche à Pierre Boulez et à l’IRCAM existent bien. L’IRCAM s’est toujours trouvé en adéquation avec une orientation donnée en politique culturelle, celle de Georges Pompidou et de Michel Guy, puis celle de Jean Maheu, celle de Jack Lang. L’institution fut ainsi plébiscitée en tant que modèle.

C’est que Pierre Boulez est unique, il dispose d’une image forte en France, et surtout, à l étranger. Le pouvoir politique a besoin de lui comme Pierre Boulez a besoin du pouvoir politique, afin d’assurer à la France un rayonnement français en matière de culture et de musique.

 Aujourd’hui l’IRCAM est toujours une institution reconnue et dynamique ; il est important pour un compositeur d’y effectuer un stage, et ses travaux sur le son sont pris en compte par la communauté scientifique. Prise en charge par un administrateur, elle ne crée plus de polémiques et tend à devenir une association plus banale.

CORNEILLE Lucile, Dim dam dom : le magazine féminin télévisé des années soixante, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 167 p.+ 159 p. d’annexes

1965 : la Grande-Bretagne adopte le système métrique et la minijupe de Mary Quant.

En France, de Gaulle est réélu président, Sylvie Vartan épouse Johnny Hallyday, Jean-Luc Godard tourne Pierrot le Fou, et l’ORTF prend un coup de jeune avec Dim dam dom

Pourquoi Dim ? Pourquoi Dam ? Pourquoi Dom ? Dim, parce que l’émission mensuelle est diffusée un dimanche, Dam parce qu’elle est d’abord destinée aux dames et Dom parce qu’elle s’adresse aussi aux hommes.

Alors chef de la rubrique « Actualité » à Elle, Daisy de Galard sait à merveille se servir de son expérience de journaliste pour traduire par le film ce qu’elle maîtrise au travers de la photo et de l’écriture : séquences courtes, élégance, sophistication, désinvolture. Et pour couronner le tout, une bonne dose de snobisme. Et un zeste d’érotisme. Mais à ne pas confondre avec la vision qu’en ont quelques magazines actuels. Chez Daisy de Galard, on ne donne pas dans la gauloiserie vulgaire, mais dans la subtilité raffinée.

Émission-culte coïncidant avec l’enthousiasme d’une génération en révolte contre le « lady look » et le vieux chic, magazine des modes, Dim dam dom saisit et traque son époque à coup de reportages, d’interviews portant sur des sujets aussi graves et frivoles que la beauté, la guerre, le soufflé aux violettes de Mapie de Toulouse-Lautrec, les religieuses parlant chiffons à Jacques Lanzmann, la dame de shantung vue par Just Jaeckin ; en un mot, la vie faite d’instants et de rencontres détonantes : Geneviève Dormarm et Jean­ Christophe Averty questionnent un négociant en baignoires, Agnès Varda filme Louis Aragon et Elsa Triolet, Françoise Sagan se prête au roman-photo illustré par Françoise Fabian, Daniel Ceccaldi, Maurice Rouet.

Plus qu’un ton, Dim dam dom c’est un style fondé à la fois sur l’absence de cloisonnement entre le « culturel » et le « pratique », mais aussi, sur l’art du contraste, des emplois à contre-emploi. Marguerite Duras chargée des grandes interviews, se frotte à un marquis garagiste et nouveau riche, Jacques Chazot tend le micro à Mademoiselle « Chanel », grenouille ratatinée acariâtre, François Weyergans filme Delphine Seyrig en photographe névrosée, Marie Laforêt donne un cours de maquillage, Jean Rochefort et Françoise Hardi jouent les poupées russes dans un conte de Noël écrit par Roland Topor…

L’irrespect est de règle, le second degré triomphe avant l’heure, et les décalages constants sont souvent violents comme en témoigne le reportage sur la guerre du Viêtnam monté sur la bande-son du langoureux Dream.

Must des années yé-yé, véritable caléidoscope, Dim dam dom révèle les courants forts (l’unisexe, le futurisme…) sans table ronde ni star d’attachée de presse, mais avec des images fortes, mobiles, urgentes, signées Peter Knapp, Gérard Pirès, François Jonvelle… Sur les trois cents réalisateurs qui ont collaboré à la série, deux-cents ont fait leurs premiers pas à Dim dam dom (Jacques Rozier, Claufe Zidi, Guy Seligmann, Paul Seban, Guy Job…). Parmi les autres débutants, Bernadette Lafont, Marlene Jobert, Romy Schneider, jouaient pour un soir les speakerines de charme…

Si le taux d’écoute ne dépassait pas les dix pour cent, il fallait être et être vu à Dim dam dom. Car Dim dam dom, c’était avant tout une coopérative de talents.

CORRE Laetitia, Gaston Monnerville dans le lot, une carrière politique atypique, 1948-1973, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Gilles Morin], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 113 p.

Élu président du Conseil de la République en 1947, le Guyannais Gaston Monnerville, en mal de circonscription après ses difficultés en Guyane, est parachuté dans le département du Lot ou, contre toute attente, il commence une longue et riche carrière d’élu local entre 1948 et 1973. Pourquoi s’investir dans l’administration locale, première marche naturelle du cursus honorum républicain, alors qu’il avait, selon ses propres dires, peu d’intérêts pour cela ? Comment expliquer ce parcours réussi dans ce département qui lui est au départ étranger, alors qu’il avait finalement échoué dans la région dont il était originaire.

Étudier la particularité du parcours de Gaston Monerville dans le Lot permet d’analyser ce qui se joue dans la rencontre d’une personnalité nationale, d’un notable, avec la vie politique d’un département très politisé, à un moment très particulier de l’histoire de la France. Au-delà, il est intéressant de comprendre ce qu’a pu signifier être un élu local pour un homme habitué depuis longtemps aux ors de la République, comprendre en quoi ses différents mandats ont été complémentaire ou parfois difficilement conciliable. Ici la particularité de cette carrière s’estompe peut-être, pour en venir à des aspects plus généraux, mais non moins essentiels du statut du notable au début de la Vème République et de la place de l’échelon politique local.

COX Aurianne, Signal, juillet 1940-juin 1944. Presse illustrée et propagande allemande en France occupée, Maîtrise [Claire Andrieu, Pascal Ory, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 261 p. + annexes

Cette étude monographique a pour objet le périodique Signal dans son édition française, qui paraît de juillet 1940 à juin 1944. Vecteur de la propagande allemande dans les territoires occupés et les pays de la sphère de domination du IIIe Reich, ce bimensuel illustré est placé sous le double contrôle de la Wehrmacht et du ministère de la Propagande ; édité à Berlin, il est imprimé et diffusé par l’intermédiaire de relais français.

Cette recherche répond à la volonté de dégager l’originalité de ce support de propagande d’exportation qui investit la formule de la presse illustrée, exploite ses procédés et en détourne les codes. La réflexion se situe au croisement de deux angles d’approche : un regard photographique, une analyse des images et une investigation historique des représentations culturelles et de ses mécanismes. L’analyse s’intéresse à la structure formelle de ce médium spectaculaire qui se distingue par sa modernité, sa conception du reportage photographique et la richesse de son répertoire iconographique, ainsi qu’aux modalités spécifiques de cette forme de pénétration culturelle et de conditionnement idéologique à l’échelle européenne, autant de voies d’accès à l’imaginaire politique et aux ambitions hégémoniques nazis.

Le message véhiculé par Signal répond à une fonction de mobilisation et de ralliement idéologique, à travers le leitmotiv de l’appel à l’engagement en faveur de la construction de l’Europe nouvelle et de la conformisation au modèle national-socialiste. Fondé sur une rhétorique manichéenne, ce médiateur fait le choix de thèmes fédérateurs et d’une imagerie unificatrice, objectivant une communauté guerrière et spirituelle. Sa stratégie combine une logique de dénonciation et de collaboration ; le discours se polarise autour des figures du héros, le soldat allemand, et de l’ennemi, l’adversaire militaire et politique de l’Axe.

Il s’agit de poser la question des conditions de production du journal, de l’adaptabilité de cette forme de propagande au système d’occupation et de son efficacité, de son degré de pénétration, compte tenu de son objectif : édifier une Europe nouvelle, unifiée et pacifiée, sous hégémonie nazie. Signal diffuse une certaine vision de la société de l’ordre nouveau, conçue comme une communauté combattante acquise à la vision du monde nazie et à la légitimité de sa mission historique. Support de l’affirmation de la suprématie allemande sur le continent européen, Signal interroge finalement sur l’horizon utopique et sur l’axe imaginaire du projet nazi de transformation sociale et de modélisation totalitaire.

DAVID Cédric, La résorption des bidonvilles de Saint-Denis : un noeud dans l’histoire d’une ville et “ses” immigrés de la fin des années 1950 à 1970, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Marie-Claude Blanc-Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2002

DELEBECQUE Soazig, La garde républicaine pendant la grande guerre : 1914-1918, Maîtrise [Claude Pennetier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002

DELAHAYE Louis-David, La représentation du monde dans les jeux vidéo (1996-2001), Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002

Que les jeux vidéo participent avant tout du monde du divertissement, c’est l’évidence. Étrange impasse, cependant, que celle qui est pratiquée par ceux qui méprisent l’analyse des formes dans lesquelles nos contemporains s’éduquent, d’une certaine façon. Inévitablement, ils en viennent à conclure leurs discours par des préjugés. En revanche, la cause n’est pas aussi entendue qu’ils le croient. Une histoire culturelle du temps présent ne peut se dispenser de construire les éléments culturels en Jeu dans les activités humaines.

L’étude, portant sur la représentation du monde dans les jeux vidéo, menée ici nous a permis de relever un certain nombre de similitudes dans la représentation au monde construite par les différents jeux vidéo et de dégager un certain nombre de points intéressants concernant aussi bien les décors, la faune et la flore que le personnage principal. Les jeux vidéo construisent des mondes organisés dans lesquels s’inscrivent des formes culturelles. Si la géographie de ces mondes donne lieu à des concentrations inédites de lieux dangereux (réellement ou de façon mythique), elle rappelle non moins constamment des méfiances et des peurs dont notre éducation culturelle est structurée. La population de ces mondes puise assez évidemment aux répartitions communes : amis et ennemis, bons et méchants, solitaires et foules, etc. Enfin, les héros des jeux vidéo font preuve de qualités qui reconfigurent les caractères des héros légendaires.

Cependant, si le travail effectué nous a permis de répondre à un certain nombre de questions que nous pouvions nous poser, il a également soulevé de nouvelles interrogations. Nous avons donc pris contact avec un certain nombre de personnes, travail d’enquête destiné à obtenir l’avis de créateurs de jeux vidéo.

Au final, tout notre examen montre que les agencements conçus dans les jeux vidéo donnent matière à un constat d’originalité. Les mondes des jeux vidéo sont des mondes dans lesquels on se promène, on se déplace. Par conséquent, ce qui les régit c’est l’interactivité.

DELPECH Julien, Partis et mouvements politiques de la collaboration à Paris pendant l’occupation sous le regard des Renseignements Généraux, Maîtrise [Pascal Ory, Denis Peschanski, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 166 p.

Avec l’entrée à Paris 1e 14 juin 1940 des troupes allemandes, la ville prend une nouvelle physionomie, qu’elle va conserver pendant quatre ans. Bien qu’ayant cessé d’être le siège du gouvernement, Paris reste le « cœur de la nation » comme l’avait déclaré le Maréchal Pétain. C’est en effet ici plus qu’ailleurs que se déroulent les grandes manœuvres de la collaboration.

Quelques mois après la défaite militaire de juin 1940 et la signature de l’armistice, une multitude de mouvements politiques légaux, c’est-à-dire autorisés par les forces d’occupation se créent tels que le RNP (Rassemblement national populaire), d’autres renaissent à l’image du PPF (Parti populaire français) et vont animer très vite la nouvelle tribune parisienne tout au long des années d’occupation allemande. Ce travail a pour but de suivre quotidiennement l’évolution de la vie politique parisienne, à partir des informations fournies par les rapports de quinzaines des Renseignements Généraux, afin de se forger une idée précise de la vision que possèdent les RG de ces mouvements et partis politiques. Les rapports de quinzaine, appelés aussi « situation de Paris », se composent de 22 cartons, recouvrant la période qui va de juin 40 à juin 45. Ces sources constituent un fonds d’archives riches et variées nous renseignant sur des thèmes aussi divers que le ravitaillement, l’opinion publique, la presse, ou les groupements politiques. La rubrique consacrée aux mouvements politiques concerne les partis nationaux ou autorisés, c’est-à-dire les partis collaborationnistes : sont évoqués leurs réunions, leurs congrès, sont présentées et détaillées leurs permanences, sont cités des extraits de discours des responsables (Déat, Doriot, Deloncle), où apparaissent leurs motivations, leurs positions sur les thèmes majeurs que sont l’antisémitisme, le communisme, ou l’évolution militaire du conflit.

Le collaborationnisme caractérise l’attitude de ceux qui sont aux premières lignes de la collaboration parisienne, ceux-là mêmes qui dans les journaux ou les groupements donnent le ton à la France Allemande, car cette minorité agissante possède sa propre presse. C’est cet univers des collaborationnistes parisiens, qui s’étend du chef charismatique, objet d’un véritable culte au simple militant ou chef de section de base, ce petit monde intrigant, insolite et étrange, qui est l’objet de mon étude.

De ce travail, nous pouvons tirer les enseignements suivants : – la société collaborationniste constitue un monde singulier et marginal dans ses idées et dans ses actes : collaboration vichyssoise et collaboranonnisme parisien sont deux univers différents et en perpétuelle opposition ; – ce monde collaborationniste parisien est compliqué par l’hétérogénéité des mouvements et des partis qui le composent. Ils possèdent des aspirations et des ambitions divergentes et par ailleurs chacun estime devoir tenir le premier rôle, d’où les rivalités et les antagonismes. Cette vie politique parisienne est rythmée par les conflits, les brouilles passagères ou les ruptures définitives. Dans cet univers, caractérisé finalement par sa grande diversité, la caractéristique la mieux partagée est que tous sont minoritaires et marginaux ; – enfin, l’activité politique, malgré des effectifs réduits, s’avère réelle à la lecture des rapports de quinzaines à certaines périodes de l’occupation : réunions privées, publiques, congrès se succèdent à un certain rythme.

Mais le collaborationniste parisien fut exclu, un rejeté, un laissé pour compte, un minoritaire qui n’a jamais existé que par la protection et l’aide, notamment financière, de I occupant.

DENOUVEAUX Christine, Les médecins des écoles de rééducation professionnelle pour mutiles de la guerre : étude des représentations médicales sur les mutilés (1914-1918), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 158 p.

La Première Guerre mondiale fut caractérisée par une violence jusqu’alors impensable. Le développement du nombre des armements et de leurs capacités de destruction produisit l’accroissement des blessures par balles et l’apparition d’un nouveau type de blessure, par obus (shellshock). L’importance des lésions ainsi causées augmenta drastiquement le nombre de blessés graves.

Les autorités militaires civiles et médicales décidèrent d’apporter secours à ces mutilés de la guerre en créant des « centres spéciaux » destinés a rééduquer fonctionnellement et professionnellement, en vue de leur réinsertion professionnelle. Les Écoles de rééducation professionnelle pour mutilés de la guerre voient ainsi le jour. Ces établissements faiblement médicalisés accueillirent environ 46 000 mutilés tout au long de la guerre, en parallèle d’œuvres d’assistance (publiques ou privées) aux mutilés.

Parmi le personnel des Écoles de rééducation professionnelle, les médecins tenaient la place centrale, celle d’organisateurs de la rééducation. De l’entrée des élèves mutilés dans l’École à leur sortie définitive les médecins avaient à charge de les suivre tant médicalement (rééducation fonctionnelle) que professionnellement (rééducation professionnelle), en supplément des tâches administratives.

L’histoire de la Première Guerre mondiale a fait des médecins dans une perspective Beckerienne, des oubliés de la guerre. L’histoire de la Médecine même s’attache bien plus aux pratiques et aux techniques qu’au vécu et à la pensée des médecins du XXe siècle. Ce que nous connaissons des médecins est souvent le produit de témoignages de mutilés. Cependant, les médecins des Écoles de rééducation professionnelle nous ont laissé des témoignages directs au sujet de leurs expériences auprès des mutilés. Au travers du discours de ces médecins se révèle tout un corpus de théories, de concepts et de représentations des mutilés qui se traduit dans les faits par une pratique adaptée et évolutive de la rééducation. Les médecins des Écoles sont un cas à part dans la population médicale, dotés de vues spécifiques ayant leur place dans l’histoire sociale et dans l’histoire des mentalités.

DIDIER Jean-Baptiste, Les conditions de l’émigration française vers le continent américain du milieu du XXe siècle à la veille de la Première Guerre mondiale, Maîtrise [Patrick Weill], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 143 p.

À partir du milieu du XIXe siècle et jusqu’en 1914, les phénomènes économiques et sociaux (transition démographique, seconde révolution industrielle, exode rural) qui se produisent en Europe du Nord-Ouest entraînent un mouvement d’émigration. Pour la France, ce mouvement, sans être aussi prononcé que celui qui a lieu au même moment en Allemagne ou en Angleterre, n’en reste pas moins important en valeur absolue. Ainsi, d’après les estimations les plus fiables, plus de deux millions de Français ont quitté l’Hexagone entre 1850 et 1914 pour se rendre à l’étranger ou en Algérie. Si l’on s’en tient au continent américain, ce sont 730 000 Français qui sont concernés. On voit donc qu’il s’agit d’un phénomène important, qui a néanmoins peu attiré l’attention.

L’objet du mémoire est non seulement de fournir des informations sur les chiffres mêmes de cette émigration, mais aussi, et surtout de décrire les conditions de cette émigration. Plusieurs paramètres et points de vue sont à prendre en compte : l’origine géographique (Alpes du Sud, Pyrénées, Sud-Ouest, Alsace et Paris) et sociale des émigrants, le rôle de l’État, les conditions matérielles du transport et enfin l’installation des émigrants une fois sur place. Ce découpage fournit un éclairage précis sur l’émigration française : celle-ci ne se résume pas à une émigration rurale ou pauvre, elle touche aussi les villes, l’artisanat et la pente entreprise. On constate d’ailleurs que certains émigrés français ont mis en place de véritables empires industriels ou commerciaux. On perçoit aussi les « stratégies » des émigrants qui cherchent souvent à revenir en France après plusieurs années à l’étranger où ils espèrent faire fortune.

Le mémoire s’interroge également sur le rôle de l’État français par rapport à l’émigration à cette période. On sait qu’il s’agit pour lui d’une question de première importance. Mais on voit qu’il est pris entre plusieurs logiques opposées : tout d’abord, la volonté de conserver des hommes en France pour des raisons militaires et coloniales, mais aussi de favoriser des intérêts commerciaux qui passent par la constitution de communautés françaises à l’étranger. Le terme de politique publique apparaît finalement inapproprié et on est amené à parler d’attitude de l’État au sujet de l’émigration.

Pourtant, la question a soulevé des débats dans l’opinion. Mais, paradoxalement, l’émigration française dans sa globalité a été peu étudiée, alors que certains mouvements de population plus restreints comme l’émigration politique sous la Révolution française ou bien l’émigration vers l’Algérie au XIXe siècle sont beaucoup mieux connus. Ce mémoire propose une vue d’ensemble de l’émigration française vers le continent américain (notamment États-Unis, Canada, Mexique et Argentine) durant cette période.

DOUSSINAULT Julien, Le Mercure de France pendant la Seconde Guerre mondiale. 1938-1945 : « les années Bernard » ; quand le Mercure devint poison. Vie, mort et résurrection d’une maison d’édition, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 157 p.

« Comme les gens heureux, le Mercure n’a pas d’histoire, le Mercure est une vieille maison qui n’a nullement besoin de se moderniser, une vieille maison qui en fait sans doute peu et qui n’a pas l’ambition d’en faire plus ; le Mercure est bâti sur un ancien modèle et se complaît en cet état ».

L’état du Mercure de France en 1945 est incertain. L’ancienne maison d’édition d’Alfred Valette, l’« ancien modèle » d’éditeur et de directeur de la revue, s’effondre. Il faut tout reconstruire. Ce déclin, cette perte de prestige, ne sont pas à analyser sous l’angle — suspect — d’un manque d’ambition proposé par Jacques Bernard, directeur du Mercure de 1938 à 1944, dans la citation précédente. En 1940, le Mercure de France décide de collaborer avec le nouvel occupant allemand et transforme son catalogue des éditions en un instrument de propagande, nuisible et nocif pour la littérature retran­chée dans de plus en plus rares publications de romans et de poésies.

La revue du Mercure, celle qui fit découvrir pour la première fois Alcools d’Apollinaire et les différents écrits de Nietzsche, disparaît dès le mois de juin 1940. Le Mercure ne tient plus dans ses fondations, « en fait sans doute peu » pour la littérature, mais beaucoup pour l’ennemi, n’hésitant pas à se mettre au service de celui-ci en publiant des ouvrages anglophones, anti- bolcheviques et antisémites, projetant même d’éditer Mein Kampf Jacques Bernard reçoit des officiers allemands à déjeuner plusieurs fois par semaine, renvoie certains de ses employés, envoie au pilon tous les livres susceptibles de nuire aux intérêts allemands et qui empoisonnent l’opinion publique française, d’après les instigateurs de la liste Otto.

En étudiant grâce notamment au Journal littéraire de Paul Léautaud, l’activité des éditons et de la revue du Mercure pendant la Seconde Guerre mondiale, nous verrons que la maison du 26, rue de Condé est en crise. Le Mercure de France cesse d’emprunter au Mercure romain ou à l’Hermès grec son caducée et son casque ailé, autrement dit sa divinité. Malade, en crise, il devient poison, et nous assisterons au cours de ce mémoire, à l’intoxication du mercure dans le corps et jusque dans l’esprit de la maison d’édition, avant que nous ne trouvions l’antidote.

« […] le Mercure n’a pas d’histoire… »

DUCAMP Alix, La classe ouvrière et l’émancipation de la société selon la Gauche prolétarienne (1968-1973), Maîtrise [Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 253 p.

En août 1969, le numéro onze de La Cause du Peuple, journal de la Gauche prolétarienne (GP), titre en lettres rouges et avec poing levé : « Patrons, c’est la guerre ! » Créée à l’automne 1968, cette organisation maoïste, qui se revendique de la pensée de Mao Tsé-Toung et de la révolution culturelle chinoise, est connue pour sa violence verbale, ses formules lapidaires et guerrières, autant que pour ses actions spectaculaires, parfois à la limite du terrorisme, comme I’enlèvement du chef du personnel de I’usine Renault­Billancourt en mars 1972. La GP est moins connue pour ses représentations de l’usine et delà classe ouvrière, si l’on excepte la pratique de l’établissement, c’est-à-dire l’embauche volontaire de jeunes militants, souvent des étudiants, dans les usines pour porter la bonne parole, révolutionnaire auprès des ouvriers. Pourtant, c’est surtout par ses choix idéologiques qu’elle occupe une place originale dans I’extrême gauche française de I’après-Mai 68. Le maoïsme est déjà une dissidence par rapport au mouvement communiste traditionnel, dominé par le Parti Communiste Français. Mais, plus généralement, la GP rejette l’héritage marxiste-léniniste orthodoxe ; ou plutôt, les « maos », comme ils se nomment eux-mêmes, sont constamment partagés entre l’objectif de la révolution prolétarienne qu’ils croient imminente, et les aspirations nouvelles, le vent de liberté qui souffle sur la France depuis l’explosion de Mai 68. Notre propos, c’est de comprendre le rôle de la classe ouvrière dans le projet de libération de la société pour la Gauche prolétarienne, c’est-à-dire de comprendre ce que la GP conserve de la represention communiste classique de la révolution et dans quelle mesure elle en sort. La GP s’efforce de lier Marx et Mai 68 ; son auto-dissolution à I’automne 1974 est l’aveu de son impuissance à les concilier.

FAVREAU Virginie, La CFDT et le moment Solidarnosc : les liens CFDT­Solidarnosc, 1980-1983, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 109 p.+ annexes

30 août 2000, Gdansk, Pologne. Une foule est rassemblée pour célébrer le vingtième anniversaire de la naissance du syndicat indépendant et autogéré Solidarnosc ». Edmond Maire, secrétaire général de la confédération française démocratique du travail (CFDT) en 1980 est le seul syndicaliste étranger à prendre la parole. Sa présence à elle seule, rappelle le soutien du syndicat français, l’enthousiasme de ses militants entre 1980 et 1982.

Le travail de recherche s’est basé sur les archives de la CFDT nouvellement classées. Elles apportent à cette étude une vision confédérale, régionale, voire locale de la relation entre la CFDT et Solidarnosc.

Ce mémoire s’articule autour de la date charnière du dimanche 13 décembre 1981. Avant l’instauration de l’état de guerre en Pologne, il fallait revenir sur la rencontre et les prémices de la relation entre les deux organisations. Il était également primordial de s’intéresser aux raisons qui ont amené les militants français à s’investir, mais également de comprendre de quelles manières ils ont vécu les différences entre les deux syndicats.

L’instauration de l’état de guerre remet en cause toutes les données du partenariat mis en place pendant « les 500 jours de libertés » de Solidarnosc. La CFDT est la première organisation française à réagir. Elle s’implique dans une nouvelle forme de soutien à tous les niveaux du syndicat. La bataille pour la reconnaissance légale de Solidarnosc est dépassée. La CFDT doit après le 13 décembre soutenir une organisation clandestine afin qu’elle survive. Nous nous sommes également intéressés à la réflexion qui a eu lieu autour de la collaboration auprès de Solidarnosc à travers les discussions entre syndicalistes, mais également à travers le travail mis en place entre la CFDT et un groupe d’intellectuels français.

GAUTHIER Gwaël, Histoire du Club Dorothée, dix ans de bonheur ?, 1987-1997, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 210 p.

Cette étude porte sur l’émission jeunesse phare de TF1 entre 1987 et 1997, le Club Dorothée et propose un panorama de son histoire basé sur la problématique de sa longévité. Elle s’articule en trois parties : – la première partie concerne les émissions jeunesse avant 1987, une analyse de l’émission « Récré A2 » et du contexte général des programmes jeunesse sur les chaînes hertziennes ; – la seconde partie s’attache à la mise en valeur du phénomène Club Dorothée. Elle contient une étude de l’histoire de la société AB Productions ainsi que de sa relation avec TF1. Cette partie est clôturée par un chapitre relatant les différentes émissions sous l’effigie du Club Dorothée, les conséquences au niveau du public et de son image ; – la dernière partie s’attache à comprendre et analyser le contenu de l’émission : la programmation, les plateaux et ses présentateurs.

À la privatisation de TF1 en 1987, la chaîne engagea la star des enfants sur Antenne 2, Dorothée. Elle présentait alors l’émission jeunesse phare de la chaîne, Récré A2. Dès ses débuts, le Club Dorothée se caractérisa par une programmation particulièrement articulée autour de dessins animés d origine japonaise, de nombreuses rediffusions et de fiction dont le nombre fut en évolution constante. La principale innovation de l’émission fut la mise en place du plateau de l’émission du mercredi après-midi, de son groupe, des nombreux invités et de son public de quatre-cents jeunes enfants.

L’émission remporta un énorme succès auprès des enfants, mais fut sujette à de nombreuses critiques à propos de la violence de ses programmes, de son caractère trop commercial et promotionnel ainsi que de son hégémonie sur la tranche jeunesse. L’émission fut surtout un excellent moyen de starisation de l’animatrice Dorothée, par l’introduction de chansons de l’animatrice en son sein ainsi que par une mise en scène de son statut de star. Elle fut aussi une formidable machine à fidéliser le public grâce à de nombreux jeux et un discours régulier, bienveillant et fédérateur à son égard.

L’émission s’arrêta en août 1997, après une baisse régulière de son audience et la diminution du nombre de ses émissions.

GAY-MAZUEL Audrey, Exposer l’art français du XIXe siècle en 1900 : la Centennale et la Décennale au Grand Palais, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 236 p.+ 200 p. d’annexes

Étudier ensemble, mais sans en gommer les caractères propres, deux expositions rétrospectives de l’art français du XIXe siècle, l’une évoquant les années 1800-1889, et l’autre les dix dernières années du siècle, organisées dans le cadre de l’exposition universelle de 1900 revient à analyser l’organisation étatique d’un programme artistique unique par son ambition.

Cette ingérence du politique dans le monde de l’art lie étroitement cette recherche à la politique culturelle de la IIIe République qui orchestrait l’ensemble. Il s’agissait d’étudier le sens de lecture de l’art que l’État proposait aux 51 millions de visiteurs de l’Exposition universelle, et donc de dégager les partis pris à la fois historiographiques et esthétiques qui sous-tendaient un bilan aussi délicat à dresser que celui d’un siècle rythmé par des révolutions stylistiques et esthétiques, des polémiques entre les académiques, tenants de la tradition, et les novateurs, exclus des circuits officiels de l’art.

Édifié pour l’Exposition, le Grand Palais renfermait une leçon d’art qui célébrait la gloire des beaux-arts français et mettait en relief le déterminisme de son enchaînement progressiste. Afin de dégager ce système de représentations esthétiques, l’étude du contenant, la présentation formelle des œuvres, autant que son contenu, le programme idéologique, était fondamentale. La muséographie, mise en scène des œuvres dans une structure donnée, offre la traduction matérielle du programme théorique de ces expositions. Si Beaux-Arts rimaient toujours avec bazar au Grand Palais, des innovations améliorèrent la condition de l’œuvre. Les artistes et les œuvres exposées, autant que les absents étaient révélateurs d’une lecture par définition partiale et partielle, malgré la volonté d’objectivité des organisateurs d’exposer sans parti pris d’école.

Prélude aux expositions-programmes du xxe siècle par sa Centennale mais encore tourné vers le XIXe siècle pour son exposition-concours de la Décennale, le Grand Palais, par ses contradictions et sa complexité, aussi bien dans le fond que dans la forme, se porte témoin d’une époque plus que d’un siècle.

GEORGE Séverine, Une gloire fuyante : portrait d’une oubliée. Simonne Mathieu (1908-1980), Maîtrise [Michel Dreyfus, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 153 p.

Le nom de Simonne Mathieu est inconnu de tous. Et ce malgré un parcours exceptionnel. Simonne Mathieu commence sa brillante carrière tennistique à la fin des années 1920. Devenue la meilleure joueuse française après Suzanne Lenglen, elle se forge un palmarès des plus enviables (10 victoires à Roland Garros par exemple). Avec la guerre sa suprématie sur le tennis féminin cesse. Car la championne trouve à cette époque un nouveau terrain d’expression pour son caractère vaillant et combatif. Présente à Londres aux premiers jours du conflit, elle s’engage au plus vite dans la lutte contre l’Allemagne nazie. Son action aboutit bien vite à la création d’un Corps Féminin au sein des FFL, pendant plus de deux ans. Ce service d’Auxiliaire féminin de l’armée de terre est la première réalisation d’intégration des femmes dans l’armée française. Héroïne de guerre, elle retourne rapidement à sa première passion, où elle bénéficie de son nouveau statut. Mais cette gloire nouvelle ne dure qu’un temps, et peu à peu elle disparaît des membres.

Cette femme de paradoxes, à la fois progressiste dans sa vision de la modernité, mais profondément ancrée dans un conservatisme social, laisse donc, par son destin exceptionnel, une trace réelle dans l’Histoire, à défaut d’intégrer l’historiographie. Cet oubli général, touchant tout à la fois les différents cercles de sa vie, symbolise, malgré sa soif de reconnaissance, le trait dominant de sa mémoire.

GIRBEAU Sabine, Naissance du gangstérisme à Paris, ou le « milieu moderne » avant, pendant et après l’Occupation, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 129 p.

Pour dénommer le monde interlope durant la Belle Époque, les gens employaient le terme de « pègre ». Pendant l’entre-deux-guerres, les contemporains utilisaient le mot « milieu ». Enfin, aujourd’hui, nous évoquons plutôt l’expression « grand banditisme » pour définir cette catégorie de la société. De fait, l’emploi de ces mots correspond bien à une réalité. L’irruption des mots « milieu », « gangsters » dans les années trente coïncide avec une phase de modernité.

Au-delà du champ sémantique, nous avons tenté de mettre en évidence les mutations opérées au début des années trente qui caractérisent cette époque. L’arrivée massive des Corses, les nouveaux trafics, la nouvelle ère de règlements de comptes mais aussi une mentalité différente expliquent les changements apparus à Paris dans le « milieu ».

Dans ce mémoire, nous avons intégré ces modifications sur une période s’étendant jusqu’à la fin des années quarante, car un événement capital, à savoir I’Occupation de Paris, change la donne. Durant cet intermède, les truands ont un pouvoir qu’ils n’avaient jusque-là jamais eu ; celui d’avoir la possibilité d’exercer leur art au grand jour. Engagés dans des services français de la Gestapo, ils réquisitionnent, pillent et volent pour le compte des Allemands, mais surtout pour le leur. Cet âge d’or de la truanderie va-t-il bouleverser la place des malfaiteurs dans la société ? C’est un des axes sur lequel repose le fondement de notre réflexion.

Au travers des archives que nous étudions dans ce mémoire, nous constatons que, dans leur grande majorité, les truands retournent après la guerre à leurs activités d’avant-guerre (fin des « vols aux faux policiers », règlements de comptes liés à des rivalités classiques…). La guerre n’a pas transformé la nature du « milieu moderne », tout au plus elle a favorisé la « carrière » de certains bandits après guerre. En définitive, la Gestapo n’a pas changé le visage de la criminalité à Paris.

GOLDENSTEIN Benjamin, « ltinérance », vie et œuvre radiophonique d’André Gillois, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 336 p.

André Gillois a participé à la vie des médias audiovisuels français trente-cinq années durant. Producteur d’émissions radiophoniques depuis 1934, il exerce également en télévision à compter de 1951. Permanence remarquable : lorsqu’il cesse de produire des émissions régulières, en 1968, seule l’année 1941 ne l’a pas vu sur les ondes ! Ce vaste champ temporel de production nous confrontera à des visages multiples de la radio française et nous permettra d’en envisager l’évolution à travers une perspective non plus centrée sur l’histoire du média, mais sur celle du producteur.

Celui-ci a vécu quatre époques majeures de l’histoire de la radio. Producteur, sous son premier nom, Maurice Diamant-Berger, au Poste parisien de 1934 à 1940, il connaît cet âge d’or de la création radiopho­nique où le média est employé de façon mixte par des groupes privés d’une part et les pouvoirs publics dans une radio d’État d’autre part.

Vient ensuite la Seconde Guerre mondiale, qui consacre le médium radiophonique comme arme de combat. Notre producteur prend alors le nom d’André Gillois et participe à la « guerre des ondes », d’une façon peu commune. Car il rejoint Londres, en 1942, mais du côté des antigaullistes. Nous le retrouverons pourtant en juin 1944 porte-parole du général de Gaulle à la BBC. Entre temps, André Gillois nous aura permis d’illustrer le rôle de la radio durant la guerre et notamment celui des « radios noires » des services secrets britanniques.

Acte III, scène 1 : Octobre 1944. André Gillois rentre à Paris. La radio est alors prise en mains de façon monopolistique par l’État. Les résistants qui s’y retrouvent expriment de fortes exigences pour ce média destiné à témoigner du prestige de la France et à former un citoyen nouveau. André Gillois y participe et nous verrons en détail sa production à la Radiodiffusion Nationale. Très vite pourtant, le contexte sera tout autre. Acte III, scène 2 : Les exigences des tenants de la radio d’État sont désormais mises à mal par la concurrence livrée par les postes privés, dits « périphériques ». Pis encore pour elle : la télévision va bientôt concentrer toutes les passions et reléguer sa cadette au second plan. Notre seconde partie sera consacrée à l’étude de cette production radiophonique puis télévisée, d’André Gillois à la RTF.

Mais ses activités sont multiples et débordent le cadre de la radio. Nous nous intéresserons donc d’abord à l’étude de la vie de ce « touche-à-tout » à la fois producteur, auteur dramatique, essayiste, éditeur, cinéaste, etc. Nous verrons ainsi comment se forme un producteur né avant la radio et comment il témoigne de l’acculturation à ce nouveau média.

GONZALO Christelle, Boris Vian, de la mort d’un homme connu, mais méconnu à la reconnaissance publique et critique d’un artiste pluriel (1959-1999), Maitrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], 2002, Univ. Paris 1 CHS, 388 p.

Boris Vian est un artiste multiple, tout à la fois écrivain, poète, musicien de Jazz, chroniqueur, peintre, auteur de livrets d’opéra, chanteur et auteur de plus de cinq cent chansons, etc. De son vivant, il a connu que peu de succès : une notoriété toute parisienne en tant qu’animateur des nuits de Saint-Germain-des-Prés après la Libération, et une aura de scandale consécutif à la parution de son pastiche de Série-noire américaine J’irai cracher sur vos tombes, publié sous le pseudonyme de Vernon Sullivan. Lorsqu’il décède en 1959, il laisse derrière lui une mauvaise réputation et une œuvre méconnue. Mais très vite, ses proches et quelques auditeurs audacieux tentent de faire connaître le Boris Vian romancier, dramaturge et chanteur, et le public découvre alors derrière le provocateur le véritable poète. Les textes qui avaient été pilonnés sont republiés, des inédits paraissent et Vian est à partir de 1966 récupéré par un lectorat principalement jeune qui se retrouve dans ses désirs et ses angoisses. Durant les Années 68, l’écrivain est érigé en figure d’une contestation multiforme et d’essence juvénile qui tend à faire de lui l’auteur d’une puis de plusieurs générations de jeunes gens. À la fin de la décennie 1970, la mode s’estompe quelque peu et Boris Vian tend progressivement à s’institutionnaliser. Étudié dans les lycées, traduit à I’étranger, érigé en écrivain-symbole de la moitié du XXe siècle, il voit son nom accolé aux façades des établissements scolaires et des centres culturels et, en 1999, les premiers tomes de ses Œuvres complètes voient le jour chez Fayard.

C’est cette fulgurante progression dont nous tentons de rendre compte ici, en étudiant non seulement les vecteurs de production, de diffusion et de réception d’un Boris Vian considéré en tant que phénomène culturel, mais également en révélant la façon dont la critique et le public le perçoivent à une période donnée, et finalement en évaluant en fonction de l’époque quelles représentations de Vian s’estompent, se maintiennent ou dominent au sein des différents groupes sociaux et différentes institutions considérés.

GOUDARD Bernard, L’Explosion médiatique des Nouveaux Philosophes dans les années 70, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 192 p.

S’il est difficile de délivrer l’acte de naissance de l’émergence des Nouveaux Philosophes, il est toutefois possible de suivre les épisodes marquants de cette ascension et de cette éclipse. La publication par Les Nouvelles littéraires d’un dossier réalisé par Bernard-Henri Lévy sur les « nouveaux philosophes » fait souvent figure de point d’impulsion même s’il est possible d’isoler quelques publications qui contiennent des caractéristiques au courant dès 1975 : l’ouvrage polémique d’André Glucksmann, La cuisinière et le mangeur d’hommes. Il s’agit avant tout de réaliser un dossier « dressant une sorte de typologie des familles philosophiques vivantes ». L’année 1976 marque une inflexion décisive dans leur trajectoire. Dès lors se met en place une véritable offensive médiatique, orchestrée par Bernard-Henri Lévy qui profite de sa position d’éditeur chez Grasset pour promouvoir un mouvement dont bon nombre de protagonistes publient dans ses collections. Ensuite, leur présence médiatique va crescendo et s’étale sur tous les supports. En plus, les livres des auteurs sortent à haute fréquence, ils occupent les ondes radio et notamment France Culture pendant l’hiver, animent des débats houleux au Centre Georges Pomeidou au début de l’année 1977. Cette systématique préparation de terrain porte ses fruits au printemps 1977, et intègre le dernier média qui leur résiste. Omniprésents dans les médias, les Nouveaux Philosophes disposaient d’appuis institutionnels importants dans la sphère éditoriale, Grasset donc, mais aussi Hallier, et dans les milieux des hebdomadaires culturels, au Nouvel Observateur ou au Monde. Si ces derniers réfutèrent leurs ressemblances, leur appartenance à un mouvement et à un même mode de pensée, ils affirmèrent néanmoins une communauté fondée sur la « rencontre » et l’unité de capital culturel qui se fonde sur l’aspect générationnel issu de Mai 68 et le souvenir de l’éducation à l’Ecole Normale Supérieure.

Le 27 mai 1977, l’émission littéraire Apostrophes de Bernard Pivot sur Antenne 2 avait comme invités André Glucksmann pour son livre sorti en avril, Les Maîtres penseurs, Bernard-Henri Lévy pour son livre sorti début mai, La barbarie à visage humain, accompagné de Maurice Clavel, qui fait office de « parrain », contre deux auteurs d’un pamphlet intitulé Contre la nouvelle philosophie. Une polémique sans précédent dans l’histoire des idées en France naît ce soir-là de débats violents. Le sommet se dessine vers 1977-1978, moment charnière dans la vie politique française qui voit se nouer puis se dénouer la crise de l’Union de la gauche, par la rupture du Programme Commun puis par l’échec aux élections législatives. La polémique dure toute l’année et, fait exceptionnel, traverse les frontières pour toucher d’autres pays qui luttent aussi contre le marxisme. Finalement, le mouvement s’étiole sous les effets cumulés de la violence de la polémique et des trop grandes différences entre les pensées des « nouveaux philosophes ».

GOUZOU Anne, De l’année aux journées du Patrimoine : une réponse à l’engouement des Français pour le Patrimoine (de la fin des années soixante-dix à 1992), Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 199 p.

Les vingt dernières armées ont été marquées par une explosion patrimoniale. Les Français trouvent dans le patrimoine un moyen de se rattacher au passé face à un futur incertain. Cet engouement se marque dans de nombreuses pratiques culturelles : brocantes, collections, musées et monuments historiques. La visite patrimoniale est la deuxième pratique culturelle après le cinéma. Or, les pouvoirs publics sont tenus de donner des réponses à cet engouement. En parallèle à la politique traditionnelle de classement et de restauration du patrimoine, une nouvelle politique de diffusion en direction du public s’est développée. Cette politique a comme objet principal, au cours de la décennie quatre-vingt, la fête. La première d’entre elle est la Fête de la musique. Dans le domaine du patrimoine, l’Année du patrimoine (1980) joue également un rôle moteur dans la création de la Journée porte ouverte dans les monuments historiques. Créée en 1984 cette Journée d’ouverture des monuments historiques se transforme en 1992 en Journée du patrimoine et se prolonge le temps d’un weekend.

Cette manifestation connaît un succès considérable en attirant un public local peu enclin à visiter le patrimoine près de chez lui. Cette caractéristique est un des fondements de la création de ces journées. Cette manifestation voit son image se transformer pour devenir une journée d’ouverture exception­nelle. Les médias ont joué un rôle prépondérant dans cette perception des Journées du patrimoine en les présentant dans des reportages sur le Sénat et l’Hôtel Matignon. Cette Journée enregistre un succès en termes d’ouverture, de fréquentation, mais aussi en terme politique. Pour les Français, elle est un rendez-vous patrimonial qui se répète chaque année à la même date : le troisième dimanche de septembre. Chaque année, de plus en plus de monuments ouvrent leurs portes, qu’ils soient privés ou publics. Enfin, elle pèse dans les décisions budgétaires en amplifiant l’engouement des Français pour le patrimoine. Elle bénéficie d’un consensus politique et entraine de nouvelles manifestations dans son sillage.

GOYET Vincent, La protection de l’individu contre lui-même : la question de la liberté individuelle dans la législation de la santé et de la sécurité publique en France depuis 1946, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 125 p.

Si l’État français a très tôt inauguré des mesures d’assistance pour porter secours aux malades et aux infortunés, c’est seulement récemment qu’un véritable droit à la santé a été reconnu — via le Préambule de la Constitution de 1946 — et s’est effectivement mis peu à peu en place autour de l’instauration progressive d’une Sécurité Sociale.

Cependant, cette institutionnalisation du sain, et la prise en charge financière par la collectivité des coûts occasionnés par l’individu, conduit rapidement les pouvoirs publics à se préoccuper énergiquement de la santé et de la sécurité publiques : car dès lors, l’explosion des dépenses de santé entraine un nouvel impératif résidant en la diminution des comportements nocifs. La bonne santé et sa promotion deviennent un objectif social. L’observation désormais attentive et globale de la population et de ses habitudes permet d’identifier, et surtout de quantifier (ou de le tenter), un certain nombre de causes non naturelles de mortalité et de maladies. Soucieux non pas seulement d’informer la population sur les risques pris — considère-t-il — inconsciemment, mais aussi et surtout soucieux d’efficacité, l’État organise, sous couvert de Santé Publique, de véritables campagnes de propagande, et dénonce les comportements non sains en tant que comportements inciviques, puisque la Santé Publique est menacée par les « fléaux » que constituent le tabac, le sida, la drogue. Les comportements à risque sont traités comme des maladies, et les individus qui les adoptent sont perçus au mieux comme des mineurs — de perpétuels irresponsables —, au pire comme des fous, qu’il faut soigner.

La multiplication des règlementations vétilleuses et inquisitoires, mais aussi l’incohérence des politiques de santé publique (condamnation des « drogues », mais absence de réflexion globale incluant l’alcool et les médicaments ; même sort réservé au LSD et au cannabis…), suscite de nombreuses oppositions, dont la dispersion ne permet cependant pas un lobbying suffisant pour obtenir la modification, de lois à la constitutionnalité pourtant trouble, malgré les résultats mitigés de cette politique répressive et de déresponsabilisation tout à la fois. Les gouvernements successifs s’obstinent à ne voir dans la revendication des comportements à risque que le symptôme d’un malaise social, et jamais comme la recherche d’un mode de vie alternatif : « Je ne veux pas d’une société qui, sous couvert de respect des libertés individuelles, deviendrait indifférente aux souffrances dont la toxicomanie est toujours révélateur. Je ne prendrai pas la responsabilité d’enfermer les jeunes dans la dépendance alors que beaucoup attendent une aide pour s’en libérer ». (Jacques Chirac, À propos du cannabis, 1995)

La bonne santé de la santé publique passe avant la volonté de chaque citoyen à conduire sa vie comme il l’entend. Le sain est érigé en bon. Or, vouloir faire le bien des gens malgré eux n’est pas une caractéristique démocratique : néo-hygiénisme et totalitarisme mou font leur apparition dans une société en quête de valeurs, et qui se tourne vers la vérité de la médecine.

GUERRAUD Virginie, La politique de la ville dans le quartier de la Pierre Collinet à Meaux (77) de 1977 à 1993. L’application locale d’une politique nationale, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 233 p.

Conçu sur le modèle des cités radieuses de Le Corbusier, le grand ensemble de la Pierre Collinet, construit de 1959 à 1965, compte 1848 logements répartis entre six immeubles barres de quinze étages et trois immeubles tours de vingt-deux étages. Première grande réalisation entièrement industrialisée, la Pierre Collinet présente alors un caractère expérimental qui lui donne l’image de marque d’une opération pilote. Pourtant, dès la mise en service des premiers logements en 1961, des défauts de conception apparaissent, en même temps que se multiplient les dégradations. Avec une dizaine d’autres quartiers en France, la Pierre Collinet devient éligible en 1977 à la première opération de réhabilitation des quartiers dégradés, l’opération Habitat et Vie Sociale. Depuis, de façon ininterrompue, la Pierre Collinet est classée parmi les Sites prioritaires de la politique de la ville : îlot sensible, développement social des quartiers, zone d’éducation prioritaire, conseil communal de prévention de la délinquance, contrat d’action de prévention pour la sécurité dans la ville, développement social urbain, convention de DSQ, plan local de sécurité, etc. L’objectif de ce mémoire est précisément d’étudier l’application locale de la politique de la ville, dans le quartier de la Pierre Collinet à Meaux de 1977 à 1993.

Quels ont été les dispositifs mis en place dans le quartier ? Quels domaines d’intervention ont-ils concernés ? Qui s’est impliqué dans leur mise en œuvre ? Quels ont été les moyens mobilisés ? Qu’est-ce qui a été fait, expérimenté ? Et avec quel résultat ? Telles sont les principales questions auxquelles le mémoire apporte une réponse.

Après un prologue consacré à la cité de 1957 à 1977, la première partie du mémoire étudie la mise en œuvre dans le quartier des premiers dispositifs de la politique de la ville (1977-1984), et la deuxième partie étudie l’application des dispositifs de la politique de la ville dans le cadre des contrats de plans (1984-1993). En annexe, se trouve notamment une histoire de la politique de la ville.

GUILLOT Hélène, La vie quotidienne à Paris pendant la Grande Guerre : photographies de l’armée française, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 2 vol. 98 p. + 92 p.

Ce mémoire traite de photographies prises par l’armée française, à Paris, pendant la Première Guerre mondiale. Ces images de la vie quotidienne ont été prises entre 1915 et 1919.

Avant de pouvoir les analyser, il a été nécessaire de revenir sur leur origine. En d’autres termes, quels sont les objectifs de la section photographique de l’armée (SPA) à sa création en 1915, qui sont ses opérateurs et quelles sont les conditions de production des images ?

Il faut reprendre ces éléments pour comprendre comment les clichés sont utilisés. L’Etat trouve à travers la SPA, le moyen de contrôler l’image officielle de la guerre et de mener une propagande nationale et internationale. Les images sont diffusées sous diverses formes : principalement des albums, des expositions et des cartes postales.

Dans un premier temps, la vie quotidienne ne semble pas être perturbée par les événements, toutefois la guerre affleure à tous les niveaux. Les œuvres caritatives se multiplient et le ravitaillement se fait de plus en plus difficile.

La ville porte en elle tous les stigmates de la guerre : elle se mobilise pour participer à l’effort national, construit des armes et des munitions. Elle subit les bombardements incessants de l’armée allemande et enterre ses morts. Paris représente aussi la zone où transitent courriers, conscrits et permissionnaires. Elle fait le lien entre le front et l’intérieur.

Globalement, les photographies de Paris donnent une image positive de la ville et de ses habitants. Sans parler d’héroïsme, les images de la SPA nous montrent que Paris s’est toujours senti concerné par la guerre.

HABABOU Julien, Les joueurs américains dans le basketball français au XXe siècle, Maîtrise [Michel Dreyfus, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 226 p. + 83 p. d’annexes

Le basketball, parent pauvre de la production historique, mérite, autant que toute autre activité sportive, I’attention de l’historien. Notre recherche a pour but d’apporter une modeste pierre à l’édifice que consti­tuerait une étude générale du basketball en France. Elle porte sur les joueurs américains et d’origine américaine (naturalisés Français et Franco-­américains) ayant évolué dans le basketball hexagonal depuis le début du siècle, et, plus particulièrement, dans le Championnat de France de division nationale, équivalent à la première division, à partir de 1967.

Dès cette époque — et après un demi-siècle de rencontres sportives, succinctement rappelées, entre des Français et des pionniers américains au rôle prépondérant — chaque équipe de l’élite française, ou presque, compte deux Américains en son sein. L’étude que nous avons réalisée, essentiellement à partir de la presse écrite spécialisée, est alors au croisement de multiples approches historiques.

Nous avons souhaité, tout d’abord, étudier des hommes, dresser un portrait de groupe des quelque 800 joueurs d’origine américaine ayant foulé un parquet français au cours du XXe siècle. Ce portrait s’attache à la fois à recenser les itinéraires sportifs de ces joueurs, et à étudier l’intégration, souvent très temporaire, de ces migrants privilégiés — travailleurs sportifs non immigrés — à la société française, par le prisme, certes paradoxal, des travaux des spécialistes de l’immigration. Nous montrons alors que leurs itinéraires et leurs personnalités en font des précurseurs d’un sport mondialis­é, d’un marché sportif globalisé.

Nous accédons, ensuite, à l’histoire d’une institution, la Fédération française de basketball, et à sa politique, heurtée et très ambivalente, quant à l’accueil de joueurs étranger ou naturalisés qui sapent — dans un mouvement comparable a celui suivit par le football français, souvent pris comme modèle — les fondements de la constante nationaliste du sport de haut niveau. Nous approfondissons la vision institutionnelle de l’ouverture à ces joueurs étrangers de très bon niveau et analysons comment l’ambivalence se personnifie dans l’instabilité des règlements fédéraux et la multiplicité des débats organisés autour de la présence américaine ou naturalisée, qui, pourtant, va grandissante en s’institutionnalisant. Cerre politique est non moins fréquemment discutée par un autre acteur fondamental, la presse sportive spécialisée, qui de source devient alors l’objet d’une étude critique. Le lien avec l’histoire politique et particulièrement législative est, ici, plus fort qu’on pourrait le croire : lois sur l’organisation et la professionnalisation du sport, questions posées aux ministères concernés quant aux droits des naturalisés français, etc.

Nous étudions enfin les conséquences de leur impact fondamental sur un sport qu’ils maîtrisent bien mieux que les Europeens, sur le développement du basketball, et du sport français dans son ensemble : modeste étude de la pratique sportive qui se prête volontiers à un décryptage statistique exploitable par l’historien ; rôle joué sur la transition du basket-ball, encore profondément ancré dans la tradition du sport de masse, vers la modernité du sport spectacle et de la professionnalisation du haut niveau, deux mouvements, parfois décriés, facilités par la philosophie marchande qui entoure les joueurs d’outre-Atlantique.

Succès populaires et sportifs, spectacularisation et professionnalisation du sport français, etc., soit autant d’avancées vers la modernité sportive qui font des joueurs américains des compagnons indiscutables du basketball français au XXe siècle.

HAGUENAUER Lucie, Maliens à Aubervilliers : le foyer de travailleurs des Fillettes, années 1960 à nos jours, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Marie-Claude Blanc­Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 165 p. + 41 p. d’annexes

Ce mémoire, principale ent fondé sur des recensements nominatifs de 1975 et 1982 des archives internes au foyer et des entretiens avec les résidents, a pour but de faire réapparaitre cet espace à l’écart et invisible. Bien que très médiatisée ces dernières années, l’immigration noire africaine est confrontée à des conditions de vie précaires dont le foyer est une image significative. Les résidents du foyer de la rue des Fillettes sont en majorité des Soninkés en provenance de la région de Kayes au Mali. Ils font partie des premiers flux en provenance d’Afrique noire. Nous avons essayé d’analyser en quoi ce foyer et ses résidents sont représentatifs d’une immigration masculine en foyer.

L’histoire des résidents commence par une analyse des réseaux et des chemins migratoires entre le Mali et le foyer de la rue des Fillettes.

Le foyer de travailleurs migrants est pour l’État un moyen de contrôle et pour les immigrés un moindre mal. Tant dans l’esprit de l’État que dans celui des travailleurs, il est un lieu d’habitat provisoire auquel ils ne peuvent se soustraire. L’exclusion du foyer introduit dès ses origines la notion de ghetto. Malgré l’emplacement du lieu dans une commune communiste, la ghettoïsation s’accentue au fil des années. Le foyer de travailleurs de la rue des Fillettes, construit pour une courte période, est condamné à durer en l’absence de solutions d’avenir. Surpopulation, dégradation et insalubrité caractérisent cet espace.

De l’assignation au logement en foyer, à l’appropriation des lieux, il existe des dynamiques ouvrières et ethniques aux Fillettes. En effet en foyer de travailleurs Noirs africains, la vie s’organise autour de la communauté. Ce mode de vie prend plusieurs formes : caisses villageoises, solidarité, entraide, associations qui prolongent le projet d’origine tourné vers le Mali et procurent à la famille l’argent pour survivre. Le foyer s’organise dans l’entre-nous et donne l’impression d’être un petit enclos à part dans la ville. Le ghetto est donc à la fois signifié par l’exclusion, la dégradation et par les formes internes d’organisation sociales, religieuses et économiques. La vie communautaire est autant une invention des résidents qu’une importation des modes de vie villageois.

Le foyer est en conclusion un lieu de mémoire ouvrière, un lieu de vie, et de convivialité.

HAMOUCHE Samia, La représentation de l’attentat de Saint-Michel par les journaux télévisés, Maîtrise [Pascal Ory, Jean-Louis Robert, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 176 p.+ 278 p. d’annexes

Le travail du journaliste reporter d’images, par le jeu de l’audimat, consiste à faire du sensationnalisme quotidiennement afin de se démarquer de ses éventuels concurrents. Dans notre société contemporaine, où les médias représentent le 4e pouvoir, l’événement met l’accent sur l’émotion. L’attentat de Saint-Michel, le 25 juillet 1995, a bouleversé l’organisation des journaux télévisés. L’événement ayant eu lieu à 17h30, les journalistes ont pu le couvrir très vite. La notion de direct, par les nombreux duplex notamment, contribue à alourdir cette atmosphère dramatique. Cette ouverture au monde rend réelle cette violence brutale qui surgit sur la scène nationale. Le terrorisme, par définition, est un acte de communication, qui n’existe que par le biais de l’écho que lui donne la télévision. Pourtant la représentation de l’attentat, que donnent les journalistes, est plus ou moins faussée. En effet, les sous-sols du RER Saint-Michel, où a eu lieu l’attentat, leur ont été interdits. Ils n’ont pu filmer l’emplacement même, mais uniquement l’extérieur, le Boulevard Saint-Michel avec le ballet des secours en action, encadrant les quelques visages de rescapés légèrement touchés par l’explosion. L’armée, par contre, était sur place et a eu l’exclusivité des images, qu’elle a transmises le lendemain aux différentes rédactions, les sélectionnant au préalable. Quelle est leur définition du terrorisme ? Est-il interne ou international ? Le terroriste se définit-il comme terroriste ? Ou comme « résistant », « révolutionnaire » ? Où commence le jugement ? Les médias sont-ils véritablement impartiaux dans leurs discours et analyses du sujet ? Alors qu’ils tirent leurs sources d’information des représentants de l’État (forces de police, enquêteurs), quelles relations entretiennent-ils avec le pouvoir ? De quelle manière traitent-ils les « répressions » mises en place ?

Les médias, face à cet événement inattendu, sont contraints de trouver leur place entre les intérêts du terrorisme et ceux de l’État.

HUBAC Fanny, L’exploitation cinématographique à Paris sous l’Occupation, Maîtrise [Claire Andrieu, Pascal Ory, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 257 p.

L’exploitation, l’une des principales branches de l’économie de l’industrie cinématographique, se définit à la fois comme une branche professionnelle, comme lieu où l’on exploite, en l’occurrence la salle, et comme un commerce, ce qui nous oblige à appréhender l’idée du public. L’histoire du cinéma est complexe. Pendant les années 1930, l’industrie cinématographique est plongée dans la crise. La Fédération nationale du cinéma français, créée en 1934, tente de lutter contre deux problèmes majeurs : les taxes et les conditions générales de location. Ces deux problèmes constituent les revendications les plus âprement défendues par la profession jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Plongés dans la crise, les exploitants développent des pratiques frauduleuses et des concurrences dfloyales. La guerre mtervient, mais déjà, en 1939, le cinéma est rattaché au Commissariat général à l’Information. Le gouvernement de Vichy va profiter des acquis de la Troisième République. La complexité de l’histoire du cinéma sous l’Occupation résulte de la concurrence entre deux politiques, l’une allemande : l’autre française, dont les intérêts divergent. Soucieux de réorganiser le cméma et d’en garder le monopole, l’État comprend vite qu’il doit se soumettre au contrôle et aux décisions allemandes. Une organisation corporative naît. Doté cl’un nouvel organisme professionnel, le cinéma en sort transformé. L’exploitation voit alors se résoudre un certain nombre de problèmes qui la paralysaient depuis les armées 1930. En même temps, les professionnels ne sont pas toujours maîtres de leurs décisions, leur corporation étant en réalité sous le contrôle de l’État français et des occupants.

La situation de guerre et d’occupation a aussi transformé les établissements cinématographiques. Ces derniers voient leur rôle grandir dans les manifestations de solidarité et de charité. La salle reste un lieu de fête. En même temps, en tant qu’espace public de projection, elle n’échappe pas aux obligations d’ordre politique. D’autre part, le poids des circonstances est aussi matériel. Lintérieur comme l’extérieur des cinémas se trouvent transformés pour laisser voir les empreintes de la guerre et de l’Occupation. La dimension féerique a en partie disparu. Pourtant les salles ne désemplissent pas ; elles restent un espace d’évasion pour des spectateurs en quête de divertissement. La fréquentation reste élevée de 1940 à 1944. Aller au cinéma demeure une démarche de sociabilité qui permet de se rassembler pour une communion face à l’écran. Si le cinéma se révèle être un lieu d’évasion, il est aussi un lieu d’expression, de manifestation, voire de résistance.

JADE Mariannick, Regards communistes sur les arts plastiques de 1953 à 1956 : à travers l’Humanité et Les Lettres françaises, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 192 p.

L’étude analyse les regards commmunistes portés sur les arts pastiques (architecture, sculpture et pemture) apres le « realisme socialiste », à travers la presse communiste, l’Humanité et Les Lettres françaises. L’historiographie de la politique culturelle du Parti communiste français ne reconnaît presque qu’exclusivement que le phénomène du « réalisme socialiste » qui évolua de 1947 à 1953. Le mouvement artistique fut la preuve la plus flagrante d’un embrigadement des arts plastiques au service d’une propagande de politique. Le présent mémoire se propose de démontrer qu’après 1953, et jusqu’en 1956, l’année de toutes les ruptures, les communistes eurent sur les arts plastiques des regards nettement différents.

Dès 1953, le libéralisme artistique s’installe au sein du PCF, favorisé par l’assouplissement momentané de la guerre froide. La politique culturelle s’assouplit également, marquée par Maurice Thorez, et par la personnalité énigmatique d’Aragon (directeur des Lettres françaises). Aragon établit les nouveaux fondements d’un « art de parti ». En 1956, malgré la crise du parti, le XIIIe congrès dresse un bilan favorable de cetre politique culturelle.

Ces années définissent un nouveau « classicisme socialiste », d’une composition pour le moins hétéroclite et paradoxale, tant par la forme que par le contenu, où cohabitent des œuvres d’artistes communistes avec des œuvres d’artistes non-communistes.

La politique culturelle du Parti communiste français ne s’achève pas avec le « réalisme socialiste ». Après sa disgrâce, le Parti s’est attaché à construire une identité culturelle plus libérale et pérenne.

JAUMET Loïc, L’évolution syndicale dans le métro parisien de 1944 à 1953, [Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 207 p.

Après la Libération, la puissante CGT voisine avec le Syndicat chrétien. Les communistes dominent au sein de la direction du Syndicat Général (CGT). Se sentant étouffée, la minorité socialiste part en janvier 1947 pour fonder le Syndicat général autonome (futur F0). Au même moment, pour des raisons politiques et parce qu’ils ressentent que la CGT ne prenait pas en compte leurs revendications catégorielles, une partie des conducteurs quirte le Syndicat Général pour créer le Syndicat autonome traction. Cette organisation prélude à l’arrivée d’un fort courant autonome (cinq synclicats). En accordant des avantages aux agents du Service Traction, la Direction de la RATP, va exacerber les rivalités entre catégories. En fait, la direction de la Régie perpetue la « politique de division » des directions précedentes (CNIP).

Dans le contexte de la « gnerre froide » où l’influence de la CGT doit être diminuée, les pouvoirs publics et la direction de la Régie facilitent l’accession au statut d’organisation représentative à d’autres synclicats. Par ailleurs, la clirection de la Régie amplifie sa « politique de clivision » en s’engageant vers plus de cloisonnement entre les métiers et les secteurs de l’entreprise. La CGT et la CGT-F0 vont d’ailleurs s’adapter à la structure de l’entreprise en établissant un syndicat dans chaque corps de métier (ferré, routier, maintenance, administratif).

En définitive, la RATP se retrouve avec 17 syndicats en 1953 et cette situation syndicale est peu commune pour une grande entreprise.

JOURDAN Maxime, « Le Cri du Peuple », 22 février 1871-23 mai 1871, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 2 vol. 174 p. + 103 p. d’annexes

Le 21 février 1871, Jules Vallès fonde Le Cri du Peuple, quotidien exclusivement politique. Grand in-folio, le journal se vend au prix très populaire de cinq centimes et atteint rapidement le tirage considérable de 60000 exemplaires. Composée de blanquistes et d’internationaux, la rédaction est hétéroclite. Ainsi, bien qu’il se proclame volontiers révolutionnaire, Le Cri du Peuple n’a pas une ligne politique bien circonscrite. Tel est d’ailleurs le souhait de Vallès, qui n est pas un théoricien de la Révolution. Toutefois, Le Cri du Peuple est farouchement républicain. Redoutant à la suite des élections légisfatives du 8 février, une restauration monarchique, il souhaite que la République soit décrétée inaliénable et qu’elle soit véritablement démocratique. Le journal est aussi passionnément patriote. Son patriotisme est attisé par la toute fraîche défaite française contre la Prusse. Nonobstant, il demeure réfléchi et s’ouvre à une certaine forme d’internationalisme. Enfin, Le Cri du Peuple est socialiste révolutionnaire. Son socialisme est un savant mélange de vieux thèmes sans-culottes (haine des « gros » et des privilégiés) et de propos préfigurant le socialisme moderne (reflexions sur origines de l’exploitation capitaliste). Néanmoins, il récuse la lutte des classes. Le Cri du Peuple se définit essentiellement négativement. Il flétrit tous ceux qu’il tient pour responsables de l’entrée en guerre et de la défaite (l’Empire, le gouvernement de la Défense nationale, le gouvernement Thiers). Ses attaques incessantes et son ton virulent indisposent les autorités qui, le 11 mars, ordonnent sa suppression.

Mais Le Cri du Peuple renaît avec l’insurrection du 18 mars. Il s’engage alors dans le mouvement communaliste et tire régulièrement à 100000 exemplaires. Il fait en la personne de Pierre Denis une nouvelle et précieuse recrue. Militant et idéologue, Pierre Denis marque le journal de son sceau et l’infléchit en un sens proudhonien, fédéraliste et anti-autoritaire. Il rédige tous les articles théoriques, dans lesquels il prêche la fédération des communes autonomes et la réalisation du self-government. C’est à lui qu’est confiée la direction du quotidien après le 18 avril, date à laquelle Vallès cesse d’écrire. Le 1er mai, la Commune se divise sur la question de la création d’un Comité de Salut public auxpouvoirs aussi étendus que mal définis. Hostile à toute forme de dictature, Le Cri du Peuple soutient la minorité de la Commune qui réprouve une telle institution.

Le conflit contre Versailles bouleverse la physionomie du journal. Occupés par diverses fonctions, les rédacteurs ne trouvent pas toujours le temps d’écrire. Partant, les articles se raréfient et cèdent le pas aux nouvelles de guerre. Alors que toutes les tentatives de médiation échouent, Le Cri du Peuple s’ingénie à mener le camp parisien à la victoire en assaillant la Commune de ses recommandations, en l’exhortant à toujours plus d’audace et d’énergie. Il tente enfin de galvaniser l’élan révolutionnaire au moyen d’une ardente propagande présentant les Versaillais comme de vils réactionnaires, des factieux, des tyrans, des hommes immoraux et barbares.

Le Cri du Peuple illustre magistralement la dialectique Pouvoir/ Liberté, les choix cornéliens, les renoncements auxquels sont contraints les journalistes en période révolutionnaire.

JUAN Myriam, « Ça, c’est Paris », Paris dans le documentaire français des années vingt (1919-1929), Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 2 vol. 424 p.

Entre document et œuvre d’art, le documentaire cinématographique est une pratique protéiforme et un objet d’histoire culturelle très ambigu.

L’analyse des documentaires français des années vingt sur Paris est particulièrement propice à en interroger le statut historique, tout en permettant d’étudier un grand moment méconnu de la représentation de la ville au cinéma.

Au sortir de la guerre, le projet de création d’une cinémathèque municipale réunissant l’intégralité des films documentaires qui ont été tournés à Paris témoigne de la hantise du déclin qui pèse alors sur la ville et de la reconnaissance, par certains, de la valeur de ces films comme documents d’histoire. Au même moment cependant, s’affirme un nouveau documentaire, bien différent des simples vues animées dont le public commence à se lasser. Dans le sillae des recherches sur le langage cinématographique, il est conçu comme un discours sur le monde, mais aussi comme une œuvre de cinéma, c’est-à-dire, en ces temps de cinéphilie passionnée, comme une œuvre d’art. À la fin de la décennie, certains films sont au cœur de ce que les historiens du cinéma ont appelé la « troisième avant-garde », où se forme une nouvelle génération, prometteuse, de cinéastes. Des formes anciennes continuent cependant d’exister, notamment dans des réseaux alternatifs et, au regard de la profession comme de la programmation, la pratique reste de surcroît toujours à la marge du système. Le corpus des films sur Paris reflète cette hétérogénéité. Parce qu’ils ont bénéficié d’un plus grand souci de conservation et, surtout, parce que la capitale fut pour les avant-gardistes un sujet de prédilection, les documentaires à visée artistique y sont toutefois sur-représentés. Tous ces films sont néanmoins susceptibles d’une double lecture. Au premier degré, il s’agit de discours sur la ville, sur la façon dont les contemporains en appréhendaient l’organisation géographique et sociale, à l’heure du travail comme dans les loisirs. Au second degré, ils s inscrivent dans les deux grands réseaux d’images véhiculés par la ville. L’un, désuet et pittoresque, renvoie davantage au Paris d’avant-guerre qu’à celui des années vingt. L’autre tend au contraire, parfois avec maladresse, à faire de la capitale une grande ville moderne. Par-delà ces imaginaires dominants, quelques tentatives se font jour cependant pour montrer, à défaut du « vrai » Paris qui toujours se dérobe, une autre ville.

Malgré l’impression d’authenticité émouvante qu’ils dégagent, ces documentaires participent donc, à leur manière, au mythe de Paris. Entre deux pratiques (la fiction et la non-fiction), ils dépeignent une ville entre deux mondes, qui peine à faire le deuil de son passé et à représenter pleinement la modermté, mais trouve finalement, dans un compromis de fortune entre ces deux visages, son charme et son identité.

KEIGNAERT Sandie, La construction de la tatégorie des personnes handicapées en France, Maîtrise [Claude Pennetier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 144 p.+ annexes

Aujourd’hui selon l’enquête décennale de l’INSEE de 1991, concernant toutes les tranches d’âges de la population, on recense, en France, 5, 5 millions de personnes qui déclarent avoir un handicap ou subir une gêne dans la vie quotidienne. Comment s’est constituée cette catégorie de personnes dites handicapées ? Quel a été le processus qui a permis le passage de l’infirmité d’antan au handicap d’aujourd’ui ? On trouve aux origines de l’élaboration du concept de handicap certaines notions telles la reeducation, et réadaptation. L’idée de rééducation s’est d’abord appliquée aux déficients sensoriels. Au-delà de l’idée de rééducation nous trouvons le concept de la réadaptation. Ce dernier va simultanément s’appliquer à deux catégories de diminués bien distinctes : les mutilés de guerre et les accidentés du travail. À la fin de la guerre de 1914-1918 avec le retour d’hommes diminués, les « mutilés », la redevance sociale se fait sentir, y compris sous la forme d’une culpabilité collective, associée à un impératif économique, ne pas laisser hors de la production les mutilés qui réclament la reprise d’une place sociale, des droits à réparation et compensation. Ensuite vient la question, des accidentés du travail, une question parallèle à la précédente. L’industrie, avec son caractère non réglementé et son exploitation des hommes, abîme et casse un nombre considérable de citoyens. L’obligation de réparer et plus tard de compenser les atteintes qu’ont produites les risques du travail se fait sentir. On constate dès lors, une homogénéisation de la déficience autour des techniques réadaptatives qui désormais s’appliquent également aux tuberculeux et aux enfants inadaptés. Le problème l’assistance des infirmes civils est lui aussi pris en compte par les pouvoirs publics.

Ainsi une nouvelle volonté se lève : il faut faciliter le retour dans la course de tous ceux qui en sont écartés pour raison d’une infirmité quelconque. C’est dans ce contexte qu’il convient d’analyser l’apparition du vocabulaire du handicap. Emprunté au monde turfiste, ce vocabulaire traduit l’idée d’égalisation des chances et considère les aptitudes restantes des déficients quelle que soit l’origine de l’infirmité. Une fois ce vocabulaire institué, la population concernée repérée, reste à mettre en place les mesures destinées à favoriser l’accession de cette dernière a une vie en milieu ordinaire par opposition au milieu institutionnel. Il s’agit d’aider à l’insertion sociale et professionnelle des handicapés, chose que les associations de personnes handicapées revendiquent depuis longtemps. Une politique d’action sociale globale est décidée par le gouvernement dont l’objectif premier est d’apprcher et de traiter la question du handicap dans son ensemble. Cette politique aboutit, ainsi, à la mise en place d’une loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975, véritable date-phare en la matière.

KIENER Odile, Fondements, créations et influences d’un groupe chorégraphique avant-gardiste : le Groupe de recherches théâtrales de l’Opéra de Paris (1975-1990), Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], 2002, 190 p.

Ce mémoire traite du Groupe de recherches théâtrales de l’Opéra de Paris. Celui-ci, structure originale dédiée à la création de spectacles mêlant différentes disciplines artistiques, fait figure de pionnier dans le développe­ ment d’un nouveau langage chorégrapliique en France.

Dans un paysage chorégraphique où la danse classique est prédominante et le langage contemporain seulement naissant, un groupe de recherche avant-gardiste est créé au sein de l’Opéra de Paris. L’introduction d’une cellule de création se fait en plusieurs étapes : la rencontre de deux personna­ lités, Rolf Liebermann (administrateur général de l’Opéra de Paris) et Carolyn Carlson (danseuse et chorégraphe), l’implantation d’un premier groupe, le Danse Théâtre et l’officialisation du Groupe de recherches théâtrales de l’Opéra de Paris.

Le groupe crée plusieurs pièces. Celles-ci sont I’ œuvre de la collaboration entre diverses disciplines, danse, théâtre, musique, qui se réunissent autour de Carolyn Carlson pour travailler. Les diverses creations sont présentées sur les scènes de l’Opéra de Paris, de divers théâtres parisiens, mais également dans les maisons de la culture, lors de festivals et à l’étranger. Ces nombreuses représentations sont suivies par la presse qui annonce et relate les diverses manifestations du GRTOP. Les journalistes accueillent avec enthousiasme les créations du groupe et participent de manière évidente à sa renommée. Au cours des nombreuses représentations, un public nombreux assiste aux représentations du groupe. Celui-ci, en fonction des lieux où il se produit, bénéficie d’un public plus ou moins accueillant.

Après le départ de Rolf Liebermann et de Carolyn Carlson de l’Opéra de Paris, le groupe de recherche est dissous. Les membres du GRTOP deviennent à leur tour chorégraphes et créent leurs propres compagnies. Carolyn Carlson quant à elle travaille à Venise avant de créer plusieurs pièces pour le Théâtre de la Ville. À l’Opéra de Paris, un nouveau groupe est mis en place autour de Jacques Garnier : le Groupe de recherche chorégraphique de l’Opéra de Paris. Ce groupe se distingue du GRTOP par sa composition (tous les membres sont des danseurs du corps de ballets) et par ses activités (appel à de nombreux chorégraphes extérieurs pour les créations).

LAGRANDEUR Olivier, Le mouvement des infirmières et la coordination en île­ de-France (mars 1988-juin 1989). Du CRC-CFDT à la fédération CRC, la genèse d’un syndicalisme nouveau dans le secteur sanitaire et social, Maîtrise [Christian Chevandier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 160 p.

Les répercussions sur le syndicalisme du mouvement des infirmières de 1988 et de la coordination, qui en est sa forme d’expression principale, n’ont fait jusqu’à présent l’objet d’aucune étude. La nôtre se penche plus particulièrement sur le cas de la fédération CFDT-santé-sociaux. Son but est donc de montrer en quoi ce mouvement des infirmières, par son ampleur et sa forme d’expression principale, fait émerger une crise interne dans la fédération CFDT-santé-sociaux, qui aboutit à la création de la fédération régionale Coordonner-Rassembler-Construire en avril 1989. Les sources que nous avons utilisées sont essentiellement des archives syndicales provenant de la fédération SUD-santé-sociaux et des archives interfédérales de la CFDT. Les archives de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris viennent les compléter, en amenant des informations sur des aspects locaux du mouvement des infirmières. Des sources de presse et des entretiens oraux nous apportent d’autres éléments qui nous permettent de recouper les informations recueillies dans les archives syndicales.

L’étude des acteurs syndicaux objets de notre analyse (la fédération CFDT-santé-sociaux et le comité régional de coordination des syndicats­ santé-sociaux CFDT d’Île-de-France) sur une longue période et une analyse du mouvement des infirmières nous permettent de poser les bases de notre sujet. L’étude du mouvement des infirmières sous ses différents aspects est éclairante pour comprendre ses répercussions dans la fédération CFDT-santé-sociaux. Enfin, nous suivons en détail toutes les étapes du conflit interne à la fédération CFDT-santé-sociaux, qui aboutit au départ du CRC-CFDT de la CFDT et à la création de la fédération CRC. Pour conclure, nous émettons l’hypothèse que les animateurs de la nouvelle fédération veulent fonder un nouveau syndicalisme sur des bases originales, le distinguant des différents types de syndicalisme existant déjà dans le mouvement syndical français.

LAPEYRE Maud, L’opinion publique à Paris sous l’Occupation : la lecture des Renseignements Généraux de la Préfecture de Police de Paris, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Denis Peschanski-Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 200 p.

La série d’archives rassemblées sous le titre « Rapports de quinzaine des Renseignements Généraux », regroupe une quantité d’informations très importantes sur la situation à Paris sous l’Occupation. Des incidents de voie publique, aux mesures prises par l’administration allemande, en passant par I’evolution du ravitâillement, ces quatre années sont décortiquées de semaine en semaine, puis tous les quinze jours.

Malgré de nombreux ouvrages sur la question de l’évolution de l’opinion publique à cette période, aucun ne la traite à travers le regard d’une administration française étroitement liée à l’occupant. Les rapports de quinzaine donnent l’occasion d’adopter la vision des inspecteurs des Renseignements Généraux. En effet, une grande partie est consacrée à l’analyse des réactions des Parisiens. Il ressort ainsi une vue d’ensemble des préoccupations majeures du public de juin 1940 à août 1944. Celle-ci peut choquer nos schémas préétablis des sujets d’actualité de I’époque. La hiérarchie qui en résulte bouleverse celle que nous aurions pu établir seule sous l’influence de l’historiographie actuelle. Elle traduit égàlement une évolution à travers le temps, au sein de laquelle les préoccupations quotidiennes telles que le ravitaillement, laissent peu à peu la place à des considérations plus politiques. Ainsi, le public se concentre de plus en plus sur les événements qui mèneront à la fin des hostilités et des difficultés. Enfin, il a été important d’analyser l’écriture, le vocabulaire, la forme et les changements opérés dans les rapports. Ils représentent autant d’indices permettant de reconstituer en partie l’état d’esprit du service chargé de ces comptes rendus et la vision spécifique qu’ils pouvaient avoir. Au-delà de l’étude de l’opinion publique, c’est aussi une plongée au cœur de l’administration polici re et un véritable témoignage historique. Le défaut d’objectivité qui a pu etre constaté, s’est au contraire transformé en information supplémentaire, cela avive l’intérêt en même temps que l’esprit critique sur les fonctionnaires, leurs méthodes et l’opinion qu’ifs décrivent.

Les rapports de quinzaine des Renseignements Généraux de la Préfecture de Police présentent un double intérêt historique, qui est, à la fois, le témoignage de la population, de l’opinion publique de ces années noires qui se cherche, évolue, se bouleverse ; mais il est également le témoignage des inspecteurs appartenant à ce service, où transparaissent leur propre version et leur propre approche des Parisiens et de l’Occupation.

LAYANI Fanny, Une crise persistante des orchestres de région de la fin des années 1970 à 1986 : de l’impasse du « modèle Landowski » aux carences de la politique de la gauche, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 321 p.

Les orchestres régionaux, créés en 1969 par Marcel Landowski, à la tête du service de la Musique, dans le cadre de son plan de dix ans pour le développement de la musique en France, connaissent, à la fin des années soixante-dix, une véritable « crise de croissance ». Et si l’action du premier directeur de la Musique est assez aisée à saisir, presque incarnée dans le plan de dix ans et expliquée, a posteriori dans Batailles pour la musique, l’empreinte de ses successeurs, héritant d’un dispositif en crise, est pfus difficile à saisir. Maurice Fleuret nommé directeur de la Musique en 1981, doit faire face à une situation délicate : le plan Landowski, arrivé à échéance deux ans auparavant n’avait été que très partiellement appliqué, jamais réadapté en fonction des évolutions de la société, et aucune nouvelle politique n’avait été initiée pour en prendre le relais.

La crise qui touche les orchestres est à la fois financière, esthétique et morale. Les partenaires financiers entrant dans la composition du budget des orchestres ont tendance à se montrer de plus en plus réticents, voire à se désengager. Dans le même temps, le statut social et les conditions de vie des musiciens ne cessent de se dégrader, et les orchestres, dévalorisés au plan international et dont le répertoire limité ne se renouvelle pas, perdent peu à peu leur public. Or, l’espoir de changement et de renouveau suscité par la poussée électorale de la gauche est réel. Ce phénomène est prolongé par la nomination de Maurice Fleuret, vu comme un homme d’idées et d’actions, qui pourrait mettre un terme à l’immobilisme croissant de la direction de la Musique. Toutefois, un bilan peut être dressé, à la fin de la législature, d’après une série de rapports commandités par la direction de la Musique, sur tous les orchestres de région.

À l’issue de cinq ans de gouvernement de gauche, aucune véritable réforme n’a été menée et rien n’est réellement achevé en 1986. Les orchestres dépendent plus encore qu’auparavant, du fait de la diversification des collectivités locales les finançant, de décisions politiques, et n’ont pas fait l’objet d’une véritable politique construite et cohérente. Les quelques mesures concernant tous les orchestres, prises par le gouvernement socialiste, relèvent de l’application au domaine culrurel de décisions bien plus générales (créations d’emplois, décentralisation). Il paraît clair que les orchestres et, d’une manière plus générale, la diffusion de la musique « classique » n’ont jamais fait partie des priorités du gouvernement socialiste en matière culturelle. Cependant cette absence de politique cohérente n’est pas imputable aux seules instances ministérielles. En effet, la diversité des orchestres, de leurs statuts, de leurs budgets et de la nature comme de la profondeur de leurs implantations locales rend toute tentative de politique unitaire particulièrement difficile et les orchestres comme les musiciens ne peuvent que bénéficier d’une gestion au cas par cas.

Une politique de statu quo et d’action au jour le jour, fonction des problèmes immédiats, semble donc avoir été menée par l’État, après un premier revers subi par Jack Lang sur la question des nationalisations d’orchestres. Les seules décisions réellement influentes sur la vie des orchestres sont prises au niveau municipal et régional, les politiques les plus actives étant souvent menées par des élus de gauche ; la décentralisation n’apporte pas de changements fondamentaux concernant les orchestres, en dehors d’une augmentation du financement régional. Mais elle est très mal vécue par les orchestres, qui y voient un désengagement de l’État.

Le doublement du budget de la Culture et les fortes augmentations des crédits alloués aux orchestres permettent de sauver quelque temps la situation, par injection de moyens financiers supplémentaires, mais le problème structurel posé par les lacunes du plan Landowski demeure, autant que le flou dans la définition des missions incombant aux orchestres. Par ailleurs, le centralisme du dispositif est paradoxalement renforcé, au profit des orchestres parisiens, et les orchestres de régions semblent connaître une période de relative stagnation.

L’absence de politique cohérente succédant au plan Landowski semble avoir pérennisé un dispositif transitoire, répondant à des besoins précis dans un contexte donné.

LENOIR Marie, Itinéraire d’un festival populaire : le festival de jazz de Nice (1948-2001), Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 227 p.

En 1948 est créé à Nice le premier Festival international de jazz. Cet événement hors du commun et innovant pour l’époque se présente comme le tout premier rassemblement de ce type autour du jazz et participe à la populansation et à la légitimation de cette musique en France. L’expérience niçoise de 1948, dont la fin est prématurée, influence le développement de manifestations similaires sur la Côte d’Azur. Après 23 ans d’hibernation, la ville renoue avec ses amours de jeunesse en 1971, et ce n’est réellement qu’en 1974 qu’un second festival est créé sous le nom « la Grande Parade du Jazz ». Sa spécificité réside dans sa capacité à se créer une place privilégiée dans un nouveau paysage jazzistique et culturel marqué par l’intérêt croissant des pouvoirs publics pour la culture et l’explosion festivalière. Jusqu’en 1991, la Grande Parade du Jazz apparaît comme un grand diver­ tissement populaire autour du jazz, un concept unique alliant la participation des plus grands jazzmen internationaux à une formule conviviale et de loisirs. Progressivement soumis à des contraintes conjoncturelles et structurelles, cette manifestation s’achève en 1994 pour devenir le Nice Jazz Festival. Victime de son instabilité organisationnelle et artistique, le Nice Jazz Festival se trouve en quête d’identité et de cohérence pour une nouvelle fidélisation du public jusqu’en 2001 où un changement de gestion intervient. L’itinéraire du festival de jazz à Nice est marqué par ses aléas et ses vicissitudes en termes de contexte historique, de production, d’acteurs, d’organisation et de réception et se définit par ses moments de gloire et de faiblesses. Au-delà de la succession de trois festivals différents dans leur forme, apparaît un type spécifique de festival à travers cette analyse. L’originalité du festival de jazz de Nice réside dans une idée et une utilisation particulière du jazz par la ville. La manifestation se définit également comme un événement populaire, divertissant et ponctuel.

LESAFFRE Charlotte, La représentation du poilu à travers les paroles de chansons après la Grande Guerre, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 144 p.

En 1918, les artistes sont affaiblis psychiquement. La maladresse de Maurice Chevalier devant son public témoigne de la dure réadaptation des artistes. Certains répugnent à chanter la guerre alors que d’autres voient en elle un moyen de vendre plus de disques. Pourtant, le public souhaite tourner le dos à ces sombres années. Par les spectacles et les chansons, il veut se divertir joyeusement. L’étude stylistique des auteurs les plus prolixes concernant notre sujet montre la multiplicité des auditoires. Par un vocabulaire allant du registre le plus pompeux, au registre le plus familier, les auteurs essaient de capter l’attention de publics ciblés.

Les auteurs mettent les poilus sur un piédestal en décrivant leurs multiples souffrances et la hauteur de leur sacrifice. Ils évoquent les lauriers et les drapeaux au point d’en faire des clichés. Le mérite essentiel des soldats, aux yeux des auteurs, est d’avoir sonné le glas des guerres. L’insistance sur cette donnée montre le rôle didactique dont ils sont affublés : leur expérience doit être un enseignement pacifiste.

Les auteurs évoquent les soldats comme une masse d’illustres anonymes. Les chansons qui les considèrent dans leur individualité sont rares, mais plus poignantes. Le relâchement des relations entre les poilus et la société se lit à travers les chansons. Les auteurs les plus audacieux dénoncent les conditions d’inhumation et leurs problèmes de réinsertion. Mais jamais n’est condamné leur grégarisme.

LÉVY Anne, La politique culturelle de la France avec l’URSS de 1956 à 1966, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 139 p.

Au milieu des années cinquante, la France et l’URSS manifestent leur désir de voir s’établir des échanges culturels officiels et ce pour des raisons qui leur sont propres. L’URSS souhaite diffuser l’image d’un pays résolument pacifiste et ouvert aux échanges. La France, quant à elle, s’aperçoit rapidement de la nécessité d’établir une politique culturelle avec l’URSS, non seulement pour satisfaire l’opinion publique française et contrôler les échanges officieux, mais également pour affirmer sa place dans les relations internationales.

En octobre 1957, une commission mixte franco-soviétique pour les relations culturelles, scientifiques et techniques est créée. Cette commission, particulièrement efficace, se réunit tous les ans, puis tous les deux ans, pour mettre en place un programme d’échanges. La création et l’essor de la Commission mixte ont sans aucun doute permis un renouveau des échanges entre les deux pays.

Mais les relations culturelles avec l’URSS présentent un caractère spécifique tenant à l’arrière plan politique qu’il est impossible d’oublier. Aussi, l’influence des relations politiques sur les relations culturelles (et inversement) et l’enjeu politique des relations culturelles, ont considérablement compliqué la tâche de la Commission qui n’en a pas moins survécu.

LOOS Carine, Le service culturel du musée d’Orsay : un nouvel outil de médiation, 1973-1994, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 201 p.

Face à une fréquentation croissante des musées français, à un attrait vers le patrimoine et à une demande culturelle en hausse de la part d’un certain public, l’État devait proposer de nouveaux espaces. Le musée d’Orsay en est un, à la fois espace de conservation et de diffusion de l’art, c’est en effet le premier musée français à disposer d’un service culturel indépendant.

Dès les prémices du projet en 1973, cette demande du public est prise en compte, le bâtiment est classé monument historique sous George Pompidou. Le conseil interministériel d’octobre 1977, sous l’égide de Valery Giscard d’Estaing, lance le projet et la loi programme votée en juillet 1978 insiste sur les nouvelles missions des musées qui doivent désormais se tourner davantage vers les publics. Le changement politique de 1981 amplifie le projet, François Mitterrand lui donne de nouveaux objectifs dont la réorientation historique des programmes permettant de faire le lien entre la création artistique et le cadre sociohistorique. Cette tâche est attribuée à M. Rebérioux nommée vice-présidente de !’Établissement Public du Musée d’Orsay. Cette historienne du social, spécialiste du monde ouvrier et femme de combat au sein de la Ligue des droits de l’Homme, voit sa nomination controversée. Ses projets ne seront que partiellement développés, mais ses idées se retrouvent dans le futur service culturel qu’elle défend et qu’elle contribue à créer en nommant avec les autres membres de la direction le chef du service Roland Schaer, agrégé en philosophie, en septembre 1985. L’équipe, une quinzaine de personnes, est peu à peu recrutée. Beaucoup sont membres de l’Education Nationale ce qui apporte une couleur particulière. Tous sont très motivés et ont conscience d’être des pionniers, d’avoir une place à se trouver au sein du musée, aux côtés de la conservation.

Les objectifs du service sont de trois ordres. Tout d’abord une politique des publics qui comprend deux axes : l’ouverture et la fidélisation. L’ouverture passe par une recherche de contacts auprès des associations, du monde de l’entreprise. Les correspondants servent alors de relais entre attentes du public et propositions du service. La fidélisation se fait par le biais d’un outil, la Carte Blanche, carte d’adhésion qui permet de nombreux avantages. La politique envers le jeune public est aussi un axe fort du service qui se concentre autour d’une expression de Roland Schaer « apprendre à voir ». « L’espace des jeunes » leur est réservé, lieu d’accueil, de préparation, d’expérimentation au sein des ateliers. Celui-ci est cependant celui de la cristallisation des oppositions en matière de pédagogie, mais aussi au niveau du personnel entre différents membres. La diversification des activités est aussi un facteur d’ouverture. Le cinéma muet, l’audiovisuel, l’informatique, la musique, les conférences et débats, les publications sont autant de moyens de donner de nouvelles voies d’accès aux œuvres, ainsi qu’une nouvelle forme de fréquentation du musée.

À l’ouverture, en décembre 1986, la presse fançaise a bien relayé la nouveauté d’un tel service et de ses activites, particulièrement la politique envers la jeunesse et l’aspect audiovisuel et informatiques. Le public a egalement bien suivi l’ensemble des manifestations. L’espace des jeunes est presque victime de son succès, les festivals de cinéma sont plébiscités, la volonté d’« apprendre à voir» d’un certain public est également visible dans la fréquentation des conférences. Enfin, l’influence du premier service culturel est très sensible sur le paysage muséal français.

LUGAN Hermann, Jean-Pierre Vincent et la Comédie-Française 1982-1986, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 481 p.

Lorsque la gauche arrivée au pouvoir le 10 mai 1981 se pose la question de la succession de Jacques Toja à la tête de la Comédie-Française et cherche à marquer symboliquement un renouveau pour la vieille maison de Mohere, elle pose ses yeux sur I’un des hommes de théâtre du moment Jean-Pierre Vincent qui, après avoir mené sept ans durant, au TNS, une des expénences théâtrales les plus originales des années 1970, vient de signer au printemps 1982 à la Comedie-Française une mise en scene remarquée des Corbeaux d Henri Becque. Annoncée en Avignon, le 21 juillet 1982, la nomination de Vincent comme admministrateur general de la Comédie­ Française entre en vigueur le 1er août 1983. Le politique accorde à ce geste une forte charge symbolique, à rapprocher de celui du Front Populaire qui faisait entrer la mise en scène au Français en nommant Edouard Bourdet accompagné des metteurs en scène du Cartel.

Et de fait, le jeune metteur en scène et administrateur va pratiquer durant trois ans, une polémique d’ouvertures tous azimuts non négligeable, vers le repertoire contemporain avec la creation de Félicité de Jean Audureau, vers les recoins du répertoire des siècles passés, oubliés par la panthéonisation de quelques œuvres majeures par la tradition bourgeoise du XIXe siècle. Ouvertures aussi vers la decentralisation avec la multiplication des tournées nationales et l’invitation de créateurs qui ont fait leurs armes sur les scènes de province. Ouvertlure enfin sur le théâtre européen au travers de la collaboration avec le nouveau Théâtre de l’Europe de Giorgio Strehler et, surtout, avec l’accueil de quelques grands metteurs en scène europeens comme Klaus Michael Grüber, venu servir la Bérénice de Racine.

Mais dans le même temps le travail accompli par Vincent ne correspond probablement pas à ses ambitions initiales. Arrivé au Français avec la perspective d’un double mandat de trois ans, l’administrateur jette l’éponge au bout de trois ans, devant l’accumulation de difficultés qui grèvent son propre travail de créateur – et sans doute devant la perspective de la première cohabitation. Les embûches, les oppositions qui se dressent devant lui sont en effet multiples. Elles peuvent être analysées d’abord, et fondamentalement, en termes de choc culturel entre Jean-Pierre Vincent et la troupe. D’un côté, Jean-Pierre Vincent incarne et le triomphe du personnage du metteur en scène durant la décennie précédente et la pointe avancée du théâtre avant-gardiste portée par la génération des créateurs qui ont pris les rênes des grandes institutions théâtrales françaises au cours de la même décennie. De l’autre côté, la troupe dont les éléments les plus anciens sont porteurs de représentations et de pratiques théâtrales identifiables, grosso modo, aux pratiques de la grande troupe de lacques Charron qui pratiquait avec brio la comédie et le vaudeville dans es années 1950- 1960, voire à des représentations antérieures à l’introduction de la mise en scène au Français en 1936.

La situation se complique encore parce qu’à ce fossé culturel se superpose un choc politique. La presse conservatrice fait en effet du Français un terrain privilégié de l’affrontement culturel droite-gauche qui oppose le gouvernement en place – qui consacre le culturel comme élément incontournable du débat politique – à l’opposition de droite.

L’activité artistique du metteur en scène Vincent durant ses années à la Comédie-Française, si elle s’inscrit d’une certaine manière dans la continuité de ses réalisations antérieures et postérieures, en ce qu’elle témoigne toujours de la volonté citoyenne de dresser un miroir face à la société contemporaine et en ce qu’elle poursuit l’archéologie du politique et de la « francité » qui constituait, et constitue peut-être toujours, la patte de l’artiste, doit aussi être lue comme une parenthèse. Parenthèse qui s’explique aussi bien par une acculturation du travail de Vincent aux pratiques du Français que par l’essoufflement des expériences radicales menées dans les années 1970 ou bien encore par le contexte intellectuel dans lequel évolue la France du début des années 1980, moins optimiste, plus critique à l’égard des grandes idéologies progressistes des décennies précédentes et, conséquemment, moins encline à porter aux nues les avant-gardes artistiques.

MALDANT-BITOUT Flora, L’enfance et l’adolescence délinquantes dans la région parisienne : Le défi de l’éducatif (1945-1955), Maîtrise [Jean-Louis Robert-Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 207 p. + annexes

En 1945, il s’agissait de construire et de légitimer un choix politique et social : la substitution de l’éducation à la répression et la primauté du délinquant sur le délit. Au sortir de la guerre, l’État repense et réorganise la protection judiciaire de l’enfance : l’ordonnance du 2 février 1945 symbolise le passage à une nouvelle perception du mineur délinquant, on passe de l’enfant coupable à l’enfant inadapté. Le délit est perçu comme la manifestation de l’inadaptation du mineur, consécutive aux conditions de vie qui lui sont imposées par sa famille et son milieu social. La réforme judiciaire met en place différentes mesures de protection, qui visent non pas à protéger la société d’un criminel, mais à réinsérer le délinquant. Avec la nouvelle procédure judiciaire, tout un nouvel encadrement éducatif et médical émerge et implique des méthodes personnalisées centrées sur le mineur. L’élaboration du discours sur l’inadaptation et la prise en charge des mineurs délinquants sont théoriquement et techniquement données par la neuropsychiatrie : la notion de discernement est abolie au profit de catégorisations qui définissent les mesures appropriées à la personnalité du mineur. La période 1945-1950 est une phase de transition entre l’héritage pénitentiaire, qui tendait à sortir de l’aspect répressif et l’émergence de pratiques éducatives pas encore clairement définies. Au fur et à mesure des avancées théoriques et pratiques, se substitue à un discours scientifique un débat qui se fonde sur des notions plus psycho-sociologiques. La pensée de la rééducation évolue vers la normalisation de l’enfant délinquant et cette tendance se manifeste dans l’affinement des mesures éducatives.

MARÉCAILLE Aude, De l’engagement au détachement : itinéraire d’un dirigeant communiste, Claude Poperen, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claude Pennetierl, Univ. Paris 1 CHS, 2002, 3 volumes 173 p.+ 191 p. d’annexes + inventaire des archives

L’itinéraire de Claude Poreren, né le 31 janvier 1931 dans le Maine-et-Loire, au sein d’une famille très marquée par la lutte pour la République et l’école laïque, est celui d’un ouvrier métallurgiste qui s’est engagé dans l’action syndicale avant de devenir un dirigeant communiste d’envergure. Militant d’abord à l’Union de la jeunesse républicaine de France et à la Confédération générale du travail de la Régie des usines Renault de Boulogne-Billancourt, il accède rapidement à la direction de la Fédération des travailleurs de la métallurgie et du Parti communiste français. Militantisme de terrain, ouvrier métallurgiste, expérience comme dirigeant, mais aussi capacité de résister à la dissidence d’un membre de sa famille (son frère Jean, avec lequel il n’hésite pas à rompre), autant d’éléments qui ont joué en sa faveur et l’ont révélé aux yeux de la direction communiste.

Cette étude est un genre biographigue, une façon personnelle d’aborder la vie de Claude Poperen en essayant d’analyser la rencontre entre l’homme et le Parti. Il ne s’agit ni d’une biographie officielle, ni d’une biographie autorisée, mais bien d’une biographie historique basée sur la volonté de comprendre un environnement, d’où l’usage des entretiens oraux (de Claude Poperen et d’autres témoins), et d’étudier les différentes phases de l’évolution du PCF, d’où l’usage des archives à la fois privées (celles de Claude Poperen) et officielles (« bio » du PCF, l’Humanité, brochures, etc.).

Ce parcours politique nous a amené à nous demander dans quelle mesure l’itinéraire d’un individu, un permanent communiste, un fonctionnaire de parti permet d’éclairer le fonctionnement d’une organisation comme le PCF, de mieux saisir les rouages de son appareil, de percevoir les rites et les codes de cette « contre-société » selon le vocabulaire kriegelien. Cette problématique générale a été guidée par des interrogations plus précises : quels mécanismes de sélection amènent un individu à exercer les plus hautes fonctions dirigeantes au sein d’un parti, le PCF ? Quel est le quotidien du permanent, du « professionnel de l’idéal » ? Surtout question essentielle, que nous révèle son itinéraire particulier sur les mécanismes décisionnels et les centres du pouvoir, mais aussi sur les modes de marginalisation au sein d’un parti qui se veut fondamentalement égalitaire et équitable ? Enfin, comment, peu à peu envahi par le doute, Claude Poperen en vient-il à se poser des questions et à les poser, rompant ainsi avec une règle implicite (celle de l’unité de la direction) et ouvrant la voie à sa marginalisation ? Choisissant d’abord la contestation interne (les Reconstructeurs communistes), quelles raisons le poussent finalement à rompre avec le Parti auquel il a consacré toute sa vie ? Quelle signification revêt une telle rupture ?

Cette étude pose, plus globalement, le problème de la destinée du cadre ouvrier au sein du PCF. Claude Poperen se devait-il nécessairement de monter ? Une chose est sûre, il confère une « caution ouvrière » au Parti. À cela s’ajoutent des particularités évidentes, telles que la construction d’une identité individuelle, identité qui lui sert de protection contre l’univers familial et ce qu’il peut avoir de dangereux à un moment donné. Cette identité, c’est incontestablement une identité ouvrière. En outre, il bénéficie d’une certaine légitimité, due à son activité de dirigeant syndical compétent. Claude Poperen est donc un cadre ouvrier qui s’est construit comme tel, mais qui jouit d’une réelle assise. Aujourd’hui encore, il reste avant tout un militant actif, qui garde toujours I’espoir de créer une nouvelle force politique à gauche.

MARTIN Kévin, Louis Bertrand (1866-1941), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 193 p.

Louis Bertrand est né en Lorraine le 20 mars 1866 à Spincourt. Il a étudié aux lycées de Bar-le-Duc et Henri IV avant d’intégrer l’Ecole Normale supérieure. Agrégé et docteur ès lettres, il fut nommé professeur aux lycées d’Aix-en-Provence (1888-1889), de Bourg-en-Bresse (1889-1891), d’Alger (1891-1900) et de Montpellier (1900,1902).

Il abandonna sa carrière universitaire pour se consacrer pleinement à sa carrière littéraire. Son inspiration lui est venue d’Algérie où il a découvert l’Afrique latine. Il voyait dans l’Algérie française, avec son milieu méditerranéen, ses peuples latins, ses ruines antiques et le renouveau du catholicisme, la renaissance de l’Afrique romaine. Son œuvre a fait de lui le chantre de l’Afrique latine. Il connut sa consécration littéraire lors de son élection, grâce aux voix du lobby de l’Action française, à l’Académie française en 1925 au fauteuil de Maurice Barrès. Bertrand, après avoir été anarchisant, était proche des milieux conservateurs et notamment de l’Action française. C’était un nationaliste monarchiste. Dans les années 30, il se rapprocha, sans y adhérer complètement, du fascisme. Quand la Seconde Guerre mondiale éclata, Bertrand était un vieillard désabusé replié sur ses derniers espoirs : le salut de son âme et le salut de la France grâce au maréchal Pétain. Il s’est éteint le 6 décembre 1941 dans sa maison d’Antibes.

MASSOT Christophe, Le Bulletin du Comité national de l’Organisation française (1946-1951), Maîtrise [Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 107 p.+ 54 p. d’annexes

Le Comité National de l’Organisation Française, créé en 1926, est une association d’ingénieurs, de cadres, d’ingénieurs-conseils et de patrons cherchant à diffuser un modèle d’organisation des entreprises pour en augmenter la productivité. L’étude des Bulletins de cette association parus entre janvier 1946 et décembre 1951 se construit en trois temps. C’est d’abord l’étude de l’association et du personnel ainsi que des auteurs des articles du Bulletin qui la compose. C’est ensuite l’analyse des articles contenus dans le Bulletin. L’enjeu est alors de saisir la cohérence de l’ensemble des techniques de production proposées. Les articles forment un corpus définissant un modèle cohérent d’organisation des entreprises, proposant un savoir de la production. Mais surtout, comme cela est analysé dans la troisième partie, ce savoir « objectif », « rationnel » de la productlon permet à ce groupe social intermédiaire, ni ouvrier ni patron, de définir une doctrine sociale et politique dont le centre est l’entrepnse. Le projet du CNOF de réforme de l’économie française est alors en même temps celui de la société française par un groupe social déterminé.

MERLIN Éléonore, Le CERES, de l’autogestion à la République, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 199 p. + 80 p. d’annexes

Le CERES, Centre d’études et de recherche sur l’éducation socialiste, est fondé au sein de la SFIO en 1966 par quelques énarques, parmi lesquels Jean-Pierre Chevènement.

Parrainé au départ par Guy Mollet, le groupe prône une politique socialiste classique, basée sur l’interventionnisme étatique avec les concepts de planification et de nationalisation. À ses débuts, sa spécificité est de s’encrer à la gauche de la SFIO, en appelant dans un discours marxisant à une union des socialistes avec le PC, alliance qui devrait prémunir le parti socia­ liste de la dérive « social-démocrate » identifiée au « mollettisme ».

Comme une majeure partie de la gauche, les événements de Mai 68 conduisent le groupe à tenter de concilier cette base identitaire avec le thème autogestionnaire. La ligne globale de son projet remporte l’adhésion du nouveau parti fondé à Epinay, même si certaines des mesures qu’il propose, considérées comme étant trop à gauche, sont édulcorées par les socialistes modérés. L’arrivée du courant des Assises dont une composante « moderniste » remet en cause les fondements traditionnels de la doctrine socialiste au niveau de l’action de l’État, représente une menace pour le CERES, en ce qu’il se situe sur son terrain, tenant des discours autogestionnaires très éloignés de sa propre vision. Le courant de Jean-Pierre Chevènement élabore un discours visant à marginaliser le courant rocardien, qui se traduit par une crispation sur la défense du rôle de l’État dans le processus autogestionnaire. Parallèlement, il intègre le thème national aux piliers de sa stratégie, évolution peu commune pour un courant de gauche socialiste. À la fin des années 1970, le CERES tient un discours radicalisé, fustigeant l’influence libérale des rocardiens, insistant sur le rôle de l’État et sur le sentiment national qui doit mobiliser autour de I’application d’une politique socialiste. S’il remporte une victoire « théorique » face à son concurrent au sein du parti au congrès de Metz, il connaît un désaveu cinglant de sa ligne politique dès les premières années d’exercice du pouvoir par les socialistes après 1981. Entamant une révision idéologique, le courant tient désormais un discours centré sur le thème de la République et sur ses deux fondements : l’État républicain et la Nation.

L’étude de l’évolution du discours du CERES, de l’autogestion à la République, conduit à examiner la genèse du discours autogestionnaire du PS et à mettre en relation son évolution avec les débats doctrinaux et idéologiques qui traversent le parti du milieu des années 1960 au milieu des années 1980, alors que les socialistes sont à la tête de l’État depuis 1981. L’abandon des références marxistes représente une évolution importante du discours socialiste durant cette période.

Mirthil Timothy, Le temps des “blousons noirs” : la représentation des bandes de jeunes 1957-1964, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Marie-Claude Blanc-Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2002

MORANT Lucie, Le mode de vie des bourgeoises du seizième arrondissement pendant l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 139 p. + 20 p. d’annexes

Durant l’entre-deux-guerres, un bourgeois est encore « une personne de la classe moyenne, intermédiaire entre le peuple et la noblesse » (Encyclopédie Larousse du XXe siècle, 1928). La bourgeoisie est « une catégorie sociale qui comprend les personnes de revenus indépendants, ou gagnant assez largement leur vie, ayant une certaine tenue et même un certain train de vie, (certe catégorie sociale) absorbe tous ceux qui ne travaillent pas à un métier, surtout manuel » (ibid.). Une nouvelle bourgeoisie issue de la Première guerre envahit pourtant peu à peu Paris et le seizième arrondissement, défaissant sa province d’origine. Les années vingt et trente sont des années charnières qui poussent la bourgeoisie à se moderni­ ser, à sortir du XIXe siècle. Cepenpant, un constat s’impose : si les mœurs changent, cette évolution se fait extrêmement lentement en ce qui concerne les femmes.

Grâce à des sources orales, nous avons pu étudier le mode de vie des bourgeoises du seizième arrondissement de Paris pendant l’entre-deux­ guerres. De manière à retracer ce mode de vie, nous nous intéressons à leur enfance et à l’éducation qu’elles ont reçue, afin de voir de quelle manière les petites filles sont préparées à leur future vie de bourgeoises. Ensuite nous nous attardons sur leur destin : être une épouse, une mere, une femme d’intérieur, des rôles qui semblent inhérents à la condition de la femme issue du milieu bourgeois à cette période. Enfin, nous essaierons deparler de leur rôle social, des obligations que ce rôle peut entraîner, ce qui n’a pas toujours été mis en avant durant les entretiens que nous avons eus. Une étude des recensements complète l’analyse orale.

Nous avons remarqué, grâce à notre étude, que les bourgeoises avaient une vie réglée en fonction de devoirs sociaux et familiaux, d’impératifs mondains, qui tendaient à unifier leur mode de vie. On vivait un peu renfermé sur soi-même, entre personnes de classe sociale identique, au sein d’un même quartier. L’étude du mode de vie des bourgeoises du seizième nous a permis de mettre en avant une vie d’obligations et de devoirs à accomplir qui pouvaient ressembler à des rites. Le poids du milieu social était écrasant et rares furent les bourgeoises qui s’émancipèrent de son joug.

MORETTI Orianne, Le centre de propagande des républicains nationaux : 1926-1940, Maîtrise [Pascal Ory, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2002

MUSSER Rémi, L’immigration à Corbeil-Essonnes : itinéraires de femmes immigrées (1960-1980), Maîtrise [Marie-Claude Blanc-Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 201 p.

Ce travail a pour but de nous interroger sur l’histoire de l’immigration féminine des Trente Glorieuses dans le cadre de Corbeil-Essonnes, commune communiste de la banlieue parisienne, ancienne ville industrielle et ouvrière qui a attiré la population immigrée dès le XIX’ siècle. La femme immigrée a été une figure moins médiatique que celle de l’homme travailleur et ouvrier. Les femmes ont donc laissé moins de traces dans les sources écrites que leurs homologues masculins. C’est à travers des sources d’origine administrative, à savoir listes nominatives, enquêtes de police des dossiers de naturalisation, demandes de régularisation de situation déposées à la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales, et les témoignages de femmes immigrées de Corbeil-Essonnes, que nous avons tenté de mettre en évidence la place occupée par les femmes dans les migrations et dans la société d’accueil des années 1960 au début des années 1980. Notre réflexion s’articule autour de trois axes : le processus d’immigration, les conditions de vie de ces femmes et la question de l’intégration.

La problématique du genre nous a permis de montrer le fonctionnement de l’immigration des femmes longtemps considérées comme des « suiveuses ». Dès le lendemain de la guerre, des Italiennes, puis dans les années 1960-1970 des Espagnoles et des Portugaises, sont venues retrouver leur époque comme le prévoyait la politique d’immigration familiale. Mais cette politique a fonctionné de moins en moins et I’immigration féminine des européennes s’est organisée progressivement hors de tout contrôle. Une véritable immigration féminine de travail, autonome par rapport à celle des hommes existe pendant les Trente Glorieuses. Avec la politique de regroupement familial décidée à partir de 1976 on revient au principe de contrôle. C’est un flux essentiellement féminin d’origine maghrébine, décalé par rapport à celui des hommes, qui se met en place, fixant ainsi beaucoup de familles à Corbeil.

Une fois en France, les immigrées (re)prenneut la place que leur octroie la division sexuée traditionnelle. Ainsi dans les années 1960-1970 la femme immigrée, européenne ou maghrébine, prend le visage de la mère de famille qui est une véritable gestionnaire du foyer qu’elle a en charge. Mais les femmes immigrées en majorité européennes ont été actives. Ouvrières et surtout domestiques et femmes de ménage, elles ont occupé une place précise sur le marché du travail, connaissant des conditions de travail précaires et des postes non qualifiés, qui sont aussi la réalité des immigrés pendant les Trente Glorieuses. Seules les filles venues jeunes s’orientent vers les secteurs du tertiaire, s’éloignant ainsi de l’image de l’immigrée et s’assimilant professionnellement. Cette assimilation relève de leur intégration à la société d’accueil, le plus souvent sous l’impulsion de leur mère.

La femme immigrée a en effet été investie d’un double rôle : celui de gardienne de la tradition et d’intégratrice pour ses enfants et sa famille. Jusqu’à la fin des années 1970, l’intégration des européennes – qui passe pour beaucoup par l’émancipation- s effectue en douceur dans un contexte économique, social et spatial favorable. À la fin de la décennie 1970, la crise et la dégradation du contexte économique et social local ont des répercussions sur le processus d’intégration des immigrées venues avec le regroupement familial. C’est à ce moment-là qu’une action de proximité et de terrain est mise en place par les travailleurs sociaux en direction des femmes qui sont absentes en tant que telles des quelques mesures d’intégration prises par les pouvoirs publics dans les années 1960. Mais l’intégration a des limites, visibles notamment à travers la conservation des pratiques féminines pour les immigrées portugaises.

NESTERENKO Alexandra, Un quart de siècle d’aménagements autour de l’église Saint-Gervais à Paris (1936-1963), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 187 p. + 23 p. d’annexes

Les mutations économiques et sociales du XIXe siècle ont provoqué une dévalorisation des quartiers centraux de la capitale, épargnés par les travaux haussmanniens. La partie du Marais, située entre la rue de Rivoli et la Seine, est déclarée insalubre en 1921 par les pouvoirs publics et devient « l’îlot n° 16 ». Cette étude s’intéresse plus particulièrement au pourtour de l’église Saint-Gervais (les rues de Brosse, François-Miron, du Pont-Louis­ Philippe, de !’Hôtel-de-Ville et le quai de !’Hôtel-de-Ville) qui sera intégré tardivement à l’îlot insalubre.

Ce mémoire tend à mettre en exergue l’impact de la gestion administrative – et des aménagements réalisés – sur l’évolution architecturale et sociale du quartier des années trente aux années soixante.

La densification du bâti et l’absence d’entretien ont engendré la multiplication de logements exigus et peu équipés. La faiblesse des loyers attire dans le quartier une population de solitaires et de couples dont la plupart travaillent dans les environs en tant qu’employés de commerce, de bureau ou de l’Administration.

L’ilot n° 16 est l’un des moins insalubres de Paris, mais sa situation géographique incite les pouvoirs publics à le traiter en priorité. L’évolution législative permet l’élargissement des îlots pour faciliter la mise en œuvre d’opérations d’aménagement d’envergure. Bien que l’insalubrité médicale du pourtour de l’église Saint-Gervais n’ait jamais été démontrée, cet espace pénètre en 1941 dans la surface de l’îlot n° 16. En 1942, l’Admmistration engage la première opération de réhabilitation parisienne, en suivant le plan rroposé par trois architectes dont Albert Laprade pour le pourtour Saint-Gervais (secteur occidental). L’expropriation des habitants est aussitôt ordonnée et les travaux commencent. Rapidement, la pénurie retarde le bon déroulement de l’opération. Au sortir de la guerre, l’état du quartier a empiré et la crise du logement empêche la reprise des travaux de réhabilitation dans l’ensemble de l’îlot. Dans les années cinquante, l’Administration remet en état de « réhabilitabilité » les immeubles pouvant accueillir temporairement des populations « précaires ». Au début des années soixante, le bilan de la réhabilitation s’avère incomplet (seule une partie du bâti a bénéficié d’un aménagement de qualité) et contrasté (le plan a été modifié à plusieurs reprises). En 1965, l’îlot n° 16 disparaît officiellement, il est integré à la surface bénéficiant du « plan de sauvegarde et de mise en valeur du Marais ».

Premier exemple d’un urbanisme opérationnel respectueux du patrimoine ancien, l’aménagement de l’ilot Saint-Gervais représente un contre­modèle de réhabilitation et reflète les hésitations des pouvoirs publics.

OECHSLI Marion, Un peuple prisonnier de son image. La représentation des Tsiganes dans le cinéma français, De la libération d’Auschwitz au premier film gitan (1945-1983), Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 172 p.+ 50 p. d’annexes

Peuple méconnu, les Tsiganes ont, depuis toujours, nourri l’imagination des artistes. Dès l’apparition du cinématographe, ils ont été mis à l’honneur par les réalisateurs, dans toutes sortes de productions.

Cette étude analyse les principaux aspects de leur représentation à l’écran, en France, entre la libération des camps de concentration de la Seconde Guerre mondiale, où les Tsiganes furent enfermés et exterminés, et l’année 1983, date de sortie du premier film de fiction réalisé par un Gitan sur les siens. Si leur image a considérablement évolué au cours de cette période, elle témoigne également de la force des préjugés et des sté­ réotypes dans notre société.

PINGAULT Jean-Baptiste, Évolutions des identités des jeunes Portugais et d’origine portugaise, 1982-2002, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Marie-Claude Blanc-Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 2 vol. 166 p. et 142 p. d’annexes

Plusieurs facteurs historiques d’évolution des identités chez les jeunes d’origine portugaise sont à l’œuvre au cours de cette période : l’évolution des ressources identitaires (le pays d’origine, le pays d’accueil, l’évolution de la première génération immigrée) ; l’intégration croissante de la population issue de l’immigration portugaise ; l’évolution des cadres sociaux, politiques et économiques dans lesquels leur identité s’affirme et ce, tant au Portugal qu’en France.

Les modes d’affirmation identitaire des élites prenant la parole chez les jeunes Portugais et d’origine portugaise connaissent deux phases bien dis­ tinctes au cours de ces vingt années. La première génération de jeunes, souvent immigrés jeunes avec leurs parents, s’affirme dans le cadre du mouvement social et politique du début des années 80, autour des jeunes issus de l’immigration et notamment avec les jeunes d’origine maghrébine. Les Thos ont pris part aux débats de leur temps sur les jeunes issus de l’immigration, collaborant avec d’autres populations issues de l’immigration, notamment les beurs, dans une tentative de création d’une identite immigrée et multiculturelle. Ils mettaient l’accent sur l’intégration des Portugais dans l’espace social et politique français. Les luso-descendants, au contraire, ont profité de la modernisation du Portugal perçue au travers des grands journaux français à la toute fin des années 80, pour mettre en valeur une identité portugaise moderne. La dynamique est avant tout portugaise et non plus multiculturelle, l’immigration est plutôt mise à distance que revendiquée. Les luso-descendants se focalisent sur le maintien du lien des jeunes Portugais et d’origine portugaise avec leur pays d’origine, en ce sens, si volonté d’intégration il y a, elle se dirige vers le Portugal et non plus vers la France. Les différences sont dues à une plus grande acculturation des luso-descendants, pour beaucoup nés en France, qui les pousse à insister sur leur identité portugaise. Elles sont accentuées par le changement d’attitude des politiques français : tenant un discours plus social qu’ethnique au cours des années 80, ils se sont progressivement adressés de manière plus collective qu’individuelle aux populations issue de l’immigration et notamment aux luso-descendants, tendant à les constituer par là en groupe de pression.

Le mode d’affirmation des Thos a connu moins de succès chez les jeunes Portugais et d’origine portugaise que celui des luso-descendants. La revendication d’une solidarite militante avec les immigrés est une voie plus exigeante que la revendication d’une appartenance à un pays en voie de moèlernisation. De plus, le projet des Thos est resté en marge de la stratégie, majoritaire dans l’immigration portugaise, de distinction avec les autres populations immigrées, notamment non-européennes.

L’évolution de l’identité, non pas affirmée par une élite, mais vécue par la majorité, se concentre autour de phénomènes de convergences entre les différentes sources identitaires dont disposent les jeunes Portugais et d’origine portugaise. L’adaptation progressive de la première génération à la région d’accueil permet de réduire le choc entre la culture du Portugal des années 60 et I’acculturation urbaine des enfants en France. Ainsi, la conflictualité avec les parents et la culture rurale d’origine, qui était un élément important de l’identité chez les Thos (partagé en bonne partie par leur génération, apparaît beaucoup moins flagrante aujourd’hui. La deuxième convergence est celle entre le pays d’accueil et le pays d’origine. Les stéréotypes du Portugal « pays sous-développé » perdent de leur force pe mettant ainsi un meilleur équilibre entre les ressources identitaires de ces Jeunes et une affrrmation de leur appartenance plus aisée.

PROST Barbara, Le personnel du nettoiement de Paris de 1944 à 1977. Techniques, pratiques et identités professionnelles, Maîtrise [Michel Pigenet], Univ. 2002, 129 p.

Qu’ils remontent à plusieurs siècles ou qu’ils soient apparus à une époque plus récente, les poncifs et les représentations négatives s’attachant au nettoiement urbain et à son personnel sont légion, mais la réalité du monde des éboueurs, par exemple ceux de Paris, reste a decouvrir. Le personnel de nettoiement ne forme ni ne souhaite former un groupe à part dans le monde des métiers, malgré les représentations. Et ce, meme s’il a certaines particularités indéniables.

D’abord, qu’il s’agisse du personnel technique 9.ui conçoit le nettoiement ou plus encore du personnel ouvrier qui l’execute, ils travaillent au contact d’une « matière première » que tout le monde ne souhaiterait pas côtoyer : les ordures ménagères, la salissure (et c’est de là que proviennent la plurart des prejugés). Autre spécificité, ils sont des employés municipaux de Paris, la ville lumière gigantesque (un million de tonnes d’ordures par an), que d’aucuns, disent encore sale à l’époque qui nous intéresse. Étant donné la difficulte a définir, proprete urbaine, il ne semble pas possible de verifier cette affirmation, d’autant plus que des descriptions contradictoires brouillent les pistes. Ce qui semblé avéré est que le service municipal du nettoiement, service immense qui compte plusieurs milliers de travailleurs, tres organise depuis plusieurs décenmes, donné en modèle à d’autres villes, rencontre des difficultés croissantes dans les trois décennies qui nous intéressent, difficultés nées de la société de l’expansion, de l’accroissement du tonnage des ordures et du nombre de véhicules, dans une ville en pleine mutation. Les conditions de travail des ouvriers du nettoiement sont loin, d’être optimales bien que les moyens fournis par la capitale soient consequents. Consequents mais insuffisants, aussi bien pour le materiel que pour les effectifs du personnel, et les salaires.

D’ailleurs, étant donné la difficulté du travail, sa faible rémunération les réprésentations qui s’attachent à la profession, le nettoiement de Paris souffre d’un problème de recrutement et doit faire appel en nombre à des travailleurs immigrés. À partir de la seconde moitié des années 1960, si une petite partie du personnel ouvrier reste composée de titulaires français, près des trois quarts du groupe sont formés par des travailleurs immigrés. N’ayant pas la nationalité française, ils ne peuvent disposer des garanties du statut des fonctionnaires, et sont appellés saisonniers. Cette précarité dans leur travail est, avec les mauvaises condmons de travail et les salaires à l’origine des grandes grèves categorielles de la fin de notre période. Longues, dures, elles ne sont pas passées inaperçues, et victorieuses, elles ont conduit une revalorisation notament pécuniaire du métier. Elles ont été permises par une forte combativité des travailleurs, regroupés en nombre au sein d’un syndicat, le syndicat CGT nettoiement. Ce dernier joue également un rôle indéniable dans la cohesion du groupe ouvrier, constitué de plusieurs milliers de personnes et ayant une tradition de combativité. Cette cohesion est aussi permise par tout un monde informel d’échanges avec les concierges, d’arrêts au café, que le changement de composition du groupe n’a guère altéré, confortant plutôt l’identité du groupe que la bouleversant.

Etudier le nettoiement de Paris dans cette période, c’est visiter la capitale par des biais peu connus, d’abord celle de son Administration édilitaire, bien particulière, et, depuis les trottoirs, à l’aube, la regarder changer, salir, jeter. Enfin, étudier le nettoiement de Paris de 1944 à 1977 c’est surtout partir à la rencontre d’un groupe professionnel comme les autres avec ses missions, ses pratiques, ses évolutions, un groupe à l’identité bien présente, mais pas plus forte qu’ailleurs, et qui vit les derniers moments d une organisation remontant à plusieurs décennies, avant la mécanisation des tâches et la privatisation.

RICHARD Julie, La représentation des anciens combattants de la Grande Guerre dans les films français de fiction (1919-1989), Maîtrise [Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002

La représentation des anciens combattants de la Grande Guerre est étudiée grâce à un corpus de 25 films sortis sur les écrans français de 1919 à 1989. Les dix films visionnés, du remake du Gamin de Paris (1932) de Gaston Roudès à La Vie et rien d’autre (1989) de Bertrand Tavernier, en passant par la version 1937 du fameux J’accuse! d’Abel Gance, et le premier film de Claude Berri, Le Vieil homme et l’enfant (1966), sont présentés et analysés chronologiquement, afin d’observer la constitution et les évolutions de ce personnage très particulier.

Tout d’abord sacralisé et doté d’autorité, remobilisé sur les écrans dans un but pacifiste à la fin des années trente, le personnage de l’ancien combattant devient une figure rare après 1940. En effet, la Seconde Guerre est une coupure majeure pour le personnage : non seulement il a « échoué » dans la mission pacifiste qui constituait sa principale fonction, mais, en outre, la Grande Guerre, désormais nommée la Première Guerre, et ses suites sont occultées par l’impact du second conflit mondial.

Le renouveau du personnage à la fin des années quatre-vingt semble d’ailleurs participer d’un mouvement de redécouverte de la guerre de 14-18, mouvement auquel l’historiographie n’a pas échappé.

Une analyse thématique regroupe ensuite sous une même interrogation l’ensemble des films du corpus, notamment grâce au recoupement de sources filmiques et de sources textuelles concernant les films du corpus aujourd’hui disparus (notices des catalogues, revues de presse). Ainsi, les films mettant en scène un ancien poilu permettent d’analyser les représentations de la Grande Guerre, et celles de l’après-guerre, à la fois temps de déception et temps de deuil.

Les reconstructions a posteriori de 14-18 étudiées en proposent une version acceptable, bien que très partielle et stéréotypée, ce qui favorise la perte du sens de l’événement, jusqu’à le rendre incompréhensible pour qui l’interroge. Le cinéma relaie ici le « voile conceptuel » dressé devant le premier conflit mondial, et ses aspects les plus embarrassants.

Quant aux représentations de l’après-guerre, elles présentent, autour de la figure du retour du poilu à la société civile, parmi I’ancien « arrière », un personnage profondément désillusionné. L’ancien combattant de la Grande Guerre à l’écran a ainsi une fonction critique, fonction qui met en avant la vanité des promesses de guerre (promesses de gloire, d’une société régénérée, de paix éternelle).

Le retour du poilu dans ses foyers est souvent manqué, ou même incomplet : le personnage apparaît ainsi entre deux eaux, entre deux états, entre la vie et la mort, fantôme ou « revenant-ressuscité ». Cette caractéristique constitue l’une des nombreuses traces d’une société marquée par la mort de masse laissées dans les films en question. Films de fiction, films d’un cinéma le plus souvent commercial, familial, sans prétentions autres que le divertissement, les films du corpus ont peut-être, à leur manière, une fonction de deuil, et aident à panser les blessures d’une guerre aux consé­ quences catastrophiques.

ROPERS Léa, Genèse du père Noël dans la presse française : 1870-1914, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 161 p.

Entre 1870 et 1914, on assiste à une véritable floraison de personnages donateurs chrétiens et païens. Tous cependant n’interviennent pas à la même date et n’évoluent pas dans les mêmes aires géographiques. Parmi eux, on peut citer Saint Martin pour la Normandie, le Père Chalande en Savoie, Saint Nicolas, bien sûr, qui rencontre à cette époque, un succès croissant tant en Alsace et en Lorraine, qu’en Allemagne et aux Etats-Unis. Si l’étude de la presse parisienne choisie ne permet pas vraiment de mettre en lumière ce foisonnement de bienfaiteurs, elle constitue une sorte de théâtre où s’affrontent les deux principaux concurrents de la fête de Noël, à savoir, le petit Jésus et le père Noël.

De la fin du XIXe siècle au début du XXe, la fête de Noël connaît d’importants changements. En effet, c’est à cette époque que la notion d’intimité se développe. Ainsi, les fêtes se déroulant au sein du foyer constituent-elles désormais pour la famille bourgeoise, un moyen de « s’autocélébrer ». En outre, du fait de l’intérêt croissant que l’on porte à l’enfant, la fête de Noël, en son fondement, fête de l’Enfant Jésus, devient celle de l’enfant profane, qui est alors au centre des préoccupations. Les rites de Noël s’organisent principalement autour de lui. Dans ce contexte la coutume mettant en scène des personnages donateurs apportant des cadeaux à ces chères petites têtes blondes se développe. C’est aussi à cette époque que que la fete de Noël prend une dimension commerciale indéniable à l’instar de ses homologues européennes, principalement allemande et anglaise. Les jeux d’influences entre ces divers pays conduisent alors à une uniformisation des pratiques. Noël fait ainsi son entrée dans la modernité, et avec elle les rites qui la composent.

Ainsi, sous l’effet de la vague de laïcisation qui parcourt la France de la Troisième République, voit-on progressivement les personnages donateurs chrétiens s’effacer au profit d’autres bienfaiteurs, capables tout à la fois d’intégrer les évolutions de la fête et d’incarner les nouvelles valeurs républicaines. Le spectre du père Noël n’est peut-être pas loin !

ROUILLIER Laura, Le Courrier de l’UNESCO de 1948 à 1970. D’un journal d’entreprise à une revue d’information culturelle internationale, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 185 p.

Le Courrier de l’UNESCO est la revue officielle de l’UNESCO, elle est créée en1948 pour tenir le public informé des activités d l’Organisation. C’est un simple mensuel publié en trois langues : français, anglais et espagnol, sous la direction du département de l’informatron des masses. La distribution est principalement gratuite et interne à l’UNESCO. Mais en 1954, l’UNESCO a d’autres ambitions et décide de modifier le contenu et la forme du Courrier de l’UNESCO pour en faire une revue illustrée d’information culturelle afin de toucher un plus large lectorat. Les thèmes de la revue ne sont plus centrés uniquement sur les missions de l’UNESCO à travers le monde. C’est également une revue d’échanges et de découvertes sur les mœurs et les coutumes des peuples, qui s’engage aussi en faveur de grandes causes comme la lutte pour les droits de l’homme, la sauvegarde du patrimoine mondial, contre les inégalités de tout ordre.

Le Courrier de l’UNESCO devient une revue internationale, il en existe douze éditions linguistiques différentes en 1970. La fabrication de la revue, sa distribution, le choix des articles sont supervisés par la rédaction du siège de l’Organisation à Paris. C’est une véritable entreprise de presse, prospere et reconnue, qui voit le jour au sein de l’UNESCO.

SARABANDO Stéphanie, La Gueule Ouverte, 1972-1977. Ecologie politique versus capitalisme, Maîtrise [Franck Georgi, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002

L’écologie politique est le fruit d’une prise de conscience de scientifiques des effets perverts d’une industrialisation massive qui s’exerce sans vergogne sur la nature. À l’aube des annees soixante-dix, de nouveaux penseurs comme Ivan Illich ou René Dumont donnent la lumière à des essais qui remettent en question les vertus de la société technicienne tout en élaborant une pensee basée sur une politique écologique dans le but de guérir le mal dont souffre la planète. Pléthore d’opuscules essaiment sur la scène journalistique. Cependant, leur impact s’avère plus que squeletique comparé à La Gueule Ouverte ou au Sauvage qui font leur appartition en novembre 1972 et en avril 1973. La Gueule Ouverte est créee par Pierre Fournier, collaborateur au journal Hara Kiri, puis Charlie Hebdo : Lors de sa fondation, le journal a bénéficié de l’impact de la grande manifestion pacifiste de Bugey dans l’Ain en juin 1971 dont Pierre Fournier a été le principal instigateur. Issu dune équipe d’origine « bete et mechante », le journal « qui annonce la fin du monde », comme le dit son sous-titre est un périodique satirique. La Gueule Ouverte a pour nette ambition d’une part d’informer le public en matière d’écologie et d’autre part, d’agir sur le terrain par la suite, et ce à travers un discours particulièrement alarmiste et pessimiste. Destiné au Français moyen, le périodique doit se contenter d’une frange marginale de lecteurs fidèles. Il se distingue des autres journaux en divulguant ce que tait habituellement la presse généraliste sur l’ecologie ou en boycottant la publicité, cette prostituee… À travers la caricature, le journal n’ésite pas à cracher sur les grandes figures du pouvoir comme celle du président de la Republique du CR tandis que l’on exalte des valeurs plus anticonformistes via I’inversion des rôles entre dominants et dominés.

Thème cher à La Gueule Ouverte, l’environnement ne cesse de préoccuper ses collaborateurs en dénonçant les dégâts – y compris futurs – de la pollution et de l’énergie atomique dans un contexte international de fin de guerre froide. Parmi les autres soucis, le pacifisme est un thème récurrent dans la mesure où l’État exhibe ses troupes notamment sur le plateau du Larzac. La société de consommation est contestée, elle s’avère être constamment traînée dans la boue alors que l’on défend la cause des minorités ou du tiers-monde. Hormis ces sujets, des thèmes hétéroclites comme l’eco-feminisme ou I’urbanisme habillent egalement les colonnes du journal. La Gueule Ouverte ne manque pas non plus de relater le déroulement des manifestatiobs qui ont marqué les années soixante-dix.

En outre, l’originalité de ce journal repose sur son aptitude à proposer des solutions. L’équipe du journal témoigne ainsi d’une philosophie verte qui invite à « faire un pas de côté » pour atteindre un certain art de vivre plus humain.

SEBAOUNI Meryl, Le PS et Solidarité. Août 1980-décembre 1985. Le romantisme aux couleurs de la (géo)politique, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 216 p.

Cette expression est tirée d’un article de Jean Offredo dans lequel il e phque que les Polonais sont partagés entre l’espoir issu d’août, 1980 (signature des Accords Gdansk) et les impératifs politiques et économiques. Le Parti socialiste français, face à ces événements est lui aussi tiraillé entre, d’une part, l’espoir d’un socialisme d’un type nouveau qui correspond à son projet politique et, d’autre part, des contraintes dues à sa nature, à ses choix et à son statut. Bien sûr, on peut trouver de nombreux points communs entre l’experience polonaise et celle du PS à cette époque. Mais il ne s’agit pas ici de mettre en parallèle Solidarité et le PS, mais plutôt d’analyser le rapport du Parti socialiste français au mouvement polonais Solidarité.

L’attitude des socialistes vis-à-vis du mouvement polonais n’est pas monochrome ni linéaire durant toute la période étudiée. Des changements d’attitude interviennent en effet au niveau du PS dans son ensemble, mais aussi au sein de celui-ci par le jeu des courants d’opinion. Il faut par conséquent aborder le sujet en ayant conscience des évolutions de ce rapport. Il s agit donc de s’interroger quant à la teneur et aux causes de ces changements d’attitude.

De la signature des Accords de Gdansk en août 1980 à la visite du général Jaruzelski en France en 1985, les relations entre les socialistes français et Solidarnosc sont ponctuées par les événements polonais (on pense bien sûr en particulier à la proclamation de l’état de guerre le 13 décembre 1981), mais aussi par des facteurs un peu moins évidents tels que l’arrivée au pouvoir du PS en mai 1981, les relations internationales ou encore par les aléas de la vie politique française. Le choix de ces limites chronologiques paraît contradictoire, mais il est fait à dessein. En effet, on va ainsi de l’élan d’espoir insufflé par « l’été polonais » à la réception par F. Mitterrand du « Pinochet polonais ». On a l’impression de passer d’un extrême à l’autre et pourtant nous sommes du même côté de la barrière ; ce sont les mêmes socialistes qui, dès l’été 1980, avaient les yeux brillants d’espoir quand ils regardaient vers la Pologne et qui en 1985, reçoivent le général Jaruzelski lequel a interdit Solidarité le 13 décembre 1981. Il faut évidemment éviter toute conclusion trop hâtive. De 1980 à 1985, des changements sont bien sûr intervenus dans l’attitude du PS, mais ceux-ci sont à mettre en relation avec le contexte en Pologne, dans la vie politique française et au niveau international.

SEMPIANA Thomas, L’identité culturelle du rugby à travers son organe de référence, Midi-Olympique (1932-1978), Maîtrise [Pascal Ory, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 232 p.

Né en Angleterre sur la pelouse du Collège de Rugby en 1823, le rugby, ce « jeu de voyous pratiqué par des gentlemen », a traversé la Manche pour s’établir – grâce à des émigrés britanniques – au Havre, à Paris puis à Bordeaux, avant de conquérir ce qui sera son fief, l’Occitanie. La pénétration de la culture populaire des regions du Midi de la France est telle que la géographie du rugby se confond avec sa culture, qui s’exprime dans l’Ovalie. À travers l’organe de référence du rugby, Midi-Olympique, cette étude s’attache à reconstituer la culture du rugby, depuis les années 1930 jusqu’à la fin des années 1970, et à en mesurer l’évolution.

L’esprit du rugby est assimilé par la culture populaire, essentiellement rurale, qui devient la culture dominante et fixe Tidentité du rugby dès le milieu des années 1920 : le rugby devient un moyen d’expression culturel. Le jeu se charge des valeurs dominantes des terroirs, accordant à la solidarité virile une importance capitale. Ainsi, la culture du rugby est enracinée dans les différentes régions occitanes, et endogame. Par ailleurs, les rivalités de clocher sont institutionnalisées par le championnat, qui contribue à modifier le statut amateur originel de ce sport. En effet, la popularisation du jeu exacerbe les vanités locales et facilite à la fois la montée de la violence et la montée d’une certaine forme de professionnalisme : l’« amateurisme marron ». Les clubs se structurant, l’investissement des notables locaux dans le rugby, qui fait figure de totem local, contribuent à dévoyer quelque peu l’amateurisme : l’heure est au débauchage de joueurs par l’attribution d’un emploi.

Alors même qu’elle est issue de pratiques spontanées, l’évolution de la culture du rugby tient à son encadrement : le rugby est lié à l’économie locale, et la généralisation des pratiques de rétributions contribue à la naissance d’un monde clos, codifié, s’appuyant sur l’entraide. La permanence du statut amateur conditionne la formation d’un lobby hypertrophié, d’une véritable Famille, et justifie une culture de la fermeture. Dès la fin des années 1950, le rugby permet au joueur d’obtenir une promotion sociale en fonction de la valeur sportive qu’on lui attribue. On est passé d’une expression spontanée et valorisée des vertus du terroir, à une discipline sportive rationalisée. Désormais, le rugby de haut niveau se distingue au rugby de pratique, qui devient le conservatoire des racines du jeu. Le rugby de haut niveau relayé sur ce point par les médias contribue à affaiblir la culture rugbystique traditionnelle. La télévision en particulier contribue au développement d’un public profane, mais plus nombreux que celui d’Ovalie. A mesure que le rugby devient un produit sportif dans les années 1970, il s’éloigne de ses racines. La culture constituée dans les années 1930 est reléguée au rang de folklore. La famille, si soudée au temps de l’amateurisme déguisé, la solidarité, la sociabilité spécifique du rugby en dehors du terrain, perdent de leur raison d’être, avec l’évolution vers le professionnalisme.

SENTENAC Anne, Courrèges de 1965 à 1972 : quelle image de la femme ?, Maîtrise [Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 156 p.

André Courrèges est traditionnellement connu en tant que couturier de mode des années 1960, mais est-il à cette époque un « créateur de mode » ou s’adapte-il à la naissance de la « nouvelle femme » ?

Dans un premier temps il est intéressant d’étudier la trajectoire qu’a suivie André Courrèges aux côtés de plusieurs précieux collaborateurs dont sa femme, Coqueline, et le photographe Peter Knapp que j’ai moi-même rencontré le 27 mars 2002 dans sa maison de Vauréal (95). D’où vient André Courrèges ? Comment a-t-il pu « percer » dans le monde de la mode ? Qui l’a aidé et lui a enseigné cet art ? Quelles sont les passions de Courrèges qui ont pu l’influencer dans son « style » ? Que fait-il aujourd’hui, existe-t-il toujours un style Courrèges ?

Dans un second temps, l’analyse de 13 photographies Courrèges montrera l’image de la femme donnée par les différentes tenues. Est-ce une femme plutôt dynamique, sure d’elle ou soumise ? Ces photographies mettent en valeur plusieurs stereotypes qu’il conviendra de degager, par l’examen conjoint du vêtement et des poses et regards des mannequins.

Enfin quel est le style Courrèges ? En effet, il conviendra de différencier en s’inspirant de Roland Barthes le « vetement image » étudie en seconde partie du « vêtement-réel » qu’est le vrai vêtement Courrèges.

Finalement, de sa première collection pour femmes en 1965, aux Jeux Olympiques de Munich en 1972 pour lesquels il confectionne des tenues et après lesquels il dessine aussi pour les hommes, qu’a voulu faire Courrèges pour la femme, créer ou s’adapter ?

SÉRANDOUR Jérôme, La construction d’un personnage social et populaire. Belmondo : l’itinéraire d’un acteur gâté, Maîtrise [Myriam Tsikounas, Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 147 p.

Ce mémoire s’attache à retracer une carrière exemplaire, celle de Jean­ Paul Belmondo. Cet acteur exceptionnel, parti de rien, devint l’homme le plus populaire du cinéma français.

TOURNOIS Mathilde, Plus de vingt ans de sensibilisation du jeune public à l’art. Des années 1970 à la mise en ligne du service éducatif [louvre. edu] en 1998, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 2 vol. 200 p.+ 89 p.

Si aujourd’hui le fait de rencontrer des enfants ou adolescents dans un musée nous semble commun, ceci n’a pas toujours été le cas. Les musées s’ouvrent de plus en plus largement aux jeunes publics depuis les années 1970 et des institutions de sensibilisation à l’art réservées aux enfants se créent, comme le musfe en Herbe.  Si ce n’est pas totalement une nouveauté, jamais autant d’efforts et de réalisations n’ont été faits en directions de ce public spécifique. Le mouvement de sensibilisation du Jeune public semble naître sur le terrain, parmi les intervenants culturels et n’être officialisé qu’après par l’État, dont le soutien s’intensifie dans les annees 1980-1990. Des modes de médiations culturelles propres au Jeune public et qui lui sont adaptés se développent. De nouvelles méthodes pédagogiques et de nouveaux metiers voient le jour, mais maigre tous ces efforts, aucune formation adéquate n’existe encore pour le personneI. Les musées se lancent dans l’Internet à partir de 1998, avec la mise en ligne de services éducatifs. Il semble que s’ouvre une nouvelle ère.

À travers cette étude, nous nous interrogeons sur les enjeux d’une offre spécifique au jeune public, sur les moyens utilisés pour favoriser la relation musée/jeune public, ainsi que sur la réception de ce mouvement.

Les limites géographiques de cette étude sont celles de la Ville de Paris, les établissements sont donc uniquement des établissements parisiens ; en revanche, les statistiques de fréquentation concernent les visiteurs venant de toute la France.

Les trois établissements sélectionnés pour leurs rôles précurseurs dans le développement de la sensibilisation du jeune public à I’art, ainsi que pour leur caractère représentatif, sont : le Musée du Louvre, le musée d’Orsay et le musée en Herbe. Leur diversité nous permet d’avoir une vision globale des différentes politiques et de traiter le sujet dans son ensemble.

Le développement de la relation entre le musée et le jeune public n’aurait sans doute pas eu lieu sans le contexte social, politique et culturel des années 1960 et 1970. À l’origine, le musée est un lieu pour les savants et les érudits, mais il se démocratise sous I’influence des événements de mai 1968. À partir du XIXe siècle, avec l’école obligatoire et avec une inflexion dans les années 1960-1970, l’éducation des enfants et adolescents prend d’avantage d’importance et l’on y apporte des soins de plus en plus attentifs ; autant qu’ils deviennent des personnages dont les rôles grandissent au sein de la société. Au XXe siècle, ils acquièrent peu à peu des statuts spécifiques dans la société. L’enseignement ouvre sur l’extérieur en abordant la vie sociale et culturelle, les méthodes pédagogiques évoluent et un rapprochement s’effectue entre institutions scolaires et institutions culturelles, en particulier avec les musées.

Parallèlement à l’accroissement des offres, les jeunes visiteurs sont de plus en plus nombreux, mais leur fréquentation varie en fonction du cadre dans lequel se déroule l’activité, individuelle ou scolaire, en fonction de l’âge des visiteurs et de leurs origines géographique et sociale. Le principe de sensibiliser les jeunes visiteurs à I’art dans les musées ou autres institutions dont il est question est majoritairement bien accepté.

TULLIO Olivier, Image et perception du fascisme italien dans les archives et les témoignages des diplomates français, 1934-1937, Maîtrise [Pascal Ory, Marie-Anne Matard-Bonucci], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 227 p.

Comme tout phénomène historique, le fascisme italien fut perçu de manière diverse suivant les individus ; en fonction de leur sensibilité politique, leur condition sociale, etc. À l’étranger il suscita ainsi à la fois l’admiration et le rejet de ses contemporains. Cependant, il existe une différence fondamentale entre ceux qui l’ont vécu de l’intérieur, autrement dit les Italiens, et ceux qui l’ont connu de l’extérieur.

L’objet de cette étude est de restituer, à partir des archives conservées au Ministère des Affaires étrangères et des mémoires publiées après la guerre, la vision des diplomates français en poste en Italie et près le Saint-Siège au moment des faits, qui présentent la particularité d’avoir côtoyé le régime mussolinien tout en gardant le regard extérieur exigé par leur fonction.

Les années 1934-1937 sont une période cruciale de l’entre-deux­-guerres, tant sur le plan international — avec des événements majeurs comme la guerre d’Espagne — que sur celui des relations franco-italiennes, de la politique de rapprochement de Louis Barthou et Pierre Laval (1934-1935) à la rupture symbolisée par le voyage de Mussolini à Berlin (septembre 1937). La guerre d’Éthiopie y occupe une place centrale. Après sa victoire en Afrique, le régime est à son apogée et fait de nombreux émules en Europe.

En cette fin des années trente, plus qu’une doctrine politique, le fascisme est avant tout un système de gouvernement, qui tend alors vers le totalitarisme. L’objectif de la diplomatie française est de s’entendre avec le régime mussolinien, par-delà les divergences idéologiques, afin d’éviter tout rapprochement avec l’Allemagne nazie. À partir de là, que nous apprennent les diplomates sur l’attitude des Italiens à l’égard du fascisme et de son évolution totalitaire ? Comment cette transformation apparaît-elle dans leurs écrits ? Quel regard portent-ils sur la politique étrangère fasciste et comment en perçoivent-ils les changements ? Des questions dont les réponses ont peut-être influencé la politique de la France à l’egard de l’Italie fasciste…

VARRAIN Thomas, Les pratiques socioculturelles des ouvriers pendant la Commune de Paris, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 130 p.

La Commune de Paris est généralement considérée comme une insurrection ouvrière. Il est vrai que le soulèvement amène au pouvoir un gouvernement dont les dirigeants sont, pour beaucoup, issus du monde ouvrier. On comprend pourquoi, les principales réformes engagées par les communards visent en priorité les travailleurs.

La Commune a-t-elle favorisé le développement de pratiques spécifiquement ouvrières, entraînant ainsi l’émergence et la constitution d’un groupe social, distinct des autres et conscient de sa particularité ?

L’insurrection bouleverse la vie quotidienne des ouvriers. Nous avons choisi d’étudier leurs pratiques socioculturelles, leurs habitudes et leurs comportements à travers trois espaces. Le premier, consacré au travail, comprend l’atelier, les associations de production et la Garde nationale qui pour de nombreux ouvriers, supplante I’atelier. Cet espace du travail fait l’objet de nombreuses réformes de la part du gouvernement communard.

En son sein, les ouvriers développent des pratiques très proches, distinctes de celles des autres groupes sociaux. Le second espace, celui de la sphère privée, connait également de profondes mutations : les rapports des ouvriers à l’Église, à la famille et à l’école changent radicalement. Là encore, ils se démarquent très nettement, par leurs attitudes et leurs habitudes, des autres groupes, notamment de la bourgeoisie. Enfin, l’étude de l’espace consacre aux loisirs illustres l’existence de pratiques communément partagées par les ouvriers, dans la rue, au café, comme au théâtre.

Il est certain que, sous la Commune de Paris, on peut observer, chez les ouvriers, une diversité de tempéraments et de situations. Cela ne doit pas occulter les nombreux éléments qui confortent l’existence de pratiques socioculturelles communes aux ouvriers.

Pendant l’insurrection, les travailleurs développent des comportements et des habitudes semblables. Sous l’influence de la propagande socialisante du gouvernement, ils commencent à prendre conscience qu’ils forment un groupe spécifique, uni par des intérêts, des revendications et des aspirations collectifs. Cette conscience d’appartenance se répand avec la Commune. Elle se développera par la suite, notamment avec l’émergence d’un syndicalisme ouvert puissant.

WALDMAN David, Le Marais pendant l’Occupation. Le quartier Saint-Gervais à travers les répertoires analytiques, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Denis Peschanski, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 167 p.

Les répertoires analytiques, désignés couramment comme « mains courantes », sont des instruments de travail essentiels pour la police. Dans ces registres, les policiers consignent scrupuleusement chaque fait survenu dans le quartier et les plaintes et les dépositions de ses habitants. Cet outil est par conséquent devenu essentiel à l’historien dans la mesure où, utilisé en tant que source, il permet d’aborder l’étude d’un quartier en faisant ressortir des acteurs souvent sous-représentés dans les sources habituelles. Ici, en effet, point d’hommes politiques ni d’intellectuels, mais plutôt des commerçants, des travailleurs, des vagabonds, des concierges… en somme les individus qui vivent dans le quartier ; et comme cadre, le bistrot, la cage d’escalier et le trottoir.

C’est donc sous l’angle d’une micro-histoire, et nécessairement à travers le prisme des répertoires policiers, que nous avons consacré un travail au quartier Saint-Gervais pendant l’Occupation. Situé au cœur du Marais, c’est-à-dire au centre-est de Paris, côté rive droite, ce quartier est depuis la fin du XIXe siècle l’un des regroupements privilégiés de la population juive immigrée d’Europe de l’Est, et dans une moindre mesure, d’Afrique du Nord. Les débuts de la Seconde Guerre mondiale vont troubler la population du quartier, d’autant que les premières mesures consécutives à la défaite française vont concerner prioritairement le sort des Juifs. Les propos défaitistes, la hausse des condamnations pour état d’ivresse, les enquêtes d’aliénés sont autant de signes témoignant d’une dégradation de l’état moral des habitants du Marais. L’arrivée des Allemands signifie, dans le quotidien, une coexistence forcée et, de temps à autre, des dérapages incontrôlés et des abus de la part des occupants.

Les conditions d’armistice et la situation de guerre conduisent inexorablement à la pénurie alimentaire et énergétique. Les innombrables fraudes et délits liés au rationnement placent au premier plan des préoccupations les Parisiens la question des restrictions : se nourrir, se vêtir et se chauffer.

À la Libération, les soldats américains seront les nouveaux acteurs du marché noir parisien.

Le Pletzl, le quartier juif, va quant à lui subir les mesures édictées par l’État français et l’occupant : les consignes de recensement, les mesures contre les commerces juifs et les diverses discriminations, avant d’être victime des grandes rafles et des déportations. Depuis septembre 1940, jusqu’à la fin de l’Occupation, les Juifs iront pourtant se déclare comme tels ou solliciteront la police pour les affaires les plus urgentes : déclarer une perte de papiers d’identité pour ne pas vivre dans la clandestinité, un vol de carte d’alimentation pour pouvoir subsister… Les rares incidents recensés indiquent néanmoins que, jusqu’en mai 1941, c’est-a-dire avant les premières grandes rafles, les Juifs du quartier supportent relativement les décrets anti­sémites et discriminatoires. Il découle forcément de ces mesures une paupérisation inéluctable.

À partir de mai 1941, la population juive du quartier va être l’une des cibles parisiennes privilégiées des arrestations et des rafles. À la fin de la guerre, le Pletzl sera littéralement décimé et devra difficilement affronter les retours des Juif libérés. Les questions de trafics de biens Juifs, de relogement, de pillages, sont autant de préoccupations pour lesquelles la police sera sollicitée.

Les répertoires de la Libération témoignent de l’épuration spontanée engagée par les habitants du quartier et épaulés par les policiers qui, quelques semaines auparavant, participaient encore activement à la politique de collaboration.

La Libération permet également de revenir sur nombre d’affaires survenues durant ces quatre années noires. Cette source consacrée au délit et à la plainte apporte enfin une vision contrastée des « héros » de la Liberation. Les nombreux dérapages commis par des soldats américains et par des FFI envers la population du quartier, donnent un regard nuancé sur les « beaux jours mythiques » de la Libération.

2001

ABSALON Nora, Le personnel hospitalier originaire des DOM à l’Assistance publique de Paris, 1961-1987, Maîtrise [Christian Chevandier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 180 p.

Au début des années soixante, la France doit faire face à une pénurie de main-d’œuvre. Afin de pallier ce problème qui touche de nombreux secteurs et résoudre la crise économique et sociale qui sévit dans les départements d’outre-mer, l’État crée en 1963 le Bureau pour le développement des Migrations Intéressant les Départements & Outre-mer (BUMIDOM), qui est chargé de faciliter l’immigration des Français d’outre-mer, de les former et de les orienter vers les secteurs déficitaires en main-d’œuvre. Cette société d’État établit des partenariats avec des Administrations Générales dont celle de la Santé. C’est ainsi que débute le partenariat entre le BUMI­DOM et l’Assistance publique (AP). Cette dernière bénéficie pendant près d’une vingtaine d’années de l’action du BUMIDOM qui y place jusqu’à 200 Domiennes par an. En effet, les placements effectués par la société d’État concernent presque exclusivement des femmes. Le faible niveau de qualification de la majeure partie des immigrants, allié à l’action du BUMIDOM, contribue au recrutement des originaires des DOM à l’AP. Ils sont surtout représentés au sein du personnel hospitalier et plus précisément en tant qu’agents des services hospitaliers et aides-soignants(es), catégories les plus basses de la hiérarchie hospitalière.

C’est au cours des années soixante-dix que cette présence devient remarquable et que se façonne une certaine image de la femme domienne au sein de l’AP, proche des malades, plus relationnelle que technicienne. C’est également durant cette décennie que les syndicats commencent à jouer un rôle important auprès du personnel hospitalier en demandant l’amélioration du système de congés de ces agents. En effet, à partir de 1975, l’AP finance partiellement les frais de voyage de ces agents vers leur DOM d’origine. Mais le système est contraignant et durant près de quinze ans les syndicats œuvrent pour son amélioration. Le conflit qui les oppose à l’administration hospitalière touche momentanément à sa fin lorsque l’État légifère et réforme les statuts du personnel hospitalier.

BAILY Henri, Du Mouvement de Libération nationale (MLN) à l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR) : janvier 1944-juin 1946, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Gilles Morin], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 159 p.

Le MLN peut être considéré comme le plus grand mouvement de Résistance. Il est issu de la fusion des MUR et de mouvements de la Zone Nord comme Défense de la France et Résistance. La volonté de la plupart des dirigeants du MLN est d’intégrer l’ensemble des mouvements de résistance, y compris le FN d’obédience communiste, afin d’empêcher le retour des anciens partis de la IIIe République sur la scène politique. Le FN refuse la fusion au sein d’une UNR proposée par le MLN.

Le FN a également comme perspective d’intégrer dans sa mouvance les mouvements de résistance. Le MLN est divisé sur ce problème de l’unité de la résistance. L’aile gauche du mouvement est favorable à une fusion avec le FN, l’aile droite, majoritaire, récuse cette fusion. En janvier 1945 le congrès du MLN repousse la fusion. Majoritaires et minoritaires vont se combattre à l’intérieur du mouvement jusqu’à la scission du MLN.

Les résultats des élections municipales du printemps 1945 placent les mouvements très loin derrière les partis politiques. Désormais les mouvements doivent s’allier aux partis s’ils veulent continuer d’exister politiquement.

L’UDSR — Fédération de mouvements créée à l’instigation du MLN, de l’OCM, de Libération Nord — s’allie au PS puis, après la rupture du pacte d’unité d’action par la SFIO, avec le parti radical. Dans les deux cas, l’UDSR enregistre un échec électoral. Finalement, l’UDSR abandonne sa forme fédérative de mouvements pour se transformer en parti politique. La création de l’UDSR et du MURF consacre la division de la Résistance intérieure. Celle-ci est victime des divisions politiques qu’elle reproduit dans ses rangs, mais également de la stratégie poursuivie par le PC, le PS et le général de Gaulle.

BILLING François-Xavier, La représentation de la figure policière dans ie cinéma français de 1958 à 1975, Maîtrise [Myriam Tsikounas, Pascal Ory], Univ. Paris, 1, 2001, 181 p.

Gabin, Ventura, De Funès, Delon, Belmondo, mais aussi Montand, Bourvil, Perrier, Meurisse, et Bouquet telle est la galerie sélectionnée pour représenter l’essence du policier français au cinéma. Héros ou anti-héros, intègre ou crapuleux, violent ou psychologue, conformiste ou contestataire, le personnage policier occupe une place prépondérante au sein de la production cinématographique et donc de l’imaginaire collectif des Français. Il cristallise les haines, mais suscite aussi l’intérêt, la curiosité. Exerçant un travail pénible et harassant qui le force à côtoyer la lie de la société, le policier n’évolue qu’en marge de celle-ci, à croire kil s’y complait. Gouailleur, buveur, parfois joli-cœur, le policier — durant cette période — est aussi solitaire, zélé, procédurier et violent. Deux faces d’une même médaille qui résume le personnage en une équation simple où l’inconnu, que constitue la tentation, persiste. Partageant étrangement la même conception que son éternel négatif, le truand, le policier méprise et parfois exècre la société kil protège. Ainsi, il fait don de son corps à cette ingrate, mais conserve l’indépendance de son âme qu’il aiguise avec maîtrise au fusil du cynisme anarchiste. Protagoniste politique et politisé, le policier filmique est avant tout le personnage le plus récurrent et donc le plus à même à dévoiler d’étranges vérités. Il est ce témoin idéal si convoité pour ces surprenantes révélations. Son être recèle et retranscrit parfaitement les évolutions sociales et politiques de la France contemporaine.

BLANCO Delphine, Analyse de la publicité télévisée Peugeot de 1986 à 2000, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 2 vol., 139 p. et 46 p.

Le travail rapporté dans ce mémoire a pour but de déceler quels sont les représentations, les clichés et les stéréotypes présents dans la publicité des automobiles Peugeot, et d’apprécier leurs évolutions entre 1986 et 2000. 

Dans un premier chapitre, après avoir proposé une définition de la publicité conforme au sujet étudié, on a cherché à définir en quoi cette publicité pouvait être un objet d’étude historique, ainsi que ses caractéristiques et ses évolutions.

Dans la première partie du deuxième chapitre, on s’est intéressé aux relations entretenues avec l’automobile – moyen de transport, extension de notre maison et de nous-mêmes et marqueur social. La deuxième partie de ce chapitre présente la composition, les utilisations et les évolutions du parc automobile. Pour finir, la relation automobile-vitesse a été abordée.

Le sujet portant sur l’entreprise Peugeot, il semblait nécessaire de replacer son activité dans le marché automobile français et de présenter quelques données concer­nant ses investissements publicitaires. La fin de ce troisième chapitre est consacrée à la règlementation de la publicité automobile et de son évolution en particulier vis-à-­vis de l’utilisation de la vitesse comme argument de vente.

La présentation de la forme des cent-six spots constituant le corpus retenu fait l’objet du quatrième chapitre, qui s’attarde notamment sur l’augmentation du nombre de plans, du nombre de mots dans les slogans, et sur les changements survenus au niveau de la bande-son.

Dans le cinquième chapitre, l’identification des lieux et des personnages mis en scène dans ces spots fait apparaître des évolutions sur la période étudiée. Par exemple, le développement de l’usage de la ville et de l’image féminine a été mis en évidence.

Le dernier chapitre s’attarde sur le spectacle de la voiture dans les films du corpus. La dramaturgie est visible à travers l’arrivée du véhicule, son mouvement et la couleur de sa carrosserie. Deux aspects de la mise en scène sont présentés : l’anthropomorphisation du véhicule et la dualité voiture routière-voiture urbaine.

BOUGET Vincent, La grève des PTT de l’automne 1974 et les médias, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 178 p.

De par la durée et l’âpreté du conflit, la grève des PTT de l’automne 1974, qui débute le 17 novembre pour s’achever le 2 décembre, est certainement l’une des grèves les plus marquantes de l’histoire de l’administration. S’inscrivant dans la continuité des travaux sur la place des médias dans les mouvements sociaux, ce mémoire se propose non pas de retracer l’histoire de la grève, mais d’analyser sa représentation médiatique et l’enjeu qu’elle constitue dans le conflit. Cette étude s’appuie à la fois sur une partie de la presse écrite (notamment les quotidiens à diffusion nationale comme Le Monde, Le Figaro, l’Humanité et France Soir) et sur la télévision, à travers l’étude des notices descriptives des journaux télévisés des deux premières chaînes de l’ORTF.

La grève des PTT, rejointe au mois de novembre par d’autres mouvements dans la fonction publique, occupe une large place dans l’espace médiatique. Presse écrite et presse audiovisuelle multiplient les articles, les reportages, les interviews pour don­ner à leur public, usagers des Postes et Télécommunications, les dernières nouvelles, les dernières analyses d’un conflit qui ne peut laisser indifférent. Les médias procèdent alors à une reconstruction du conflit, obéissant aux contraintes du traitement journalistique, mais aussi aux choix des équipes rédactionnelles. Si les mots permettent de donner un sens à l’événement, les images fixes ou animées participent également de la représentation de la grève. L’une d’entre elles notamment en constitue un véritable symbole : celle des sacs postaux entassés. Alors que le nouveau Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing et son gouvernement, emmené par Jacques Chirac, sont jugés sur leur capacité de gestion des conflits sociaux et plus largement de leur aptitude à diriger le pays, les syndicats, CGT et CFDT en tête — apparaissant comme les leaders du mouvement — voient leurs légitimités de représentation et d’action faire l’objet d’un débat dans l’espace médiatique.

Miroirs déformants de la réalité, les médias ne laissent indifférents ni les organisations syndicales ni le gouvernement. La représentation médiatique est, en effet, pendant la grève, un terrain de lutte. Il s’agit pour chacune des parties d’attirer la bienveillance des usagers, et donc de l’ensemble de la population, pour faire infléchir le rapport de force. Alors que le gouvernement semble privilégier la tribune télévisuelle qu’elle contrôle, les syndicats, s’ils tentent de l’investir, ne se contentent pas de l’information médiatique pour expliquer aux usagers les raisons de la grève. Ils s’appuient sur une forte présence sur le terrain pour fournir à la population une information directe court-circuitant la presse. Au cœur du conflit, les médias le sont aussi directement soit en étant placés, dans le cadre de la presse audiovisuelle, sous l’autorité du gouvernement, soit en étant eux-mêmes des usagers des PTT. Organisateurs collectifs de la vie pendant la grève, ils sont considérés par les acteurs, comme des instances privilégiées pour toucher la population non seulement en tant qu’usager, mais aussi en tant qu’opinion publique, arbitre de la légitimité de leur action.

BOURDONCLE Laure, Les critiques de la politique culturelle de Jack Lang dans la presse de droite de 1981 à 1993 : l’exemple du Figaro Magazine, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 178 p.

Ce mémoire dégage les critiques du Figaro Magazine – hebdomadaire marqué à droite à l’encontre de la politique culturelle du ministre Jack Lang de 1981 à 1993. D’abord, il s’agit de dresser un tableau du contexte politique de l’époque et d’évo­quer un antagonisme profond entre la droite et la gauche et d’en expliquer les raisons. Cette étude précise dans un deuxième temps les fondements de la critique du Figaro Magazine en présentant les acteurs de cette critique — tels Pauwels et P. Plunkett —, en énonçant quelques pistes, notamment celle de l’anti-intellectualisme d’une partie de la droite. Ce travail suggère la suspicion de la droite sur une politique culturelle qu’elle soupçonne d’étatisme et d’entraves aux libertés. Ensuite, cette maîtrise précise la mise en œuvre de la critique en étudiant le vocabulaire ainsi que les images et les caricatures utilisées par le Figaro Magazine. Enfin, le mémoire s’interroge sur la vision de la culture à droite, en insistant sur les enjeux politiques. L’étude montre que dès le second septennat de François Mitterrand et lors du deuxième ministère Jack Lang, la critique s’amoindrit et devient moins virulente. Plusieurs hypothèses sont avancées dans le mémoire pour comprendre cette évolu­tion et notamment le consensus droite-gauche, le changement de la ligne éditoriale du Figaro Magazine et les problèmes financiers que rencontre l’hebdomadaire.

CAMINADE Émilie, Les écoles d’infirmières de l’Assistance publique de Paris dans l’après mai 1968, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 224 p.

À la fin des années 1960, dans un contexte de revendication au « mieux-être », de montée des aspirations individuelles ainsi que d’évolution rapide de la science et des techniques médicales, le rôle de l’infirmière que ce soit au sein du service, auprès des malades hospitalisés, ou plus généralement, au sein de la société, est alors en pleine mutation. Le corps est de plus en plus appréhendé en termes de « bien-être ». On s’attend désormais non seulement à être soigné et bien soigné lorsque l’on est malade, mais également à être aidé à promouvoir sa santé lorsque celle-ci est bonne.

Aussi les professionnels de santé dans leur ensemble doivent-ils faire face à ces nouvelles attentes sans pour autant toujours avoir les moyens d’y répondre. À l’hôpital, dans la mesure du temps passé auprès des malades, les infirmières sont en première ligne. Leur est-il possible, à partir de la formation reçue à l’école d’infirmière, de répondre effectivement aux nouvelles attentes des patients qui émergent alors ? Au moment où nous commençons notre étude, l’infirmière, formée à penser maladie et non santé, demeure enfermée dans le rôle de l’exécutante docile des soins prescrits par le médecin.

Partant de ce constat, nous nous sommes tout d’abord demandé pourquoi, après 1968, la formation des infirmières avait dû subir des transformations, avant d’essayer de définir de quelle manière et selon quelles modalités ces changements s’étaient effectués. Après une étude de la question de la genèse de la réforme des études d’infirmières, nous examinons comment celle-ci est repensée en fonction de la nouvelle conception du rôle de l’infirmière, avant de faire l’analyse, au travers de la presse syndicale, du mouvement revendicatif des élèves infirmières dans l’après-mai 1968.

CHARBIT Elsa, L’Écho de Paris et la mémoire du 6 février 1934 (1934-1938), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 117 p.

Ce mémoire de maîtrise se propose d’étudier la façon dont le journal L’Écho de Paris a véhiculé la mémoire du 6 février 1934 jusqu’à la fin de sa parution en 1938.

Il s’agit donc d’une mémoire en construction, encore fortement conditionnée par les enjeux politiques liés directement à l’événement qui la fonde. L’hypothèse d’un complot soulevée au lendemain de l’événement représente un enjeu politique fort pour les ligues ayant participé à la manifestation et pour ceux qui soutiennent plus généralement leur action, et devient immédiatement l’objet d’une violente polémique. Élément fondamental de la construction de cette mémoire, la légitimité politique de cette frange de la droite dépend effectivement de la reconnaissance positive du 6 février 1934 au sein de la société française.

Organe par excellence de la droite conservatrice patriote et catholique, ardent partisan du 6 février 1934 et démocrate convaincu, ce journal, plus que tout autre, révèle les paradoxes de la droite légaliste de 1934.

Le plan de ce mémoire s’articule autour des deux axes majeurs qui caractérisent la construction de la mémoire du 6 février 1934 dans L’Écho de Paris : la tentative d’intégration de cet événement à la mémoire collective et la réfutation de la thèse du complot. Ces deux thématiques se construisent en parallèle et sont interdépendantes. L’accusation de complot rend, en effet, d’autant plus nécessaire l’intégration positive de l’événement à la mémoire collective. Complot rime avec minorité, illégalité et désordre ; L’Écho de Paris revendique, pour cet événement, le collectif, la légitimité et l’affiliation aux épisodes les plus prestigieux de l’histoire nationale.

Mais avec l’avènement du Front populaire en 1936, qui scelle la victoire des « antifascistes » du 9 et du 12 février 1934, cette mémoire bascule dans l’illégitimité. L’histoire de la tentative de légitimation du 6 février 1934 et de sa mémoire est avant tout l’histoire d’un échec.

CHIRIO Maud, Une nouvelle écriture du destin national : la commémoration de l’Indépendance du Brésil sous la dictature militaire (1964-1985), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001

CHODORGE Julie, Les vacances dans le cinéma français de 1936 à 1969 : un aspect du processus historique d’individualisation, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 147 p.

Le phénomène des vacances est, ici, étudié à travers les représentations données par le cinéma français de fiction de 1936 à 1969. Durant cette période, le nombre de vacanciers a beaucoup augmenté et la société française a connu d’importants bouleversements, comme la mise en place d’un système de production basé sur la consommation de masse, l’augmentation de la population estudiantine, ou encore la diminution relative de la population rurale par rapport aux citadins.

L’étude des films abordant le thème des vacances durant cette période a donné deux types de renseignements : l’empreinte d’un système de valeurs plaçant l’individu et son épanouissement au centre des vacances, et le processus de familiarisation avec cette pratique. La familiarisation qui, dans les films, s’opère entre la majorité de la population et les vacances, montrerait l’intégration des valeurs véhiculées par ce type de vacances. On verra les formes données par l’importance accrue du dévelop­pement de l’individu, telle que l’attention donnée au corps, qui est perçue comme une fin en soi, ou bien l’émergence de la jeunesse. Celle-ci va chercher à définir sa vie privée individuelle qui passe par un conflit avec la famille, ou à prendre ses dis­tances par rapport à elle. Il peut aussi être fait mention de la distance prise par cer­taines femmes vis-à-vis de lem rôle social traditionnel d’épouses et de mères. Enfin, on a remarqué une recherche d’indépendance du vacancier qui se veut coupé du reste du monde et autosuffisant.

Cependant, les problèmes dans la diffusion de ce modèle témoignent de l’ampleur du changement. Le cinéma, qui véhicule des images avec leur propre force d’inertie, témoigne aussi de la difficulté à s’adapter aux changements. Ainsi, les films négligent la population vacancière la plus âgée dans certaines pratiques des vacances. De même, la représentation des femmes qui cherchent à redéfinir leur place au sein du couple est limitée à celles qui n’ont pas encore d’enfant. Par contre, l’émancipa­tion des femmes célibataires ou jeunes mariées se manifeste. On remarquera le contact difficile entre les communautés traditionnelles et les vacanciers qui s’établissent à proximité pour le temps des vacances.

Les représentations des vacances par les films français de 1936 à 1969 reflètent une même mentalité, qui est axée sur le développement personnel : le discours est unanime, il n’y a que les façons d’y parvenir qui diffèrent.

COULON Fanny, Une tentative de réforme des relations industrielles en Grande-Bretagne : le rapport Donovan, 1964-196B, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 163 p.

Ce mémoire de maîtrise étudie le rapport de la Commission royale présidée par Lord Donovan et instituée par le gouvernement Wilson dans le but d’examiner la situation des relations industrielles en Grande-Bretagne et de formuler des propositions de réformes.

Dans un premier temps le mémoire aborde les différents constituants du rapport, les transcriptions de la commission, les témoignages recueillis, les documents de recherche et la structure du rapport en les relativisant à l’abondante production sur la question des relations industrielles parue en Grande-Bretagne dans les années 1960-1970.

Le mémoire aborde ensuite ce que le rapport Donovan dit du système des relations industrielles britanniques, au niveau des organisations syndicales nationales, au niveau des rapports de force à la base en insistant sur le poids considérable des délégués d’atelier. L’analyse de ces situations renvoie à la théorie des deux systèmes (formels et informels) dite théorie d’Oxford.

Dans une troisième partie, le mémoire étudie les propositions ou recommanda­tions du rapport. Conclnant que le système des relations industrielles est un obstacle à l’avancée économique et sociale de la nation, le rapport recommande d’étendre la négociation collective, de créer des institutions de régulations sociales et que l’État intervienne davantage dans les politiques des prix et salaires.

Dans sa dernière partie le mémoire étudie les polémiques soulevées par le rap­ port et les désaccords au sein de la commission. Le rapport fut pris sous les feux croisés des Conservateurs et des syndicats. Finalement le projet de loi de Barbara Castle In place of strike, issu en partie du rapport, dut être abandonné.

Des annexes importantes présentent une riche documentation peu accessible en France.

CUKIER Déborah, La perception du recensement de la population française : reflet d’une société de 1968 à 2001, Maîtrise [Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 250 p.

L’idée générale de notre recherche est d’aborder le recensement de la population française d’une manière nouvelle, sous l’angle de la perception. Le principal objet de ce mémoire consiste à analyser la perception du recensement et son évolution pour toute une société de 1968 à 2001,

La perception du recensement est fort importante, car elle conditionne dans une large mesure l’adhésion ou non à l’opération. La participation de la population quant à elle est obligatoire, car sans elle, point de recensement. Il semble que le recensement ne soit pas bien perçu. Son image peut être définie comme empreinte de peurs multiples. Ces peurs se font surtout sur la finalité du recensement et sur la confidentialité que l’INSEE garantit en contrepartie de l’obligation de réponse. Cette vision de l’opération peut influencer négativement l’attitude de la population. Ce comportement, il est vrai, balance entre la méfiance et l’adhésion. Comme la perception, il n’est pas défini clairement, il est changeant. Il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas toujours allé de soi de dénombrer la population et de tenter de la cerner, du moins dans ses caractéristiques principales. Longtemps d’ailleurs, cette pratique n’a pas su profiter d’un accueil chaleureux de la part de la population. Pourquoi ? Ce sont, sans doute, les visées de ces dénombrements — à savoir la levée des troupes ou des impôts — qui expliquent en partie pourquoi les dénombrements et, à leur suite, les recensements se sont heurtés à tant de résistances au cours de leur histoire.

Ainsi, en ce qui concerne la période étudiée, des oppositions ponctuent souvent le recensement de façon sporadique. Ces résistances ne sont cependant pas la preu­ve que la population n’adhère plus à l’opération. L’adhésion de la population est l’œuvre de la majorité de la population alors que les oppositions sont minoritaires. Néanmoins, si elles sont trop nombreuses, ces oppositions peuvent être un obstacle au recensement et en particulier à l’encontre de la collecte. Elles sont également une entrave, avec d’autres facteurs, à l’exhaustivité de l’opération. Dans cette mesure, l’INSEE met en place des moyens afin de les éviter ou de les faire disparaître. Ces procédés sont multiples. Ils prouvent que l’adhésion de la population ne se fait pas à priori puisqu’elle a besoin d’être encouragée. Cette situation n’est pas le seul cas de la France. En effet, d’autres pays connaissent des oppositions beaucoup plus vio­lentes. En Allemagne ou aux Pays-Bas, elles ont mené à la suppression du recense­ ment et à son remplacement par des fichiers. En France, les oppositions n’ont ni la même ampleur ni la volonté de le supprimer.

DAGRY Raphaël, La Fédération socialiste de Seine-et-Marne : 1945-1975, Maîtrise [Gilles Morin], Univ. Paris 1 CHS, 2001

DAVID Aurélia, Le monde populaire de Marseille dans l’œuvre de Robert Guédiguian, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 157 p.

Robert Guédiguian est un cinéaste natif de Marseille, qui depuis 1980, a réalisé dix longs-métrages. L’intérêt historique d’étudier l’œuvre de Robert Guédiguian est qu’il a produit un témoignage du vécu des couches populaires de Marseille, et plus particulièrement du quartier de l’Estaque, de la fin du XXe siècle, alors que celles-ci sont — surtout depuis les mutations industrielles et la chute du communisme — oubliées des médias. Sa filmographie s’inscrit dans le courant du cinéma social : elle s’appuie sur un socle réaliste, auquel s’ajoute l’imaginaire de l’auteur. Il décrit le quotidien populaire local de Marseille, mais son discours a une teneur universelle : il parle de la condition du petit peuple en général, en en montrant les aspects professionnels, et les aspects sociaux.

La condition populaire est fatalement et étroitement liée au travail, tant financièrement que physiquement. Robert Guédiguian donne à voir le travail manuel, brièvement, mais efficacement, ce qui ajoute une dimension documentaire à son œuvre, et souligne particulièrement les aspects difficiles. Il insiste beaucoup sur la notion de précarité, sur le spectre du chômage.

Robert Guédiguian montre aussi la vie en dehors du travail. Sa vision est teintée du parti pris de lutter contre l’oubli et la dévalorisation. Il propose comme contre­poids à cette situation professionnelle pénible, la solidarité de la communauté intergénérationnelle. Si son propos se place principalement dans le présent, il fait néanmoins revivre le passé et la culture de la classe ouvrière. Robert Guédiguian tient également un discours actif sur l’avenir, dans lequel il voit une fuite de la condition ouvrière.

Tantôt optimiste, tantôt pessimiste, la filmographie de Robert Guédiguian contribue à la construction de la mémoire ouvrière.     .

DEBATTY Orianne, Les préfets en Seine-et-Marne pendant l’Occupation, Maîtrise [Claire Andrieu, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 158 p.

Les préfets ont été l’objet durant l’Occupation de la plus grande attention de la part du Gouvernement, pour qui ils étaient des relais précieux, mais aussi des Allemands, qui les utilisaient pour faire appliquer leurs ordonnances.

En Seine-et-Marne, trois hommes se sont succédé à la préfecture de Melun : Pierre Voizard, Jean Chaigneau et Paul Demange. Ils ont été confrontés à d’impor­tantes difficultés au niveau des services administratifs français, les plus traditionnels manquant de personnel, tandis que ceux créés par Vichy se montraient dans l’ensemble insoumis à son autorité et incompétents. L’administration allemande, qui quadrillait le département, a présenté des exigences correspondant généralement à ses droits, même si les préfets ont signalé quelques problèmes.

Chargés principalement de l’action en matière de politique et d’économie, les trois préfets ont eu dans les deux domaines la responsabilité de la surveillance et de la répression. Ils sont restés en relation avec les élites locales traditionnelles à l’ex­ception des communistes qu’ils ont exclus. Ils ont visiblement eu avec les mouvements autorisés par le Gouvernement le minimum de contacts imposés par leur fonction. Du point de vue économique, soumis, comme partout, à la pression de la population trouvant le ravitaillement insuffisant, ils ont dû particulièrement s’impliquer au niveau de l’agriculture. Celle-ci n’avait plus son niveau d’avant-guerre à cause de l’accumulation des difficultés matérielles et humaines.

Pierre Voizard est l’objet d’un débat dans l’opinion concernant son action tandis que les deux autres ont été appréciés, même si Jean Chaigneau n’a pas laissé un souvenir durable. Le préfet Voizard n’a pas été jugé à la Libération, et Paul Demange a été relativement épargné par rapport à d’autres préfets, comme Jean Chaigneau. Les deux premiers ont d’ailleurs pu poursuivre leur carrière après guerre.

D’HOOP Guillaume, La représentation sociale des Algériens en France pendant la guerre d’Algérie à travers l’étude des faits divers, Maîtrise [Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 205 p.

De 1954 à 1962, les « événements d’Algérie » obligent les « Européens » à redéfinir leurs rapports avec les « Nord-Africains » dont près de 300 000 vivent alors sur le sol métropolitain. Le conflit, ses débats et surtout son prolongement en France même, provoquent une évolution de la perception de ces immigrés particuliers. Cette étude cherche à mettre en avant les permanences et les changements des thèmes de leur représentation. Les étapes de cette évolution sont ici analysées par l’observation des récits de faits divers de cinq grands journaux nationaux, France­ Soir, Le Parisien Libéré, L’Aurore, Le Figaro et l’Humanité. La nature de cette rubrique en fait un terrain d’étude privilégié pour l’histoire des représentations collectives, essentiellement par cet aspect « secondaire » par rapport à l’actualité. Entre la source d’informations et les aspirations de leurs lectorats, les journaux donnent une vision particulière de la vie quotidienne des Algériens en métropole et de la difficile question de leur adaptation sociale. Par ailleurs, le développement de la criminalité « terroriste » conduit la presse à réévaluer sa représentation de la délinquance algérienne largement imputable à la misère matérielle des immigrés. L’explosion de la criminalité nationaliste déchaîne les passions, et le travail de la police reçoit, en conséquence, une plus forte caution populaire. Malgré cela, tous les journaux ne sont pas prêts à tolérer les abus de cette répression ni les élans populaires des réflexes dits de « légitime défense ». Néanmoins, devenu un Algérien à part entière, le Nord­-Africain n’est plus invité à vivre sous l’aile protectrice de la République française. Le paternalisme laisse finalement place à une méfiance renforcée envers cette présence « étrangère » et toujours potentiellement dangereuse.

DUPONT Crysoline, Serge Nigg : itinéraire d’un compositeur de l’après-guerre, Maitrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ, Paris 1, 2001, 161 p.

Le propos de ce mémoire est de retracer l’itinéraire tant musical que politique d’un compositeur de l’après Seconde Guerre mondiale, Serge Nigg. Compositeur français né en 1924, Serge Nigg est, au côté de Pierre Boulez, l’un des créateurs les plus emblématiques de sa génération. Son parcours qui le conduit à cheminer entre différentes esthétiques et différents idéaux politiques en fait un objet d’étude passionnant. Étudiant au Conservatoire de Paris pendant l’Occupation puis adepte parmi les tout premiers compositeurs français de sa génération du sérialisme, défendant ensuite les principes jdanoviens du « réalisme socialiste », pour enfin rompre avec tout dogmatisme esthétique et politique, Serge Nigg mena pendant un demi-siècle la quête passionnée de son propre langage. Retracer l’histoire de cet individu ne consiste pas uniquement à raconter l’histoire de sa vie et a faire de ce mémoire la simple monographie d’un artiste. À travers les tribulations politiques et esthétiques de Serge Nigg, parcours teinté à ses débuts de marxisme passionnel, puis de dégout politique et de repli total sur soi, transparait en effet une certaine image du second vingtième siècle. Le cadre historique dans lequel s’inscrit cette évolution est riche en événements marquants comme la Seconde Guerre mondiale, l’Occupation et la guerre froide qui ont influencé l’itinéraire et les choix du compositeur. La musique qu’il a composée pendant ce demi-siècle (de 1941 à nos jours) est, elle aussi, tributaire des principaux événements historiques. Ce mémoire se situe donc entre histoire individuelle et histoire collective entre politique et esthétique.

Dans le cadre d’un mémoire d’histoire culturelle, les compositions de Serge Nigg et plus précisément ses partis pris esthétiques font l’objet d’une étude sur les rapports entre musique et événements historiques. Au même titre que l’homme est marqué par les faits de l’histoire, les œuvres composées en portent le sceau. Aussi la musique de Serge Nigg est-elle étudiée à l’instar de n’importe quelle autre source et considérée comme le témoin de son époque, le reflet d’un imaginaire collectif.

Ce mémoire analyse chronologiquement les choix esthétiques et politiques de Serge Nigg sous l’éclairage des faits marquants du second XXe siècle. Dans un premier temps, c’est sa jeunesse et ses premières réalisations esthétiques dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale et de ses lendemains qui sont retracés. Sont ici analysées les perspectives de créations musicales propres non seulement à Serge Nigg, mais également à un ensemble des compositeurs français et européens nés dans les années vingt. Le choix du sérialisme que fit Nigg dès 1945 incarne le désir commun à toute une génération de compositeurs de renouveler un langage musical européen perdu dans les cercles du néo-classicisme d’un Stravinski ou d’un Poulenc. Aussi cette adhésion au système sériel se situe-t-elle dans l’aventure musicale d’une génération n’ayant que vingt ans en 1945. Le deuxième moment du mémoire retrace l’évolution historique et esthétique de Serge Nigg au temps de la guerre froide. Durant cette période, le compositeur se laisse entraîner dans les cercles du marxisme et du progressisme, là encore, à l’instar de nombreux intellectuels compagnons de route du Parti communiste, ses créations artistiques deviennent le reflet de ses engagements et sont de formidables témoins de cette époque. Enfin, la dernière partie du mémoire décrit le parcours du compositeur depuis les années soixante et montre comment celui-ci s’est peu à peu détaché des influences historiques pour trouver une voie qui lui soit propre. La révélation des crimes de Staline et la lente dislocation du communisme et de son idéal entraînèrent Nigg vers une évolution nettement plus singulière.

FOURNIER Yann, Dix ans au Front. Les défilés du Premier Mai et les fêtes Bleu Blanc Rouge à travers les sujets des journaux de TF1, France 2, France 3, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 154 p.

L’étude porte sur le travail effectué par les journalistes des chaînes de télévision de TF1, France 2 et France 3, de 1990 à 2000 sur le défilé en l’honneur de Jearme d’Arc, le 1er Mai et les Fêtes Bleu Blanc Rouge du Front National.

Une première partie de l’analyse s’arrête sur les sujets diffusés à l’antenne : la durée, l’heure de diffusion, le montage et le commentaire du journaliste. Le mémoire dans un second temps s’intéresse plus particulièrement aux journalistes, en étudiant leur motivation pour suivre le FN, leur parcours au sein du monde de la télévision française.

Il s’agit aussi de leur relation, tendue, avec le Front National. Cela permet de mettre en avant les pressions physiques et morales dont sont victimes parfois les journalistes. Il est aussi question de la présence à l’écran des militants, la manière dont ils apparaissent à l’écran, leur attitude vis-à-vis des journalistes.

Enfin une dernière partie examine les différents traitements des chaînes de télé­ vision pour évoquer des événements précis liés au Front national, comme la journée du Premier Mai 1995, le meurtre de Brahim Bouarram, le défilé du Premier Mai 1999, et la présence des skinheads à l’écran. Le travail des journalistes qui suivaient le Front National pendant ces années n’était pas simple. Ils se sont interrogés sur la manière de traiter le FN, et ses éventuelles conséquences, comme celles d’assurer la promotion du parti de Jean-Marie Le Pen. Dans le même temps, sur le terrain, ils devaient faire face à l’hostilité des militants et du DPS. Aujourd’hui le Front national n’est plus au cœur des débats comme il a pu l’être durant la période des années quatre-vingt-dix. La couverture du parti de Jean-Marie Le Pen est réduite au minimum, en conformité avec les règles du CSA.

FOURREY Cécile, La représentation du criminel et de ses crimes dans Détective de 1967 à 1978, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 229 p.

Entre 1967 et 1978, l’hebdomadaire Détective apparu en 1928 et spécialisé dans les faits divers criminels évolue rapidement dans un contexte particulier de liberté, de crise et de retour aux valeurs, celui de l’après Mai 68 en France. Le cadre de la représentation du crime et du criminel est toujours le même sur la période : une littérature faite d’images de convention marquantes et de références à une mémoire du crime, une écriture qui sélectionne certaines images de la criminalité, faisant que celle-ci n’est pas représentative de la réalité. Les agressions dont le journal rend compte ont un impact sur les consciences ; l’hebdomadaire verse dans le sensationnalisme et choisit l’enquête accompagnée de témoignages et illustrée de photographies pour raconter le crime. Il véhicule quelques stéréotypes qui sont ceux de l’imaginaire social dans ses récits d’homicides passionnels, et familiaux, crimes de sadiques et énigmes, ses thèmes de base, pour répondre aux attentes du public, mais choisit de plus en plus de surprendre avec des sujets qui mêlent la violence, le sang, le sexe et la famille.

En effet, le crime a toujours été utilisé pour vendre l’hebdomadaire et faire passer quelques idées. Dans notre période, le thème omniprésent apparaissant derrière le crime est le sexe et toutes les déviances dont la presse en général aime parler, qui répondent aux fantasmes du lecteur. Dans Détective, le sexe et le crime renvoient à l’homme et à ce qu’il est fondamentalement : un être soumis à des passions, un être qui peut se révéler dangereux ou cruel, et qui renferme des instincts pouvant faire de lui un monstre. Tout concourt en fait à susciter des peurs et en premier lieu la peur du crime. Celui-ci fascine et répugne, c’est cette ambivalence qui fait qu’il se vend si bien. Les peurs s’accompagnent d’un discours sécuritaire et alarmiste, l’ordre est jugé nécessaire pour protéger la société et les citoyens. Détective vend du crime, mais ce dernier est constamment sanctionné de façon à rester moral dans la conclusion des articles. L’objectif du journal est de satisfaire le lecteur, de répondre à ses attentes quelque peu ambigües, constituées d’un attrait pour la violence, le sexe et le sang, mais aussi d’un désir de justice et d’ordre. Détective est un phénomène exemplaire — il permet peut-être au lecteur de défouler ses instincts et ses passions — mais on ne peut s’empêcher de critiquer ses options sociales ou morales.

GAUTIER David, Jean Borotra (1898-1994) : au service de ses engagements, Maîtrise [Michel Dreyfus, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 227 p.

Jean Borotra présente un cas complexe de parcours dans le siècle, que ses engagements, ses prises de positions et son statut particulier rendent encore plus difficile à cerner.

Le nom de Jean Borotra évoque à beaucoup la figure d’une gloire sportive exceptionnelle. Il est en effet, avant toutes choses, un champion renommé, membre de la fameuse équipe des mousquetaires, qui dominèrent le tennis entre 1926 et 1933, et dont le palmarès, inégalé, a forgé une légende inaltérable.

Mais la vie du Basque bondissant ne s’arrête pas au simple aspect sportif. Issu de Polytechniques, il profite de ses voyages aux USA pour introduire les pompes à essence en France, et devient pour 50 ans un personnage de premier plan du monde de l’hydrocarbure français. Il mêle alors son activité professionnelle et sa passion sportive dans un rythme de vie effréné et étourdissant, qui ne l’empêche pas de s’inscrire dans d’autres domaines de la vie sociale.

Car Borotra s’engage politiquement dans son époque, fréquentant les grands de son monde grâce au tennis et profitant opportunément de sa renommée et de cette promiscuité pour s’affirmer dans l’action politique. Volontaire National et sympathisant Croix de feu, sa vie opère un brutal tournant en juillet 1940, lorsqu’il rejoint Vichy et devient selon le souhait de Pétain, Commissaire général à l’éducation générale et aux sports. Il adhère sans retenue à la philosophie de la Révolution Nationale à laquelle sa politique se réfère totalement. Toutefois, son farouche patriotisme lui commande d’observer la plus stricte orthodoxie vis-à-vis de la nation : il refuse obstinément toute idée de collaboration avec l’Allemagne nazie, et conçoit bientôt son rôle comme celui d’une préparation du pays à la revanche.

Cette position particulière lui vaut d’être évincé en avril 1942, puis rapidement arrêté et déporté en Allemagne en compagnie de Daladier, Reynaud, La Rocque, Jouhaux, après qu’une intervention personnelle du Roi de Suède auprès d’Hitler l’eut peut-être sauvé d’un sort tragique.

La République reconnaît les mérites de cet héroïque prisonnier et l’honore en conséquence, malgré les polémiques. Cela ne suffit pas à le distraire de ses idéaux originels. Fidèle à ses convictions, il rejoint l’Association pour défendre la mémoire du Maréchal Pétain. En outre, il parvient à consacrer sa politique sportive de 1940 au sein des comités de réflexions sur la question, en pleine France gaullienne. Refusant de comprendre que l’on puisse l’honorer tout en désapprouvant Vichy, Jean Borotra s’aveugle dans une conviction inaltérable, qui le mène à se maintenir au service de ses engagements, en dépit du bon sens.

GOUZON Clément, La représentation de la vieillesse dans le journal de l’Union des vieux de France (1946-1995), Maîtrise [Michel Pigenet, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 157 p.

À travers cette étude, nous avons tenté de mettre en valeur les caractères originaux du processus de formation d’une association de vieux militants communistes, l’Union des Vieux de France, au cours de la deuxième moitié du XXe siècle et souligné combien ce groupe, dont l’activité est centrée sur la défense d’intérêts communs et la revendication catégorielle, doit son existence collective à la législation sociale. Né après la deuxième guerre mondiale, au moment de la mise en place de la Sécurité sociale, le groupe se donne, dans l’espace publie, des représentations de lui-même qui sont intimement liées aux étapes de formation de la politique de la vieillesse en France.

L’aspiration à la retraite dans le mouvement associatif a représenté une demande sociale primordiale. Elle était perçue comme la revendication d’un droit à l’existence dans les vieux jours, fondée sur le droit à une créance sur la société qu’ouvre une vie de labeur. Cette demande sociale a été formulée dans le cadre de la création des institutions de retraite. Après la mise en place de la Sécurité sociale, l’association polarise sa lutte sur l’amélioration des critères sur lesquels repose le droit à la retraite. L’enjeu fondamental du débat sur la vieillesse, au cours des années 1946-1977, est celui du développement d’un droit social à la retraite. Les problèmes de la vieillesse ont tendance à être subsumés au débat sur le montant du revenu de substitution. De là découle la représentation militante et protestataire de la vieillesse donnée par les hommes de l’association.

Le rôle joué par la Commission d’Étude des problèmes de la vieillesse, instituée par les pouvoirs publics en février 1962, est déterminant. Cette vaste consultation, la première de ce genre, a donné aux différents agents agissant dans le champ de la vieillesse le moyen de s’unifier autour d’une problématique commune, l’insertion sociale de la vieillesse. En même temps qu’ils y puisent des langages et des concepts communs, ils y trouvent une légitimation publique de leurs interventions.

Pour l’association, le second enjeu du débat sur la vieillesse, au cours des années 1978-1995, devient celui de la définition d’un mode de vie spécifique de la vieillesse. Les mesures de participation sociale, de maintien à domicile, et plus largement de loisirs et de défense du pouvoir d’achat ont pour fondement les débats autour de cet enjeu. L’action sur le mode de vie devient, à partir du Congrès de Grenoble en octobre 1978, un véritable projet d’insertion sociale de la vieillesse. Il importe d’agir désormais sur le mode de vie, en vue d’aider celle-ci à prolonger le plus longtemps possible une vie normale, autonome et insérée.

Ce retournement de perspective va de pair avec l’élaboration d’une nouvelle définition de la vieillesse. Cette dernière n’est plus simplement perçue en tant que retraite comme droit à l’inactivité pensionnée, mais aussi en tant que position sur l’échelle des âges ouvrant de nouvelles possibilités d’insertion sociale. La vieillesse, faite d’images multiformes, revêt désormais deux significations : l’âge de la retraite (« le troisième âge ») et la grande vieillesse (l’âge de la dépendance). La formule habile du troisième âge doit être comprise comme l’introduction d’une seconde jeunesse, intercalée entre l’âge adulte, dans les limites de la vie active, et une authentique vieillesse. La première vieillesse est résolument active et autonome.

La dernière étape de la vie est désormais écartelée, non seulement par des réalités plus diversifiées que jamais, mais aussi par des images collectives de plus en plus fragmentées.

GRENIER Clément, Les rappelés de 1955, un contingent réfractaire : « La quille ! » et « le Maroc aux Marocains », Étude d’une révolte sous les drapeaux (24 août 1955-décembre 1955), Maîtrise [Michel Pigenet, Jean-Louis Robert], Univ, Paris 1, 2001, 213 p.

Le 24 août 1955, le gouvernement d’Edgar Faure décide, dans le cadre de l’augmentation des effectifs militaires destinés au « maintien de l’ordre » au Maroc et en Algérie, le rappel de 70 000 disponibles du contingent 1953/2. Le terme de disponible désigne les hommes qui, ayant déjà effectué leur service militaire, se trouvent placés dans la disponibilité, une période de trois ans durant laquelle ils peuvent être rappelés sous les drapeaux. Ces jeunes gens, revenus à la vie civile depuis quatre mois se voient ainsi arrachés à leur activité professionnelle et à leur environnement familial et affectif pour être envoyés en Afrique du Nord. Le gouvernement prend une série de mesures visant à atténuer le sacrifice demandé à ces hommes et l’armée met en œuvre dans la précipitation cette mobilisation soudaine et massive.

Ces rappelés vont alors manifester leur mécontentement : aux mois de septembre et octobre 1955, plusieurs milliers d’entre eux se livrent à des actes de protestation dans les casernes et les gares, notamment à l’occasion de leur départ pour l’Afrique du Nord. Cri de slogans, déclenchement du signal d’alarme des trains qu’ils empruntent, refus d’obéir aux ordres, affrontement avec les forces de l’ordre les encadrant : les rappelés s’expriment et agissent sous diverses formes. Notre travail a consisté à dater et analyser ces événements afin de comprendre le mécontentement et les oppositions qu’ils traduisent. Les rappelés se sont opposés à leur départ en Afrique du Nord sans que cette protestation n’exprime ouvertement un refus de la guerre coloniale, cependant, son existence même constitue une fissure dans la cohésion nationale et représente un point d’appui pour les remises en cause politique de la présence française en Algérie. Ce mouvement spontané, relayé jusqu’à un certain point par le Parti communiste, qui entend se faire l’écho de la colère des rappelés et de leurs familles, inquiètent les autorités, qui répriment les « meneurs » et constatent qu’une partie de ces rappelés n’est pas convaincue de l’utilité, voire de la légitimité de la mission qu’ils sont amenés à accomplir.

GUÉDON Timothée, X-men, un comic-book en France (1970-2000). Reflet de l’hégémonie des États-Unis d’Amérique, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 177 p.

Ce mémoire a pour objet d’analyser une bande dessinée de super héros importée en France. Un comic-book, c’est le nom américain donné à cette forme de bande dessinée, n’a rien en commun avec la bande dessinée franco-belge. Ce petit format avec une couverture souple nous raconte sous forme d’épisodes les aventures d’une équipe de super héros : les X-Men.

Avant d’aborder les problèmes d’importation et d’adaptation de cette série en France, nous nous sommes d’abord penchés sur le processus d’élaboration de cette forme de bande dessinée au travers d’une maison d’édition omniprésente, Marvel, ainsi que des différents acteurs participant à sa production. Production et non création, car cette forme de bande dessinée s’apparente plus à un produit de consommation de masse fruit de l’industrialisation, qu’à une œuvre d’artiste. Face à cet emblème du libéralisme américain, la France — grâce à la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à l’enfance et à l’adolescence — s’est d’abord opposée farouchement à l’arrivée des comic-books sur son territoire. Mais malgré la censure, des éditeurs français se sont lancés dans l’aventure, n’hésitant pas à recourir à l’autocensure, pour faire découvrir au jeune public français ces récits d’outre-Atlantique. En même temps qu’ils importaient ces comic-books, les éditeurs ont introduit une nouvelle façon de consommer de la bande dessinée, au travers de périodiques, rapprochant de plus en plus leurs parutions du modèle américain.

Au-delà de la forme, c’est un véritable discours américain qui transparait dans ces récits. Les aventures des X-Men sont truffées de références à notre univers quotidien, à notre histoire contemporaine et à l’actualité. Ce monde familier dans lequel évoluent ces héros nous offre une représentation du monde et de notre société contemporaine tels qu’ils sont perçus par les auteurs. Un monde fait de violence, d’injustice et de haine. Face à cette vision du monde, les auteurs proposent une solution incarnée par les X-Men. Ces mutants, rejetés de la société à cause de leur particularité génétique, se battent pour un rêve de coexistence pacifique. Ces héros aux physiques idéalisés deviennent alors des modèles à suivre. Des héros d’une nouvelle mytholo­gie auxquels s’identifient des lecteurs, tandis que des artistes contemporains y voient, au moyen de détournement des images, une façon de dénoncer une société industrielle de consommation de masse.

Ce support devient pour l’historien le reflet d’une mémoire contemporaine qui lui permet de participer à l’élaboration d’une histoire culturelle du vingtième siècle.

HENRY Juliette, Genèse et évolution d’un musée du XIXe siècle : le Musée Condé du Château de Chantilly. La pensée muséographique du duc d’Aumale, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 177 p.

Le musée Condé du château de Chantilly est resté un musée typique du XIXe siècle, au décor intérieur surabondant, avec un éclairage zénithal et un accrochage des tableaux sur plusieurs niveaux, cadre à cadre et qu’aucune logique ne semble coordonner. En effet, en constituant, le 25 octobre 1886, la donation de son château, et de tout ce qu’il contient, à l’Institut de France, son concepteur Henri d’Orléans (1822-1897), duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe, impose des clauses très strictes : que le musée soit ouvert au public, que l’accrochage reste inchangé et qu’aucun tableau ne sorte du musée. De par la volonté du Prince, le musée présente donc encore aujourd’hui une muséographie gelée, figée en 1897, à sa mort.

Historien, bibliophile, collectionneur amateur, ayant consacré ses vingt années d’exil à essayer de rassembler les collections familiales dispersées (Bourbon, Condé, Orléans), à acheter dans des ventes ou à des particuliers manuscrits, estampes, gravures, peintures, meubles, objets d’art et antiquités, le duc d’Aumale décida à son retour en France de relever les murs du Grand château de Chantilly hérité, avec sa fortune, de son grand-oncle Louis Henri Joseph, duc de Bourbon. Son ambition est de construire un musée, écrin pour sa fabuleuse collection, la deuxième collection de peinture après celle du Louvre, qu’il a constituée, et qu’il ne va pas cesser d’enrichir par de nouvelles acquisitions jusqu’à sa mort. Mais c’est aussi un musée d’histoire, inspiré du Musée historique de Versailles, créé par son père, où il rend hommage aux familles qui l’ont précédé. Modifié et étendu au cours de son élaboration, le Musée Condé témoigne de la pensée muséographique d’une figure du XIXe. Exigeant et animé d’un souci constant, contrôlant pas à pas les projets et les travaux, le duc d’Aumale imprime au lieu son esprit et une certaine idée qu’il se fait du musée.

Cette recherche propose d’étudier tout d’abord les paramètres qui font du duc d’Aumale un grand collectionneur ancré dans le XIX’ siècle, en soulignant son attachement pour l’héritage historique, remontant aux familles des Montmorency et des Condés, qu’il a reçu en même temps que la demeure princière qu’est Chantilly, en présentant les influences qui ont modelé cet exilé, arraché à sa patrie, fils du roi des Français, son goût pour l’armée, la chasse, l’Orient et l’Italie qui marquent sa politique d’acquisition tournée vers la reconstruction d’un patrimoine et le choix d’une peinture « intellectuelle », chargée de symboles et de souvenirs. Le propos s’attache ensuite à montrer quelles ont été l’action et la volonté du Prince mécène lors de la reconstruction, du remembrement du Grand château, de la conception de l’espace muséal et de l’aménagement du musée Condé jusque dans le choix des décors et du mobilier muséographique, et quelles sont les lignes directrices de l’accrochage, réalisé en plusieurs étapes, et qui demeure un exemple de la muséographie du XIXe siècle. Sont enfin analysés le processus de la donation, qui s’inscrit dans le projet de création du musée, et les conséquences du passage de témoin de la gestion du Musée Condé à l’Institut de France qui eut pour mission d’ouvrir le musée au public en 1898 et de conserver l’esprit insufflé par le duc d’Aumale en appliquant les clauses de la donation, et les limites du développement de la gestion de ce musée figé dans le passé au cours du XXe siècle.

HUBERT Magali, La mode du bronzage : de ses balbutiements à sa maturité, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 165 p.

À la lumière des documents trouvés dans Vogue, Le Petit Écho de Ia mode, Marie Claire et Elle, il est possible, dans la mesure où ces magazines féminins reflètent la société d’une époque, de considérer l’évolution de la mode du bronzage de 1920 à 1949, c’est-à-dire de ses balbutiements à sa maturité. On constate ainsi que le hâle, autrefois redouté, est de plus en plus recherché. On ne l’obtient plus par accident, mais volontairement. En vue des séances de bronzage à venir, on prend l’habitude de faire un régime et de l’exercice physique pour remodeler sa silhouette. On fait également attention à l’état de son épiderme, on lui administre des soins particuliers et on l’accoutume à la chaleur du soleil. À la fonction protectrice des produits que l’on s’applique sur la peau, s’ajoute une fonction bronzante. Sur la plage, les maillots de bain sont de plus en plus échancrés et les peignoirs délaissés, au même titre que les différents ustensiles susceptibles de gêner l’action du soleil, tels que les gants, la voilette et l’ombrelle. Les techniques de bronzage, calquées sur le modèle médical de l’héliothérapie, sont complétées par des méthodes nouvelles, grâce auxquelles le bain de soleil est rendu plus efficace et plus supportable. La raison première pour laquelle on s’expose au soleil n’est plus la volonté de guérir, mais le désir de brunir. La plage, lieu de prédilection par excellence des adeptes du bronzage est alors concurrencée par la montagne et la campagne. On prend également l’habitude de se laisser dorer au soleil chez soi, dans son jardin ou encore, sur son balcon : à l’abri des regards, on peut ainsi se dévoiler plus librement. La mode du bronzage se développe donc géographiquement, mais pas seulement ! Ne touchant au départ que les catégories sociales les plus aisées, c’est-à-dire celles qui ont les moyens de quitter la ville pour partir en vacances dans un endroit ensoleillé, la vogue du brun s’adresse également, par la suite, aux personnes dont les revenus sont plus modestes, grâce à l’influence des congés payés de 1936. Toutefois, même si la mode du bronzage tend à se généraliser, on prend conscience qu’il n’y a pas, pour autant, face au soleil, une égalité parfaite, en raison de l’état de santé des uns et de la fragilité de peau des autres. Peu à peu, on perd l’habitude de se débarrasser du hâle dès qu’il apparaît, et on prend celle de ne le chasser qu’une fois les vacances terminées. Certaines femmes cherchent même à le prolonger au-delà de la période d’ensoleillement. Par ailleurs, différentes marques de cosmétiques présentent de nouveaux produits de maquillage permettant de mettre en valeur les teints hâlés. Quant aux bienfaits et aux méfaits du soleil sur la santé et sur la beauté, ils sont de plus en plus mentionnés et leur évocation dans les magazines féminins consultés représente un indicateur supplémentaire de l’évolution de la mode du bronzage.

KABACALMAN Rukan, La représentation iconographique de la jeunesse à travers les affiches et les photographies de propagande sous le gouvernement de Vichy (1940-1944), Maîtrise [Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 3 vol. : 111 p, + 2 vol. d’annexes.

Notre étude a pour objet de mettre en évidence les rapports entre les images de propagande et la représentation de la jeunesse sous le gouvernement de Vichy. À partir de l’observation de l’image, nous essaierons d’en comprendre les significations et les spécificités. L’originalité de l’étude se traduit dans la volonté de proposer un « renouvellement » de la représentation de la jeunesse sous Vichy, non à partir du discours idéologique, mais à travers l’iconographie de propagande. Il s’agit aussi de comprendre dans quelle mesure l’image de la jeunesse peut servir la propagande de l’État. L’intérêt pour la jeunesse peut s’expliquer par le fait qu’elle constitue la catégorie la plus malléable et la plus réceptive à cette propagande. La place particulière accordée par le régime à la jeunesse, espoir du renouveau de la France ne pouvait qu’entraîner son utilisation par la propagande.

KRAUS François, Les assises du socialisme ou l’échec d’une tentative de rénovation d’un parti, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ+. Paris 1, 2001, 2 vol. 276 p.

Réunissant dans l’élan de la campagne présidentielle de mai 1974 des représentants du PS, du PSU et de la mouvance cédétiste autour d’un leader (F. Mitterrand), d’une idéologie (le socialisme autogestionnaire) et d’une stratégie (l’union de la gauche), les Assises du socialisme se présentent comme la dernière étape d’un long processus de déconstruction et de reconstruction de la gauche socialiste, engagé depuis une quinzaine d’années. L’ouverture de fonds d’archives riches et divers, complétés par des entretiens inédits, permet de jeter un regard neuf sur ce moment important de l’histoire du socialisme français contemporain.

Nées de la prise de conscience de la restriction du champ politique du PSU dans les réseaux associatifs et syndicaux se réclamant de l’autogestion, les Assises traduisent la volonté d’un changement d’outil de « médiation politique » de la part de ces milieux et une tentative de rénovation interne des idées, des pratiques et du personnel politique du PS. Ayant pour fonction d’atténuer les clivages culturels en mettant en lumière un substrat idéologique commun et la prise en compte par le PS d’un militantisme nouveau, elles apparaissent comme une grand-messe devant conférer à l’arrivée des forces et des idées nouvelles une dimension cérémonielle et solennelle.

Malgré ces efforts, les oppositions et réticences que soulève le processus au sein de chacune des forces impliquées indirectement (CFDT, GAM) ou directement (PS, PSU, Objectif socialiste) cassent la dynamique de regroupement organisationnel, ce qui se traduit par une nette démobilisation des militants susceptibles de participer à l’entreprise. Divisés et peu nombreux à adhérer au PS, ces derniers, confrontés à un choc des cultures politiques et à un certain ostracisme interne, constatent rapidement l’échec de l’opération. Leurs aspirations initiales supposaient en effet une mutation profonde du Parti socialiste et de ses pratiques militantes et non une simple couche de peinture idéologique aux couleurs de l’autogestion.

LE STUNFF Nathalie, Les compagnons charpentiers à Paris entre 1880 et 1914, Maîtrise [Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 166 p.

Les compagnons charpentiers constituent une entité originale au sein du monde compagnonnique. À la fin du XIXème siècle, alors qu’un grand nombre de corporations organisées en compagnonnage voient leurs effectifs péricliter, les compagnons charpentiers maintiennent leur influence sur la scène de la représentation ouvrière. Ils se sont attachés à demeurer une société de secours mutuels performante et à garder leur mainmise sur le marché de l’embauche par l’intermédiaire du Rouleur. Tout en préservant leurs structures d’encadrement originelles et leurs traditions ancestrales, les compagnons ont su prendre le chemin de la modernité. Cet alliage fait leur originalité. Depuis le début du XIXème siècle, les charpentiers sont organisés en deux sociétés, celle des compagnons passants charpentiers du Devoir, communément appelés Loups et celle du Devoir de Liberté dont les membres sont appelés Indiens. Elles demeurent longtemps rivales, mais parviennent au cours de ce siècle à vivre en bonne entente et à oublier leurs divergences quant aux origines du compagnonnage et à la signification des rites. Durant la période étudiée, les effectifs de ces deux sociétés figurent parmi les plus forts du monde compagnonnique.

Si le compagnonnage s’est conservé aussi fort chez les charpentiers, il le doit au fait que les travaux de charpente exigent encore une haute connaissance du métier et un important savoir-faire. L’ouvrier charpentier, à l’heure de l’industrialisation et du bouleversement des méthodes de travail reste un ouvrier qualifié, presque un ouvrier d’art. Entre 1880 et 1914, les compagnons charpentiers renoncent à ce qui avait fait leur réputation, c’est-à-dire à la défense des intérêts de la corporation et des droits du travailleur. La survie de leurs sociétés semble désormais résider dans l’amélioration des techniques professionnelles et dans la participation aux grandes entreprises architecturales de l’époque.

Je me suis intéressée à comprendre par quels moyens les charpentiers sont parvenus à maintenir leur influence face à la présence de plus en plus importante de syndicats sur la scène de la représentation ouvrière.

Travailler sur le compagnonnage implique de se heurter à des problèmes de source. Les sociétés de compagnonnage n’ont jamais renoncé à leur caractère secret. Les archives compagnonniques sont difficilement compagnonniques, dès lors ma recherche s’est effectuée par des moyens détournés. Les rapports de police de la Préfecture de Police de Paris représentent le corpus de documents le plus important de ma recherche. Société secrète, le compagnonnage laisse néanmoins des traces dans le paysage urbain. Les compagnons associent en effet la construction de la Tour Eiffel au compagnon charpentier du Devoir de Liberté, l’indien Eugène Million.

LOCHARD Marion, Analyse démographique de la population d’un ilot du XXe arrondissement de Paris, à partir des listes nominatives de recensement de 1926, 1931, 1936 et 1946. L’îlot Planchat-Terre-Neuve-Buzenval-Haies, Maîtrise [Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 163 p, + annexes

Ce mémoire d’histoire quantitative urbaine a pour terrain d’étude un îlot situé au nord de la Place de la Nation et plus spécialement au cœur du quartier de la Réunion. Il s’agit d’un espace à l’échelle très réduite. Les quatre rues, Planchat, Terre­ Neuve, Buzenval et des Haies, forment un quadrilatère partagé par la rue des Vignoles. Huit impasses parallèles entre elles coupent perpendiculairement celle-ci de part et d’autre. Cette organisation singulière de notre espace résulte du passé agricole de ce quartier, attaché à Paris seulement en 1860.

Situé aux marges de la capitale, cet îlot a toujours accueilli des populations immigrées, françaises et étrangères. La population italienne domine parmi la très grande variété de nationalités représentées au sein de la population étrangère. La population française demeure toutefois majoritaire.

Les quatre recensements, qui constituent notre source principale, de 1926, 1931, 1936 et 1946 ont été dépouillés. Cette source est largement critiquée tout comme la méthode employée est présentée. En effet, l’ensemble des données démographiques (le sexe, la date et le lieu de naissance, la profession…) contenues dans les listes nominatives de recensement ont pu être traitées grâce à l’outil informatique. Nous avons dégagé nos résultats de la base de données que nous avons créée. Au total, 3001 individus ont été répertoriés par ces quatre recensements successifs. Des sources complémentaires ont aussi été consultées, pour pallier aux lacunes de la principale d’une part, et pour réunir des informations de nature différente, d’autre part. Parmi ces sources complémentaires, nous pouvons citer les listes électorales et la « main courante », mais aussi un entretien mené avec une habitante de l’îlot. Parmi les caractéristiques dégagées, nous pouvons ici en signaler quelques-unes : il s’agit d’une population vieillissante où le célibat demeure majoritaire et à très forte proportion ouvrière. L’îlot est très largement commerçant et se caractérise, à cet égard, par le nombre important d’ébénisteries installées dans les impasses.

Puis, l’origine géographique des individus largement détaillée, nous nous sommes attachés à comparer d’un côté, l’ensemble de la population française et de l’autre, l’ensemble de la population de migrants étrangers, en mettant en avant les particularités les plus significatives. Parmi les différences observées, la population française est moins active et dégage un profil professionnel plus varié tandis que la population étrangère est plus masculine et plus jeune. Au sein de cette dernière, les populations italiennes, polonaises et algériennes ont été, pour finir, plus spécifiquement étudiées. Là encore, des particularités nationales existent. Par exemple, les comportements démographiques des Italiens tendent à se rapprocher de ceux de la population française. La population polonaise, quant à elle, et contrairement à l’ensemble des populations immigrées étrangères, est majoritairement féminine. Enfin, les Algériens sont presque tous célibataires et ouvriers.

L’origine géographique influe donc largement sur les comportements démographiques de chacun. Certaines populations immigrées se sont intégrées plus vite que d’autres et surtout, de façon différente. Mais, d’une manière générale, si chaque population présente des caractéristiques propres, une règle commune se dégage : plus un individu est installé depuis longtemps dans sa terre d’accueil, plus son comportement se détache des spécificités initiales de son groupe d’origine.

MARTINEZ Céline, Éléments pour une histoire de la Fédération nationale des mutuelles de travailleurs, 1968-1986, Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ, Paris 1, 2001, 103 p.

L’instauration du régime de Sécurité sociale qui identifie le bénéficiaire par rapport à son emploi, amène le mouvement mutualiste à modifier son mode d’intervention. Les comités d’entreprise, instaurés en 1946, ont vocation à intervenir dans la gestion de la société mutualiste d’entreprise. La rupture, qui s’était produite auparavant entre mutualisme et syndicalisme, est amenée à disparaître.

Des mutuelles d’entreprise naissent grâce à ce nouveau dispositif ; beaucoup émanent de militants de la CGT, ce qui leur interdit l’entrée dans la Fédération nationale de la mutualité française. En 1960, ces mutuelles créent, avec le soutien de la CGT, la Fédération nationale des mutuelles ouvrières devenue en 1968 Fédération nationale des mutuelles de travailleurs, puis Fédération des mutuelles de France à partir de 1986.

La filiation syndicale de cette organisation qui revendique 800 000 adhérents en 1968 et plus de 3 millions en 1986 apporte une identité particulière à son histoire. Ses méthodes d’action — manifestation, pétitions, réunions dans les entreprises — sont proches de celles d’une organisation syndicale. Ses dirigeants, anciens responsables de la CGT et du Parti communiste, développent une conception nouvelle de la mutualité. Leur organisation offre aux mutualistes une réflexion sur leur mouvement et des services nouveaux, notamment dans le domaine des vacances et du logement. Enfin, la volonté d’unification du mouvement mutualiste, présente dans les premières années de la FNMF, échoue ; dès lors, on assiste à une structuration de plus en plus importante de la FNMF qui tend à se poser en organisation alternative. Cette concurrence est accrue par des oppositions de fond sur la place du secteur lucratif dans la protection sociale.

MATHIAS Annabelle, Verdun et Oradour-sur-Glane : la réconciliation franco-allemande à travers les lieux de mémoire depuis 1945, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 2 vol. : 152 p. et 54 p.

Les peuples de France et d’Allemagne se sont affrontés à de nombreuses reprises et avant même que leurs États soient constitués en tant que tels. Si depuis 1945 ces deux pays ne se sont plus opposés militairement, des crises diplomatiques ont encore émaillé leur histoire. Après des siècles d’affrontement et l’horreur de la Seconde Guerre mondiale, les pays européens au premier rang desquels la France et l’Allemagne ont décidé de s’unir plutôt que de se déchirer.

Si la volonté politique s’oriente en faveur du rapprochement et de la réconciliation franco-allemande, l’opinion et les mentalités n’évoluent pas nécessairement avec la même rapidité. Le traité de Francfort avait créé un état d’hostilité permanente entre les deux nations, chacun considérant l’autre comme l’ennemi héréditaire (Erbfeind), l’adversaire irréconciliable. Les ennemis d’hier que l’on combattait selon les ordres du pouvoir politique pour défendre la patrie peuvent-ils changer de statut dans les consciences populaires et selon quels processus ?

Cette haine de l’adversaire se cristallise dans des lieux devenus symboles de leur affrontement. Cette étude porte sur deux de ces lieux de mémoire : Verdun et Oradour-sur-Glane. Dans ces lieux, la volonté du souvenir a été présente très tôt, des lieux de recueillement sont organisés et la volonté de préserver ces sites pour empêcher l’oubli par les générations à venir est effective. Ils fournissaient le cadre d’un récit qui était encore à faire et d’une mémoire à construire. L’organisation de ces lieux n’a pas cessé d’évoluer depuis, ni les sites d’être mis en valeur. Ainsi une mémoire nationale s’est constituée en ces lieux.

Lorsqu’on évoque alors la réconciliation franco-allemande au plan politique et la construction européenne, il s’agit de voir comment ces concepts sont représentés en ces lieux qui symbolisent au départ le contraire pour les communautés. La notion d’Eutope ne peut être effective que si sa population considère qu’elle existe et qu’elle-même en fait partie intégrante. Quels sont donc la place et le rôle de ces lieux dans la construction d’une conscience européenne commune aux Français et aux Allemands ? Comment en ces lieux, la mémoire nationale est-elle retravaillée pour constituer une mémoire européenne ?

Pour répondre à ces questions, l’évolution de la mémoire et des relations franco-­allemandes à Verdun et Oradour ainsi que les deux centres de la mémoire qui struc­turent et fixent le souvenir pour les visiteurs sont étudiés successivement, à travers la presse principalement. Ensuite, il est analysé comment ces villes de guerres sont devenues des villes de paix et comment elles développent cette thématique.

MERCIER Isabelle, la répression de l’avortement, 1939-1945, Maîtrise (Claire Andrieu, Jean-Louis Robert) Univ. Paris 1 CHS, 2001, 2 vol. : 153 p. et 50 p.

La démographie française devenant dans les années 1930 une préoccupation croissante, une véritable politique de la Famille et de la natalité fut mise en place par le gouvernement Dalladier. Le Code de la Famille, décret du 29 juillet 1939, renforça la répression de l’avortement, considéré comme un fléau. Les peines punissant ce délit, jugé devant les tribunaux correctionnels depuis 1923, s’en trouvèrent considérablement augmentées.

Avec l’avènement du régime de Vichy, la lutte contre l’avortement prit une nouvelle dimension. La défaite française, causée, selon les autorités, par la faiblesse de la natalité et la culpabilité de certains groupes d’individus, auxquels les femmes et les avorteurs appartenaient, légitima une nouvelle campagne lancée contre l’interruption volontaire de grossesse. Celle-ci, toujours punie en application des peines prévues par le Code de la Famille, fut plus sévèrement réprimée. Le 14 septembre 1941, une loi interdit l’application des circonstances atténuantes et du sursis en cas d’avortement, au même titre que tout acte susceptible de nuire au peuple français. Le 15 février 1942, le gouvernement français s’octroya la possibilité de déférer à une juridiction d’exception, le Tribunal d’État, créé le 7 septembre 1941, les avorteurs dits professionnels.

Le Tribunal d’État, prévu à l’origine afin de juger des personnes coupables « d’activités communistes », de trafics de cartes d’alimentation, de hausse illicite, fut un véritable archétype de l’outil de répression politique. L’application du sursis et des circonstances atténuantes fut impossible. Nommés par décret, les magistrats, qui y siégèrent ne furent pas tous professionnels. Les peines prévues étaient extrêmement sévères, allant jusqu’à la peine de mort, sans aucun recours.

Quarante-six personnes furent jugées par deux sections du Tribunal, l’une parisienne, l’autre lyonnaise, jusqu’en juillet 1944. Deux avorteurs, condamnés à la peine de mort, furent exécutés en 1943, d’autres condamnés à de longues peines de travaux forcés. De plus, de nombreuses femmes avortées et leurs complices, maris, amants, mères, amis se retrouvent sur les bancs des accusés, victimes d’une propagande offensive et d’une répression effective.

MIMRA Thomas, La SFIO et la guerre d’Ethiopie : 1935-1936, Maîtrise [Gilles Morin], Univ. Paris 1 CHS, 2001

MONTBOBIER Émilie, Le théâtre et l’Action française, 1898-1914, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 120 p.

L’Action française s’est imposée comme le principal mouvement nationaliste et royaliste du XXe siècle. L’époque comprise entre le retentissant « J’accuse ! » de Zola et le début de la Première Guerre mondiale voit naître et grandir ce groupe politique. Le Comité d’Action Française créé par Vaugeois et Pujo va trouver en Charles Maurras le théoricien des idéaux politiques du groupe. Ce dernier ayant toujours soutenu que sa doctrine politique lui avait été inspirée par ses conceptions artistiques et littéraires, le mouvement fut remarqué aussi pour la place particulière qu’il donnait à la critique littéraire et théâtrale dans ses organes de presse.

La Revue de l’Action française et le quotidien qui portait le nom du mouvement ne se contentèrent pas d’affirmer les positions de l’Action française sur les questions politiques. Des plumes de Blainville et de Léon Daudet jailliront les conceptions artistiques et littéraires du mouvement. Les œuvres classiques sont magnifiées et posées en références suprêmes. Tous les auteurs ne se référant pas au classicisme et aux valeurs traditionnelles, que s’offre de défendre le mouvement, sont exclus défi­nitivement des invitations à la lecture faite aux abonnés de la revue et du quotidien. Les critères de sélection deviennent ceux que détermine l’idéologie politique du mouvement. Les auteurs nationalistes et les auteurs xénophobes sont encensés, ceux d’origine étrangère ou juive sont systématiquement bannis. Le romantisme, le natu­ralisme ou le symbolisme sont envisagés comme un même courant artistique né des idéaux révolutionnaires réprouvés par l’Action française. Toutes les pièces de théâtre qui s’en réclament sont mises à l’index.

L’actualité théâtrale devient alors l’instrument de la propagande de la doctrine politique du mouvement.

Les Camelots du roi, en prenant d’assaut les théâtres vont joindre à la critique dogmatique l’utilisation de la violence physique pour condamner toute pièce n’étant pas en parfaite adéquation avec l’idéologie politique de l’Action française.

D’inspirateur des idéaux politiques de l’Action française qu’il avait été, l’Art devient peu à peu l’un des promoteurs de la doctrine du mouvement, le théâtre un simple vecteur du « nationalisme intégral »·

MORETTI Magali, La représentation de l’homme dans les affiches de propagande, 1940-1944, Maîtrise [Claire Andrieu, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 147 p.+ 26 p. d’annexes.

Après les défaites militaires et l’armistice signé avec l’occupant allemand, la France, sous l’autorité du maréchal Pétain, découvre les thèmes de la Révolution nationale qui doit relever le pays et lui faire oublier la décadence de la IIIe République.

Le pays connaît alors entre 1940 et 1944 une active propagande, la plus massive en ce qui concerne les affiches. Dans cette propagande qui doit marquer la rupture avec la IIIe République, on constate que l’homme a une place privilégiée ; la propagande définit une nouvelle France et un Homme nouveau.

En étudiant les affiches de propagande de cette période, il est possible de montrer l’importance de la représentation de l’homme sur ce type de support. En effet, pour le régime de Vichy, la propagande doit être la plus efficace possible ; il fut donné aux idées à transmettre une forme concrète, capable de sensibiliser le plus grand nombre. L’homme s’impose donc comme un véritable intermédiaire entre la pensée idéologique de Vichy et la population française qu’il faut convaincre.

Sans se préoccuper de l’impact réel de cette image sur les Français, on peut dire que la représentation de l’homme est véritablement construite selon un schéma et des arguments que l’on veut solides. Nous montrerons de quelle manière cet homme apparaît comme un vecteur privilégié, avec différents aspects et différents rôles allant du chef exemplaire au modèle du parfait héros.

Dans tous les cas, on montrera que l’homme des affiches est le symbole d’une France régénérée, que chacun doit construire.

MORRISSEY Priska, La collaboration entre le cinéaste et l’historien dans les films historiques français, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 2 vol. 288 p.

Ce mémoire étudie les relations qui s’établissent entre le cinéaste et l’historien au cours de l’élaboration d’un film historique. Le corpus comprend les films suivants : La Marquise d’O et Perceval Le Gallois d’Eric Rohmer, Les Camisards, Moi, Pierre Rivière… et Un Médecin des Lumières de René Allio, Que la fête commence et La Passion Béatrice de Bemand Tavernier, Le Retour de Martin Guerre de Daniel Vigne et enfin Le Nom de la Rose de Jean-Jacques Annaud. Tous ces réalisateurs ont apporté un soin particulier à la mise en scène du passé, mais tous n’ont pas eu recours aux services d’un conseiller historique. Ainsi, Bertrand Tavernier et Eric Rohmer expliquent-ils dans leurs entretiens (source principale de ce mémoire) pourquoi ils préfèrent travailler seuls.

Cette étude s’inscrit dans un contexte à la fois cinématographique (nouvelles formes de représentation de l’histoire) et historiographique (médiatisation de l’histoire et de l’historien), car l’une des nouveautés de cette décennie tient justement dans l’apparition au générique de chercheurs, universitaires renommés et reconnus.

La collaboration cinéaste-historien est multiforme : l’historien peut être un ami et participer à l’écriture même du scénario (ex. : Jean-Pierre Peter et Arlette Farge pour Un Médecin des Lumières), travailler en équipe au sein d’une grosse production internationale (ex : Jacques Le Goff, Jean-Claude Schmitt, Michel Pastoureau, Françoise Piponnier, etc. pour Le Nom de la Rose) ou encore être requis pour donner quelques renseignements précis et ne pas être cité au générique (ex. : Michel Pastoureau pour Perceval Le Gallois). Il existe donc une palette assez large des fonctions du conseiller historique. Au sein de cette étude, a été considéré comme conseiller historique l’historien véritablement engagé (signature d’un contrat, rémunération) et mentionné au générique technique du film.

Dans un premier temps, sont exposés les enjeux de la reconstitution tant du côté du réalisateur que de l’historien : quelles formes artistiques et politiques le cinéaste veut-il donner à sa mise en images du passé ? Pourquoi le réalisateur fait-il appel à un conseiller historique ? Pour quels motifs l’historien accepte-t-il de jouer ce rôle ? Dans un deuxième temps, la transmission du savoir scientifique est étudiée dans toutes ces configurations : échanges oraux, dossiers, nature du savoir transmis, fonctions qu’endosse le conseiller (juge, garant, réservoir d’anecdotes). Cette patrie analyse également le fruit de cette collaboration tant du point de vue de l’artiste que du chercheur. Enfin, dans la troisième partie, les limites et conflits de cette collaboration sont examinés : quelles frustrations éprouve l’historien ? Quels genres de conflits sont survenus lors de ces échanges ? Il convenait ici de s’appuyer sur l’étude de Paul Ricœur sur le récit fictionnel et le récit historique (Temps et Récit, t. I, II et III).

NAEGELLEN Aude, L’image de la criminalité à travers le fait divers à la une de Détective de 1946 à 1958, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 202 p.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte où la France est entièrement à réorganiser au point de vue économique, politique et social, il ne paraît pas surprenant d’étudier la criminalité. Car on se représente facilement toutes les dérives occasionnées dans un tel environnement. Mais nous avons cherché à savoir ce que la population perçoit de la criminalité après une guerre et ce qui la pré­ occupe par rapport au crime.

En revanche, choisir le fait divers comme indicateur pour appréhender les angoisses d’une société n’était pas à priori évident. Si l’on tient compte de sa réputation d’information mineure, sensationnelle donc amplifiée et pas nécessairement vérifiée, il ne semblait pas bien significatif. Mais de grands écrivains et historiens ont contribué à le réhabiliter en dépassant cette réputation et mettant en valeur toutes les informations qu’il révèle sur la société.

Détective, l’hebdomadaire spécialiste du fait divers nous a donc permis de voir comment suite à une guerre, le fait divers reprend place dans la société. En effet, la criminalité régulière d’une société au lieu d’être dépréciée, par le souvenir d’une criminalité de guerre aux effets incomparables, assimile les angoisses que suscite un tel souvenir. Car le fait divers est toujours présent dans une société pour stigmatiser ses craintes et ses angoisses. Et ce en dépit de ce qu’elle a vécu avant, à côté de quoi il peut paraître insignifiant.

Les crimes qui retiennent l’attention dans les années 1950, sont tous ceux qui représentent une menace dans la vie privée de l’individu et le mettent en danger dans son espace privé, mais aussi les crimes soutenus par une organisation. À cela s’ajoute la peur de l’étranger et de l’immigré. Limage de la criminalité à travers le fait divers montre bien que la société porte encore les inquiétudes de la guerre durant toute la décennie suivante, alors que le pays retrouve une certaine prospérité. L’intérêt d’un travail sur les représentations consiste donc à voir le décalage entre la réalité de la société et ce par rapport à quoi se développent des angoisses.

NORTIER Laura, La guerre d’Algérie et le roman français, 1955-2000, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 163 p.

Chez les Français, la guerre d’Algérie a marqué profondément la mémoire collective. Malgré les efforts faits pour en effacer les traces, les souvenirs des sept années de guerre ont du mal à disparaître. Les douleurs et les fureurs des acteurs de ce drame ont envahi le champ d’écriture. Contrairement à des opinions communes, la guerre d’Algérie a été et continue d’être source d’inspiration. Trois-cent-cinquante-deux romans ayant un rapport plus ou moins direct avec la guerre ont été publiés de 1954 à 2000 inclus.

Plus de quarante ans ont passé. Comment les romanciers agissent-ils avec ce passé ? Les romans de l’immédiat après-guerre (1960-1970) ne sont pas ceux des années 1980-1990. Au témoignage de l’acteur qui poursuit son combat ou le légitime à postériori, se substituent progressivement des œuvres à « distance ». La réappropriation consciente des mémoires des uns et des autres permet à la fois de reconnaitre le passé comme passé, de ne plus le vivre comme présent incidemment et de le mettre en perspective d’un futur différent. Plus la guerre s’éloigne, plus elle nous apparaît dans sa totale complexité. Les auteurs-acteurs et/ou témoins de la guerre ou de la génération suivante s’ouvrent aux raisons de l’autre et à leurs propres déchirements. De nouveaux auteurs cherchent à déchirer le voile du silence qui entoure la guerre et ses acteurs.

Depuis la fin des années soixante-dix, la multiplication des récits d’anciens du contingent, le développement d’une littérature de la deuxième génération, témoigne que la guerre d’Algérie est un objet de mémoire. Trois décennies après la paix, le sujet s’est imposé aux auteurs de romans policiers et de romans pour la jeunesse. L’enjeu de mémoire ne passe plus par l’amnésie ou le traumatisme, mais par le savoir. La guerre d’Algérie appelle aujourd’hui une histoire scientifique, gage — on peut l’espérer — d’une plus grande sérénité. Le travail de mémoire, de deuil et de réconciliation est à ce prix.

NOUVET Antoine, La loi Deixonne et les débats sur l’enseignement des langues régionales dans la vie politique française, Maîtrise [Claude Pennetier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 241 p.

La loi Deixonne est la première reconnaissance officielle de l’existence de langues régionales en France, en tant qu’autorisation donnée aux breton, basque, catalan et occitan d’être enseignés à l’école primaire, aux collèges et lycées ainsi qu’à l’université. Elle souligne un assouplissement de la traditionnelle politique culturelle centralisatrice et unanimiste nationale qui associe depuis la Révolution les langues régionales à la réaction et à l’Église. Maurice Deixonne, rédacteur et rapporteur de cette loi, en est l’illustration même. Hostile en 1945, la Rue de Grenelle se résout à accepter cet enseignement en 1951. Pourtant, en 1953, la méfiance est toujours de mise. L’application de la loi se heurte à de nombreux obstacles. Mais cette difficile exécu­tion était envisageable dès la conception de cette loi, rythmée par quatre ans de rudes combats au sein et en dehors du Parlement. La loi Deixonne n’est en réalité qu’une reconnaissance bien timide de ces langues régionales, limitée à l’École et excluant le corse, le flamand et l’alsacien. L’alsacien parvient néanmoins en 1952 à obtenir un statut particulier – étranger au cadre de la loi Deixonne, mais tout de même très proche dans l’esprit de sa rédaction. Cette période ne marque alors qu’un assouplissement dans le jacobinisme des pouvoirs publics. La loi n’est qu’une concession mitigée n’accordant qu’une faible satisfaction à la revendication linguistique régionale, essentiellement bretonne, évoluant pourtant dans un contexte totalement apolitique. L’hostilité au pluralisme linguistique est toujours présente en France. La loi Deixonne n’échappe pas à cet état de fait. Elle n’est qu’une récupération stratégique, mais habile, de mots d’ordre émanant de régions culturellement spécifiques réclamant une reconnaissance de leur particularisme. Motivée par une initiative à l’origine communiste, cette Loi n’en est qu’une pâle version. Elle consacre avant tout la victoire du français et sa primauté. Les langues régionales ne se voient offrir qu’une place bien étroite. La loi Deixonne n’annonce pas une nouvelle politique nationale, qui continue à confondre unité et unanimisme. Par contre, en tant que première brèche expérimentale, elle augure d’une nouvelle revendication. Celle-ci peut désormais s’appuyer sur un texte législatif et légitime, pour demander plus. La loi Deixonne offre la perspective d’une radicalisation des demandes et d’une politisation de mouvements menant alors vers une revendication pouvant réclamer un certain autonomisme.

PAGANELLI Aurélia, Le nationalisme corse, 1966-1981, Maîtrise [Marie-Claude Blanc-Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 200 p.

Quelles sont les origines du nationalisme corse et comment comprendre la violence dont il ne semble guère pouvoir se défaire ? Telles sont les interrogations qui ont guidé le projet de ce mémoire.

Une première partie analyse la situation de la Corse dans la France des années soixante. Elle cherche à faire comprendre les impasses de l’époque : d’un côté, une situation d’abandon économique singulière dans une période de grande croissance, de l’autre, le poids des habitudes politiques clientélistes et au milieu, une population insulaire mal préparée aux évolutions. Aussi les premières associations régionalistes naissent-elles au sein de la génération des jeunes des sixties, ceux qui font leurs études sur le continent, notamment à Nice. Dans le capital culturel de ce premier nationalisme, rien qui s’apparente aux vieilles lunes du nationalisme d’extrême droite, au contraire, plus souvent, un discours calqué sur celui de l’exploitation du tiers-­monde.

À partir de là, le plan suit une progression chronologique, qui jalonne les étapes conduisant du régionalisme à l’autonomisme (1966-1975), puis de la revendication autonomiste au nationalisme (1975-1981). Suivre l’enchainement des événements est important pour comprendre l’inexorable escalade dans laquelle, aux maladresses insignes de la gestion étatique (affaire des boues rouges, question des rapatriés et incidents d’Aleria), répond une violence de plus en plus désordonnée, tacitement acceptée par la population.

Les sources utilisées sont essentiellement des articles, ouvrages et textes militants produits par les nationalistes. S’y ajoutent des analyses de géographes et des livres sur le problème corse. Plusieurs interviews de nationalistes se sont révélés inutilisables, tant ils étaient empreints de dissimulation. Preuve que l’histoire brûlante est souvent bien difficile !

PALLEAU Marie, Les Jeunes du Maréchal, un exemple de mouvement de jeu­nesse sous le régime de Vichy, 1940-1943, Maîtrise [Claire Andrieu, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 151 p.

Ce mémoire se veut la biographie d’un mouvement de lycéens, pour la plupart parisiens, qui naquit en octobre 1940 au lycée Voltaire, à Paris. C’est un professeur de grammaire, Jacques Bousquet, qui en prend rapidement la tête et organise cette nouvelle association. Celle-ci se veut fidèle à la politique de la jeunesse que le régime de Vichy met en place. Fières du patronage illustre de Philippe Pétain, les Jeunes du Maréchal parviennent à se développer dans la capitale, puis dans les départements proches (Oise, départements de la Normandie). Ils se constituent des règlements moraux et matériels précis, se structurent en différents bureaux et travaillent en collaboration avec le Secrétariat général à la Jeunesse dont ils distribuent des tracts. Leur idéologie se calque sur celle de la Révolution nationale et leur vie s’organise en fonc­tion des activités de groupe que met en place leur service social.

Mais, peu à peu, les dirigeants du mouvement vont détourner les membres de leur fidélité au Maréchal pour les engager dans la voie d’un fascisme plus prononcé. Les enjeux politiques deviennent de plus en plus importants dans la gestion del’as­sociation et les querelles internes se succèdent. Le nombre d’inscriptions baisse, les fonds manquent. La proclamation de l’engagement de certains Jeunes du Maréchal dans la Légion des volontaires français (influencés par leur nouveau chef, Jean-Marie Balestre), en novembre 1942, incite finalement le gouvernement à dissoudre en mai 1943 un mouvement qui n’était déjà plus que l’ombre de lui-même.

PERRIGNON Pauline, L’aventure du théâtre Récamier, 1958-1978, Maîtrise [Pascale Goetschel], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 217 p.

Le théâtre Récamier ouvre ses portes en 1958. Il les referme vingt ans plus tard. À l’image de nombre de ces petites scènes privées de la capitale, le Récamier n’aura pas survécu à une désaffection progressive de son public, et à des déficits d’exploitation successifs. Emblématique de ce fait, l’itinéraire du Récamier recouvre également deux décennies de profonde évolution du paysage théâtral en France. Évolution dont il se ressent et dont il participe : ce théâtre accueille en effet quelques-unes des figures les plus marquantes de la seconde moitié du XXe siècle. Jean Vilar, Jean-Louis Barrault, Antoine Bourseiller en assument à un moment la direction. De même, de jeunes talents, pionniers d’un renouveau théâtral qui caractérisera les années soixante-dix, en offrent un avant-gout au Récamier. Un théâtre qui fait enfin la part belle à la création pour l’enfance et la jeunesse et se montre ainsi fidèle à la vocation de la Ligue del’enseignement qui en est propriétaire. Rares cependant seront les membres de ce mouvement à en promouvoir l’activité.

L’aventure du théâtre Récamier commence sous l’égide de Jean Vilar qui fait de cette scène un théâtre d’essai, succursale du TNP, réservée à la présentation d’œuvres de jeunes auteurs contemporains. Mais en 1961, Vilar s’en défait, au terme de deux saisons : son public ne l’a pas suivi, la critique ne l’a pas d’emblée soutenu. D’autant que celle-ci brandit alors la menace d’une sclérose artistique à laquelle Jean Vilar entendait remédier avec le Récamier. Le théâtre Récamier connaît dès lors, et jusqu’au tournant de 1968, des années décisives, quoi qu’il soit alors cantonné au rang de théâtre « garage » : de jeunes troupes peu connues y trouvent un lieu pour se produire, y explorent des voies nouvelles, y découvrent la production étrangère, préfigurant ainsi un théâtre repensé, tel qu’il le sera au lendemain de 1968.

Évincés de l’Odéon après les événements de mai, Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud trouvent un refuge au théâtre Récamier qu’ils habitent, quatre saisons durant, à partir de 1970. Destinant le Récamier à la recherche théâtrale et non à la représentation de pièces, Jean-Louis Barrault s’y résout cependant à l’occasion d’un cycle Beckett. Plusieurs œuvres y sont par la suite mises en scène par Roger Blin, Claude Régy notamment. Nommé à nouveau à la direction du théâtre des Nations en 1972, Jean-Louis Barrault fait alors du Récamier le siège de cette institution. Années d’effervescence donc pour le Récamier que celles marquées par la présence de Barrault en son sein. Mais celui-ci quitte les lieux en 1974 pour le théâtre d’Orsay, plus à l’échelle de ses ambitions.

C’est Antoine Bourseiller qui prend sa succession, et ce, jusqu’à la fermeture du théâtre quatre ans plus tard. À Récamier, il prend le parti d’un art « politiquement incorrect », mais les choix qu’il fait alors ne recueillent ni l’adhésion du public ni celle de la critique. De plus, la baisse de la subvention que lui accordait le ministère de la Culture lors de son arrivée, l’entente médiocre avec la Ligue de l’enseignement, enfin, la nécessité d’engager des travaux au sein d’un théâtre qui ne répond plus, depuis longtemps, aux normes de sécurité, amènent Antoine Bourseiller à plier bagage au début de l’année 1978. Le théâtre Récamier ferme définitivement ses portes. Plusieurs projets sont formulés, mais — de même qu’aucun travaux ne sont entrepris par la Ligue faute d’argent — ceux-ci ne verront jamais le jour. En 1983 enfin, la Ligue s’entend avec la Comédie Française qui transforme le théâtre Récamier en espace de répétition. Un contrat de neuf ans est alors conclu. Il sera renouvelé en 1992.

PILLOSIO Raphaël, La représentation de la Première Guerre mondiale dans le cinéma italien parlant, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 210 p.

Il s’agit, dans cette étude, d’établir un panorama des évocations cinématographiques italiennes de la Première Guerre mondiale. Conflit à partir duquel s’est constitué un véritable mythe, cet événement a profondément marqué la société italienne tout au long du XXe siècle. Exploité comme le symbole de l’unité du pays par le régime fasciste, puis par le régime démocratique au pouvoir après 1945, il faut attendre les armées soixante pour qu’une nouvelle génération d’historiens remette en question cette interprétation de la guerre 1914-18. Paradoxalement, l’industrie cinématographique italienne s’est désintéressée de ce sujet et très peu de films mettent en image ce conflit.

Douze longs-métrages qui ont pour objet la Première Guerre mondiale ont été intégrés au corpus : Le Scarpe al sole, Tredici uomini e un cannone, Piccow a ino, Il Caimano del Piave, La Leggenda del Piave, Guai ai vinti, La Grande guerra, Il Giorno più corto, La Ragazza e il generale, Fraülein Doktor, Uomini contro, Porca vacca.

La première partie du mémoire s’intéresse à la période 1930-1945 : après être revenu sur le contexte politique et industriel, je propose une analyse des deux filins vus, Le Scarpe al sole et Tredici uomini e un cannone. La deuxième partie s’articule autour des armées 1945-1959 : alors qu’au début des années cinquante les films réalisés respectent la vision mythique du conflit, La Grande guerra, produit en 1959, marque un tournant dans la représentation du conflit à l’écran. Enfin, les derniers chapitres sont consacrés à l’image filmique de la guerre depuis 1960 et s’attachent particulièrement au film de Francesco Rosi, Uomini contro, qui marque la rencontre entre la nouvelle historiographie sur la Première Guerre mondiale et le cinéma.

PORTALIS Aude, Les dirigeants de l’Union des étudiants communistes de 1956 à 1968 : essai d’analyse prosopographique, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 204 p.

L’Union des étudiants communistes (UEC) de 1956 à 1968 représente une des organisations politiques étudiantes les plus solides en France. Son histoire politique à cette période est bien connue. Son histoire militante, par contre, l’est beaucoup moins. Cette approche militante et sociale des étudiants communistes s’est plus particulièrement attachée à la direction de l’Union des étudiants communistes, car celle-­ci représente un corpus plus facilement identifiable.

Située dans une perspective plus large et plus globale que l’histoire politique, cette étude est à la frontière de plusieurs champs : à la croisée de l’histoire politique, sociale, culturelle et intellectuelle.

Cette tentative d’élaboration d’une prosopographie s’attache à reconstituer une cartographie des itinéraires et des trajectoires empruntées par les anciens dirigeants de l’Union. Cette étude s’appuie sur la construction de biographies à la fois indivi­duelles et collectives.

Proposer l’esquisse d’une histoire sociologique de l’UEC, c’est tenter de saisir les principales phases de l’histoire de l’Union, le rôle de sa direction, le milieu d’origine des étudiants, l’éveil et la formation de leur engagement politique, et leurs trajec­toires ultérieures. Les concepts de génération et de sociabilité comme instruments d’investigation se sont révélés précieux. Tous ces aspects permettent alors de découvrir le devenir et l’identité d’un groupe issu d’une matrice commune : la direction de l’UEC dans les années 60.

QUÉRAN Sophie, Les cadres scientifiques au CEA des Centres d’Étude nucléaire de Fontenay-aux-Roses et de Saclay, 1946-1968, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 372 p.

Le projet de la fondation d’un Commissariat à l’Énergie atomique (CEA) est lancé par le Général de Gaulle à l’automne 1945. Son ambition est de voir la France reprendre son rang dans les recherches sur l’énergie atomique. La voie avait en effet été tracée par Irène et Frédéric Joliot découvrant, en 1934, la radioactivité artificielle et la possibilité de provoquer sur des noyaux fissiles des réactions en chaine explosives libérant une énorme quantité d’énergie.

La réalisation d’une mission de cette ampleur, dans la France de la Reconstruction, place les dirigeants de l’organisme devant l’impérieuse nécessité de constituer un potentiel technique par le choix d’infrastructures, dédiées à la recherche, inconnue jusqu’alors en France. Mais l’aspect le plus fondamental de cette tâche passe par de nouveaux modes de gestion du savoir scientifique. Il s’agit de créer de nouvelles formes d’enseignement pour de nouvelles spécialités, de recruter des hommes de talent qui soient à la fois chercheurs et ingénieurs, d’agencer leurs compétences réciproques afin de permettre une meilleure communication entre eux, et donc une meilleure rentabilité de leur travail, enfin, d’insuffler un esprit susceptible d’homogénéiser l’ensemble de l’entreprise.

Les Centres d’Étude nucléaire (CEN) de Fontenay-aux-Roses et de Saclay constituent en cela un laboratoire des nouvelles techniques de gestion du savoir d’une population de scientifiques. Ils sont la scène privilégiée où se discernent les conséquences sociologiques d’une industrialisation de la recherche. Alors que l’on passe de la figure du savant solitaire à celle d’un technicien de la science assimilé dans de vastes équipes de travail, les formes d’appartenance identitaire classique du scientifique évoluent au fur et à mesure que le champ de ses collaborateurs s’élargit à travers la planète. D’autre part, la parcellisation des tâches et la complexité conceptuelle de son travail le cantonnent à une spécialisation accrue rendant difficile un net positionnement dans le progrès de la science en général.

Tous ces éléments concourent à imposer le terme de « malaise » des cadres scientifiques comme cause d’une nouvelle forme d’engagement d’ordre politique et social dans la société de son temps. Notre étude qui se clôt en 1968 met ainsi au jour les éléments structurels liés à cette évolution du cadre scientifique contemporain d’une puissante remise en cause de l’organisme en 1968. Si les événements de mai 68 per­ mettent de soulever des problèmes latents aux CEN, la modification des options prises par le CEA dans ses recherches en électronucléaire bouleverse d’autant plus les cadres scientifiques que le nucléaire et la recherche fondamentale lourde connaissent un revirement dans l’opinion publique.

Pour les cadres scientifiques des Centres d’Étude nucléaire de Fontenay-aux-­Roses et de Saclay, le passage du savoir au pouvoir et du·rationnel à l’opérationnel — caractéristique de notre modernité selon Valéry — fait ainsi vaciller la façon d’appréhender la nature et de se positionner dans sa société.

RICHARD Antoine, L’image du mouvement de Tiananmen dans les médias français, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 196 p. + annexes.

Au cours du printemps 1989, un vaste mouvement de contestation éclôt en République populaire de Chine. Les manifestations se succèdent, des étudiants font la grève de la faim et nous vivons l’événement quotidiennement grâce aux médias déployés en masse. Réprimé dans le sang au cours de la nuit du 3 au 4 juin, ce mouvement a marqué l’opinion française puisque les manifestations de soutien aux contestataires sont nombreuses. Devant cet engouement, nous nous sommes deman­dé comment il était possible que le mouvement ait eu un tel impact.

Pour mener cette étude, nous avons d’abord étudié la production de l’image pour comprendre quelle image est susceptible d’être transmise. Nous avons caractérisé un corpus strict de sources destiné à être le plus représentatif possible, incluant quatre quotidiens nationaux — Le Monde, Le Figaro, Libération et l’Humanité — ainsi que les journaux télévisés des trois chaines hertziennes. Puis, nous avons étudié, d’une part, la médiatisation des événements dans ces médias et, d’autre part, la gestion de l’information avec une étude des correspondants permanents et autres envoyés spéciaux. Après avoir défini la possible image que peuvent produire les médias, nous nous sommes attachés à comprendre l’image de la contestation dans les médias au travers d’une étude sur la chronologie du mouvement, sur les lieux de la contestation et enfin avec une qualification de son seul interlocuteur : le pouvoir chinois. Nous avons alors aperçu la fabrication de l’image étudiante et pro-démocratique du mouvement de Tiananmen. Cette image s’affirme essentiellement, à l’unanimité dans nos médias, au lendemain de la répression. Nous nous apercevons que les médias développent une image universelle au mouvement, en le délocalisant notamment ou en mettant en évidence le côté totalitaire et répressif du pouvoir.

Les médias définissent le mouvement comme étudiant. Or, nous avons vu que la population se range en masse à ses côtés, qu’elle le soutient. De même, les médias insistent sur la revendication pro-démocratique du mouvement, mais qu’en est-il véritablement ? Est-ce la seule revendication ? Nous nous sommes attachés à comprendre la composition du mouvement, notamment à la description des étudiants et de la population par les médias ; ainsi qu’aux slogans et revendications tels qu’ils apparaissent aux détours de nos quotidiens. Nous voyons que le mouvement est étudiant dans sa définition, car les étudiants apparaissent comme le plus groupe le plus apte à le représenter. Les médias développent ainsi une image contestataire des étudiants, en rappelant leur appartenance à une élite traditionnellement contestataire, ou en insistant sur leur faible condition de vie. Avec leurs descriptions, les médias légitiment la lutte des étudiants. Ces derniers définissent désormais le mouvement par leurs actions. D’un autre côté, la population est définie comme attentiste face au dévelop­pement du mouvement. Les médias mettent en scène divers groupes sociaux pour expliquer le ralliement, la force du mouvement. Le plus remarquable semble alors être le ralliement progressif des travailleurs qui caractérisent la base du régime communiste et donc qui démontre le rejet de celui-ci. Ce ralliement s’effectue sur une base revendicative instaurée par les étudiants. Les étudiants ont eu « l’intelligence politique, de ne pas enfermer le mouvement dans leurs seules revendications. En manifestant aussi contre la corruption, ils peuvent alors obtenir le ralliement de la population à leur lutte. Dans cette étude des revendications et des slogans, nous nous apercevons tout d’abord que les médias finissent par occulter toutes les revendications n’ayant pas trait à la démocratie.

Nous prenons alors conscience du fait que l’image du mouvement développée par les médias est une image susceptible de toucher les Français. Les médias incorporent en une même image, l’image de la jeunesse en lutte, avec des rappels à mai 68, l’image de la lutte pour la démocratie et la liberté, déterminante en cette année du bicentenaire de la Révolution française.

RICHET Domitille, Décadence et modernité : le regard de la critique française sur Vienne, 1880-1938, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 171 p.

Le regain d’intérêt dont témoignent les Français depuis les deux dernières décen­nies pour la culture viennoise des années 1880-1938 révèle l’impact que provoque l’image d’une Vienne moderne et décadente.

En effet, la critique française présente la culture viennoise en l’intégrant dans un cadre général en pleine déliquescence, jugé étonnamment moderne. La récurrence de certains thèmes sinistres s’observe ainsi dans le discours tenu par la critique française à propos de cinq écrivains viennois contemporains et emblématiques de la culture viennoise : Peter Altenberg (1859-1918), Arthur Schnitzler (1862-1931), Hugo von Hofmannsthal (1874-1929), Robert Musil (1880-1942) et Joseph Roth (1894-1939). Et ce sont justement ces thèmes consternants qui confèrent une unité à Vienne entre 1880 et 1938.

La perte de puissance de l’Autriche-Hongrie, puis sa chute en 1918, entretient un sentiment de déclin chez tous les Autrichiens et les Viennois, sentiment qui se manifeste sous diverses formes : nostalgie, désespoir, humour noir. La progression de l’antisémitisme à partir des années 1880 puis le triomphe du nazisme en 1938 signent la détérioration du jeu politique et l’exaspération d’une crise d’identité chez les Juifs, peuple sans territoire déjà menacé par l’éclatement de l’Autriche-Hongrie. La culture viennoise est considérée comme l’expression de cette angoisse juive ; elle représente l’aboutissement des efforts de certains Juifs pour trouver leur voie grâce à l’art ou à la réflexion. La culture viennoise apparaît intimement liée à son contexte de crise ; la critique française discerne en elle la volonté de tout remettre en cause, les traditions, les émotions, l’engagement politique, et de fonder une nouvelle morale. De là surgissent cependant un chaos et une incertitude générale. Tout désormais — l’Autrichien, le Viennois, l’œuvre littéraire ou la théorie scientifique — subit la loi de la relativité, de la confusion et de l’absurdité. L’influence attribuée à la psychanalyse sur la culture viennoise corrobore cette impression : incohérence, déraison, illusion et incertitude sont les maîtres-mots de la vision de l’homme promue par les intellectuels viennois, ainsi que des phénomènes psychiques les plus observés dans la Vienne de cette époque.

La prégnance de ces thèmes éclaire l’importance qu’a prise aujourd’hui l’esprit fin-de-siècle. Elle rejoint les discours pessimistes de la presse et des essayistes sur le déclin de la France, le regret des Trente Glorieuses, et les désordres mondiaux, sur le silence des intellectuels français et la méfiance qui s’exerce à l’encontre des hommes comme des idéologies politiques, et sur une société qui se désagrège sous les coups d’un hédonisme individualiste.

RISI Florence, Les expositions temporaires organisées au Musée de la France d’Outre-Mer entre 1935 et 1959, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 277 p.

Créé en 1931 à l’occasion de l’Exposition coloniale internationale, le Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie s’intitule alors Musée des Colonies. Il devient Musée de la France d’Outre-Mer en 1935. Il conserve ce titre jusqu’en 1959, date à laquelle André Malraux le transforme en Musée des Arts Africains et Océaniens. Le Musée de la France d’Outre-Mer a pour mission de diffuser l’idéologie coloniale. L’analyse des expositions commémoratives, économiques, artistiques et ethnographiques qui y sont organisées, montre que l’activité du musée exclusivement produite et diffusée par des coloniaux — véhicule une représentation exotique de l’Empire. Pour séduire le public, les expositions temporaires font basculer l’idéologie coloniale dans la mythologie. L’exotisme du musée ainsi que sa représentation mythologique de l’Empire assurent à la fois son succès auprès du grand public et son échec à diffuser l’idée coloniale. Paradoxalement, le musée ne parvient à assumer sa vocation de musée colonial qu’auprès d’un public déjà convaincu par cette idéologie. L’effondrement du Musée de la France d’Outre-Mer à partir du milieu des années cinquante et sa difficile transition en musée artistique expliquent l’image d’échec qui pèse sur le Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie. Toutefois, cette image n’est pas justifiée concernant le Musée de la France d’Outre-Mer qui a connu un réel succès du point de vue de la fréquentation. L’analyse des pratiques et des discours qui s’ar­ticulent autour de ce musée permet de comprendre le regard colonial qui s’est élaboré sur les arts non-occidentaux, regard au cœur du débat actuel sur les « arts premiers ».

ROBIN Arnaud, Life, la photographie et la guerre 1936-1945, Maîtrise [Claire Andrieu, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 183 p.

Ce mémoire s’attache à retracer l’histoire de la photographie et du photojournalisme de guerre à travers l’hebdomadaire illustré américain Life entre 1936 et 1945. Dans une première partie, la question du statut de la photographie au’milieu des années trente a été étudiée. L’apparition massive d’une image considérée comme objective, comme un document — là où l’écrit régnait en maître — constitue un tournant dans l’histoire du journalisme, car pour la première fois, le photojournalisme y joue un rôle important.

Les représentations de la guerre civile espagnole, celles du conflit sino-japonais ainsi que celles de la Seconde Guerre mondiale véhiculées par Life ont été analysées.

Cette recherche m’a conduit à m’interroger sur la capacité de la photographie à rendre compte des conflits guerriers.

RODINO Giulia, L’enseignement de la guerre d’Algérie dans les classes de terminale en France, un exemple de l’enseignement de l’histoire, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 134 p.

Le manuel scolaire est un outil dont enseignants et élèves disposent afin de mettre en application le programme que l’Éducation nationale a élaboré. La première partie de cette étude a pour objectif de décrire la constitution d’un manuel, à travers sa mise en forme, ses destinataires, ses objectifs. Une présentation sur l’évolution pédagogique permet de prendre en compte les enjeux de l’enseignement de l’histoire avant et durant la période définie.

En seconde partie, nous avons entrepris une étude plus descriptive afin de situer le traitement de la guerre d’Algérie au sein du manuel. Nous avons abordé les leçons à proprement parler (dans les différents programmes ainsi que selon les éditions retenues) ; le support documentaire qui constitue un ensemble quel’on pourrait qualifier de « bancal » dans le sens où l’interprétation que l’on peut faire des divers documents proposés nécessitent des compétences — dans le domaine de l’image par exemple — que l’enseignant ne maîtrise pas toujours et que l’élève, s’il est de plain-pied dans une société où ces outils sont banalisés, ne relie pas forcément au travail historique effectué en classe ; une étude du langage de ces manuels fait le lien qui mène à la comparaison réalisée dans la troisième partie, entre le traitement de la leçon sur la guerre d’Algérie dans les livres de classe et le même sujet traité dans les ouvrages universitaires (et dans la presse, puisqu’au cours de cette étude les médias ont largement diffusé la polémique qui a fait suite aux révélations diverses sur la torture). Le sujet ainsi balayé, nous évoquons l’ambition des éditeurs en matière d’his­toire, affichée dans les « avertissements » en début d’ouvrage.

ROSEMBERG Julien, Représentations de l’Histoire et idéologies sous-jacentes dans la collection Vécu de l’éditeur Glénat : 1984-2000, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001.

Les Éditions Glénat font aujourd’hui partie des trois plus grandes maisons d’édition de bandes dessinées en France. Créées en 1969 par Jacques Glénat, avant tout amateur du médium, elles se sont ouvertes depuis, à d’autres domaines dont celui des « Beaux-Livres ».

Profitant d’un contexte favorable, au début des armées quatre-vingt, l’éditeur décide de créer une collection de bandes dessinées historiques, suivant ainsi l’idée suggérée par Henri Filippini. Grâce au fonds déjà présent dans le magazine Circus créé dans les années soixante-dix, la collection Vécu nait en 1985, précédée du magazine du même nom qui accueille des bandes dessinées en prépublication. Vécu s’est rapidement développé jusqu’à contenir 332 albums en décembre 2000. Proposant des intrigues dans des contextes variés, la collection entraine les lecteurs dans des aventures sur fond historique. De nombreux auteurs collaborent, apportant des visions de l’Histoire variées. Tout en prenant en considération ces différences, il est néanmoins possible d’observer des visions communes éclairant sur une représentation collective des divers passés relatés. Pour cela, il faut prendre en compte les méthodes utilisées par les auteurs à travers un support spécifique : la série. Celle-ci possède des caractéristiques qui contribuent à donner des visions spécifiques du passé. Vécu ne s’adresse pas à des spécialistes de l’Histoire, mais plutôt à un lectorat éclectique et populaire.

Mais, tout auteur est de son époque, la vision du monde proposée dévoile une idéologie contemporaine au moment de la création. Ainsi, plus que d’instruire sur la science humaine, les auteurs informent sur la représentation qu’ils se font des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. S’il ne faut pas réduire ces différentes visions en catégories distinctes, il n’en demeure pas moins que certaines thèses sont récurrentes dans l’ensemble des albums. Le pouvoir et ses détenteurs sont unanimement décriés, ainsi que de nombreuses dérives qui entrainent des inégalités sociales. Loin de se contenter de fustiger, les auteurs posent des revendications. Le féminisme, l’anticléricalisme, l’équité et l’hédonisme constituent des voies proposées. Ces thèses convergent vers une idéologie libertaire diffuse dans les albums sans que de profils politiques soient réellement discernables ; cette vision transcende les clivages politiques traditionnels. De plus, ces thèmes se marient bien avec la bande dessinée d’aventure qui constitue aussi un élément permissif à la représentation de ceux-ci. Penser que ces visions sont peu reçues est une erreur puisqu’en moyenne, chaque année, plus d’un million d’albums sont vendus principalement en France.

Ce travail présente ainsi deux intérêts : contribuer à analyser le genre historique à travers un médium beaucoup lu et peu étudié, attester la présence d’une culture libertaire diffuse dans le milieu artistique français, laquelle transcende les clivages politiques traditionnels.

TEICHER Fabrice, L’affaire Garaudy dans la presse nationale française : analyse de la constitution d’une polémique autour du soutien de l’abbé Pierre à Roger Garaudy, Novembre 1995-décembre 1998, Maîtrise [Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 194 p.

En décembre 1995, la revue La Vieille Taupe publie Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, de l’ancien député communiste Roger Garaudy, ouvrage citant et reprenant un certain nombre de thèses négationnistes dans le cadre d’une critique virulence de l’État d’Israël. Cette publication a lieu dans la quasi-indifférence de la presse jusqu’à ce que, quatre mois plus tard, l’abbé Pierre soutienne son ami Garaudy et son ouvrage. Commence alors l’affaire Garaudy.

Cette étude analyse comment se constitue l’affaire Garaudy et son traitement éditorial, de la parution de l’ouvrage de Garaudy jusqu’à son jugement en appel le 16 décembre 1998. Le choix des acteurs et de la nature de cette affaire est révélatri­ce des méthodes de travail des journalistes à la fin de ce siècle. Pourquoi l’abbé Pierre est-il le personnage principal de ce que l’on appelle l’affaire Garaudy ? Les journa­listes — qui ont souvent occulté les défauts de l’abbé Pierre — se retrouvent ici pris à leur propre piège. Des personnes également impliquées dans l’affaire n’ont pas fait l’objet d’une celle médiatisation. C’est le cas de Roger Garaudy lui-même, paradoxalement relégué en arrière-plan de l’affaire qui porte son nom, mais également de son avocat Jacques Vergès, ou de l’essayiste Jean Ziegler.

Si une affaire est par définition un mélange de genres, l’affaire Garaudy en est un exemple parfait. Affaire inclassable, on la retrouve aussi bien dans les rubriques politique, sociale et justice que médias. Selon l’orientation des journaux et de leur public, cette affaire prendra donc une tournure politique ou culturelle. Cependant, le traitement de l’affaire par la presse est biaisé par la croyance, ou non, en l’existence d’un lien entre antisionisme et antisémitisme. En effet, Roger Garaudy se revendique du premier tout en prétendant condamner le second. C’est le traitement par la presse de l’actualité proche-orientale qui permettra de révéler la nature de cette ambigüité. La constitution et le traitement de l’affaire Garaudy sont révélateurs d’un certain nombre de comportements et méthodes de travail journalistiques de cette fin de siècle. Acteur ou canal de l’information, les journalistes sortent parfois du rôle qui leur incombe. Quand la presse rend la justice, cela se traduit par un traitement partial de l’affaire qui n’accorde que très peu de place au procès juridique de l’intéressé et à une opinion arabe internationale majoritairement acquise à sa cause. Enfin, cette affaire soulève les grandes questions du rapport d’influence entre l’opinion et la presse et celle de la déontologie des journalistes.

TOUMIT Cécile, L’alternative culturelle : le rôle et l’action d’associations d’opposition face à la politique culturelle de Jack Lang, 1981-1986, Maîtrise [Pascale Goetschel], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 151 p.

Depuis la fin des années 1960, la culture a véritablement fait irruption sur la scène politique. Avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en mai 1981, la culture devient un « impératif culturel » : le nouveau ministre de la Culture, Jack Lang, lance ainsi la France dans la politique du « tout culturel ». C’est dans ce contexte que des artistes, réunis au sein de l’association « Art et Lumière », se proposent de lutter conne de supposées théories avant-gardistes devenues, selon eux, « culture officielle ». D’une démarche à l’origine artistique — ils souhaitent fonder un festival « porteur de valeurs populaires et spirituelles » —, la contestation rejoint les objectifs des hommes politiques de droite. En effet, après vingt-trois ans de pouvoir, ces derniers sont rejetés dans l’opposition où ils prennent conscience de l’importance du fait cul­turel dans l’établissement d’une politique globale. La culture est devenue un enjeu majeur pour les élus, au même titre que l’économie. Ainsi, une « Association des élus pour la liberté de la culture » est créée à l’initiative du maire RPR de Saumur, Jean­ Paul Hugot, pour « arracher à la gauche le monopole de la culture ». Une alliance est donc passée entre les artistes et les hommes politiques de l’opposition : pour ces artistes — qui se trouvent hors des subventions du ministère de la Culture et qui se sentent « opprimés » et « menacés » — le monde politique de droite représente le seul soutien possible pour pouvoir « créer librement » dans l’optique spiritualiste qu’ils défendent. Au moyen d’une troisième association, l’« Alliance pour une nouvelle culture », ils vont donc chercher à étendre leurs relations à droite. Cependant, des liens sont aussi tissés avec des mouvances plus radicales, voire extrémistes, de la droite française. De leur côté, les élus — comme Jean-Paul Hugot à Saumur — utilisent la démarche artistique comme un élément actif d’une politique culturelle municipale. Mais ce mouvement contestataire, avec la création du Festival International de France — festival où se mêlent réalisations artistiques et forums de discussions politiques, va susciter l’intérêt de la presse. Certains, comme la presse locale et la presse de droite, s’intéressent à la démarche artistique qu’ils jugent de grande qualité, alors que la presse de gauche tend à présenter les associations comme un mouvement d’extrême droite. Ce jugement ne laissera pas indemne le mouvement aussi bien au niveau artistique que politique.

WASSELYNCK Myriam, Les volontaires des Brigades internationales et le Val­-de-Marne : leur vécu, leur image, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 125 p. + 23 p.

L’étude a pris en compte les personnes parties combattre volontairement dans les rangs de l’armée républicaine espagnole entre 1936 et 1939. Leur but était de venir en aide à la République, celle-ci devant faire face à un coup d’État militaire. Les putschistes, regroupés derrière le général Franco, ont été assistés par des troupes et du matériel allemands et italiens. Les républicains, abandonnés par les démocraties européennes, ont reçu le soutien de combattants volontaires internationaux.

Le contingent français a été le plus important, les historiens font état de 9000 individus. Leur importance numérique explique la limite géographique de cette étude. Le Val-de-Marne se situant dans la « ceinture rouge » de Paris, j’ai décidé d’étudier les hommes et les femmes liés à ce département dans ses limites d’avant 1964. Nous aborderons ici le cas de toutes les personnes ayant eu un rapport avec le Val-de-Marne, que ce soit par leur naissance, leur mariage, leur travail, leur habitation ou leur lieu de décès. En effet, ils ont tous influé sur l’image des combattants de la colonne internationale dans ce département.

Qui étaient-ils avant leur départ ? Comment ont-ils vécu la guerre d’Espagne ? En quoi leur participation à ce conflit a influé sur leur vie à leur retour ? Et, en paral­lèle à celles-ci, comment a été vu leur volontariat par leurs contemporains ?

Les Brigades internationales restent le symbole de l’engagement militant. Mais aujourd’hui encore les volontaires sont mal connus des Français. Le travail de mémoire n’a réellement débuté dans notre pays que depuis 1996. Nous sommes aux prémices de l’écriture de l’histoire des combattants de la colonne internationale, cette étude tente d’y participer.

WIEDER Thomas, La commission internationale contre le régime concentrationnaire, 1949-1959. Des rescapés des camps nazis combattent les camps de concentration, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 272 p.

Le 12 novembre 1949, Le Figaro littéraire publie en première page un appel aux anciens déportés des camps nazis et à leurs organisations, toutes nationalités et toutes tendances politiques confondues, les priant de constituer une commission d’enquête sur les camps de travail en URSS. L’auteur de l’article est David Rousset, rescapé de Buchenwald et Neuengamme, auteur de L’Univers concentrationnaire (prix Renaudot 1946).

L’initiative de Rousset suscite de nombreuses réactions. Les plus violentes viennent des rangs communistes. Le 17 novembre 949, Pierre Daix, ancien déporté à Mauthausen, publie dans Les Lettres françaises — dont il est le rédacteur en chef — un long article dans lequel il accuse Rousset de propagande antisoviétique, d’avoir falsifié les textes et de s’être appuyé sur de faux témoignages. Rousset réplique en engageant une action en diffamation contre Daix et son journal. Un an après, a lieu à Paris un procès retentissant où viennent témoigner un grand nombre d’anciens déportés du Goulag.

Si tous les anciens déportés et les intellectuels ne suivent pas les communistes dans leur croisade, rares sont ceux qui adhèrent sans condition à la proposition de Rousset. En limitant l’enquête aux seuls camps soviétiques, celui-ci est soupçonné d’arrière-pensées politiques qui, en cette période de guerre froide, demeurent inacceptables pour beaucoup, y compris pour de nombreux non communistes. En octobre 1950, la Commission internationale contre le régime concentrationnaire (CICRC) est finalement créée, mais son champ d’investigation est élargi à tous les camps susceptibles cl’exister à travers le monde. Composée d’Allemands, de Belges, d’Espagnols, de Français et de Hollandais, puis plus tard de Danois et de Norvégiens, la CICRC effectue, de 1950 à 1959, un travail considérable, et ce malgré des difficultés financières chroniques. Elle s’intéresse aussi bien à des États communistes — comme la Chine et l’URSS — qu’à des dictatures « de droite » comme l’Espagne et la Grèce, et même à la politique coloniale de la France, puisque des délé­gations de la CICRC étudient le problème des camps d’internement en Tunisie (1952) et en Algérie (1957). Chaque fois, des centaines de témoins sont interrogés, leurs récits sont décortiqués et comparés. De nombreux documents sont collectés, traduits et analysés. Lorsque la CICRC est autorisée à le faire, elle envoie sur place une délégation chargée de visiter les camps et les prisons. Dans le cas contraire, elle se contente d’un travail sur dossiers et organise une sorte de procès au cours duquel un tribunal d’honneur est chargé, comme c’est le cas pour l’URSS et pour la Chine, d’établir l’état des connaissances sur le système mis en cause, en statuant notamment sur son caractère « concentrationnaire » (ou non). Au terme de l’enquête, la CICRC publie ses conclusions, sous la forme de « livres blancs », et participe en tant qu’organisme consultatif aux travaux du Conseil économique et social de l’ONU. Enfin, à partir de 1954, le Bulktin d’information (qui devient en 1956 la revue Saturne) élargit le champ d’activité de la CICRC : parallèlement aux enquêtes ponctuelles, la CICRC étend ses investigations à des sujets plus vastes que les seuls camps de concentration. Elle cherche alors dénoncer les atteintes aux droits de l’homme à travers le monde.

WIHLIDAL Peggy, Création et essor du service des Affaires interrégionales du Ministère de la Culture, 1981-1984, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 233 p.

Cette maîtrise s’intègre dans le cadre d’une convention de recherche signée entre Paris 1 et le Comité d’histoire du ministère de la Culture sur le ministère Lang 1981-1988. Elle entend montrer comment a été préfiguré, mis en place, et s’est pérennisé le Service des affaires internationales du ministère de la Culture.

La création d’un tel service bénéficie de conditions favorables : l’existence d’une réflexion au sein du Parti socialiste sur la politique culturelle à mener ; une ambition culturelle internationale commune à François Mitterrand et Jack Lang ; un contexte propice à l’émergence d’un service autonome depuis les années soixante-dix (rapports Rigaud et Grémion).

La mise en place du Service des affaires internationales en 1981 permet au ministère de la Culture d’acquérir une visibilité dans le domaine des affaires culturelles internationales jusque là réservé au ministère des Affaires étrangères. Intégré à la nouvelle Direction du développement culturel, le service dirigé par P. Ollivier cherche à développer différents types de solidarités – francophonie, méditerranée, Europe – face à l’impérialisme nord-américain et œuvre en ce sens par le financement de diverses manifestations.

Les faiblesses de ce service sont néanmoins soulignées : un fonctionnement trop administratif, des liens artificiels avec la Direction du développement culturel et des relations difficiles avec le ministère des Affaires étrangères (AFAA). Le service a, malgré tout, le mérite d’exister de façon autonome et de fonctionner sans être le jouet du ministre. C’est ce dont témoigne le partenariat avec la maison des cultures du monde de Cherif Khaznadar ou avec l’association pour le dialogue entre les cultures d’André Larquié.

ZACHARIAS Mélanie, L’art contemporain au bureau. Les collections d’art d’en­treprise en France, 1967 à nos jours, Maîtrise [Pascal Ory], Univ, Paris 1, 2001, 219 p.

En France, l’art vivant a longtemps été négligé par les collectionneurs, même dans les collections publiques. Ce sont les années soixante qui ont amorcé la nais­sance des collections d’art contemporain réunies par des entreprises. À ne pas confondre avec les simples acquisitions d’œuvres d’art, une collection d’entreprise est une initiative patronale, prise en charge par un département spécifique dans l’entreprise, qui vise à constituer un ensemble esthétique cohérent d’art contemporain, et de qualité suffisante pour être susceptible de figurer à terme dans un musée. Seize collections françaises correspondent à cette définition, la première étant celle de Renault (1967) et la dernière celle de la Fondation d’entreprise NSM-Vie pour la photographie contemporaine (1997). Malgré le succès que cette formule connaît auprès des entreprises depuis 1967, aucune étude n’a posé de définition et n’en a écrit l’histoire. Le présent travail vise donc à dégager les évolutions du phénomène des collections d’entreprise sur la totalité de leur période d’existence, à partir d’une sélection de huit collections : Renault, SACEM, Fondation Cartier, Caisse des Dépôts et consignations, Vacances Bleues, Fondation d’entreprise Colas, Société Générale et Première Heure. Le plan thématique a été privilégié pour traiter ce sujet récent et comparatif.   ,

Les collections d’entreprise sont apparues il y a une trentaine d’années, l’État ne s’étant engagé en faveur del’art contemporain qu’à la fin des années soixante. Mises à part Renault et la SACEM le grand mouvement de création des collections d’entreprise n’a commencé que dans les années quatre-vingt, alors que le mécénat d’entreprise ­commence à se développer. Le gouvernement a mis en place des mesures d’incitation à l’attention des entreprises, dont deux concernent directement l’acquisition d’œuvres : la déduction des achats sur l’impôt des sociétés (loi du juillet 1987) et la création des fondations d’entreprise (loi de juillet 1990). Malgré cela, seulement seize collections ont été créées en France depuis 1967. Cela est très faible par rapport aux collections publiques, mais aussi en regard aux pays étrangers. Cette situation s’explique par la faiblesse de la philanthropie privée dans notre pays, avant même l’insuffisance des mesures juridiques et fiscales. Ces collections ont aussi vu le jour grâce aux évolutions qu’ont connues les entreprises dès les années soixante-dix. Le marché devient plus compétitif, et la concurrence entre les firmes les mène à repenser leurs politiques d’image, puis, au début des années quatre-vingt-dix, apparaît la notion d’« entreprise citoyenne », préoccupation nouvelle que cette dernière développe pour son environnement extérieur, notamment en soutenant les artistes contemporains.

Les collections d’entreprise ont toutes connu des évolutions similaires. La poli­tique d’achat suivie par les entreprises s’est organisé progressivement, certaines étant allées jusqu’à les inscrire dans une fondation, d’entreprise ou sous l’égide de la Fondation de France. En véritables mécènes, les firmes bâtissent au fil des années leur propre manière de prospecter sur le marché de l’art. Pourtant, après vingt ans d’existence, les budgets dévolus aux collections demeurent très modestes. Leur gestion s’est aussi modifiée et professionnalisée dans la durée, par l’appel à un personnel de conservation spécialisé. Cela a permis aux achats d’abord ponctuels de devenir de véritables collections, en adoptant une ligne de conduite de plus en plus précise. Le cadre des entreprises est une contrainte en soi, car il n’est pas destiné à recevoir des œuvres. Malgré la tentative de quelques sociétés de doter leurs collections d’un statut juridique, la plupart n’en possèdent pas.

L’étude de la réception de ces collections fait apparaître qu’il a fallu de nombreuses années d’efforts et de programmes pédagogiques pour que les entreprises parviennent à faire évoluer les regards très souvent critiques de leurs employés sur ces œuvres difficiles. Très récemment, elles sont finalement entrées dans la culture d’entreprise. Quant à la réception par le grand public, elle ne date que du début des années quatre-vingt-dix.

Les collections d’entreprises sont arrivées en France comme un nouveau contre­poids théorique aux collections publiques, prédominantes. Le phénomène s’est développé et structuré en trente ans, mais demeure mineur en regard aux collections publiques. Cela s’explique par plusieurs de leurs caractéristiques, qui demandent à évoluer davantage. Leur problème majeur est leur fragilité due à leur dépendance, à la conjoncture des entreprises, tandis que les collections publiques sont inaliénables.

2000

ANTOINE Émilie, Les choix littéraires de l’Action française 1908-1914. Naissance d’une école de goût, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 269 p.

Dans le système de pensée de l’Action française, le fait littéraire occupe une place de choix : doctrine politique et réflexions esthétiques sont inséparables, à l’instar de l’œuvre de Charles Maurras. L’objet de notre recherche porte sur la période d’avant 1914 et tend à prouver l’influence décisive de la critique littéraire de l’Action française dans les milieux littéraires contemporains, notamment par le biais de la Revue critique des idées et des livres ; influence qui s’explique, à n’en pas douter, par la rigueur et par la précision des principes concourant à l’élaboration d’une esthétique néo-classique de la littérature. Cette esthétique, de par les nombreux esprits qu’elle séduit, rencontre une adhésion suffisamment large pour laisser présager, avec la faciliter de juger à postériori, la future hégémonie intellectuelle de l’Action française dans les années 1920.

Les principes de cette esthétique reposent avant tout sur le respect de règles classiques de l’écriture (style, composition, distinction des genres…). Leur application généralisée devrait permettre, dans l’esprit des critiques littéraires de l’Action française, d’enrayer définitivement la « décadence littéraire » héritée du XIXe siècle. Le respect de la tradition littéraire française est l’autre point fondamental sur lequel insistent sans relâche les critiques. Selon la méthode maurrassienne de l’« Empirisme organisateur », la critique ne conserve que les œuvres dignes d’appartenir à cette tradition, qui fut à l’origine de la gloire des lettres françaises au XVIIe siècle. Dans la mesure où, dans l’esprit de l’Action française, restauration littéraire et restauration sociale sont liées, il revient également au critique d’encourager, par des choix conformes à la « tradition psychologique » de la France, des valeurs morales et sociales traditionnelles. On aurait tort de croire que ces choix se résument à de simples considérations théoriques : dans l’esprit des critiques, il est indispensable d’allier la parole à l’action et, pour servir ce dessein, il n’est pas exclu de soulever l’agitation, voire de recourir à la violence.

ANTON Églantine, La presse clandestine féminine communiste, Maîtrise [Claire Andrieu], 2000, Univ. Paris 1 CHS, 150 p.

Les journaux clandestins féminins communistes s’inscrivent dans la continuité de la presse féminine communiste d’avant-guerre. Internationale communiste a incité tous les Partis communistes à créer une organisation pour les femmes : les Comités de travail communistes parmi les femmes, dont le but est la propagande dans les masses féminines : un secrétariat féminin et un organe de presse réservé aux femmes. Mais en entrant dans la clandestinité, quelques adaptations sont parfois nécessaires. L’élaboration des journaux féminins est le résultat d’échanges entre les sphères dirigeantes du Travail parmi les femmes et la base organisée dans des Comités populaires féminins. Les différents échelons sont structurés selon le système des triangles propre à l’organisation du PCF. La réalisation et la diffusion sont également adaptées aux conditions particulières qui régissent la France entre septembre 1940 et août 1944 (limites du corpus étudié). Le contenu thématique évolue aussi, la vie chère mobilise les femmes — de tout temps les gardiennes du foyer — mais les symptômes sont conjoncturels : le manque d’argent, le rationnement, les queues interminables, la dénonciation du marché noir. Ces journaux font l’éloge des qualités typiquement féminines et font appel au sentiment maternel. L’entraide est le créneau militant de la femme, elle est le défenseur des faibles et de tous les déshérités : enfants, vieillards, familles des victimes de la répression, emprisonnées, prisonniers. La presse clandestine féminine reprend la spécialisation, fait typique, de la presse communiste, elle espère ainsi sensibiliser ses lectrices qui se reconnaissent dans au moins une des trois catégories : la militante communiste (ouvrières, jeunes filles), la ménagère et la femme de prisonnier (mères ou filles). La nouveauté qu’annonce cette presse est le véritable engagement de la femme dans la vie de la nation. Elle est présentée comme une fervente patriote ce qui ne l’empêche pas d’être une sympathisante voire une militante communiste, La presse clandestine féminine communiste appelle les femmes à une action plus réelle : la lutte contre l’occupant et ses alliés. Ce combat est très ambigu, il se traduit par des manifestations, du soutien aux combattants et même de la lutte armée, contestée par la majorité des militants et dirigeants communistes. L’action de toutes ces femmes sera reconnue (droit de vote), mais ne changera pas immédiatement la place de la femme dans la société ni le regard du PCF sur elle.

ARISTIDE Franck, La départementalisation des Antilles : étapes et vécu, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 217 p.

L’étude des étapes de la départementalisation des Antilles a été analysée avec le souci de mettre en relief l’évolution de l’état d’esprit des hommes politiques et de la population. La méthode utilisée est concentrée sur l’étude des archives de l’Assemblée nationale et des conseils généraux (projets de lois, vœux, débats…), de la presse et sur la réalisation d’entretiens. La chronologie de la recherche va de 1820 à 1970, c’est-à-dire du début de la revendication assimilationniste au début de la remise en question de la loi dite d’Assimilation. Toutefois, il est important de préciser qu’en ce qui concerne la première période (1820-1946), notre étude n’a pas été continue. En effet, durant toute cette période, la question de la départementalisation des Antilles n’apparaît qu’à certains moments. Les deux périodes qui suivent (l’année 1946 et la période 1947-1970) sont, par contre, « hantées », tout au moins aux Antilles (et même un peu en Métropole), par cette question. Nous les avons donc étudiées de façon plus suivie. En outre, précisons que, si la départementalisation a concerné les quatre « vieilles colonies », Guadeloupe, Martinique, Réunion et Guyane française, nous avons consacré notre analyse aux Antilles (Guadeloupe et Martinique) et, plus particulièrement, à la Guadeloupe. Ce choix se justifie par le fait que les recherches ont été effectuées en France et en Guadeloupe où la majorité de la documentation visée ne concernait que ce département.

La question de la départementalisation peut se résumer de la sorte, du moins pour notre période d’étude :

•1630-1820 : la politique de la France tend vers l’assimilation des « vieilles colonies », mais la question ne se pose guère ; • 1820-1946 : la revendication assimilationniste devient de plus en plus importante dans les « vieilles colonies », dans toutes les strates de la population (d’abord chez la bourgeoisie de couleur, puis chez la population noire et enfin chez les békés ou colons), avec cependant des petites différences de vue entre les deux partis de l’époque. La France fuit la sourde oreille ; • 1946 : c’est le consensus général. La revendication est toujours présente dans les « vieilles colonies » et la France accepte enfin de donner satisfaction aux populations antillaises ; • 1947-1970 : de nombreuses réalisations et améliorations dans les DOM, mais aussi de nombreux problèmes posés par la départementalisation. C’est le début de la remise en question du statut de département français d’outre-mer.

AUZAS Vincent, La Mémoire de la Résistance chez les cheminots : construction et enjeux (septembre 1944-novembre 1948), Maîtrise [Jean-Louis Robert, Christian Chevandier], 2000, 182 p.

Entre septembre 1944 et décembre 1948, y a-t-il eu volonté de construction de la mémoire de la Résistance chez les cheminots et quels en étaient les enjeux ? Cette recherche a essentiellement été accomplie à partir de journaux issus du monde des cheminots : Notre Métier, La Tribune des Cheminots (CGT), Le Cheminot de France (CFTC), Le Rail syndicaliste (FO). À ces publications, soumises à un traitement informatique, se sont ajoutées des sources provenant de différents instituts de recherche : l’Institut d’histoire sociale de la Fédération Nationale des travailleurs du chemin de fer (CGT) ; le centre d’archives interconfédéral (CFTC)… Dans une première partie, il a été nécessaire de mettre en évidence trois démarches différentes apparaissant entre septembre 1944 et mars 1946. Puis, dans une seconde partie, il fallait se demander sous quelle forme a été matérialisée cette mémoire, avant juin 1947. Enfin le second semestre 1947 apportant un grand changement contextuel, qui est marqué notamment par une accentuation des tensions dans les relations sociales, il était donc intéressant de voir quelle avait été la place de la mémoire de la Résistance des cheminots au cœur des grèves de 1947, en distinguant celle de juin de celle de décembre. Puis se demander si ces conflits, ainsi que ce nouveau climat social, qui aboutit en novembre 1947 à l’exclusion des représentants de la CGT du Conseil d’Administration de la SNCF, n’ont pas apporté de modifications dans les approches de la mémoire de la Résistance chez les cheminots.

BEL Arnaud, Initiatives culturelles et problématique de l’intégration à Saint-Denis de 1989 à 1999, Maîtrise [Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 141 p.

À la fin des années 70, la politique française en matière d’intégration change. Il y a concomitance entre l’élaboration d’une politique d’intégration des immigrés et la montée du chômage et de l’exclusion qui résulte de la crise économique. Parallèlement, l’action culturelle en direction des immigrés se développe. Elle devient un outil de la politique d’intégration.

En raison de l’importance de la population étrangère à Saint-Denis, la politique d’intégration et les actions culturelles qui y sont menées ont valeur d’exemple. La municipalité dionysienne pratique une politique volontariste visant à résoudre les problèmes sociaux liés à l’intégration, dans des circonstances économiques particu­lièrement difficiles. Elle tente de réunir une certaine cohésion sociale sur les ruines de l’identité ouvrière de la « banlieue rouge ». La culture est un outil pour promouv­oir l’intégration à la vie de la cité. L’étude couvre la période 1989-1999. Elle vise à examiner, en prenant l’exemple de la politique culturelle, comment la municipalité de Saint-Denis s’attaque à la problématique de l’intégration pour en faire une poli­tique globale et, en même temps, spécifique à chaque quartier. Elle montre en quoi les initiatives « du terrain » se révèlent prédominantes dans l’élaboration de la politique culturelle face à l’essoufflement des solutions mises en œuvre au niveau natio­nal pour favoriser l’intégration. L’étude montre par ailleurs qu’il existe une spécificité de la politique d’intégration par la culture. La municipalité recourt systématique­ ment à l’outil culturel lorsque les circonstances (exemple : la période de la Coupe du Monde) sont favorables et lorsque les conditions matérielles existent. Il apparaît que la réussite d’une véritable politique d’intégration — qui ne se limite pas à la lutte contre l’exclusion — dépend de facteurs extérieurs et notamment de la situation économique générale ainsi que de la synergie des efforts au niveau local et national.

BÉTARD Daphné, Les expropriations dans la rue Geoffroy-l’Asnier (1940-1944), Maîtrise [Claire Andrieu, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 173 p.

En 1941, la Préfecture de la Seine a organisé une série d’expropriations dans la partie sud du quartier de Saint-Gervais, à Paris. Il s’agissait d’immeubles jugés plus ou moins insalubres appartenant à « l’îlot 16 » ; îlot défini selon des statistiques de décès par tuberculose et des notions hygiénistes du début du 20, siècle. La rue Geoffroy-l’Asnier nous a paru un objet particulièrement pénitent pour étudier les expropriations qui ont eu lieu dans l’îlot 16 sous Vichy. Il a été possible d’étudier en détail les relations entre les différents facteurs et acteurs des opérations d’expropriation. Ces opérations ont pu avoir lieu par le biais des nouvelles lois promulguées par le gouvernement de Vichy qui s’appuyaient sur la notion d’insalubrité générale et non plus sur l’insalubrité de chaque immeuble en particulier. Deux types de questions se posent dès lors qu’on aborde le thème des expropriations : celles qui se rapportent à l’expropriation proprement dite et celles qui concernent les conséquences des expropriations sur la population du quartier. La première phase de la procédure consistait à acquérir les immeubles. Ensuite, l’administration devait évincer (dépossédé juridiquement de leurs locaux) et indemniser les locataires de logements d’habitation et de locaux commerciaux. À travers l’étude des cas d’expropriation de la rue Geoffroy-l’Asnier, on se propose donc d’étudier comment la Préfecture de la Seine, grâce à la législation de Vichy, a pu exproprier des immeubles considérés comme globalement insalubres et comment les locataires de logements d’habitation et les com­merçants de la rue ont subi et vécu leur éviction en pleine période d’Occupation.

BOULLAND Paul, L’encadrement de la Fédération Communiste de Seine-Ouest (puis Hauts-de-Seine) de 1953 à 1968, Maîtrise [Claude Pennetier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 317 p.+ 56 p. d’annexes.

Ce mémoire se propose d’étudier la direction de la fédération du Parti commu­niste français de la banlieue Ouest de Paris. Depuis la création de la fédération en 1953 jusqu’en 1968, nous avons cherché à analyser, sous des angles divers, le groupe des militants qui donnaient corps à cette équipe dirigeante. La structure du Comité fédéral se trouve en effet à l’intersection de deux problématiques au cœur de l’histoire et de l’analyse du PCF. Elle pose la question des mécanismes de la promotion au sein du Parti et, de façon plus générale, celle des pratiques politiques, militantes et sociales mises en jeu par celui-ci. Nous tentons de déterminer la composi­tion de ce groupe et comment celui-ci s’inscrit dans un environnement géographique, social et politique au cœur de la politique et du discours communistes.

Dans les années 50, on remarque l’évolution d’une équipe dirigeante en construction et, de façon générale, l’existence de certaines étapes importantes du renouvellement, comme l’année 1964, qui révèle les aménagements apportés à la direction fédérale à une date charnière de l’histoire du PCF. Du point de vue des individus, il est surtout intéressant de noter que le Comité fédéral était une structure composée de militants issus de divers horizons de l’organisation communiste. Nous avons tenté de les classer en différents types qui s’organisent selon les attributions du Comité fédéral, depuis les gestionnaires des organismes locaux jusqu’aux cadres supérieurs du Parti ou aux notables communistes.

Derrière l’unité des processus individuels de l’engagement militant, nous décelons les évolutions qui ont pu déterminer l’existence de plusieurs générations militantes. On peut en particulier s’attarder sur l’identification d’une génération originale, issue de la période de la Guerre d’Algérie. Cette distinction est à mettre en lien avec le renouvellement important de l’année 1964, qui marque son avènement. La question des femmes apparaît également décisive, notamment par ce qu’elle révèle du fonctionnement de l’organisation communiste. On voit en effet que le militantisme féminin restait marginal au sein du Parti communiste, du fait de l’incapacité à surmonter les contraintes sociales pesant sur les militantes. De son côté, la classe ouvrière représentait un élément d’unité essentiel, jusque dans la représentation d’autres catégories sociales. Marqué par le poids des ouvriers qualifiés, le groupe l’était aussi dans une certaine mesure par la distance prise avec les réalités de la condition ouvrière. Par les importantes responsabilités qui incombaient aux permanents, l’essentiel du travail politique et organisationnel était de fait pris en charge par des militants qui sortaient du cadre strict des réalités et de la sociabilité ouvrières, tandis que les mécanismes de la promotion façonnaient une identité sociale et politique propre aux militants. La structure fédérale participait activement à la cohésion de l’organisation communiste, notamment par son rôle auprès des organismes de base, et elle contribuait au travail en direction de l’ensemble de la population, par une pratique ancrée dans le territoire placé sous sa responsabilité.

La fédération Seine-Ouest apparaît de façon générale comme un espace privilégié de la pratique communiste. Les militants tentaient d’y créer une forme d’asso­ciation entre identité locale et identité communiste et ils contribuaient ainsi à la for­mation et à la pérennité du mythe de « la banlieue rouge ». À ce titre, la banlieue ouest était un espace placé en permanence sous le regard de la direction nationale. De façon générale, l’étude de la direction de la fédération Seine-Ouest permet de révéler certaines évolutions ou certains mécanismes décisifs du point de vue de l’ensemble du Parti communiste français. Les modifications apportées dans cette pério­de au corpus doctrinal autant qu’aux pratiques militantes, modifications traduites en termes de recrutement et de promotion, semblent ainsi montrer que la période de la fin des années 50 et des années 60 fut essentielle dans l’histoire du PCF.

CHARLIER Raphaële, Le minutier central des notaires de Paris, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 191 p.

Les archives notariales qui restituent avec authenticité les actes courants de périodes reculées de notre histoire présentent beaucoup d’intérêt pour l’historien. Elles constituent, entre autres, une des seules sources permettant de retracer l’histoi­re sociale et économique de notre pays avant le XVIIIe siècle. Nombre d’historiens, de biographes, de généalogistes font appel aux actes notariés pour effectuer leurs recherches relatives à la littérature, l’économie, le social, l’art, etc. Dès la fin du XIXe siècle, les sociétés savantes s’insurgent contre le manque de rigueur dont il est fait preuve dans la conservation des archives à la garde de chaque notaire. Elles soulignent cet intérêt historique qu’ont pour elles des archives quelquefois devenues sans intérêt juridique et pratique, dont les familles ignorent souvent l’existence, et qui constituent une charge pour le notaire qui, faute de moyens, de temps ou de bonne volonté, les laissent se dégrader au fond des caves et greniers de ses locaux.

Le 14 mars 1928, une loi vint couronner les efforts déployés depuis plusieurs années par l’archiviste Ernest Coyecque pour obtenir le dépôt des archives des notaires aux archives Nationales et départementales. En application directe de cette loi, l’inauguration officielle du Minutier Central des Notaires de Paris eut lieu le 28 mai 1932 à l’hôtel de Rohan, acquis cinq ans plus tôt par les Arcltives nationales. Les Archives de France, en charge directe du Minutier Central des Notaires de Paris, furent amenées, depuis son ouverture, à assumer les problèmes logistiques et matériels liés aux dépôts et à la conservation des archives des notaires. Cette prise en charge par des professionnels de l’archivistique permit alors de mettre à la disposition des chercheurs en tout genre des outils performants grâce à la méthodologie mise en place au fil des années pour gérer le fonds d’archives ainsi constitué. Le problème juridique alors soulevé par la communication de ses archives particulières demeura un frein à la recherche historique, car le développement du Minutier resta intimement lié au milieu très fermé du notariat, caractérisé par la Chambre des Notaires de Paris, institution extrêmement riche qui se retranchait derrière le secret professionnel pour éviter l’immixtion d’autres organismes dans son domaine réservé.

CONRAD Ludivine, La politique éditoriale des Éditions Denoël – 1928-1945, Maîtrise [Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 144 p.

Les Editions Denoël, fondées en 1929 par le jeune Belge Robert Denoël, après des débuts assez confidentiels marqués par l’édition d’ouvrages à compte d’auteur, connaissent très rapidement le succès avec des ouvrages tels que L’Hôtel du Nord d’Eugène Dabit. En quelques années seulement, marquées par des publications importantes comme celle du Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline en 1932 et par l’association avec l’Américain Bernard Steele, cette jeune maison d’édition parvient à faire partie du trio de tête de l’édition française, aux côtés des prestigieuses maisons Gallimard et Grasset, et à les concurrencer sur leur terrain même de prédilection, celui des prix littéraires.

Il s’est agi de montrer quels ont été les différents facteurs qui ont présidé à une telle réussite et leur évolution dans le temps, qu’il s’agisse dans les premières années de la mise en place d’une véritable structure éditoriale et de la constitution d’un cata­logue, ou par la suite de la diversification de ce dernier, en considérant les pratiques éditoriales mises en œuvre qui ont permis aux Éditions Denoël d’acquérir une place originale dans le champ de l’édition française pendant la période considérée, par une conciliation réussie entre capital économique et capital symbolique, édition littéraire et édition populaire, mais au prix d’accommodements plus ou moins marqués avec l’occupant de 1940 à 1944. Il a ainsi été possible de voir dans quelle mesure Robert Denoël a mené une politique éditoriale qu’on peut qualifier de cohérente malgré un catalogue de prime abord hétéroclite, par une stratégie placée sous le signe de l’anticonformisme et du jeu de l’antagonisme avec des maisons d’édition comme Gallimard, et marquée par une figure d’éditeur parvenant in fine à réconcilier le grand public et la critique, le sens des affaires et l’amour de l’art.

CRÉTOIS Anne, L’encadrement de la presse pour la jeunesse par la Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence (1955-1962), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 222 p. + 23 p. d’annexes

« Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ». Telle est la mention mystérieuse que l’enfant découvre au dos de son journal ou de son livre. La formule est obligatoire. Elle atteste le contrôle d’une commission instituée par la loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse et installées au ministère de la Justice depuis 1950.

À la fin des années cinquante, cette commission bénéficie toujours de façon plus ou moins marquée du soutien des acteurs qui l’ont portée sur les fonts baptismaux : les autorités politiques et les éducateurs notamment.

Elle s’intéresse en particulier à la représentation de la violence dans les illustrés et à son influence réelle sur les enfants. Elle condamne aussi le racisme, la fausse science-fiction, la débauche et le mercantilisme. Prenant sa mission à cœur, elle déborde ses prérogatives et étend son contrôle aux médias récents, mais néanmoins dangereux : la radio et la télévision. Elle est encouragée dans cette voie par les éditeurs de presse enfantine las d’être seuls à être contrôlés aussi strictement.

Les éditeurs français, mais aussi étrangers doivent s’adapter aux exigences de la Commission. L’autocontrôle au sein d’associations, l’autocensure et la respectabilisation se développent alors. Mais les éditeurs commerciaux ne peuvent perdre de vue la nécessaire rentabilité de leur entreprise que la Commission néglige trop fréquemment. Celle-ci brandit la menace de sanctions judiciaires devant les récalcitrants. À partir de 1961, elle bénéficie d’une jurisprudence en la matière. Elle gagne en effet à cette date un procès contre Pierre Mouchot, seul éditeur de presse enfantine à avoir été condamnée. Mais elle constate aussi la longueur de l’affaire débutée en 1954 et ponctuée de nombreuses relaxes de l’accusé. Elle s’emploie donc à retrouver la persuasion tout en cherchant des sanctions extrajudiciaires.

À partir de 1962, une autre lutte s’annonce pour les commissaires. Ils sont alors les témoins amers de l’avènement d’une presse du cœur destinée aux adolescentes et surtout de l’explosion de la presse pour teenagers avec Salut les copains. Ces deux nouveaux types de revues n’obtiennent pas du tout leurs suffrages.

DARNON, Matthieu, La médiatisation de la délégation soviétique à travers les journalistes sportifs aux jeux olympiques, Maîtrise [Michel Dreyfus, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CHS, 2000

DAVID Julia, La candidature de Daniel Cohn-Bendit aux élections européennes du 13 juin 1999 : retour d’un mythe français très médiatique, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 166 p.

Provoquant un véritable court-circuit temporel, le retour sur la scène politique française à l’occasion des élections européennes du 13 juin 1999 de l’ancien leader étudiant de Mai 68, Daniel Cohn-Bendit, ne va cesser de susciter le débat, d’agiter les cénacles journalistiques, de diviser les opinions. Grondements du sol et raz de ­marée, l’irruption de « Dany » engendre des remous médiatiques véritablement vol­caniques. Tel le phœnix de la fable renaissant de ses cendres, « l’anarchiste allemand » l’affirme : « Je suis venu boucler la boucle ». Les journalistes sont au rendez-vous et l’accueillent comme un véritable « Messie d’outre-Rhin ». Pour autant, par-delà l’intérêt évident, la petite musique médiatique est loin d’être monocorde et les journalistes semblent emportés dans un maelstrom des plus confus. Entre ceux qui y voient une occasion de nouveau monde et s’abîment dans la révérence, et ceux qui fustigent le retour des vieilleries soixante-huitardes repeintes aux couleurs du jour et posent Daniel Cohn-Bendit en parangon de la pensée unique, les orientations les plus diverses se manifestent. Fulgurances et ravissement, tensions et relâchements, la gamme des variations et des ambigüités se déclinent à l’infini. Mais toutes puisent, de la « Cohn-Benditomania » ardente au persifflage militant, dans le même arsenal imaginaire. Véritables rhapsodes modernes, tout à la fois déchiffreurs et ourdisseurs du mythe Cohn-Bendit, les médias feront preuve d’une maestria de conteurs. L’objet du mémoire est d’éclairer les arcanes de cette structure labyrinthique qu’est le monde des représentations et de comprendre comment s’opère la manipulation des ressources symboliques : quel rôle jouent les médias dans ce processus concret qu’est la cristallisation d’une mémoire collective, d’une « communauté imaginaire ».

DELPIROU Aurélien, Du Front de Seine au Parc André Citroën. Les conséquences spatiales de la rénovation urbaine dans le XVe arrondissement de Paris, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Mathieu Flonneau], 2000, 221 pages + 1 vol. d’annexe

Au sud-ouest de Paris, entre la tour Eiffel et le pont du Garigliano, la frange fluviale du XVe arrondissement s’est brutalement et radicalement transformée : le Front de Seine de Grenelle et l’aire Citroën à Javel ont été l’objet, à vingt années d’écart, de deux des plus importantes opérations de rénovation urbaine depuis les années soixante. Ce travail, fondé sur une approche essentiellement matérielle de la ville centrée autour de la notion de tissu urbain, s’attache à montrer dans quelle mesure cette rénovation modifie les structures de l’espace physique des quartiers. Il rappelle tout d’abord que les deux projets d’aménagement s’inscrivent dans un contexte urbain comparable. Les deux espaces initiaux appartiennent à la périphérie de la ville et présentent un parcellaire ancien occupé majoritairement par de vastes emprises industrielles et un tissu bâti peu dense et dégradé. Ensuite, il réinscrit les deux projets dans le cadre de la politique urbaine menée à Paris depuis 1945 par la préfecture et, après la progressive décentralisation de l’action urbaine, par la ville elle-même. Puis, ce travail met à plat le processus décisionnel de la rénovation et présente les mécanismes et les étapes de la phase opérationnelle des aménagements. Si la procédure de ZAC a en partie permis une démocratisation de l’urbanisme et un assouplissement des procédures, le déroulement des deux opérations est finalement très proche : définition d’un périmètre précis d’urbanisation, planification de l’aménagement par un document de référence (plan urbanisme de détail ou plan d’aménagement de zone), prise en charge des opérations par la même société d’économie mixte et, finalement, maîtrise de la collectivité publique. Ce travail achève par l’étude de détail consacrée au bilan spatial des deux rénovations et à celle du fonctionnement des espaces transformés. Au Front de Seine, l’application rigide de l’urbanisme de dalle et de la construction verticale a engendré la destruction du parcellaire préexistante et de la trame viaire, bouleversant l’organisation de l’espace de la ville. Le nouveau quartier, coupé de son environnement urbain, reste cependant attractif du fait d’une occupation et d’une localisation valorisantes. La ZAC Citroën, aménagée vingt ans après en réaction au Front de Seine, offre l’exemple d’un urbanisme fondé sur le respect des proportions, des lignes du paysage et de la continuité urbaine entre tissu ancien et tissu rénové. La difficulté d’appliquer ces principes à grande échelle a engendré un décalage entre les objectifs et le résultat. Aujourd’hui, la ZAC pêche par déficit d’urbanité et par une certaine artificialité. Finalement, l’approche historique de la rénovation urbaine permet de montrer la fragilité d’un espace urbain lorsque l’on veut effacer ses racines.

DENIAUD Emmanuel, Issy-les-Moulineaux, Malakoff, Meudon. L’action municipale en direction de la jeunesse 1955-1970. Naissance des politiques municipales d’éducation extra-scolaire au temps du « youth-boom », Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 414 p.

À la fin des années cinquante, en plein cœur de la croissance, la jeunesse, au sens le plus large, redevient une préoccupation politique. Les postes budgétaires des communes et les débats des conseils municipaux lui font de plus en plus la part belle. En 1970, l’action en direction de la jeunesse est devenue sous diverses formes un des axes majeurs de l’intervention des municipalités. Mais alors que l’école reste la chasse gardée de l’Éducation nationale, les mairies ont pu investir à loisir leurs compétences dans le domaine extra-scolaire. À tel point que l’on peut se demander si ce n’est pas au cours de cette période que sont nées les politiques municipales en direc­tion de la jeunesse.

Mais rechercher les traces d’une apparition des politiques municipales en direction de la jeunesse suppose de définir préalablement quelques critères permettant de valider leurs présences. D’autre part, s’il est à priori certain que les communes ont appréhendé différemment ce domaine, il faut se demander comment nécessité, autrement dit les circonstances, et la contingence, autrement du la volante politique, se sont partagées la responsabilité de l’émergence de ce nouvel axe de l’action des municipalités. Ceci nous conduit à nous interroger sur l’incidence de la couleur politique sur les choix municipaux concernant la jeunesse.

Avant même de prendre en considération l’action concrète des municipalités, c’est-à-dire la mise en pratique de leurs décisions, on constate, en analysant les origines de leur action, leurs discours ou les budgets qu’elles votent, qu’elles se distinguent nettement les unes des autres dans leur manière d’approcher les questions relatives à la jeunesse. Cette différenciation se retrouve lorsqu’on étudie plus finement les résultats de l’action de chacune. Des courbes d’évolution comparables se dessinent toutefois, tant en termes de quantité des actions que de qualité, même si ce res­serrement vers la similitude peut en partie être expliqué par la faiblesse des archives en ce qui concerne le contenu des actions. Ce qui est vrai pour la fin des années cinquante, qui est surtout une période d’amplification des actions plus que de renou­vèlement, l’est moins par la suite. En effet, l’intervention plus marquée d’autres acteurs ou la volonté de certains de réaffirmer leur primauté dans l’éducation de la jeunesse obligent les municipalités à mieux se démarquer, donc à plus expliciter leurs actions. Ainsi, à la fin des années soixante, les actions se sont diversifiées, d’autres sont nées, mais surtout, chacune est mieux définie qu’auparavant. C’est à cet instant, lorsqu’elles deviennent le fruit d’une réflexion voulue par les magistrats de la commune, que les actions municipales se démarquent les unes des autres et s’affirment ou non comme de véritables politiques municipales en direction de la jeunesse. On constate alors désabusé — s’il en est — que l’histoire est décidément bien conservatrice, puisque les décalages constatés à l’arrivée sont souvent les mêmes que ceux du départ…

DORE Delphine, Le personnel de l’Assistance publique pendant la Seconde Guerre mondiale, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 214 p.

En 1939, l’Assistance publique constitue la première institution hospitalière de France avec 34 948 lits occupés, répartis entre 69 établissements. Afin de remplir ses multiples missions et d’assurer le fonctionnement de ses différentes structures, elle rassemble environ 30 000 agents, répartis en cinq catégories : les médicaux, les administratifs, les soignants, les ouvriers et les techniques. Malgré la diversité de leurs fonctions, ils sont soumis dans leur ensemble aux mêmes exigences, formulées par la direction générale en matière de compétences et de discipline depuis le début de la laïcisation des hôpitaux dans les années 1880. Dans quelle proportion les événements de la Seconde Guerre mondiale modifient-ils cette description du personnel des Hôpitaux de Paris en 1939 ? Nos recherches ont eu pour but de retracer les principaux thèmes qui ont marqué l’histoire des agents pendant les années 1939-1944. Cependant, en parallèle à cette démarche, nous nous sommes demandé si nous pouvions parler d’une réelle spécificité à propos de la situation vécue par ce personnel pendant la Seconde Guerre mondiale. En d’autres termes, l’appartenance à cette institution, dont les deux principales missions sont de soigner et d’accueillir, confère-t-elle aux conditions de travail, aux conditions d’existence et à l’engagement des agents des Hôpitaux de Paris un caractère spécifique ? Les sources consultées aux Archives de l’AP-HP et à l’Union Syndicale de l’Assistance publique nous ont permis de dégager les différents enjeux qu’a pu représenter cette période pour la profession hospitalière, notamment en termes d’identité et de représentation.

DU LIEGE Morgane, Images et représentations des femmes dans la presse du Front national, 1984-1997, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 170 p.

Il existe non pas une, mais plusieurs images des femmes développées dans la presse du Front national, que ce soit à travers des journaux comme National Hebdo, des films de la société de production National Vidéo, ou des livres écrits par des militants. Les représentations reposent sur une symbolique très forte, à savoir, le rappel permanent de l’esprit patriotique incarné par Jeanne d’Arc, les origines de l’Homme avec la Vierge Marie, et la féminisation excessive de la France, terre de la Patrie et mère nourricière. Les femmes jouent un rôle concret très important dans l’évolution et la stratégie du parti, tant par le nombre croissant des militantes, ou le discours qu’elles développent et qui est celui de Jean-Marie Le Pen. Les femmes du Front national vivent le militantisme sur le terrain et ont acquis avec le Cercle national femmes d’Europe une certaine place au sein du parti. Sans pour autant se dire féministes, elles revendiquent une certaine reconnaissance de leur action et mettent en avant leurs qualités féminines comme atouts politiques. La vie familiale reste au premier plan et fait partie du programme du Front national. Mais, ayant conscience de l’évolution de la société, le parti a adapté son discours et, aujourd’hui, affiche un idéal féminin dynamique et volontaire, présent sut tous les fronts.

ELAMMOUNI lhsane, Le Rouge et le Bleu de Charles Spinasse, une expression du « socialisme » dans la collaboration (novembre 1941-août 1942), Maîtrise [Claire Andrieu, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 439 p., + 87 p. d’annexes

L’hebdomadaire Le Rouge et le Bleu est publié en zone occupée, sous censure allemande, du 1er novembre 1941 au 22 août 1942. Le journal est fondé et dirigé par Charles Spinasse, un homme dont l’itinéraire politique est en partie lié à la crise de la SFIO des années trente. Cet ancien député et ministre socialiste (SFIO) du Front populaire, maire d’Egletons, rallié au maréchal Pétain dès le 18 juin 1940, présente son périodique comme la « revue de la pensée socialiste française », défendant une collaboration avec l’occupant « dans l’égalité des droits », et dans un esprit de fidélité à 1936. L’image la plus souvent associée au Rouge et le Bleu dans l’historiographie est celle d’un hebdomadaire relativement discret en matière de propagande pour l’occupant, tentant, dans la mesure du possible, de défendre l’héritage de la République et du Front populaire, et s’attirant ainsi de violentes attaques de la part des journaux autorisés appartenant pour la plupart à l’aile « droite » de la collaboration, avant d’être rapidement interdit par les autorités allemandes.

Cette recherche entreprend d’analyser les mécanismes contribuant à donner au journal de Charles Spinasse des allures de collaboration « convenable », et de cerner la spécificité du Rouge et le Bleu, au sein de la presse collaboratrice, en analysant la structure de l’objet « Le Rouge et le Bleu », le profil de l’équipe rédactionnelle, et l’évolution de la ligne éditoriale du journal, de novembre 1941 à l’été 1942. À cette date, Le Rouge et le Bleu exprime explicitement, par la voie de Charles Spinasse, et d’autres rédacteurs, son refus du modèle fasciste et nazi de parti unique, non sans avoir prôné, tout au long de sa période de publication, l’instauration d’une république autoritaire, animée par un grand parti populaire, et laissé transparaitre, sous la plume de certains rédacteurs, une forme d’attraction souterraine pour le fascisme et le nazisme. L’étude du Rouge et le Bleu, hebdomadaire « socialiste » autorisé, permet d’apporter des éléments de réflexion supplémentaires à la question des rapports existant entre collaboration de « gauche » et glissement, ou non, dans le fascisme, durant les deux premières années de l’occupation.

ESSOMBE Roger Magloire, La politique urbaine de la commune de Saint-Gratien (Val-d’Oise) de 1959 à 1977, Maîtrise [Annie Fourcaut, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 148 p., + 30 p. d’annexes

La présente étude a été menée dans une triple perspective : – l’analyse des ruptures et innovations ; – l’analyse des principales réalisations ; – l’analyse des nouvelles politiques urbaines.

Après une introduction historiographique relative à la banlieue et Saint-Gratien, à la politique d’aménagement et du logement de l’État, nous avons distingué trois étapes chronologiques d’inégales valeurs temporelles. Elles correspondent à la trame urbaine de la commune de Saint-Gratien.

De 1959 à 1962, une nouvelle équipe de gauche, vainqueur des municipales de mars 1959, met en place des conceptions urbanistiques qui faisaient défaut à la commune. Assainir et rénover le centre, urbaniser la périphérie, en construisant des logements sans pour autant rompre l’équilibre résidentiel de la commune. Les nouveaux textes favorisant l’établissement des plans et opérations de rénovations urbaines ont, été la base des principales orientations modernistes de la commune. De 1962 à 1973, en pleine expansion économique, l’urbanisation de la commune est caractérisée par la réalisation des grandes opérations urbaines : la rénovation dans ces deux premières tranches, où la priorité est donnée au logement social ; aux grands ensembles de Raguenets et des Marais s’opposent les ensembles pavillonnaires de la « Terreaux Clercs » et des « Dix Arpents ». En dix ans, la commune a connu une profonde mutation socio-démographique. Le grand ensemble des Raguenets est à l’origine de cette forte expansion, diversifiant ainsi sa structure sociale, ouvriers et employés venant s’ajouter à une population ou jusque-là dominaient les classes moyennes et aisées. De 1973 à 1977, cette période se distingue par de nouvelles politiques urbaines. Pour des raisons conjoncturelles (crise économique, désengagement progressif de l’État depuis 1970), la rénovation urbaine dans ses deux dernières tranches perd son caractère social et prend l’aspect sélectif. Un nouvel urbanisme à dimension humaine fait son apparition. La commune opte pour la politique del’environnement en associant la population à l’aménagement des espaces verts. Le P.O.S. ne fera que constater les principales réalisations de la commune.

Après avoir fait état de l’évolution des conceptions urbanistiques des conseillers, allant des solutions inspirées du mouvement moderne (destructrices pour le tissu urbain traditionnel du centre), à l’adoption d’un « nouvel urbanisme » qui fait une part essentielle à des préoccupations d’environnement, la conclusion insiste sur l’ori­ginalité de la politique écologique municipale. Celle-ci va au-delà du cadre de la consommation culturelle et place les habitants au centre des décisions. Ce mode par­ticulier d’approche de la ville souvent d’actualité, devrait s’imposer à tous.

FORTIER Bruno, Le genre gangster dans le cinéma français des années 1960, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 117 p.

Les années 1960 sont les témoins d’une mutation de la France, aussi bien politique que sociale et culturelle. Dans ce contexte de modification hexagonale, le cinéma opère, lui aussi, sa reconstruction dans une optique de profit rapide et de consommation de masse. En contrepartie d’un processus d’oubli d’un passé trouble et d’une actualité politique brûlante, les spectateurs (confortés par les pressions éta­tiques) se confinent dans une volonté générale de divertissement, dont le film de gangster est l’archétype. Issu d’une fascination, née de l’après-guerre, pour la culture américaine et, francisé par l’apport de la Série Noire, ce genre satisfait une majorité du public, par la standardisation de ses formes structurelles et des situations exposées. Levant le voile sur les mystères du crime, le truand est porté aux nues, autant par le rêve que son ascension sociale transmet, que par le respect inspiré par certaines valeurs propres à ce microcosme. Ainsi, ce genre ancré dans un présent criminel gratté de ses aspérités politiques semble confirmer l’état d’amnésie ambiante dans lequel la France s’est plongée.

Cependant, associé à une certaine forme de bonhommie du truand, ce genre propose une noirceur ambiante dont découle une idéologie inhérente aux auteurs et acteurs de ces films, qui propulse les gangsters dans un mépris, aussi bien des masses, que de son élite et de ses représentants. Elle implique également une tragédisation du malfrat, qui, à l’image des héros antiques, se voit condamné à ne jamais triompher. Par le rejet et l’irrévérence des gangsters pour les institutions étatiques, ce genre affirme la possibilité d’une évocation politique. Ainsi, bien que la notion d’intentionnalité de ses protagonistes ne puisse être formellement démontrée, ces films portent à l’écran les signes de conflits issus de la décolonisation et du passé obscur de l’Occupation. Si la guerre d’Indochine est posée comme formatrice de ces criminels, c’est à travers l’évocation de pratiques tortionnaires que ces films démystifient l’image du gangster résistant, mais aussi témoignent de la crise algérienne. Enfin, une réalité en entraînant une autre, par sa nécessité du cadre quotidien et sous l’impulsion d’une nouvelle génération de criminels, contigüe à un phénomène national, ces films, s’ils témoignent de la phase croissante de la banlieue comme cadre nouveau du crime, affirment l’inquiétude d’une société française face à une jeunesse, dont les codes, les modes et les aspirations sont en rupture avec l’ancienne école.

GALLI Frédérique, La revue Planète (1961-1968) : phénomène d’une génération, Maîtrise [Pascal Ory], 2000, 298 p.

L’objectif de ce travail est de restituer dans son contexte la formidable aventure humaine et intellectuelle, que constitue la revue Planète, afin de mieux comprendre les enjeux et les critiques d’une telle réalisation. Ce travail a été l’occasion de connaître la personnalité des deux fondateurs : Louis Pauwels et Jacques Bergier. Ils étaient différents, l’un littéraire, fou d’ésotérisme, l’autre un scientifique féru de science-fiction. Rien ne les destinait à se rencontrer et encore moins à s’entendre. Cependant Ieur collaboration s’avéra fructueuse puisqu’en 1960, ils publièrent Le matin de magiciens, un livre devenu best-seller et dont le succès est à l’origine de la création de Planète.

La revue d’un genre inclassable se distinguait à la fois par son contenu et son contenant. Planète, c’est avant tout un esthétisme particulier : un format carré et une mise en page originale. Il s’agit ensuite de décortiquer le périodique, et nous intéresser à son équipe. Planète fonctionnait grâce à une petite équipe, soudée et travailleuse. Bien gérés, ses bénéfices étaient réinvestis pour créer des activités complémentaires (conférences, ouvrages…). Planète était le centre de cette entreprise de presse. Le cœur de Planète était bien sûr son contenu, véritable mélange des genres : science, science-fiction, histoire, magie, extraterrestre… Parler de ce que les autres revues ne parlaient pas est la meilleure définition de Planète. La revue, mêlant des sujets sérieux et insolites, a suscité de vives critiques de nature et d’horizons très divers et l’acharnement de ses adversaires a sans doute contribué à son succès. Mais la revue s’arrêta brutalement après les événements de mai 1968 : les raisons restent floues.

GEOFFROY Charles, Emmanuel d’Astier de la Vigerie, Ministre de la Résistance (9 novembre 1943-9 septembre 1944), Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claire Andrieu], 2000, 158 p.

En raison d’un itinéraire politique très varié, l’action d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie au gouvernement d’Alger a toujours été très discutée. Son compagnonnage de route avec le Parti communiste, après son départ du gouvernement de Charles de Gaulle et jusqu’à la fin des années cinquante, a amené des historiens et surtout d’anciens résistants, qui lui étaient déjà hostiles, à conclure que d’Astier marchait déjà avec les communistes durant cette période. Mais, d’un autre côté, ceux qui ont étudié les préparatifs puis la gestion de la Libération par le gouvernement de Gaulle ont bien montré que d’Astier a grandement participé à cet effort de restauration de la légalité républicaine. En s’appuyant sur une utilisation systématique des sources, puisées dans les archives privées d’Emmanuel d’Astier, on peut essayer de résoudre deux problèmes essentiels : d’Astier a-t-il été une sotte de « sous-marin » du Parti communiste lors de ces dernières années d’occupation ? Dans quelle mesure s’est-il rallié au général de Gaulle ?

La Résistance constitue, dans cette recherche, un élément central. C’est parce qu’il est attentif aux revendications d’une Résistance de plus en plus ancrée à gauche que certains l’accusèrent de compromission avec les communistes. Mais c’est parce qu’il est tenu à la rigueur gouvernementale qu’il est obligé d’en calmer l’ardeur. Derrière cet apparent dilemme, pour d’Astier, se dessinait la nécessité de l’unité de la Résistance. Une unité à la manière de De Gaulle, « accessoire » et idéalisée, mais avant tout nécessaire pour le Salut de la France. L’action de d’Astier s’inscrit tout entière dans l’exigeante ambition du Général : le redressement de la France en ces heures sombres de l’histoire nationale.

GIARD Florence, La représentation de la femme par les Guides de France (1968- 1983), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 226 p.

Les Guides de France, mouvement d’éducation féminin et catholique, voient le jour en 1923, en plein essor du fait associatif féminin. Attachées à leur indépendance vis-à-vis de leurs homologues masculins, les Scouts de France, elles mettent en place une pédagogie spécifiquement féminine. Notre étude, centrée sur les années 1970, met en lumière la façon dont le mouvement va devoir adapter sa propre représentation de la femme aux grandes évolutions politique, sociale et religieuse. En effet, les revues de l’association permettent de comprendre comment elle participe à la modernisation de l’image de la femme véhiculée par l’Église lors du Concile Vatican II. Celui-ci redonne un nouveau souffle au féminisme chrétien, qui conduit les Guides vers une réactualisation de leur conception du rapport des femmes à la religion. Ces nouvelles données vont avoir une influence sur l’ensemble de l’identi­té du mouvement et, en particulier, sur son éducation à la relation au corps et à la nature. Les Guides revendiquent également leur spécificité féminine et cette féminité les place au cœur des débats sur la condition féminine – débats qui se radicalisent à partir des armées 1970. Ne pouvant rester à l’écart de ces réflexions, elles les intègrent alors dans la construction d’une représentation de la place de la femme dans la société, qui leur est propre.

Scoutes, catholiques, citoyennes et femmes, l’identité des Guides de France est liée à ces caractéristiques fondamentales. Or, chacune de ces particularités place le mouvement sous l’influence de courants de pensée qui évoluent profondément dans les années 1970, et qui vont donc contribuer à la construction de son modèle représentatif féminin original. Au-delà des clichés donc le guidisme fait parfois l’objet, c’est une représentation et une éducation de la femme complexe, riche et parfois contradictoire qui ressort de cette étude.

ICHÉ Sandra, Histoire et enjeux d’un magazine francophone dans le Liban d’après­ guerre : L’Orient-Express (novembre 1995-février 1998), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 225 p.

La presse francophone libanaise au milieu des années quatre-vingt-dix se caractérisait par un vide concernant le message politique. L’Orient-Express a vu le jour sur une initiative publicitaire : le mensuel de L’Orient-Le Jour s’annonçait comme un nouveau magazine sans substance. Mais le choix de Samir Kassir comme rédacteur en chef est venu détourner le projet commercial. Composée majoritairement d’anciens expatriés, l’équipe de L’Orient-Express a opté pour une ligne éditoriale forte et une pratique corrosive de la langue française qui entendait bousculer une francophonie surannée et intéresser des Libanais, à priori réticents, à la langue des anciens mandataires. Au-delà de la formule réconciliatrice du « journal arabe en français », L’Orient-Express articulait des propositions visant une reconstruction nationale effective et durable.

La suspension du magazine, intervenue après la publication de 27 numéros, a été le fait d’une conjonction d’intérêts entre les deux sources de financement : la maison-mère d’une part, L’Orient-Le Jour, peu à même à soutenir un projet qui, par contraste, révélait son vieillissement, et le publicitaire d’autre part, Antoine Choueiri, pour lequel L’Orient-Express ne parvenait pas à séduire les annonceurs en pratiquant une liberté de ton suicidaire à leur égard.

L’histoire de L’Orient-Express est celle d’une tentative de presse marginale dans un Liban qui vit un après-guerre prolongé. Elle témoigne de la difficulté de faire entendre une voix orientée dans une société civile encore apathique et entretenue dans cet état par un personnel politique irresponsable et des décideurs financiers puissants.

JADÉ Mariannick, Regards communistes sur les arts plastiques de 1953 à 1956 à travers L’Humanité et Les Lettres françaises, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000.

Cette recherche a pour objet l’étude des regards communistes portés sur les arcs plastiques (architecture, sculpture et peinture) après le « réalisme socialiste », à travers la presse communiste, L’Humanité et Les Lettres françaises.

L’historiographie de la politique culturelle du Parti communiste français ne connaît guère que le phénomène du « réalisme socialiste » qui évolua de 1947 à 1953. Le mouvement artistique fut la preuve la plus flagrante d’un embrigadement des arts plastiques au service d’une propagande politique. Le présent mémoire se propose de démontrer qu’après 1953 et jusqu’en 1956 — l’année de toutes les ruptures — les communistes eurent sur les arts plastiques des regards nettement différents.

Dès 1953, le libéralisme s’installe au sein du PCF, favorisé par l’assouplissement momentané de la guerre froide. La politique culturelle s’assouplit également, mar­quée par Maurice Thorez, et par la personnalité énigmatique d’Aragon (directeur des Lettres françaises). Aragon établit les nouveaux fondements d’un « art de parti ». En 1956, malgré la crise du Parti, le XIIIe congrès dresse un bilan favorable de cette politique culturelle. Ces années définissent un nouveau « classicisme socialiste », d’une composition pour le moins hétéroclite et paradoxale, tant par la forme que par le contenu, où cohabitent des œuvres d’artistes communistes avec des œuvres d’artistes non-communistes.

La politique culturelle du Parti communiste français ne s’achève pas avec le « réalisme socialiste ». Après sa disgrâce, le Parti s’est attaché à construire une identité culturelle plus libérale et pérenne.

LACOMBE Arnaud, La Fédération CGT des Métaux et les immigrés pendant les Trente Glorieuses, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Pigenet], 2000, 143 p.

Ce mémoire s’attache à montrer comment la Fédération des Métaux a progressivement pris en compte les revendications particulières des immigrés pour aboutir à un système de travail qui prend véritablement son envol à partir du milieu des années 60. On ne négligera pas non plus la prise en compte de certains facteurs externes qui ont pu influencer l’action de la FTM : contexte économique et politique difficile des années 50, développement des courants migratoires au début des années 60. Cette étude commence par une description rapide des immigrés dans la métallurgie au cours de laquelle on voit quelques traits caractéristiques de la main-d’œuvre de ce secteur : succession de nationalités différentes, présence d’un groupe d’Algériens qui connaît une situation particulière au cours de la période, localisation géographique, répartition des immigrés dans deux branches essentielles que sont la sidérurgie et la construction automobile, syndicalisation inégale selon les entreprises…

Pour une fédération qui souhaite, à la Libération, s’adresser « du manœuvre à l’ingénieur », la question des immigrés, catégorie visible comme les femmes ou les jeunes, ne peut être négligée. État d’esprit d’autant affirmé que c’est également à partir de cette période que l’ensemble des acteurs économiques et sociaux s’accordent pour envisager une immigration massive dans les prochaines années. Mais le contexte économique agité des années 50 met entre parenthèses ce discours ambitieux. C’est au début des années 60 — qui voient un afflux massif des immigrés vers la France — que la FTM modifie son discours pour s’adresser à une population qui représente désormais un enjeu pour l’ensemble des revendications de la classe ouvrière française.

On étudie comment la Fédération a pu faire évoluer ses structures internes et, notamment, les tentatives pour intégrer les immigrés dans l’appareil fédéral ou bien encore pour influencer sur les décisions de syndicats parfois réticents à l’action en direction des immigrés ; également la mise en place, au milieu des années 60, d’un instrument essentiel qui est la commission fédérale de l’immigration laquelle révèle une des difficultés de cette étude. En effet, il apparaît que les archives disponibles sont incomplètes, spécialement en ce qui concerne « l’action interne » de la Fédération, l’élaboration du discours à travers les réunions des dirigeants fédéraux… Cette étude a donc été essentiellement fondée sur le traitement de l’immigration dans les organes officiels de la FTM : congrès fédéraux, presse fédérale… On a pu tout de même consulter certaines archives qui nous font entrevoir l’action directe de la Fédération.

LEBLANC Anne, Le personnel hospitalier féminin de l’hôpital Broca pendant l’Entre-deux-guerres, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 207 p.

Le personnel hospitalier féminin, comprenant tous les agents en contact avec les malades, de la fille de service à la surveillante, n’avait fait l’objet d’aucune étude précise. Son image demeurait soumise à certains stéréotypes issus de l’inconscient collectif. La Grande Guerre a permis de redorer l’image de ce personnel et la création du DE d’infirmière, en 1922, offrait la reconnaissance à cette profession oubliée. Grâce à la consultation, pendant la période de l’entre-deux-guerres, des registres du personnel de l’hôpital Broca, hôpital du XIIIe arrondissement de Paris, nous avons pu constituer une population de 547 agents. Cette étude a été complétée par la consultation de 136 dossiers administratifs du personnel. Toutes les données recensées ont été analysées systématiquement. Nous pouvions ainsi caractériser la composition géographique et sociale du personnel.

Originaires d’environ 70 % de communes provinciales, ces femmes cherchent, en grimpant les échelons de la hiérarchie hospitalière, à échapper à leur condition. Elles sont bien souvent dans des situations délicates et viennent principalement de régions où l’exode rural est important. Ces mobilités géographiques sont d’ailleurs souvent associées à des trajectoires de mobilité sociale ascendante intergénérationnelle. En effet, ayant des pères majoritairement ouvriers et agriculteurs, elles parviennent à entrer dans la fonction publique et épousent à près de 70 % un fonctionnaire. Les parisiennes sont issues de milieux ouvriers modestes. L’image d’un personnel voué au célibat semble désuète et la majorité de ces femmes n’hésitent plus à fonder une famille. La capitale leur offre de nouvelles perspectives d’avenir. On ne constate pas de changement radical du recrutement, mais certaines modifications, concernant notamment les parisiennes dont le nombre est en augmentation dès le début des années 1930, la crise favorisant un recrutement beaucoup plus local. Néanmoins, nous pouvons parler de stabilité dans la composition géographico­sociale du personnel.

LEGOULLON Gwenaëlle, La politique des cités d’urgence, 1954-1958, Maîtrise [Annie Fourcaut, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 250 p.+ 1 volume d’annexes

L’insurrection de la bonté de février 1954 remit sur le devant de la scène médiatique et politique l’idée de construire des cités d’urgence, rejetée un mois plus tôt par le Sénat. Confronté à une grave crise du logement, le Ministère de la Reconstruction et du Logement accepta donc cette proposition et commença à en organiser les différentes étapes dès la fin du mois de février. Mais ce projet, né dans la précipitation, était très ambigu : il s’agissait de loger au plus vite les sans-logis et les mal-logés les plus déshérités avant la fin de l’année 1954 afin d’éviter une nouvelle hécatombe. Cet aspect situait les cités d’urgence dans la lignée des constructions provisoires édifiées par le MRL depuis 1945 pour parer aux besoins les plus pressés en matière de logement. Toutefois, le ministère souhaitait également que ces « Logements Economiques de Première Nécessité » (LEPN) soient suffisamment solides pour accueillir des locataires pendant 50 ans, en attendant la réalisation de grands programmes de construction, qui venaient à peine d’être lancés. L’ambigüité du projet des cités d’urgence était la marque d’une époque de transition entre Reconstruction et Construction (de logements populaires) massive. Elle permet aussi d’expliquer en partie son échec. En effet, non seulement les 13 000 LEPN — dont la moitié se trouvait en région parisienne — furent construits très en retard (en un an au lieu des six mois prévus), mais la majorité d’entre eux se transforma très rapidement en taudis. Cette recherche a donc pour but d’essayer de comprendre cet échec, en retraçant l’histoire des cités d’urgence de l’insurrection de la bonté à leur rénovation nationale en 1956, grâce au dépouillement des archives du Ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement, ancien MRL. Ce mémoire a pour titre « la Politique des cités d’urgence » et non « les Cités d’urgence » parce qu’il s’est agi de reconstituer et d’évaluer, autant que faire se peut, un épisode, éphémère et totalement occulté, d’une certaine politique du logement du MRL.

LEGRIS Patricia, Les juifs ashkénazes du 20e arrondissement durant les années 1930. Lebn Vî Got in Frankraykh ?, Maîtrise [Michel Dreyfus, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 205 p.

La communauté immigrée juive du XXe arrondissement est marquée par la Yiddishkeit. Cet ensemble de valeurs constitué principalement de la religion et de l’emploi du yiddish marque son comportement avant et après l’exil. Persécutés par une politique de ségrégation en Europe orientale, beaucoup de juifs décident de fuir.

Ils empruntent des trajets plus ou moins longs pour arriver à Paris. N’ayant que peu de moyens, ils s’installent dans des quartiers populaires. Belleville devient durant l’entre-deux-guerres, outre un quartier populaire, un quartier dit « juif ». C’est un lieu marqué à gauche, mais où l’antisémitisme n’est pas absent. Ces immigrés y sont cloisonnés dans certaines catégories de métiers qui ressemblent à ceux pratiqués en Europe orientale.

Les juifs de France voient d’un mauvais œil cette arrivée massive de juifs aux traditions différentes des leurs. Craignant une poussée d’antisémitisme, voulant se démarquer de ces immigrés, les Israélites accueillent les immigrants froidement.

L’accueil est le même de la part des organisations de gauche et d’extrême gauche. La méfiance domine leurs décisions par rapport aux étrangers. La xénophobie est présente dans les comportements de la population française. Les immigrés juifs organisent alors seuls leur installation dans le 20e arrondissement. La solidarité y est grande bien que la majorité d’entre eux mènent une vie misérable. Ils sont logés dans de petits appartements situés dans l’îlot insalubre n° 7.

La communauté juive du XXe arrondissement est marquée par la religion sans être traditionaliste. Une partie de ces immigrés s’engage dans des organisations d’extrême gauche. La deuxième génération, celle des enfants, se fond au sein de la société française grâce à l’école, aux patronages, aux organisations engagées. Tous ces immigrés ressentent une profonde admiration à l’égard de leur pays d’accueil. Les gestes symboliques envers la France ne manquent pas : le français devient la langue de communication, les enfants portent des prénoms « français » et certains s’engagent lors de la Seconde Guerre mondiale aux côtés des Français ou des Résistants.

LESLOUS Katia, L’application de la législation antimaçonnique dans le monde enseignant, 1940-1941, Maîtrise [Claire Andrieu, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 190 p. + annexes

Le régime de Vichy mène une politique discriminatoire et répressive à l’encontre d’un grand nombre de Français. La franc-maçonnerie n’échappe pas à cette entreprise scélérate de « purification nationale » et est d’autant plus conspuée qu’elle compte parmi ses membres de nombreux enseignants à qui l’on reproche la défaite française. Notre mémoire a pour objectif d’étudier l’impact sur le monde enseignant de la législation antimaçonnique, instaurée par Vichy, et tente d’élucider quelques points : • Pourquoi et comment ces lois sont-elles instituées et quelles en sont les conséquences sur les enseignants ? • Quelles réactions ont-elles suscitées dans l’opinion publique ? • Comment des enseignants, victimes de l’exclusion se sont-ils reconvertis, et ont pu progressivement être réintégrés dans la fonction publique ?

La lucre contre l’enseignant maçon s’analyse en trois étapes : • d’abord celle de l’installation du régime avec ses premières mesures antimaçonniques, dont le point d’orgue se trouve être la loi du 13 août 1940, qui interdit les associations secrètes et oblige les fonctionnaires à souscrire une déclaration d’appartenance ou de non­-appartenance à la franc-maçonnerie ; • la seconde période débutant à partir de l’été 1941 marque le durcissement du régime et l’intensification des exactions à l’encontre des francs-maçons. La loi du 11 août 1941 attaque directement les francs-maçons en tant qu’individu, en les livrant à la vindicte publique par la publication de leur nom au Journal officiel. Des milliers d’enseignants maçons sont révoqués. Beaucoup d’entre eux qui avaient rédigé une fausse déclaration sont déférés devant les tribunaux. Cette chasse aux sorcières provoque une vive émotion dans l’opinion publique obligeant le gouvernement à rebrousser chemin par la création d’une Commission chargée de délivrer des dérogations aux victimes de cette purge administrative. Mais, la pratique montre qu’aucune dérogation n’est, durant cette période, accordée par cette Commission qui n’est qu’un artifice destiné à calmer les esprits. Les enseignants maçons, évincés de la Fonction publique, vivent dans des conditions extrêmement précaires. Certains se reconvertissent dans l’agriculture, l’artisanat, le commerce, etc. D’autres continuent d’enseigner soit en donnant des leçons particulières soit en étant engagés dans des établissements d’enseignement privé ; • la troisième phase, caractérisée par le retour de Laval au pouvoir, montre une relative atténuation de la politique autoritaire de Vichy. La « révolution nationale » s’enlisant quelque peu, le gouvernement opte pour un changement de tactique à l’encontre des enseignants et déploie tout un panel de mesures qui se veulent apaisantes. Deux mesures législatives freinent la répression : la loi du 21 juin 1942 qui confie au chef du gouvernement toutes les questions relatives aux sociétés secrètes et la loi du 19 août 1942, qui place sous l’autorité de Laval la Commission spéciale des sociétés secrètes. Malgré les difficultés inhérentes à la lutte opposant les partisans d’une modération des sanctions frappant les maçons (Laval et ses fidèles) et les réfractaires acharnés que sont, entre autres, l’amiral Platon et Pétain. En général, les Inspecteurs d’Académie œuvrent en vue de faciliter les réintégrations des enseignants démissionnés d’office, contrairement aux préfets qui s’opposent fermement à l’application de ces mesures. Afin d’amplifier la proportion d’agents réintégrés, Laval met en place un système de réintégrations soit à titre définitif, soit à titre conditionnel pour une période de deux ans. Beaucoup d’enseignants ne retourneront dans leur classe, qu’après la Libération, au moment des réintégrations massives.

LIEGE Morgane, Images et représentations des femmes dans la presse du Front national (1984-1997), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000

LIERVILLE Anne-Lise, La représentation de Dreux et son traitement médiatique de 1983 à 1993 à travers trois titres de la presse quotidienne nationale : Libération, l’Humanité, Le Figaro, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 209 p.

Septembre 1983 : Dreux, ville moyenne de la région centre, focalise l’attention de la presse des médias et du monde politique. La ville est en effet le théâtre d’une lutte électorale particulière. Le Front national, un parti aux scores jusque-là confidentiels, mais à l’idéologie clairement délimitée participe à la joute politique. Entre les deux tours se noue une alliance entre les partis de droite traditionnelle et le FN, face à une gauche en perte de vitesse. L’accord droite/extrême droit défraye la chronique. L’enjeu local prend une dimension nationale. « L’affaire » de Dreux est constituée. Elle s’achève sur la victoire sans appel de la coalition droite/extrême-droite au deuxième tour (55,33 %) sur la liste d’union de la Gauche. Pour beaucoup, le FN et l’extrême droite signent là leur sortie du désert. Dreux est promue au rang de ville laboratoire du FN. À cette image se juxtapose celle d’une ville symbole des questions liées à l’immigration. Un thème qui, depuis les élections générales de mars 1983, agite la classe politique et médiatique.

Si Dreux devient une cible médiatique pendant les partielles de septembre 1983, elle a effectué ses premiers pas dans le monde médiatique aux élections générales de mars de la même année. Là, déjà, le FN faisait partie intégrante du paysage politique local. Mieux, ce parti avait été, dès le premier tour, intégré au sein d’une liste de droite modérée. Et pourtant, cet accord électoral entre le RPR et le FN ne suscite pas alors de réelles prises de position. Au second tour, c’est alors l’UDF qui rejoint la liste commune droite/extrême droit. L’objectif de l’opposition municipale est clair : renverser le maire sortant, Françoise Gaspard, socialiste, brillamment élue lors des municipales de 1977. Cet objectif n’est pas atteint puisque le maire sortant est reconduit dans ces fonctions, malgré un scrutin très serré. Le scrutin enfin est annulé sur décision de justice. La ville s’offre un troisième tour de scrutin.

La presse, les politiques, sans ignorer les termes de l’accord de mars, n’y accordent qu’une importance relative. En septembre, l’affaire de Dreux devient une ligne de clivage au sein de la presse et du monde politique.

La représentation de Dreux dans la presse se situant au carrefour du social et du politique, nous avons porté une attention particulière au contexte dans lequel l’image de la ville s’élaborait. En outre, nous avons tenté de mettre en perspective le traitement médiatique de Dreux sur une période de dix ans. Les élections de mars 1983, les partielles de septembre, le décès, en novembre 1988, de Jean-Pierre Stirbois, principal acteur des alliances de 1983 et numéro deux du FN, et enfin les élections législatives de mars 1993, constituent les quatre jalons de notre étude. Les élections de 1993 — ultime étape de notre analyse — voient un renversement d’alliance. Le Front national, en la personne de Marie-France Stirbois (l’épouse et successeur du leader décédé), est devenu indésirable et se heurte à un « Front républicain » entre la gauche (en partie) et la droite.

Dreux a effectué sa percée médiatique au moment où le débat se polarise autour des questions liées à l’immigration et l’insécurité. Ces deux thèmes voient leur trai­tement médiatique et politique évoluer dans la période qui nous intéresse. De même, le rapport de forces sur la scène politique se modifie considérablement, et l’entrée et la consolidation du FN pendant ces dix ans ne sont pas étrangères à ces mutations. L’examen de la construction d’un objet médiatique (ici, la représentation de Dreux), l’évolution de son traitement à travers dix ans de vie politique constituent le fondement de notre analyse.

MARTINAZZO Estelle, Les intellectuels de gauche et le Parti socialiste SFIO de 1944 à 1954, Maîtrise [Pascal Ory, Gilles Morin], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 168 p.

1944 ouvre une nouvelle ère, celle de l’engagement politique des intellectuels.

Plus qu’un point de départ, la période est l’aboutissement de la situation durant l’entre-deux-guerres, tournant majeur de l’histoire des clercs. Il est néanmoins une grande différence : ce sont dès lors les intellectuels de gauche qui dominent les débats, s’exprimant au travers de multiples revues. Le journalisme apparaît ainsi comme l’un des meilleurs moyens de s’engager, c’est pourquoi nous avons retenu la presse de gauche comme source principale de cette étude. Sur la scène politique, l’hégémonie du Parti communiste est incontestable : les intellectuels y adhèrent massivement après la guerre. La SFIO et ses dirigeants sont donc en constante concurrence avec les communistes. Cette animosité certaine ne fait que s’accentuer sur toute la période. On connaît mieux la manière dont les intellectuels se sont exprimés au sein du PCF à cette période ; l’attitude des intellectuels de gauche vis-à-vis de la SFIO est moins connue, tant d’un point de vue politique que concernant la doctrine. Les rapports de l’intellectuel à la politique sont ambigus. En témoignent les rapports au Parti socialiste. L’histoire de la période fait apparaître des ruptures successives, que l’on peut expliquer comme une désolidarisation des intellectuels vis-à-vis du Parti.

 Si jusqu’en 1954 la SFIO ne peut rivaliser avec le Parti communiste pour les intellectuels qu’elle a attirés, il ne faut pas se méprendre en affirmant qu’ils n’existent pas en son sein. La difficulté de cette étude est de comprendre ce que représente l’intellectuel socialiste : peut-on le définir comme l’intellectuel communiste ? Par bien des aspects, il apparaît que l’intellectuel socialiste — membre du Patti ou très proche de ce dernier — se définit lui-même par opposition à l’intellectuel communiste.

Pour ce qui est des destins individuels, six parcours permettant de définir un intellectuel socialiste ont été choisis. Paul Rivet, Pierre Rimbert et Jean Rous peuvent être qualifiés de « dissidents », car ils affirment leur mécontentement lorsqu’ils le jugent nécessaire, ce qui vaut à Paul Rivet de rompre avec la SFIO en 1948 par exemple. Enfin, trois autres intellectuels apparaissent comme très liés au Parti sur ces dix armées d’étude, André Philip, qui est aussi un homme d’État, Jean Texcier le fidèle militant et enfin Charles-André Julien, l’historien. Ce dernier est la preuve avec Ernest Labrousse, Odette Merlat et d’autres, de l’importance des universitaires et plus précisément des historiens dans le mouvement. Ce qui nous permet d’affirmer que le rôle du clerc au sein de la SFIO est très lié à celui de l’éducation politique des militants.

MASURE Ophélie, La participation musulmane au syndicalisme chrétien d’Algérie, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 260 p.

En mai 1945, à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), comme dans toutes les organisations syndicales françaises, après leur dissolution par décret du 16 août 1940, le temps est à la reconstruction. La relance de l’activité de la CFTC est marquée par l’espoir de voir émerger un syndicalisme chrétien de masse qui implique une ouverture aux autres confessions religieuses. C’est dans la continuité du mouvement né en métropole que l’Union régionale de la CFTC, fondée dans les années 1920 par Alexandre Chauler, trouve un nouvel élan dynamique en terre d’Islam. Dans un pays où le rapport démographique est d’un Européen pour huit musulmans et où les valeurs chrétiennes ne touchent directement qu’une infime partie de la population, les dirigeants algériens prennent conscience, dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de la nécessité de la participation musulmane au syndicalisme chrétien. L’Union algérienne devient pour la CFTC un « terrain d’essai » de la cohabitation des confessions religieuses sur la base des principes de la « morale sociale chrétienne ». Mais l’ouverture du recrutement promet d’être difficile dans un pays faiblement industrialisé et syndicalisé et où l’analphabétisme demeure obstacle de premier ordre ; elle nécessite de la part des dirigeants chrétiens un ajustement du cadre de formation et des formes de propagande. Progressivement, la présence de musulmans à la CFTC d’Algérie se fut de plus en plus importante et pose un problème d’orientation idéologique au moment où, en métropole, une crise idéologique divise majoritaires attachés à une conception traditionnelle du syndicalisme chrétien et minoritaires favorables à une évolution vers un syndicalisme plus représentatif de l’ensemble des travailleurs. Au milieu des années 1950, à la crise idéologique s’ajoutent les problèmes issus de la guerre d’Algérie ; la présence de musulmans impose alors à la CFTC d’Algérie d’adopter des positions nuancées sur les événements qui prennent en compte autant les intérêts des Européens que ceux des musulmans. Mais les passions s’élèvent et la division communautaire pénètre la Centrale autour de la question du maintien ou non d’une Algérie française. Malgré l’échec global de la construction d’une « union fraternelle » des communautés algériennes, quelques dirigeants européens « convertis » à l’idée d’une évolution vers l’indépendance tentent d’assurer l’avenir de l’esprit syndical chrétien en terre d’Islam par la défense des travailleurs musulmans. Dissoute après l’indépendance, la CFTC parvient pourtant à léguer à l’Algérie nouvelle le modèle d’une action syndicale et revendicative orientée dans l’intérêt de tous les travailleurs assurée par la lutte conjointe de quelques dirigeants, militants et adhérents, européens et musulmans réunis.

MINKOWSKI Simon, 1946-1978, La presse italienne, questions juives et mémoires divergentes. (rencontre entre mémoire officielle collective et mémoires plurielles privées), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 221 p.

L’étude propose de porter un regard ciblé et à la fois élargi sur la presse quotidienne italienne (à travers six titres quotidiens, L’Avanti, Il Corriere della sera, Il Messaggero, L’Osservatore Romano, La Stampa et L’Unità, pour tenter de souligner le rapport évolutif entre information, mémoire collective et émergence-reconnaissance d’une mémoire juive italienne.

Avant toute recherche effective, il fallait s’interroger dans un premier temps, sur la démarche choisie de dépouiller la presse et les rapports bien précis et spécifiques du couple Histoire-Mémoire. La lecture des titres quotidiens allait donc se faire suivant une grille soulignant et renforçant le poids des dates commémoratives à fortes valeurs émotives, historiques, mnémoniques… Il fallait respecter la séparation qualitative, symbolique et scientifique entre histoire et mémoire, limite rendue parfois floue compte tenu de la proximité chronologique des faits historiques avec l’actualité quotidienne de la République italienne.

L’Italie à travers l’étude de la presse quotidienne montre une attitude spécifique à la péninsule, évolutive, mais véritablement marquée par des comportements contradictoires, opposés et violents. On voit ainsi, juste après la Seconde Guerre mondiale, se construire une mémoire officielle parallèle à la vérité historique, refusant de reconnaître et donc d’accueillir certaines mémoires, comme la mémoire juive.

De façon très progressive, sans être continue (marquée par des retours en arrière, des silences imposés…), la mémoire historique en constitution tente de modifier localement la mémoire officielle et collective, de la rapprocher de façon responsable de l’histoire nationale italienne, que cette dernière peine et refuse d’admettre dans sa totalité, dans sa réalité historique. L’évocation de la Shoah et surtout des responsabilités nationales italiennes dans la participation et la réalisation du génocide juif demeure timide, refoulée encore en 1978, marquant l’échec de la presse quotidienne italienne dans son devoir d’information.

Enfin, l’étude a été orientée sur les causes de cette exception italienne et les conséquences de cette vulgate historique, également sur les carences de la mémoi­re collective à travers l’Italie contemporaine, pour arriver, en 1988, à l’émergence d’un véritable débat national, et remarquer la résurgence parallèle de vieux fantômes à travers des comportements ouvertement amnésiques et antisémites d’une Italie qui peine à faire face à son Histoire nationale, et qui paie le prix d’un cin­quantenaire d’oublis, de silences et de trous noirs du discours officiel et de la mémoire collective.

MOISANT Xavier, Pierre Lefranc. Une vestale du gaullisme, Maîtrise [Pascal Ory], 2000, 163 p.

Après une mise au point sur la question historiographique, sur la biographie historique, j’ai établi dans une première partie chronologique le récit de la vie de Pierre Lefranc. Sa vie s’articule autour de son engagement auprès du général de Gaulle à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il a participé au gaullisme politique de la création du R.P.F. au référendum de 1969 sans jamais avoir de démarche élective. Il a été un des « barons » du gaullisme, ce terme générique du gaullisme qui s’appliquait à l’origine à sept personnes. Ensuite il a créé l’Institut Charles de Gaulle à la demande de Charles de Gaulle et l’a animé jusqu’au début des années 1990. Il a aussi écrit de nombreux livres sur le général de Gaulle, de multiples tribunes sur des sujets politiques, prenant la stature d’un intellectuel du gaullisme, d’une vestale veillant sur le feu sacré ce qui l’a marginalisé par rapport aux autres « barons » investis dans le gaullisme politique.

Pierre Lefranc a défini à plusieurs reprises les trois thèmes qui fondent le gaullisme : l’indépendance nationale, la souveraineté de l’exécutif et la dignité de l’homme. Dans cette seconde partie, j’ai mené une étude comparative de différents écrits de Pierre Lefranc sur ces thèmes. Les différentes approches du gaullisme m’ont permis une comparaison riche avec les idées de Pierre Lefranc.

Auteur prolixe sur le gaullisme à titre personnel, Pierre Lefranc a aussi joué un rôle dans la production de l’Institut Charles de Gaulle. J’ai d’abord étudié certains mythes gaullistes mis en avant par Pierre Lefranc au regard de l’histoire. Les autres « barons » ont aussi écrit sur le général de Gaulle et sur le gaullisme et j’ai établi une brève histoire de la « baronnie » gaullienne. J’ai comparé leurs écrits à ceux de Pierre Lefranc. J’ai comparé les attitudes différentes des « barons » concernant la gestion de l’héritage gaullien, écrivant ou pas sur le général de Gaulle. J’ai ainsi défini certains thèmes récurrents et certaines figures de style (effets Iyriques, hyperbole) qui contribuent à la création d’une mythologie autour de la personne et de l’œuvre du général de Gaulle. Enfin j’ai étudié le rôle plus spécifique de la revue Espoir dans l’œuvre de Pierre Lefranc et le positionnement de l’Institut et de la Fondation Charles de Gaulle envers la politique.

MONTIGNY Vincent, Marcel L’Herbier et la TV. Une tentative de médiation, 1952- 1961, Maîtrise [Pascal Ory, Marie-Françoise Lévy], 2000, 278 p.

Marcel L’Herbier — cinéaste, théoricien du cinéma et mélomane connu pour ses réalisations « impressionnistes » et ses initiatives en faveur de la profession cinématographique (fondateur de L’IDHEC en décembre 1943) — poursuit, à partir de 1951-1952, sa carrière à la Radio Télévision Française. L’étude de cette entreprise permet d’éclairer la dernière partie de la vie professionnelle d’un pionnier du cinéma qui, côtoyant ceux de la télévision, tente de trouver une nouvelle fraîcheur et un renouvellement esthétique. Durant presque dix ans, Marcel L’Herbier est le dépositaire d’une cinéphilie à la télévision. Par ailleurs, l’implication totale de ce personnage, ô combien atypique au sein d’une télévision en plein développement, permet d’apprécier la constitution de cette dernière, les interrogations qu’elle suscite ainsi que ses relations avec le cinéma.

La collaboration de L’Herbier à la télévision, à l’heure où l’on oppose ces deux techniques déjà concurrentes, vise à leur réunion et s’applique à définir les spécificités de cette dernière. Par voie de presse, Marcel L’Herbier s’attelle donc à la caracté­risation de ce cinéma total qui est aussi un cinéma de lecture et qui doit, selon lui, aboutir à une nouvelle esthétique cinématographique ainsi qu’à une nouvelle économie du cinéma français. Ce faisant, il lance trois cycles de cinémathèque à la télévision ; des émissions-concours durant lesquelles sont présentés des réalisateurs et de grands films de cinéma. Aux téléspectateurs de distinguer ceux qui leur ont paru les meilleurs sur le petit écran. Ces émissions consacrées aux réalisateurs, aux scénaristes et aux compositeurs de musique de film installent L’Herbier à la télévision alors qu’il réalise en direct, fin 1953, Adrienne Mesurat d’après Julien Green, son dernier projet cinématographique. Cette dramatique télévisée précède quatre autres mises en scène, avec la compagnie Renaud-Barrault, Jean Poiret et Michel Serrault notamment. De fin 1954 à fin 1956, ses séries sont plus documentaires. En 1956-1957, il lance Cinéma en Liberté, une émission d’analyse filmique. Rencontrant des difficultés administratives, il revient à des séries de type magazine telles que Héros Imaginaires et surtout Signes de Vies. À partir de l’été 1959, Marcel L’Herbier s’attache définitivement au cinéma en organisant à chaque saison estivale, et ce jusqu’en 1961, un « critérium » consacré au jeune cinéma, au film fantastique et au cinéma d’amateur. 1960 et 1961 sont également les années de sa dernière série Télé-Ciné-Club, émis­sion consacrée aux genres cinématographiques et à l’étude de grands cinéastes. Sa collaboration avec la télévision s’achève brusquement en octobre 1961 sur ordre de la direction générale de la RTF : on lui reproche d’avoir diffusé un extrait jugé licencieux d’un film de Claude Autant-Lara : Le Blé en Herbe. Simultanément, entre mars 1958 et mai 1961, L’Herbier accompagne sa démarche d’une action administrative en étant nommé au comité de Programme de Télévision. Il va très énergiquement essayer d’en optimiser le fonctionnement et de veiller au respect de ses attributions, notamment sur la question de la programmation des films du commerce.

PAOLACCI Claire, Henri Collet, Témoin de son temps, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 1999-2000, 274 p.

Henri Collet (1885-1951) est principalement connu, dans le milieu musical français, pour avoir nommé le Groupe des Six (Georges Auric, Louis Durey, Atrhur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc, Germaine Tailleferre) dans deux articles de Comoedia parus les 16 et 23 janvier 1920.

Nous avons voulu montrer que la carrière d’Henri Collet ne se résumait pas à ces deux critiques. Son influence fut importante dans le monde musical à partir des années 1920. Agrégé d’espagnol, Henri Collet est un musicologue spécialisé dans la musique espagnole, un critique musical et un compositeur inspiré par la Castille. Nous avons établi une biographie chronologique de ses premières années de formations scolaire et musicale. Nous nous sommes ensuite attachés à quelques personnalités françaises et espagnoles qui ont influencé Henri Collet pour élaborer son esthétique musicale. En France, le compositeur languedocien Déodat de Séverac, le poète mystique catholique Francis Jammes et le compositeur pyrénéen Gabriel Fauré ont aidé Henri Collet à se forger une esthétique latine française. En Espagne, Henri Collet suit les conseils du moine musicien Don Federico Olmeda et du compositeur érudit Felipe Pedrell, tous deux considérés comme les « précurseurs » du renouveau de la musique espagnole du XXe siècle. C’est auprès d’eux qu’il approfondit sa connaissance de la musique et qu’il se spécialise dans la musique espagnole du XVIe siècle. Après sa réussite à l’agrégation d’espagnol en 1909, il présente, en 1913, une thèse, préparée à l’institut hispanique de Madrid, sur le mysticisme espagnol au XVIe siècle. Toute sa vie, Henri Collet mènera parallèlement à sa carrière musicale celle de professeur d’espagnol en lycée.

Nous nous sommes ensuite intéressés à Henri Collet, compositeur. Ses œuvres inspirées principalement par la Castille, région espagnole qu’il aime beaucoup et qu’il a parcourue avec son maître Federico Olmeda et le compositeur français hispanisant Raoul Lapana, s’inscrivent dans une esthétique française. Cet attachement à la France, que nous percevons dans l’œuvre compositionnelle d’Henri Collet, est confirmé par l’étude de ses critiques musicales parues dans la rubrique La Musique chez soi, entre le 2 octobre 1919 et le 4 septembre 1922 dans le quotidien Comoedia. Il s’efforce de défendre la musique contemporaine française face à l’invasion de la musique allemande, qu’il proscrit dans un premier temps par devoir et non par goût, qu’il réhabilite ensuite, ayant trouvé des compositeurs capables défendre la modernité française. Avec l’accord tacite de Jean Cocteau qui les parraine, il nomme les Nouveaux Jeunes le « Groupe des Six », dont le chef de file implicite est Erik Satie.

La diversité de ses travaux et sa profonde connaissance de la musique espagnole font d’Henri Collet un musicologue qui aujourd’hui encore fait autorité.

PATRAULT Marie-Laure, La résistance dans le XXe arrondissement, 1940-1944, Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 162 p.

Situé à l’est de Paris, cet arrondissement a été annexé à la capitale par décret haussmannien en 1860. En 1940, le XXe est un quartier populaire traditionnellement de gauche et à forte proportion d’immigrés. Ses habitants sont majoritairement ouvriers ou artisans.

L’étude réalisée à partir d’un échantillon de résistants ayant un lien avec l’arrondissement permet de constater une mobilisation de jeunes aux côtés de plus âgés (moyenne d’âge 34 ans). Ils sont pour 38 % d’entre eux ouvriers ou artisans, on rencontre aussi des commerçants, des enseignants, des étudiants, des employés aux PTT, à l’hôpital, au métro, à la mairie, dans la police Les femmes occupent une place importante, proche de 25 %, chiffre supérieur à la moyenne nationale. Divers courants idéologiques sont représentés : les communistes avec l’organisation des Jeunesses (dont l’un des responsables est Henri Krasucki) la Main-d’œuvre immigrée, les juifs (nombreux dans le XXe), les socialistes avec le réseau Brutus et le mouvement Libération-Nord ou encore les gaullistes avec le réseau CND Castille.

Les actions de résistance multiples vont de la simple propagande, au moyen de tracts, de papillons et de journaux, à l’action armée. Une presse clandestine, à tendance communiste, propre à l’arrondissement est présente avec L’Éveil du XXe, et La Voix des femmes du XXe incite à la mobilisation contre l’ennemi et à la formation de manifestations pour l’amélioration du ravitaillement. Des groupes d’actions armées se forment dès 1941. Certains résistants participent à des opérations importantes, c’est le cas de Fernand Zalkinow présent aux côtés du Colonel Fabien lors de l’attaque d’un officier allemand à la station Barbès. Plusieurs membres de la MOI et des FTP-MOI se « planquent » dans l’arrondissement tels Marcel Rajman ou Armenak Manoukian. Progressivement, les Jeunesses communistes et une partie de la MOI sont victimes de dénonciations ou de filatures des inspecteurs des Brigades spéciales, entraînant ainsi leur « chute ». Toutefois, à partir du mois de juillet 1944, de nouveaux groupes de tendances pluralistes se reforment et participent activement à la Libération.

On trouve également dans le XXe le centre d’hébergement surveillé des Tourelles où séjournent des internés politiques et administratifs. Celui-ci est une plaque tournante d’où partent de nombreux convois en direction de camps comme Drancy ou Pithiviers. Il a pour particularité d’être sous la responsabilité de gendarmes français. La résistance y est tout de même présente et des réseaux d’évasions tentent de se former. La lutte des résistants du XXe pour les libertés ne se limite pas nécessairement à l’arrondissement en tant que tel, c’est pourquoi nous nous sommes également intéressés aux actes réalisés par les habitants du XXe en dehors de ce territoire. Si les témoignages et les archives ont permis de reconstituer petit à petit de nombreux faits de résistance, certains malheureusement restent encore dans l’ombre.

PÉQUIGNOT Julien, La mémoire télévisuelle de Mai 68, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 141 p.+ 93 p. d’annexes.

Ce mémoire porte sur la mémoire télévisuelle de Mai 68, c’est-à-dire, comment, dans la période de l’après 68, sont réemployées, par la télévision, les images que celle-­ci a produites en 68. Cet emploi à postériori comprend aussi des images qui ne proviennent pas nécessairement de la télévision, ces deux ensembles étant constamment mélangés et confondus.

La première partie de l’étude dresse un tableau le plus complet possible de l’état des sources et du corpus constitué par les sujets de l’après 68. Les analyses se basent sur des critères statistiques aussi bien que sur des examens du discours (audiovisuel et oral). La seconde partie est composée de deux grands ensembles proposant des lectures du corpus réuni pour ce travail.

Le processus commémoratif à l’œuvre dans l’évocation de Mai 68 ainsi qu’une prise de position sur l’interprétation que l’on peut en tirer sont analysés en premier lieu. Le deuxième temps cherche à montrer la dimension spectaculaire et fictionnelle contenue dans la commémoration de 68, à la fois en tant que système autonome, mais aussi en tant que productrice de sens.

Le résultat de ces recherches tient en une phrase : l’exercice de la mémoire de 68 est tout à fait soutenu par la télévision, mais d’une manière telle que les aspects de 68 qui peuvent encore être source de conflits sont minorés, éludés ou déformés, jusqu’à être parfois détachés de tout lien avec la réalité historique.

PERRIER DE LA BÂTHIE Claire, L’Afrique noire française dans le grand dictionnaire Larousse. Du Second Empire aux années 1930, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 201 p.

Ce mémoire s’intéresse à l’étude de l’Afrique Noire française dans le Grand Dictionnaire Larousse à travers la phase de construction coloniale. Il débute avec l’analyse du Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle (1864-1876) qui présente l’Afrique, alors mal connue des Occidentaux, à une époque où l’idéologie coloniale est en pleine construction. Le Nouveau Larousse illustré (1897-1904) et le Larousse du XXe siècle, publié à un moment où la colonisation connaît son apogée, illustrent la façon dont évolue le regard porté par les Français sur ces contrées lointaines.

Le Larousse illustre fidèlement la manière dont l’Afrique a été peu à peu découverte et mise en valeur par les Occidentaux. La création des colonies passe par une phase d’exploration et d’organisation administrative et commerciale. De plus, on découvre un dictionnaire profondément engagé en faveur de l’idéologie coloniale. Cette dimension est particulièrement frappante dans la première édition du dictionnaire qui prend une part active dans l’élaboration du discours colonial officiel.

Ce premier aspect de notre étude montre comment le Larousse est un fidèle témoin de son époque. Il est aussi l’héritier de tout un passé culturel. Il véhicule dans ses nombreux articles la plupart des stéréotypes de l’époque qui forment un imaginaire collectif dense. Par sa diffusion, L’encyclopédie Larousse devient ainsi un agent de vulgarisation de ces idées qui mêlent images populaires et discours scientifiques. Les descriptions physiques et morales qui sont faites des populations africaines sont pour la plupart fidèles à ce lourd héritage culturel. Le Larousse fait parfois preuve d’une certaine originalité en montrant par exemple que le continent africain ne forme pas un bloc homogène. Il ne se montre cependant guère original dans sa repré­sentation de l’Afrique, lue à travers le prisme d’une civilisation certaine de sa supériorité. Tout se passe comme si les rédacteurs du Larousse cherchaient à retrouver dans ce continent étrange des traces de leur propre culture. Le discours laroussien, à l’image de celui de ses contemporains, est finalement moins tourné vers l’altérité que vers l’Occident qui demeure la référence.

La représentation de l’Afrique Noire dans le Grand Dictionnaire Larousse est ainsi porteuse de maints stéréotypes qui, pour le lecteur de la fin du XXe siècle, semblent racistes et indécents. Les images de l’Africain mêlent avec ambigüité des sentiments de fascination et de répulsion, impulsés par le discours colonial. Prisonnier de son époque, le Larousse voit dans le Noir le reflet du Blanc et ne parvient pas toujours à maintenir le cap de l’objectivité.

Le Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle, surtout, est très profondément marqué par la forte personnalité de Pierre Larousse qui lui a insufflé ses opinions. La première édition du Larousse s’en trouve être une œuvre parfois très subjective, avec son ton incisif, marqué par un lyrisme qui participe aujourd’hui à son charme. Les deux éditions suivantes évoluent vers plus de sobriété et deviennent beaucoup plus synthétiques dans leurs discourts. L’étude de ces trois éditions souligne comment la méthode encyclopédique et la façon de percevoir le savoir changent au cours de la période.

PEYREL Benjamin, Les représentations de Paris dans le Petit Parisien, 1933-1939, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 123 p.

Quelle image de la capitale donne le quotidien au plus fort tirage des journaux du monde entier ? Comment les journalistes décrivent la vie et les évolutions de la capitale ? Comment — en tant que Parisiens — ils se la représentent ? Le Petit Parisien offre à ses lecteurs une représentation de la capitale assez ambivalente, essayant à la fois de mettre en valeur l’unité et la modernisation de la cité, et de préserver ce qui fait son charme, son pittoresque, c’est-à-dire sa diversité.

Daos une première partie, nous étudierons comment Le Petit Parisien traite de l’unité de la capitale. Pour lui, celle-ci passe par sa modernisation et son extension. Nous verrons tout d’abord que le quotidien se fait l’écho de l’action de la municipalité et des grandes théories en vogue à l’époque : politique urbanistique, hygiénisme, politique sociale. Le modernisme et l’extension vers la banlieue sont deux autres thèmes très présents daos le quotidien, à l’époque où Paris fait tomber ses frontières (fortifications) et essaye d’organiser dans un schéma directeur son expansion. Concernant le modernisme, Le Petit Parisien insiste sur la modification du cadre de vie des Parisiens, mais aussi sur l’idée que Paris — miroir du pays — doit, pour incarner un pays moderne, se moderniser. Ces différents thèmes contribuent à créer l’image d’une ville homogène, unie autour de ses grandes structures urbaines.

Dans une deuxième partie, nous verrons que Le Petit Parisien suit une ligne éditoriale assez ambivalente. La rédaction semble partagée et propose à ses lecteurs deux types d’informations. L’une plaide pour la modernisation de la capitale. L’autre prend la défense d’un certain Paris, c’est-à-dire le Paris des quartiers – celui du pittoresque. Certains journalistes mettent en valeur la diversité parisienne, son charme ancien et parfois miséreux. Ils s’attachent à protéger ce qui, selon eux, fait l’âme de Paris : l’artisanat, les petits métiers, les fêtes de quartier. Cette diversité de la capitale — éclatée autour des multiples centres que sont les quartiers — constitue la vraie nature de la ville. Nous verrons que c’est dans ces quartiers que la ville plonge que ses racines, et que, selon la symbolique spatiale du Petit Parisien, c’est dans les rues de ces quartiers que la ville travaille, qu’elle se distrait, qu’elle vit. Le quotidien propose cette fois-ci l’image d’une ville éclatée, pleine d’une diversité nécessaire et structurante.

Dans une troisième patrie, nous verrons comment ce rapport entre unité et diversité constitue finalement l’essence de la ville. Paris naît de cette ambivalence, de cette confrontation entre le quartier et la très grande ville. Certains articles et certains thèmes tentent d’en faire la démonstration. Le peuple de Paris, tel que Le Petit Parisien nous le présente, est le premier facteur constitutif de cette unité. Nous examinerons quelle figure du peuple donne le quotidien et comment des symboles, des lieux et des événements participent à la construction de l’identité parisienne. Cette unité parisienne se manifeste également quand le quotidien nous parle du rapport de Paris avec les étrangers à la ville (provinciaux et étrangers). Le Paris Creuset et le Paris Babel sont en effet deux images de la ville qui, si elles évoquent l’hétérogénéité de sa population, contribuent par contre à démontrer l’homogénéité de la cité, en mettant en valeur sa capacité à accueillir et son rayonnement.

PICOT Sophie, Les premières années de l’École du Louvre, 1882-1914, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 254 p.

À la fin du XIXe siècle, les musées sont perçus comme un lieu d’enseignement à valoriser. Il s’avère donc nécessaire de former son personnel afin de proposer rapidement aux visiteurs des collections classées selon un ordre chronologique ou stylistique rigoureux. C’est dans cette perspective qu’est créée, en 1882, une école au Louvre. Grâce à une telle implantation, elle peut délivrer un enseignement pratique en rapport étroit avec l’actualité des champs de fouilles et favoriser un contact direct avec l’œuvre d’art. La première équipe enseignante, essentiellement composée d’épigraphistes et d’archéologues conservateurs des collections nationales, trouve des intérêts variés à professer à l’École du Louvre. Mais, tous ont conscience de proposer un enseignement nouveau tant par sa méthode que par ses ambitions. Pourtant, le programme proposé ne reflète en rien la variété des collections nationales puisque l’archéologie grecque et romaine et les conservations d’art ne sont pas représentées. La nouvelle école tarde à s’organiser et semble peu disposée, dans un premier temps, à élargir son champ d’études et à accueillir un public moins spécialisé. Elle est donc très tôt soumise aux critiques, notamment de la presse, et se doit de créer dès 1886 des chaires d’histoire de l’art. L’École du Louvre est le premier lieu d’études en France à ouvrir ses portes à cet enseignement. Une telle innovation connaît un succès immédiat auprès des élèves, mais surtout des centaines d’auditeurs se précipitent pour assister aux conférences d’histoire de la peinture ou d’histoire de la sculpture. Une des originalités de l’École du Louvre réside en effet dans la coexistence d’un public recherchant une formation, une spécialisation et de nombreux dilettantes qui ne souhaitent que visiter les collections nationales avec plus de profit. Cette cohabitation peut être une source d’initiatives profitables à tous. Elle nourrit aussi les inquiétudes d’un corps enseignant qui a le sentiment de ne pas remplir sa mission en ne formant que de rares professionnels.

L’École du Louvre, durant ces premières années, n’est pas reconnue comme le seul et unique organe de formation des conservateurs. En revanche, elle contribue à alimenter la réflexion sur leur professionnalisation, par le biais d’innovations pédagogiques notamment.

PLANE Héloïse, La 6e et 9e section d’arrondissement du PSU à Paris dans les années 1960. Définition d’une identité militante par l’étude des cellules de base et l’analyse d’une sociabilité militante, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Gilles Morin], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 321 p.

Il s’agit de mettre en évidence le fonctionnement et les mécanismes des cellules de base d’un parti militant. Le PSU a, en effet, un rôle déterminant dans l’histoire de la gauche française : il a renouvelé les principes de base et les méthodes d’organisation des socialistes. Les sections parisiennes ont dans le parti un rôle central, car elles organisent l’activité militante dans la capitale face au pouvoir gaulliste. Les sections parisiennes, quoique tout à fait autonomes d’après les statuts, sont très liées aux personnalités nationales qu’elles accueillent et sont donc très sensibles aux querelles de pouvoir qui traversent le parti. Cependant, on s’aperçoit d’après la documentation interne des 6e et 9e sections que leur activité est orientée autant vers la construction théorique du programme socialiste que vers l’action militante à proprement parler. Les débats dans les sections, conclus systématiquement par des votes, concernent tous les grands enjeux du socialisme et donnent lieu à des suggestions auprès des instances nationales du parti. Les actions militantes ne se bornent pas aux tâches classiques que sont le collage d’affiche et la distribution de tracts, mais s’organisent, notamment dans le cas de la 6e section, autour d’un véritable programme politique de proximité. À l’intérieur des sections, le public d’adhérents se révèle très hétérogène dans ses origines sociales comme dans sa disponibilité. Les sections parisiennes rassemblent des adhérents dont le niveau d’engagement s’échelonne de la simple cotisation à une participation à plein temps, mais dont l’idéal commun est le seul véritable fil conducteur.

En conclusion, on peut donc voir qu’il n’y a pas de phénomène d’identification et d’uniformisation des militants du PSU, mais qu’au contraire les relations sociales entre les adhérents du parti sont orientées vers la découverte de l’autre et vers l’échange, et que l’action militante, quoique fédératrice d’unité, ne saurait effacer, entre des personnes de convictions, certaines différences irréconciliables.

POUPARDIN Marie, La politique culturelle de la municipalité d’Ivry-sur-Seine entre 1945 et 1973, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 148 p.

Au lendemain de la Libération, Ivry fait partie des municipalités à forte implantation du Parti communiste français. Elle s’érige progressivement en ville « laboratoire » du phénomène communiste en France et en ville-phare du communisme municipal. Les années qui suivent la guerre connaissent, d’une part, une certaine dispersion des initiateurs de politique culturelle et, d’autre part, une uniformité du contenu de cette politique. Il existe certes quelques associations culturelles, mais le rôle de diffusion de la culture est également propre à d’autres types d’organisations et institutions qui participent toutes de cette sociabilité formelle et informelle et qui contribuent, sans approche réellement planifiée, à l’élaboration de la vie culturelle ivryenne. Il s’agit des mouvements politiques et sociaux politiquement proches du PCF, du tissu associatif qui contribue à la construction de solides réseaux de sociabilité, ou encore de l’action municipale, qui cherche la plupart du temps à obtenir le bénéfice moral de l’ensemble des activités mises en place et développées par ces associations. Ainsi, dans un premier temps, la politique culturelle municipale s’articule autour de trois thèmes majeurs : tout d’abord, le souci d’éducation populaire, puis celui de développer une identité commune autour de l’histoire de l’URSS, enfin, celui de pérenniser une mémoire de la Résistance et de faire du Parti communiste le Parti résistant. Ces trois orientations sont, semble-t-il, uniformément adoptées et ceci est la conséquence directe de la politique du PCF qui consiste à construi­re dans les municipalités qu’il dirige une « contre société ». La culture n’est donc pas un véritable secteur autonome qui suscite une politique précise puisque les pratiques culturelles sont la plupart du temps mêlées à d’autres types d’activités, notamment politiques, mais aussi de loisir. À partir des années soixante, le secteur culturel tend à s’autonomiser et devient peu à peu un enjeu de taille pour la municipalité. Pour répondre à une nouvelle demande ainsi que pour faire face à la politique culturelle gouvernementale mise en œuvre par le récent Ministère des Affaires culturelles, la municipalité se dote d’institutions (Centre culturel ; Service municipal des Affaires culturelles ; Commission culturelle municipale, etc.) dont l’objectif est, dans un premier temps, le regroupement des associations culturelles existantes puis, dans un second temps, de permettre à la municipalité de participer réellement au développe­ ment culturel de la ville. L’action culturelle municipale devient donc la concurrente de celle du ministère des Affaires culturelles. Enfin, en 1973, la création du Théâtre des Quartiers d’Ivry, dont la naissance est due à l’adéquation entre les projets culturels municipaux et le projet personnel d’Antoine Vitez, produit un véritable changement de l’orientation de la politique culturelle municipale. En effet, le succès et la réussite du Théâtre des Quartiers d’Ivry apportent à la commune une nouvelle identité bâtie sur une expérience culturelle, identité qui n’est désormais plus uniquement politique.

Si l’on peut constater de réelles modifications du comportement municipal à l’égard du secteur culturel, il est également possible de relever la pérennité de cer­taines valeurs. En effet, tout au long de la période étudiée, le fort attachement de la municipalité à l’idée d’éducation populaire la conduit souvent à confondre politique d’éducation et politique culturelle. De plus, la municipalité conserve sa volonté d’établir un lien étroit entre politique et culture. Les choix culturels se doivent la plupart du temps de refléter des choix politiques et la diffusion de bribes de culture soviétique est loin d’être abandonnée, même après les années soixante.

PUYRAUD, Jean-baptiste, Le jazz en France : 1963-1971, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000

RATEL Boris, L’anarcho-syndicalisme dans le bâtiment en France entre 1919 et 1939, histoire et identité du mouvement anarcho-syndicaliste dans un cadre profes­sionnel : l’influence et les faiblesses d’une organisation syndicale révolutionnaire adaptée aux spécificités de l’industrie du bâtiment, Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 226 p.

Le but de ce mémoire est d’étudier l’anarcho-syndicalisme dans le cadre particulier d’un secteur professionnel : l’industrie du bâtiment, afin d’appréhender son évolution historique durant l’entre-deux-guerres et son identité syndicale. Le choix du bâtiment s’explique à la fois par le fait que l’anarcho-syndicalisme joue un rôle important dans l’histoire du syndicalisme dans le bâtiment et que le bâtiment est le secteur d’activité dans lequel l’anarcho-syndicalisme est le mieux implanté durant cette période. En effet, les anarcho-syndicalistes, dans un contexte de poussée des luttes sociales qui atteint son point culminant lors de la grève générale de mai 1920, parviennent en mai 1921 à devenir majoritaires au sein de la FNTB de la CGT. Par conséquent, celle-ci rejoint la CGTU en décembre 1921, lors de la scission de la CGT. Pourtant, les militants anarcho-syndicalistes de la FNTB se trouvent rapidement en conflit avec les militants communistes, majoritaires dans la CGTU. Néanmoins, au sein de la FNTB, ce sont les anarcho-syndicalistes qui restent majoritaires. Cette double lutte interne se termine à la fin de l’année 1924 par la décision de la FNTB de quitter la CGTU pour devenir autonome. Ensuite, elle participe en novembre 1926 à la fondation d’une confédération syndicale spécifiquement anarcho-syndicaliste, la Confédération Générale du Travail Syndicaliste Révolutionnaire, au sein de laquelle elle joue un grand rôle. Mais la FNTB se heurte, entre 1926 et 1932, à une grave crise interne, qui se traduit par la perte de la majorité de ses adhérents, puisqu’elle passe de 9000 membres à 2000. Puis, à partir de 1934, elle connait une croissance importante lui permettant de participer activement aux grèves générales de juin 1936 et de l’automne 1938.

Durant l’entre-deux-guerres, la FNTB développe tous les aspects de l’anarcho­ syndicalisme, sous une forme adaptée aux conditions de militantisme dans le bâtiment et en tenant compte de la tradition syndicale de cette industrie. Cela passe, en premier lieu, par une application constante des principes fondarnentaux de l’anarcho-syndicalisme et par un rapprochement avec le mouvement libertaire. De plus, cela se traduit par l’adoption du syndicalisme d’industrie comme mode d’organisation syndicale, ce qui est une particularité de la FNTB par rapport aux autres organisations syndicales du bâtiment. Ensuite, la FNTB se réclame de l’idéologie anarcho-syndicaliste, construite autour des notions de lutte des classes, de primauté du syndicalisme, de révolution sociale violente et d’instauration d’une société communiste libertaire dont les syndicats seront les fondements. De même, la FNTB pratique des méthodes de lutte inspirées par le concept d’action directe – soit l’action des salariés directement contre les patrons. Enfin, cette application de l’anarcho-syndicalisme par la FNTB se concrétise par un fonctionnement interne fondé sur le fédéralisme et la démocratie directe.

L’étude de l’histoire de la FNTB entre 1919 et 1939 démontre que l’anarcho­ syndicalisme est la doctrine syndicale la plus influente dans le bâtiment durant toutes les années vingt et que, malgré le recul qu’il connaît à partir de 1926-1927, il demeure solidement implanté parmi les travailleurs du bâtiment. Car l’anarcho-syndicalisme correspond aux conditions de travail et aux valeurs, des ouvriers du bâtiment et c’est la transformation de ces données durant les années trente qui explique ses difficultés ultérieures.

RIANDÉ Stéphane, Sujets de l’Empire et volontaires étrangers dans la 2e Division Blindée. Du 24 août 1943 au fer mars 1946, Maîtrise [Claire Andrieu, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 213 p.

L’armistice du 22 juin 1940 avait consacré la défaite de la France face à l’Allemagne. Pourtant, parti du Cameroun, le général Leclerc forgea un outil de combat qui participa activement à la libération du territoire national : le 25 août 1944, moins d’un mois après son arrivée en Normandie, la 2e Division Blindée entrait victorieusement dans Paris. Ironie de l’histoire, les premiers soldats qui entrèrent dans Paris étaient des Espagnols, vaincus de la guerre civile, ayant trouvé au sein des forces françaises le moyen de continuer la lutte contre le fascisme qu’ils abhorraient. En effet, cas unique dans l’armée française, la 2e DB comptait de nombreux volontaires étrangers, en plus des soldats indigènes, dans ses rangs. Certes, évaluer leur nombre précisément est délicat, mais il s’avère que plus de 500 volontaires étrangers et qu’environ 3000 indigènes marocains, algériens, tunisiens, syriens et libanais contribuèrent à la libération de la France. Si les volontaires étrangers, généralement engagés précocement dans les FFL, n’étaient présents que dans quelques régiments, les indigènes furent affectés dans toutes les unités de la division. Parmi ces derniers, les Algériens étaient mobilisés alors que les 1500 Marocains de la division étaient, tout comme les Syriens et les Libanais, volontaires pour se battre. Affectés aux postes subalternes, les indigènes payaient en fait leur peu de formation technique sans qu’il soit possible d’incriminer une quelconque ségrégation au sein des régiments de la 2e DB. Cependant, quels que soient les services rendus, la fin du conflit en Europe et la démobilisation des effectifs firent de ces hommes les perdants de la paix : les Espagnols déracinés ne furent aidés que par la croix rouge espagnole alors que les Marocains et les Algériens étaient renvoyés dans leur pays sans que rien ne soit prévu pour les accueillir. 60 ans après, la France n’a toujours pas reconnu sa dette envers ses libérateurs.

ROLLAND Claire, La figure du Père Noël en France de 1945 à 1975, Étude de presse, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 132 p.+ 40 p.

Noël est la fête préférée des Français. La fin de la Seconde Guerre mondiale est marquée par l’introduction massive d’un « nouveau » personnage dans les pratiques festives des Français : le Père Noël.

Le Père Noël, vieillard à barbe blanche, à houppelande rouge et à la hotte garnie de cadeaux est d’origine anglo-saxonne. Il est l’héritier de nombreuses figures mythiques, cependant son acte de naissance est le fait d’un poème The night before Christmas, composé en 1822 par Clement C. Moore, professeur de théologie aux États-Unis. Le Père Noël enchante les petits comme les grands. Mais, il dérange aussi. Son effigie fut brûlée en 1951, sur le parvis de la cathédrale de Dijon. Cette exécution suit une campagne menée par l’épiscopat français contre ce Père Noël, paganisateur et hérétique. Cependant, le Père Noël n’est pas à proprement parler une invention anticléricale ou antireligieuse.

Dès les années 1960, le Père Noël est condamné dans la critique d’une société de consommation dont il est trop enclin à témoigner la vigueur. Viennent ensuite des attaques qui le prennent à partie par le biais de la psychopédagogie. Le dispensateur d’émerveillement a la vie dure. Discuté, condamné, repoussé, mais aussi adulé, il résiste à toutes les tempêtes et à toutes les modes. Les adultes mettent une réelle ardeur à le protéger. Les lignes de défense procèdent même d’une étrange inversion des rôles qui laisse suggérer que le Père Noël recouvre des réalités profondes.

La presse donne une image assez figée de ce Père Noël en dehors des « grandes » polémiques, comme celle de 1951. Le bonhomme symbolise la générosité et la jovialité. Il crée autour de sa personne une atmosphère ludique et devient l’incarnation de l’esprit des fêtes de Noël.

Le Père Noël est donc, entre 1945 et 1975, le puissant indice d’une société française en pleine mutation. Il témoigne de sa déchristianisation, de son américanisation et d’un vaste mouvement d’uniformisation. Mais plus encore, il est la réponse à notre indispensable et éternel besoin de merveilleux.

ROUSSEL Hélène, La CGT-FO et la construction européenne, Histoire d’un anticom­muniste syndical européen, 1947-1953, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Dreyfus], 2000, 292 p.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale des militants syndicaux vont faire éclater l’unité syndicale ouvrière française de la CGT. Ils dénoncent et refusent l’asservissement du syndicat à un parti politique : le Parti communiste. Après la scission de 1947, ils fondent une nouvelle centrale, la CGT-FO. Il est évident que ce bouleversement syndical en France fait écho à la constitution des deux blocs au niveau inter­national et à la Guerre froide jusqu’en 1953.

Dans ce contexte, la CGT-FO œuvre à la construction d’une Europe occidentale unie, objectif que l’on trouve, avant la scission chez les minoritaires de la CGT. FO encourage ainsi l’initiative du plan Marshall, source de conflit avec les communistes de la CGT. Cette position revendiquée très tôt lui permet d’obtenir le soutien actif des syndicats américains fortement anticommunistes. Au-delà de l’aide matérielle, les syndicats américains permettent à FO de s’imposer sur le devant de la scène internationale. Avec la création de la CISL (1949), FO réintègre le mouvement syndical international et devient un modèle en Europe du syndicalisme « libre ». Si l’influence américaine est très présente en Europe et précisément sur le terrain syndical, FO prend cependant une position européenne à part entière. En effet, certains militants de FO créent, en juin 1948 suite au Congrès européen de La Haye, un groupe nommé FOSE (Forces ouvrières syndicalistes européennes), à titre individuel, c’est-à-dire n’engageant nullement la centrale FO. Les documents communiqués par Claude Harmel et les archives du CHT de Nantes confirment que la plupart de ces militants appartiennent à la tendance minoritaire de FO. Ils partagent une même conception pacifiste du monde, source de leur engagement européen. Les FOSE se forment sous l’impulsion d’un petit groupe de syndicalistes — pour la plupart révolutionnaires (R. Le Boutre, R. Lapeyre) — qui œuvrent pour la construction de l’Europe fédérale. Trois ans seulement après la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils prônent le rapprochement franco-allemand, avec l’idée d’un pool du charbon pour mettre fin aux problèmes de la Ruhr. Ils proposent en 1948 une Société européenne des houillères — début d’unification économique européenne — deux ans avant le plan Schuman. La volonté de rendre concret le projet de Fédération européenne est réelle, la propagande est de rigueur, car il s’agit de mobiliser les masses travailleuses en faveur d’un tel projet. Ce sont des syndicalistes qui croient en la création d’une Europe fédérale, où les travailleurs sont représentés et leurs intérêts défendus par une participation active des syndicats dans les institutions européennes. Or, les orientations profondément anticommunistes des militants des FOSE peuvent porter à voir dans cette conception visionnaire de l’Europe, scellée par la réconciliation franco-allemande, un moyen efficace de faire bloc à l’avancée soviétique. Loin de la crainte de l’Allemagne revancharde, ils redoutent l’invasion communiste et la perte de la civilisation occidentale. Visionnaires ou réactionnaires ? Toujours est-il que les FOSE jouent un rôle important auprès de FO et donnent, en outre, une image particulière des mouvements fédéralistes européens de l’époque. Les FOSE parviennent à réveiller la conscience européenne de FO : en 1949, elle crée un Comité européen qui siège dans toutes les réunions et institutions de l’Europe.

FO, présente au sein du CSC de l’OECE et du plan Schuman, participe activement à l’ORE de la CISL et intensifie ses échanges intersyndicaux en Europe. Au nom de la lutte contre les syndicats communistes et de la volonté de participer à la construction européenne, FO mène l’unité d’action avec la CFTC dans les instances européennes, et rencontre les autres centrales « libres » d’Europe (DGB, IUC, CGIL…).

SMITH Joël, La représentation de la Résistance française dans le cinéma américain de 1940 à nos jours à travers l’étude de six films, Maîtrise [Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 191 p.

Si le thème de la Résistance française sous l’occupation est éminemment passionnel en France, où il touche à l’identité collective, le regard décentré du cinéma américain, étudié à travers six œuvres représentatives des moments forts de la production hollywoodienne sur la question, toutes disponibles et exploitables de nos jours, propose une vision à la fois marginale de la Résistance, éclipsée par des enjeux plus majeurs pour les Américains comme le débarquement du 6 juin 1944, et en même temps riche en enseignements. La Résistance, argument idéal de scénarios où l’action, l’héroïsme et le sens du sacrifice sont exaltés, y prend une forme à la fois codifiée et idéalisée, où les conditions de production hollywoodiennes jouent un rôle non négligeable. Ces œuvres s’inscrivent également dans leur contexte historique, qu’il s’agisse des besoins de propagande en vue de l’engagement américain dans les années 40 (« Vivre Libre », « Casablanca »), le dynamisme des années 60 permettant l’essor de grandes productions historiques par des studios tout juste sortis de la « chasse aux sorcières » maccarthyste (« Les Quatre cavaliers de l’Apocalypse », « Le Train », « Le Jour le plus long ») ou encore des années 80 où priment désormais des problématiques plus individualistes (« Plenty »). Au-delà de la spécificité du traitement de la question dans chaque œuvre, on note cependant l’absence d’ancrage de la représentation de la Résistance dans ses enjeux politiques, ce qui permet de dégager une universalisation du motif de Résistance, confirmée par la déclinaison du thème dans des superproductions situées à des époques très différentes. Représentés souvent comme des troupes d’appoints civiles avancées des forces alliées, les résistants incarnent à l’écran les mêmes valeurs militaires éternelles que les soldats venus mourir pour la liberté loin de chez eux ; l’action émancipatrice, le courage extrême et le sens altruiste du sacrifice œuvrent pour restaurer un ordre idéal, libre et valeureux. Mais sans problématique politique, cette Résistance cinématographique renonce à toute portée subversive, préférant la permanence d’un ordre social idéalisé aux mutations dialectiques d’une société complexe, traversée par ses conflits et ses contradictions.

SOLOMON Ambroise, Le PSU et l’enseignement (1960-1967), Maîtrise [Pascal Ory, Gilles Morin], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 206 p.

Le Parti Socialiste Unifié qui naît en 1960 rassemble des hommes qui tous se prononcent contre la Guerre d’Algérie et contre le retour au pouvoir du général de Gaulle. Au sein de la gauche, les enseignants se distinguent nettement par leur opposition résolue au conflit algérien. Ils représentent ainsi une forte proportion des adhérents de ce parti. Or, le régime gaulliste décide de mener une politique volontariste dans le domaine de l’enseignement dès 1959, conscient de la nécessité de réformer les structures du système scolaire en raison de la progression spectaculaire de ses effectifs, mais également dans le dessein de répondre aux besoins en personnel qualifié de l’économie qui connaît alors une période de croissance exceptionnelle. Aussi, l’École constitue un thème majeur du combat qui oppose la gauche et naturellement le PSU à la République gaullienne.

Cette étude révèle un nouvel aspect de l’histoire de ce parti. Elle montre que l’enseignement constitue une de ses préoccupations essentielles et permet de mesurer l’influence des enseignants sur sa position dans un domaine qui les concerne directement et, en outre, dans une période singulière. La construction de ce mémoire repose principalement sur la consultation de nombreuses sources écrites dont les archives du PSU déposées en 1999 aux Archives nationales, l’hebdomadaire Tribune socialiste, la presse syndicale et secondairement sur des entretiens avec des anciens membres de ce parti. La réflexion sur ce sujet s’organise autour de trois dates-clés qui recoupent trois étapes de la vie du PSU entre 1960 et 1967.

La loi du 31 décembre 1959 sur les rapports de l’État avec les établissements d’enseignement privés pose avec acuité la question de la coexistence au sein du PSU de militants croyants et incroyants sans pour autant que ce parti renonce à s’engager dans le combat laïque mené par les enseignants qui représentent un quart de ses membres. Le décret du 3 août 1963 portant création du Collège d’enseignement secondaire relance le débat sur la nécessité de démocratiser l’enseignement et sur les réformes souhaitables pour atteindre cet objectif. Le PSU critique sévèrement la politique gouvernementale et propose des solutions qui s’avèrent similaires à celles de la gauche et, en particulier, à celles des organisations syndi­cales enseignantes avec lesquelles il entretient des relations de plus en plus distantes depuis la fin de la Guerre d’Algérie malgré ses efforts pour les améliorer. En septembre 1964, le gouvernement annonce un vaste plan de réformes concernant le second degré, le baccalauréat et l’enseignement supérieur alors que se rapprochent des échéances électorales, enjeux majeurs pour la gauche et pour le PSU. Ce dernier donne une place remarquable à l’enseignement dans ses programmes électoraux, notamment dans celui de 1967, date à laquelle le renouvellement de son discours dans ce domaine coïncide avec celui de sa direction et marque la fin de la première phase de l’histoire du PSU, un an avant la rupture définitive de mai 1968.

TEITLER, Jean-françois, Les amis de Krasnik, les amis de Biala-Podlaska, les amis de Minsk-Mazowiecki : trois sociétés de secours mutuels de juifs polonais à Paris de la fin des années 20 à nos jours Identité et intégration de l’immigration juive de Pologne, Maîtrise [Patricia Hidiroglou], Univ. Paris 1 CHS, 2000

THOMA Pierre, L’image de la Seconde Guerre mondiale dans les albums de bandes dessinées, Maîtrise [Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 220 p. + 50 p. d’annexes

Un tel sujet impose une première partie méthodologique dans laquelle nous donnons une définition précise de ce que nous entendons par « album de bandes dessinées », ainsi que les critères de sélection ayant déterminé la constitution de notre corpus, source de notre mémoire. L’étude de notre corpus a montré une rupture chronologique très nette autour del’année 1980 : après cette date, l’album de bandes dessinées s’impose comme la forme principale d’expression du « 9e art », et la croissance des publications d’albums sur la Seconde Guerre mondiale devient exponentielle, avec une multiplication des différentes approches du conflit.

La période 1945-1980 se divise en deux séquences distinctes. De 1945 à 1957, les bandes dessinées adaptées en albums sont marquées par deux discours dominants : des bandes dessinées françaises dressent ainsi un hymne à la Résistance, reprenant à leur compte les mythes patriotiques de l’immédiat après-guerre, comme celui d’une France unanimement résistante. En 1957, tout change avec la série argentine Ernie Pike, battant en brèche le manichéisme. Surtout, en prenant pour héros de simples soldats affrontant la peur et le sang, elle donne un ton plus réaliste aux récits guerriers des années soixante. Ceux-ci sont marqués par l’émergence d’une nouvelle figure héroïque, celle du soldat « forte tête », volontiers indiscipliné et plus violent que son aîné. Les rares albums français de cette période investissent, eux, le genre comique, reprenant, d’une certaine manière, le thème de la comédie résistante, que l’on retrouve au cinéma. La période est enfin marquée par le premier tome de Maus, une série américaine, témoignage en bandes dessinées d’un rescapé d’Auschwitz, et une des premières œuvres de fiction sur la Shoah, tous genres d’expression confon­dus. Ces nouveaux éléments donnent une image plus réaliste de la guerre, sans se départir de certains clichés.

En 1980, les albums et les approches se diversifient. Quelques albums, au début des années quatre-vingt, adoptent un ton militant, se servant du conflit pour des mises-en-garde antifascistes fortement marquées par l’effervescence idéologique des années soixante-dix. Mais le grand thème de cette décennie est une lecture corrosive du conflit, avec l’humour acerbe et satirique des bandes dessinées « punks » 7 relayées par des albums érotiques. La sortie du deuxième tome de Maus marque le triomphe de cette œuvre sur la Shoah, mais l’échec d’autres albums sur le même thème montre que cette bande dessinée américaine est l’unique réussite du « 9, » art sur ce sujet grave.

À partir de la fin des années quatre-vingt, de nouveaux thèmes surgissent. De nombreux albums français jettent un nouveau regard sur la France de l’époque, en insistant sur les éléments autrefois soigneusement cachés de Vichy et de la collaboration. D’autres thèmes très novateurs apparaissent, comme ces albums prenant pour héros des soldats de l’Axe, ou se servant du conflit comme d’un simple décor, prétexte à des développements intemporels. On assiste également à un curieux retour de l’héroïsme, marqué cependant par un second degré et un ton désabusé très contemporain.

TRAVERS Alice, La montagne éducatrice. Politique et représentations de la montagne sous Vichy, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 221 p. + 44 p. d’annexes.

La défaite de juin 1940 et la création de l’État français voient la naissance d’une véritable politique de la montagne, menée par le Commissariat général à l’Éducation générale et aux Sports (CGEGS). La lecture des publications officielles du Commissariat, Éducation générale et Sports, puis Stades, ainsi que l’étude des archives de la Direction de l’Équipement sportif permettent de comprendre le rôle joué par cette politique de la montagne dans le dessein culturel vichyste : c’est parce que la montagne est éducatrice, qu’elle détient une place cruciale dans la doctrine de régénération nationale de l’État français.

Le CGEGS prend très rapidement conscience des avantages que présente la montagne, et des possibilités d’éducation qu’offre la pratique de sports comme le ski et l’alpinisme. Le préalable nécessaire à l’encouragement des activités alpines est l’équipement de la montagne, tâche à laquelle s’attelle dès sa création la Direction de l’Équipement sportif, dirigée de 1940 à 1942, par Georges Glasser, puis, jusqu’à la fin de la guerre, par Jean Couteaud. Ces deux hommes vont encourager la mise sur pied d’un vaste programme d’équipement de la montagne et créer, à cet effet, un nouvel organisme placé sous leur tutelle : le Secrétariat technique de la Montagne, dirigé par Louis Macaigne, qui prend, à partir de 1942, le nom de Service de l’Équipement sportif de la Montagne, dirigé par Gérard Blachère.

La politique de la montagne comprend trois volets. Le premier est la promotion de la montagne et des sports alpins, activement menée par le Service lnformation ­propagande, en collaboration avec la Direction de l’Équipement sportif, qui utilise différents moyens (presse, cinéma, exposition). Le deuxième est la structuration et la législation des activités alpines, qui uniformise et nationalise les professions alpines et l’enseignement. Enfin, le dernier volet de cette politique est l’encouragement à la pratique des sports de montagne par les jeunes, avec la mise en place d’une politique du ski scolaire, l’encouragement des camps d’alpinisme organisés par les associations alpines ou par des administrations étatiques.

Que la montagne soit devenue une affaire d’État s’explique par la « rencontre » entre Vichy et la montagne, rencontre dont l’origine est très largement culturelle : certaines représentations de la montagne correspondent exactement à celles de la Révolution nationale. La montagne est le moyen par excellence d’une « éducation générale », elle est le vecteur d’une idéologie éthique, prônant l’ascèse régénérante, la formation virile d’un homme nouveau, d’un chef, et le communautarisme : autant de valeurs que la Révolution nationale a mises à l’honneur et que le CGEGS et les autres administrations s’empressent de souligner dans les sports de montagne. Enfin, une des raisons primordiales de ce rapprochement est sans aucun doute le patriotisme véhiculé par l’alpinisme et le ski. Ces deux sports autorisent en effet, dans le discours qui les entoure comme dans leur pratique, l’expression d’une grandeur nationale. Cette exaltation de la patrie, dont on attend l’encensement du régime, se teinte parfois d’ambigüité, par une tonalité revancharde qui prend quelques distances vis-à-vis du discours officiel de l’État français.

Une certaine vision de la montagne éducatrice a ainsi favorisé, pendant la Seconde Guerre mondiale, l’accélération de l’évolution des sports de montagne, ski et alpinisme, et la naissance d’une politique étatique de la montagne, sur la base d’une convergence de représentations et de valeurs.

VAUTROT Caroline, La représentation du mouvement social des infirmières de 1988 et 1991 dans les journaux télévisés de TF1 et d’Antenne 2, Maîtrise [Christian Chevandier, Michèle Lagny], Univ. Paris 1 CHS et Paris 3, 2000, 169 p.

Lorsque les infirmières entrent en grève en 1988 puis en 1991, elles expriment des revendications concernant la reconnaissance des compétences techniques et la revalorisation sociale et économique de leur profession. Ces demandes fondamentales sont liées plus largement à la dénonciation de l’image traditionnelle de l’infirmière, désormais dépassée, mais persistante, celle d’une jeune femme dévouée, tout entière consacrée au malade et désintéressée. Comme dans toute protestation, l’image de la profession et la redéfinition de son identité sociale tiennent une place centrale. Et lorsque l’on évoque les termes de représentation professionnelle ou d’image sociale, il est clair que la télévision, la plus puissante médiation collective d’aujourd’hui, et plus précisément les journaux télévisés y sont inévitablement associés. Ces rendez-vous quotidiens ont pour mission de séduire et distraire, instruire au passage, mais surtout capter et retenir le téléspectateur. C’est pourquoi de véritables constructions de l’information sont proposées à travers différentes mises en forme linguistiques et visuelles porteuses de significations culturelles intéressantes à étudier dans le cadre d’un mouvement qui tend justement à faire reconnaître et instituer des modifications sociales.

À la croisée de l’histoire culturelle, « l’histoire sociale des représentations » selon Pascal Ory, de la sociologie et de l’analyse audiovisuelle (ce que l’image donne à voir et à comprendre), ce travail se propose donc d’examiner le traitement médiatique du mouvement social des infirmières de 1988 et 1991 à travers les journaux télévisés des deux chaînes françaises TF1 et Antenne 2. Pour ce faire, un rappel des principales caractéristiques du malaise infirmier s’impose afin d’appréhender pleinement la construction télévisuelle proprement dite et avant de laisser place enfin à l’image de la profession qui s’en dégage.

Au cours du conflit des infirmières dont la représentation publique a été explicitement fabriquée pour intéresser les médias, on assiste d’une part à de véritables mises en scène revendicatives de leur vécu, de leur condition de travail et de leur relation à la profession. Très élaborées, elles sont destinées à produire une image valorisante du groupe. D’autre part, les répercussions évidentes du journal sur le mouvement influencent la perception de celui-ci. Parallèlement, l’analyse du commentaire, de l’image et du rapport entre les deux souligne la prédominance du faire-voir sur le faire-comprendre et le faire-penser. Les journalistes se trouvent tiraillés entre deux logiques potentiellement antithétiques : une visée sérieuse d’information et une visée de captation, c’est-à-dire intéresser le public en ayant recours à des stratégies de séduction. Cette façon de mettre les images au service des propos du journaliste, au lieu de rédiger un commentaire explicatif du contenu de l’image, permet d’imposer aux téléspectateurs une opinion sur le fait à la place d’une information sur ce qui s’est réellement produit. De plus, la mise en images de la parole des protagonistes est réalisée en fonction du jugement que les journalistes portent sur ce que ces premiers sont et font. La manière de rendre compte du malaise infirmier nous apprend alors peut-être autant sur le milieu journalistique lui-même que sur le groupe dont il parle.

Enfin, dans les reportages des journaux télévisés, l’infirmière passe progressivement de l’image d’icône issue de l’héritage du passé au statut de femme moderne, travaillant pour vivre et non l’inverse, engagée sur la scène sociale et distinguant vie privée et vie professionnelle par définition confondue chez la religieuse. Elle incarne dès lors une certaine vision de la société qui mettrait l’humain au cœur de celle-ci. Cependant, le danger ne serait-il pas de retomber dans un autre cliché, même si celui-ci est plus valorisant ? Le stéréotype de la jeune femme à la morale irréprochable, défendant des valeurs appréciées, succèderait à celui de la religieuse dévouée. Deux caricatures qui ne seraient finalement pas si éloignées l’une de l’autre.

Résumés des mémoires de maitrise – Années 1990

1999

ANTISTE Alex, Monographie du centre de chèques postaux de Paris : 1945-1968, Maîtrise [Antoine Prost, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 258 p.

À l’image du succès remporté après la Seconde Guerre mondiale par le service français des chèques postaux, créé par l’administration des PTT en 1918, le centre des chèques de Paris a connu, entre 1945 et 1968, une croissance exceptionnelle de son trafic et de ses effectifs, à une époque jus­tement où le secteur tertiaire administratif et la petite fonction publique étaient en plein essor. L’étude des origines, des conditions de vie et de tra­vail et du syndicalisme du personnel postier de Paris-Chèques, nous a per­mis de participer à l’histoire syndicale de la fonction publique et aux champs de recherches ouverts récemment sur l’histoire sociale du travail des femmes.

Quelle était la condition sociale réelle de ces postières ? Pour répondre à cette question qui recoupe toutes les dimensions de notre étude, nous avons consulté les documents des Archives Nationales et les archives syndi­cales accessibles sur ce sujet. Trop lacunaires et fragmentaires, ces sources ont été complétées par une série de témoignages d’anciens employés du centre, et par des archives privées, dont un journal exceptionnel tenu au jour le jour, par un militant CFDT de Paris-Chèques pendant toute la durée de la grève de 1968.

Il est apparu finalement que cette administration particulièrement concernée par les exigences de productivité, et qui ne parvenait que diffici­lement à réunir les effectifs nécessaires à l’écoulement du trafic, employait des jeunes femmes de milieux populaires, originaires après 1950, pour la plupart de province, et du sud-ouest en particulier. Ces dernières, unies par le sentiment du déracinement, connaissaient à Paris 1es difficultés maté­rielles et pécuniaires des salariées les plus modestes de la capitale. Mais elles jouissaient néanmoins des avantages liés à leur statut de fonctionnaire et des possibilités de promotion ou de mutation, qui leur étaient offertes par l’administration des PTT. Dans un centre où l’organisation était rationali­sée et taylorisée, la majorité des agents d’exécution, vérificatrices ou méca­nographes étaient de véritables OS du tertiaire, qui subissaient, parfois au détriment de leur santé, la fatigue nerveuse causée par un rythme de travail toujours soutenu. Les autres, chefs de groupe, ou employées dans certains services annexes, effectuaient, elles, un travail un peu moins pénible, et plus valorisant. Quant au syndicalisme des chèques, il était marqué par des divi­sions profondes, et confronté à un personnel féminin peu marqué par l’esprit fonctionnaire et plutôt passif. Il a toutefois bénéficié, à partir des années 1950, du travail efficace de nouvelles militantes très actives et sou­cieuses de défendre les revendications spécifiques des jeunes femmes du centre. C’est d’ailleurs en partie la raison pour laquelle, après la grève d’août 1953, très bien suivie, l’état d’esprit des employées évolua considérablement leur participation aux actions syndicales augmenta d’une manière significative. La grève victorieuse de 1968 marqua d’ailleurs l’apo­gée et le couronnement des nombreux mouvements organisés à Paris-Chèques à partir du début des années 1960. À son issue, en effet, la prin­cipale revendication du personnel d’exécution, à savoir, la réduction du temps hebdomadaire de travail, fut enfin satisfaite. Ce qui contribua ainsi largement à l’amélioration de leurs conditions de travail.

Particulièrement représentatif des grandes « usines administratives » françaises du secteur tertiaire de l’après-guerre, le centre de chèques postaux de Paris a ainsi abrité, de 1945 à 1968, un personnel dont les origines et les conditions reflétaient tout à fait la prolétarisation alors générale des employés de bureau. Néanmoins, même aliénant, ce travail d’employée à la chaine permettait à ces jeunes postières d’accéder aux avantages offerts par le statut de fonctionnaire. Ce qui, pour des jeunes femmes de milieux modestes, suffisait le plus souvent à satisfaire leurs aspirations et pouvait même constituer une réelle promotion.

BALTA Virginie, Les fêtes de la coupe du monde de football à Paris, 9 juin-14juillet 1998, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 125 p.

L’étude a été réalisée essentiellement à partir de sources audiovisuelles. Elle s’efforce de dresser une typologie des fêtes se déroulant à Paris pendant la Coupe du monde de football et aboutit à une classification en trois grands types de fêtes qui ont marqué l’espace parisien du 9 juin 1998 au 14 juillet 1998.

À leur début, les festivités parisiennes furent circoncises à l’univers des supporters de football alors qu’à l’issue du parcours victorieux de l’équipe de France, on a assisté à trois jours de « fête nationale » qui ont dépassé le cadre de l’engouement purement sportif. La liesse a transcendé toutes les barrières sacrales et ethniques de la population française qui s’est alors reconnue comme appartenant à un groupe défini. L’ampleur de ce phéno­mène a surpassé les prévisions des organisateurs politiques de la Coupe du monde. Les fêtes à dimension universaliste organisées pour l’ouverture du Mondial furent un échec. En revanche, les manifestations spontanées se sont inscrites dans la tradition des grandes fêtes parisiennes bien que leurs causes puissent apparaître en rupture avec cette histoire. Chacune d’elles a présenté des aspects traditionnels et d’autres novateurs en comparaison aux fêtes parisiennes depuis la période révolutionnaire. L’analyse des fêtes de la XVIe Coupe du monde de football à Paris permet de proposer une redéfi­nition des fêtes.

BOISBEAU Hélène, De La Guilde au TEP ou d’un théâtre d’amateurs à un théâtre national, 1951-1972, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 152 p.

Le projet d’évoquer la monographie de La Guilde, troupe française de théâtre, dans un temps récent, celui de l’après-guerre et de ses utopies, répond à la volonté de rechercher dans le théâtre des cinquante dernières années les mythes fondateurs de la conception de troupe en France, et d’en analyser l’idéologie communautaire, à travers celle de théâtre populaire.

Parallèlement, en plaçant un travail d’équipe au centre de cette recherche, à une époque où le théâtre est plus que jamais projeté dans une dimension discursive et dogmati9-ue, il s’agissait de faire le tri dans l’éclec­tisme théorique des écoles du théâtre français, notamment en les question­nant sous l’angle de l’investigation historique, à partir de la notion de légi­timité. Autrement dit, qui — groupe — se fonde sous l’autorité de qui — indi­vidu ou groupe — ou de quoi — groupe ou théorie — et dans quels temps — théoriques ou idéologiques ?

La vie de la compagnie se déroule de 1951 à 1972 et revêt diverses formes. À ses débuts, c’est une troupe de comédiens amateurs qui se sont rencontrés dans une salle de patronage du XXe arrondissement de Paris. Après leur victoire au concours des Jeunes Compagnies, ils créent un théâtre, le Théâtre de Ménilmontant, encore en activité, qui tente de fonctionner comme un théâtre privé, avec le souci de rentabilité en moins. Cette situation ne peut se prolonger sans avoir recours aux subsides de l’É­tat. La troupe se réfère alors au théâtre conçu comme un service public.

Par la suite, sous l’égide du Ministère des Affaires culturelles nouvelle­ment institué, la compagnie devient le centre de création théâtrale de la nouvelle et unique Maison de la culture parisienne en 1963, le Théâtre de l’Est parisien ou TEP. Ses dirigeants, Guy Rétoré, Arlette Téphany, Pierre Taupier, sont aussi ceux de la troupe. L’étude s’achève avec la saison 71-72 avant la mise en œuvre des nouveaux statuts du TEP devenu théâtre natio­nal.

À travers cette monographie transparait la volonté continue des déci­deurs de La Guilde d’appeler l’intervention de l’État tout en se gardant de sa tutelle ou de tout autre, renouant ainsi avec la tradition des fous du roi, tour à tour courtisans et miroirs satiriques de la monarchie.

L’histoire de La Guilde, c’est peut-être celle de la Grenouille…

BRUN Amélie, Ruptures et reconversions des dirigeants de la fédération de Paris du PCF des années 70-80, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 234 p + annexes

Soucieuse de suivre l’évolution de la capitale dont le niveau socioculturel est de plus en plus élevé et encouragé par le climat d’ouverture qui règne dans Paris, la fédération communiste de Paris multiplie les contacts avec la population parisienne depuis le début des années 70 et bénéficie d’une influence importante. La rupture du Programme commun en 1977 et la défaite de la gauche aux élections législatives de 1978 mettent fin à cette ascension. En effet, après ces échecs successifs, le parti décide de revenir à des positions plus « orthodoxes ». Le 11 janvier 1979, le Bureau politique du PCF condamne fermement la politique menée dans la capitale par les dirigeants fédéraux qu’il juge opportunistes. Persuadés que leur orientation est nécessaire pour renforcer l’influence du parti, les membres du Secrétariat fédéral s’unissent et refusent l’autorité nationale. Ils démissionnent successivement de leurs hautes fonctions entraînant derrière eux des membres du Comité fédéral. Tous sont exclus du PCF au début des années 80.

Onze anciens dirigeants nous livrent leurs témoignages sur leurs recon­versions politiques et professionnelles. Âgés de 30 à 50 ans, ils doivent faire face à de profonds bouleversements, malgré la rupture, ils restent forte­ment marqués par leur passé de militant communiste et continuent à s’in­vestir dans la société, en luttant dans un mouvement critique, en adhérant à un autre parti politique, en participant à des associations, des clubs de discussions, des revues… Les anciens permanents se lancent à la recherche d’un nouvel emploi, une épreuve difficile où l’expérience acquise dans les rangs du parti se révèle très utile. Le cheminement de ces anciens cadres parisiens leur permet de se reconstruire progressivement une identité.

CANNET Juliette, L’inventaire général des Monuments historiques et des Richesses artistiques de la France à travers trois exemples régionaux : la Bretagne, l’Île-de-France et le Poitou-Charentes, 1964-1997, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 213 p.

La création de l’Inventaire général des Monuments et des Richesses artistiques de la France en 1964 (par la loi n° 62 900 du 4 août.1964) s’est faite dans un contexte particulier : un ministère des Affaires culturelles récent avec André Malraux à sa tête et l’élaboration du IVe plan de développement économique et social.

Sa vocation était d’« étudier, recenser et faire connaître » les différents éléments du patrimoine français. Dès l’origine de l’inventaire général, les créateurs de cette entreprise (André Chastel et différents membres du cabinet d’André Malraux) furent d’accord pour donner à l’inventaire une dimension régionale. Il eut donc deux niveaux d’exécution, l’un national représenté par la Commission nationale et l’autre par des Commissions régionales.

L’inventaire général se présentait comme une entreprise scientifique et homogène qui devait donner une image du patrimoine local. Les Commissions régionales ne furent pas créées toutes en même temps. Le ser­vice régional de l’Inventaire en Bretagne fut créé dès 1964, celui du Poitou-Charentes en 1968 et enfin celui de l’Île-de-France fut un des der­niers, avec sa création en 1980.

À l’époque de sa création, l’inventaire général se présentait comme un outil de connaissance du patrimoine et contribuait ainsi à faire découvrir et préserver une identité culturelle régionale. Aujourd’hui, il est devenu un outil d’intervention dans les politiques locales d’aménagement du territoi­re. Il est inséré dans un cadre institutionnel (les Directions régionales des Affaires culturelles). Et chaque région utilise l’Inventaire général suivant ses moyens et ses besoins.

La mise en place d’outils méthodologiques de plus en plus performants (l’utilisation de dossiers électroniques, la mise en place de serveurs sur Internet, la création de CD-ROM) pour le travail d’inventorisation permet aux services régionaux de suivre l’ambition de l’inventaire général, celle de faire connaître le patrimoine et de donner aux collectivités territoriales des données précises sur les richesses du patrimoine de proximité.

On constate en effet que les collectivités territoriales travaillent sur les politiques de développement culturel et que l’Inventaire peut devenir pour elles, un outil d’intervention sur le plan culturel, mais aussi urbanistique et touristique. Ainsi, chaque service régional réagit différemment devant les demandes des collectivités.

CHABERT Aurélien, La ligue des droits de l’homme face aux dictatures européennes et au problème des réfugiés politiques 1931-1937, Maîtrise [Jean-Louis Robert-G. Morin], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 140 p.

La Ligue des droits de l’homme, association de défense des droits des citoyens, s’engage logiquement dans le combat contre les dictatures euro­péennes et en faveur des réfugiés politiques au cours des années trente.

Rassemblement d’intellectuels de gauche, la Ligue réfléchit aux moyens à mettre en œuvre pour contrecarrer l’expansion du fascisme et à l’attitude à adopter face à elle au fur et à mesure des événements internationaux. Les exactions en Italie, la montée puis l’avènement du nazisme en Allemagne, l’émeute du février 1934 en France, le réarmement allemand, l’agression italienne en Éthiopie et la remilitarisation de la Rhénanie en 1935, et enfin la guerre d’Espagne en 1936 sont autant d’événements qui mobilisent les ligueurs et font évoluer leur position.

Le combat antifasciste se conjugue à la volonté de préserver la paix en Europe. Cependant, à l’image de la gauche française, la Ligue se heurte à la contradiction opposant d’une part le combat antifasciste et d’autre part la défense de la paix. De 1931 à 1937, la division entre une majorité pacifiste, mais partisane de la sécurité collective puis, en 1937, d’une politique de fermeté a l’égard des dictatures à la suite de l’échec de la non-intervention en Espagne, et, une minorité ultra-pacifiste prête à tout sacrifier pour la paix, se creuse et aboutit à une scission au sein de l’association au cours de l’été 1937.

Parallèlement à ce débat, la Ligue, force de pression morale et politique, met en œuvre un certain nombre d’actions dans le droit fil de la lutte contre le fascisme : les exactions contre les opposants aux régimes dictatoriaux sont vigoureusement dénoncées, et surtout l’association agit largement en faveur des réfugiés politiques en mettant en place des structures d’accueil et d’aide juridique tout en faisant pression sur les pouvoirs publics français dans le but d’obtenir des garanties pour la préservation du droit d’asile.

CIVET Jean-François, Les députés résistants et l’Algérie sous la IVe République (8 mai 1945-3 juin 1958), Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 322 p.+ annexes

Les députés résistants sous la IVe République forment l’ossature des chambres des députés successives malgré une diminution sensible de leur nombre : baisse de 72 % à 60 % des élections d’octobre 1945 à celles du 2 janvier 1956. Ils ne se distinguent pas par une capacité commune à voter certains textes sur l’Algérie avant ou pendant les « événements ». L’Algérie ne semble pas susciter dissidence avant et pendant les « événements » jusqu’en 1957 : celle-ci n’existe qu’au niveau de personnalités remarquées surtout lors de l’expérience mendésiste, même si leur attachement à l’Algérie fut plus précoce pour certains (Temple, Fonlupt-Esperaber, Bouret influents lors du statut). Ils ne se sont pas uniquement définis en fonction de la situation algérienne que seules les élections de janvier 1956 mettent au premier plan. L’extension des pouvoirs spéciaux à la métropole provoque la première rupture significative en raison des atteintes portées à la défense des libertés individuelles : 26 socialistes ne prennent pas part au vote et une partie significative du MRP s’abstient dont deux Compagnons de la Libération, Tejtgen et de Menthon. D’autres, comme Henri Ulrich et Francine Lefebvre s’engagent dans un processus d’opposition. L’indécision du gouvernement Bourgès-Maunoury explique l’émergence d’une autre opposition qui dénonce l’impuissance du régime et son incapacité à conserver l’Algérie française, conduite par des Compagnons de la Libération comme Dronne ou P. André. Les événements de mai seront, pour ce second front, déterminants, forçant les indépendants indécis à rejoindre les anciens soutiens mendésistes (Kir, Temple, Moustier, fils de I’un des quatre-vingts) ou les opposants aux lois-cadres qui ont pour porte-parole Pierre Montel. Une spécificité résistante dans un camp ou dans l’autre n’est pas décidable. Des personnalités résistantes dissidentes, Daniel Mayer, George Bidault ou François Reille-Soult fondent leur argumentation sur leur résistance, notamment l’opposition à Munich pour l’ancien président du CNR. Savary ne se justifie pas par son passé résistant et comme Fonlupt-Esperaber, intéressé par l’Algérie, il songera à se présenter aux élections législatives de 1958 en Algérie, position singulière au sein des minorités.

CLOSETS (de) Sophie, La commission de contrôle des œuvres cinématographiques face au cinéma français de fiction, 1956-1960, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 260 p.

Ce mémoire se propose d’étudier la commission chargée de contrôler, c’est-à-dire de censurer tout ce qui était projeté sur les écrans en France, en se concentrant sur les longs-métrages français de fiction réalisés entre 1956 et 1960, période-charnière à la fois parce qu’elle voit la France, engagée dans le conflit algérien, changer de République, mais aussi parce que, pour la dernière fois de son histoire, la censure cinématographique se durcit, alors qu’émerge un style cinématographique plus libre, celui de la Nouvelle Vague.

La commission de contrôle des œuvres cinématographiques, rattachée au Centre National de la Cinématographie, avait donc la charge de délivrer ou non le visa d’exploitation des films, visa qui autorisait la projection des films devant tous les publics ou l’interdisait aux mineurs de moins de 16, puis de 18 ans, ainsi que le visa d’exportation des films français à l’étranger, décisions qui pouvaient avoir de douloureuses conséquences financières pour les producteurs. L’étude de cette commission, de son fonctionnement comme de ses agissements à la fin des années cinquante permet donc d’envisager l’attitude de l’État face aux films et à la représentation qu’ils proposaient de la société française et de ses problèmes sociaux et politiques.

Le fonctionnement au quotidien de la commission montre que, derrière une rigueur ostentatoire dans le respect des règles, grande était la part laissée à l’appréciation des membres de la commission, membres issus des ministères et de I’administration qui contrôlaient cette institution, malgré les efforts des représentants du cinéma pour que la parité de la commission fût effective. Il incombait donc aux représentants de l’administration publique de s’assurer, au prix de coupures et d’interdictions, que l’Etat, ses institutions comme ses choix politiques, fût respecté dans la production cinématographique française. Mais, autant la commission était intransigeante quand il s’agissait de politique, autant elle acceptait une relative Iiberté sur le plan des mœurs. Les négociations que tentaient les producteurs des films pour faire lever les interdictions auprès de la commission, et du ministère de l’Information, autorité de tutelle qui prenait en définitive les décisions, soulignent le poids des avis pris par une commission, qui voulait plus instaurer une autocensure dans le monde du cinéma qu’imposer ses vues par des interdictions ou des coupures, solution qui imposait aux représentants de l’État de désigner précisément leurs normes du « représentable ». La censure cinématographique entre 1956 et 1960 faisait également l’objet de vifs débats entre partisans d’un contrôle plus sévère et défenseurs d’une vraie liberté d’expression cinématographique ; son étude révèle donc à la fois les clivages d’une société française en mutation et l’image de ces bouleversements dans le cinéma français tel que le voyaient les représentants de l’État, tenants de l’ordre social et politique.

DANDÉ Serge, Le PCF et l’autogestion. Du rejet à l’adhésion (1968-1979), Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 229 p.

La thématique autogestionnaire émerge en France avec le mouvement de Mai 1968 et occupe tout au long des années 70 une place importante. C’est ce qu’atteste, à un double niveau, son insertion progressive dans les discours des principales organisations politiques (PSU, PS et PCF) et syndicales (CFDT et CGT) et sa place dans les luttes-phares de la décennie notamment celle de Lip. Des organisations ouvrières, le PCF est celle qui inscrit le plus tardivement l’autogestion dans sa stratégie. C’est seulement en 1979, lors de son XXIIIe Congrès, que le parti communiste se dote explicitement d’une stratégie autogestionnaire, près de dix ans après le PSU et la CFDT et quatre ans après le PS. Pour autant, de 1968 à 1979, le PCF n’a été ni également ni constamment opposé à l’autogestion. Au contraire, son attitude se modifie progressivement.

Trois périodes peuvent être dégagées. De décembre 1968 à mars 1973, le PCF rejette purement et simplement l’autogestion dans un contexte où elle ne lui apparaît pas représenter une menace sérieuse. Premier parti de la gauche, parti de la classe ouvrière, c’est un PCF assuré par la puissance de ses positions — électorales et militantes — qui discute de l’autogestion et polémique contre les courants s’en réclamant. En revanche, dès l’été 1968, les communistes cherchent à intégrer dans leur programme les aspirations de mai. Notamment, le PCF adapte son discours et développe ses positions sur la gestion démocratique et l’autonomie de gestion qu’il oppose à l’autogestion. La défaite de la gauche aux élections législatives en mars 1973 sanctionne le recul des communistes au profit des socialistes. Dès lors, et jusqu’en mars 1977, le PCF cherche à empêcher l’émergence d’un pôle autogestionnaire autour d’un PS crédibilisé aux yeux des militants se revendiquant de l’autogestion. À cette fin, le parti communiste se réclame lui -­même des exigences antiétatistes et antibureaucratiques de l’autogestion, sans pour autant s’y référer dans ses documents, afin de dénier toute possibilité d’en faire un élément de ralliement pour la gauche non communiste. À partir de mars 1977, le PCF se proclame autogestionnaire. Sa conversion à I’autogestion est contemporaine de la campagne en faveur d’une réactualisation du programme commun de la gauche que la crise économique oblige à remanier. Conçue essentiellement comme un moyen d’éviter que l’autogestion soit utilisée comme un contre-feu dans le débat qui s’annonce difficile sur le seuil minimum de nationalisations, l’adhésion au PCF offre également l’avantage de permettre un rapprochement avec la CFDT que les communistes comptent utiliser afin de créer un rapport de forces suffisant pour arracher une politique de nationalisations ambitieuse. La défaite de la gauche aux élections législatives de mars 1978 conduit le PCF à assimiler l’autogestion dans sa stratégie afin de justifier une nouvelle approche de l’union misant sur les liens à la base et rejetant tout accord au sommet.

Le ralliement progressif des communistes à l’autogestion est dicté par les circonstances. Ce n’est pas la confrontation idéologique avec les courants se réclamant de l’autogestion qui convainc le PCF à se rapprocher des positions autogestionnaires, mais le développement d’un pôle autogestionnaire contestant son hégémonie sur la gauche française qui pousse le PCF à se convertir à l’autogestion. L’absence de conséquence sur sa politique et sa pratique souligne cette adhésion formelle du parti communiste aux idéaux autogestionnaires. Ainsi, lors de la campagne des élections présidentielles de 1981, l’autogestion est-elle totalement absente du programme et des discours de Georges Marchais. L’érosion rapide des idées autogestionnaires entre 1979 et 1980, qui touche non seulement le PCF mars l’ensemble des formations s’en réclamant dans les années 70, questionne la réalité de l’adhésion de nombreux courants à l’autogestion et les motivations qui les avaient conduits à s’en réclamer.

DELAS Thierry, Les infractions à la législation économique et le marché noir dans le département de la Seine, 1942-1943, Maîtrise [J.­L. Robert-Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 301 p.

Ce mémoire permet d’avoir un aperçu très partiel de la vie économique du Paris de fin 1942, au travers des dossiers du service départemental de contrôle économique (SDCE). Cette vue partielle est due au nombre limi­té de dossiers consultés, la courte période observée, mais également au couple « infraction/constatant ». En dépit de ces restrictions, on peut dis­tinguer certaines grandes lignes :

Il permet de voir, en partie, le fonctionnement du SDCE, de ses liaisons verticales et horizontales. Bien que l’organigramme de cette organisation ne soit pas réellement connu, on peut appréhender les différentes structures de cette instance de répression. Sa collaboration et, en partie, la subordination du service de répression des fraudes au SDCE montrent le caractère « original » de l’organisation du contrôle départemental de la Seine. Le mémoi­re ne montre pas en revanche les relations avec les autres services spécialisés dans la répression des infractions économiques, présents dans la capitale.

Il permet d’appréhender l’application des lois et arrêtés sur le « terrain » et les sanctions appliquées. Le gouvernement de Vichy et son prédécesseur ont élaboré un ensemble cohérent de textes pour restreindre la consomma­tion et les prix avec des buts différents. Ces textes, aménagés tout au long de la période, sont résolument inscrits dans une logique répressive de plus en plus forte. En estimer l’application sur le « terram », dans ses différents aspects, est toutefois assez difficile.

Il montre un échantillon composé presque exclusivement de commer­çants de détail (sous toutes ses formes) et de particuliers parmi lesquels on note une proportion assez forte de « sans profession » et de chômeurs. Toutes ces personnes ont des motivations différentes. Les types de consta­tation diffèrent aussi suivant les infractions. Les informateurs sont à l’ori­gine de la quasi-totalité des trafics découverts, alors que la vérification du respect des règlements par les détaillants est le plus souvent le fait du contrôle systémati9.ue ou au hasard des magasins et autres lieux de vente. Entre ces deux extrêmes, on remarque l’action des gardiens de la paix, sous diverses formes (arrestations dans le métro ou la rue, contrôle de bouti­quiers, etc.). En fonction de la catégorie d’activité à laquelle appartient la personne, on peut dégager des caractéristiques générales de leurs actes délictueux. Les hausses illicites, assez souvent associées à des défauts d’éti­quetage pour les commerçants, sont réprimées différemment suivant leur secteur d’activité. Cette différenciation est également présente pour les « trafics » des commerçants ou des particuliers. Les particuliers commettent un ensemble d’infractions très diversifiées, où prédomine l’infraction au ravi­taillement. À I’achat dans des fermes pour le ravitaillement personnel, la vente à la sauvette pour survivre, on peut opposer les véritables trafics et parfois le soupçon d’une activité illicite plus large qu’ils ne l’avouent dans les procès-verbaux.

DONZELLE Béatrice, « Charonne » vu par la presse d’information écrite, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 207 p. + annexes

Le 8 février 1962, une manifestation intersyndicale anti-OAS pour la paix en Algérie, interdite, se solde par 8 morts parmi les manifestants, étouffés dans la bouche de métro Charonne. Cet événement appartient aujourd’hui à la mémoire collective. Quel est le rôle de la presse écrite nationale et régionale de la métropole dans son ancrage dans le souvenir ?

La forte médiatisation du drame de Charonne provoque pour premier effet visible un immense élan populaire lors des obsèques des victimes, le 13 février au Père-Lachaise. Par rapport au 8 février, la foule a décuplé, et ar opposition aux débats — selon les thèmes récurrents de la jeune Vème République : Algérie, montée du fascisme, répression, péril rouge, censure — qui ont suivi la manifestation nationale, impose I’unanimité. Les journaux lui accordent encore plus de place dans leurs colonnes que la soirée du 8 février.

Si aujourd’hui les témoins de cette époque ont gravé dans leur mémoire la foule digne et silencieuse du 13 février, plus que celle — revoltee — du 8, la presse y est pour quelque chose. Elle a d’abord, volontairement ou non, amplifié le mouvement de protestation en le médiatisant, puis inscrit dans les esprits — de manière plus intense encore — l’immensité imposante de la foule des obsèques.

FIRMIN Matthieu, Les Cahiers de mai, 1968-1974, entre journalisme et syndicalisme, Maîtrise [Antoine Prost, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 211 p.+ annexes

Publication issue des événements de Mai 1968, les Cahiers de Mai ont paru jusqu’en 1974. Créés par une équipe hétéroclite, rassemblée autour de Daniel Anselme, personnage charismatique, militant professionnel, les Cahiers de Mai se donnent comme objectif initial de rassembler des témoignages ouvriers sur des conflits d’entreprises s’étant déroulés en mai-juin 1968. Ces témoignages devaient permettre de mieux comprendre cette période annonciatrice, selon eux, de profonds changements pour le monde au travail et les pranques syndicales. Mai 1968 est donc I’événement de référence devant indiquer le chemin du changement social.

Les militants des Cahiers de Mai ont vu dans les nombreux conflits du travail, ponctuant la période 1968-1974, l’expression des changements annoncés par les événements de Mai 1968. Ils constatent cependant que les ouvriers rencontrent de nombreuses difficultés pour comprendre leurs mouvements. L’une de ces difficultés est la compréhension et l’expression des raisons véritables de leurs grèves. Les militants proposent donc à ces ouvriers une méthode d’enquête collective qui doit permettre de définir les raisons du conflit et de les exposer dans des textes collectivement rédigés. Les Cahiers de Mai soulignent ainsi le rôle capital que doit jouer l’information dans un mouvement social. Une information claire, précise et collectivement vérifiée est selon eux un élément essentiel de réussite à toute grève. Ce travail d’enquête et d’information est également, selon les militants des Cahiers, un moyen de renouveler les pratiques syndicales de l’époque. Puisant ses racines dans l’anarcho-syndicalisme, le syndicalisme d’action directe, les Cahiers de Mai prônent un syndicalisme autonome et géré par les ouvriers. Le groupe Cahiers de Mai a participé à de nombreux conflits d’entreprises, mais deux d’entre eux ont fait l’objet d’une mobilisation particulière : ceux de Penarroya et Lip. Deux grèves-modèles correspondant aux ambitions des militants des Cahiers.

FOUBERT Alexandra, Les écomusées en Île-de-France : une fonction sociale (1977-1998), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 112 p. + annexes

L’idée de constituer des collections concernant les traditions et les coutumes d’une région ou d’un pays remonte à la fin du siècle dernier dans les pays scandinaves. Ces collections étaient rassemblées dans des musées appelés musées de folklore ou d’arts et traditions populaires. Ce type de structures muséales apparaît en France dans les années 1930 sous l’impulsion de Georges-Henri Rivière, qui crée le Musée des Arts et Traditions populaires à Paris, ancêtre des écomusées. Ces derniers se développent dans les années 1970 au sein des Parcs naturels régionaux et reflètent les modes de vie des hommes dans leur environnement naturel et social.

Mais en Île-de-France, la fonction des écomusées apparaît quelque peu différente de la fonction originelle. Celle-ci est désormais axée sur l’étude des comportements sociaux. On peut donc se demander quels sont les facteurs qui ont engendré cette modification de la notion de base. Les écomusées d’Île-de-France, région récente et en constante mutation, mettent en avant les difficultés d’intégration des populations dans les villes nouvelles ainsi que les problèmes liés à l’intégration sociale (rapports entre des individus issus de groupes sociaux différents). Le travail de l’écomusée consiste à rassembler les populations, qui apprennent à se connaître par le biais d’expositions et d’animations où elles sont à la fois sujet et acteur de ces manifestations à caractère socioculturel. Les écomusées en Île-de -­France se caractérisent donc par une action sociale et culturelle dans le but d’améliorer les relations sociales, ce qui les différencie des autres écomusées dont les thématiques sont davantage axées sur les traditions et les coutumes du passé.

FOURMAS Stéphane, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et­-Loir), janvier 1942-mai 1944, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 220 p.

Le centre de séjour surveillé de Voves a été créé en janvier 1942 en application du décret du 18 novembre 1939 relatif aux mesures à prendre à l’égard des individus dangereux pour la sécurité publique. Aménagé dans un ancien camp de prisonniers de guerre, le centre est placé sous le contrôle des autorités françaises et plus particulièrement sous la « haute autorité » du préfet d’Eure-et-Loir. Lors des travaux d’aménagement, le camp est scindé en deux parties et les internés peuvent vivre dans une large autonomie à l’écart de l’administration. Ils sont surveillés par des gardes civils et des gendarmes français dirigés par un chef de camp.

Le Centre devait être spécialisé, à l’origine, dans l’internement des militants communistes de la région parisienne. Ce sera, en fait, une population masculine bigarrée composée de trois catégories de détenus : les « politiques », les « indésirables » et les « droits communs ». La forte population communiste permet d’imposer dans le camp un mode de fonctionnement efficace : l’amélioration des conditions de vie, la création d’une « Univ. » et l’activité clandestine sont organisées de manière collective.

Le régime d’internement est rude : les « prélèvements » d’otages menés conjointement par les Français et les Allemands, les transferts vers des destinations parfois inconnues sont autant de menaces qui pèsent sur les internés. Les libérations seront motivées par le ralliement de certains à la politique de Pétain, mais pour d’autres, l’évasion sera la seule issue. Le 6 mai 1944, 42 individus s’évadent du camp par un tunnel. Ce sera l’une des plus spectaculaires évasions de la Seconde Guerre mondiale. Le 9 mai 1944, le centre est dissout et les 407 internés restants sont déportés vers Neuengamme, en Allemagne du Nord.

GAILLARD Sundy, Résister sous l’occupation, résister à Auschwitz, résister à l’oubli. De Charlotte Delbo au convoi du 24 janvier 1943, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999.

L’approche d’une autre conception de la Résistance à travers le parcours des femmes du convoi du 24 janvier 1943, sur une période allant de l’Occupation à l’agrès-guerre. Un angle d’étude définissant trois formes de résistances : sous I’Occupation (1939-1942), à Auschwitz (1943-1945), à l’Oubli (1946-1971).

La vie de C. Delbo, une analyse sociologique de ces résistantes, une définition de leurs fonctions et de leurs rapports au principe de « fonctionnalité » (F. Marcot) permettent d’envisager des spécificités propres à la « femme-résistante », essentiellement d’ordre social. Ces femmes sont arrêtées pour la plupart dans les filatures policières du groupe de résistance intellectuelle de G. Politzer.

Une étude de la procédure Nacht und Nebel permet de mettre en avant des éléments suggérant l’incompatibilité du parcours des 31 000 en tant que NN. Et l’étude du « cycle de la déportation » (D. Peschansky) c’est-à­-dire depuis l’arrestation, de ce petit groupe de Françaises (230), nous donne à voir la conception d’une résistance de solidarité, puis de survie au sein du système concentrationnaire et d’extermination nazi.

Le retour des déportés fut difficile, et l’œuvre de C. Delbo a eu dans le temps un parcours peu différent de celle de Primo Lévi. L’expérience des 1000, marginal dans l’histoire de la déportation, nous amène à deux interrogations. D’une part, sur notre rapport actuel à I’Holocauste et le rôle inéluctable de l’historien dans la conservation de sa mémoire. D’autre part, sur l’évolution du témoignage écrit à travers la trilogie d’Auschwitz et après (1946-1971) et sur la place accordée à l’Holocauste dans cette mémoire consciemment portée à notre connaissance.

GODIN Julien, La politique du logement à Gennevilliers, acteurs et formes de la construction, 1945-1963, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 251 p + annexes

Le paysage de Gennevilliers dans les années soixante est fortement marqué par les grands ensembles. Pourtant, en 1945, Gennevilliers n’est encore qu’une petite ville industrielle et pavillonnaire, en partie détruite pendant la guerre. Comment cette transformation radicale s’est-elle opérée en moins de vingt ans ?

À la libération, la ville doit faire face à deux préoccupations différentes : elle doit se reconstruire, mais aussi penser à son aménagement et aux logements de ses habitants. Dès la fin des années quarante, la réalisation d’un grand ensemble d’habitations est envisagée. Ce projet nécessite la mise en place de nouvelles structures et le début des années cinquante est donc consacré à la création d’un organisme de construction, à l’acquisition des terrains et à l’obtention des financements. Cependant, ni les démarches administratives ni la politique menée par l’État, qui favorise davantage la reconstruction des forces productives plutôt que la construction de logements, ne sont adaptées à la réalisation d’un tel projet si bien que près de dix ans après la fin de la guerre, aucun nouveau bâtiment n’est encore construit à Gennevilliers. En 1953-1954, un changement s’amorce. Le problème du logement devient la préoccupation première de l’État qui met en place un ensemble d’instruments législatifs adapté à la situation : le financement de la construction est réformé et un système de primes visant à encourager l’initiative individuelle se développe, des concours de constructions tels que l’opération « million » sont organisés au niveau national et donnent lieu à des réalisations de plus en plus standardisées, l’acquisition des terrains nécessaires à la réalisation de groupes d’habitations est facilitée par la « loi foncière ». La commune de Gennevilliers profite de toutes ces réformes pour construire : durant les années cinquante, près de 700 logements sont édifiés en différents points de la ville, sous la forme d’une dizaine de petits ensembles d’habitations. Simultanément débute également la construction de grands ensembles de plus de mille logements : l’ensemble des Agnettes — mis à l’étude dès 1949 — puis celui du Fossé de l’Aumône — qui participe à des concours de construction — sont réalisés dans la secon­de moitié des années cinquante. Conçus au départ comme de simples groupes de logements, ils acquièrent au fil des projets des caractéristiques nouvelles et tendent à devenir des quartiers autonomes. Toutes ces réalisations ne suffisent cependant pas à faire face à l’énorme croissance démographique de la commune et, à la fin de la période, le projet du Luth — établi dans le cadre d’une ZUP pour un total de plus de 3000 logements — est mis à l’étude.

L’analyse comparée de ces différents ensembles amène à s’interroger sur la division chronologique de la période en termes d’histoire urbaine et, plus particulièrement, à se demander si reconstruction, construction d’ensembles de tailles modestes puis réalisation de grands ensembles sont des phénomènes indépendants ou si, au contraire, il existe un lien fort entre tous ces concepts, en particulier à Gennevilliers.

GREMONT Johann, La guerre d’Éthiopie dans la presse française, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 373 p. + annexes

Le 4 octobre 1935, les troupes mussoliniennes franchissent la frontière d’Éthiopie, se lançant dans une difficile conquête qui s’achève néanmoins, et malgré les tentatives de sanctions édictées par la SDN à partir du 18 novembre contre la péninsule fasciste, par la victoire de la Nouvelle Rome sur le Négus, le 5 mai 1936.

Occultée dans une historiographie privilégiant les événements qui se sont déroulés alors sur le sol européen, la guerre d’Éthiopie — malgré sa brièveté — a cristallisé les espoirs et les craintes d’une presse française qui s’est bien souvent servie de ce conflit pour appuyer ses convictions politiques. Comment la presse a-t-elle alors abordé ce conflit, quels thèmes a­t-elle traités ? Au-delà de la simple image véhiculée sur le royaume méconnu du Négus, la question coloniale, l’existence de la SDN et donc de la sécurité collective avec l’épisode des sanctions, le fascisme italien, la lutte entre « fascistes français » et « bellicistes de gauche » passent au crible des journalistes qui ont cru à l’imminence du déclenchement d’un nouveau conflit mondial. Il en ressort trois positions, bien que des nuances parfois très fortes apparaissent dans chacune d’entre elles et que des repositionnements se font jour au fil de l’évolution du conflit. La presse de gauche adopte ainsi une attitude globalement humaniste, universaliste, sanctionniste, antifasciste, ambigüe face à la colonisation. La droite quant à elle se positionne comme l’antithèse de la gauche : raciste, colonialiste, particulariste, antisanctionniste, et admiratrice du fascisme italien. Les catholiques, enfin, nagent entre deux eaux. Globalement favorables au royaume du Lion de Judas, ils s’opposent unanimement aux nationalistes italophiles, mais adoptent une attitude plus ambigüe à l’égard du fascisme italien et surtout face à l’universalisme genevois. Durant ce conflit, ils essaient tout de même de se démarquer de la dichotomie droite/gauche.

La guerre d’Éthiopie a donc mobilisé toutes les énergies journalistiques nationales, abordant des questions parfois bien éloignées du soleil blanc d’Addis-Abeba.

HERVÉ Frédéric, Délibérations des censeurs du cinéma de la Libération, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 160 p. + annexes

Bien que reconnue, la liberté d’expression s’est souvent vue entravée par l’État. Dans l’immédiat après-guerre, c’est d’autant plus le cas pour I’expression cinématographique que le cinéma est alors le plus puissant des médias. À la Libération, le contrôle des films est confié à une commission réunissant des représentants ministériels et des gens de cinéma. L’étude exhaustive des dossiers de censure pour la période 1944-1950 permet donc de dresser l’inventaire des interactions entre l’État et la profession sur fond de reconstruction et de décolonisation, de gaullisme puis de tripartisme, de guerre froide, surtout.

Il a tout d’abord fallu mettre en lumière la composition de la censure. On y trouve des figures du Front populaire sur le retour, à commencer par Georges Huisman, le président de la commission, mais aussi des rescapés de la censure de Vichy. La délégation des professionnels est, quant à elle, très marquée par le Parti communiste. La censure dispose d’outils divers, depuis l’interdiction aux moins de 16 ans jusqu’à l’interdiction totale en passant par les coupures, les restrictions à l’exportation. La statistique montre que l’utilisation de ces modes d’interventions varie, en fait, selon la conjoncture politique, selon les griefs formulés à l’encontre du film, ou encore selon sa nationalité. Ainsi, malgré ses déclarations de principe libérales, la profession s’est servie de la censure pour combattre la pénétration du cinéma américain. Les ministères ont refoulé la production stalinienne. Tous ont défendu l’ordre moral et une certaine vision de la guerre, de l’occupation, de la résistance.

De quel genre cinématographique relève cette vie quotidienne des censeurs du cinéma de la Libération ? Du burlesque lorsqu’un représentant ministériel claque la porte et en appelle à « son ministre » contre le laxisme de la commission. Du polar quand Jeander règle ses comptes avec Viviane Romance à coup d’interdiction à l’exportation. De la comédie de mœurs gui voit Sadoul vilipender « le sexe et la mitraillette ». De la science-fiction lorsqu’on gomme le pacte germano-soviétique dans un documentaire racontant la guerre. Du western enfin, car la dernière séance, celle qui fait éclater la Commission paritaire le 3 mai 1950, aurait pu être tournée par un Sergio Leone !

HERVET Sébastien, Le parti socialiste SFIO et la mine, 1945-1951, Maîtrise [Jean-Louis Robert, G. Morin], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 274 p.

Ce travail voudrait mettre en lumière, en dépit de la focalisation opérée par l’historiographie contemporaine sur la force de l’implantation communiste dans les bassins miniers, la place réelle qu’occupèrent les socialistes dans ces bassins de 1945 à 1951. S’interroger, en somme, sur l’effectivité de l’idée de déclin des socialistes au sein du monde minier, après la Libération. On a d’abord montré l’existence d’un système de représentations socialistes de la mine, axé sur une héroïsation à la fois du mineur résistant, du premier des ouvriers et du pionnier « des vraies luttes d’antan ». Une image que les socialistes forgèrent dans une plus grande adéquation avec les mentalités minières. Elle imposa ses contraintes, mais le symbolique permit à la SFIO de renforcer son intégration au sein de la culture minière et réciproquement ; tout en accroissant davantage encore la prépondérance de la mine sur la scène politique. Ensuite, on a cherché à montrer que les besoins d’encadrement et de légitimité — caractères intrasèques de la mine — marquèrent et la sociologie, et les réseaux socialistes au sein de cet univers. Le principe selon lequel seul celui qui est descendu au fond peut s’exprimer conduisit à accorder une place de premier plan aux mineurs dans les structures d’encadrement du parti. Une évolution que l’on retrouva dans les réseaux d’encadrement avec, certes, après la perte au syndicat des mineurs, une reconstruction du réseau syndical d’abord sur des structures propres à SFIO, puis sur FO, dont les liens avec les socialistes furent plus étroits qu’ailleurs ; mais surtout dans le réseau associatif périphérique au monde du travail qui constitua un des grands traits de l’implantation de la vieille maison au sein de la mine. L’importance de ce réseau donna la mesure de l’implantation des socialistes au sein des bassins miniers. Nous y trouvâmes la confirmation que dès 1947 la SFIO avait retrouvé les municipalités qu’elle avait concédées en 1945 aux communistes ; « le municipalisme » restant le premier pilier d’un socialisme minier.

Le second pilier était désormais le député qui, grâce aux nationalisations, devenait l’homme-clef de l’action en faveur des mineurs, d’autant que, dès 1947, les socialistes avaient retrouvé le contrôle des commissions législatives et des ministères afférents à la mine. Mais cette position, après un temps de latence durant la bataille de la production, les plaça en face de deux des grèves les plus importantes de la corporation, menées par le PCF. Leur impact sur la SFIO méritait d’être nuancé. La conclusion d’un effacement des socialistes au sein de la mine, au sens de ces trois thèmes, représentations, implantation et action, n’était donc pas confirmée. Bien au contraire, au seuil d’un second temps — celui de la formation de la CECA — les socialistes, bien présents sur le terrain, allaient devoir gérer la fin de l’exploitation minière.

HIRIART Justine, La censure de films évoquant la guerre d’Algérie et ses conséquences sur la mise en marge du conflit par le cinéma français, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 274 p. + annexes

Dans la mémoire des défenseurs de la liberté d’expression du cinéma, la guerre d’Algérie occupe une place de choix, celle peu enviable d’un des moments les plus rigoureux de la censure politique. À en croire nombre de journalistes, chercheurs, cinéastes, la virulence particulière de l’État à l’encontre de toutes les productions évoquant le conflit aurait empêché les cinéastes français de mettre en scène la réalité, douloureuse à plus d’un titre, d’une guerre toujours vivante aujourd’hui dans les mémoires des acteurs du conflit.

Pourtant, entre 1958 et 1999, plus de quarante films — soit en moyenne un film par an — sont produits sur le sujet. Évoquant très tôt le désarroi des appelés du contingent plongé dans un univers étranger et lointain, le cinéma français aborde progressivement les aspects les plus polémiques, de l’attitude problématique de l’armée française à la torture pratiquée comme une arme de guerre, en passant par le départ forcé des « pieds-noirs » ou l’engagement des « porteurs de valise ». Partant de ces constatations on est en droit de s’interroger sur la réalité et l’efficacité de cette censure étatique tant décriée : ne serait-ce qu’un mythe, destiné à faire valoir I’engagement de certains cinéastes et à justifier le silence des autres ?     

C’est à cette interrogation que nous avons cherché à répondre dans notre étude, en examinant deux aspects complémentaires de la question : y eut-il réellement de la part de l’État français une volonté d’éviter que le conflit apparaisse au cinéma ? Et, le cas échéant, cette censure était-elle adaptée à son objet, ce qui revient à considérer les répercussions de cette pratique sur la profession du cinéma et les films eux-mêmes ?

Les bornes chronologiques de la guerre d’Algérie correspondent à une montée en puissance du cinéma, tant quantitativement (l’audience des salles obscures est alors à son apogée) que qualitativement (le film tend à sortir de sa gangue de divertissement, voire de « spectacle de curiosité », pour être associé aux « beaux-arts »). L’État français, dans son attitude à l’égard des films évoquant la guerre d’Algérie, semble prendre acte du double phénomène : alors que l’organe de censure centrale, la Commission de Contrôle cinématographique, ne semble pas s’être manifesté au cours du conflit indochinois qui s’achève, il va s’appliquer à réduire la portée de la majorité des images évoquant la « poudrière » algérienne, en jouant de tous les moyens mis à sa disposition, tandis que le législateur restreint encore le cadre légal de la liberté d’expression cinématographique (par le décret du 18/01/1961 réformant le fonctionnement de la censure). Jusqu’en 1964, la censure étatique s’en prend ainsi non seulement aux films évoquant directement la guerre, mais aussi aux allusions timides, et même aux productions qui, sans référence explicite, traitent de thèmes afférents. Par la suite, le contrôle de l’État tend à s’assouplir. D’abord faute d’objets susceptibles de générer la polémique, puis, à partir de 1970, à la faveur de directives visant à ne plus exercer de contrôle politique sur le cinéma. Parallèlement, tandis que la censure centrale agissant au nom de l’intérêt général tend à se libéraliser, apparaissent de nouveaux modes de pression, privés cette fois, créant d’autres types d’entraves à l’exploitation des films évoquant le conflit algérien : contrôle répressif par la voie des tribunaux, et surtout groupuscules politiques ou associatifs d’anciens acteurs du conflit qui, par le biais d’attentats, de manifestations ou de menaces cherchent à interdire certaines productions. De fait, la censure politique tant décriée à propos de la guerre d’Algérie n’a été réellement effective qu’au cours des années de guerre et de l’immédiat après-guerre. Mais cette censure initiale a pourtant des répercussions à plus long terme, activant dans l’industrie cinématographique une autocensure encore à l’œuvre dans la période la plus récente. La crainte de sanctions de la censure, relayée par la suite par les pressions violentes de groupes privés, la désaffection du public pour ce type de films conduisent les divers professionnels du cinéma à considérer les projets avec circonspection. Tout au long de la période étudiée, les difficultés à trouver un producteur, un distributeur ou un exploitant pour les films évoquant la guerre deviennent la règle, jusqu’aux cas extrêmes des films « fantômes », jamais réalisés faute de moyens. Plus systématiquement encore, la peur de ne pas rentabiliser les fonds investis conduit les financiers à n’allouer que de faibles sommes pour ces films.

Finalement, malgré le nombre important de productions, faute de moyens et d’engagement de la part des industriels, l’image de la guerre d’Algérie dans le cinéma français reste univoque et met de côté — à de rares exceptions près — de nombreux aspects du conflit (de la part proprement politique à la représentation de la lutte pour l’indépendance algérienne, en passant par la représentation des harkis ou des brutalités policières en métropole…) enracinant le silence de la société et le cloisonnement des mémoires des anciens acteurs du conflit, et exauçant ainsi les vœux de la censure de guerre qui visait à l’oubli de cette période trouble.

HUBART Hélène, Urbanisation et équipement postal : les bureaux de poste en proche banlieue parisienne (milieu du XIXe siècle-fin des années 1930). Le cas du nord-est de l’ancienne Seine, Maîtrise [J.­L. Robert-Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 145 p + annexes

Les équipements postaux figurent parmi ceux dits de proximité qui jouent un rôle important dans la vie quotidienne des habitants des espaces urbains. Il parait intéressant d’envisager les rapports entre l’urbanisation et l’implantation de ces établissements postaux dans les espaces urbains, afin de voir comment cette urbanisation influence les créations d’infrastructures postales. Ce sont essentiellement les bureaux de poste qui sont pris en compte, par le biais de leur création, mais aussi de leur fonctionnement (catégories de bureaux, services offerts, horaires…). De plus, lorsque les sources le permettent, les boites aux lettres sont également prises en considération.

L’espace retenu pour étudier ce rapport entre urbanisation et création d’équipement postal est le quart nord-est de l’ancienne Seine. Il s’agit d’un espace de proche banlieue, fortement urbanisé, surtout à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. C’est donc le point de départ de I’étude, qui s’achève à la fin des années 1930. Ces bornes chronologiques permettent de mettre en évidence les différences entre la fin du XIXe siècle et la période de l’entre-deux-guerres, tant du point de vue de l’évolution de l’urbanisation, que de la politique de l’Administration des Postes en matière d’équipement des espaces urbains.

Les thèmes abordés sont variés : politiques de l’Administration des Postes en matière d’équipement, impact de l’urbanisation sur les types d’établissements postaux, sur la localisation de ces équipements au niveau local, sur les horaires d’ouverture, sur le personnel… L’influence de la proximité de Paris ne doit pas être négligée, ainsi que les activités spécifiques qui se développent dans les communes. Sont également abordées les nouvelles préoccupations des autorités postales, qui passent parfois avant les questions concernant les bâtiments, notamment dans l’entre-deux­-guerres. En définitive, l’étude permet de voir comment l’Administration des Postes réagit face au phénomène massif d’urbanisation dans la proche banlieue parisienne de la fin du XIXe siècle à la fin des années 1930, et comment elle s’adapte à cette nouvelle situation tout en prenant en compte d’autres facteurs, telles les difficultés budgétaires.

JEANNE Matthieu, Le PSU et l’autogestion, Maîtrise [Jean-Louis Robert­Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 203 p. + annexes

Le Parti Socialiste Unifié est né en 1960 principalement autour de l’opposition à la Guerre d’Algérie. Il rassemble des personnalités politiques qui se réclament du socialisme dans toutes ses tendances : des trotskystes, des radicaux mendésistes, des chrétiens, des anticléricaux. En Mai 68, le mouvement social voit naître de nouvelles revendications et surgir de nouveaux débats idéologiques. Parmi ces derniers, l’autogestion — débattue depuis quelques années dans des cercles intellectuels restreints — fait figure de « mot-clé » du mouvement grâce à la CFDT, notamment, qui popularise la revendication. L’idéologie, encore floue, exprime la volonté de redéfinir les rapports sociaux de l’ensemble de la société en supprimant la hiérarchie dans l’entreprise et en développant les formes de démocratie directe.

Notre étude a pour objectif d’analyser la lente adoption de l’idéologie autogestionnaire par le PSU. Nous nous sommes appuyés sur la presse du parti, principalement Tribune Socialiste, sur des entretiens avec d’anciens responsables nationaux, et sur deux fonds d’archives de groupes locaux. Au lendemain de Mai 68, le parti est bouleversé par l’arrivée de nouveaux mili­tants plus radicaux. Le PSU débat sur l’opportunité d’une révolution socia­liste et affiche sa réserve sur l’autogestion, sous l’influence des courants dits « gauchistes » qui assimilent l’idéologie à la participation. Après deux longues années de crise que traduisent des débats acérés, le PSU s’engage en décembre 1972 dans la promotion du socialisme autogestionnaire.

L’autogestion revêt alors au sein du PSU un caractère fortement identitaire. Elle apparaît comme une utopie fédératrice qui permet de rassembler les différentes tendances du parti. Elle offre surtout au parti une identité forte face au puissant Parti Socialiste de François Mitterrand. Mais le PSU, qui souhaitait être un pôle de reconstruction de la gauche fondé sur le socialisme autogestionnaire, peine à transformer son implantation dans les luttes sociales en résultats électoraux. En 1974, au lendemain des élections présidentielles, il échoue devant l’influence croissante du PS et sa volonté d’intégrer le courant socialiste autogestionnaire. Le PSU se scinde aux Assises du Socialisme en octobre 1974. En perdant un certain monopole politique sur l’autogestion, il abandonne une partie de son identité. Le départ de Michel Rocard et de ses proches marque une « première mort » du PSU, mais aussi la fin d’une première ère de l’autogestion dans la gauche française.

JOHAIS Romain, Les discours de politique étrangère du président Georges Pompidou (1969-1974), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 175 p.

L’idée générale de notre recherche est de démontrer qu’à travers le discours de politique étrangère, exercice qui possède ses règles très précises, Georges Pompidou a su affirmer un style personnel, sans renier les grandes lignes définies par le Général de Gaulle en matière de politique extérieure. Si le contenu de ces allocutions est marqué du sceau de l’héritage gaullien, Pompidou ne s’est pas réduit à une simple subordination : il a adapté certaines questions à I’évolution du contexte international et a surtout développé des thèmes chers à de Gaulle (la francophonie, la politique méditer­ranéenne). Certains (comme une attention toute particulière pour l’économie) lui reviennent même entièrement. Mais c’est sans conteste dans le ton que l’émancipation de Pompidou a pris sa pleine mesure, à la fois résultante d’un contexte intérieur (la fragilisation du régime) et extérieur (la dégradation de l’image de la France) qui exigeait un changement d’attitude, mais aussi de la nécessité de se démarquer de son prédécesseur. Ainsi, au lyrisme, à l’emphase et aux envolées du tribun de Gaulle, qui trouvait dans les allocutions de politique étrangère un espace idéal pour laisser éclater son extraordinaire prestance oratoire, Pompidou oppose un style clair, précis, sans excès, mais efficace et didactique, inséparable de son sens diplomatique et de sa facilité à séduire l’auditeur. Pompidou étonne surtout par sa propension à adapter ses discours, à moduler le ton qu’il insuffle à ses interventions en fonction de l’homologue qu’il rencontre.

Notre étude est scindée en deux grands axes. Le premier privilégie une approche générale au cours de laquelle nous tentons de définir l’affirmation du style de Pompidou, en dégageant la part du legs et la part de changement, autrement dit à situer la continuité et à mettre en valeur les ruptures. Le second, construis autour d’unités régionales cohérentes, montre comment Pompidou met le discours au service de la diplomatie. Il tente donc d’inscrire ces discours dans une perspective historique, en montrant en quoi ils aident à la compréhension des rapports entre la France et ses partenaires et surtout en soulignant leur rôle dans les relations internationales.

À travers cette étude, nous avons voulu montrer de quelle manière Pompidou a fait du discours de politique étrangère une expression de sa personnalité et une force de son pouvoir.

JOUET Caroline, La conception de la ville à l’exposition universelle internationale de 1900, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 208 p. + annexes

Il n’y a pas encore, à vrai dire, de conception de la ville présentée à l’exposition universelle de 1900, signe du balbutiement, encore en 1900, de l’urbanisme. Toutefois, au travers de l’étude de l’architecture des pavillons, de la topographie de l’exposition et du contenu de certaines sections (Habitat social, Hygiène, Transport…) des conceptions partielles et limitées apparaissent.

LABOUREAU Raphaël, Les voyages du Général de Gaulle en URSS (1966), Pologne (1967) et Roumanie (1968), l’illustration d’une politique française d’ouverture, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 229 p.

Les voyages du général de Gaulle en URSS, Pologne et Roumanie à la fin des années 1960 s’inscrivent dans une période d’apogée du rapprochement de la France gaullienne avec l’Est.

Dans le premier chapitre sont étudiées les relations de la France avec les pays visités de 1958 à 1966 ou comment, dans un contexte de guerre froide, une politique d’ouverture a été élaborée, puis, une normalisation rapide des rapports effectuée. Le deuxième chapitre est consacré aux rapports de Charles de Gaulle avec l’Union soviétique, la Pologne et la Roumanie, et à ses buts. Sont étudiées l’image du général de Gaulle dans ces pays et sa volonté de lutter contre les blocs pour la paix et l’indépendance nationale de tous, à commencer par celle de la France. Dans le troisième chapitre est étudiée l’organisation des voyages – ou les préparations technique et intellectuelle, pointilleuses, de la France en représentation. Les rencontres entre les deux pouvoirs et avec les peuples visités sont étudiées dans le quatrième chapitre. On y voit la rencontre de dirigeants, de pays, mais aussi de blocs, et l’accueil fait au général de Gaulle par les populations. Le cinquième chapitre est consacré aux discours officiels de Charles de Gaulle et à leur expression des liens de la France avec le pays visité et des buts gaulliens. Dans le sixième chapitre sont étudiés les entretiens et les textes et accords signés pendant les visites, avec l’examen des trois grands sujets de discussion : les relations bilatérales, la détente internationale et l’obsession allemande. Le dernier chapitre est consacré à l’étude des résultats des voyages, au lendemain des visites, puis à moyen terme aux limites à la poli­tique d’ouverture gaullienne malgré des résultats positifs.

LACOSTE Graciela, La solidarité aux réfugiés politiques chiliens : la mobilisation des O.N.G., des syndicats et des municipalités (1973-1984), Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 185 p.

Le 11 septembre 1973, une junte militaire au Chili, dirigée par le général Pinochet, renverse le gouvernement du président socialiste Salvador Allende, en place depuis 1970. Les militants et partisans du régime socialiste, dès lors menacés, prennent le chemin de l’exil. La France en vertu de sa tradition et de sa constitution offre une terre d’asile à un certain nombre d’entre eux. Le flux des réfugiés (920 par an) demeure régulier tout au long de notre période : 753 personnes la première année, un pic entre 1977 et 1978 avec 1082 réfugiés. En France, la réaction au coup d’État est si forte que des militants de gauche, syndicalistes, maires, s’attachent à accueillir les immigrés et à les assister sur les plans politique, moral et matériel. Ainsi, les représentants du syndicalisme chilien obtiennent-ils les moyens d’installer à Paris un bureau de travail.

Des organisations non gouvernementales, telles que la jeune France, Terre d’Asile, la CIMADE, le Secours Populaire, réunies en coordination, parviennent à faire appliquer une loi sociale. Celle-ci était destinée aux démunis nationaux, désormais elle offre aux Chiliens la possibilité de bénéficier des structures sociales françaises (foyers de jeunes travailleurs). Elles les aident également à effectuer leurs premières démarches administratives d’insertion dans la société française.

À l’aide d’urgence succèdent des soutiens plus ponctuels et un accueil dans la longue durée (intégration dans la société française par un logement, un emploi, l’alphabétisation, etc.). Mais à partir de 1977, on observe une évolution de la nature de l’immigration : de politique, elle est devenue à majorité économique. Dès lors, Ies deux vagues d’immigrés s’organisent localement pour tenter de reconstituer des réseaux de solidarité, même si l’engagement politique des premiers arrivants apparaît comme un obstacle à une interpénétration.

Les années 1980 marquent une rupture : en effet, certains exilés sont autorisés à rentrer chez eux, car la politique de la junte s’assouplit. On observe alors que les flux diminuent. Enfin de compte, on observe le même phénomène que pour d’autres immigrations politiques, la solidarité aux réfugiés n’a pas été unilatérale : l’immigration politique chilienne s’est traduite, à différentes échelles, par des échanges intenses entre Français et Chiliens.

LANGE Charlotte, Renouvèlement de la communauté juive de la région parisienne après l’arrivée des Israélites d’Afrique du Nord (1956-1967), Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 252 p.

Après la Seconde Guerre mondiale, le réveil du nationalisme arabe provoque l’indépendance des états maghrébins sous tutelle française depuis des décennies, de façon plus ou moins pacifique en Tunisie et au Maroc, ou par un véritable conflit armé en Algéne. Dans ce contexte de bouleversement politique, économique et culturel, les communautés juives de ces pays subissent un choc redoutable. Aux secousses de la décolonisation s’ajoute le développement du conflit israélo-palestinien qui vient encore compliquer la situation de ces minorités, contraintes de quitter leur terre natale pour gagner Israël ou la métropole.

À partir de 1956, les flux en provenance du Maghreb en France prennent une ampleur particulière et vont crescendo jusqu’en 1965 : en moins de dix ans, la communauté de Paris et de sa banlieue doit intégrer 150 000 réfugiés maghrébins, ce qui double son volume initial et révolutionne la carte traditionnelle de l’implantation juive du district parisien. La communauté de la capitale concentre alors tous ses efforts sur ces nouveaux venus qu’elle se fait un devoir d’accueillir de manière décente, aussi bien à court terme, par un système de soutien social efficace qu’à long terme, par la construction d’édifices adaptés à une population très attachée aux traditions religieuses. Parc redoublement d’efforts sous l’égide du Fonds social Juif Unifié (FSJU), le Judaïsme parisien, affaibli par ses blessures de guerre, se trouve bouleversé sous tous ses aspects tant aux niveaux religieux, socio­culturel, commercial ou éducatif que dans sa physionomie extérieure. La rencontre de deux communautés, l’une française de tradition ashkénaze [Juifs d’origine européenne – Allemagne, Russie, Pologne, etc.], l’autre séfarade Uuifs des pays orientaux et méditerranéens], imprégnée d’influences culturelles orientales, est donc source d’enrichissement, mais aussi de grandes difficultés et de tensions.

LE CORRE Véronique, Les femmes dans l’organisation FO de 1950 à 1967 : des femmes libres, indépendantes et féministes, Maîtrise [Michel Dreyfus-G. Morin], Univ. Pans 1, 1999, 242 p + annexes

De 1950 à 1967, les militantes de Force ouvrière mènent un combat permanent pour la défense des intérêts des travailleurs et contre les préjugés ancestraux des militants, faisant des militantes des éléments antisyndicaux. Dans l’univers syndical plutôt masculin, les militantes s’imposent comme une composante essentielle, bouleversant les convictions des mili­tants et offrant un syndicat plus démocratique. Elles réussissent alors à faire entrer les problèmes féminins dans la sphère syndicale et surtout qu’ils soient traités collectivement. Si ces problèmes ont du mal à passer dans la presse syndicale entre les années 1950 et 1960, de 1961 à 1967, nous voyons se multiplier des articles dans FO Hebdo sur la condition féminine ou le travail féminin. Hésitant devant le changement, FO cède peu à peu devant la force de caractère de ces militantes. Isolées, peu nombreuses à obtenir des responsabilités syndicales (en 1967 les adhérentes FO repré­sentent 20 % du nombre des affiliés), elles sont l’incarnation de généra­tions de femmes qui veulent être autonomes, égales devant les hommes et surtout défendre leurs idéologies. Qu’ont-elles en commun ? Elles ont écrit des articles, tenu des réunions syndicales, construit un destin d’exception, transgressé les principes masculins. Mais si ces femmes sont en marge, elles ne sont pas des marginales. Elles visent à être reconnues. Cependant, l’histoire des militantes FO prouve bien que le combat reste encore à faire pour que les femmes soient plus représentées dans les instances syndicales de Force ouvrière. FO a du mal à faire siennes les revendications des militantes. Leurs militantes sont encore très peu nombreuses à obtenir des res­ponsabilités syndicales en 1967.

LEDERMAN David, Les Polonais de la Brigade internationale Dabrowski internés dans les camps en France et en Afrique du Nord. Destins et itinéraires, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 225 p. + annexes

L’internement des Brigadistes internationaux polonais, connus sous le patronyme de Dabrowszczacy dans les camps du sud-ouest de la France et en Afrique du Nord dans le cadre institutionnel et politique de la IIIe République puis du Gouvernement de Vichy, est longtemps resté méconnu voire occulté, alors qu’au nombre de 1000, ce groupe représentait le sixième des internés Brigadistes internationaux des camps et plus du quart du contingent polonais ayant combattu en Espagne.

J’ai tenté de reconstituer les itinéraires qui les ont conduits des camps à la liberté, outre le corpus de l’évasion pour rallier la Résistance française. C’est ainsi que dès l’été 1940, des négociations par l’entremise de Bogomolov, ambassadeur de l’URSS en France, avaient permis le convoyage en Union soviétique — en mars 1941 — des internés ayant acquis la citoyenneté soviétique, en vertu des frontières du 28 septembre 1939. D’autres, demeurés prisonniers de la France de Vichy, furent transférés à Djelfa, en Afrique du Nord, en 1941 et 1942 et firent l’objet après la libération de l’AFN, en novembre 1942, d’intenses tractations entre alliés. Ils durent cependant attendre six mois leur libération et leur incorporation dans les armées alliées ou leur transfert en URSS où ils furent versés pour certains dans l’Armée Rouge alors que d’autres serviront dans l’Armée polonaise formée en URSS à l’initiative de Staline par le Général Berling sous la férule idéologique du ZPP (Union des Patriotes Polonais).

Au total, le tiers des ex-internés des camps du sud-ouest de la France est revenu en Pologne en qualité de libérateurs aux côtés de l’Armée Rouge et de l’Armée Berling. Ils allaient ainsi servir d’instrument de la prise de pouvoir par les communistes aidés par les Soviétiques et des cadres de la jeune Pologne populaire.

LÉRON Sophie, La Fédération nationale des clubs de loisirs Léo Lagrange (1950-1970). Une organisation socialiste ? Maîtrise [J.­L. Robert, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 162 p.

En 1950, Pierre Mauroy est Secrétaire national des Jeunesses socialistes. Il tente de reconstruire ce mouvement, qui — suite à sa dissolution en juin 1947 — a perdu de nombreux adhérents. N’arrivant pas à recruter sur ses seules positions politiques, Pierre Mauroy est à l’initiative de la création, en 1950, de la Fédération nationale des clubs de loisirs Léa Lagrange. Cette organisation est alors animée par les Jeunesses socialistes, encadrée par des membres de la SFIO et destinée à bénéficier d’une plus large audience auprès des jeunes en leur proposant des activités de loisirs.

Cette étude s’attache à examiner les conditions de la création de la Fédération, ses objectifs et les moyens mis en œuvre pour les atteindre. Partant d’une liaison forte avec la SFIO, la Fédération est amenée progressivement à s’en détacher officiellement, se définissant après sa reconnaissance d’utilité publique en 1958 comme une organisation « socialiste au sens le plus élevé du terme ». Dans les années soixante, l’ancrage de la Fédération dans la vie associative municipale, la professionnalisation de ses cadres locaux et sa participation à de nombreuses structures de cogestion avec les pouvoirs publics l’amènent à s’institutionnaliser. Ainsi, la Fédération apparaît comme une organisation ouverte à tous, prestataire de services, tout en tentant de préserver son ambition initiale : être un mouvement engagé.

LOZE Caroline de, Images d’un parti politique : les cartes d’adhésion au Parti socialiste italien de 1905 à 1992, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 159 p.

À l’approche des fêtes du centenaire du PSI, en 1991, les membres de la Section propagande et communication du Parti ont édité en fac-similé les reproductions de toutes les cartes d’adhésion annuelle distribuées de 1905 à 1992 (avec une seule interruption de 1940 à 1943). Ces cartes sont les signes matériels de l’appartenance au PSI. Elles sont des objets politiques qui servent l’organisation et le fonctionnement du Parti. Elles ont une triple fonction : administrative, symbolique et de reconnaissance (ou d’identification). Elles sont les vecteurs d’une propagande essentiellement contenue dans l’image reproduite sur chacune d’elles. Le PSI est certaine­ment l’un des premiers partis à reconnaître et affirmer le pouvoir des images, et à leur donner une place importante dans ses documents, en par­ticulier sur ses cartes d’adhésion.

À partir d’une étude systématique de l’iconographie, ce mémoire tente de déterminer les sources, les influences, les éléments de rupture et de continuité gui transparaissent sur les cartes ; ils permettent de définir l’évolution de l’imagerie socialiste pendant près d’un siècle, et de retracer les grandes étapes de l’histoire du PSI, mais surtout l’histoire que le PSI a voulu recréer pour lui-même. En d’autres termes, cette étude cherche à voir en quoi — des allégories fin de siècle des origines à la fièvre commémorative des années 1980, en passant par l’écho du choc des deux guerres mondiales — les cartes du PSI offrent une lecture originale de l’utilisation de l’image en politique à travers ce siècle. L’écart est ainsi maintenu entre ce qui serait une histoire politique et ce qui serait une histoire des images.

LUNEL Magali, Bertrand Tavernier, témoin de son temps, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 186 p.

Ce mémoire a pour objet d’étude le cinéaste français Bertrand Tavernier. Il s’attache à montrer en quoi celui-ci pourrait être un « témoin de son temps » au travers de son œuvre.

Tavernier est aujourd’hui un metteur en scène à succès autant qu’une personne publique, connue aussi bien pour ses films que pour ses différentes prises de position. Défenseur infatigable de toutes les formes de cinéma, et du cinéma français en particulier, il est également un citoyen engagé qui lutte contre toute forme d’injustice. Réalisateur prolifique (vingt-et-un longs-métrages de 1974 à 1999), Bertrand Tavernier est catalogué dès son premier film, L’Horloger de Saint-Paul, comme un cinéaste « classique ». Son œuvre est pourtant éclectique : il aborde aussi bien la Régence, la Première Guerre mondiale, que la criminalité des jeunes d’aujourd’hui ou le désarroi de la police. Il n’hésite pas non plus à mettre en scène des sujets ambigus ou polémiques qui laissent à certains un sentiment de malaise. Œuvre éclectique donc, mais qui n’en est pas moins cohérente : quelques thèmes reviennent ainsi de façon récurrente. Ils sont regroupés dans ce mémoire en deux catégories : « les angoisses et les doutes » et « l’inégalité des individus face au pouvoir ». Sous ces thématiques, Bertrand Tavernier met en scène des indignations (injustices, dysfonctionnements de la société…) ou des sentiments (la peur de vieillir, l’angoisse de s’éloigner de ses enfants, etc.) communs à nombre de personnes, mais aussi souvent très personnels au cinéaste. Sa caméra se tourne vers ce qui le touche, ce qui l’émeut ou le choque le plus au sein de la société dans laquelle il vit.

Tout le travail de ce mémoire était de définir s’il y avait dans l’œuvre de Bertrand Tavernier, témoignage, et quelle en était la nature. On a pu déjà parler de l’implication personnelle présente dans les sujets traités. L’analyse montre que cette implication a un impact sur le regard du réalisateur. Ce regard qu’il porte sur le monde autour de lui reflète une certaine réalité, une réalité partielle. Il l’expose comme on expose ses propres convictions ou ses propres sentiments, avec la même sincérité. Sa production est donc subjective, et si l’on se réfère à la définition donnée en introduction, Tavernier est bien un témoin de son temps, et ce à part entière : il assure qu’une chose est vraie, certaine, du moment qu’il l’a vue, entendue ou perçue.

MARIE Cécile, Le rôle de l’École dans l’intégration des enfants d’origine immigrée. Les Centres de Formation et d’information sur la Scolarisation des Enfants de Migrants, Étude comparative des centres de Caen et de Créteil (1975-1998), Maîtrise [Jean-Louis Robert] Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 181 p.

L’objectif de cette étude est de voir en quoi l’École a été utilisée comme outil d’intégration, dans notre société, des enfants d’origine immigrée. Par le terme intégration nous entendons le fait de respecter leur langue et culture d’origine et donc de rompre avec la volonté assimilationniste qui caractérisa la France coloniale. Il s’agit également d’enseigner aux enfants le respect des différences culturelles, les valeurs laïque et républicaine, fondement de notre démocratie et, enfin, l’exercice de la citoyenneté avec les droits, mais aussi les devoirs qui lui sont inhérents. Plus précisément, nous avons étudié le principal dispositif mis en place au sein de l’Éducation nationale et visant à l’intégration de ces enfants : les CEFISEM. En les fondant en 1975, René Picherot a souhaité donner aux enseignants une connaissance des cultures allogènes et plus particulièrement méridionales et créer des outils pédagogiques répondant aux problèmes spécifiques posés par la scolarisation massive d’enfants non francophones et primo-arrivants (scolarisation massive consécutive aux mesures liées au regroupement familial). Ces centres atypiques, novateurs et ambitieux, sont uniques en Europe et n’ont jusqu’ici fait l’objet d’aucune recherche universitaire. En les étudiant, nous avons voulu comprendre le contexte de leur création (création qui relève d’une initiative individuelle), leur mode de fonctionnement et leurs missions.

Mener une étude comparative nous a permis de constater des évolutions différentes selon les centres en fonction de l’importance quantitative de la population scolaire d’origine immigrée dans l’Académie concernée et des convictions des formateurs. En effet, à l’aube de l’an 2000, il y a davantage de jeunes issus de l’immigration que d’enfants primo-arrivants. Ainsi, pour de nombreux pédagogues et chercheurs, la question de l’intégration serait non plus liée à des problèmes d’ordre linguistique et culturel, mais à des problèmes sociaux. Or, si tel était le cas, les missions des CEFISEM ne seraient plus adaptées à la réalité des problèmes rencontrés par les enseignants. D’autre part, il était important de comprendre les raisons de l’actuel dysfonctionnement de cette structure qui ne jouit d’aucune existence institutionnelle. Il semble qu’elle ait difficilement survécu au départ, du ministère, de ses fondateurs. Enfin, nous avons fait état des réflexions menées sur le bien-fondé et le devenir de ces centres.

MARTIN Frédéric, La gauche non communiste et la Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste, de l’élection présidentielle de 1965 aux élections législatives de 1968, Maîtrise [Jean-Louis Robert, G. Morin], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 132 p.

Le 10 septembre 1965, la Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste est créée. La veille, François Mitterrand a annoncé sa candidature à la présidence de la République. La FGDS regroupe la SFIO — en pleine crise d’effectifs — le PRRRS (Parti radical) — qui ne parvient pas à conserver un positionnement clair entre la gauche et le centre — et la Convention des Institutions Républicaines (CIR) qui est un regroupement de clubs et qui représente une nouvelle génération, généralement, peu expérimentée. Cette union s’est concrétisée à l’occasion de l’élection présidentielle, par la nécessité de bipolariser le scrutin, en vue de figurer au second tour. Cependant, la FGDS reste en retrait de la campagne, pour ne pas être présentée comme un simple accord électoral. Cette union et la campagne du candidat unique de toute la gauche, François Mitterrand, conduisent à la mise en ballotage du Général de Gaulle.

Forte de ce résultat, la Fédération se consolide. Elle se dote de structures nationales et départementales et d’un programme commun. Cependant, la fédération reste un appareil national. Les fédérations départementales n’ont que très peu de pouvoir, et les partis sont encore les centres de décision. Aux élections législatives de 1967, la Fédération propose un candidat unique par circonscription et passe, avec le Parti communiste et le Parti socialiste unifié, un accord de désistement pour le second tour. Cette stratégie d’union, qui avait porté ses fruits en 1965, donne à la gauche une bonne raison d’espérer. La gauche, dans son ensemble, gagne soixante sièges par rapport aux élections de 1962. Cependant, si les résultats électoraux sont bons, les débats internes tournent court. Il est très difficile pour les organisations fédérées de trouver un compromis sur les questions les plus sensibles, par exemple, la question des adhérents directs. Après le « succès » relatif de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1965, de nombreuses demandes sont parvenues à la FGDS pour adhérer sans passer par les anciennes familles. La SFIO semble très réticente à ces adhé­sions, elle qui possède l’avantage du nombre, en termes d’effectifs. Également, la question des alliances ne réussit pas à être tranchée. Certes, les contacts avec le Centre démocrate tournent rapidement court, cependant, les radicaux refusent de voir les communistes comme un partenaire privilégié. L’avenir de la Fédération reste problématique. Si tout le monde s’accorde à réclamer la fusion, chacun y va de ses revendications. Finalement, la Fédération éclate à la suite de Mai 68 et des élections législatives de juin. Absente tant physiquement qu’intellectuellement des événements de mai la Fédération semble n’apparaître qu’au moment de la conférence de presse de François Mitterrand, le 29 mai 1968. Dans cette conférence le député de la Nièvre pose sa candidature à la présidence de la République, en cas de vacance du pouvoir. Cette déclaration est mal accueillie par l’opinion. Le Général de Gaulle dissout l’Assemblée nationale, les Français votent majoritairement pour le pouvoir en place et François Mitterrand assume l’échec de la gauche. Les vieux partis ne trouvant plus dans la Fédération ce qu’ils étaient venus y chercher — le succès — ils se retirent. Toutefois, ils ne peuvent faire l’économie d’une réflexion sur leur avenir.

La FGDS n’a pas eu le devenir qu’elle escomptait, mais elle fut une base pour la recomposition de la gauche nouvelle. La SFIO se modernise en devenant le Parti socialiste et le PRRRS disparaît au profit de deux partis, l’un de gauche, l’autre du centre. Quant au parti communiste, il bénéficie également de l’action de la Fédération. Isolé à gauche, depuis 1947, il est redevenu, en deux ans et demi, un partenaire pnvilégié avec lequel un programme commun de gouvernement est envisageable.

MAUREL Chloé, Le cœur du quartier Saint-Merri dans l’entre-deux­-guerres. Ilot d’insalubrité n° 1, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 225 p + annexes

Vers le milieu des années trente, la municipalité fit procéder à la démolition d’un ensemble de vieilles maisons délabrées, malfamées, et souvent insalubres : il s’agissait des quelques pâtés de maisons qui constituaient le cœur du quartier Saint-Merri, un des plus vieux quartiers de Paris, au centre de la ville, sur I’emplacement de l’actuel centre Pompidou. Nous avons décidé de nous pencher sur cette portion de quartier, de reconstituer l’état des lieux, les conditions matérielles de logement d’alors, et la vie des habitants. L’enjeu de notre recherche était de confronter la réalité, souvent mal connue des observateurs de l’époque, avec les représentations du secteur alors couramment répandues dans l’opinion. Nous avons donc analysé dans une première partie les caractères du secteur et de sa population ; en deuxième partie, nous avons étudié la question de I’insalubrité, qui causait le grand souci des édiles et les a conduits à faire démolir le secteur ; en troisième partie, nous avons analysé les diverses représentations qu’en faisaient à l’époque les observateurs extérieurs comme les habitants eux-même (du moins le peu d’anciens habitants dont nous avons réussi à recueillir le témoignage). Le secteur étudié était composé d’un ensemble de maisons vétustes, souvent dégradées, aux logements petits et entassés ; les conditions d’hygiène étaient très sommaires et la tuberculose, au début du siècle, atteignait des taux records, au point que le secteur était désigné sous le nom d’îlot d’insalubrité n° 1. La population était de niveau social très bas. Les conditions de vie étaient très pénibles. Nombreux étaient les ouvriers peu qualifiés, hommes célibataires, instables, vivant le plus souvent en hôtel meublé, surtout dans la partie nord du secteur ; dans la partie sud, l’habitat était plus familial, plus stable, et les activités plus variées, avec la présence de nombreux petits commerces et petites entreprises. La démolition du secteur a brisé ce cadre de vie particulier, et a entrainé la dispersion des habitants, tandis que les responsables municipaux se divisaient sur la façon dont il convenait de reloger la population et sur l’utilisation du terrain démoli. En fait, la volonté de démolition de ce secteur s’expliquait par l’inquiétude qu’inspirait à l’opinion cette population pauvre et souvent marginale. Dans les représentations de l’opinion, les thèmes qui reviennent le plus souvent sont I’aspect sordide et inquiétant des maisons délabrées, des ruelles sombres et sales, ainsi que la fascination pour leur caractère malfamé. En revanche, les anciens habitants interrogés donnent plutôt l’image d’un lieu pauvre certes, mais convivial, familial, où sociabilité et solidarité étaient très développées. Ce lieu populaire possédait donc de multiples facettes, et c’est pour cela qu’il a aussi inspiré de nombreux écrivains et poètes.

MAZURIER Emmanuel, La place de l’image dans le discours historique. Les Annales, 1935-1998, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 206 p.

Ce mémoire est un travail d’historiographie, dans le sens où il s’appuie sur une étude des productions d’historiens dans la revue des Annales, depuis 1929 jusqu’à nos jours. Mais surtout il a la particularité de s’appuyer sur l’image, prise en tant que représentation du discours historique de la revue.

La place attribuée aux images, caractérisée par une marginalité récur­rente, n’en est pas moins importante, parce qu’elle véhicule, des valeurs sociales et culturelles, inhérentes au domaine de l’édition, et qui mettent en jeu « les conditions de production du discours », selon les mots de Michel De Cerreau. En effet, l’image intervient quand la représentation des sources de l’historien est rendue nécessaire, du point de vue de la démonstration du fait historique ; et l’image intervient dans ce cas comme une preuve supplémentaire, voire incontournable. Aussi, l’image est-elle vectrice de l’innovation de l’écriture de l’histoire. Toutefois, parce qu’elle incarne des caractéristiques inconscientes des mentalités des sociétés passées, elle met en jeu des questions propres à la mémoire de la perception visuelle. Et, à ce niveau, il s’agit de distinguer clairement le visuel de l’imaginaire, lequel est un critère qui permet au récit de s’élaborer. Cet enjeu, au sens où I’entend l’historien des Annales, met l’accent sur la matérialité de la source, prise en tant que trace pourvue de valeurs authentiques, propre à fournir des informations véritables.

Cet enjeu est resté une constante du discours des Annales, mais au prix de remises en causes liées à la conjoncture intellectuelle du XXe siècle. Des théories de Pierre Francastel, durant les années 50-60 sur « l’objet figuratif », qui aboutissent à « la sociologie de l’art », en passant par celles de Louis Marin qui, durant les années 70, a initié les bases critiques du langa­ge de l’image, le contexte de l’histoire des représentations demeure une pro­blématique en proie à des antagonismes, que Roger Chartier évoque en termes d’exergue de l’histoire socioculturelle.

MONTICOLO Laurence, Le Front National et les femmes (1972-1995), Maîtrise [Jean-Louis Robert-Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 152 p.

Notre étude se propose d’analyser le discours que le FN tient sur les femmes, selon une démarche à la fois thématique et argumentative. Autrement dit, au lieu de nous limiter à une dénonciation stérile du FN en tant que parti machiste, nous avons renté de définir et d’analyser les tenants et aboutissants de sa politique familiale et féminine, en I’occurrence ses enjeux manifestes ou latents. Discours antiféministe et sexiste, l’image de la femme qui s’en dégage est toujours associée à un projet politique qui va bien au-delà d’une simple conception conservatrice des relations entre les sexes, fondée sur la domination masculine et sur le système patriarcal.

En effet, et c’est là tout l’intérêt de notre étude, sur ce terrain prétendument apolitique de la construction de la féminité autour de l’univers symbolique de la famille, du foyer et de la maternité, ce sont de multiples revanches qui s’expriment, révélant des enjeux éminemment politiques. Il nous a fallu identifier les énonciateurs, définir leur appartenance idéologique, le FN se présentant en effet comme un parti composite aux sensibilités diverses. Notre étude se propose donc aussi de déceler les éléments de continuité et/ou de rupture en ce qui concerne l’élaboration de ses représentations de la femme. Y a-t-il un dénominateur commun unissant ces divers groupes, malgré leurs divergences idéologiques ?

Ce parti d’extrême droite se distingue des antiféministes ordinaires, dans la mesure où sa vision des femmes et de leur place dans la société lui offre l’occasion de justifier son idéologie raciste qui consiste à éliminer tous les éléments indésirables souillant la pureté et la grandeur d’une France mythique : les juifs, les francs-maçons, les immigrés, les homosexuels, les idéologues égalitaires. Le recours au mythe de l’éternel féminin, qui impose l’idée d’une « nature » féminine éternelle, vient au secours d’une vision antidémocratique et antimoderniste, le FN réalisant par là un consensus entre les différentes familles idéologiques catholiques intégristes et traditionalistes, nationalistes révolutionnaires, nostalgiques de Vichy et de l’ordre nazi, anciens membres de l’OAS, solidaristes, légitimistes, qui s’accordent à faire des femmes françaises le pilier et l’instrument de leur politique nationaliste, identitaire et de défense de la « race » blanche.

PARIZOT Fernand, Le Service Diplomatique des Prisonniers de Guerre (SDPG) ou la Mission de Georges Scapini (1940-1945), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 179 p. + annexes

Durant l’été, quarante plus d’un million et demi de soldats et d’officiers français : abasourdis par la soudaineté et l’ampleur de la défaite, prenaient le chemin des camps en Allemagne. La Couvention de Genève de 1929 sur le traitement des prisonniers de guerre prévoyait qu’un pays neutre surveillerait les conditions de la détention et mènerait les négociations avec la puissance détentrice (des prisonniers) sur les éventuelles libérations. Les États-Unis, dès la déclaration de guerre, en septembre 1939, avaient été chargés de ce rôle.

Les Allemands rendirent vite la tâche impossible aux Américains et, dès novembre 1940, ils transférèrent à la France, avec l’accord empressé du gouvernement de Vichy, les responsabilités de la Puissance protectrice. Dans ce cadre, le Service Diplomatique des Prisonniers de Guerre (SDPG) a été créé spécialement pour mener les négociations, notamment sur les libérations et sur I’application des termes de la Convention de Genève. Mais, face à la puissance absolue des vainqueurs, il était rapidement consta­té que les prisonniers n’étaient en définitive pour les nazis qu’un réservoir de mains-d’œuvre et d’otages qui leur garantissaient la bonne « compréhension » de Vichy. Dans un tel contexte, les marges de manœuvre du chef du SDPG, Georges Scapini, ambassadeur, aveugle de la Grande Guerre, étaient forcément réduites. Il mena pourtant sa difficile mission avec un indéniable succès, réussissant même I’exploit de sauver tous les prisonniers juifs. Scapini, par son habileté négociatrice, par une obstination toute tendue vers la défense des captifs, comme le soulignent toutes les archives consultées, évita de dramatiques représailles. Finalement, l’armée prisonnière rentrait saine et sauve, le tiers des prisonniers avait même été libéré avant la fin du conflit.

Le bilan sous-entend, bien évidemment, des compromis, des déclarations imprudentes, des louanges à la Révolution nationale. Mais, c’est peut-être — et malgré son acquittement en 1952 par un tribunal militaire — de sa fidélité jamais démentie au Maréchal, et pour l’obstinante et sulfureuse étiquette « Vichy » qu’elle impliquait, dont souffre encore aujourd’hui la mémoire de Georges Scapini dans le souvenir de nombreux anciens prisonniers de guerre.

PÉRIO Philippe, La cour martiale de Grenoble (2 septembre 1944) : histoire et représentations, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 148 p.+ annexes

L’image est connue : un jeune milicien attaché au poteau d’exécution attend la mort. Nous sommes à Grenoble le 2 septembre 1944. Fait prisonnier trois mois plus tôt par une formation AS commandée par un saint-cyrien, le Capitaine E. Poiteau, dit « Stéphane », il appartenait au peloton des élèves-aspirants de l’École Nationale des Cadres de la Milice, installée depuis mars 1943 dans le château de Saint-Martin-d’Uriage. À cet égard, son origine sociale (vieille noblesse du Sud-Ouest, catholique et nationaliste : son père est un ancien combattant de la Grande Guerre) caractérise assez justement le type de recrutement pratiqué à Uriage.

Mais ce qui retient notre attention aujourd’hui ce n’est pas tant l’exemplarité de l’engagement du milicien Bouvery que la façon dont, depuis le milieu des années soixante, la photo de son exécution a peu à peu investi magazines et livres d’histoire pour devenir comme le symbole de l’épuration. Ce phénomène nous l’avons particulièrement observé et mesuré à travers l’étude du magazine de vulgarisation historique, Historia, et des albums commémorant le cinquantième anniversaire de la Libération.

Bouvery apparaît alors le plus souvent comme l’incarnation « histo­rique » de ce personnage de fiction inventée par Modiano et Louis Malle, Lacombe Lucien ; il est l’image vivante de cette figure imposée de l’épuration (à côté de celles de la tondue et du trafiquant au marché noir), le petit-milicien-qui-paye-pour-les-autres. Et s’agissant d’établir les raisons de cette élection, ayant examiné pour finalement les écarter, les arguments techniques ou pécuniaires (par exemple les droits d’auteur), c’est une formule empruntée à Roland Barthes — formule pleine d’une évidente irrévérence — qui nous en fournit le pourquoi : « La photo est belle, le garçon aussi ».

PERRODIN Emmanuel, De l’image de l’URSS dans la « Révolution prolétarienne, 1925-1939, Maitrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 159 p.

Cette étude s’attache à montrer comment les acteurs, le « noyau » de la Révolution prolétarienne, revue syndicaliste-communiste de 1925 à 1929, puis syndicaliste-révolutionnaire de 1930 à 1939, fondée par des exclus du Parti communiste pour l’aider à le redresser de l’extérieur, a évolué vis-à-vis de l’URSS de 1925 à 1939. Monatte, Louxon, Chambelland et Rosmer — entre autres — sont ainsi passés de l’espérance à la résignation, pour finalement imposer leur revue en tant qu’une des tribunes des plus originales de I’anti-stalinisme.

L’argumentation s’articule autour de trois points. Le premier insiste sur le regard avant tout politique que le « noyau » porte sur la Russie. En effet, pour lui, et à raison, la cause du mal communiste français réside, tout comme son remède, à Moscou. Et de 1925 à 1930, date à laquelle la Révolution prolétarienne devient « syndicaliste révolutionnaire », l’étude montre le processus qui les mènera vers une certaine désillusion. Jamais, en effet, le stalinisme ne signifiera communisme dans leur esprit. Le deuxième point s’étend sur l’aspect pris par la Révolution prolétarienne dans les années 1930, celui d’un refuge duquel il est aisé de lancer de nombreux appels, ainsi que sur l’importance de « chroniqueurs-témoins » tels que Victor Serge et surtout Yvon (Robert Guiheneuf), lequel numéro après numéro, de 1934 à 1937, dévoile avec la régularité de l’implacable constatation de la réalité la société soviétique jusque dans sa nudité. Le troisième point tente d’extraire deux fils rouges des questions précédentes en mettant en évidence le rôle de Quartier latin ouvrier joué par la Révolution prolétarienne et en analysant les liens que la revue entretient avec Léon Trotsky et Romain Rolland. La revue s’impose en fait comme une agora originale au sein des réseaux de l’opposition de l’« hydre rouge », puisqu’elle la transpose sur le terrain syndical.

RAUZY Antoine, L’apparition et l’extension des comités de soldats en France dans les années 70 (mai 1974-mars 1976), Maîtrise [Antoine Prost­Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 176 p.+ annexes

Le 16 mai 1974, à l’occasion des élections présidentielles, un appel signé par cent soldats était rendu public dans Rouge et Libération. Ce fut l’acte de naissance du mouvement des comités de soldats. En septembre, la manifestation de Draguignan suivie du procès de trois des manifestants renforça la combattivité dans les casernes et le début de l’année 1975 vit se démultiplier les initiatives, les débats et les comités. Une phase de stabilisation suivit, marquée par le développement des liens entre comités et sections syndicales et par les réformes engagées par Yvon Bourges et Marcel Bigeard. À la rentrée 75, les comités de soldats tentèrent de franchir un seuil qualitatif et de se coordonner nationalement dans la perspective d’un syndicat de soldats. Ils en furent empêchés par le gouvernement qui saisit la Cour de Sureté de l’État. Les inculpations de 53 personnes, les arrestations et les perquisitions dans les locaux d’organisations syndicales provoquèrent une importante réaction dans le mouvement ouvrier. Le climat s’apaisa peu à peu au début de l’année 1976, mais les perspectives étaient profondément modifiées pour les comités.

Les comités regroupaient entre quatre et six soldats en moyenne, parfois quelques dizaines, souvent deux ou trois. Ils étaient animés par des jeunes militants d’extrême gauche et composés en grande partie de sursitaires, anciens étudiants. On en dénombra entre 80 — de 100 de mai 1974 à mars 1976 — d’une durée de vie de quelques mois en général. Ils étaient surtout présents dans l’armée de terre et le contingent, et situés dans l’est de la France et en Allemagne. Ils fonctionnaient localement de manière totalement pragmatique. Nationalement et régionalement, ils s’organisaient par le biais des organisations politiques. Les comités de soldats défendaient un ensemble de revendications matérielles et politiques. Ils s’employaient aussi à dénoncer l’armée « au service de la bourgeoisie » et à rapprocher le contingent de la classe ouvrière. N’importe quelle brimade ou incident offrait une occasion pour agir et les bulletins de comités furent le moyen privilégié de cette action. Les comités ont constitué un mouvement qui, bien que faible, fut national. Soutenus dans certains de leurs objectifs par une grande partie des soldats, ils obtinrent des améliorations de la condition militaire, même si en 1976 ils n’étaient pas parvenus à développer un mouvement antimilitariste massif dans les casernes.

RIEHL Alexandre, La vision du futur chez les anarchistes en France durant l’âge d’or de l’Anarchie (1894-1907), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 251 p.

En 1894, conscients de l’inanité des attentats individuels, les anarchistes désemparés se cherchent des repères. Le grand sursaut révolutionnaire des opprimés n’a pas eu lieu. Au contraire, conspués par cette population, pour laquelle ils s’imaginent combattre, pourchassés, marginalisés, les compagnons doivent impérativement réaffirmer leurs valeurs communes sous peine de perdre toute identité. C’est le sentiment de posséder une vision commune très spécifique du futur qui leur tient lieu de ciment idéologique. Le mouvement anarchiste français sort cependant rapidement de la semi-clandestinité dans laquelle les « lois scélérates » l’avaient plongé.

Les militants ont la volonté de trouver des formes nouvelles de militantisme pouvant rompre avec le romantisme révolutionnaire et s’ancrer dans le réel tout en refusant de faire la moindre concession idéologique. Les compagnons s’orientent vers des chemins différents. Certains apportent au syndicalisme leur dynamisme, d’autres considèrent que la révolution future doit se préparer au quotidien, tant par la propagande par l’exemple que par l’éducation. Pendant l’âge d’or de l’anarchisme, de 1894 à 1907 (date de séparation définitive entre anarchistes et syndicalistes-révolutionnaires), les militants sont constamment projetés dans le futur, dans l’attente d’une révolution en laquelle ils veulent garder espoir. L’étude de ces tentatives est donc bien au cœur de la réflexion sur la vision du futur. De plus, une telle étude ne peut faire l’impasse sur la vision anarchiste de la société idéale, qualifiée de société harmonique.

Le parti pris d’histoire sociale permet, au-delà de l’étude importante des réactions face au tournant de siècle, d’aborder le mouvement anarchiste sous un angle plus intime. Dans ces conditions, il est impératif, lors d’une étude de la vision anarchiste du futur au tournant du siècle, de prendre en compte tous les producteurs de symboles. Ainsi, construisant une histoire des représentations, il est essentiel de privilégier constamment les sources, qu’elles soient brochures ou presses militantes, almanachs ou chansons. Sans chercher à en tirer des données objectives, l’étude des divers composants de l’imaginaire anarchiste a semblé plus importante. Il s’avère que la vision du futur s’intègre dans un véritable « oniro-type » où les compagnons projettent tous leurs espoirs, et leurs fantasmes.

SAINT-GAUDENS Jean-François, La commune de l’Hay-les-Roses et les lotissements pendant l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 153 p.+ annexes

Pendant l’entre-deux-guerres, la banlieue parisienne connaît une expansion urbaine sans précédent : son accroissement annuel passe de 36 000 habitants en 1911-1921 à 94 000 habitants en 1921-1931. D’habiles spéculateurs vont profiter de cette poussée démographique et de la crise du logement parisien pour les couches populaires ; ils vont découper d’anciens terrains agricoles en parcelles, pour revendre des lots bon marché aux personnes désireuses d’améliorer leur condition de logement. Ces lotissements qui s’établissent sans aucun équipement représentent une forme urbaine nouvelle, caractéristique, par son ampleur, de la banlieue de cette époque. L’état défectueux de ces quartiers qui ne comportent ni eau, ni gaz, ni électricité, pas même une voirie convenable, provoque la colère de ce que l’on appelle alors les mal-lotis. L’intervention législative en matière d’urbanisme des pouvoirs publics commence timidement par le vote des lois de 1919 et de 1924. Il faut attendre le 15 mars 1928 pour qu’une loi efficace soit votée et mette un terme au sous-équipement de ces quartiers. La commune de l’Hay-les-Roses, qui fait alors partie du département de la Seine, est l’un des territoires de la banlieue parisienne touchés par l’implantation des lotissements. Entre 1900 et 1936, la population de la commune passe de 816 à 7707 habitants.

L’objectif du mémoire est de cerner l’impact de ces nouveaux venus qui s’installent dans des espaces résidentiels nouveaux aux marges les plus reculées du territoire communal. Cette implantation anarchique et massive des lotissements change radicalement le paysage de la commune ainsi que sa composition socio-démographique. Pour bien comprendre la rapidité et l’ampleur des changements qui affectent la commune, ainsi que la richesse épistémologique de questions liées aux lotissements, nous avons fait intervenir des sources très diversifiées. L’étude des lotissements ne se limite pas uniquement à l’aspect urbain du phénomène, mais essaie d’envisager, de façon la plus large possible, les interactions qui se tissent entre le territoire communal et ces nouveaux espaces de l’habitation. Interactions qui aboutissent, à la fin de la période, à la constitution d’une commune aux fonctions nouvelles, aux paysages urbain et politique nouveaux, peuplée en grande partie d’habitants venus s’installer entre 1919 et 1939.

SALVI Vincent, Simone Signoret. 1946/1960 : la construction d’un personnage, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 170 p.

On s’est proposé pour cette recherche d’étudier Simone Signoret non sous l’angle de la biographie, mais sous celui du personnage filmique et historique tel qu’il est apparu et tel qu’il fut perçu par ses contemporains au cours d’une période qui s’échelonne de 1946 à 1960, période qui trouve son unité dans l’élaboration progressive d’un mythe qui ne deviendra effectif qu’après 1960, année de remise de l’oscar. L’étude de la filmographie de l’actrice, source brute, et celle de la presse, le tout observé à la lumière d’une analyse critique de son autobiographie, ont donc naturellement constitué les deux axes majeurs d’une recherche dont l’objectif était avant tout de travailler sur la représentation à l’époque du personnage Signoret. Sous l’apparente hétérogénéité de la période, on a pu faire apparaître, dans un contexte de transition cinématographique et historique, l’évolution contrastée d’une actrice à la recherche d’une identité propre qui ne soit pas réductible à la simple somme de ses films.

Sa rencontre avec un mythe déjà constitué, Yves Montand, devait tenir dans notre exposé une place prépondérante en raison des modifications structurelles qu’elle induit sur I’image du personnage étudié. Après une première phase d’accession à la célébrité sous les traits de la prostituée au grand cœur, Simone Signoret quitte en effet son mentor Yves Allégret pour devenir Madame Montand. Elle gagne encore en respectabilité en devenant pour un temps l’égérie du cinéma de qualité. Le troisième temps de notre exposé est alors consacré à la mutation douloureuse d’une actrice qui parvient tant bien que mal à imposer une nouvelle figure d’actrice engagée, prenant le risque d’amener son personnage sur la voie de l’authenticité.

THALER Anne, L’office national d’immigration de 1946 à 1956 : la tentative de contrôle absolu des flux migratoires européens vers la France, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 191 p.+ annexes

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour des raisons à la fois conjoncturelles et structurelles, la France se trouve à nouveau confrontée à une pénurie main-d’œuvre. Comme après le précédent conflit, elle est obligée de faire appel aux travailleurs étrangers. Or, parallèlement aux grandes réformes de la Libération, le gouvernement provisoire entend revoir complètement le traitement des problèmes migratoires. Le texte fondamental définissant la nouvelle politique de l’immigration est l’ordonnance du 2 novembre 1945. Elle énonce, entre autres mesures, deux décisions importantes : la création de l’office national d’immigration (ONI), remplaçant les anciennes sociétés privées pour la sélection et le recrutement des travailleurs étrangers ; l’attribution à cet organisme public du monopole de l’introduction en France des immigrés. En effet, les pouvoirs publics souhaitent voir dorénavant les flux migratoires vers le territoire national entièrement contrôlé par l’État afin de mettre un terme aux problèmes liés à l’immigration clandestine.

Dans cette étude, nous avons cherché à savoir si l’ONI répond, au cours de ses dix premières années d’existence, aux missions qui lui sont confiées. Mais nous nous sommes aussi interrogés sur le bien-fondé de son monopole. Or, l’analyse montre qu’en dehors même des deux premières années, marquées par un échec complet, l’ONI ne satisfait que partiellement aux exigences minimales. S’il assure convenablement la protection de la communauté nationale ainsi que celle des étrangers, il ne parvient pas à maitriser la totalité de l’immigration, qui se trouve sous sa responsabilité. Nous expliquons avant tout ce résultat par l’impossibilité de réaliser un tel contrôle, lorsque les principaux acteurs du processus migratoire (employeurs et travailleurs) s’y montrent globalement réticents.

THOMÉ Morgan, Le mouvement social de novembre et décembre 1995 à travers les journaux télévisés de TF1 et France 2, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 412 p.

Le mouvement social de novembre-décembre 1995 a frappé les esprits. Ces grèves et manifestations, les plus massives en France depuis 1968, sont l’objet de nombreuses interprétations. Ce mémoire propose une analyse de la couverture des événements réalisée par les journaux télévisés entre le 15 novembre, date de la présentation du plan Juppé à l’Assemblée nationale, et le 21 décembre, jour du sommet social de Matignon symbolisant la fin du conflit. Nous observons comment le travail des journalistes de télévision s’est limité aux symptômes du mouvement social, oscillant entre une caricature des manifestants et des grévistes et une simplification des enjeux du mouvement social. Cette recherche décrypte la construction de l’information télévisée des journaux de « 20 heures » et montre comment d’un plébiscite d’une réforme gouvernementale, le journal télévisé devient le lieu d’une représentation de la contestation. Manipulateurs, mais aussi manipulés, les journaux télévisés ont présenté durant les trois semaines du conflit une image d’un monde syndical en pleine ébullition. Une recomposition du paysage syndical s’est opérée autour d’un slogan : « Tous ensemble » contre le plan Juppé. Nous analysons la construction d’images et de représentations des acteurs syndicaux qui s’est révélée au fil des journaux télévisés depuis la base jusqu’aux leaders des grandes centrales que sont Nicole Notat, Marc Blondel et Louis Viannet. Nous verrons également la mise en avant d’une catégorie de grévistes, les cheminots, lesquels — grâce au blocage des transports — sont devenus les « vedettes » du feuilleton social de novembre et décembre 1995. En contrepoint du discours consensuel des journaux télévisés, des extraits du Soir 3, des Guignols de l’Info et de documentaires réalisés en novembre-décembre 1995 offrent une tout autre vision du conflit.

TRESPEUCH Anna, Deux vies, une éthique : Dominique et Jean­Toussaint Desanti, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 397 p.

Depuis la fin des armées trente, Dominique et Jean-Toussaint Desanti sont acteurs à temps plein de la vie intellectuelle française. Mais leur parcours est aussi chaotique que le XXe siècle dont ils ont choisi d’épouser les espoirs les plus fous comme les désillusions les plus douloureuses.

Nés respectivement en 1919 et en 1914, ils se rencontrent à la rue d’Ulm en pleine montée des périls fascistes. Cette lycéenne aux origines russes, fascinée par les surréalistes et ce normalien corse philosophe — et mathématicien à ses heures perdues — sont révolutionnaires dans l’âme…

Un an après leur mariage, la guerre les plonge dans l’inacceptable. Dès le retour du front, avec un groupe d’amis — dont Jean-Paul Sartre —, ils résistent à l’occupant. Mais c’est au sein des réseaux communistes de Résistance, à partir de 1943, que leur action devient déterminante. À la Libération, gonflés par l’espoir de changer le monde et convaincus que seul le Parti communiste en les moyens, ils l’adoptent comme une nouvelle famille. Pour en être dignes, ils redoublent d’ardeur à tuer en eux le « vieil homme ». Ainsi le philosophe se fait un devoir de problématiser l’application du Jdanovisme aux sciences exactes. Dominique met ses talents litté­raires au service du Parti : la journaliste condamne le titisme, justifie les procès à l’Est, mais en 1956, le rapport Khrouchtchev est le déclic qui leur fait prendre conscience que leur identité d’intellectuels est en danger : ils décident d’assumer la rupture avec ce « parti pas comme les autres ». Le couple entreprend alors sa traversée du désert : il faut se reconstruire un univers social, professionnel et surtout une dignité intellectuelle. C’est durant cette période qu’ils élaborent une éthique sur mesure : ils continuent d’exprimer la révolte contre ce que d’autres acceptent avec pragmatisme. Ainsi Dominique s’engage dans le tiers-mondisme puis dans le féminisme ; Jean-Toussaint suit ses étudiants sur les barricades de Mai 1968. Mais désormais, l’engagement s’appuie sur une idéologie toute personnelle. À travers les ouvrages historiques et les romans de Dominique, transparait une soif de décrypter les mécanismes de ce siècle. La philosophie de Jean-Toussamt, en dehors de son apport fondamental à l’épistémologie des mathématiques, s’articule autour du seul projet qui lui semble essentiel : mettre en jeu tout son savoir. Chez l’intellectuel, l’équilibre entre le confort spéculatif et l’urgence de l’action est précaire, mais, ensemble, ils ont choisi de jouer les funambules — ou les « flambeurs », selon l’expression de Jean-Toussaint — jusqu’au bouc.

VÉNY Muriel, Propositions du Parti socialiste sur les médias audiovi­suels, de la réforme de l’ORTF (7 août 1974) à la cohabitation de 1986, Maîtrise [Jean-Louis Robert, G. Morin], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 113 p. + annexes

Le principal objet de ce mémoire consiste à analyser l’évolution de la pensée socialiste en matière de médias audiovisuels, entre la réforme de l’ORTF du 7 août 1974 et la cohabitation de 1986. Cette évolution ne peut s’expliquer que si l’on tient compte de la structure du Parti socialiste, qui se caractérise par une fédération de courants. L’approche de la conception des socialistes en matière d’audiovisuel a pu être déterminée à partir de trois grandes périodes.

Entre 1974 et 1978, le PS dans l’opposition prône un grand service public de l’audiovisuel, seul capable d’assurer les conditions d’un véritable pluralisme, et marque sa volonté de mettre en œuvre une « décentralisation » de la radiotélévision afin de faciliter la liberté d’expression de la société civile. En cela, le Parti socialiste se présente comme le premier défenseur du monopole public contre toute tentative de privatisation perçue dans la réforme de l’ORTF élaborée sous le Président Valéry Giscard d’Estaing. La deuxième période (1978-1981), dont les bornes marquent deux échéances électorales importantes (les élections législatives de mars 1978 et présidentielles de mai 1981), se caractérise par l’engagement d’une partie des militants socialistes aux côtés des « radios libres ». Ce nouveau combat amène le Parti socialiste à reconsidérer la question du monopole du service public de l’audiovisuel dans la mesure où les nouvelles radios voient dans ce monopole un moyen de paralyser la diversification des sources d’émission. Entre 1981 et 1986, la politique audiovisuelle du Parti socialiste provoque un total bouleversement du paysage audiovisuel français, en ouvrant un plus large espace de liberté. Elle se caractérise par la création de radios locales privées ainsi que de chaînes de télévision privées, provoquant ainsi les conditions du démantèlement du service public de la radiotélévision.

Au regard de la nette évolution des positions du PS en matière de médias audiovisuels, notre intérêt s’est essentiellement porté sur les discussions internes du parti afin de comprendre le cheminement de la réflexion des socialistes dans ce domaine.

WISNER Anne-Clémence, Antoinette, magazine féminin de la CGT de 1955 à 1969, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1999, 132 p.

À partir de 1955, la CGT publie une revue syndicale destinée aux femmes salariées, intitulée Antoinette. La création de cette revue au milieu des années cinquante — alors que les mouvements féminins sont en sommeil — par une organisation syndicale, qui n’a pas toujours su accueillir les femmes en son sein, peut surprendre au premier abord. Cependant, depuis 1946 la CGT s’est dirigée progressivement vers la prise en compte spéci­fique des femmes salariées. Afin de s’adresser plus facilement aux femmes, la CGT va se doter d’une commission féminine, mais elle va également décider la création d’Antoinette, revue mensuelle destinée à être vendue massivement. En réalité, dans les années cinquante, cette revue va être très occupée à défendre les prises de position communistes. La mère de famille et la ménagère vont tenir une place centrale dans ses articles, puis, dans les années soixante, elle va participer activement au débat sur les modalités du travail féminin qui occupe la société française.

L’étude d’Antoinette, de 1955 à 1969, permet de constater la vitalité du secteur féminin dirigé par Madeleine Colin, mais elle nous permet également de remarquer que ce secteur féminin reste entièrement subordonné aux directives confédérales. Bien loin d’être tentée par le féminisme qui émerge dans la seconde moitié des années soixante, Antoinette privilégie la lutte des classes par rapport à la lutte des sexes. On peut également conclure de cette étude que même si au niveau confédéral il existait une volonté de s’adresser aux femmes de manière particulière et d’aborder leurs problèmes, les organisations syndicales à l’échelon fédératif, départemental ou local, et ses militants se sont montrés très réticents dans la pratique.

 Malgré son originalité — qui consiste à être la seule revue à s’adresser aux femmes dans leur vie professionnelle — et les efforts constants de l’équipe rédactionnelle pour la rendre attrayante, Antoinette ne va pas réussir à rencontrer les travailleuses, les ventes vont plafonner à 74 000 en 1965, ce qui ne représente qu’une petite proportion des syndiquées à la CGT.

1998

AGUINALIN Pierre-Olivier, Le Barreau au service d’une ambition politique : Maître Jean Zay à Orléans dans les années trente, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 147 p.

Jean Zay, avant d’être le ministre de l’Éducation Nationale de Léon Blum en 1936, est l’un des acteurs les plus brillants et les plus influents de l’histoire politique du Loiret sous la Troisième République. En effet, le 8 mai 1932, Jean Zay est élu, à l’âge de 28 ans, député radical de la première circonscription du Loiret.

Cependant, pour éclairer une carrière politique aussi rapide qu’exceptionnelle, il n’a pas été vain de suivre Jean Zay dans son parcours professionnel et dans la construction de sa carrière politique par le biais de son métier d’avocat. En effet, si Jean Zay souhaite, très tôt, dès l’âge de quatorze ans, faire de la politique, il reste au jeune avocat inscrit au barreau d’Orléans le 17 décembre 1930, à concrétiser ce projet.

Comment un jeune avocat, sous la Troisième République, peut-il alors entrer en politique ?

L’étude d’une profession — celle d’avocat dans les années trente — et de son image sociale à travers l’expérience de Jean Zay répond à cette interrogation ; la carrière professionnelle de celui-ci apparaît effectivement indissociable de ses ambitions et de ses combats politiques précoces.

Son métier d’avocat lui confère, il est vrai, une autorité reconnue et une réelle notoriété, de par ses compétences juridiques et son talent oratoire qu’il ne manque pas d’exposer lors des procès d’Assises grâce auxquels Jean Zay devient un acteur important de la vie orléanaise. Cette relation privilégiée avec le public et l’amorce d’un cheminement politique jalonné d’étapes : la carrière d’avocat en est une et Jean Zay sait la mettre au service de son ambition politique.

Jean Zay connaît effectivement la place éminente occupée par les membres du barreau dans les circuits relationnels et de pouvoir que sont, dans les années trente, les syndicats professionnels. Aussi, à travers ses relations avec le monde syndical et professionnel — la Fédération Artisanale du Loiret notamment — son métier d’avocat et tout particulièrement son activité de conseil juridique sont orientés vers un apprentissage et une conquête du pouvoir politique.

C’est dans ce cadre propice à l’action politique que Jean Zay gagne la reconnaissance de ses futurs électeurs, assurant ainsi son succès politique.

ARBUTINA Vadim, L’image de l’ouvrier à travers les documentaires télévisés entre 1958 et 1967, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 220 p.

À la fin des années cinquante, les Français découvrent véritablement le petit écran. La télévision entre en masse au sein des foyers dans le cadre de la société de consommation naissante. Les téléspectateurs se passionnent alors pour le sport, les variétés, le journal télévisé, les magazines d’information et de société (Cinq colonnes à la une, Zoom, Panorama).

Ce sont les documentaires tirés de ces magazines d’information que nous avons choisi de décortiquer pour comprendre, analyser et décrire la société ouvrière des années soixante.

L’idée que les documentaires télévisés sont le reflet plus ou moins réaliste de la société semble bien évidemment réductrice, au regard du travail de la censure dans les années soixante. Pourtant les documentaires sont dans la réalité sociale. À la télévision, on n’hésite pas à parler des problèmes du logement français. On s’étend sur les modes de vie, de travail et de pensée des ouvriers. On s’attache aussi à décrire le bien-être que peut procurer la société de consommation (loisirs, biens matériels, culture…). Pourtant, dans un film, quel que soit son projet (décrire, distraire, critiquer, dénoncer, militer…) la société n’est pas proprement montrée, elle est mise en scène. Ainsi, une image peut créer une illusion, au moins partielle, sans être la réplique exacte de son modèle. C’est l’un des problèmes centraux lorsque l’on aborde la notion des représentations. Il convient alors — et c’est sans doute ce qui a été le plus difficile dans notre travail — d’essayer de réaliser non pas une lecture du film à partir de la société, mais une lecture possible de la société à partir des sources filmiques.

BARROT Sandra, L’association des Marocains en France (AMF) : une adaptation aux évolutions du projet migratoire des immigrés marocains (1968-1986), Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998

Le sujet, portant sur le milieu associatif immigré marocain, traite du positionnement d’une association par rapport à la communauté immigrée qu’elle est censée défendre et représenter pour la période 1968-1986. Il s’agit de comprendre comment l’association a fait évoluer sa conception de la défense des immigrés marocains et les moyens mis en œuvre pour organiser cette dernière. Dans un second temps, le sujet traite de la nature des rapports de l’AMF avec les différents acteurs sociaux et politiques français. Enfin, l’étude replace l’association au sein du mouvement associatif immigré et retrace l’évolution du travail de coordination entre les différentes associations d’immigrés en France et en Europe.

En effet, l’association a orienté ses moyens d’action en fonction des évolutions du projet migratoire des immigrés marocains, adaptant ses revendications aux changements découlant de l’évolution structurelle de l’immigration maghrébine, survenue entre la fin des années 1960 et la première moitié des années 1980.

Trois principaux stades d’adaptation qui constituent les trois parties du mémoire se dégagent : dans un premier temps (1968-1975), l’association s’adresse à des travailleurs immigrés célibataires, venus provisoirement en France dans le but de travailler ; elle se place en opposition à la politique française en matière d’immigration et n’effectue qu’un travail de collaboration ponctuelle avec les associations d’immigrés en France. Dans un second temps (1976-avril 1981), l’association s’adresse à des familles d’immigrés ayant pour projet un établissement définitif en France ; elle affirme alors un caractère contestataire à l’égard des pouvoirs publics français et participe à la mise en place d’un front de défense des immigrés, en développant le travail de coordination avec les associations d’immigrés. Dans un troisième temps (mai 1984-1986), elle essaie de s’adapter aux revendications formulées par les jeunes issus de l’immigration, qui constituent les nouveaux acteurs des populations immigrées en France ; elle tente de développer une politique de concertation avec les pouvoirs publics, en cherchant notamment à établir une représentation capable de constituer un interlocuteur reconnu par ces derniers à l’échelle du mouvement associatif immigré en général.

BISCARRAT Patricia, Les lotissements de l’entre-deux-guerres à Brétigny-sur-Orge, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998

Le dynamisme de l’urbanisation de la région parisienne pendant l’entre-deux-guerres est un vaste sujet dont les causes et les effets ont souvent été traités. La pénurie des logements à Paris, une législation peu contraignante et l’amélioration des transports ferroviaires sont des causes du développement des lotissements en banlieue. Ce mémoire présente le cas particulier de la commune de Brétigny-sur-Orge, située à une trentaine de kilomètres au sud de la capitale, qui est moins lotie que d’autres localités de la Seine-et-Oise.

La consultation des archives communales et départementales, ainsi que les témoignages d’anciens lotis, permettent de constater de quel type d’urbanisation il est question pour la commune de Brétigny-sur-Orge. L’habitat s’y est développé grâce aux lotissements dispersés suivant un axe nord-sud, de part et d’autre de la ligne de chemin de fer du Paris-Orléans. L’implantation de la gare a été déterminante pour la localité où de nouveaux habitants se sont installés. Le peuplement des lotissements est dû à un afflux massif de provinciaux vers la banlieue ainsi qu’à un nombre non négligeable de personnes venant de la Seine et de la Seine-et-Oise. Brétigny-sur-Orge voit sa population se détourner peu à peu du travail de la terre, sans qu’il ne disparaisse complètement. Les lotis sont principalement des employés et des ouvriers travaillant aux Établissements Clause et au chemin de fer. Les sources écrites et orales montrent d’une part, la participation des lotis à l’aménagement de leur terrain, de leur pavillon et de leur quartier, et la vie dans un lotissement ; d’autre part, les réactions face aux difficultés rencontrées. L’assimilation des habitants s’effectue à travers les relations de voisinage et de quartiers. La sociabilité entre les lotis se constate dans les loisirs qu’ils pratiquent ensemble. Ainsi, l’accession à la propriété est rendue possible à une classe modeste qui, en partie grâce au chemin de fer, a pu profiter de l’espace et de la nature, tout en restant proche de la capitale.

BORDAIS Muriel, La coopérative agricole de stockage de la Brie 1931-1945, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 124 p.

Le début des années trente est marqué par une crise généralisée, mais aussi par une grave crise agricole affectant les prix de toutes les productions avec plus ou moins d’importance. En ce qui concerne les céréales, et surtout le blé, le prix du quintal chute de façon vertigineuse pour atteindre le seuil d’environ 74,50 F le quintal en 1935 (l’année la plus critique). Dans les départements pratiquant la monoculture intensive, cette crise est durement ressentie, comme c’est le cas pour la Seine-et-Marne (produisant essentiellement des céréales et des betteraves).

C’est dans ce contexte que naît la Coopérative agricole de stockage de « la Brie » en 1931, dans un réflexe de défense de la céréaliculture briarde. Les premières années sont très difficiles, la CGT n’est pas écoutée puis se retrouve décapitée. Suit une belle renaissance, permise par le climat du Front populaire. Les cégétistes deviennent enfin de véritables partenaires sociaux pour la direction d’Air France. La « drôle de guerre » fait s’évaporer les effectifs ; quelques responsables parviennent néanmoins, en vertu de leur connaissance du personnel, à se faire admettre et tolérer des fonctionnaires placés par Vichy. Et encore une fois, le syndicat renaît de ses cendres avec la Libération. Promu par les faits, représentant incontournable de l’entreprise auprès des pouvoirs publics, il les lance dans la participation à la reconstruction de la Compagnie. Les intérêts syndicaux et ceux de l’entreprise se confondent totalement, jusqu’à ce que les antagonismes politiques et économiques reprennent le dessus en 1947 : les cégétistes basculent dans la lutte totale contre la direction, au moyen de la grève massive. Mais en fin de compte, à l’orée des années 1950, le syndicat en ressort exsangue, d’autant plus que la scission syndicale, et la concurrence d’un groupe, Force ouvrière Air France, le frappent durement. La CGT dispose néanmoins d’un autre front pour se faire entendre et poser des revendications : le Comité d’entreprise, qu’elle a façonné dès 1945. Devenu un enjeu majeur, le CE constitue un outil concret pour mettre en place des œuvres sociales et gagner l’assurance des salariés. Les années 1950 sont donc employées à une redéfinition des positions du syndicat dans l’entreprise : travail sur les revendications locales, appui dans les ateliers, bureaux, lutte au pied à pied contre la direction générale et Force ouvrière au sein du Comité central d’entreprise. Vers 1960, les assises de l’organisation sont confortées, et le climat idéologique de résistance à la politique gaulliste permet d’imposer de nouveau un rapport de force à la direction d’Air France. La CGT orchestre arrêts de travail massifs et grèves perlées dans des sites éloignés géographiquement les uns des autres et socialement différents. Les points forts ne sont plus seulement les ouvriers des hangars de révision de l’aéroport international de Paris-Orly, cœur vital de la compagnie nationale. On peut compter également des syndiqués actifs chez les manutentionnaires et employés de la gare de fret d’Orly-Sud, dans une proportion un peu moindre chez les cols blancs et agents commerciaux del’aérogare d’Orly, et encore dans des centres mineurs au Bourget, Courbevoie, Marseille-Marignane ou Toulouse-Montaudran…

À la fin des années 1960, la CGT semble donc avoir mené avec succès diverses mutations, s’imposant dans l’entreprise atypique, éclatée et hétérogène qu’est Air France, avec l’aide souvent décisive du Comité d’entreprise, comme un élément à part entière de la compagnie nationale. De ce portrait ressort une CGT diverse, traversée de multiples crises en 1935, 1947-48, souvent remise en cause, engagée à la fois dans la politique et les débats posés par les révolutions du transport aérien, qui finalement a su s’adapter aux exigences du travail aérien.

DANELLE Valérie, Les cheminots de Saint-Quentin à partir des listes nominatives du recensement de 1911 : un groupe aux origines sociales et géographiques et au comportement social homogènes, Maîtrise [Antoine Prost, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998

Les cheminots saint-quentinois apparaissent à travers l’étude du recensement de 1911 et de leurs actes d’état civil comme un groupe homogène tant par leurs origines sociales et géographiques que par leur comportement démographique et social. Peu nombreux à être eux-mêmes fils de cheminots, ils sont majoritairement issus du monde paysan et ouvrier, réalisant en cela une certaine ascension sociale, qui est généralement déjà faite lors de leur mariage ou se réalise peu de temps après. Ils choisissent des épouses de mêmes origines sociales et géographiques qu’eux. Si ces origines diffèrent, ce n’est que géographiquement et, dans ce cas, les épouses sont principalement saint-quentinoises ou axonaises. Mariés et pères de famille, les cheminots sont bien intégrés à la société de leur temps comme l’attestent leur comportement démographique malthusien et la qualité de leurs témoins au mariage, peu nombreux à être également membres du milieu ferroviaire. Le groupe des employés de chemin de fer de la ville n’est pas, contrairement à l’idée reçue, un groupe à part qui s’auto-reproduirait et vivrait replié sur lui-même, bien que certaines structures sociales, économiques et culturelles leur soient exclusivement réservées.

L’originalité du cas de Saint-Quentin est donnée par un recrutement très localisé ; cependant, les ouvriers de la voie ne sont pourtant pas d’origines paysannes.

DARD Jérôme, Histoire des questions d’histoire à l’agrégation depuis 1949, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 173 p.

L’objectif de ce mémoire est de présenter un bilan didactique des questions d’agrégation d’histoire et des conditions du déroulement du concours. Nous avons tenté une analyse des différentes questions historiques et professionnelles, en recherchant une logique du travail des jurys dans la préparation des agrégatifs.

On se convaincra de la façon très large dont l’histoire est aujourd’hui pratiquée, en parcourant les listes des programmes et des sujets, où la variété ne manque pas de signification. En effet, la répartition équilibrée des questions entre les thèmes, les pays et les siècles, révèle l’esprit général de l’agrégation. On constate que, malgré la diversité des thèmes et des époques étudiés, c’est l’unité de culture et de méthode historique qui fonde la particularité du concours. L’élargissement et l’enrichissement des réflexions proposées permettent aujourd’hui aux professeurs d’appréhender l’HISTOIRE comme un ensemble. Les hiérarchies ne sont plus tranchées ; les questions du programme même lorsqu’elles sont à dominante thématique, ne sont jamais indépendantes. En quelque sorte, on pourrait dire que l’histoire apparaît plurielle. Il ne s’agit plus d’imposer un nouveau genre historique, à son tour hégémonique, mais au contraire de favoriser un processus cumulatif du questionnaire. Nous avons voulu démontrer que l’évolution des questions d’agrégation correspond à une discipline non pas en « miettes », car plus qu’une histoire éclatée, l’histoire se révèle transversale, générale.

L’étude des rapports met en évidence l’évolution de l’enseignement de la discipline. Par rapport aux modèles stricts de compétence, s’ajoute la reconnaissance des valeurs personnelles et pédagogiques des candidats. Le mythe d’un concours uniquement basé sur l’érudition s’étiole. L’agrégation est un concours de haute culture générale interdisciplinaire, non un test d’érudition en tel domaine étroitement déterminé. Face aux changements d’échelle survenus pendant la période, la surprenante longévité du concours s’explique peut-être justement par le renforcement d’un modèle de sélection « élitiste et ouvert » au sein duquel on refuse de dissocier valeur scolaire et pédagogique et compétence abstraite.

L’histoire des questions de l’agrégation est celle d’une institution, véritable clef de voûte de l’enseignement supérieur où les interrogations, recommandations et explications des jurys agissent comme une instance de légitimation, en pérennisant les normes et les valeurs d’une discipline que l’on veut transmettre.

DESTACAMP Claire, Les instituteurs du Cher et leurs organisations professionnelles du début du siècle aux années vingt (1900-1922), Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998

À l’aube du XXe siècle, l’exercice du métier d’instituteur, dans le Cher comme ailleurs, présente certaines difficultés. Peu payés, assujettis à l’État et à l’administration locale, les instituteurs subissent aussi parfois des pressions cléricales ou politiques. C’est en ce début de siècle qu’ils prennent conscience avec plus d’acuité de la nécessité de développer des organisations corporatives en vue de leur défense et de celle de leurs intérêts professionnels. Le département du Cher participe entièrement de ce mouvement. Cependant, jusqu’en 1914, l’organisation syndicale reste très minoritaire et la majorité des instituteurs est regroupée au sein de l’Amicale, structure dont les méthodes et les objectifs diffèrent du syndicalisme proprement dit. Après-guerre, une impulsion est donnée et le syndicalisme gagne les éléments jusque-là réfractaires. Dès lors, l’existence de deux syndicats dans le département, l’un de tendance révolutionnaire et l’autre réformiste, pose la question de leur fusion qui, à la fin de la période étudiée, reste impossible. En 1922, on assiste à l’enracinement du syndicalisme réformiste chez les instituteurs et à la désorganisation des révolutionnaires.

L’étude du groupe des instituteurs du Cher et de leurs organisations corporatives et syndicales entre 1900 et 1922 montre un corps professionnel profondément uni par des origines sociales et de formation professionnelle communes, et par une similitude de vie due à l’exercice d’un métier aux difficultés multiples. Cette homogénéité a donné lieu à un regroupement corporatif important qui leur permet d’obtenir des résultats réels et de nettes améliorations dans leur vie professionnelle tant sur le plan local que national. Cependant, la question de l’adhésion de l’ensemble des instituteurs au mouvement corporatif et syndical est plus complexe. Il apparaît que les instituteurs sont, dans leur grande majorité, favorables à l’idée syndicale si celle-ci se limite à la défense de leurs intérêts corporatifs. Respectueux de la légalité républicaine, peu d’entre eux conçoivent la lutte syndicale comme étant avant tout une lutte sociale. D’autre part, leur adhésion passe avant tout par le paiement de la cotisation et peu d’entre eux s’engagent réellement dans la lutte. Le syndicalisme des instituteurs du Cher est avant tout le fait de militants peu nombreux qui ont donné leur vie au combat syndical.

Pour ce travail, nous avons d’abord fait une étude statistique du corps processionnel des instituteurs (origines géographiques, sociales, formation, situation familiale), en consultant un échantillon de dossiers personnels d’instituteurs enseignant dans le département entre 1900 et 1922 : pour l’étude de la naissance et de l’évolution des regroupements corporatifs et syndicaux, nous nous sommes basés, sur le fonds d’archives du SMEL du Cher (correspondance syndicale, circulaires syndicales et fédérales, courrier administratif) ainsi que sur les bulletins des différentes organisations étudiées.

FONITCHEFF Mylène, Politique culturelle en banlieue : un concours de chorégraphie à Bagnolet, Maîtrise [Antoine Prost-Annie Fourcaut-Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1, 1997, 155 p.

Le concours « Ballet pour demain » créé en 1969 à l’initiative du danseur Jaque Chaurand et organisé par la municipalité communiste de Bagnolet doit permettre à de jeunes chorégraphes de présenter leurs essais. Ils affluent nombreux, s’expriment sur des musiques et sujets contemporains, présentent un nouveau langage chorégraphique. C’est un détonateur pour la danse moderne en France qui s’affranchit progressivement des influences allemandes et américaines.

Le concours est parfois un point de départ pour la carrière des chorégraphes. Son impact reste néanmoins limité par manque de structures et de moyens mis à la disposition de la danse au niveau national. Cette constatation donne lieu à l’organisation de débats dans le cadre du concours. Professionnels de la danse y rencontrent élus communistes. Le député Jack Ralite porte leurs revendications devant l’Assemblée Nationale en 1976. Bagnolet devient capitale de la danse et tente d’en faire profiter ses habitants. Des réflexions et actions sont ainsi menées à l’occasion du concours dans le but de sensibiliser le public local.

Le rôle du concours est à nuancer sur le plan chorégraphique. Il accueille peu d’étrangers, de provinciaux et se ferme progressivement aux amateurs. Certaines tendances sont plus spécialement représentées, en outre, le poids du classique reste fort. La victoire de la gauche aux présidentielles marque un tournant pour le concours. Ceux qui revendiquaient en 1976 souhaitent désormais collaborer à la politique du gouvernement. En novembre 1981, la ville organise les Assises de la danse afin de définir les besoins de cette dernière. Elles sont à l’origine de la création d’une commission ministérielle en 1982. Les buts initiaux sont atteints, les chorégraphes sont découverts, reconnus et encouragés. Dès lors, le concours s’essouffle, les élus municipaux et le créateur s’opposent sur sa redéfinition. Le départ de ce dernier, en 1985, marque la fin du concours.

GENESTE Christelle, Cheminots de la misère : les origines géographiques et sociales des cheminots de Villeneuve-Saint-Georges à partir du recensement de 1911, Maîtrise [Antoine Prost, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998

Étudier les origines géographiques et sociales des agents de la Compagnie du Paris-Lyon-Méditerranée travaillant à Villeneuve-Saint-Georges c’est s’intéresser au recrutement du personnel ferroviaire, au mode de fonctionnement d’un univers ouvrier particulier et déterminer si les cheminots vivaient dans un monde clos.

Curieusement, à ce jour, une telle problématique est rare et les données sur le recrutement social des agents du chemin de fer manquent à la connaissance du monde ferroviaire. Faute de sources utilisables en partie, une telle étude a été retardée ; les délais de communicabilité atteignent parfois 100 ans, en l’occurrence pour la consultation des actes d’état civil dont notre approche nécessitait l’utilisation.

Ainsi, à partir des listes du recensement de 1911 et des actes d’état civil des cheminots de Villeneuve-Saint-Georges, c’est non seulement l’évolution d’une simple bourgade de pêcheurs en une véritable cité cheminote que nous avons mise au jour, mais aussi les différents schémas des migrations cheminotes qui, loin de prétendre dégager le profil type de tels mouvements géographiques, tentent de nous en présenter les causes. Fortement localisés le long de l’axe ferroviaire de la compagnie du PLM, les cheminots proviennent de la France entière témoignant de l’ère d’influence de ce réseau, mais également des diverses crises qui ont traversé le XIXe siècle. Le chemin de fer semble servir d’exutoire aux populations confrontées aux difficultés du siècle.

Enfin, largement dépendants de ces migrations, il s’agissait de dépeindre le statut et le comportement social de ces familles à la veille du premier conflit mondial ; c’est-à-dire tenter d’apercevoir les mécanismes d’ascension sociale, les relations humaines entre le monde ferroviaire et la communauté urbaine de Villeneuve-Saint-Georges. Ici c’est à la fois la faiblesse du recrutement endogène des cheminots qui transparaît, étroitement liée à l’utilisation que le personnel ferroviaire faisait du PLM (il servait, semble-t-il, de tremplin social), mais aussi l’impression d’un univers clos, vivant sur lui-même (le fonctionnement de la compagnie y contribuant) par le fort taux d’homogamie sociale dans le choix du conjoint et par la concentration des quartiers d’habitation.

GHIATI Jihan, La Politique de l’éducation nationale en Algérie sous Vichy de juin 1940 à novembre 1942, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998

Le gouvernement de Vichy s’installe au pouvoir après la défaite de juin 1940, avec pour objectif non pas la reconstruction du pays, mais avec le but de « refaire la France » au moyen d’une « révolution nationale ».

La IIIe République est fustigée par le nouveau régime ; les principes de liberté, égalité, laïcité qu’elle représente sont honnis par Vichy. Il s’agit pour le maréchal Pétain et son gouvernement de créer un homme nouveau qui servirait sans défaillance l’État français.

Dans le programme de « rénovation nationale » établi par les idéologues vichyssois, l’Éducation nationale et la formation de la jeunesse font partie des priorités. En effet, si l’adulte qui a connu la IIIe République est perverti, l’enfant est malléable. Il représente l’avenir du régime de Vichy.

Nous nous sommes intéressés à l’action menée par le gouvernement de Vichy, les ministres successifs de l’Éducation nationale et l’administration coloniale dans les départements algériens. L’Algérie bénéficie en juin 1940, d’une relative autonomie politique. Aussi, dans ce contexte particulier, nous avons tenté de comprendre quelle politique de la jeunesse y a été conduite ; si des mesures différentes de celles prises en métropole ont été mises en place. Nous nous sommes également attachés à analyser si la politique scolaire engagée sous le régime de Vichy s’inscrit en continuité ou en rupture avec la politique coloniale menée jusqu’alors en Algérie, par la IIIe République. Pour cela, nous avons essentiellement consulté les archives du gouvernement général de l’Algérie, relatives à l’instruction publique et aux Beaux-arts. Notre étude n’a pas pour ambition d’être exhaustive. En effet, les difficultés d’accès aux archives concernant la période de Vichy n’ont permis d’avoir qu’un point de vue partiel sur les événements.

GOHAUD Juliette, Le féminisme de La Voix des Femmes (1917-1937), Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 199 p.

Notre travail a consisté à mettre en valeur la richesse d’une pensée féministe dite « radicale » ou « intégrale » à travers l’étude de La Voix des femmes, journal féministe indépendant, paru sans interruption de 1917 à 1937.

Fondée en pleine guerre, La Voix des femmes se proclame féministe, mais s’impose aussi comme journal pacifiste. Cette particularité en fait alors un journal complexe dont la ligne féministe n’est pas toujours clairement définie. Dès son lancement, des hommes et des femmes socialistes, pacifistes ou féministes convaincus, déçus par l’Union Sacrée et décidés à militer pour l’émancipation féminine, apportent leur concours au journal. Cette multiplicité de collaborateurs, qui se succèdent au cours des vingt années de parution, est un des traits caractéristiques de La Voix des femmes. À de nombreux égards, celle-ci apparaît comme une « tribune » libre, ouverte aux idées avant-gardistes, attentive aux évolutions du mouvement pacifiste très actif à cette époque.

La Voix des femmes mène donc une lutte sur deux fronts. Elle se bat pour l’égalité entre hommes et femmes, pour la légitimité du travail féminin, pour l’entrée des femmes dans les syndicats et pour la reconnaissance de la libre-maternité. Son pacifisme reste essentiel dans sa démarche. Aussi défend-elle sans concession la paix et reste-t-elle sensible aux idées internationalistes. Prônant l’antimilitarisme et la réconciliation entre les peuples, elle évolue progressivement vers un pacifisme plus absolu et plus offensif dès les armées trente.

La Voix des femmes est également un groupe militant, organisé et structuré. Dès 1920, elle précise les objectifs de sa propagande en créant sa propre école de propagandistes et en se constituant en société d’éducation féministe et socialiste. Bien que son féminisme soit naturellement orienté à gauche et que sa sympathie à l’égard du Parti communiste soit évidente dès l’armée 1921, La Voix des femmes choisit néanmoins de préserver son indépendance. Elle a donc le mérite de poser le problème de l’autonomie des luttes féministes par rapport aux luttes politiques et d’apporter la preuve du nécessaire engagement des féministes dans la vie politique de leur époque.

KESTEL Laurent, Les candidats du Front National aux élections législatives : 1986-1997, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 158 p. + annexes

Parti embryonnaire, Le Front national entame une nouvelle étape de son implantation électorale avec les élections législatives de 1986. Comment celui-ci a-t-il, en une période relativement courte, trouvé ses candidats ?

Leur désignation et l’élaboration des professions de foi électorales procèdent des instances nationales. Les candidats présents aux élections législatives reflètent par ailleurs la stratégie politique du moment : volonté affichée de notabiliser le mouvement (et donc les candidatures) en 1986, repli idéologique incarné entre autres par des candidats issus des familles de l’extrême droite les plus radicales (nationalisme-révolutionnaire, négationnisme), et ce dès les élections législatives de 1993.

Malgré une popularisation croissante du vote FN, le Front national n’a pas modifié le profil sociologique de ses candidats. Leur représentativité semble figée à la photographie de l’électorat FN de 1984, à savoir le vote de la protestation bourgeoise. Largement entravée par les instances nationales, la participation des candidats se résume en une reprise — maladroite pour certains — de la rhétorique national-populiste de Jean-Marie Le Pen, dénuée le plus souvent d’inflexion locale et par la construction d’un profil de notable.

En définitive, si la carence en matière de personnel politique intermédiaire est bien réelle, celle-ci doit être nuancée par la solide implantation de 106 candidats, issus des élections législatives de 1988, tant au niveau électoral qu’au niveau des instances dirigeantes du mouvement.

LE PAJOLEC Sébastien, Les cités de banlieue au cinéma (1993-1997) : l’émergence d’un nouveau genre ?, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 163 p.

Depuis le début des armées quatre-vingt (les rodéos des Minguettes en 1981), la figure du grand ensemble, de la cité a envahi le champ médiatique ; images et discours (de journalistes, politiciens, chercheurs) se sont multipliés, superposés. Il faut rappeler ici que depuis son développement dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle la banlieue a toujours constitué un objet privilégié de représentations, de projections des peurs fantasmées de la société (le topo au banlieusard délinquant, de l’apache au jeune d’aujourd’hui en passant par le loubard des années soixante). Notre travail part d’un double constat : le nécessaire apport de l’étude des films de fiction à l’histoire des représentations sociales d’une part, la sortie dans un temps rapproché d’une quinzaine de films français mettant au cœur de leur histoire la cité de banlieue, d’autre part. l’étude de ce corpus, composé des films sur les cités de banlieue entre 1993 et 1997, se déroule selon trois axes : la perception de la cité comme espace réel et symbolique, la représentation de la vie quotidienne dans le grand ensemble (vie familiale, relations de voisinage, vie scolaire, tensions jeunes/adultes, tensions raciales, présence policière), les significations culturelles de l’apparition de cette vague de films sur les cités de banlieue.

Au cours de notre recherche, plusieurs évolutions essentielles dans les représentations de la banlieue se sont dégagées. Tout d’abord, l’ambivalence du lien de la jeunesse des grands ensembles vis-à-vis de l’espace dans lequel elle évolue : on se situe constamment entre le désarroi, le rejet de la cité qui est alors vécue comme un handicap social, et l’appropriation identitaire d’un territoire que l’on occupe et domine au quotidien (la fameuse colonisation par les jeunes des espaces publics et collectifs du grand ensemble), ces stratégies territoriales sont la cause d’affrontements entre cités voisines, mais rivales, entre jeunes et policiers. Cette jeunesse est au cœur de la vie de la cité, elle génère l’émergence d’une véritable culture (pratiques de sociabilité, codes langagiers, musicaux, vestimentaires). Sa grande visibilité a pour contrecoup la disparition des adultes illustrée par l’éclatement de la structure familiale et la présence de stéréotypes négatifs (le policier, le raciste). On le note aussi dans l’évolution de la représentation de l’immigré : le « jeune de cité » succède ainsi dans l’imaginaire social à son père, l’ouvrier algérien de banlieue des années soixante-dix. Si les films possèdent des variantes, on retrouve à travers notre corpus un tronc commun de préoccupations (des séquences archétypiques comme celles en boîte de nuit, ou la mort d’un jeune) qui met en lumière un espace où règne la disqualification sociale (chômage des parents, des enfants), avec pour conséquence la violence (délinquance, drogue, bavures policières, émeutes). Enfin, nous avons cherché à mettre en perspective notre corpus dans le cadre à la fois d’un regain d’intérêt du cinéma français pour le fait social et de l’émergence de ce que l’on peut qualifier d’une nouvelle « culture de banlieue » dont la reconnaissance des diverses pratiques (rap, danse hip-hop, graffitis) est contemporaine du surgissement des films que nous avons étudiés.

MADEC Yohan, La grève de l’entreprise Penarroya de Lyon-Gerland du 9 février au 11 mars 1972 : une grève « significative » mythe ou réalité ?, Maîtrise [Antoine Prost, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 235 p.

Les 105 travailleurs maghrébins de l’usine Penarroya, de Lyon-Gerland, se sont mis en grève illimitée le 9 février 1972, dans une stratégie commune avec deux autres raffineries de la société Penarroya, situées à Saint-Denis, et à Escaudœuvres. Composées à 95 % de travailleurs immigrés, leurs revendications sont axées sur les conditions de travail, les salaires, le logement, l’hygiène et la sécurité. La stratégie commune aux trois usines fait long feu, et les ouvriers de Lyon se trouvent seuls à occuper leur usine, devant les retraits successifs d’Escaudœuvres (impossible unité entre les travailleurs maghrébins et portugais) et de Saint-Denis (l’UL CGT ne soutenant pas le mouvement). Pourtant, après 31 jours de grève, les résultats obtenus sont particulièrement satisfaisants pour le logement et la sécurité. L’augmentation salariale ayant peu évolué par rapport à celle déjà accordée par la direction, lors de réunions effectuées pendant les mois de décembre et de janvier précédents (suite au premier cahier de revendications déposé le 27 décembre 1971).

Si les ouvriers ont pu négocier de tels compromis, ils le doivent d’abord à eux-mêmes, notamment par la présence d’ouvriers marocains déjà imprégnés des luttes ouvrières, et à l’organisation planifiée avant la grève, par un groupe de militants des Cahiers de Mai, assisté des permanents syndicaux de l’Union des Métaux CFDT. Cette préparation devait inverser le rapport de force en faveur des grévistes face à la multinationale que représentait la Penarroya. Une action de soutien fut engagée à ce titre, comportant un dossier d’information, un court métrage (reprenant le contenu du dossier précité), des liaisons avec le CDJA pour subvenir aux besoins alimentaires, et un comité de soutien afin de propager les revendications. Si l’organisation interne de la grève se veut démocratique et/ou collective, suivant les engagements prônés conjointement par les médiateurs du conflit (la FGM-CFDT et, les Cahiers de Mai), c’est surtout par l’impact du soutien populaire que cette grève est devenue la référence, traduisant l’émergence des travailleurs immigrés dans les conflits du travail. Car les revendications ont scandalisé l’opinion publique, par le relais de journaux contactés avant même le début du mouvement. L’objet des informations transmises et le traitement de celles-ci (notamment en comparant l’image moderniste que veut se donner Penarroya et les conditions de travail) ont eu pour effet de « populariser » le conflit au niveau national par le « scandale » que représentait un tel paradoxe et de telles conditions.

La grève de Penarroya est la première grande grève conduite essentiellement par des étrangers dans le cadre d’une entreprise et, paradoxalement, on peut émettre l’idée qu’elle en est aussi la dernière. Elle en devient un mythe, symbole du désir de reconnaissance des immigrés, impossible à reproduire et une réalité, prouvant qu’une grève de travailleurs immigrés est, avant d’être significative, dépendante d’éléments extérieurs.

MELQUIOND Anne-Lise, Vive la révolution et la question des femmes : 1968-1971, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998

Ce travail propose de trouver quelle place « Vive la Révolution » en tant que groupuscule gauchiste laissait à l’émancipation des femmes comme principe théorique et pratique politique.

Par sa volonté de comprendre Mai 1968, « Vive la Révolution » s’inscrit dans un esprit contestataire influencé par la contre-culture américaine. L’analyse de la perception de Mai 1968 par les futurs militant(e)s de « Vive la Révolution » a permis de mettre en valeur les différentes pratiques politiques au sein même de l’UJCML. Ainsi s’opposent un courant fortement théorique composé essentiellement « d’ulmards », et un autre, formé en majeure partie d’étudiants de Nanterre et des Beaux-Arts, qui apparaît en revanche comme « festif ». Complexés, se sentant décalés par rapport aux « ulmards », ces militants sont à l’origine de « Vive la Révolution », les Normaliens participant en revanche à la fondation de la Gauche Prolétarienne. Il est donc probable que l’impact de Mai 1968, tout d’abord dans sa perception, a produit ce schisme au sein du maoïsme.

En découle la problématique essentielle du rapport entre la question des femmes et Mai 1968. La question des femmes est restée le parent pauvre de cette histoire. Dans une certaine mesure, nous avons été handicapées par le manque de sources écrites sur ce sujet. Les sources orales ont donc été précieuses pour appréhender ce phénomène. Les conclusions se sont avérées quelque peu surprenantes : alors que Mai 1968 est généralement considéré comme un mouvement qui remet en cause l’ensemble du corps social, cet événement n’a pas pris en compte la question des femmes. Ce phénomène s’explique en grande partie par la division sexuée des tâches dans les organisations révolutionnaires. Les femmes de « Vive la Révolution », en fondant un groupe non-mixte en septembre 1970, prennent conscience de leur oppression. « Vive la Révolution » permet cette prise de conscience par leur ouverture d’esprit et leur opposition à une conception figée de la lutte des classes. En publiant Ie premier journal de la contre-culture française, Tout !, « Vive la Révolution » permet pleinement la diffusion des revendications féministes. Mais l’autonomie des femmes va créer des tensions au sein du groupe, car les féministes mettent en lumière les contradictions des militants révolutionnaires entre une théorie qu’ils insufflent et une pratique qu’ils rejettent. De cette opposition entre les hommes et les femmes découle la dissolution de ce groupe en avril 1971.

MUNOZ Sullivan, Les transformations du monde de la chanson en France dans les années 1920 : enquête sur les milieux chansonniers au moment du passage à la modernité, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 214 p.

Au cours de cette période, les représentations culturelles, les échanges, et les pratiques sociales liées à la chanson ont considérablement évolué, non seulement en se diversifiant extraordinairement, mais encore en subissant des mutations profondes de toute nature, et dans tous les domaines relatifs au phénomène chansonnier. Comment caractériser en effet cette époque, où coexistent les pratiquants d’une poésie de la nature, sentimentale et volontairement naïve, tels Xavier Privas ou Antonin Lugnier, et les jeunes futures vedettes des années 1930 ou de l’Après-guerre, qui ont pour nom Lucienne Boyer ou Mireille ? Que dire de la sociabilité chansonnière, au moment où le Caveau et les sociétés lyriques fondées sur un modèle semblable prétendent se maintenir dans la longue durée, mais où se constitue un milieu de professionnels de la chanson, essentiellement parisien, composé d’éditeurs, de directeurs de studios d’enregistrement, de musiciens et de directeurs artistiques, dont Georges Van Parys dans son livre Les Jours comme ils viennent (Paris, Plon, 1969) porte témoignage, et qui semble appelé, à terme, à prendre le pas sur toute autre forme de sociabilité chansonnière ? Enfin, quel est l’impact, dans les mentalités, du bouleversement qui est intervenu dans les modes de transmission de la chanson ? En effet, c’est au cours de cette décennie qu’apparaissent l’enregistrement électrique, la radiodiffusion, et le cinématographe parlant, et c’est en 1924, par exemple, que la firme Columbia s’installe en France, décidant du même coup de « monter », de manière volontariste, une écurie de futures vedettes, afin de pouvoir présenter un catalogue concurrentiel. Comment ces transformations ont-elles été accueillies, respectivement, par les hérauts de la modernité, et par les garants des valeurs anciennes en matière de chanson, et comment, enfin, ont-elles influencé les contenus du répertoire chansonnier ?

ORQUEVAUX Bérangère, La rentrée scolaire et le baccalauréat en première page dans la presse quotidienne de 1945 à nos jours, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 145 et 51 p.

Chaque année, aux mois de septembre et de juin, nous pouvons constater une médiatisation à outrance de deux événements scolaires : la rentrée des classes et le baccalauréat. Télévision, radio et presse écrite, tous les médias nous informent de ces sujets par le biais de reportages et d’enquêtes. Plus particulièrement, de nombreux journaux nous abreuvent d’articles, leur consacrant même leur première page. Tout ceci traduit un attachement manifeste de la société à ces questions scolaires.

Ce mémoire repose sur cette constatation. Les enjeux sont de connaître les causes d’un tel enthousiasme médiatique, et de savoir depuis quand et pourquoi il est apparu. Pour répondre à ces interrogations, nous avons choisi comme support de travail la presse quotidienne. Plus précisément, nous avons étudié les premières pages de cinq quotidiens régionaux et nationaux depuis 1945, afin de cerner l’évolution du traitement de la rentrée et du baccalauréat. Un historique de chacun de ces événements scolaires a ainsi été dressé, ce qui, complété par les résultats des recherches, a montré une évolution définie par les phénomènes économiques et sociaux qui ont caractérisé la France depuis cinquante ans. De même, il a été établi une certaine constance de l’intérêt suscité par ces événements. Des marques d’évolution ont également été cernées au niveau de la rédaction des articles. Enfin, nous avons mis en évidence les caractères particuliers pris par la frénésie scolaire depuis les trente dernières années. Cette étude établit que la médiatisation de la rentrée scolaire et du baccalauréat est un phénomène récurrent depuis 1945 qui s’est accentué sensiblement depuis les années 1970.

PUIJALON Thomas, Histoire et sociologie du personnel communal de Boulogne-sur-Seine puis Boulogne-Billancourt de 1919 à 1939, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 183 p.

De 1919 à 1939, la ville de Boulogne-Billancourt connaît un développement spectaculaire sur tous les plans. La croissance de cette ville de la banlieue parisienne est organisée par la forte personnalité de son maire André Morizet, qui fut adhérent à la SFIO jusqu’en 1920, puis au Parti Communiste jusqu’en 1923, au Parti Socialiste-Communiste jusqu’en 1928, année où il rejoint la SFIO.

Durant ces vingt années, le personnel communal de Boulogne vit et accompagne ces changements. Mais il connaît lui aussi des transformations profondes. Le nombre des employés augmente massivement pour atteindre environ 600 personnes en 1936. Les métiers se modernisent, s’adaptent à la croissance urbaine. Les services de la Ville se développent. Mais des zones d’ombres demeurent. Les progrès ne sont pas également répartis. Même si André Morizet s’efforce d’améliorer la condition sociale de ses employés, certaines catégories d’employés bénéficient peu de ces progrès. Les employés des métiers techniques ont des carrières qui progressent peu, leur titularisation est lente. Les inégalités sont flagrantes entre les services. Ces inégalités confèrent des visages variés au personnel de Boulogne. La diversité des carrières est patente : mais celle du recrutement l’est aussi. De nombreuses oppositions apparaissent dans ce domaine : Paris/Province, niveau social, niveau d’études…

Pourtant le syndicalisme réunit tous les employés ou presque, puisque la quasi-totalité des employés est syndiqués soit à la CGT, pour la majorité d’entre eux, soit à la CGTU. Ce fort taux est un moyen de pression vis-à-vis de la municipalité, que le personnel utilise à de nombreuses reprises. Les conflits sont multiples pour infléchir la politique du Maire en faveur des employés. Ils concernent aussi des questions de politique nationale. La communauté de vues qu’on attendrait entre une municipalité ouvrière et son personnel n’existe pas toujours. Les réalités de la gestion d’une ville imposent parfois des actes contraires aux convictions d’une personnalité telIe qu’André Morizet.

RAZON Boris, De la résistance spirituelle à l’engagement : le Comité inter mouvement auprès des évacués (Cimade) face à la Seconde guerre mondiale en France, Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 284 p.

La Cimade est née en octobre 1939 de la volonté des mouvements de jeunesse d’inspiration protestante de « témoigner de l’Évangile auprès de la jeunesse française éprouvée par la guerre et de lui venir en aide sur le plan moral, social et éducatif ». Ces objectifs initiaux furent bouleversés par la guerre. Mais, à force de volonté, les équipiers Cimade parvinrent à venir en aide aux Alsaciens évacués, aux juifs internés dans les camps de Vichy, à organiser une filière d’évasion vers la Suisse et à créer un service de visiteurs de prisons pour venir en aide aux collaborateurs à leur tour enfermés. Ce mémoire a pour objectif de comprendre les motivations religieuses et sociales qui ont pu conduire les membres de la Cimade à passer de leur vocation de témoignage vers une forme spécifique de résistance. Le contexte politique et, notamment, les législations antisémites sont essentiels pour comprendre les enjeux propres à cet engagement. Par ailleurs, ces premières années de la Cimade furent chargées d’une très forte intensité émotionnelle du fait des situations extrêmement délicates auxquelles les équipiers furent confrontés. Il était donc nécessaire de préserver cette part émotionnelle, ces « ressentis » tant ils étaient partie prenante de la nature du témoignage de la Cimade. Enfin, analyser les premières années de la Cimade avait aussi pour objectif de mettre en valeur les enjeux d’une association dont les activités auprès des réfugiés et des immigrés n’ont jamais cessé pendant la seconde moitié du siècle.

REMY Olivier, Les ardennais sous l’occupation : de l’évacuation à la zone interdite (mai 1940-mai 1943), Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 178 p.

Dès l’annonce de la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne le 3 septembre 1939, le département des Ardennes se prépare activement à évacuer sa population. Les autorités civiles et militaires mettent en place des mesures de sauvegarde et des plans de repliement et d’évacuation. Mais à la « drôle de guerre » succède rapidement le chaos. Le 10 mai 1940, les Ardennais sont contraints de fuir devant l’avancée allemande, et tous les plans établis deviennent caducs. En quelques jours, ce sont 300 000 personnes qui sont obligées d’arpenter les routes à la recherche d’un hypothétique abri. La Vendée et les Deux-Sèvres, désignées pour les recevoir, accueillent bien une partie de ces « réfugiés », mais dans l’affolement de mai, les civils ardennais se trouvent dispersés un peu partout sur le territoire français.

Le malaise issu de leur situation précaire est souvent profond, et il est l’un des facteurs déclenchant le retour plus ou moins rapide des évacués dans leur région d’origine. Le chemin est pavé de nombreux obstacles avec, notamment, le passage de la ligne de démarcation, située au nord de l’Aisne, entre la zone occupée et la zone interdite.

Malgré un retour souvent périlleux, le travail de reconstruction et le contexte particulier qui l’entoure, la population retrouve peu à peu sérénité et lucidité : les premiers pas vers une résistance plus active vis-à-vis de l’occupant, à partir du printemps 1943.

REY Emmanuelle, La dissidence socialiste à Londres : le groupe Jean Jaurès et le quotidien France (août 1940-août 1944), Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 218 p.

En juin 1940, face à l’avancée allemande, de nombreux Français s’exilent en Grande-Bretagne. Au sein de la communauté française de Londres, les notables de la presse anti-munichoise et les démocrates convaincus se réunissent. Le 19 août 1940, sous l’impulsion des journalistes Georges Gombault, Louis Lévy et du syndicaliste Henry Hauck est créé le Groupe Jean Jaurès afin de rassembler tous les socialistes français en Grande-Bretagne. Une semaine plus tard, paraît le premier numéro de France, dirigé par Pierre Comert, ancien chef du service de presse du Quai d’Orsay. Son journal demeure le seul quotidien français de Londres durant toute la guerre.

Le groupuscule composé par le Groupe Jean Jaurès, dont les membres les plus influents sont également les principaux rédacteurs de France, va très rapidement incarner la dissidence anti-gaulliste, s’affirmer en coulisses et trouver écho dans d’autres composantes de la société londonienne. Les socialistes dissidents, qui redoutent les prétentions politiques du général de Gaulle, son autoritarisme et son entourage, entretiennent des contacts avec les socialistes de France afin d’envisager la reconstruction politique d’après-guerre et de les avertir du danger potentiel que représente le Général, à leurs yeux. La détermination de ces opposants les isole de la majorité des socialistes ralliés à De Gaulle, Léon Blum en tête. Des émissaires du Parti Socialiste clandestin sont envoyés à Londres pour tenter de les rassembler autour de la cause de la France Libre, en vain. Seule, la venue de Daniel Mayer, secrétaire général du Parti Socialiste clandestin, permettra de trouver un compromis. Les dissidents radicaliseront néanmoins leur position face à l’affirmation du pouvoir gaullien à Alger, dès juin 1943.

SIGRIST Rachel, Les étrangers à Ivry-sur-Seine dans l’entre-deux-guerres (1921-1936) : étude socio-démographique de la population étrangère d’une commune de la banlieue rouge, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 211 p.

Se basant sur les données résultant du dépouillement exhaustif des listes nominatives de recensement de 1921 et 1936 augmenté de documents nominatifs annexes, cette étude vise à tracer aussi fidèlement que possible le portrait de la population étrangère d’une commune doublement caractérisée par une très forte industrialisation qui en fait la « Saint-Denis du Sud » et une gestion municipale socialiste puis communiste mise en place dès 1896, et ceci en s’intéressant successivement aux caractéristiques démographiques, d’emploi, de résidence et d’insertion dans la population autochtone de ces étrangers.

Relativement peu nombreuse eu égard aux pourcentages d’étrangers des autres communes de la banlieue parisienne, composée majoritairement, malgré la diversité des provenances, de trois nationalités principales (Italiens, Belges, Espagnols) et de deux autres émergeant au cours de la période (Polonais, Portugais), la population étrangère ivryenne se révèle contrastée et connaît deux évolutions contraires au cours de l’entre-deux-guerres.

Population entrée en France dans un cadre non institutionnel, relativement stable (à savoir familiale, équilibrée entre les sexes), active et qualifiée dès 1921 par rapport à l’image traditionnelle de l’immigré, même si — restant en marge de la population autochtone du point de vue du logement et de sa localisation — elle croît dans l’entre-deux-guerres du fait de l’arrivée massive de jeunes célibataires. Durement frappés par la crise, mais retournant apparemment moins dans le pays d’origine que les émigrés présents dans d’autres régions françaises, bénéficiant en grand nombre des secours du fond de chômage ou travaillant plus fréquemment à l’extérieur de la commune dans des emplois moins qualifiés (sauf pour la deuxième génération, qui connaît une montée partielle dans la hiérarchie sociale), les étrangers présents à Ivry en 1936 se scindent en deux groupes : un premier, composé de la population la plus « instable », restant à l’écart d’une insertion dans la population autochtone ; un second, se rapprochant continuellement du « modèle national » jusqu’à se fondre dans la population ivryenne.

Cette population ne constituant pas uniquement un tout homogène, mais étant composée de communautés nationales, l’accent est mis sur les différences existant entre nationalités, permettant ainsi des comparaisons avec d’autres études concernant la région parisienne, mais limitées à la considération d’une unique nationalité.

SIMEON Frédéric, La Cimade et l’Amérique latine : 1970-1990, Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 150 p.

La Cimade est une association née en 1939. Elle a été créée par des mouvements de jeunesse protestants dans le but de venir en aide aux déportés alsaciens puis aux juifs dans les camps de concentration français. Depuis cette date, la Cimade s’est impliquée dans de nombreuses luttes comme la réconciliation franco-allemande d’après-guerre, l’Algérie ou encore l’antiracisme. Les années 1970 voient apparaître en France un nouvel attrait pour l’Amérique Latine, suite à l’expérience au Chili d’un gouvernement d’union de la gauche de 1970 à 1973 puis au coup d’État du général Pinochet le 11 septembre 1973. La Cimade s’est intéressée comme la majeure partie des forces progressistes françaises aux événements ainsi qu’à l’ensemble des questions latino-américaines.

Trois éléments m’ont semblé particulièrement importants dans le cadre d’une étude des relations de la Cimade et de l’Amérique latine. Tout d’abord, la perception que la Cimade a pu avoir de ce continent du point de vue politique, social et religieux. Il est ressorti de ce travail que l’association a largement manifesté sa sympathie, dans un but de soutien aux luttes de libération, pour les mouvements et les idéologies de gauche, voire révolutionnaires : la Théologie de la Libération et l’Église des pauvres, les partis ou syndicats progressistes comme la Centrale unique des travailleurs chiliens (CUTCh), les luttes des Indiens, ou enfin, le gouvernement sandiniste au Nicaragua.

Mais, et c’est là le second constat que l’on peut faire, ces interventions se sont faites en gardant toujours à l’esprit le but que la Cimade s’est donné : allier aide humanitaire et combat politique tout en gardant son indépendance envers toute organisation. Avec le même objectif, la Cimade a conduit des projets de développement en Amérique latine avec des associations diverses de ce continent. Plusieurs principes ont guidé ces projets : la co-responsabilité des deux parties, la prise en charge par les populations concernées du développement, et, enfin, le caractère politique des projets dans une perspective de libération socio-économique, parfois anticapitaliste, et culturelle.

Enfin, cette action en Amérique latine a eu son pendant en France avec l’aide aux réfugiés politiques latino-américains, qui a été multiple et s’est étendue durant la totalité du séjour. En effet, elle a concerné les questions de logement, de santé, des bourses d’études, de recherche d’emplois et d’insertion, mais aussi le soutien dans les tentatives de retour chez eux des exilés.

Cette étude est donc riche d’enseignements quant à la nature de la Cimade ainsi qu’en ce qui concerne le problème de l’aide au Tiers-Monde et de l’action associative en ce domaine.

THUILLIER Mathieu, La politique sportive de la commune de Bobigny : 1960-1982, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1998, 226 p.

L’objectif de ce travail est l’étude de la mise en place des moyens matériels et humains pour le développement de la pratique sportive à Bobigny. Il s’agit de mettre en lumière les différentes composantes de cette politique sportive : – le développement progressif du bureau des sports, chargé de gérer les dossiers administratifs traitant du sport. Il représente le bras administratif de la municipalité, permet les échanges entre les militants des clubs sportifs de la commune et les élus. Le bureau des sports a également la mission d’organiser les manifestations sportives impulsées par la municipalité ;

– l’accroissement du réseau d’équipements sportifs de la commune, qui s’est densifié tout au long de la période étudiée. Il comprend deux grands types d’équipements sportifs (les équipements couverts et les stades de plein air). Ce type d’infrastructure est indispensable à la mise en place d’activités sportives dans la commune ;

– la politique d’aide aux associations sportives dans leur pratique et les moyens mis en œuvre pour développer les cours municipaux de sport. Cette composante de la politique sportive a permis de dégager les partenaires privilégiés de la municipalité qui ont été chargés d’appliquer les idées municipales concernant le sport sur le terrain ;

– l’organisation de manifestations sportives (compétitions sportives, manifestations revendicatives…). Elles ont souvent un message revendicatif en filigrane. Elles permettent aussi à la commune de dynamiser son image.

Le cœur même du mémoire repose sur le sens apporté au développement du sport à Bobigny, commune gérée par une municipalité communiste depuis 1920. Les activités sportives ont-elles simplement été mises en place afin de divertir les Balbyniens ou faut-il percevoir la volonté d’instaurer un modèle particulier de sociabilité à travers la pratique des activités sportives ?

1997

ANDRIEU Claire, Les sociétés municipales de secours mutuels des XIXe et XXe arrondissements de Paris : 1865-1950, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 309 p.

Les SSM municipales du XIXe et du XXe sont directement issues du décret impérial du 28 mars 1852, qui met en place un nouveau type de mutualité. En échange d’avantages réels, ces « sociétés approuvées » sont l’objet d’une lourde surveillance de la part du pouvoir. Celle-ci s’exerce de plusieurs manières. La plus caractéristique est la présence d’une nouvelle catégorie de sociétaires, les membres honoraires ou « membres bienfaiteurs » qui apportent leur caution morale et financière, sans bénéficier des prestations, et qui s’occupent de gérer la société. Le changement le plus profond concerne la composition sociologique de ces mutuelles. Elles ne regroupent plus des travailleurs exerçant la même profession pouvant avoir des intérêts communs à défendre. Le recrutement est désormais interclassiste, sur la base de la commune ou de l’arrondissement. Trois axes de recherche ont été développés. L’étude de deux de ces « sociétés approuvées » était l’occasion d’une analyse concrète de la mutualité impériale. On a pu constater l’étendue du patronage exercé par les membres honoraires, dont la proportion est même apparue, dans les cas des SSM du XIXe et du XXe, supérieure à la moyenne nationale, et sans lesquels ces deux sociétés n’auraient sans doute pas pu fonctionner. À ce patronage, s’ajoute celui de la municipalité, venant accroître la sécurité du système. Pourtant, malgré ces aides financières, ces deux sociétés rencontrent des difficultés constantes pour maintenir un équilibre entre cotisations et prestations. Ainsi, elles ont souvent été obligées de limiter la portée de leurs prestations. Autre point mis en évidence, tout dans leur fonctionnement quotidien (conditions d’admission, de radiation, critères qui déterminent l’obtention de telle ou telle prestation, nature des prestations, rites et pratiques de sociabilité, ou encore règle de fonctionnement) correspond à l’idéologie de la mutualité impériale, à savoir une volonté de moralisation, de responsabilisation de la classe ouvrière, et de contrôle, dans l’optique d’une réconciliation des classes. Enfin, la composition sociologique de ces deux sociétés diffère légèrement de l’image que l’on a habituellement des membres de ces « sociétés approuvées ». Leur recrutement apparaît plus « populaire », sans doute en raison des quartiers où elles sont implantées.

Le deuxième axe de recherche est le rapport de ces deux sociétés territoriales à la vie locale : vie économique, sociale, culturelle, voire politique. Sur un certain nombre de points (collaboration avec le personnel enseignant, lien avec d’autres organisations, participation à des manifestations locales, liens avec les édiles locaux), la SSM du XIXe apparaît mieux intégrée à son quartier que son homologue du XXe. Il a été intéressant de constater le niveau d’implication des édiles municipaux, notamment de relier cette implication à la volonté de conforter un mandat électif. Parmi les hommes politiques locaux, ayant eu un lien avec les SSM des XIXe et XXe on compte un nombre non négligeable de militants socialistes.

Enfin, l’histoire de ces deux mutuelles s’inscrit dans celle, plus large, du mouvement mutualiste français. La manière dont elles ont réagi face à l’intervention croissante de l’État dans le domaine de la protection sociale a été étudiée ainsi que leur adaptation à la mise en place progressive, tout au long du XXe siècle, d’une législation d’Assurances sociales obligatoire (de la loi des Retraites ouvrières de 1910, à la Sécurité sociale en 1945, en passant par les Assurances sociales de 1928-1930). Alors que la SSM du XIXe tente de se transformer pour survivre, adapte ses prestations, la SSM du XXe reste le plus souvent sourde à tous changements, la Sécurité sociale lui portant d’ailleurs le « coup de grâce » après la Seconde Guerre mondiale. Une approche chronologique sur une si longue période a permis de cerner le rythme de développement de ces deux sociétés qui paraît plus lent que celui du mouvement mutualiste au niveau national. Cette constatation vient confirmer l’hypothèse du faible développement de la mutualité parisienne.

L’analyse à la fois chronologique et thématique de la vie de deux SSM a permis d’éclairer l’histoire de la mutualité parisienne, de son développement et de ses composantes. Sur ce point, l’analyse des différences ayant existé entre les SSM du XIXe et du XXe, pourtant proches géographiquement, est venue enrichir notre étude. En outre, nous avons pu retracer l’histoire de la première mutuelle scolaire de la France — la SSM scolaire du XIXe, annexe de la société adulte — et présenter le fonctionnement de cette forme originale de mutualité, née à Paris et aujourd’hui disparue.

ARTAUD Céline, Le recrutement des élèves au Lycée Condorcet à Paris de 1887 à 1995, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 135 p. + annexes

L’histoire du lycée Condorcet — créé en 1804 — et le recrutement de ses élèves, de 1887 à 1995, ont été l’objet de notre étude. Nos principales sources ont été les fiches individuelles d’élève conservées depuis l’année scolaire 1887-1888 par l’établissement. Après avoir composé deux échantillons distincts représentatifs de l’ensemble du fichier des élèves et séparé les élèves du cycle secondaire et du cycle préparatoire, nous les avons interrogés afin de caractériser le recrutement géographique des élèves à l’aide de l’adresse de leurs parents et de leur établissement d’origine ainsi que leur origine socio-professionnelle grâce aux professions de leurs parents. Le recrutement des élèves varie selon le cycle d’enseignement considéré. Pour le cycle secondaire, les élèves habitent en majorité Paris alors que les élèves du cycle préparatoire résident surtout en banlieue parisienne. On peut donc qualifier le Lycée Condorcet de « lycée de banlieue », car il abrite un nombre important d’élèves habitant en banlieue pour les deux cycles (20 % des élèves pour le cycle secondaire). Au point de vue de l’origine socio-professionnelle, pour les deux cycles, les pères occupent — dans une grande proportion — une activité au sein de la catégorie des professions libérales et des cadres supérieurs. Pour les mères, dans un cas sur deux, elles exercent une activité pendant la dernière période étudiée. Elles sont les plus nombreuses au sein de la catégorie des employés. On ne constate pas de changement radical du recrutement, mais des modifications au sein de chaque catégorie étudiée. C’est pourquoi nous avons parlé de « stabilité du recrutement socio-professionnel ».

AUGIER Muriel, L’engagement en faveur des handicapés : nature, buts et moyens au travers de l’étude d’une association l’APF et de deux mouvements de lutte le MDH et le CLH (1973-1978), Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 177 p. + 1 vol. d’annexes

L’APF (Association des Paralysés de France), le MDH (Mouvement de Défense des Handicapés), les CLH (Comités de Lutte des Handicapés), groupements créés par et pour les personnes atteintes de handicap physique, se sont engagés, de 1973 à 1978, de façon originale dans la préparation puis la mise en œuvre de la loi d’orientation du 30 juin 1975. L’APF, association reconnue d’utilité publique depuis 1945, a pour but l’amélioration du sort matériel et moral des handicapés physiques, par la mise en place de structures d’aides très diversifiées. Le MDH et les CLH créés respectivement en 1973 et 1974 sont de taille beaucoup plus modeste. L’un, issu d’une association d’étudiants handicapés, a pour but la réhabilitation des handicapés et leur participation à la vie de la cite, l’autre, les CLH, milite pour une véritable intégration des personnes handicapées.

Dans le contexte de l’après Mai 68 et du courant médical de la Réadaptation, l’orientation d’innovation sociale proposée par Valéry Giscard d’Estaing est le signe d’une volonté de remédier à la situation de nombreux exclus. En ce qui concerne les personnes handicapées, la loi du 30 juin 1975 prévoit des mesures relatives à l’ensemble de la vie des handicapés (octroi d’allocations, institution de commissions d’orientation scolaire et professionnelle, mesures relatives à l’accessibilité).

Vis-à-vis de la loi, l’APF joue un rôle de proposition auprès des pouvoirs publics, au sein d’un groupe de pression le « groupe des 25 », puis au sein du CNCPH (Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées) créé par décret à la suite de la loi. Au contraire, le MDH et les CLH militent contre cette loi qu’ils considèrent comme trop timide, voire comme un facteur d’exclusion. Le MDH choisit de faire appel à des interlocuteurs classiques : le gouvernement, les syndicats étudiants dont ils sont proches. Par contre, les CLH se cantonnent à des actions plus spectaculaires et provocatrices. Les différences de modes d’intervention et de prises de position envers la loi ont pour conséquence des oppositions entre APF et MDH/CLH, dont l’un des moments forts fut le siège de l’APF par les CLH, le 16 mars 1975.

Durant cette période, la réflexion menée sur l’exclusion n’aboutit pas à l’intégration réelle des handicapés, mais permet l’expression de nouvelles conceptions du handicap. La question du rôle et de la place des associations en faveur des handicapés est relancée (l’APF passe d’un mode de fonctionnement associatif à celui d’une entreprise morale). Par ailleurs, la professionnalisation des travailleurs sociaux coexiste avec le bénévolat, tous deux s’intégrant dans un système d’assistance dont les personnes handicapées sont dans leur grande majorité l’objet.

AUTIER Nicolas, La FNACA et la mémoire de la guerre d’Algérie, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 282 p.

Il n’existe pas aujourd’hui de mémoire nationale de ce que l’on appelle « la guerre d’Algérie ». Statut juridique contestable et contesté, absence de bornes chronologiques clairement établies, théâtre d’opérations aux limites floues, foisonnement de groupes d’acteurs passionnés et antagonistes, fluidité de l’appartenance à tel ou tel groupe, désintérêt rapide de la majorité des Français, volonté générale de jeter le voile de l’oubli sur un conflit qui affecta douloureusement les consciences, autant de facteurs qui se combinèrent et se combinent encore pour empêcher que la société française rassemblée puisse se retourner avec sérénité sur cet événement majeur de la vie du pays. Au contraire, la guerre d’Algérie a donné lieu à l’établissement de mémoires catégorielles, multiples, souvent antagonistes dont les conflits sont encore vivaces. Depuis les travaux d’Antoine Prost, le monde des anciens combattants n’a plus été étudié. Or, près de trois millions de Français firent leur service militaire pendant la guerre d’Algérie dans des conditions qui les marquèrent profondément. Sur la base de cette expérience, par intégration aux associations d’anciens combattants déjà existantes, se créa le mouvement des anciens combattants d’Algérie. Cas à part dans ce monde, la FNACA est la seule association à ne rassembler que des participants du conflit algérien et à ne se consacrer qu’à la défense de ce qu’elle juge être leurs droits légitimes. Or ceux-ci sont directement fonction du regard que l’on porte sur les événements d’Algérie, donc de la mémoire de la guerre d’Algérie.

Cette étude propose d’explorer cette exception du monde ancien combattant, du rapport a priori constitutif qu’elle entretint avec la mémoire de ce conflit, et de la façon dont elle s’inscrivit dans la constitution de ce qui n’est encore qu’une mémoire éclatée de la guerre d’Algérie.

BACHELOT Carole, Les socialistes en entreprise : une histoire des sections et groupes socialistes d’entreprise (1969-1981), Maîtrise [Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997

Le Parti socialiste se présente traditionnellement comme le parti des travailleurs. Mais contrairement au Parti communiste, cette même tradition l’a longtemps fait privilégier les convergences interprofessionnelles de ses militants regroupés exclusivement dans des structures locales, sections et fédérations calquées sur les découpages territoriaux des communes et des départements.

En 1969, la refondation d’un Nouveau Parti Socialiste sur les restes d’une SFIO très affaiblie a semblé rendre nécessaire l’instauration de nouvelles structures. Ainsi, la création de sections et groupes socialistes d’entreprise offrant aux militants la possibilité de s’organiser sur leur lieu de travail devait-elle permettre au Parti de retrouver « sa chair ouvrière ». Il s’agissait pour le PS de reconquérir une légitimité populaire en redevenant un parti de masse, intervenant ainsi sur un terrain jusqu’ici considéré comme la chasse gardée du PCF. Des tentatives du même type avaient déjà été menées à l’époque du Front populaire (Amicales Socialistes) et de la Libération (groupes socialistes d’entreprise). Mais c’est seulement le congrès d’Epinay (1971), fondateur du parti socialiste de F. Mitterrand, qui a donné de véritables moyens à ce nouveau mode d’implantation accordant autant de pouvoir politique aux sections d’entreprise qu’aux sections locales.

Ce militantisme a dû affronter un contexte difficile (période de reflux pour la gauche de l’après-Mai 1968, alliance conflictuelle avec le PCF dans le cadre du Programme commun, crise économique chronique après 1973) et d’importantes dissensions internes au parti. Si le principe du militantisme en entreprise a été accepté officiellement dans les statuts, son application pratique s’est heurtée à la réticence des courants conservateurs héritiers de la tradition molletiste voyant dans l’entreprise le domaine réservé des syndicats. Il a en revanche constitué un véritable enjeu de pouvoir pour certaines tendances qui l’ont ardemment défendu : le CERES de J.-P. Chevènement au premier chef, mais aussi les poperénistes et les rocardiens.

Ayant réussi à établir une présence socialiste assez significative dans le monde du travail pour conférer au parti une plus grande représentativité populaire, cette forme de militantisme a sans conteste contribué à la victoire de 1981. Par l’étude de l’organisation et du fonctionnement du secteur Entreprises, de son comportement lors des consultations électorales et des grands événements jalonnant l’histoire du parti (signature et rupture du Programme commun, Assises du socialisme), et grâce au fil rouge qu’ont constitué ses propres publications (mensuel Combat Socialiste), on espère avoir montré la teneur politique de cette réforme structurelle. La mise en œuvre du militantisme en entreprise touchait à l’identité même du PS.

BATAILLER Stéphanie, La commission féminine confédérale de la CFDT (CFTC) dans les années 60 : pour une synthèse entre lutte de classe et lutte de sexe, Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 265 p.

Au début des années 60, de jeunes militantes responsables entrent à la Commission féminine confédérale (CFC) de la CFTC. Minoritaires, leur préoccupation première est de mener l’organisation à sa déconfessionnalisation au Congrès de 1964. Cependant, elles commencent à s’interroger sur la place des femmes dans le mouvement syndical et découvrent qu’elle n’est pas ce qu’elle devrait. Les militantes représentant pourtant la moitié du syndicat sont marginalisées. Cette situation est-elle inhérente à la CFTC ? à sa conception de la famille et à la place de la femme au foyer ? Elles recherchent alors les causes de cette situation et constatent que l’infériorisation des femmes dans l’entreprise reflète celle qui existe dans la société.

Comme les minoritaires masculins, les femmes de la CFC se tournent vers l’extérieur pour approfondir leur réflexion. Elles font appel à des intellectuelles comme Colette Audry, Evelyne Sullerot, et utilisent leurs études en sciences sociales sous un angle nouveau, celui de la condition féminine. La CFDT est à la recherche d’une orientation : le socialisme démocratique. Trois femmes de la commission, J. Laot, S. Troisgros et A. Jeantet travaillent avec la nouvelle gauche féminine, le Mouvement démocratique féminin qui réunit des femmes de la SFIO, du PSU, de la CIR… dont Colette Audry et Evelyne Sullerot. Toutefois, comme la CFDT, la commission fait preuve d’indépendance engagée vis-à-vis de la politique.

On dit habituellement que la femme est plus sensible que l’homme, que les femmes arrivent à comprendre par le cœur ce que la conscience a occulté. Les militantes décident de ne plus se positionner en tant que victimes, elles luttent avec les militants pour une reconnaissance de la fonction humaine. Elles tentent d’établir une synthèse entre lutte de classe et lutte de sexe. Elles réfutent l’utopie du rôle exclusif de la femme, épouse et mère, qui brime toute liberté, toute virtualité réelle de réalisation de l’être humain, et proposent l’établissement entre les deux sexes de relations constructives pour chacun, qu’une société socialiste pourrait seule créer.

L’ouverture progressive de la confédération aux problèmes des travailleuses a été parallèle à l’approfondissement de l’analyse critique de la société capitaliste et des perspectives socialistes. Au congrès de 1964, la nouvelle notion de non-discrimination est introduite dans les statuts ; grâce au Colloque de 1967 et à la persévérance de femmes de la CFTC, l’organisation reconnaît à la femme le droit de choisir librement une profession sans jugement de valeur ; puis, avec la dynamique des événements de 1968 et la remise en cause des structures de la société, la notion de libération de la femme devient un élément de la stratégie de l’organisation du Congrès de 1970.

BENBASSAT Laëtitia, Les manifestations Savary (de janvier à juin 1984), Maîtrise [Annie Fourcaut, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 258 p.

L’année 1984 vit la résurgence passionnée d’un conflit hautement institutionnalisé : celui qui oppose périodiquement les tenants de la laïcité et de l’école publique aux ardents défenseurs d’un enseignement privé, garant du pluralisme scolaire.

En trois mois, du dimanche 22 janvier au dimanche 4 mars, une mobilisation remarquable parvint à faire descendre dans la rue environ 2 000 000 de personnes dans différents départements français. Cinq manifestations avaient été organisées dans cinq grandes villes de France, stratégiquement choisies par les responsables de l’Enseignement catholique (principaux responsables des rassemblements) afin d’obtenir un mouvement qui aille crescendo ; ainsi de 70 000 manifestants à Bordeaux, on arrive à 800 000 participants à Versailles, en passant précédemment par Lyon (150 000 personnes), Rennes (400 000) et Lille (300 000). Le 24 juin, ce fut l’apothéose : 1 800 000 personnes, selon les organisateurs, défilèrent sur le pavé parisien, empruntant les principales artères de l’Est parisien, traditionnellement empruntées par les marcheurs prolétaires, le peuple de gauche, et « reprirent la bastille » envahie trois ans auparavant par les partisans victorieux de la gauche aux élections présidentielles. C’était la concrétisation de l’échec d’une politique de négociation patiemment menée par Alain Savary, ministre de l’Éducation nationale, depuis 1982. Conséquences de ce vaste mouvement de protestation contre la politique menée par la gauche : le projet de loi est abandonné, le premier gouvernement Mauroy démissionne, remplacé par le gouvernement Fabius.

Nous avons pénétré au cœur de ces manifestations afin d’en rechercher le sens profond, d’en cerner le déroulement après en avoir décrit l’organisation minutieuse. Ces rassemblements avaient pris une dimension spectaculaire, jamais atteinte précédemment. Pétitionnaires dans leur objet, elles ne revêtirent en aucun cas la forme de la manifestation-pétition : aucun débordement ne fut à déplorer, si bien que l’image offerte par les manifestants reste encore aujourd’hui celle de la force, de la détermination et surtout de la dignité.

BIGUET Sarah, L’image de l’ouvrier dans l’Œuvre et le National Populaire de janvier 1940 à juin 1944, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 174 p.

De janvier 1940 à juin 1940, les difficultés militaires croissantes de la France rendent le travail ouvrier indispensable à l’approvisionnement des armées. L’ouvrier est décrit comme le soldat de l’arrière. Pour assurer la victoire, il doit abandonner la doctrine de lutte des classes au profit de celle de collaboration des classes.

De juillet 1940 à avril 1942, l’ouvrier est représenté comme un prolétaire marginalisé, victime de la grande industrie. Le retour à la terre est considéré comme la solution pour échapper à la misère et au chômage. La révolution socialiste que veut mener Déat, constitue également une perspective de salut.

Le retour de Laval aux affaires en avril 1942 fait espérer à Déat une collaboration totale avec l’Allemagne. Le travail ouvrier est le moyen d’intégrer la France à l’ordre européen d’Hitler. Dans l’Œuvre et le National Populaire l’ouvrier reprend sa place de combattant, mais cette fois aux côtés de l’Allemagne. Toutefois, l’élitisme de la pensée de Déat limite la place de l’ouvrier dans l’organisation totalitaire à une simple force d’exécution, qui doit absolument être surveillée et encadrée.

Il n’y a pas une seule image forte de l’ouvrier, mais trois représentations successives marquées par le contexte historique, qui bien qu’hétérogènes s’articulent et se complètent pour construire à la fin de la période une vision totalitaire de la classe ouvrière. L’Œuvre et le National Populaire sont communément considérés comme les organes de la frange de gauche de la collaboration parisienne. Les hommes qui composent leurs rédactions se perçoivent comme de « nouveaux révolutionnaires » pourtant, dans leur logique révolutionnaire, l’ouvrier n’a pas sa place sinon comme force d’exécution.

BIHAN-YEZID Solenn, Le 70e anniversaire de Staline (1949) et sa mort (1953) dans les municipalités communistes de la Seine, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 155 p. + annexes

Le 21 décembre 1949, Staline a eu 70 ans. Pour fêter cet événement, le PCF a organisé une grande campagne de mobilisation : de nombreux messages et cadeaux ont été envoyés au chef d’État soviétique. Le 5 mars 1953, Staline est mort. Pendant plusieurs jours, le PCF a orchestré le deuil du « peuple de France ». Ces deux événements ont été célébrés en grande pompe, en particulier dans les municipalités communistes de la Seine. Ils marquent l’apogée du culte de Staline en France.

Cette étude analyse le phénomène du culte de la personnalité et son insertion dans la réalité française. À partir de sources émanant essentiellement du PCF, le mémoire décode l’image de Staline et son fonctionnement : ce n’est pas du tout la personnalité de Staline qui est au centre de ce culte, au contraire. La représentation de Staline est figée, stéréotypée, elle peut être décomposée en une série de figures et de fonctions. Plutôt qu’un dieu, Staline est considéré comme un héros exemplaire, c’est l’archétype du militant communiste.

Le culte de Staline recouvre une grande diversité. Tout d’abord, les participants viennent d’horizons différents, ils ne sont pas tous communistes. Ensuite, les sentiments qu’ils éprouvent pour Staline vont de l’admiration mesurée à l’idolâtrie caractérisée. Enfin, ce culte ne s’appuie pas sur une liturgie spécifique. II emprunte tantôt aux formes politiques ordinaires, tantôt à la tradition républicaine française, ou encore aux cérémonies soviétiques.

BONNOT Colette, Le service social de l’enfance entre les deux guerres : préservation et éducation, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 234 p.

Le Service social de l’enfance en danger moral, créé en 1923, à la demande de certains magistrats, permet l’application des dispositions prises par la loi de 1912, instituant une juridiction spéciale pour les mineurs délinquants et en danger. Il constitue un rouage décisif dans la protection de l’enfance par l’aide qu’il apporte aux magistrats dans leurs prises de décisions, aux familles et aux enfants qu’il est chargé de préserver et d’éduquer. Association privée loi 1901, il accomplit une mission de service public dans le contexte bien particulier de l’entre-deux-guerres, période de bouleversements économiques et de changement des mentalités. Le Service social de l’enfance se voit chargé d’une triple mission : faire sur l’enfant et son entourage des enquêtes sociales et familiales ; proposer des solutions au juge ; exécuter certaines mesures adoptées. Il s’occupe simultanément d’affaires de correction paternelle, de déchéance et de délinquance.

Inspiration philanthropique, influence américaine, réalisation féminine caractérisent ce Service marqué profondément par un souci de professionnalisation qui n’exclut pas le recours à un bénévolat complémentaire de son action. Son action vise à infléchir le système législatif et les structures socio-économiques du pays afin que cet ensemble soit mieux adapté aux besoins des classes populaires et des milieux défavorisés auxquels, en majeure partie, il s’adresse.

Avec le souci constant de former ses assistantes sociales, de réfléchir sur ses méthodes, de profiter des expériences étrangères, de créer des structures lui permettant de mener à bien son action et de susciter la naissance d’autres associations du même type, le Service social de l’enfance cherche inlassablement à apporter une aide efficace aux mineurs dont il s’occupe afin de les préserver des effets néfastes des carences familiales et de favoriser leur insertion sociale et professionnelle.

Cette volonté de normaliser des situations déviantes vise certes à protéger l’enfant, mais tout autant la société dont il est susceptible de troubler le bon ordre. Tout le travail des professionnelles va être néanmoins de transformer le regard que porte la société sur ces enfants qui inquiètent et de mettre en évidence que, victimes de leurs conditions de vie, ils sont plus malheureux que coupables et ont besoin d’attention et de soins.

Dénonçant les carences et les dysfonctionnements de l’État en la matière, le SSE cherche à obtenir des pouvoirs publics la possibilité de remplir une mission que seuls alors assurent des services privés. Ceux-ci constamment remis en cause dans leur existence par des difficultés de financement, dons et cotisations des membres assurant l’essentiel des besoins en l’absence de subventionnement public régulier. Cet aspect de la problématique État-association est souligné à la fois par les Services privés et certains hauts fonctionnaires du gouvernement.

Cependant, malgré les difficultés matérielles évoquées, la quasi-indépendance financière de l’association, la solidité de ses appuis et l’élan donné par ses fondateurs lui ont permis de se maintenir, de croître et d’entreprendre des actions novatrices à son gré. Son institutionnalisation progressive n’a pas arrêté son développement : son domaine d’action et ses compétences se sont élargis au regard des besoins repérés et avec l’intégration des connaissances et des techniques nouvelles. Cette progression qui s’appuie sur des assises anciennes lui a assuré jusqu’alors une place de choix dans le domaine de la protection de l’enfance où elle représente actuellement dans le cadre judiciaire, le service privé le plus important de la région parisienne.

BOSCALS DE REALS Charles, Le journal d’entreprise de la RATP : 1972-1985, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 132 p. + annexes

L’objet de cette étude est de décrire et d’analyser l’image que le journal d’entreprise RATP Informations, poursuivi sous le nom d’Entre Les Lignes, renvoie des agents de la RATP de 1972 à 1985. Ce périodique émanant de la direction de la Régie, est distribué à un double public à la fois interne et externe. À travers chaque numéro, la publication offre une représentation de la place et du rôle attribués aux salariés. L’étude est conduite en trois phases successives (1972-1977, 1978-1981, 1982-1985) qui correspondent à trois formules différentes de la publication.

RATP Informations paraît pour la première fois en juillet 1972. C’est un trimestriel de 4 pages imprimées en noir et blanc, dont la première parution intervient durant une période où l’entreprise étend ses réseaux et modernise ses techniques d’exploitation. Dans le même temps la RATP tend à revaloriser son image tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de l’entreprise. Le journal qui à son origine n’a pas reçu d’objectifs préétablis s’impose rapidement comme un outil qui reflète les modernisations et prépare les agents à ces mutations. La publication rassemble ses lecteurs autour d’une image moderne et technique de l’entreprise. Elle privilégie l’information générale et laisse dans l’ombre les aspects humains. Les thèmes touchant au travail et à la personnalité des salariés, les sujets socioprofessionnels trouvent difficilement leur place dans un organe distribué à un public diversifié. En 1978, Entre Les Lignes est dédoublé. Le cahier général compte 8 pages imprimées en couleur et contient des articles touchant à l’entité globale de la RATP. Le cahier socio-professionnel, réservé aux seuls agents, compte 4 pages illustrées en noir et blanc. Le contenu porte sur la vie professionnelle des agents. Le journal a été structuré. Le cahier général renvoie une image dynamique de l’évolution globale de l’entreprise. Le cahier socio-professionnel permet d’approfondir les sujets concernant la vie des agents à la Régie. Les articles représentant les salariés dans leur activité sont désormais séparés de ceux liés à l’activité générale de l’entreprise. Le cahier socio-professionnel peut paraître appauvri par son illustration en noir et blanc. La rédaction prend en compte la nécessité d’humaniser la publication, mais elle ne parvient pas à décrire le personnel sous des traits dynamiques. En 1992, la forme et le fond de la publication sont profondément remaniés. Le journal d’entreprise adopte à nouveau une formule unique. Entre Les Lignes change de format, modifie l’organisation de ses rubriques et passe de 12 à 32 pages imprimées en couleur. L’information y est plus approfondie que dans les formes précédentes du périodique. Le journal traite avec un souci équivalent les différentes catégories d’information. La rédaction engage un effort de transparence et de pluralisme et renvoie une image dynamique des différentes facettes de l’activité de l’entreprise et du travail des salariés.

À sa création, l’organe essaie de façonner une image de l’entreprise afin de la revaloriser auprès des agents. En 1985, la publication informe le personnel de l’actualité de l’entreprise tout en répondant à ses préoccupations sociales et humaines. L’objectif d’Entre Les Lignes est de renvoyer une image qui corresponde à la vie professionnelle des agents et à la perception qu’ils ont de l’entreprise dans leur poste de travail. On voit la maturation progressive d’un outil qui, au fil des numéros, tend à donner un reflet objectif de l’activité des agents de la RATP.

BUI Gwenegan, La guerre d’Indochine et ses répercussions dans les débats de la SFIO (1945-1954) : éthique de responsabilité ou éthique de conviction ?, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 176 p.

À la Libération, la France estime pouvoir tenir son rang dans le concert des grandes Nations. De l’avis du plus grand nombre, c’est aussi grâce à son Empire colonial que la France renaîtra de ses cendres. La SFIO partage cette analyse, c’est pourquoi elle s’engage et soutient la naissance de l’Union Française en 1946. La SFIO est au cœur de la vie politique française, elle participe pleinement au gouvernement provisoire et à la République naissante, en particulier par l’intermédiaire de son groupe parlementaire qui, en position charnière, est en mesure de faire et de défaire les gouvernements. C’est le plus illustre des socialistes d’alors, Léon Blum, qui gouverne la France lorsque l’Indochine s’embrase au soir de l’insurrection de Hanoï, le 19 décembre 1946.

Parallèlement, les tensions internationales croissantes se répercutent sur le climat politique. À gauche, le PCF se radicalise, l’engagement de la CGT lors des grèves de 1947 est total. À droite, le général de Gaulle crée le RPF et critique le régime « des partis ». La SFIO se sent prise au piège entre ces deux forces. Au nom de la défense du régime républicain, la SFIO participe à la Troisième Force. Cependant, les socialistes se divisent et les conflits se multiplient : entre le groupe parlementaire et le comité directeur, entre le secrétaire général et les ministres socialistes, entre la SFIO et son organisation de jeunesse… Néanmoins, les socialistes s’alignent toujours sur les positions gouvernementales, refusant de provoquer une crise institutionnelle sur l’Indochine. La distance séparant la métropole de l’Indochine, la reconstruction de la France, le non-engagement du contingent, la double pression communiste et gaulliste sont autant de justifications de l’attitude commune des socialistes. La gauche anticoloniale de la SFIO, qui a porté Guy Mollet au poste de secrétaire général en 1946, est progressivement évincée à travers le départ de personnages comme Jean Rous, Yves Déchezelles ou Léopold Sédar Senghor. La défense du régime républicain prend le pas sur les convictions.

Les élections législatives de 1951 provoquent un revirement de la SFIO face à cette guerre. Le recul électoral du PCF et du RPF met entre parenthèses une éventuelle menace pesant sur le régime. La SFIO entre en opposition avec le gouvernement MRP. La politique des principes revient au goût du jour. Les socialistes s’interrogent sur les solutions à apporter : internationalisation du conflit ? Abandon pur et simple de l’Indochine ? Intervention d’un médiateur ? Les événements se précipitent. La chute de Diên Biên Phu pousse la SFIO à soutenir l’expérience Mendès-France. Conformément à son discours d’investiture, l’accord de paix est signé le 20 juillet 1954. La guerre d’Indochine prend fin pour le plus grand soulagement des socialistes.

BOURDAUD’HUI Dorine, La revue Critique de 1962 à 1969, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1,1997, 193 p.

Cette étude s’attache tout d’abord à comprendre et à définir la revue Critique « Revue générale des publications françaises et étrangères », fondée en 1946 par Georges Bataille, et reprise à sa mort (1962) par Jean Piel. Elle couvre les années 1962 à 1969. Elle analyse Critique d’un point de vue tour à tour qualitatif et quantitatif, fondé sur les sommaires, des archives et des entretiens, sous trois angles : ses origines, ses caractéristiques principales « A la découverte de Critique » puis ses aspects humains « La revue Critique : un espace intellectuel ».

Cette recherche se situe dans la problématique de l’examen des principales lignes éditoriales et caractéristiques humaines de cette revue. Elle met en évidence la volonté d’interdisciplinarité et d’internationalisme. En outre, elle souligne l’importance de son directeur, Jean Piel, dont l’emprise est forte. Ses qualités de repérage, soulignées par les témoins comme exceptionnelles, lui permettent toutefois de composer une équipe rédactionnelle considérée avec le temps comme un remarquable échantillon des représentants intellectuels de « l’air du temps » : Foucault, Barthes, Serres, Deguy, Charpentrat. Cette équipe sait faire appel, pour chacun des articles, aux meilleurs spécialistes dont les profils sont divers, s’adresse à un lectorat relativement élitiste, et s’appuie sur une machine éditoriale, Minuit, assez souple. Tous ces facteurs font de Critique une revue sans équivalent durant les années 60.

BUNIM Shmuel, Lettres de lecteurs, chroniques et faits divers d’un quotidien yiddish : le Parizer Haynt (La journée parisienne) 1926-1932, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 159 p.

Des ouvrages et des articles nombreux ont été consacrés à la communauté juive immigrée en France, depuis la fin du XIXe jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale. L’expérience d’immigrés juifs dans un pays d’accueil à « fort indice d’intégration » a été traitée aussi bien par les historiens que par les sociologues et les littéraires. Chassés par les mutations politiques et économiques, la misère et les exactions antisémites, les immigrants arrivés d’Europe de l’Est au lendemain de la Première Guerre mondiale sont parvenus à conserver en France leur particularité propre en y transposant des institutions nées dans les pays d’origine. Toutefois, la société immigrée n’était pas la copie aveugle de la communauté juive des grands foyers juifs des pays d’origine. Les structures créées ont été les vecteurs d’un double processus : l’intégration parmi la communauté d’immigrés existante et celle du pays d’accueil.

Un des instruments de leur intégration fut la presse en yiddish qui fournit — parfois le jour même de son arrivée — des points de repère à l’immigré. D’abord par l’entremise d’une langue familière et ensuite, par la référence aux principaux courants du judaïsme dont cette presse était porteuse. Elle a été abondamment citée dans les études sur la communauté immigrée, mais elle n’a pas été étudiée en tant que miroir de cette communauté en devenir, et le rôle qu’elle voulait s’assigner n’a pas été mis en évidence. C’est dans ce double aspect, miroir et image de soi, que s’inscrit ce mémoire.

À l’intérieur du champ chronologique qui couvre une période jouissant d’un calme politique relatif, le Parizer Haynt présente les avantages, et tout à la fois les désavantages, d’une source unique. Pour les immigrés, ce temps-là, rythmé par l’activité économique qui régit leur vie quotidienne, dessine l’espace existentiel du groupe.

Ce mémoire est une contribution à l’histoire de ce journal en cernant la vie des immigrés dans son aspect quotidien comme elle apparaît dans un organe de presse yiddish. Le journal est donc interrogé pour reconstituer une image de cette communauté. Pour ce faire, les pages intérieures du Parizer Haynt où sont relatés faits-divers et chroniques, ainsi que les diverses formes de dialogue avec son lectorat, ont été examinées. Ces dernières rubriques, plus que toutes les autres, ouvrent une fenêtre sur une société, au travers des préoccupations individuelles et des structures qu’ils se sont données.

CODACCIONI Anne, Le Grand Orient de France et la question féminine à la Belle Époque (1900-1914), Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997

Le Grand-Orient de France est l’obédience maçonnique la plus connue à la Belle Époque. Soucieux de faire table rase du passé, il est animé par l’idée de progrès social et croit en la possibilité de régénérer la société. Il était dès lors intéressant de chercher à connaître si la maçonnerie du Grand-Orient s’ouvrait à de nouvelles problématiques concernant la femme et les rapports entre les sexes.

À partir de l’étude des congrès régionaux et des convents entre 1900 à 1914, nous avons circonscrit quatre grands thèmes : les droits politiques et le travail des femmes, la prostitution et la police des mœurs, le mariage, et enfin, véritable abcès de fixation pour l’Ordre, l’admission des femmes dans la maçonnerie. Les maçons ont profondément intériorisé les schémas en vigueur et les normes de l’idéologie dominante concernant la femme. Ils la confinent dans un modèle fondé sur le concept de la nature. Elle est définie par sa fonction sexuelle, reproductrice et maternelle (la figure de la mère domine d’ailleurs toute cette étude). Les différenciations sexuelles (entraînant logiquement une différence de fonctions) sont nettement mises en valeur pour écarter la femme de la société… et de l’univers maçonnique. Certes, si les maçons prônent l’égalité entre les sexes dans bien des domaines, une éducation laïque est envisagée comme préalable à toutes réformes politiques, civiles, matrimoniales en faveur de la femme. Pour l’heure, la femme reste dans tous les cas sous l’emprise — bienveillante — de l’homme. En définissant une nature féminine, le propos maçonnique s’inscrit donc comme une pensée normative, et adhère à une théorie conservatrice du monde et de la société.

DAL DEGAN David, La CGT, la CGTU et les immigrés italiens de 1922 à 1935, Maîtrise [Michel Dreyfus, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 174 p.

L’entre-deux-guerres voit la rencontre d’une immigration italienne alors à son apogée et d’un mouvement syndical divisé. Appréhendée en termes numériques, l’histoire de cette rencontre est celle d’un rendez-vous manqué : seule une faible proportion d’Italiens osa braver les répressions policière, patronale et fasciste pour franchir la porte d’un syndicat. De leur côté, les syndicats ne firent pas toujours preuve de l’internationalisme censé animer le mouvement ouvrier.

Pourtant, en dépit de la peur de la répression et du manque de bienveillance des syndicats français, les Italiens n’en furent pas totalement absents. La CGT et la CGTU furent donc confrontées à des adhérents d’un genre particulier. La CGT prétendait les intégrer en son sein au même titre que les Français. Elle a néanmoins, pour une large part, confié l’organisation des Italiens à des dirigeants en exil de la CGT italienne. La CGTU, elle, récusait le concept de nation et ne voulait voir que des prolétaires. Elle aurait donc dû refuser de regrouper les étrangers selon des critères nationaux. C’est pourtant en partie ce qu’elle fit avec les comités intersyndicaux de langue étrangère. La CGT et la CGTU ont donc été amenées à s’affranchir quelque peu de leurs partis pris idéologiques pour prendre en compte la réalité : il n’était pas possible d’organiser les étrangers comme les Français. Outre le fait qu’ils étaient étrangers, les Italiens avaient la particularité d’être originaires d’un pays vivant sous le joug d’une dictature. Cela induisait un rapport particulier au syndicalisme : le fascisme avait été antisyndical, le syndicalisme ne pouvait être qu’antifasciste. Il l’était même en tant que tel, dans la mesure où adhérer à un syndicat était en soi une profession de foi antifasciste. L’antifascisme, en tant qu’élément fédérateur, a aussi pu contribuer à placer les Italiens à l’avant-garde de ceux qui aspiraient à l’unité syndicale.

DALEGRE Cyril, Les lotissements à Sainte-Geneviève-des-Bois dans l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 202 p. + 1 vol. d’annexes

Le phénomène des lotissements pour l’ensemble de la banlieue parisienne, durant la période de l’entre-deux-guerres est bien connu. Les études sur la crise du logement, les problèmes d’aménagement, l’implication de l’État, les populations des lotissements sont nombreuses. Elles nous renseignent largement sur cette question des lotissements, dont le développement prend des proportions considérables entre les deux guerres, et permettent d’en cerner les multiples causes et effets. Ce mémoire présente le cas particulier de la commune de Sainte-Geneviève-des-Bois, située dans le sud de la banlieue parisienne, à l’époque dans le département de la Seine-et-Oise. Son originalité réside dans le gigantisme de certaines réalisations, occasionnant ainsi des changements nombreux, remarquables et durables. Le plus important est de transformer, en l’espace de 20 ans, un petit village rural où la forêt est dominante, en l’une des communes les plus loties, si ce n’est la commune la plus lotie de Seine-et-Oise. On explique les raisons de cette explosion à Sainte-Geneviève, son ampleur et ses effets. L’intérêt est également de dégager les permanences, les points communs et les divergences avec d’autres communes à lotissements, ou avec les grandes tendances générales observées pour toute la banlieue. De même, certaines originalités concernant la population notamment, fortement marquée par une présence étrangère, rendent l’étude du cas génovéfain particulièrement intéressante. Ce mémoire permet donc de voir quelles sont, sur le terrain, les conséquences précises du processus de lotissement d’une commune, considéré comme un véritable fléau, mais qui a aussi pour une très large part contribué à faire de Sainte-Geneviève-des-Bois la ville qu’elle est aujourd’hui.

DUBREUIL Fabrice, La mise en place des Sections administratives spécialisées et des Sections administratives urbaines et leur action à Alger pendant la guerre d’Algérie (1955-1962), Maîtrise [Claire Andrieu, Olivier Wieviorka], Univ. Paris 1, 1997, 190 p.

Prenant conscience, au cours de l’année 1955, que la situation politique, et bientôt militaire, leur échappe, les responsables français en Algérie mettent sur pied une structure qui, selon les dires mêmes de l’un de ses artisans, doit permettre de « reprendre en main la population ». Ce sont les Sections Administratives Spécialisées et les Sections Administratives Urbaines. Ces entités mixtes, civiles et militaires, ont la charge d’assurer le suivi administratif des populations de leurs circonscriptions (recensement, orientation vers les services compétents…), ce qui ne va pas sans susciter un certain nombre de tensions entre elles et les pouvoirs en place (préfectures, mairies). Elles doivent aussi venir en aide à un peuple qui constitue un enjeu de la guerre entre les Français et l’ALN : aide médicale gratuite, aide « sociale », alphabétisation, travaux d’amélioration de l’habitat. Les chefs de SAS et de SAU ont également pour mission d’utiliser leur position stratégique au contact de la population pour renseigner l’armée et avoir une action « psychologique » sur les habitants de leur secteur. L’hésitation entre les secours apportés à une population civile victime de la guerre et les activités de renseignement au service d’une armée dont ils sont officiers constitue le moteur essentiel de l’histoire de ces hommes. Dans cette situation inconfortable, les officiers SAS bénéficiaient d’une grande liberté. Leurs opinions et perceptions personnelles ont certainement joué un grand rôle dans l’accomplissement de leur tâche et dans leur arbitrage entre aide et répression.

L’étude du cas d’Alger montre le décalage entre les intentions d’une politique de développement économique, social et culturel et des réalisations qui laissent la première place aux opérations de propagande.

EYCHART Baptiste, Itinéraire d’un intellectuel : J.-R. Bloch et la guerre d’Espagne, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1, 1997, 198 p.

Bloch fut parmi les intellectuels français de gauche, un de ceux qui s’investirent le plus en faveur de la République espagnole, lors de la guerre civile qui opposa cette dernière au général Franco. L’engagement de Bloch revêtit des aspects différents (conférences, pétitions, articles…), mais fut toujours guidé par la conviction que la cause qu’il défendait était juste. Elle s’insérait dans celle plus large de la lutte contre l’expansion du fascisme à l’échelle internationale, pour la démocratie, le progrès social et la république. Ce projet correspondait à celui de l’Internationale Communiste, lorsqu’elle opta explicitement pour la politique dite des « Fronts Populaires ».

Bloch avait esquissé dès 1934 un rapprochement avec le mouvement communis­te international, s’enthousiasmant pour les réalités de l’Union soviétique et soutenant les différentes sections nationales du Komintern. À la fin des années trente, il choisit finalement de réadhérer au PCF, décision sur laquelle il ne reviendra pas jusqu’à sa mort, en 1947.

La guerre civile espagnole a été d’une grande importance dans le parcours intellectuel et militant de J.-R. Bloch. Nous avons essayé d’élucider son rapport à ce conflit, rapport qui fut un contact direct et physique, mais aussi un travail intellectuel. Qui rencontra-t-il ? Que savait-il du conflit ? Qu’y trouva-t-il ? Que fit-il pour soutenir la République ? Ce rapport éclaire le sens de l’engagement de Bloch auprès de l’Espagne républicaine, car il révèle ses grands questionnements de Bloch sur les enjeux de cette première moitié de siècle.

Étudier l’importance de la guerre d’Espagne dans les positions politiques de Bloch de 1936 à 1939 nécessite donc de déterminer la nouveauté du phénomène par rapport à des réflexions, des interrogations (ce que j’ai appelé des « problématiques ») antérieures aux faits eux-mêmes. Trois thématiques importantes existaient chez Bloch bien avant la guerre civile. Elles révélaient des problèmes qui n’avaient jusqu’ici, pour l’écrivain, pas trouvé de solution satisfaisante. Il trouva un embryon de réponse en Union soviétique, lors de son voyage pour le Congrès des Écrivains en 1934, mais ce fut la Guerre d’Espagne qui lui permit de dépasser ces problématiques.

Les événements espagnols nécessitent un changement quantitatif, mais aussi qualitatif de son militantisme. Il se rapproche du PCF puis intègre finalement le parti, parce qu’il lui semble que ce sont les communistes qui défendent de la manière a plus conséquente la cause de la République en France et dans le monde. Il lui paraît alors, que le communisme international est le mouvement le plus en osmose avec les nouvelles valeurs qu’il croit voir se réaliser en Espagne républicaine. Dans ce sens, la Guerre d’Espagne va provoquer une coupure dans l’existence de Bloch, fermant un chapitre et en ouvrant un autre.

FICOT Élodie, L’image de la banlieue dans le journal Le Monde de décembre 1980 à juillet 1984, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 180 p. et 58 p. d’annexes

La banlieue fait aujourd’hui l’objet de multiples études et débats, les violences qui se sont déroulées dans certains quartiers, et surtout leurs répercussions dans les médias sont à l’origine de cette tendance. À cause de cet intérêt médiatique, certaines représentations — bien souvent réductrices — ont été données de la banlieue, car elles étaient conformes au cours de l’actualité. L’histoire de la banlieue est d’ailleurs ponctuée de représentations qui divergent selon les époques, mais qui font bien souvent référence à la peur, celle des marges urbaines.

Ce mémoire se propose d’étudier la représentation de la banlieue au travers d’un quotidien d’informations générales, Le Monde. La chronologie délimitée commence avec les violences dans les banlieues lyonnaises, durant l’été 1981, et les premières mesures gouvernementales leur faisant suite. Cette étape dans les politiques de la ville correspond à une première période qui s’achève en quelque sorte en 1984 avec la création d’un Comité interministériel pour les villes et d’un Fonds Social Urbain (FSU), quelques mois avant la démission du gouvernement Mauroy en juillet de la même année. Tous les numéros du Monde entre décembre 1980 et juillet 1984 ont été dépouillés, les articles retenus devant répondre à des critères de sélection objectifs les plus larges possible. Une fois terminée la recherche proprement dite, certaines réalités sont clairement apparues au niveau du traitement de la banlieue dans Le Monde : d’une part, la diversité et la pluralité des présentations, d’autre part, la densité des articles et l’imbrication du sujet dans des thèmes différents. C’est pourquoi il a semblé nécessaire de privilégier le contenu des articles plutôt que d’établir des comparaisons chiffrées entre les différents thèmes abordés : ces données n’ayant qu’un intérêt partiel et devant être interprétées avec précaution, surtout en ce qui concerne l’« événementiel ». En effet, pendant cette période, la violence dans certains quartiers propulse la banlieue sur la scène médiatique, mais c’est aussi au niveau du politique que s’explique cette médiatisation : le début des années quatre-vingt est marqué par les premières mesures de la politique de la ville, ainsi que par le déroulement de deux élections : les présidentielles en 1981 et les municipales en 1983, dont les retombées — aussi bien concrètes que symboliques — ne se font pas attendre. Ainsi, l’élection de François Mitterrand représente un véritable changement aux yeux du Monde qui, par l’intermédiaire de son directeur Jacques Fauvet, a soutenu le candidat socialiste et salué son élection. Les espoirs soulevés le 10 mai 1981 sont d’ailleurs inséparables d’une certaine vision de la banlieue telle qu’elle apparaît dans Le Monde : il s’agit du lien presque permanent établi par le quotidien entre la banlieue et l’immigration, c’est à travers la défense des immigrés que la banlieue et ses problèmes sont amplement évoqués dans le quotidien.

Défense des immigrés, goût manifeste pour le politique, intérêt pour la vie régionale en l’Ile-de-France sont les aspects par lesquels on aborde la banlieue dans les pages du Monde. Par cette pluralité qui définit la banlieue, le quotidien n’a pas contribué à la stigmatisation de cet espace géographique. L’originalité, enfin, de cette vision, tient à la permanence de la notion d’identité : une quête qui témoigne des difficultés éprouvées par les communes à lutter contre la domination de la ville. Mais si la banlieue apparaît comme un lieu d’exclusion, elle témoigne aussi par la richesse de la vie associative comme par les multiples expériences conduites, des possibilités qu’elle offre en tant qu’espace qui se construit encore.

GODEAU Eric, Ouvrières et ouvriers des manufactures de tabacs du Gros-Caillou et d’Issy-les-Moulineaux, 1880-1914, Maîtrise [Michel Dreyfus, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 197 p.

La manufacture de tabacs du Gros-Caillou, située dans le VIIe arrondissement de Paris, déménagea en 1904 à Issy-les-Moulineaux. Ce déménagement répondait à deux objectifs : la direction voulait adapter la manufacture au machinisme et à la rationalisation de la production, elle entendait aussi mettre un frein à l’essor du syndicalisme. L’entrée dans la modernité et l’émancipation des ouvriers furent les deux principales transformations qui affectèrent les manufactures de tabacs du Gros-Caillou et d’Issy-les-Moulineaux entre 1890 et 1914. L’employeur, c’est-à-dire l’État, et le personnel ouvrier composé de femmes à 84 %, en furent les acteurs. Quelle part revient respectivement à la Direction et aux ouvriers dans l’évolution des métiers des tabacs et des conditions de travail à la manufacture ?

Les ouvriers du Gros-Caillou et d’Issy étaient nés dans la plupart des départements français ; avaient entre 20 et 65 ans ; exerçaient des métiers divers (du simple manœuvre à la cigarière, il y avait une large gamme de métiers, de qualifications et de salaires) : autant de points qui contribuaient à les diviser. Mais le groupe ouvrier réagissait en classe quand il s’agissait de défendre ses intérêts. Autour du syndicat, les ouvriers luttaient contre l’arbitraire de la Direction, revendiquaient de meilleures conditions d’hygiène et de sécurité, défendaient le système de protection sociale. Comme tout employeur, l’État était en conflit permanent avec les ouvriers qui entendaient peser sur les décisions prises par la direction. Il voulait « tenir » le personnel ; d’autant plus que celui-ci était majoritairement féminin : l’ouvrière était l’éternelle mineure qu’il fallait éduquer. Néanmoins, l’État n’était pas un patron ordinaire, il offrait aux ouvriers de nombreux avantages : la garantie de l’emploi, des salaires féminins supérieurs à la moyenne, un système de protection sociale avancé (et en particulier la retraite)… autant de points qui faisaient des ouvriers des tabacs, et surtout des ouvrières, des privilégiés aux yeux de la classe ouvrière de l’époque.

HAOUDJI Gaëlle, Un groupe d’études et d’action politique : Objectif 1972, Objectif socialiste, 1967-1974, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 255 p.

Le groupe Objectif 1972 s’inscrit politiquement à l’intersection de la démocratie chrétienne et du courant socialiste, il est proche également des milieux associatifs et syndicaux. La recherche tente de mettre en lumière les contraintes qui orientent l’évolution de ce mouvement constitué en 1966 autour de Robert Buron et orienté à partir de novembre 1971 par André Jeanson.

À l’origine, il s’agissait d’analyser les revendications politiques d’un mouvement hors du jeu des partis et par cela, non tributaire de concessions diverses pour attirer les suffrages. Mais est-il possible à une petite formation en dehors des partis politiques majoritaires de donner de l’audience à ses idées ? Le groupe voulait contribuer à l’élaboration d’une société meilleure. L’« Objectif » est la création d’un « nouveau langage politique » permettant la constitution d’une force majoritaire en vue des élections présidentielles de 1972, à l’image de la grande fédération de G. Defferre envisagée en 1965. Se voulant prospectifs en 1966, ses membres sont pris de court par le départ du Général de Gaulle en 1969. Cependant, le groupe décide de poursuivre son activité en dépit de la reconstruction du parti socialiste. Objectif 72 ne se définit ni comme un club, ni comme un parti. À partir de 1972, Objectif Socialiste veut participer à la fois au courant de l’union de la gauche et au courant autogestionnaire. L’élément moteur du groupe fut-il uniquement l’aspiration à une société plus juste ?

JACQUIER Maya, L’organisation des salariés agricoles à la CFTC-CFDT : 1936-1968, Maîtrise [Franck Georgi, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 147 p.

L’organisation des salariés agricoles à la CFTC passe par la création de deux fédérations, successivement en 1936 et en 1944, réunissant, d’une part, les ouvriers agricoles, et d’autre part, les techniciens et le personnel des organisations agricoles. Ces fédérations fusionnent en 1962, créant la Fédération Générale de l’Agriculture, organisation qui connaît un développement important. Ce travail s’inscrit dans le cadre de la mutation du secteur agricole et dans celui de l’évolution de la CFTC.

L’étude conjointe des deux organisations, durant les années cinquante, a permis de confronter les difficultés des ouvriers agricoles face à l’exode rural et le dynamisme des travailleurs du secteur tertiaire en plein essor. Elle a permis également d’appréhender la diversité de la CFTC et les réactions graduelles de ses membres au mouvement de rénovation de l’organisation.

La création d’une fédération unique en 1962, avec l’invention de la notion de salarié agricole, correspond à une volonté de la CITC de réaliser des fédérations réunissant les salariés selon leur secteur d’activité, ainsi qu’à son désir de s’implanter dans l’Agriculture. Cependant, elle correspond aussi au besoin réel des travailleurs de ce secteur. Dès sa création, cette fédération voit croître le nombre de ses adhérents et remporte des succès sur le terrain revendicatif. L’organisation des salariés agricoles à la CFTC représente une réponse adaptée du syndicalisme à la spécificité du secteur agricole. Ainsi les travailleurs peuvent présenter leur fédération comme une organisation symétrique à celle des exploitants la FNSEA, et obtenir l’amélioration de leurs conditions de travail, encore très en deçà de celles des autres travailleurs.

JEANNE Vincent, Le service de censure de presse sous le régime de Vichy : juillet 1940-avril 1942, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 2 volumes, 187 p.

La mise en place d’un contrôle étatique de l’information, de manière officielle et à grande échelle, n’est pas une innovation du régime de Vichy. Mais en reprenant le service fonctionnant lors de la « Drôle de Guerre », Vichy va lui assigner un autre but : promouvoir un ordre nouveau. Quoi de plus lié à Vichy, en effet, que la censure de I’information. Une fois considérée la majeure partie des militaires, qui composaient l’essentiel des membres du service sous la IIIe République, c’est un personnel idéologiquement dévoué qui prend ses fonctions. Mais ce service, a priori essentiel au régime, traverse une crise continue sur le plan administratif qui s’étend sur toute la période étudiée. Relativement mal doté, il est en permanence soumis à la pression d’instances concurrentes, françaises ou allemandes.

Parallèlement, la censure de presse fait très tôt l’objet de multiples réformes. Devant l’uniformité de la presse, gravement nuisible à sa crédibilité et donc aux liens entretenus par le gouvernement avec la population, on tente de transformer les journalistes, manquant parfois d’enthousiasme et d’originalité, en une nouvelle sorte de propagandistes. Pour y parvenir, le régime accorde aux journaux une infime marge de manœuvre, en pariant qu’elle sera utilisée pour faire l’éloge du régime. D’emblée, dans une démarche hautement contradictoire, Vichy se plaçait donc dans une certaine forme de rapport de dépendance vis-à-vis des journalistes. L’étude des relations conflictuelles entretenues par quatre quotidiens avec la censure montre le peu de prise qu’ont pu avoir les réformes successives sur le comportement de certains organes de presse. C’est le signe de l’échec d’une politique de censure — qui ne se voulait pas seulement coercitive — et de la politique administrative qui lui était liée.

JOSEPH Mathilde, Image du poilu dans les revues des music-halls parisiens pendant la Grande Guerre : décembre 1914-décembre 1919, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 193 p.

À peine les music-halls sont-ils autorisés à rouvrir leurs portes en décembre 1914 que le troufion rigolard et bon enfant, bien connu des Parisiens se transforme en un « poilu » héroïque, exalté, confiant dans la victoire et résolument prêt à mourir pour la France, entouré de jolies femmes plus ou moins dénudées qui se pâment devant lui. Il apparaît dans des revues qui font courir le Tout-Paris comme les classes populaires, et dont le succès n’est pas encore entamé par le cinéma.

Avec lui fait irruption à Paris le monde des tranchées. Autour de lui se concentre l’attention des censeurs. Savoir quel fut ce personnage, s’il entretenait quelque rapport avec la réalité ou n’était qu’un vecteur de propagande, s’il fut applaudi ou hué, savoir quelle fut son évolution tout au long de la guerre, permet de poser le problème de la propagande auprès du peuple parisien et, également, celui de la relation affective entre Paris et le front. L’étude de l’image renvoyée par le personnage du poilu de music-hall, à Paris, est ainsi un moyen d’évaluer la place et l’importance du music-hall dans la littérature de guerre et, plus généralement, dans la formation de cette culture de guerre que les historiens s’attachent depuis peu à restituer.

Le spectacle populaire parisien, dont les revues sont un échantillon fut-il un vecteur de propagande, un élément du « bourrage de crâne » qui contribue au clivage entre l’arrière et l’avant ?

KERLEROUX Sébastien, La cité-jardins de Cachan dans l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 162 p.

La cité-jardins de Cachan fut construite en 1921-1923, à la suite d’une convention passée le 23 juillet 1920, ratifiée par une loi du 5 août 1920, entre le département de la Seine et la préfecture. Cette convention prévoyait la construction d’urgence de quatre cités-jardins dans le département afin de répondre, même modestement, à la grave crise du logement que connaissait alors la région parisienne. Onze autres cités-jardins furent construites entre les deux guerres par l’Office public d’habitations à bon marché du département de la Seine.

La cité-jardins de Cachan était composée de 274 logements individuels, regroupés dans 78 pavillons, conçus pour loger des familles nombreuses dans des conditions d’hygiène favorables. La cité eut jusqu’à 1600 habitants, à l’origine essentiellement des jeunes couples avec de nombreux enfants, puis la population vieillit et le nombre de personnes par logement alla en déclinant.

L’étude détaillée des trois listes nominatives de recensement de 1926, 1931, et 1936, montre la réalité du mélange social, objectif essentiel de l’Office, puisque l’on trouvait parmi les chefs de famille de nombreux ouvriers professionnels appartenant à « l’élite » ouvrière, quelques manœuvres, mais aussi des employés de différents niveaux, et quelques artisans. Mais le plus notable est la proportion toujours croissante des « fonctionnaires », et plus généralement des travailleurs à statut protégé : employés TCRP, PTT, PP, Ministères, Chemins de fer, ouvriers du livre…

Un autre objectif de l’Office était le développement parmi ses locataires d’une vie collective originale. Le nombre et l’activité des associations de locataires dans la cité de Cachan témoignent du succès de cette forme de sociabilité. Les services proposés y contribuèrent, en particulier le dispensaire. Le quartier était isolé du reste de l’agglomération par des terrains non bâtis ; cette vie associative intense fut l’un des facteurs de son intégration dans la commune.

LEON Baptiste, Un lieu de mémoire : le mur des Fédérés (1898-1936), Maîtrise [Franck Georgi, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 163 p.

Étudier le « Mur des Fédérés » comme lieu de mémoire de 1898 à 1936, c’est étudier les manifestations commémoratives de l’anniversaire de la « Semaine sanglante ». Pendant longtemps, ces démonstrations furent pour les socialistes et les communistes, les seules occasions légales de manifester dans la capitale. Un cadre spatio-temporel bien défini, une fréquence annuelle, un déroulement — par maints aspects — rituel, l’ancrage dans une tradition propre au peuple socialiste et communiste parisien, une place de choix dans la mémoire collective du mouvement-ouvrier français, faisaient des manifestations du « Mur des Fédérés » un objet d’étude singulier. L’étude repose sur des sources de différentes natures : dossiers et rapports de police aux Archives nationales et aux Archives de la Préfecture de police, mais aussi presse quotidienne socialiste et communiste : La Petite République de 1898 à 1904, l’Humanité de 1904 à 1936, et Le Populaire de 1921 à 1936.

Nous avons décrit ces manifestants qui, chaque année, s’efforçaient de sauver la « Semaine sanglante » de l’amnésie nationale ; puis, en portant notre attention du côté des organisateurs des manifestations, de ceux qui donnent du sens à l’action, nous avons essayé de comprendre les mécanismes et les raisons qui présidaient au déroulement des opérations ; dès lors, nous pouvions exposer les enjeux idéologiques et politiques d’un lieu de mémoire, témoin des relations mouvementées entre les différentes familles socialistes jusqu’à l’unité de 1905, puis entre socialistes et communistes après la scission de Tours. Il s’agissait de comprendre comment un lieu d’Histoire était devenu lieu de Memoire, mémoire de la Commune, mais aussi, comme en abîme, mémoire des manifestations du « Mur des Fédérés », elles-mêmes.

MAURIN Alix, Les cheminots de Trappes dans l’entre-deux-guerres : étude sociale, urbaine et politique, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 138 p.

Dans l’entre-deux-guerres, le développement des installations du réseau Ouest-État transforme Trappes, un petit bourg rural de Seine-et-Oise proche de Versailles en un véritable centre ferroviaire. L’implantation d’une population cheminote nombreuse bouleverse durablement les données sociales, urbaines et politiques de la commune : désormais, le groupe formé par les employés du chemin de fer et leurs familles y est prépondérant.

L’étude des cheminots, à partir des listes de recensements, permet d’apporter des éléments sur la formation de ce groupe social et professionnel nouveau dans la ville, sur l’évolution de l’identité des individus qui le composent tout au long de la période et sur leur recrutement. On n’a pas dégagé de profil type, mais plutôt le schéma d’une transformation des situations. Par ailleurs, l’existence d’une « société cheminote » est avérée et nous avons analysé les liens entre l’extension urbaine de Trappes, avec le développement des lotissements, et le façonnement de cette « société cheminote » relativement autonome et isolée, dont la réalité spatiale se manifeste dans les « quartiers cheminots ».

Enfin, nous avons étudié l’implantation du communisme à Trappes, tant du point de vue de l’organisation que de l’influence électorale, et le rôle majeur qu’y ont joué les agents du chemin de fer dont I’intégration dans la ville passe de façon générale par leur participation à la vie politique locale.

MAZEAU Guillaume, Le marquage symbolique de l’espace urbain et la mémoire de la seconde guerre mondiale à travers les noms des rues, 1943-1993, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 225 p.

L’étude de la mémoire des rues a fait apparaître trois périodes distinctes. La Libération (1943-1946) s’impose comme le premier et principal miroir déformant : brève, mais riche, elle fut teintée d’unitarisme autour du deuil, de la fête de la fin de la guerre et des espoirs nouveaux suscités par le concept de résistance. Elle vit aussi la constitution de la mémoire communiste.

La guerre froide et le moment gaullien (1947-1972) ont plutôt consacré un cloisonnement politique et social du souvenir. Cette organisation — chère à M. Halbwachs — a accompagné une répartition plus réfléchie du souvenir dans le décor urbain. Elle a en tout cas provoqué des conflits politiques comme l’a montré G. Namer dans Batallles pour la Mémoire. La Commémoration en France de 1945 à nos jours, Papyrus, 1983. Après I’effondrement de la mémoire communiste, le discours gaulliste a pu s’épanouir à travers une mythologie résistancialiste rassurante. L’exemple de Jean Moulin a montré que le souvenir officiel n’a vraiment été accepté que quand il répondait à une demande. Après 1973, la mémoire des rues a connu un essoufflement quantitatif, un morcellement et un renouvellement qualitatifs : l’ouverture du corpus dénominatif et le réveil de la mémoire juive en témoignent. Au fond, cette chronologie suit à peu près celle de H. Rousso même si les noms de rues ont fait preuve d’une ambiguïté spécifique, doués à la fois d’une hypersensibilité à l’actualité et d’une lourde inertie. Le regard rétrospectif a d’abord montré toute la diversité de la mémoire des rues : si les noms sont homogènes sur le territoire français, les acteurs de mémoire ont souvent tenté de s’approprier le souvenir national. Dans son article sur le nom des rues, D. Milo avait fait de la capitale l’inconditionnelle initiatrice des dénominations au niveau national ; en ce qui concerne la Seconde Guerre mondiale, Paris s’est, semble-t-il, plutôt borné à accompagner ou parfois à cristalliser un mouvement d’ensemble. Cette partie a aussi interrogé les usages symboliques de l’espace urbain, lieu de confrontation des identités sociales : le choix des voies publiques selon leur histoire, leur taille, leur situation et leur fréquentation touristique et socio-professionnelle organisent les mots et la syntaxe de plusieurs types de discours. Car si les contraintes matérielles ont joué un rôle, elles ont souvent pu être contournées.

Les conclusions surprennent peu : la mémoire des rues a célébré une France résistante et victorieuse. L’originalité des noms de rues a donc plus porté sur l’organisation de la mémoire en tant que support des représentations spatiales du social et du pouvoir : en transposant les dissensions nées de l’Occupation sur un plan symbolique, la mémoire des rues a, d’une certaine façon, participé au traitement du syndrome. Elle a d’autre part permis l’intégration d’une période peu glorieuse au syncrétisme national et républicain : le mythe fondateur a rassuré les Français et légitimé les régimes ultérieurs, car il a donné un sens à l’histoire.

Un regret : celui de ne pas avoir pu aborder les monuments et des autres lieux du souvenir, ce qui aurait été l’occasion de travailler sur un des éléments de la symbolique républicaine étudiée par M. Agulhon.

Les limites de notre travail semblent porter sur les sources utilisées : les grandes villes sont-elles représentatives de la mémoire nationale ? Le caractère elliptique, répétitif et semi-officiel des baptêmes de voies publiques ne restreint-il pas la portée de nos conclusions ? Les lacunes de certaines sources invitent enfin à la prudence et à l’autocritique.

NOËL Marie-Pascale, La naissance d’une commune en France : Les Ulis, Maîtrise [Antoine Prost-Annie Fourcaut], Univ. Paris 1, 1997, 251 p. + 1 vol. d’annexes

Au début des années 50, sur l’actuel territoire de la ville des Ulis, commune située sur un plateau à 25 km au sud-ouest de Paris, les terres labourées s’étendaient encore à perte de vue et appartenaient à deux petites communes de la Vallée de Chevreuse : Bures-sur-Yvette et Orsay.

En parallèle, la disparition du caractère rural du nord de l’actuel département de l’Essonne, commencée durant l’entre-deux-guerres, tendait à se confirmer. La démographie accélérée et l’émigration vers la capitale et sa périphérie obligeaient l’État à concevoir des réaménagements successifs de la région parisienne. Ce fut l’ère des grands ensembles, des zones à urbaniser en priorité, celle des villes nouvelles. Dans ce contexte, Bures-sur-Yvette et Orsay, restées modestes pendant des siècles, devinrent villes de banlieue à forte vocation scientifique. En 1960, sous la pression de l’État, elles créèrent en commun une zone à urbaniser en priorité sur le plateau pour y canaliser l’urbanisation et en assurèrent la gestion à travers un District Urbain. La zone fut donc urbanisée, habitée et on lui donna un nom : Les Ulis. En février 1977, dans un contexte français où la politique de l’État tendait plutôt vers la fusion des communes, le préfet décida de faire des Ulis une commune à part entière.

Les Ulis fut une réalisation originale, charnière entre les zones à urbaniser en priorité et les villes nouvelles, et unique en son genre tant dans sa conception urbanistique que dans son accession à l’indépendance. 196e commune de l’Essonne, elle est aujourd’hui une des plus jeunes villes de France et seulement la deuxième commune créée en région parisienne au XXe siècle, en dehors des villes nouvelles. Notre étude tente de comprendre pourquoi et comment cette réalisation a eu lieu, en quoi elle est originale, mais aussi comment elle fut perçue de l’intérieur et de l’extérieur. Pour cela, nous nous sommes notamment appuyés sur les témoignages de nombreux acteurs et spectateurs de la naissance de cette viIIe qui fête cette année ses vingt ans.

PLASSE Mathilde, Représentations et interprétations d’un militantisme passé : mémoire de femmes engagées à la SFIO sous la Quatrième République (1945-1958), Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 198 p. + annexes

En tant qu’il se définit comme une inscription volontaire dans les rouages d’un parti, par l’acceptation des valeurs et des finalités qu’il véhicule et la propagation de l’idéologie qu’il prône, le militantisme partisan apparaît comme une forme exigeante et fondamentale de l’implication politique. Cependant, peu de recherches s’intéressent à ce type d’engagement, et les femmes (sans doute parce que minoritaires donc moins représentatives) sont encore moins présentes que les hommes dans l’historiographie. Et la IVe République (1945-1958) constitue l’une des périodes pour lesquelles on s’est peu intéressé à l’inscription des femmes dans la vie politique. Pour l’organisation du corpus, la traditionnelle coupure en 1945, avec l’obtention du droit de vote et la reconstruction du Parti Socialiste SFIO, a été retenue comme opératoire. Cette étude s’est focalisée sur le cas de ce parti. Pour ce faire, elle a disposé de sources écrites partisanes (consultées à l’Office Universitaire de Recherches Socialistes), mais surtout d’une dizaine d’entretiens réalisés auprès d’anciennes militantes SFIO (militantes « de base », élues locales, fédérales et nationales, d’horizons géographiques et sociaux divers) qui constituent le matériau essentiel de cette approche. Le spécialiste d’histoire orale est ainsi parvenu à comprendre les tenants et les aboutissants (racines, conditions, modalités, niveau d’engagement, fonctions, obstacles rencontrés) de ce militantisme féminin, nullement objet de recherche jusqu’alors, mais qui a lui aussi contribué à écrire l’histoire du mouvement socialiste. Corollaire obligé des particularismes de l’histoire orale et des problèmes spécifiques liés à la mémoire (en tant qu’elle est reconstruction donc déformation du passé), cette étude veut être le reflet de la parole retrouvée de ces « ex » militantes, articulé le plus souvent possible avec la mémoire officielle émanant des archives partisanes. Elle montre comment une poignée de femmes autrefois militantes à la SFIO perçoivent et analysent a posteriori leur inscription dans l’univers militant et l’action militante Ce travail – à partir et au sujet de la mémoire militante – représente la première étape d’une recherche plus globale concernant une sociologie de la mémoire socialiste.

PONTNEAU Emmanuel, L’officialisation des radios libres en France : 1981-1984, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 140 p.

L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 provoque un total bouleversement du paysage radiophonique français. En quelques mois, la modulation de fréquence devient le théâtre d’un formidable foisonnement d’émissions. La nouvelle majorité abolit le monopole d’État en matière de radiodiffusion et autorise la création de centaines de radios locales privées (RLP) sur l’ensemble du territoire national. Le développement exponentiel de ces « radios libres » met rapidement les pouvoirs publics dans une situation d’urgence. L’exemple italien — où la déréglementation a entraîné une incontrôlable cacophonie sur les ondes — incite le gouvernement à réglementer rapidement ce nouvel espace de liberté d’expression afin que celle-ci soit effective. En moins de quatre années, la France passe d’une situation quasi monopolistique à l’émergence d’un nouveau média radio où service public, radios périphériques, RLP associatives et stations commerciales se côtoient. Désormais, 1600 stations FM émettent en métropole et dans les Dom-Tom. Cette mutation s’est opérée en trois grandes étapes législatives : un premier stade de simples dérogations au monopole (décret du 9 novembre 1981) est suivi d’une véritable réforme du système audiovisuel (loi-cadre du 29 juillet 1982) qui met en place une instance indépendante (la Haute Autorité de la communication audiovisuelle) chargée d’accorder des autorisations d’émettre à des RLP de type associatif. Le virage commercial pris avec l’autorisation de la publicité (loi du 4 août 1984) annonce une professionnalisation du média FM qui entre ainsi dans la cour des grands où l’amateurisme n’a plus sa place.

L’émergence de ce nouveau média grand public attirait les convoitises politiques, économiques et individuelles. Aussi les principaux thèmes développés dans ce mémoire sont : le pluralisme, les luttes d’influences, le financement et l’autorisation de la publicité, l’application de la législation et son respect (avec une attention particulière portée à la situation des RLP parisiennes). L’intérêt des deux principales sources de cette recherche — comptes-rendus de la Haute Autorité et dossiers de Jérôme Clément, conseiller technique de Pierre Mauroy — repose sur le double rôle d’observateurs et d’acteurs joué par leurs auteurs. Ce mémoire, qui n’a pas l’ambition de faire le récit exhaustif de ces trois années charnières pour les RLP, tente d’apporter un éclairage inédit sur les mécanismes institutionnels qui se sont mis en place pour gérer l’officialisation des radios libres.

RENAUD Alexandre, Le chaos et la réforme : mise en place des Comités d’Établissement et du Comité Central de la SNCF, 1982-1986, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 295 p

En 1982, les lois « Auroux » apportent un renouveau majeur des relations collectives dans le monde du travail. Entre autres changements, la loi du 28 octobre 1982 octroie de nouveaux moyens financiers, juridiques et matériels aux Comités d’entreprise. Cette même année, la SNCF arrive au terme de la convention qui lui avait donné naissance en 1937, et un débat est engagé entre la Direction, les syndicats et le ministère des Transports afin de décider de l’avenir des chemins de fer français. De ce débat et de la Loi d’orientation des Transports intérieurs (LOTI) du 31 décembre 1982, il résulte que la SNCF devient un Établissement public industriel et commercial (EPIC) à dater du 1er janvier 1983, et doit respecter le droit commun du travail en matière de négociations collectives et de représentation du personnel. À cause des spécificités techniques de l’exploitation ferroviaire et du poids de l’histoire sociale du monde cheminot, la SNCF était jusque-là restée en marge de ce droit commun. La réforme à engager s’annonce donc importante.

L’étude débute avec les lois Auroux et la « renaissance » que connaît la SNCF. Elle s’attache à l’intégration de cette nouvelle institution dans une organisation jusque-là marquée par le centralisme décisionnel, la division des tâches et une concertation sociale relativement limitée. Elle retrace la dynamique selon laquelle se sont heurtés puis conciliés l’impératif de réforme imposé par un texte de loi et l’inertie inscrite dans les structures et les mentalités d’un secteur professionnel aux pratiques séculaires. Elle relève la place prise par chacun des partenaires sociaux au cours de cette période ; les permanences et les ruptures des pratiques et des positions certes marquées d’intérêts politiques et matériels à court terme, mais également traversées par un ensemble de références et de réflexes que R. Barthes appelait des « mythologies ». Apparaît ainsi un monde cheminot craignant l’éclatement et qui, de haut en bas de la chaîne hiérarchique, se trouve enchâssé dans une organisation rigide du travail, protection contre le changement et handicap pour le renouvellement.

Cette étude s’inscrit dans un triple questionnement : premièrement, sur les interactions existant entre un texte de loi et son contexte d’application ; deuxièmement, sur l’importance de la concertation sociale et du poids de l’histoire des mentalités dans une dynamique d’entreprise ; troisièmement, sur la nécessité de concevoir l’histoire d’entreprise n comme une discipline majeure si l’on veut comprendre comment l’imbrication des pratiques professionnelles et sociales donne naissance à une culture d’entreprise qui pérennise les savoir-faire, implique aussi une part de résistance au changement et détermine un « tempo » du changement.

SAGASPE Sandra, Genèse de la construction et étude de la population initiale du grand ensemble de la Grande Borne à Grigny et Viry-Châtillon, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997

Ce mémoire a été réalisé dans le but de briser certains préjugés propres aux grands ensembles, plus communément appelés à l’heure actuelle : cités. Ces groupes d’habitations collectives, comportant parfois plusieurs milliers de logements, ont fait l’objet dès les premières constructions, apparues au milieu des années cinquante, de vives critiques. Aujourd’hui les grands ensembles apparaissent comme des ghettos réservés aux couches les plus modestes de la société où règne la délinquance.

À travers l’exemple de La Grande Borne, situé en Essonne, il est possible de comprendre la complexité du phénomène de dégradation nommé « le mal des banlieues ».

En effet, La Grande Borne a été construite à la fin des années soixante. Son implantation a donc lieu en pleine période de remise en cause des grands ensembles. La Grande Borne se veut originale par son architecture et supérieure par sa qualité de vie. Située en majeure partie sur le territoire de Grigny, elle est bien accueillie par les habitants, mais refusée par la municipalité qui ne souhaite pas un tel développement urbain. La population initiale de La Grande Borne est très différente de celle de la cité actuelle, d’ailleurs La Grande Borne des premiers temps semble avoir été un lieu agréable où se rencontraient différentes catégories sociales.

Ce mémoire permet donc de donner un bref aperçu de ce grand ensemble au début de son peuplement, fort différent de celui dont on parle aujourd’hui.

SILEM Samira, Les publications de Pomme d’Api de 1966 à 1980, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997

Le mensuel Pomme d’Api créé en 1966 pour la catéchèse des tout-petits, s’adresse d’abord à un public de 4 à 6 ans, avant de s’élargir aux 3-7 ans dans les années 70. Il répond à une plus grande préoccupation des parents pour l’éducation enfantine. La revue propose aux enfants une conception d’éducation par le jeu et l’amusement (les histoires et les activités manuelles). La revue se veut gaie et vivante, elle entend instruire tout en divertissant et être le complément de la famille en apportant un appui pédagogique aux parents. Pomme d’Api souhaite intégrer l’image dans l’écriture du journal, pour des enfants qui vont se trouver plongés dans un monde où la communication visuelle est dominante. La relation entre parents et enfants repose moins sur l’autorité que par le passé, l’éducation tendant à devenir un apprentissage de la liberté.

De 1966 à 1980, il est intéressant de voir comment une telle revue s’adapte aux mutations économiques, sociales et culturelles, la fin de la prospérité et début de la crise, libéralisation des mœurs et recul des cadres idéologiques. La première partie du mémoire traite de la présentation, de la conception et de la diffusion de Pomme d’Api, avec un intérêt particulier pour les techniques, les hommes et les stratégies commerciales. La deuxième partie étudie l’objectif de Pomme d’Api, soit la socialisation des enfants dès leur plus jeune âge par une initiation chrétienne où on apprend en jouant, mais aussi une information pédagogique pour les parents.

Pomme d’Api a évolué. L’image de Bayard Presse (une maison d’édition de droite, catholique et conservatrice) et son message se sont adaptés à un public qui a évolué alors que la diffusion s’élargissait et que les mentalités se penchaient davantage sur l’enfant. La place de l’enfant dans la société se transforme avec le contenu du journal (les dessins, les textes, l’extension de la pagination avec la création d’un cahier pour les parents, etc.).

La revue a plus d’unité graphique à partir de 1973, depuis la venue d’un maquettiste dans l’équipe. La rubrique « éveil religieux » se transforme en fonction des nouvelles méthodes catéchistiques et du nouveau public beaucoup moins croyant et pratiquant que dans les années 60. Le journal se concentre sur les plus petits à la fin des années 70, en publiant par exemple Petit Ours Brun.

VERNANT Judith, La FNDIRP et la réintégration des déportés 1944-1960, Maîtrise [Antoine Prost, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997

Ce mémoire étudie les réalisations de la Fédération nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes en faveur de la réintégration des déportés dans l’immédiat après-guerre. La Fédération a ce projet dès sa création, comme en témoignent ses premières actions : l’aide au rapatriement et à l’accueil des déportés en France.

Le plan du mémoire essaie de restituer la logique de ce processus lent et complexe en le divisant en trois parties dont les thèmes se suivent et se confondent parfois. La première partie, Rapatrier et définir le rôle d’une fédération de déportés, est consacrée aux débuts de la Fédération ; elle reprend donc les premières étapes de sa fondation et présente ses premiers pas ; elle traite des conditions nécessaires à la réintégration des déportés, c’est-à-dire du rapatriement et de l’accueil, et de ce qu’implique sa nature de groupement de personnes ayant connu les mêmes souffrances. La deuxième partie, Soigner les malades, traite de la mise en place des outils indispensables au soin et d’abord du service médico-social de la FNDIRP, qui permet aux autres services de fonctionner. Les dirigeants et fondateurs du service social créent le dispensaire de la Fédération et participent activement aux études sur la « pathologie concentrationnaire » dont ils contribuent à faire une nouvelle discipline médicale. La Fédération ne peut prendre seule en charge la totalité des soins dont ont besoin les victimes de guerre, son service social joue donc aussi le rôle d’intermédiaire entre les malades et les responsables des établissements hospitaliers, et en particulier des sanatoriums. Mais le soin n’est pas le terme du processus. Les déportés doivent ensuite réintégrer la société et la Fédération se propose de les y aider. La troisième partie, Réintégrer la communauté humaine, étudie les actions de la FNDIRP dans cette direction, en mettant l’accent sur deux d’entre elles : la réadaptation professionnelle et l’aide à l’enfance. La première est matérialisée par la création du Centre « Jean-Moulin » à Fleury-Mérogis qui concilie l’apprentissage d’un métier et le suivi des convalescents. La seconde consiste surtout à envoyer des enfants en colonie de vacances ce qui fait écho encore une fois à l’idée de solidarité entre les membres de la Fédération.

1996

ANTELMI Valérie, Les incidents dans le métro parisien sous l’Occupation, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 335 p.

Avec l’entrée à Paris le 14 juin 1940 des troupes d’occupation de l’armée allemande, les Parisiens voient leur existence bouleversée : les troupes s’installent, organisent et parent la ville à l’heure allemande. Le quotidien des Parisiens s’adapte alors aux nouvelles conditions de la cité assiégée.

Le métro, élément essentiel de la vie parisienne, prend lui aussi un nouveau visage ; dorénavant, dans les trains surchargés se côtoient journellement membres de l’armée allemande et Parisiens.

La Compagnie du métropolitain parisien, assurant un service public indispensable à la région parisienne, intéresse les occupants ; les membres de l’armée allemande utilisent le réseau pour voyager, mais aussi ses installations, ses ateliers et son personnel pour le service de la Wehrmacht, comme par exemple la réparation des chars et autres véhicules de l’armée hitlérienne. De plus, un conseiller allemand est attaché en permanence à la direction des Transports en Commun de la Région Parisienne et supervise l’organisation de l’entreprise. Le métro est sous tutelle allemande.

Au-delà des bouleversements internes à la CMP, l’usager du métro ressent et observe chaque jour l’intrusion de l’occupant et son autorité sans faille. Les comportements s’ajustent alors au contexte, mais parfois une querelle éclate, une voix plus forte se fait entendre. La nature de l’ordre public en ces temps troublés devait bien entendu se conformer aux conditions nouvelles du Paris occupé. Un calme apparent devait être maintenu, les réfractaires au nouvel ordre bâillonnés, les délinquants arrêtés.

La Préfecture de la Seine demande alors au directeur de la CMP, Paul Martin, de lui faire parvenir régulièrement des rapports d’incidents s’étant déroulés dans l’enceinte du métro et menaçant directement la sécurité publique. Les relevés d’incidents, transmis à la Préfecture et de fait aux autorités allemandes, avaient alors valeur d’indices et fournissent aux autorités de précieux renseignements.

Aujourd’hui, tous ces relevés, conservés aux Archives de Paris dans le fonds du cabinet du Préfet, forment une source exclusive et complète d’une valeur exceptionnelle. En effet, par-delà les descriptions détaillées et parfois anecdotiques des incidents, se dégage à l’étude des rapports une notion de l’ordre public construite, des critères d’ordre inhérents au contexte tout à fait intéressants. Outre l’étude des incidents eux-mêmes, nous pouvons alors observer comment le métro à cette époque était le théâtre, mais aussi l’enjeu des diverses forces antagonistes.

APOCALE Sophie, Assistance et bienfaisance à Aubervilliers : 1893-1945, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 192 p.

Ce mémoire porte sur la bienfaisance et l’assistance à Aubervilliers de 1893 à 1945. Au fil des pages, nous avons tenté de décrire le développement de la législation d’assistance en France. Puis à l’échelle locale, nous avons analysé comment la commune organisait ses services d’aide au cours de ce demi-siècle. Enfin, nous avons tenté de comprendre qui étaient les Albertivilliariens pauvres et dans quelle mesure ils étaient aidés.

Cette triple interrogation a nécessité un travail à partir de sources multiples et variées. L’étude du corpus de lois d’assistance nous a permis de décrire les avancées sociales au plan national. La politique de bienfaisance et d’assistance de la commune a pu être analysée grâce aux délibérations du conseil municipal, du bureau de bienfaisance, de l’hospice et aux comptes et budgets de la municipalité. Enfin, la lecture de la presse (le journal de Saint-Denis principalement) et de quelques œuvres sur la banlieue en général et Aubervilliers en particulier, nous a permis de nous faire une idée sur la vie albertivilliarienne.

Ce travail sur l’assistance et la bienfaisance s’est heurté à plusieurs obstacles. En effet, il est difficile de définir le pauvre et la pauvreté, et de plus, sur certains points, les sources ont été insuffisantes (l’avis des principaux acteurs de cette étude, les pauvres, ne peut être connu).

Cependant, ce travail a permis de relativiser les débuts du Welfare State en démontrant la place prépondérante de la bienfaisance dans cette première moitié du XXe siècle, et les efforts des municipalités successives pour l’organiser. Ces efforts sont bien supérieurs à ceux énoncés dans « Gentils enfants d’Aubervilliers ».

BARRAU Grégory, Mai 68 et l’Église catholique : le clergé face au mouvement contestataire, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 163 p.

La contestation du printemps 1968 en France ne concerne a priori l’Église de France que de façon anecdotique ; si une contestation cléricale est visible pendant les événements, elle peut apparaître à première vue comme un effet secondaire du mouvement social, une aspiration libertaire particulière dans la trame des « événements ». Pourtant l’Église catholique se heurte à la contestation de façon brutale et sur deux plans différents.

On a pu considérer le mouvement social comme une « crise de civilisation », comme le diagnostiquait « à chaud » le Premier ministre Georges Pompidou ; en cela l’Église catholique, fondement traditionnel d’une partie de l’identité française, ne pouvait échapper à la remise en question. On ne trouve cependant guère de manifestations d’anticléricalisme dans les cortèges ou sur les barricades. L’Église a-t-elle encore à voir avec la société qui l’entoure ? C’est la question que l’institution se pose à elle-même, soulevant dès lors une grave crise du catholicisme, qui, dans la ligne du Concile Vatican II, se cherche une forme d’existence en phase avec son temps. L’attention plus grande et explicite portée au fait politique de la part du clergé catholique est un signe de cette recherche. La contestation de Mai prend donc cet écho inattendu dans l’Église, révélateur et accélérateur d’une crise religieuse.

Les événements de Mai peuvent apparaître aussi comme le déclencheur d’une contestation nouvelle. La frange progressiste du clergé catholique, proche des idées politiques de la gauche, voire de l’extrême gauche, se reconnaît dans le mouvement contestataire et s’en trouve dynamisée. Au cœur des événements, le noyau dur de la contestation de l’Église, se révélant comme un anticléricalisme religieux, se constitue et annonce les troubles à venir.

L’Église catholique n’a pas « fait Mai 68 », mais elle s’est trouvée impliquée irrémédiablement dans les événements. Aussi paradoxalement, si elle pouvait apparaître comme peu concernée par l’esprit du mouvement, l’Église fut sans doute l’une des institutions les plus touchées par les événements du printemps 1968.

BREZOT Hervé, La presse et la question des prêtres ouvriers de 1947 à 1954 : le traitement de l’affaire des prêtres ouvriers par la presse nationale française au lendemain de leur naissance jusqu’à leur condamnation, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 359 p.

Observer à travers le prisme de la presse nationale parisienne, élargie à la presse catholique, te qui nous est apparu comme « l’affaire des prêtres-ouvriers », de 1947 (entrée définitive à l’usine) à 1954 (condamnation de « l’expérience » par le Saint-Siège) et ainsi éclairer cette frange de l’histoire ouvrière et religieuse à la lumière d’une source qui lui était contemporaine, tel était le but de notre travail.

Nous espérions comprendre comment l’engagement d’une centaine de prêtres, engagement silencieux dans la classe ouvrière et le mouvement ouvrier en rupture avec une pastorale traditionnelle, est devenu, au fil de ces années, une affaire médiatique, un sujet de polémique tel que Rome y mit fin brutalement.

Les prêtres ouvriers passent inaperçus jusqu’à la fin des années quarante malgré leur consécration par le cardinal archevêque de Paris qui leur vaudra le seul intérêt de la presse catholique. Par la suite, la question des prêtres ouvriers fera la une de la presse à trois reprises et sur des périodes plus ou moins étendues.

En juillet 1949, ils apparaissent pour la première fois sous les feux de la presse « à sensation », à l’occasion de la condamnation par le Vatican de la doctrine communiste et de ses soutiens.

Du printemps à l’automne 1952, la sortie d’un roman, l’engagement médiatique des pères Barreau et Depierre dans le mouvement ouvrier, souvent aux côtés des communistes, la participation mouvementée de deux d’entre eux à une manifestation quasi insurrectionnelle, alimentent l’intérêt soudain que la presse leur porte. Passé le romantisme des premiers temps, les articles consacrés aux prêtres ouvriers constituent désormais des mises en accusation, des dénonciations, des critiques tendancieuses, des soutiens discutés et des appuis intéressés ou sincères.

Enfin, les désaveux et l’intervention de Rome rendus public a la fin de l’été 1953 marquent le coup d’envoi d’une campagne de presse sans précédent concernant une question religieuse. Il apparaît que « le problème » des prêtres ouvriers déborde du cadre strictement religieux dans lequel les voix autorisées de l’Église voudraient le contenir. Sur six mois, tous les journaux ont un commentaire, une révélation, une opinion à rendre publique. Le débat théologique est entretenu et les décisions de la hiérarchie catholique sont discutées tout autant par les journalistes proches des milieux catholiques que les laïcs les plus radicaux. Le 1er mars 1954, leur condamnation sera effective et irrévocable. Dès lors, la presse se désintéressera, progressivement, des suites de ce qui a été l’affaire des prêtres ouvriers.

BRUNO Anne-Sophie, Les dispensaires municipaux pendant l’entre-deux-guerres : l’exemple de la banlieue sud-est de Paris, Maîtrise [Claude Pennetier, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 213 p.

Cette étude des dispensaires municipaux de la banlieue sud-est de Paris pendant l’entre-deux-guerres s’attache tout particulièrement aux centres de santé des villes d’Alfortville, Choisy-le-Roi, Ivry-sur-Seine, Maisons-Alfort, Orly, Villejuif et Vitry-sur-Seine ; la diversité des statuts et des modes de fonctionnement rencontres permet l’introduction de points de comparaison. Au-delà de cette diversité, l’analyse des dispensaires municipaux révèle cependant de lien étroit unissant domaine médical, choix politique et réalité sociale. Si l’approche privilégiée ici relève davantage d’une histoire des idées que d’une histoire de l’opinion publique, faute de sources ayant trait à celle-ci, l’enjeu est de déterminer l’articulation entre les idéologies développées au sujet des dispensaires par certains milieux médicaux ou politiques et la réalité concrète des centres de soins municipaux.

Il s’agit donc de déterminer quelle forme spécifique de médecine publique le dispensaire tend à instaurer et quelle est la valeur de modèle qu’il a pu revêtir dans le système de santé français. Cherchant à définir son originalité non seulement par rapport au système hospitalier, mais aussi par rapport à la médecine libérale, le centre municipal de santé tend à instaurer une prise en charge complète de la santé par les pouvoirs publics, tant par le financement des infrastructures sanitaires que pour le remboursement au moins partiel, des soins ou pour leur exécution. Or, il semble que le choix fait en France, après la Libération, d’adopter un système mixte — reposant sur une intervention des pouvoirs publics en matière de remboursement ou de financement, mais maintenant le principe du libre choix du praticien, essentiellement le médecin libéral — n’ait laissé qu’une place marginale au dispensaire municipal ; le rôle du dispensaire reste lié, comme à ses origines, à la prise en charge médico-sociale des personnes situées en marge du système général de soins.

CANTEUX Camille, Le père Lhande et la banlieue parisienne, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 213 p.

En 1927, 1930 et 1931, le Père Lhande, jésuite originaire du Pays basque, publie une trilogie sur la vie religieuse dans la banlieue parisienne intitulée « Le Christ dans la banlieue ». Ces ouvrages, qui se présentent sous la forme d’un reportage, décrivent les conditions de vie des banlieusards et de leur clergé dans un style coloré et enlevé.

Cette série d’enquêtes rencontre un succès immédiat et les multiples appels de leur auteur à la générosité des lecteurs sont largement entendus. Rapidement, les dons en faveur du clergé de banlieue affluent et l’œuvre du Père Lhande prend une ampleur imprévue.

À partir de la trilogie du « Christ dans la banlieue », et des archives privées du Père Lhande, retrouvées aux Archives françaises de la Compagnie de Jésus, nous avons étudié la relation du Père Lhande à la banlieue parisienne. À travers un bref examen de la biographie du Père Lhande, nous avons montré comment il en est arrivé à s’intéresser à la banlieue, et quelle place celle-ci a prise dans sa vie et dans son œuvre ; l’étude des publications du Père Lhande sur la banlieue permet de voir quelle image de cet espace elles ont diffusée. Enfin, les conséquences du succès du « Christ dans la banlieue » sont analysées avec précision, qu’il s’agisse de l’influence que le Père Lhande a pu avoir sur la façon dont la banlieue était perçue, ou du rôle de son œuvre sur les réalisations de l’Eglise dans l’entre-deux-guerres.

CÉPÈDE Frédéric, Les maisons d’édition du Parti socialiste SFIO, 1905-1939, Maîtrise [Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 129 p. + 73 p. d’annexes

En centrant notre recherche sur les maisons d’édition du Parti socialiste SFIO, de sa création en 1905 à la veille de la Seconde Guerre mondiale, nous souhaitions compléter les connaissances acquises en matière de propagande et d’éducation par écrit, et plus particulièrement par le livre et la brochure. L’organisation de ce secteur permet d’éclairer le mode de fonctionnement de ce parti, l’attention qu’il porte à la formation de ses adhérents, de ses militants et de ses cadres, et, en ce domaine, de comparer le discours et les actes.

Entre 1905 et 1914, la production « officielle » du Parti socialiste tourna autour de 3 à 4 brochures par an, puis entre 1921 et 1939, autour de 7. Force est de constater que jamais, au cours de la période, ses efforts ne lui permirent de mettre en place durablement une véritable maison d’édition. Il tenta d’organiser ce secteur, mais il se limita bien souvent à la tâche de propagande électorale, bien loin du programme d’action, rappelé par Léon Blum à la tribune du congrès de Tours en 1920, « d’éducation populaire et de propagande politique ».

Au regard de cette production éditoriale, on a aussi pu cerner le rôle des principaux leaders (Jules Guesde, Jean Jaurès, Léon Blum, Paul Faure…). Nous avons également pu constater que les grandes controverses (sur la guerre et la paix, le planisme,…) ne purent s’exprimer dans les éditions du Parti.

Le mode de fonctionnement en tendances et surtout la concurrence entre celles-ci freinèrent les initiatives du Parti. Cependant, celui-ci sut faire preuve, en certaines circonstances (en 1919, et entre 1934 et 1938), de plus de dynamisme. Dans le même temps, sur ses marges, des groupes et des éditeurs commerciaux tentèrent de pallier les carences unanimement dénoncées ! L’espace semblait donc exister pour permettre la création d’une maison d’édition, mais la volonté ou le pouvoir politique pour l’imposer firent défaut.

En annexe à notre mémoire, nous proposons un catalogue des éditions du Parti socialiste (éditions « officielles », mais aussi des courants, groupes, fédérations…), qui sans être exhaustif pour les éditions non « officielles », recense près de 900 titres de livres et brochures édités par les socialistes entre 1905 et 1939, mais aussi entre 1942 et 1969.

CHALANE Hakim, Les syndicalistes algériens de la régie Renault à Billancourt de 1954 à 1962, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 165 p.

La Société Anonyme des Usines Renault, nationalisée le 16 janvier 1945 par ordonnance, devient l’entreprise pilote dans les nouveaux rapports sociaux que l’État veut voir se mettre en place à la Libération. La relative liberté que connaissent les syndicats, et plus particulièrement la CGT qui y est majoritaire, et à travers elle le PCF par l’influente section Renault du parti, donne à cette entreprise un rôle majeur au niveau des revendications sociales. Dès 1914 et jusqu’à 1929, l’essentiel de l’immigration accueillie à la Régie est d’origine nord-africaine. Mais ce n’est que durant les années 1950, et parallèlement à l’accroissement de l’émigration algérienne entre 1947 et 1955, que l’effectif des ouvriers algériens progresse chez Renault. Les syndicalistes algériens ne se présentent pas en un seul bloc, et l’hégémonie du Mouvement pour le triomphe des libertés, créé en 1947 et divisé en deux courants, est remise en cause par l’apparition du Front de libération nationale avec le déclenchement de la guerre d’Algérie. La minorité communiste des Algériens adhérents au PCF constitue la troisième composante. En 1954, on retrouve par conséquent trois tendances les messalistes groupés au sein du nouveau parti de Messali Hadj (le Mouvement national algérien créé le 1er décembre 1954), ceux qui s’opposent à son hégémonie (les centralistes qui sont minoritaires en France et ont rapidement adhéré au FLN) et les communistes.

À travers l’étude des syndicalistes algériens de la CGT travaillant à la Régie Renault à Billancourt, nous avons cherché à comprendre comment ils ont affronté leur double identité, de militants nationalistes et de militants syndicaux, pendant la guerre d’Algérie. Quelles transformations la guerre a-t-elle opérées dans leurs discours et leur rapport au syndicalisme.

La guerre opère une redistribution des influences et des responsabilités à la faveur du FLN qui triomphe du MNA, pour le contrôle de l’émigration algérienne et pour la reconnaissance de son hégémonie dans la lutte pour l’indépendance. Ces règlements de compte se retrouvent de la Régie avec l’assassinat, le 24 septembre 1957, du responsable du syndicat indépendant messaliste (l’Union des syndicats des travailleurs algériens fondée le 25 décembre 1955), en la personne de Mellouli Saïd. En octobre, avec l’élimination d’une partie des cadres de l’USTA, les militants messalistes rejoignent plus ou moins volontairement l’Amicale générale des travailleurs algériens, émanation du FLN et représentation de l’Union générale des travailleurs algériens fondée le 24 février 1956. Organisé d’abord en cellule, le FLN à la Régie se structure avec la création de l’Amicale en février 1957 en Conseil d’entreprise, et s’assure le contrôle de syndiqués algériens, mettant fin au pluralisme des tendances. Les communistes algériens rejoignent eux aussi le FLN, suite au vote des pouvoirs spéciaux par les députés communistes le 12 mars 1956. Dès lors, le discours de ces hommes qui continuent à militer à la CGT, conserve un contenu social, mais devient plus revendicatif et agressif en ce qui concerne l’indépendance de l’Algérie. Le rajeunissement des dirigeants, la montée de nouvelles figures aux postes de responsabilité syndicale illustrent ce constat. Le FLN opère dans ce milieu une recomposition ou il n’y a plus de place pour le pluralisme. Le syndicalisme n’est plus que le rouage ouvrier de l’organisation politico-administrative du FLN. Il n’a pas vocation à inspirer la révolution, il doit lui servir de relais pour rechercher des soutiens auprès des organisations ouvrières, les informer, et former les futurs cadres du jeune syndicalisme algérien qui doit se mettre en place à l’indépendance.

COGEZ Bruno, Les zones d’éducation prioritaires (origines, projets, mise en place) : 1966-1985, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 168 p. + 58p d’annexes

Les Zone d’Éducation Prioritaires ont été proposées par Alain Savary dès le 1er juillet 1981 afin de démocratiser l’enseignement en France. L’étude porte sur la genèse de cette politique, de ses origines jusqu’à sa mise en place (ce travail est l’étude de la genèse d’une politique qui a depuis été grandement modifiée).

L’idée appartient au SGEN-CFDT au début des années soixante-dix. Elle avait été développée par un instituteur, Alain Bourgarel (responsable syndical de 1971 à 1975), qui s’était inspiré des « Educational Priority Areas » britannique (1967-1970) pour compléter la huitième catégorie de l’enfance inadaptée des « handicapés sociaux ».

Le Parti socialiste propose dès 1974-1978, une « école inégalitaire », notion proche des Z.E.P., grâce à Jean-Louis Piednoir (associé a la rédaction du Plan socialiste pour l’Éducation et ancien responsable syndical du SGEN). Mais ce projet ne fut mis en place qu’en juillet 1981 sous le nom de « zones prioritaires ». La transition entre le P.S. et Alain Savary fut l’œuvre de Christian Join-Lambert, chargé de mission en 1981 auprès du ministre. Mais cette politique de « discrimination positive » fit craindre à certains la fin de l’école de Jules Ferry et sa mise en place fut repoussée à 1982.

Les Z.E.P. étaient gérées par le groupe de pilotage ministériel de la politique des zones prioritaires, constitué dès 1982 sous la responsabilité de Pierre-Yves Duwoye (un groupe travaillant à l’évaluation régulatrice fut créé en 1984). Des liens furent établis avec la commission interministérielle « Dubedout » de développement social des quartiers. La mise en place de cette politique sur le terrain est étudiée à travers ses principales caractéristiques (carte des Z.E.P., évolution de sa population, moyens supplémentaires distribués, etc.).

Alain Savary avait proposé cette politique pour lutter contre inégalités sociales et plus particulièrement contre l’échec scolaire. Pour lui, cette politique reposait sur l’ouverture du système éducatif sur l’extérieur, sur la décentralisation et l’autonomie et enfin sur la cohérence avec l’ensemble de la rénovation du système.

COHEN Déborah, Judéités germaniques en exil : problèmes d’appartenance dans la France des années trente, Maîtrise [Bruno Groppo, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996

Les recherches sur les réfugiés du Troisième Reich dans la France des années Trente se sont concentrées pendant longtemps principalement sur deux catégories : les émigrés politiques proprement dits, d’une part, et l’émigration littéraire et artistique, de l’autre. On a eu tendance à oublier que la grande majorité des réfugiés était composée de Juifs, qui n’étaient ni des militants politiques ni des personnalités littéraires. Ce mémoire s’efforce de remédier en partie à cette lacune. Il s’intéresse principalement à ce groupe central, les réfugiés juifs, et à leur situation particulière dans la France des années Trente. Il montre, tout d’abord, l’extrême difficulté, pour ces exilés, d’être reconnus comme des réfugiés politiques par les pouvoirs publics français, puisque leur situation ne correspondait pas aux catégories traditionnelles utilisées en France pour définir les réfugiés politiques. Il étudie ensuite les problèmes d’appartenance et d’identité qui se sont posés à ces personnes, déchirées entre germanité, judéité et volonté de s’intégrer dans le pays d’accueil. En s’appuyant sur des sources très différentes, le mémoire montre comment, en dehors du champ politique, des solidarités de fait se sont construites et ont aidé ces réfugiés juifs à survivre.

La deuxième partie du mémoire aborde un aspect encore peu connu de l’exil allemand en France : la création et le fonctionnement de quelques colonies agricoles juives, qui avaient pour objectif de modifier la structure sociologique traditionnelle de la communauté juive pour répondre à la fois à l’argumentation antisémite et à un problème social. S’intéresser aux réactions suscitées par ces initiatives est aussi l’occasion de voir comment, en France et à cette époque, s’élabore le discours antisémite, au croisement de concepts globalisants et de l’actualité ponctuelle.

La dernière partie, consacrée aux enjeux idéologiques, étudie l’influence de l’émigration juive allemande sur la formation de l’antisémitisme qui se déploiera sous Vichy. Le souci dominant est alors de redéfinir la nation en en excluant les étrangers. De la stigmatisation de l’étranger juif à l’idée du Juif comme étranger au corps de la nation il n’y a qu’un pas. Face à cet antisémitisme en formation et se masquant encore, les Juifs allemands émigrés ne surent pas renoncer à leurs illusions et à leur volonté d’intégration.

COLLIN Élisabeth, Les ouvriers des ateliers du métropolitain, leurs actions, leurs revendications : 1949-1956, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 229 p.

Nous avons dressé un tableau de la vie politique et syndicale dans les ateliers d’entretien du métro de 1949 (date de la création de la RATP) à 1956 (début de la modernisation du matériel roulant). Les acteurs de cette vie syndicale sont les ouvriers, ils ont de nombreux avantages sociaux garantis par leur statut du personnel. Leur syndicalisation est très ancienne.

Après une présentation des différents ateliers, et des diverses lâches techniques que les ouvriers doivent accomplir sur les trains, nous avons dressé un portrait « « de ces ouvriers et de leurs syndicats. L’ouvrier type des années 50 est qualifié, le plus souvent d’origine provinciale, il travaille dans un atelier de taille moyenne (de 50 à 400 ouvriers) dans des conditions assez médiocres, et pour un salaire assez faible. Enfin, il est généralement syndiqué à la CGT. Il existe d’autres syndicats, minoritaires : FO, CFTC, et un syndicat autonome ouvrier. La CGT appelle souvent à l’unité d’action, mais les autres organisations la suivent assez irrégulièrement.

Les ouvriers s’associent dans des mouvements de protestation pour des raisons professionnelles, mais également pour des motifs politiques. Toutes les revendications n’aboutissent pas systématiquement à une grève. Les revendications très particulières aux ateliers restent presque toujours au stade des réclamations ; alors que les revendications plus générales à l’entreprise sur les salaires, les retraites, la durée du travail conduisent presque toujours à des arrêts de travail. Dans l’ensemble, les pétitions repoussent unanimement toutes les mesures d’économie que veut faire la RATP au détriment des travailleurs, et refusent toutes les réductions des avantages acquis. Enfin, les revendications à caractère politique ou syndical mènent souvent à des grèves.

Les ouvriers peuvent montrer leur mécontentement de différentes façons. Le plus souvent, ils commencent par rédiger une pétition qui expose les revendications, puis ils débrayent pour se faire entendre par la direction. Quand ces actions n’aboutissent pas et que la combativité reste forte, l’action se durcit : c’est la grève. Parfois les syndicats parviennent à s’unir, tous les ouvriers participent alors à la grève, et celle-ci dure plus longtemps (comme en 1951). La participation varie selon le type de grève, par exemple les grèves politiques rassemblent beaucoup plus que les mouvements pour les salaires. Enfin, des négociations souvent difficiles mettent un terme aux grandes grèves (1951, 1953, 1955).

Les résultats des actions montrent que dans les années 50, les syndicats jouent un rôle non négligeable dans l’amélioration de la condition ouvrière. La CGT possède une réelle faculté à mobiliser les ouvriers. Ces années d’après-guerre sont une période test pour la construction d’une unité d’action ouvrière. Cette unité paraît indispensable pour gagner les différentes luttes, mais on en découvre rapidement les limites.

COMESTAZ Yvan, Criminels et justiciers dans le cinéma français des années trente : analyse comparative de treize films réalisés entre 1931 et 1939, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 244 p.

L’objectif de ce travail est d’étudier, en comparant treize films, et en se limitant à leur étude « textuelle », la généalogie d’une figure du criminel qui atteint son apogée avec les personnages interprétés par Jean Gabin. Après une première partie sur l’évolution antérieure du thème criminel, la délimitation de la période (les années trente), du corpus (treize films de fiction) et l’exposé de la méthode d’analyse, une seconde partie est consacrée à repérer l’apparition d’un nouveau récit justicier : les formes du récit instituent le spectateur de ces films en juge et partie ; en conséquence, l’espace de la justice institutionnelle, le tribunal, est déréalisé et nié. La rue, la ville, le dehors sont institués nouveaux espaces de revendication et de justice (se pose alors le problème du réalisme). Dans une dernière partie sont étudiés directement les enjeux et les acteurs du conflit : d’un opposant global identifié à la société ou à la fatalité, on passe à la désignation claire d’ennemis à laquelle peut seul répondre le meurtre, qui s’en trouve justifié.

On a pu, finalement, observer une évolution en trois temps : dans la première partie des années trente, dans un décor mal défini, le criminel reste un marginal, dont les révoltes et les plaintes ne trouvent aucun moyen de s’exprimer sur la place publique, même pas par le meurtre ; autour de 1936, deux films de Jean Renoir essaient d’évoquer l’idée d’une justice collective qui va jusqu’à faire perdre au meurtre son caractère illégal ; mais dans un troisième temps, avec les films de la « période Gabin », en particulier ceux de Marcel Carné, un personnage populaire intégré à un décor urbain ouvrier (à présent seul monde possible) et récupéré par la dramaturgie du héros bourgeois est poussé, par des motifs principalement sentimentaux, à assassiner un personnage dont les atours de bourgeois dissimulent surtout l’inhumanité. L’exil ou Ie suicide du meurtrier symbolisent la socialisation de cette figure qui a intégré la morale auparavant déployée dans les tribunaux ; mais le meurtre est à présent pleinement justifié, puisqu’il vise à faire disparaître un être que sa caricaturale théâtralité (cf. Jules Berry), sa monstruosité, voue au bannissement de l’espace cinématographique, envahi par le corps parfait de Gabin.

DA CRUZ Alfrédo, Présence portugaise : l’immigration portugaise vue à travers un journal de l’Eglise catholique de France, Maîtrise [Annie Fourcaut, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 197 p.

Vatican II souligne la mondialisation des rapports entres les hommes et renforce le rôle des paroisses locales. C’est dans ce contexte qu’en France certains prêtres vont s’intéresser aux problèmes matériels puis culturels des immigrés, notamment les Portugais dont le nombre se multiplie dans les années 60. L’Archevêché de Paris charge alors Marie-Jean Mossand, ancien aumônier de la JOC, de coordonner les initiatives des prêtres en faveur des immigrés. Celui-ci rencontre à cette occasion Roger Maksud, encore séminariste, qui réalise un bulletin paroissial en portugais, intitulé « Présence Portugaise », dans le secteur d’Ivry et Vitry-sur-Seine.

Leur action va vouloir dépasser l’activité de l’Action Catholique Ouvrière, qui ne touche que les militants syndicaux, en s’adressant directement à la masse des Portugais. Cela n’ira pas sans frictions avec l’ACO, traditionnellement réticente à cette « incursion » des prêtres sur un terrain laïque. Ceux-ci refusent, en effet, de cantonner le travail pastoral au culte religieux, ce que, par ailleurs, fait déjà la Mission Portugaise en perpétuant la religion traditionaliste en cours au Portugal.

Mossand et son équipe définissent donc un champ d’intervention original en voulant toucher la grande masse des Portugais par l’esprit de Vatican II. On voit à travers « Présence Portugaise » différentes stratégies. D’abord, jusqu’en 1970, « Présence Portugaise » incite à l’engagement syndical, afin d’intégrer les Portugais à la société française, préalable à une bonne évangélisation. Mais par la suite, le journal met surtout l’accent sur la connaissance des événements politiques au Portugal et la reconnaissance de la culture d’origine des immigrés, ce qui s’accompagne d’un soutien aux associations portugaises.

DELOUS Olivier, Les anarchistes à Paris et en banlieue, 1880-1914 : représentations et sociologie, Maîtrise [Claude Pennetier, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 287 p.

Ce travail propose une approche des anarchistes du département de la Seine entre 1880 et 1914 et tente de démontrer la possibilité d’une prosopographie, à partir du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français d’une part et des archives publiques, essentiellement policières, d’autre part.

Au préalable, une réflexion est menée sur les modes de représentation dont cette population est l’objet dans la société et notamment sur les mécanismes de construction d’un consensus très chargé négativement, qui n’est pas sans rapport avec la structure sociale du système des revendications. Le regard policier y est décrit dans sa double dynamique, l’une liée à sa fonction opératoire attendue et permanente de surveillance et de répression — qui se nourrit du consensus et l’entretient — l’autre, à la nécessité d’une évaluation au plus juste des nouveaux dangers anarchistes (anarcho-syndicalisme et antimilitarisme) et qui conduit le sommet de la hiérarchie policière à affiner sa perception du mouvement peu après l’ère des attentats, en lui concédant un ancrage historique séculaire et en écartant définitivement la thèse du complot terroriste.

Les 1 439 biographies retenues sont interrogées d’abord selon différents indicateurs, démographiques, géographiques ou socio-professionnels, pour autoriser une estimation des modes d’implantation et de diffusion des idées anarchistes dans le département durant toute cette période, ainsi qu’une analyse des traits significatifs du rapport des anarchistes au travail, à la famille, à la société. On peut alors dégager les éléments constitutifs d’une pratique politique originale — traversée par des tendances très diverses — à travers deux aspects fondamentaux : le mouvement d’une part et les milieux d’autre part. Sont ainsi présentées de façon complémentaire, mais distincte les tentatives d’organisation, les actions des anarchistes du département et une typologie des compagnons (selon leur degré d’investissement et leur adhésion à certaines tendances), le tableau synoptique des groupes et leur fonction, etc. En outre, une mention particulière est faite des rapports qu’entretiennent Paris et la banlieue, espaces d’expression anarchiste bien différents, notamment à travers les expériences de « milieux libres ». Enfin, nous sommes mieux à même d’analyser l’attitude des compagnons face à la Première Guerre mondiale et de quantifier leurs diverses positions.

DROZDOWIEZ Sophie, Jeanne Mélin (1877-1964). L’apôtre de la paix et l’ardente propagandiste féministe, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Paris 1, 1966, 273 p.

Née dans une famille d’industriels du nord-est de la France sept ans seulement après la guerre de 1870, rien ne présageait Jeanne Mélin à devenir une ardente militante pacifiste pendant près de quarante ans.

Dès ses premières années, elle apprend grâce à sa famille à « aimer la paix ». À l’âge de 18 ans, elle commence son apostolat dans l’organisation pacifiste « La paix et le désarmement par les femmes ». Les organisations pacifistes, féministes et le Parti socialiste obtiennent sa collaboration active.

Mais le déclenchement de la guerre ruine tous ses espoirs. Engagée dans un premier temps dans les œuvres sociales, Jeanne Mélin reprend son combat pacifiste dès 1915 au sein du « Comité international des femmes pour une paix permanente », future « Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté », qu’elle ne quittera plus jusqu’en 1927. Déléguée par cette organisation, elle participe aux Congres internationaux pacifistes de Zurich en 1919 et de Vienne en 1921. Nommée Messagère de la paix à la Conférence de La Haye en 1922, elle est envoyée auprès des gouvernements européens pour réclamer l’instauration d’une paix durable. Pendant la guerre et dans l’entre-deux-guerres, Jeanne Mélin demeure également une ardente militante féministe, au « Comité d’action suffragiste », à l’« Union française pour le suffrage des femmes » et au « Comité d’action pour le suffrage immédiat ».

En 1927, alors que la maladie de sa mère ralentit son activité, Jeanne Mélin se découvre une nouvelle passion, l’écriture.

La montée des menaces de guerre et l’ouverture prochaine de la Conférence pour le désarmement (1932) relancent l’activité pacifiste de Jeanne Mélin qui crée en 1931 le « Cercle Pax Occident-Orient » destiné à regrouper toutes les organisations pacifistes pour une action commune.

Mais à partir de 1935-1936, une vie familiale tourmentée et de graves problèmes de santé éloignent peu à peu Jeanne Mélin des grands combats alors que la menace allemande se dessine.

ERNAULT Christophe, La mobilisation de rue et la crise de mai 58, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 162 p.

La crise de mai 1958 qui voit revenir au pouvoir le général de Gaulle est souvent étudiée sous ses aspects politiques et institutionnels, tant il est vrai que l’influence des personnalités y fut déterminante. Mais, aussi limitée soit-elle, la mobilisation populaire qui l’accompagne permet de mieux percevoir la réaction des Français à cette situation qui annonce la fin de la IVe République.    

Partagés entre opposants et partisans de De Gaulle, deux camps s’affrontent à distance, sans toutefois réellement influencer le cours des choses. En effet, pour les premiers, les dissensions entre partis politiques et entre syndicats, ajoutées au manque de propositions alternatives, empêchent une mobilisation imposante et durable. Pour les seconds, l’absence de stratégie globale de mobilisation malgré la concrétisation de leurs aspirations, ne leur permet pas de jouer un rôle vraiment décisif.

Par ailleurs, et au-delà de sa portée immédiatement politique, la mobilisation de mai à juillet 1958 revêt un aspect de lutte de mémoire, en partie autour de la personne de De Gaulle. Comme à la Libération, on observe, dans les deux camps, la volonté de se légitimer en ayant recours au passé. Si les anti-gaullistes font souvent référence à des ancêtres historiques, c’est autour de la résistance, notamment le 18 juin, que la polémique perdure et que la tentative de récupération politique est la plus forte.

Enfin, dans un contexte plus large, cette mobilisation de rue s’inscrit dans l’histoire des manifestations et permet d’observer les mœurs et pratiques adoptées par chacun des protagonistes, qui montrent ainsi leur plus ou moins grande familiarité avec l’acte manifestant, et aussi de préciser sa place intermédiaire au sein de l’évolution de la mobilisation de rue en France au XXe siècle, entre nationalisation et régionalisation, pacification et répression, tout en confirmant l’éloignement des partis politiques des stratégies de rue.

GERMAIN Anne Emmanuel, Les origines de l’administration académique et départementale de la jeunesse et des sports, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 156 p.

Cette étude porte sur l’évolution de l’organisation administrative de la Jeunesse et des Sports du Front populaire à la IVe République.

Sous l’impulsion du Front populaire, Léo Lagrange crée un sous-secrétariat d’État à l’éducation physique, aux sports et aux loisirs, qui est rattaché au Ministère de l’Éducation nationale en 1937. Le manque de temps et les événements de 1939 empêchent le ministre de l’Éducation nationale, Jean Zay et Léo Lagrange d’organiser un corps d’inspection et de représentants quadrillant la France. Cependant, le gouvernement de Vichy met en place une administration étoffée dans le cadre de deux commissariats généraux distincts : – D’une part, le Secrétariat général à la jeunesse et ses délégations au sein de chaque région et département et dépendantes de celui-ci. – D’autre part le Commissariat général à l’éducation générale et aux Sports et ses directeurs à l’éducation générale et aux sports qui interviennent dans le cadre de l’académie et du département. Ainsi, des relais et des hommes, dont la fonction est à la fois d’accomplir la politique de la jeunesse et des sports et d’en contrôler l’application sont mis en place pendant cette période.

Une certaine continuité apparaît. En effet, le gouvernement de Vichy n’a pas une politique de rupture par rapport à l’œuvre accomplie par le Front populaire. Certains fonctionnaires restent en place, et l’on assiste à la poursuite des mesures prises ou prévues par ce dernier régime. Sous Vichy, les corps hiérarchisés de fonctionnaires issus des différentes administrations, à savoir l’instruction publique, le Secrétariat général à la jeunesse et le Commissariat général à l’éducation générale et aux Sports disposent d’un fonctionnement interne autonome qui leur est propre. Cependant, on assiste à des chevauchements de compétences dans le cadre de leur intervention. C’est pourquoi on s’efforce de mettre en place un système de collaboration afin d’assurer l’application effective des directives centrales.

À la Libération, ces deux Commissariats disparaissent et sont remplacés par deux nouvelles directions reprenant finalement leurs précédentes attributions. Corrélativement à ces changements de structures et de régimes politiques, une épuration des cadres administratifs a lieu, mais qui, au total, est limitée.

GIUDICELLI Romain, Le peuple et la guerre d’Espagne (1936-1939), Maîtrise [Antoine Prost, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 249 p + 15 p. d’annexes

En mars 1936, après la réunification de la CGT et de la CGTU, le quotidien Le Peuple demeura l’organe officiel de la centrale syndicale ; de ce fait, quatre mois plus tard, c’est bien en tant que tel qu’il commenta les premières nouvelles ayant trait à l’insurrection militaire espagnole. Cette réaction fut immédiate et occupa très vite une place très importante dans les pages du quotidien : il faut dire qu’en quelques jours à peine, le journal entreprit tout à la fois de défendre le gouvernement Blum contre les attaques de la presse de droite, de commenter les nouvelles confuses des premiers temps du conflit, et de clamer haut et fort sa solidarité avec les républicains espagnols. Ce dernier point l’amenant sans hésiter à condamner toute position de neutralité, fut-elle le fait du gouvernement de Front populaire. Dès lors, l’analyse du journal demeura identique jusqu’à la fin du conflit : la non-intervention était à « reconsidérer », et la solidarité avec les républicains devait être « agissante ».

Après l’étude de cette courte période initiale pendant laquelle le journal forgea sa position sur le conflit espagnol, s’attache à la double relation entre Le Peuple et la guerre d’Espagne : d’une part, le rôle que le quotidien joua dans le conflit, et, d’autre part, l’action de celui-ci sur l’identité du quotidien. Si Le Peuple fut bel et bien un acteur dans la guerre d’Espagne, son rang doit être mesuré à deux niveaux. À l’échelle de la guerre civile, l’aide apportée aux républicains par le biais des souscriptions lancées dans le journal par la CGT fut d’une infime modestie. Cependant, du point de vue de l’engagement du quotidien dans une solidarité sans faille auprès des combattants antifascistes espagnols, et étant donné les moyens dont il disposait pour le faire, Le Peuple ne ménagea pas ses efforts : campagnes de pression sur les gouvernements français, accueil des réfugiés, aides ponctuelles aux comités locaux, reportages sur place, et, surtout, permanence (même relative) de l’évocation du conflit malgré son enlisement En ce sens, son action fut d’une importance remarquable.

L’influence du conflit espagnol sur le journal confédéral, bien que moins spectaculaire, fut réelle. En effet, le divorce dans l’analyse de la situation internationale du gouvernement de Front populaire fut le premier signe de la fracture profonde qui marqua le mouvement syndical français dans l’immédiat avant-guerre. Les ex-confédérés se partageaient maintenant entre les centristes, qui prônaient une politique de fermeté à l’encontre des pays fascistes, et les pacifistes qui, du slogan confédéral « La Liberté et la Paix », ne retenaient que le deuxième terme. Ces derniers furent très largement minoritaires au sein du Peuple, et quand bien même ils y tenaient une place régulière, les articles pacifistes restèrent d’une rareté frappante. La direction du journal, qui recoupait celle de la Confédération, préféra taire les divisions tout en affirmant clairement sa position. Plutôt que de faire naître un débat sur les questions internationales. En cela, Le Peuple fut une excellente illustration de la tactique centriste de la CGT : nier les divergences pour mieux affirmer sa propre position.

GUILHERMIER Rémi de, Origines et emploi de l’action psychologique durant la guerre d’Algérie (1950-1960), Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 217 p. + annexes

L’objet de ce mémoire est de présenter un point de la guerre d’Algérie, la propagande militaire française. Si l’activité de persuasion est intrinsèque à toute guerre, elle est érigée, sous le nom d’« action psychologique », en un véritable système lors du conflit algérien, touchant tous les secteurs de l’organisation civile et militaire du pays.

Un arrêt sur la guerre d’Indochine et ses conséquences sur la société militaire est indispensable. L’armée française, au contact du Viet-minh, y découvrit un nouveau type de lutte armée, d’inspiration marxiste, dans laquelle les populations sont l’enjeu des combats et la propagande une arme à part entière. De retour de Diên Biên Phu, elle théorisa cette forme de lutte sous le nom de guerre révolutionnaire, insistant sur l’importance des facteurs idéologiques dans les conflits de décolonisation et appelant la constitution d’organismes nationaux d’éducation et de persuasion des foules pour y faire face.

Nous nous sommes appuyés pour comprendre les mécanismes d’emploi de l’action psychologique en Algérie sur les archives militaires de la guerre. Les documents émanant du service central d’action psychologique de l’état-major, le « bureau psychologique régional » puis le « 5e bureau », nous éclairent sur le fonctionnement institutionnel, la thématique et les procédés de la propagande française. Ils permettent d’apprécier l’importance des ressources financières, humaines et matérielles dont disposent les services d’action psychologique. Enfin, confrontés aux témoignages d’officier et soldats chargés de la propagande sur le terrain, ils laissent transparaître le manque d’homogénéité qui marqua la conduite de l’action psychologique. C’est là une caractéristique majeure. La fracture fut grande en effet entre les directives de l’état-major et leurs applications locales. La propagande variait grandement selon les zones et les exécutants, tant dans ses principes d’emploi, ses thématiques, que ses méthodes.

Dirigée par les plus intransigeants défenseurs de l’Algérie française, l’action psychologique se confondit peu à peu avec une idéologie extrémiste, affranchie des consignes gouvernementales qui tendent, après le retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958, à conduire l’Algérie vers l’indépendance. L’opposition à la politique du chef de l’État entraîna sa suppression. L’existence en Algérie d’un vaste système de propagande aux mains des militaires prit fin en 1960.

Expression d’une armée en crise face à la dislocation de l’Empire colonial français, solution apportée par des militaires obnubilés par la « subversion communiste » et en quête d’une nouvelle place pour l’armée au sein de la nation, l’action psychologique ne s’aurait être détachée du contexte géopolitique international. L’affrontement idéologique manichéen qui accompagnait la guerre froide amena, dans les années cinquante, au sein même des démocraties occidentales, l’avènement de la propagande politique au rang de priorité dans les systèmes défensifs nationaux.

HERRMANN Alec, L’image de la banlieue dans le roman noir français des années 1981 à 1995, Maîtrise [Annie Fourcaut, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 144 p.

Ce mémoire présente la rencontre d’une réalité urbaine, la banlieue et d’un genre littéraire bien particulier, le roman noir. C’est donc une histoire des représentations à partir de l’image de la banlieue dans le roman noir français des années 1981 à 1995 ; période particulièrement significative d’un changement dans l’histoire de la banlieue française et dans ses modes de représentations depuis une trentaine d’années.

On s’est demandé si, à une banlieue sujet, simple cadre et réalité géographiques dans les romans noirs des années 1980, on pouvait opposer dans les années 1990 une banlieue actrice affranchie d’un cadre urbain défini et autonome par rapport à une ville-centre avec laquelle la banlieue entretient des rapports de nécessaire subordination.

La recherche porte aussi bien sur les paysages de banlieue (localisations, infrastructures, habitations collectives et individuelles…) que sur les populations, les activités ou les problèmes de société que l’on rencontre dans les romans noirs dont l’action se situe en banlieue (dix-huit ont été soutenus).

S’il n’existe pas de véritable disparition du cadre urbain et si la banlieue apparaît encore et toujours subordonnée à la ville-centre, les romans noirs des années 1990 insistent plus sur la mise en place d’une société urbaine particulière où la drogue, la prostitution et la violence semblent transcender le simple cadre urbain que constitue la banlieue dans les années 1980.

La banlieue est le cadre idéal de déploiement du roman noir : triste, désolée, déstructurée, hier lieu de travail, aujourd’hui îlot de pauvreté, effrayant « no man’s land » sans lois où règnent l’indigence, la violence, le racisme, la drogue et où la sociabilité, la vie politique et associative ont pratiquement disparu.

Le roman noir est une source historique bien particulière, ardue parce que très dépendante du style même et des centres d’intérêt de ses différents auteurs existe beaucoup de différences entre des auteurs tels qu’Alain Demouzon ou Hervé Prudon par exemple et Didier Daeninckx qui ont été interviewés.

KAUFFMANN Grégoire, Jean Drault, un compagnon de Drumont dans la collaboration : 1940-1944, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 184 p.

Le nom de Jean Drault est aujourd’hui largement l’oublié. Directeur de La France au travail en 1940 et du journal de dénonciation Au pilori à partir de 1943, ce chantre de la collaboration a pourtant exercé une influence notable. Il est le fils spirituel et l’ancien compagnon d’Édouard Drumont, dont le livre La France juive (1886) constitue l’acte de naissance, en France, de l’antisémitisme moderne.

La défaite de la France fut pour Drault, âgé en 1940 de soixante-quatorze ans, une occasion de se remettre en selle et de donner à la lutte antijuive une « efficacité » autrement plus redoutable qu’au temps de La libre parole de Drumont. Surtout connu avant-guerre comme un auteur de livres à succès pour enfants, Jean Drault est considéré pendant l’Occupation comme le « doyen » du journalisme antisémite et il assure la « revanche posthume » du père de La France juive. En outre, il est le maître d’œuvre du « phénomène Drumont », qui se caractérise par toute une série d’actions (campagnes de presse, pressions auprès des autorités…) destinées à porter aux nues la mémoire du fondateur de La Libre parole.

Spécialisé dans la délation et l’appel au meurtre, Jean Drault donne sa pleine signification à l’héritage de Drumont, à une époque où les mesures préconisées par ce dernier à la fin du XIXe siècle trouvent soudain une application pratique. Engagé dans la voie d’un collaborationnisme total, Drault se veut le porte-parole d’une politique de surenchère dans le traitement de la « question juive ». Sa carrière illustre le cheminement d’une école de pensée qui devait trouver en Hitler son modèle. En contact étroit avec les services de propagande allemands, Jean Drault lie son sort à celui du Reich hitlérien. L’antisémitisme est l’élément constitutif de cette allégeance. L’itinéraire de Jean Drault entre 1940 et 1944 correspond à l’aboutissement d’une vie entièrement consacrée à la lutte antijuive.

KHAYAT Lynda, « La presse Nouvelle Hebdomadaire », magazine de la vie juive (1965-1971), Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 234 p.

La Presse Nouvelle Hebdomadaire, magazine de la vie juive paraît durant seize années, de mai 1965 à février 1981. Hebdomadaire jusqu’en 1968, puis bimensuelle, cet organe de presse compte 433 numéros, le plus souvent de douze pages. Notre étude porte sur la période allant du 8 mai 1965, date de sa création au 22 octobre 1971, date du changement de titre de cette publication. La Presse Nouvelle Hebdomadaire est issue du quotidien communiste de langue yiddish, Naïe Presse, créé en 1934.

Les travaux consacrés aux communistes d’origine juive, mettent l’accent à la fois sur le phénomène d’assimilation marquée s’exerce au sein du PCF et sur la non-reconnaissance de la partie juive de leur identité. L’étude de cet organe de presse spécifique appartenant au réseau extérieur du Parti communiste français vient relativiser ces affirmations. Le lectorat en majorité communiste de La Presse Nouvelle Hebdomadaire exprime à maintes reprises le besoin d’une telle publication. Ses lecteurs y cherchent des réponses à leur questionnement identitaire et des informations sur une actualité internationale les concernant plus particulièrement.

En effet, la période 1965-1971 est marquée à la fois par une aggravation du conflit israélo-arabe et par une dégradation de la situation des Juifs dans les pays socialistes, situation pouvant mettre à mal d’une part l’affirmation d’une identité juive et de l’autre un engagement communiste. Ces contradictions s’expriment dans La Presse Nouvelle Hebdomadaire. Malgré ces événements cet organe de presse perdure, car il constitue pour son lectorat bien plus qu’un journal de complément de complément ; il permet de réunir au cours de différentes initiatives un public donné et joue ici un rôle de substitut d’organisation.

LA ROCHETTE DE ROCHEGONDE Thibault, Poésie 40-44 : une revue littéraire contre Vichy, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 252 p.

Revue littéraire fondée par Pierre Seghers, Poésie 40 (puis 41, 42, etc.) a publié pendant l’Occupation des textes de nombreux écrivains, surtout de poètes, tels Aragon, Pierre Emmanuel ou Loys Mason. Bien que soumise à la censure de Vichy, elle est devenue alors — par un jeu subtil d’images et d’allusions — le foyer d’un discours très libre, opposé au régime de Pétain.

On a appelé ce jeu, cette manière de faire passer la subversion malgré la censure, la « contrebande ».

Comment cette contrebande a-t-elle pu fonctionner contre les autorités de Vichy ? Quels écrivains l’ont mise en œuvre et pourquoi y ont-ils été amenés ? Ce sont les trois questions auxquelles ce mémoire veut répondre, pour démontrer la spécificité de l’attitude des poètes, en France, pendant l’occupation allemande de 1940-1944.

LAFON Eric, Les manifestations de victoire du Front populaire en province, de mai à septembre 1936, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 297 p.

Le Front populaire, au lendemain de son succès électoral (26 avril-3 mai 1936), prend la décision de célébrer sa victoire par une manifestation nationale le 14 juin. Cependant, pour des raisons de maintien de l’ordre dans la capitale, la célébration est repoussée à Paris au 14 juillet, la province étant invitée à maintenir la date initiale : la dimension nationale de la manifestation était-elle pour autant rompue ?

Sur les 813 manifestations que nous avons recensées, à partir d’une étude exhaustive de la presse de gauche (108 titres), 335 se déroulent le 14 juillet, 305 le 14 juin et 173 à une autre date. La date anniversaire de la fête nationale l’emporte donc, au détriment de celle fixée par les consignes parisiennes. Néanmoins, on constate un important effet de concurrence entre chacune de ces dates.

Il nous restait à pénétrer au cœur de ces manifestations et d’en rechercher le sens profond, d’en cerner le déroulement, après en avoir décrit l’organisation, et enfin d’y repérer les pratiques.

Il revient aux groupements politiques, syndicaux, associatifs, culturels et sportifs du Rassemblement populaire d’organiser la manifestation. Si l’esprit d’unité prévaut, des dissensions, voire des oppositions s’expriment, de la part des radicaux, dont certains demeurent hostiles aux mobilisations des partisans du Front populaire, en particulier quand les mouvements de grève persistent. D’une manifestation à l’autre, les élus, les membres des comités de Front populaire, les femmes, les jeunes, les groupements d’ouvriers et les anciens combattants sont tour à tour à l’honneur. Les démonstrations se diversifient (rassemblement, meeting, banquet), même si le cortège de rue domine, comme forme d’expression. D’une région à une autre, d’un département à un autre des spécificités sont présentes, du fait des traditions politiques, culturelles qui s’intègrent « l’identité Front populaire ». Cependant un modèle de manifestation domine, nourri des pratiques culturelles ouvrières et des symboles républicains.

On assiste alors à la réalisation d’une scénographie répétée (drapeaux, costumes des manifestants), d’une théâtralité commune (gestuelles, chants, allocutions, prestations du Serment), qui témoignent à travers tout le pays d’une identité culturelle et politique partagée et en construction. Les comptes-rendus parus dans la presse donnent à voir, en somme, l’organisation d’une même célébration qui, puisant dans le patrimoine républicain, change de nature pour devenir une procession commémorative. Proclamant sa souveraineté et sa légitimité, la manifestation de victoire du Front populaire remet en chantier cette République avec laquelle le mouvement populaire renoue afin de lui rendre son essence originelle.

LAVERGNE Sarah, La sociabilité des ouvriers de Montreuil-sous-Bois : étude monographique d’un quartier au début des années 1950, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 268 p.

Au début des années 1950, le sociologue Paul Henri Chombart de Lauwe réalise une enquête pour le département des recherches d’ethnologie sociale du Centre d’étude sociologique du CNRS dans certaines communes de Paris et de l’agglomération parisienne, dont Billancourt, le Petit-Clamart, Montreuil-sous-Bois. Cette enquête porte sur la vie quotidienne des familles ouvrières et se présente sous forme de dossiers organisés en rubriques (habitat, travail…).

Nous nous sommes intéressés en particulier aux 53 dossiers d’enquête réalisés auprès des ménages ouvriers de Montreuil-sous-Bois.

Les résultats de cette enquête ont été analysés par Paul Henri Chombart de Lauwe (La vie quotidienne des familles ouvrières) en 1956. Mais cette analyse privilégie l’étude des conditions matérielles des ménages (travail, habitat, consommation) et leurs conséquences psychologiques au détriment de la sociabilité, et ce, malgré l’abondance des données sur ce thème. Nous nous sommes donc proposé de mener l’étude de la sociabilité des ménages ouvriers de Montreuil, en relation avec les différents aspects de la vie quotidienne abordés, dans le questionnaire.

La première étape du travail consiste à montrer comment l’organisation de l’espace résidentiel (quartier industriel, commerçants, habitat collectif surpeuplé, mal équipé) favorise le développement d’une sociabilité importante fondée sur les commérages et les échanges de services.

Ensuite, il est apparu que l’extension des relations à la sociabilité locale était étroitement liée à la proximité du lieu de travail, à la présence des femmes et des jeunes enfants au foyer et à l’existence de réseaux d’entraide familiaux.

Enfin, l’étude des relations entre la sociabilité et l’aspiration des ménages met en évidence certaines tensions et frustrations (l’aspiration à résider en pavillon comme désir de s’abstraire du voisinage, aspiration à la mobilité sociale occasionnant des jalousies, coexistence difficile entre ouvriers algériens et ouvriers métropolitains).

LEHALLE Elsa, Le sens de la visite : les musées au service de la société et de son développement 1965-1985, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 207 p

En 1793, le musée devient res-publica, « chose publique » pour tous les citoyens français. Deux siècles plus tard, la question de cette « appartenance » ne semble pas résolue : le musée est-il un temple, réservé à une élite d’amateurs, ou peut-il s’ouvrir plus largement à tous ceux à qui il était destiné ?

L’institution, au tournant des années soixante-dix, connaît à la fois une crise de conscience et de croissance. Conscience au niveau international, que des objectifs et des moyens doivent être élaborés pour redéfinir le rôle du musée dans la société. Orateurs et fondateurs de cette « nouvelle muséologie », les pionniers américains, français, africains, exhortent les professionnels et les politiques à mesurer toutes les richesses inexploitées de la conservation des œuvres ou des objets ; comment transmettre des connaissances, diffuser un savoir à partir des œuvres du passé ? Comment associer une population à la définition de son histoire ?

Deux réponses à ces enjeux de survie des musées sont étudiées. D’une part les écomusées, dont les solutions sont construites sur une nouvelle définition : le musée-territoire, les visiteurs comme force de proposition du programme muséographique. D’autre part le mouvement international de la nouvelle muséologie qui, à partir de musées existants, repère et analyse toutes les avancées que fait ou devrait faire l’institution pour démocratiser ses actions.

La réflexion et les expériences nouvelles ont été menées principalement par des musées d’anthropologie (histoire, ethnologie) ; les musées d’art y ont été peu sensibles ; cette indifférence est due, sans doute, à la formation de leurs responsables, plus préoccupés par les œuvres que par les visiteurs.

À travers quelques expériences-clefs échelonnées sur vingt ans, nous avons souhaité présenter les causes (égalité d’accès à la culture, décentralisation, nouvelles technologies) de cette évolution et leur incidence sur la muséographie, l’accueil et la formation des publics.

LERMISSION Isabelle, L’imagerie de la Loterie nationale de 1939 à 1946, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 138 p.

La Loterie nationale a six ans en 1939 lorsque la France entre en guerre. C’est devenu une véritable institution, ses tirages sont publics et une abondante imagerie composée d’affiches, de billets entiers et du magazine Votre Chance édité par le ministère des Finances, est disponible dans tout le pays. Régulièrement renouvelée pour chaque tranche, cette imagerie fournit une image de la société française, de sa culture et de ses valeurs. Placée sous le contrôle du gouvernement, pendant la période 1939-1946, elle est l’objet d’une récupération afin de servir une propagande d’État dont le développement est intense. La Républque en guerre de 1939-1940 l’utilise pour mobiliser les Français, le régime de Vichy diffuse à travers elle l’idéologie de la Révolution Nationale. La IVe Republique, enfin, l’utilise pour réécrire l’histoire peu glorieuse de la France prônant l’occupation et pour encourager à la reconstruction.

Toutefois les régimes en font un usage différent. La IIIe République met en place une propagande ouverte, c’est-à-dire que l’image véhicule autre chose que le discours gouvernemental, la culture républicaine est libérale et abondamment représentée. Le régime autoritaire de Vichy met sur pied une propagande de type totalitaire, donc fermée à tout ce qui n’est pas sa propagande. La IVe République, enfin, laisse s’exprimer la culture libérale et républicaine, mais de manière limitée ; la propagande est ouverte, mais lourde. L’étude a permis de montrer que l’indépendance et la liberté des images émises par une entreprise commerciale soumise à l’autorité de l’État dépendent des circonstances et de la nature du régime en place.

LETOULAT Chloé, La commune de Champigny-sur-Marne et son personnel de 1912 à 1947, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 169 p.

Les communes ouvrières de la banlieue parisienne ont pour la plupart été étudiées par les historiens. Ces chercheurs se sont surtout intéressés aux différentes politiques municipales menées dans ces villes et à la politisation des populations locales. Cependant, une facette de l’histoire de ces communes laborieuses reste encore dans l’ombre. En effet, on connaît bien les maires en tant qu’élus ou dirigeants politiques, mais on continue à ignorer qu’ils sont aussi des « patrons ».

Pourtant la recherche menée sur la commune de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne) a montré combien sont indissociables politique municipale et emploi communal. Car, entre 1912 et 1947, la marge d’autonomie des communes par rapport à l’État fut souvent étroitement liée à la nature des relations entretenues par les élus avec leurs employés. Et les agents municipaux campinois, loin d’être de simples administrateurs, ont toujours été, durant cette période, d’importants acteurs de la vie politique locale.

LEVY Céline, Les lotissements de l’entre-deux-guerres à Gif-sur-Yvette, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 166 p.+ 38 p. d’annexes

L’essor de la banlieue parisienne fut particulièrement important, pendant l’entre-deux-guerres, essentiellement sous la forme des lotissements. Jean Bastié estime qu’en 1939, on pouvait compter 250 000 lots, concernant environ 700 000 personnes. L’augmentation de la population en région parisienne et le développement du chemin de fer sont les principaux facteurs ayant favorisé l’éloignement des classes moyennes de la capitale.

Les archives communales et départementales, conjuguées a des interviews d’anciens lotis, ont été la base d’une étude des lotissements à Gif-sur-Yvette. Commune de la vallée de Chevreuse, reliée à Paris par la ligne de Sceaux à partir de 1867, Gif-sur-Yvette est un bourg rural, où l’industrie est quasi inexistante. C’est le cadre d’une vallée verdoyante qui a su attirer une nouvelle population. Les archives administratives et l’enquête orale permettent de reconstituer comment les lotis ont aménagé leur quartier, leurs difficultés et leurs éventuelles réussites.

En effet, malgré le faible nombre de lotissements, les lotis et la mairie rencontrèrent de nombreuses difficultés. La vente de lots nus sans commodités (ni eau, ni viabilité, ni égouts, ni électricité ni gaz, n’étaient prévus) offrait la possibilité d’être facilement propriétaire. Ces modalités de vente ont d’ailleurs permis aux lotisseurs de réaliser d’avantageux bénéfices. Mais cette spéculation s’est faite au détriment des acheteurs et a conduit ces derniers à s’organiser en association. Parallèlement une sociabilité s’est naturellement développée, permettant une intégration progressive des lotis au sein du lotissement puis dans la commune. Le croisement des sources écrites et orales a permis de reconstituer l’aménagement de deux lotissements, et de saisir les liens et les activités que les lotis ont créés au quotidien.

MATTHIEUSSENT Delphine, Les Français évadés de France par l’Espagne, novembre 1942-fin 1943 : repérage des principaux jalons, Maîtrise [Antoine Prost, et Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 307 p.

La recherche s’est d’emblée heurtée à deux obstacles majeurs : d’une part, l’absence quasi totale d’études sur la question de l’évasion de France par l’Espagne pendant la Seconde Guerre mondiale, d’autre part, le caractère lacunaire et hétérogène des sources dons nous avons disposé.

Nous avons cependant pu aboutir à certaines conclusions, notamment grâce aux sources du ministère des Affaires étrangères et du Service Historique de l’Armée de Terre (SHAT), sources que nous avons, dans certains cas, confrontées aux témoignages d’anciens évadés de France par l’Espagne.

Trois séries de questions se posaient : qui étaient les évadés de France, dans quelles conditions et pourquoi sont-ils passés en Espagne ? Quelles ont été les circonstances de leur séjour forcé en Espagne ? En quoi, et dans quelle mesure, ont-ils constitué un enjeu dans les relations entre les différents belligérants du second conflit mondial ?

Au-delà de certains éléments concrets, descriptifs, que nous avons tenté d’établir — notamment le nombre de Français évadés de France par l’Espagne au cours de l’année 1943, le profil socio-démographique de ces derniers, les conditions de leur internement en Espagne et les tensions politiques et diplomatiques engendrées par leur évasion — s’est posée la question de la spécificité de cet épisode et de sa signification.

Tout l’intérêt, mais aussi la difficulté, de l’étude de l’évasion de France par l’Espagne est en effet de donner un sens à une situation qui n’est que transitoire. La complexité des motivations des Français passés clandestinement en Espagne, l’absence d’antinomie entre le désir de se mettre à l’abri et celui de continuer le combat, met en évidence la spécificité de la situation des évadés français où ils passent la frontière : à ce moment précis, leur destin est encore indéterminé, ils ne sont que des combattants en puissance.

De ce fait, il est impossible d’insérer une catégorie « évadés de France » dans les classifications traditionnelles de FFI, FFL, Résistance intérieure, Résistance extérieure…, ménagées par l’historiographie de la Seconde Guerre mondiale. Cet épisode met ainsi en lumière la difficulté et la complexité des choix individuels à l’époque ; il souligne la vanité, dans certains cas, des classifications a posteriori.

MOURET Stéphanie, L’évolution du mouvement de résistance Combat d’après ses journaux, 1940-1944, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 243 p.

Le gouvernent de Libération Française, plus connu sous le nom de son journal clandestin Combat voit le jour en novembre 1941. Il est le résultat d’une fusion opérée entre deux mouvements de résistance distincts. D’une part, le Mouvement de Libération Nationale fondé en juillet 1940 par un militaire, le capitaine Henri Frenay, d’autre part, le mouvement Liberté créé en novembre 1940 par un démocrate chrétien, professeur de droit, François de Menthon. Ces deux mouvements publient leurs propres journaux clandestins, ceux-ci étant marqués avant tout par une volonté de libérer le territoire national, une attitude pétainiste ainsi qu’une forte aversion envers l’Allemagne.

Dès la création du mouvement, les dirigeants décident de ne faire paraître qu’un seul journal qui prend le nom de Combat. Le nouveau mouvement, de par les idées et les déclarations qu’il produit dans son journal, est alors considéré comme situé politiquement à droite. En effet, les articles publiés dans le journal font preuve d’un réel attachement envers le maréchal Pétain et la Révolution Nationale.

Mais au cours de l’année 1942, la position du mouvement évolue sensiblement, puisque, à quelques mois d’écart, le journal rompt avec le maréchal Pétain et sa politique (mai 1942), et accepte de se rallier au général de Gaulle (août 1942). Au cours de cette année, l’évolution politique du mouvement est nette, et en septembre 1942, le journal publie un manifeste dans lequel il se déclare pour une « Révolution Sociale » et pour l’avènement de la IVe République après la libération du territoire. Le nouveau ton du journal est ainsi donné et, jusqu’à la Libération, il va s’avérer un formidable outil de propagande pour ramener au mouvement un plus grand nombre d’adhérents. En 1944, Combat fait partie avec Libération et Franc-tireur des grands mouvements de résistance — il appartient aux Mouvements Unis de Résistance — grâce aux nombreuses actions qu’il a menées contre l’ennemi (sabotages, collecte de renseignements…), mais aussi grâce à son journal publié en 1944 à 200 000 exemplaires chaque mois.

PERRAUDEAU Eric, La Vie Socialiste (1926-1933) : un lieu, un lien, des trajectoires, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 323 p.

L’hebdomadaire La Vie Socialiste, est le journal éponyme d’une tendance qui a rassemblé dans les années vingt et trente les cadres et militants de la SFIO qui plaidaient pour la participation des socialistes aux gouvernements de gauche conduits par les radicaux. Dénonçant l’isolement politique du Parti socialiste, ce courant réformiste — qui a parfois fait l’objet d’un traitement simpliste — fut tout autant le révélateur de l’émergence d’une culture parlementaire chez les socialistes que du repli doctrinal de la SFIO dans les années de l’entre-deux-guerres.

La Vie Socialiste, animée par Pierre Renaudet, Joseph Paul-Boncour, Alexandre Varenne et Marcel Déat, a profondément marqué la vie de la SFIO, suscitant la naissance d’autres tendances qui lui étaient opposées — comme La Bataille Socialiste — obligeant celles-ci à se positionner par rapport à ses propositions. L’essentiel des analyses et des principes de la tendance furent synthétisés par Marcel Deat en 1930 dans son ouvrage Perspectives socialistes, publié en vue d’une alliance électorale avec les radicaux aux élections lésislatives de 1932. Mais le peu d’écho rencontré alors par ces thèmes et la constitution d’un groupe structuré au sein de la tendance — les néo-socialistes — dont les idées sur la rénovation de la doctrine socialiste heurtent la majorité des socialistes, aboutissent à l’exclusion en novembre 193 de la majeure partie du courant La Vie Socialiste et à la création d’un nouveau parti : le Parti Socialiste de France-Union Jean Jaurès.

POLIAN Eric, La CGT et les Assurances sociales : 1930-1939, Maîtrise [Michel Dreyfus, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 127 p.

La loi sur les Assurances sociales a été votée le 28 avril 1930 au terme de dix années de laborieux débats. Elle instaure le premier système de protection sociale ayant réellement fonctionné en France, avec cinquante ans de retard sur l’Allemagne. Les Assurances sociales concernaient qu’une partie de la population, les ouvriers pour une écrasante majorité, et permettait, entre autres, aux syndicats de gérer des caisses d’assurance. La CGT, alors d’orientation réformiste, et premier syndicat ouvrier français à l’époque, a pleinement participé à l’élaboration de la loi, à sa mise en place et à son fonctionnement.

L’enjeu était de taille pou la Confédération. Il s’agissait en effet de promouvoir une loi sociale d’importance, d’améliorer les conditions de vie de la population, et au-delà, à travers la gestion ouvrière des caisses, de modifier la place du syndicat dans la société.

Cependant, un certain nombre d’obstacles ont existé. Outre l’opposition des autres forces — la Mutualité et le patronat — qui luttaient elles aussi pour le contrôle du système, la CGT a rencontré des difficultés à s’investir dans cette activité nouvelle, difficultés conjoncturelles, mais aussi structurelles. La Confédération n’a pas réussi regrouper plus de 5 % des assurés dans ses caisses, l’apprentissage de la gestion d’institutions complexes telles que les caisses primaires n’a pas été simple pour les militants ouvriers. La CGT a donc connu pendant ces années une mutation qui l’a préparée à gérer la Sécurité sociale.

REYMES Nicolas, Bibliothèques pillées : le pillage des bibliothèques en France par les nazis spoliations et restitutions allemandes, 1940-1953, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 349 p.

Les Allemands ont spolié en France pendant la Seconde Guerre mondiale un nombre considérable d’archives, de manuscrits et de livres. Au total, ce sont près de vingt millions de documents qui ont disparu dont beaucoup avaient une valeur culturelle importante.

Ces spoliations ne furent qu’exceptionnellement l’œuvre de pillards isolés. Au contraire, elles ont revêtu un caractère systématique et ont été organisées par des services officiels nazis. Loin d’être un conglomérat de pratiques circonstancielles, le pillage nazi dessine une pratique cohérente et organisée. Il est l’œuvre de spécialistes agissant selon des règles et des structures bien définies. De même, loin d’être une activité de l’ombre, le pillage des bibliothèques est l’expression visible et revendiquée de la mise sous tutelle nazie de la littérature, des informations et des hommes. Priorités idéologiques, les spoliations sont autant de punitions et d’humiliations contre des victimes préalablement désignées comme adversaires du nazisme. Priorité militaire et scientifique qui aboutit à une exploitation du patrimoine archivistique français. Enfin, priorité artistique, l’occupation militaire ouvrant les portes à une activité lucrative qui enrichit les collections personnelles des pilleurs ou celles des bibliothèques nazies.

Il s’agit donc de comprendre, au travers des pratiques, comment une armée d’occupation se charge de la disparition d’une telle masse d’ouvrages. Pour cela, il faut mettre à nu les organisations, suivre le sort des livres pillés, démasquer les ambitions, mais aussi évaluer les spoliations, étudier les spoliés et confronter l’occupé aux pratiques de l’occupant.

Vingt millions d’ouvrages, plus de quatre fois la quantité de livres conservés à la Biblioilièque Nationale en 1939, suffit-il à prendre la mesure du traumatisme ? Il nous a paru essentiel de ne pas isoler le pillage des bibliothèques par les nazis de l’action engagée par la France à la Libération en vue de retrouver les collections disparues.

Dans un paysage livresque rendu exsangue par les destructions et les spoliations, la question du livre volé, de sa restitution et de la réparation des préjudices imposait à la France un devoir de justice pour toutes les victimes spoliées et pour tous ceux qui étaient morts entre les mains des nazis.

Alors que les ouvrages ont été pillés par camions entiers, seule une infime partie sera rendue progressivement au terme de longues et patientes recherches.

RICHEZ Arnaud, Conflans (Charenton-le-Pont) : 1959-1971 les dernières années du Petit séminaire de Paris, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 231 p.

Le mémoire porte sur la question de la sélection des candidats à une scolarité au petit séminaire de Paris. Dans le cursus honorum des prêtres, le petit séminaire vient avant le grand séminaire qui prépare directement au sacerdoce. Il s’agit de savoir comment des prêtres chargés de former de futurs clercs choisissaient, parmi plusieurs candidats, les garçons qui suivraient une scolarité religieuse orientée vers le sacerdoce, sans pour autant que cette carrière soit la seule envisageable par les petits séminaristes.

À partir des fiches signalétiques des élèves et des candidats à Conflans, nous avons procédé à une analyse statistique de l’origine géographique et des caractéristiques socio-démographiques des garçons ainsi qu’à une analyse lexicale du vocabulaire du supérieur recruteur à partir de ses notes d’entretien portées sur la fiche. Cette présentation statistique est accompagnée d’une description de la vie quotidienne au petit séminaire de 1959 à 1971, d’une analyse des adaptations de Conflans à son environnement religieux (le Concile Vatican II) et social (Mai 68). Enfin, l’examen des dernières années du petit séminaire permet de rendre compte des hésitations des autorités religieuses quant à l’avenir de l’établissement et des projets nés de la mobilisation du personnel de l’institution.

Le petit séminaire attire deux types de populations : des garçons d’un niveau scolaire faible, issus de familles modestes dont les parents semblent, entretenir un rapport distancié à la religion catholique d’une part ; d’autre part, des garçons plutôt d’un bon niveau scolaire, issus de familles nombreuses situées dans le haut de l’échelle sociale dont les parents se présentent comme des catholiques fervents. D’où l’hypothèse que le petit séminaire attire ces familles pour des raisons différentes. On peut penser que les premières recherchent un moyen peu coûteux de promotion sociale pour leur enfant, tandis que les secondes sont davantage attirées par le caractère religieux de l’établissement.

Les documents consultés aux Archives historiques de l’archevêché de Paris montrent que le supérieur du petit séminaire n’accepte pas uniquement des enfants ayant une vocation affirmée et un désir certain de devenir prêtre. Progressivement, en raison de la crise des vocations, de I’évolution de la doctrine catholique en matière de formation des prêtres avec Vatican II, le petit séminaire s’ouvre plus largement aux enfants sans désir exprimé de vocation sacerdotale. Avec Mai 68, le petit séminaire apparaît en décalage par rapport à son environnement social. Les élèves de terminale profitent des événements pour rédiger un cahier de doléances qui critique les conditions d’enseignement et les partis pris pédagogiques.

Ces remises en cause progressive de l’identité forte du petit séminaire de Paris, comme établissement catholique de référence en matière de formation religieuse, et les critiques multiples à l’encontre de Conflans, venant aussi bien de l’intérieur de l’Église que du corps social, conduisent les évêques à penser que le petit séminaire est devenu obsolète et à décider sa fermeture en 1971.

RICHIER Emmanuel, Crises internes et dissidences dans l’Internationale situationniste, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 144 p.

Entre 1958 et 1972, l’Internationale situationniste, une avant-garde issue de mouvements artistiques et culturels, élabora une critique radicale de la société. Cette avant-garde, qui se définissait comme un groupe international de théoriciens, connut au cours de son histoire différentes orientations pratiques et théoriques. Cette évolution constante fit naître des résistances dans l’organisation, et les divergences se transformèrent le plus souvent en dissidences.

L’histoire de l’Internationale situationniste est ainsi fortement marquée par les nombreuses crises internes nées de l’affrontement des tendances. Mais cette succession de démissions et d’exclusions était elle inéluctable ? Pour le comprendre, il est important de connaître les bases théoriques qui ont fondé éventuellement les discordes et de définir le projet de l’organisation. En effet, dès les premières années de l’organisation, une tendance, groupée autour du situationniste Guy Debord veut orienter l’Internationale situationniste vers l’élaboration de la théorie la plus extrémiste du moment. L’influence, entre autres, des écrits du jeune Marx et de l’anarchiste Bakounine éloigne progressivement l’Internationale situationniste de la critique de l’art et de la culture et la rapproche de la critique sociale des groupes d’ultra-gauche.

Toutefois, la recherche d’une cohérence théorique n’est pas la seule cause de rupture. Refusant toute hiérarchie, le groupe n’admet pas en son sein les inactifs ; les contemplatifs sont donc exclus. Cette situation, dans ses dernières années d’existence, accéléra l’état de crise quasi permanent que connaissait l’International situationniste depuis ses débuts. Ce fut sa dernière crise ; incapable de trouver une nouvelle orientation, l’organisation estima être arrivée à la fin de la réalisation de son projet et choisit alors de se dissoudre.

ROBERT Emmanuelle, Le réseau Marco du SR Kleber : décembre 1943-septembre 1944, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 183 p.

Le réseau Marco du SR Kléber est un réseau de résistance créé au mois de décembre 1943 dans le but de lutter contre l’Allemagne et ses troupes d’occupation, mais également contre son redoutable système nazi. Le réseau Marco se caractérise entre autres par son rattachement aux services secrets traditionnels français du colonel Rivet. Il est un réseau de petite taille spécialisé dans le renseignement militaire.

Dirigé par le capitaine de réserve Guy de Saint Hilaire, alias Marco ou Joyeux, le réseau Marco résiste et combat l’ennemi jusqu’à la Libération de Paris, en août 1944. Cette efficacité est permise par une bonne organisation d’ensemble et grâce à des éléments professionnels dont bénéficie le réseau. Un recrutement de qualité est possible grâce aux relations personnelles et professionnelles de M. de Saint-Hilaire. D’autre part, la direction Kléber n’est composée que d’éléments professionnels spécialisés dans le renseignement. Enfin, sa création tardive est à l’origine d’un rassemblement divers éléments coupés de leur ancienne organisation et ayant déjà une bonne expérience de la vie clandestine ainsi que du travail de renseignement. Sa zone d’action s’étend sur la moitié Nord de la France, limitée au Sud par la ligne Nantes-Besançon. Son champ d’action est vaste et comprend la zone susceptible de recevoir le débarquement. Les missions de renseignements sont donc nombreuses et le réseau Marco participe ainsi activement à la libération du pays, transmettant tous ses renseignements aux forces pour lesquelles il travaille, d’abord à Alger puis à Londres. L’étude du réseau Marco est un témoignage sur une des formes d’action de la Resistance française pendant la Seconde Guerre mondiale.

ROLAND Patrick, L’image de la banlieue dans le quotidien Libération de 1981 à 1991, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 240 p.

Les « événements » qui ont lieu dans certains quartiers durant les années quatre-vingt ont fait de la banlieue un véritable thème de société. Les fameux « rodéos » de l’été 1981 dans la banlieue lyonnaise, qui dégénèrent en affrontements avec la police, sont largement répercutés par les médias et le thème de la banlieue devient un objet public de discussions et de préoccupations politiques. C’est cette année-là que le « problème » des banlieues a fait irruption sur la scène médiatique. L’année 1991, quant à elle, marque un tournant décisif dans l’histoire de la banlieue avec notamment la mise en place du premier ministère de la Ville et une relance significative de la politique urbaine qui fait suite aux événements de Vaulx-en-Velin en octobre 1990. Comme l’ensemble des médias entre 1981 et 1991, le quotidien Libération a abondamment commenté ce que beaucoup ont appelé « le malaise des banlieues ».

Pour définir l’image de la banlieue donnée par Libération, l’ensemble des numéros du Journal a été dépouillé soit, 3 344 exemplaires de 1981 à 1991, pour retenir la totalité des articles évoquant la banlieue.

Dans un premier temps, l’étude a consisté en une analyse quantitative du contenu, et ce, à quatre niveaux : la fréquence et le type d’articles sur la banlieue, la représentation spatiale de la banlieue selon le journal, une analyse lexicologique et enfin une analyse du corpus photographique.

Révélatrice du traitement qui a été fait du thème de la banlieue dans Libération, l’analyse quantitative a permis, articuler la suite de l’étude en dégageant les grandes thématiques développées par le journal. La délinquance et la violence constituent les thématiques principales du journal lorsque celui-ci évoque la banlieue. D’autres grands thèmes sont également récurrents : l’immigration et plus précisément le racisme ambiant et les difficultés d’intégration, la banlieue « ghetto », et enfin la politique en banlieue avec la multitude des dispositifs mis en place entre 1981 et 1991.

RUSTICONI Laëtitia, L’évolution de la publicité Renault : analyse comparée de l’histoire de deux lancements publicitaires 4CV Renault (1946-1961) et Renault 5 (1972-1984), Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 166 p. et 118 p.

À la Libération, l’ancienne société de construction automobile « Renault Frères » fondée en 1898, renaît en 1945 sous la forme d’une Régie Nationale des Usines Renault, et engage dès lors le combat de la croissance avec le lancement d’un petit véhicule révolutionnaire : la 4 CV. Après le silence provisoire de la Seconde Guerre mondiale, la France entre ainsi dans l’ère de la consommation. L’apparition de l’automobile, un des moteurs de la croissance, modifie entièrement le mode de vie des Français.

Cette étude se propose d’analyser l’évolution de l’image de l’automobile au travers de la publicité Renault. Ainsi, le choix s’est porté sur deux repères déterminants de la vie de l’entreprise depuis 1945, des modèles de véhicules similaires qui ont marqué leur génération par leur nouveauté, leur succès commercial et leur succès publicitaire. Tout d’abord, la 4 CV, entre 1945 et 1961, sur laquelle s’appuie la Régie pour relancer sa production et rénover son image de marque ; puis la Renault 5, entre 1972 et 1984, qui ajoute aux précédentes exigences commerciales l’insolence et la différence d’une voiture personnifiée.

En suivant le cycle de la vie de la 4 CV et de la Renault 5, l’étude se propose de suivre l’évolution de la société française au travers des critères sociaux, du langage et des images utilisés dans les publicités pour les deux véhicules.

Après avoir rappelé, dans une partie introductive, la position de Renault vis-à-vis des autres constructeurs et sa place dans le monde de la publicité, l’analyse souligne l’intérêt d’une étude de la publicité automobile. La publicité permet d’étudier l’imaginaire des classes sociales, et une grille d’analyse des annonces a été établie afin de cerner les images dominantes. Les annonces proposent des modèles d’usage de l’automobile et mettent en scène des usagers différents selon l’époque et le type de véhicule. C’est pour cela que l’étude porte sur l’analyse du langage publicitaire des représentations de la conduite et de l’automobiliste.

Une première partie de l’étude est consacrée à l’analyse de la publicité faite par l’entreprise au travers des trois périodes du cycle de la vie de la 4 CV : la « naissance », la « maturité » et la « mort », afin de comprendre l’évolution des argumentaires publicitaires et de l’imagerie utilisée, ainsi que l’évolution du service et des techniques publicitaires.

Dans une seconde partie, l’étude s’attache à une description de l’accord entre Renault et l’agence de publicité Publicis, illustrant le passage de la réclame à la publicité.

Enfin, une troisième partie analyse les annonces concernant la Renault 5 sur le modèle de la première partie, de manière comparative avec la 4 CV, afin de tenter de voir des similitudes quant à l’imagerie et aux argumentaires utilisés pour les deux véhicules à deux périodes différentes.

Avec la volonté de construire une nouvelle voiture, la 4 CV, pour une société nouvelle, Renault se donne une « mission nationale » celle de remettre les Français sur quatre roues. En confectionnant une véritable image de marque, dont la Renault 5 est un symbole manifeste, la Régie participe à la renaissance d’une industrie moderne avec une nouvelle forme de publicité quasi « révolutionnaire ».

TALBOT Baptiste, L’émergence du syndicalisme révolutionnaire dans la chapellerie parisienne (1871-1903), Maîtrise [Antoine Prost-Danièle Tartakowsky], Paris 1, 1996, 150 p.

Cette étude s’attache en trois temps, à restituer l’évolution du syndicalisme ouvrier dans la chapellerie parisienne durant le dernier tiers du XIXe siècle. Pour des raisons de sources, elle est centrée sur la plus ancienne et la plus importante des organisations syndicales chapelières parisiennes.

Durant la période 1987-1903, l’industrie parisienne du chapeau connaît de profondes transformations liées principalement à la mécanisation. Ces mutations se traduisent sur le plan syndical par la multiplication à partir de 1887 d’organisations rivales aux effectifs réduits. Cette crise n’est surmontée qu’au début des années 1900 quand le « vieux syndicat » parvient à rallier les nouvelles catégories de la profession. Le mouvement des grèves évolue en fonction de cette double mutation économique et syndicale. Avant 1887, il connaît une montée en puissance. La grève est alors autant offensive que défensive. La crise de 1887 brise cet élan : les rares grèves survenant dans les années 1890 sont pour la plupart défensives. Au début des années 1900, du fait de l’amélioration de la conjoncture, le mouvement des grèves reprend de l’ampleur et s’affirme comme offensif.

L’action du principal syndicat chapelier parisien ne se limite pas aux questions corporatives. Essentiellement par le biais de ses militants, il intervient également dans les luttes pour la transformation globale de la société. Révolutionnaires, les militants chapeliers parisiens voient dans la propriété collective des moyens de production la réponse à la question ouvrière. Ils rallient d’abord le parti possibiliste : le bulletin de vote est à leurs yeux l’instrument du renversement du capitalisme. La scission que connaît le parti en 1890 les voit rejoindre les partisans de Jean Allemane. Leur participation aux activités du POSR les amène à considérer que la transformation globale doit se faire par la grève générale. Cette conception syndicaliste de la révolution les conduit enfin à intégrer la CGT en 1901. Le cas de la chapellerie parisienne se révèle particulièrement éclairant sur la fonction de forme transitoire assurée par le parti allemaniste pour une partie du mouvement syndical français, entre une conception politique et une conception syndicale de la révolution sociale.

Jusqu’au début des années 1890, les chapeliers parisiens considèrent luttes immédiates et luttes globales comme indépendantes les unes des autres voire comme antinomiques. Le développement d’une vision syndicaliste de la révolution les conduit finalement à les voir comme complémentaires. À son niveau, le syndicat des chapeliers parisiens réalise ainsi la synthèse syndicaliste révolutionnaire.

TROISSANT Marie, Le Club des Jacobins de 1958 à 1965, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 129 p.

L’histoire du club des Jacobins s’inscrit dans l’histoire politique contemporaine ; difficile à retracer, elle permet cependant de percevoir la réalité politique de l’époque en dehors des partis.

Le club des Jacobins est créé en 1951 par de jeunes radicaux dont Charles Hernu, qui en devient le président. La période de 1958 à 1965 marque une étape importante dans la vie du club. Inscrit dans la vie politique, l’évolution du club est liée aux changements des institutions. Le choix d’un plan chronologique s’impose alors. En effet, trois grandes périodes se dégagent.

De 1958 à 1959, le club est encore d’obédience radicale et montre une volonté de rénover la gauche à partir de son parti d’origine. L’échec de cette rénovation et le départ du parti radical aboutissent à une période « d’errance » politique pendant laquelle le club des Jacobins participe à de nombreuses expériences de rassemblement de la gauche non-communiste. Enfin de 1963 à 1965, c’est une période décisive pour les Jacobins qui en s’engageant aux côtés de François Mitterrand dans l’aventure présidentielle, scellent leur destin à ce dernier.

Le club des Jacobins se caractérise par une forte volonté d’engagement politique et par la personnalité de son dirigeant qui semble avoir marqué les membres du club.

WERBA Séverine, L’image de la famille juive d’après 1945, dans le cinéma français de 1967 à nos jours, Maîtrise [Claire Andrieu, Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1996, 235 p.

1967 est l’année de la guerre des Six Jours en Israël, elle est aussi celle du réveil identitaire des Juifs en diaspora. Après une longue absence des écrans de cinéma, les Juifs sont à nouveau représentés. Mais leur image est totalement nouvelle, elle n’a rien de commun avec celle des années trente dont les stéréotypes étaient réducteurs au plus haut point et souvent antisémites.

Comment est aujourd’hui cette image qui demeure encore taboue pour des raisons historiques évidentes, et qui ne fut pendant des siècles que négative ?

En choisissant dix fictions contemporaines suffisamment différentes, il est intéressant d’observer des représentations redondantes qui ne sont ni plus ni moins que des stéréotypes. Le but de cette étude est de les révéler en mettant en exergue leurs racines parfois anciennes.

De nombreux clichés (d’ordre social, culturel et professionnel), concernant les juifs, continuent à être véhiculés même s’il ne s’agit plus toujours de clichés négatifs. De nouveaux stéréotypes sont créés, fruits de nouveaux repères identitaires, citons, par exemple, la différenciation entre les séfarades et les ashkénazes. En effet, les familles juives représentées dans le cinéma de notre période ne sont pas issues des générations d’israélites assimilés.

La notion d’étranger, ou d’errance est donc très forte. La famille est le dernier « cordon judaïcal » dans un pays où la culture juive est minoritaire. Comment s’établissent les liens avec l’extérieur ? Quels sont les regards portés ? Enfin quels sont les codes internes et la place des membres de la famille ?

En observant qu’il est encore bien difficile de représenter les juifs, que les images, après avoir été négatives, deviennent inévitablement positives, on doit se demander si le dernier folklore du cinéma français est intégré à la culture française.

1995

ARNAUD Patrice, La Délégation officielle française auprès de la Deutsche Arbeitsfront (1943-1945), Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 334 p.

La Délégation officielle française (DOF) auprès de la deutsche Arbeitsfront est une administration de composition largement française créée au sein du front allemand du travail après l’accord de mai 1943 entre Gaston Bruneton, commissaire général à la main-d’œuvre française en Allemagne, et le Reichsleiter Mende. Ce mémoire nous a permis de mettre en relief l’existence dans le me Reich d’un système d’assistance aux travailleurs étrangers, fondé sur l’idéologie nazie d’une hiérarchie entre les races, ainsi que le fonctionnement interne de la polycratie nazie, dont deux caractéristiques sont la compartimentation verticale entre différents services se disputant des prérogatives similaires et une forte autonomie régionale qui engendre un remarquable décalage entre le centre et la périphérie. La DOF, intriquée dans l’administration nazie, puisque ses membres avaient statut de membres associés à la fonction publique, a ainsi copié les dysfonctionnements de ce système, permettant aux services allemands de jouer le rôle de régulateurs des conflits internes à la délégation.

En outre, à partir du congrès de Dresde d’avril 1944, la DOF dut se plier aux demandes des Allemands qui exigèrent son engagement explicite aux côtés du IIIe Reich en guerre. Ce processus de radicalisation progressive se conclut, pour une partie des membres de la DOF qui ne refusèrent pas cette dérive, dans l’acceptation de la cobelligérance à travers le rapprochement avec le comité de libération de Doriot le 20 février 1945. L’importance numérique de la DOF (11 000 délégués, 900 membres) nous a cependant conduits à nuancer l’idée d’une ligne politique unique des membres des services Bruneton et donc à distinguer les diverses réactions des acteurs, suivant les régions et le temps, en utilisant des exemples individuels comme autant de bornes entre lesquelles pouvait exister un continuum de toutes les attitudes possibles.

BITSUTSU GEILESSEN Fabrice, Histoire de la législation internationale du travail : l’action du Bureau International du Travail de 1919 à 1939, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 197 p.

Au début du XIXe siècle, les conditions de travail et de vie des ouvriers interpellent la conscience des premiers philanthropes. Ces derniers pour améliorer le sort du prolétariat revendiquent des lois qui mettent fin aux abus dont celui-ci fait l’objet.

Les organisations ouvrières installées en Syndicats prennent le relais et aboutissent dans leurs efforts à la création de l’OIT. Le rôle de l’OIT est de mettre en place par l’action du BIT la législation internationale du travail.

Tout ce processus historique se déroule dans un contexte social marqué par l’introduction de la rationalisation dans les usines et par la crise de 1929 et dans un contexte politique lié à la fin de la Première Guerre mondiale et à la montée des fascismes.

CAVAUD Isabelle, Étude des comités d’entreprise de la société d’imprimerie rue du Louvre de 1946 à 1968, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 160 p.

Par l’ordonnance du 22 février 1945, complétée par la loi Gazier-Croizat du 16 mai 1946, le gouvernement provisoire de la République française institue, à la Libération, les comités d’entreprise qui vont profondément modifier le système des relations sociales dans le monde du travail, en associant les travailleurs à la Direction de l’économie et à la gestion des entreprises. Nous avons tenté de montrer, à travers l’étude du comité d’entreprise de la société d’imprimerie rue du Louvre, la manière dont les travailleurs ont été effectivement associés à la Direction et à la gestion de l’entreprise de 1946 à 1968. Nous avons constaté que cette association des travailleurs à la vie de leur entreprise engendra de nombreux problèmes politiques et sociaux. En effet, durant toute la période, le comité d’entreprise semble avoir dû continuellement faire face à la fois à une direction plus ou moins coopérante et à des organisations syndicales fortement revendicatives. Pourtant, les comités d’entreprise successifs ont réellement mené une politique cohérente dans le domaine social en gérant un certain nombre de réalisations qui, aujourd’hui, nous paraissent irremplaçables.

CHRISTIEN Lionel, L’éclatement du scoutisme catholique en France : 1964-1971, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995

Le scoutisme catholique en France est à l’apogée de son histoire à l’aube des années 60. C’est le moment que choisissent ses dirigeants pour lui donner un nouveau visage, parallèlement à l’aggiornamento entrepris par l’Église avec le Concile Vatican II. Des réformes pédagogiques sont le signe extérieur de ces transformations. Elles recouvrent en réalité un bouleversement plus profond dont il faut rechercher les racines dès l’époque de la Libération et qu’il faut mettre en parallèle avec le passage « à gauche » d’une partie du catholicisme français alors que la guerre d’Algérie bat son plein.

Cette évolution, loin de faire l’unanimité, provoque une crise à l’intérieur du mouvement. À partir de 1965 se lèvent de nombreuses oppositions, internes et externes, qui vont tenter de contrer ce qu’elles analysent comme une dénaturation et une trahison de l’œuvre inventée par Baden-Powell. Ces différentes réactions vont conduire à la création de mouvements dissidents dans le scoutisme. L’unité du scoutisme catholique français, réalisée en 1920, a vécu. L’étude de ces actions de résistance est décrite à partir de très nombreux témoignages qui ont été recueillis pour la première fois.

L’analyse des motivations, mobiles et enjeux des tendances antagonistes qui divisent le scoutisme révèlent quelques surprises. Les oppositions, si elles recoupent globalement la division traditionnelle du champ des affrontements politiques dans la société française, ne peuvent, cependant, être analysées comme une réaction analogue à l’intégrisme catholique qui se fait jour dans le même temps. La question est plus complexe et renvoie à la permanence de modèles éducatifs traditionnels dans un contexte de profonds bouleversements de la société française, alors que s’annoncent les événements de Mai 68.

COURTAUX Élisa, Les clubs politiques et Mai 68, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995

L’objectif de départ de ce travail était de comprendre comment les clubs politiques avaient vécu les événements de mai et juin 1968. En effet, beaucoup d’études consacrées aux clubs, des mémoires de maîtrise récents notamment, s’arrêtaient justement en 1968, tout en précisant que cette date semblait marquer une rupture. Il s’agissait alors d’étudier les réactions de chacun des clubs à ces événements pour en mettre en lumière la multiplicité. Nous avons ainsi considéré les différentes sortes de clubs : les sociétés de pensée, pures ou engagées, que l’on a appelées « déchirées », car elles hésitent entre action et réflexion, les clubs plus nettement politiques de la gauche non communiste et ceux de la majorité. Il est tout de suite apparu que l’année 68 seule ne suffisait pas à comprendre les évolutions des clubs et qu’il était très intéressant de continuer jusqu’en juillet 1969, date de création du Nouveau Parti Socialiste, en se penchant aussi sur les bouleversements de la vie politique provoqués par les événements de Mai (référendum d’avril, départ du Général de Gaulle, présidentielles anticipées en juin).

Nos recherches nous ont permis de comprendre les réactions et les évolutions des différentes sortes de clubs au vu de la situation politique et du positionnement spécifique à chacun d’eux. Ainsi, les clubs politiques qui s’étaient engagés dans la reconstruction d’un nouveau parti socialiste se sont plus ou moins « fondus » dans le nouvel organisme. Les sociétés de pensée « déchirées », comme le club Jean Moulin, n’ont pas réussi à se replacer dans le paysage politique de la gauche, à côté d’un parti réorganisé, et ont subi aussi le contrecoup de leur échec à prévoir et à récupérer les événements de Mai. Les sociétés de pensée, restées hors du circuit politique, ont survécu en redéfinissant leur rôle propre. Enfin, la majorité a de son côté commencé à utiliser, pour son propre compte, le « système club ».

CUCHET Guillaume, La spiritualité conjugale et familiale à la lumière de l’Anneau d’or (1945-1967), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995

La spiritualité conjugale et familiale catholique est un chapitre de l’histoire des mentalités religieuses qui s’ouvre dans l’entre-deux-guerres. Il trouve sa consécration dans les colonnes de L’Anneau d’or, de la date de sa création par l’abbé Caffarel en 1945 à celle de sa disparition, au lendemain de Vatican II, en 1967. Nous avons cherché à comprendre les raisons et les modalités de l’émergence de ce discours d’un genre nouveau, concernant le couple, la famille et l’amour humain. Pour ce faire, nous avons élargi notre champ de recherche à l’entre-deux-guerres.

L’histoire de cette nouvelle spiritualité recoupe largement celle d’une génération de catholiques audacieux, mariés dans les années trente, formés dans les mouvements de jeunesse (scoutisme ou Action catholique) et soucieux, dans le cadre conjugal, de poursuivre une vie spirituelle profonde. Or, dans les années vingt encore, rien n’est moins évident. Le mariage chrétien est certes un sacrement, mais il n’est encore justifié, de près ou de loin, que par la procréation et l’éducation. Cette « génération graciée » ne saurait plus se contenter d’une telle infrastructure idéologique. Elle revendique beaucoup plus qu’une simple chance de faire son salut ici-bas : elle cherche une sainteté du mariage, dans et par le mariage.

Pour étayer ses justes prétentions, elle s’efforce de montrer que l’union d’un homme et d’une femme, sanctifiée par le sacrement du mariage, est l’image fidèle de l’union du Christ et de son Église. Elle légitime ainsi l’existence d’une véritable mystique conjugale, très éloignée des considérations moralisantes et sociologiques qui constituaient, jusque-là, le plus clair du discours de l’Église sur la famille. En outre, elle propose une alternative à la sainteté de type monastique.

Cette histoire de la théorie du mariage chrétien a son importance — elle est même décisive — mais on apprécierait mal la rupture qu’elle représente si on ne l’analysait pas au regard d’une histoire sociale, celle de l’émergence du couple au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La génération — Anneau d’or — s’est mariée plus librement que celle de ses parents : elle célèbre le triomphe du mariage d’inclination sur celui de présentation en milieux aisés. Aussi a-t-elle été tout naturellement portée à faire de son amour quelque chose d’essentiel, une image de l’amour divin. Le centre de gravité du mariage chrétien s’est déplacé de la famille au couple lui-même. De ce déplacement découle toute une série de conséquences quant à la sexualité, l’éducation des enfants, les relations entre époux, etc.

Plus que de rupture dans la théorie du mariage chrétien, sans doute est-il plus juste de parler de transformation. L’abbé Caffarel et ses disciples, relayés par les équipes Notre-Dame, ont procédé à une réorganisation du discours. L’essentiel, c’est désormais la « mystique conjugale ». Les développements théologiques, moraux et sociologiques doivent être subordonnés à ce principe qui leur donne sens. Seul cet équilibre théorique est à même de déboucher sur un véritable équilibre pratique, c’est-à-dire un « vrai mariage chrétien ». Si L’Anneau d’or disparaît au lendemain de Vatican II, c’est aussi parce qu’en vingt ans la société française a beaucoup changé et qu’aux yeux de l’abbé Caffarel, le dialogue de ces deux équilibres est sérieusement compromis.

DU ROY Ivan, Les syndicats policiers et le maintien de l’ordre (1968-1973), Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995

L’une des tâches des fonctionnaires de police est de maintenir l’ordre. Depuis 1946, les policiers ont officiellement le droit de se syndiquer. Comment cohabitent ces deux esprits, représentant de l’ordre et syndicaliste ? Le climat social qui marque l’année 1968 révèle cet aspect paradoxal. De Mai 1968 à 1973, les policiers sont très sollicités dans leurs missions de maintien de l’ordre. Que ce soit lors des grandes manifestations syndicales ouvrières, face aux barricades étudiantes, ou confrontés aux commandos antifascistes gauchistes, le devoir des fonctionnaires de police est d’être présents dans la rue, pour maintenir, voire rétablir, l’ordre public. Le devoir du syndicaliste policier est tout autre. Il doit veiller aux intérêts matériels et moraux de sa profession et être vigilant sur l’utilisation politique de la police par le gouvernement.

Durant cette période, les publications syndicales policières nous éclairent sur leur vision des manifestants et des mouvements sociaux et sur leur conception du maintien de l’ordre. Les critiques de l’époque sur l’utilisation de la police font apparaître un malaise au sein du corps policier. Ce malaise est un des révélateurs du paradoxe du syndicalisme policier.

Cette situation met en évidence les deux orientations syndicales et politiques qui s’affrontent dans la police. La première, représentée par la Fédération autonome des syndicats de police (FASP), majoritaire, conçoit la police comme un service public, au service de l’ensemble des citoyens et ayant les mêmes intérêts. La seconde, partagée par les syndicats catégoriels, minoritaires, considère que le policier doit servir le régime en place, quel qu’il soit, et ne se soucier que des préoccupations matérielles et morales de celui-ci.

DUPONT Laurence, Les sociétés de secours mutuels à la CGO et à la STCRP des origines à 1945 : les œuvres sociales mutualistes, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 148 p. + annexes

L’étude réalisée dans le cadre de cette maîtrise d’histoire sociale porte sur le développement du Mutualisme dans les transports en commun du réseau de surface de la région parisienne, des origines de ce mouvement, à la fin du XIXe siècle, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En effet, c’est dans la dernière décennie du siècle précédent que les sociétés de secours mutuels ont vu le jour et ont pu se développer. Au sein du réseau de surface, l’étude porte particulièrement sur les sociétés de secours mutuels de la Compagnie Générale des Omnibus et de la Société des Transports en Commun de la région parisienne. Toutefois, lorsque cela a été possible, nous avons observé d’autres compagnies et d’autres mutuelles.

Dans une première partie, qui regroupe les quatre premiers chapitres, nous avons retracé l’histoire et l’évolution des sociétés de secours mutuels. Nous avons cherché à expliquer comment sont apparues les mutuelles dans les dépôts de la CMGO. À travers la politique sociale de l’entreprise et le contexte politique, nous avons essayé de comprendre quelle situation particulière s’était créée pour permettre aux sociétés mutualistes de voir le jour. À travers l’exemple d’une société de secours mutuels, la « Mutuelle de la Section E de la Compagnie Générale des Omnibus », nous avons pu percevoir la vie quotidienne des militants au sein des sociétés. Au regard de leurs actions, de leurs engagements, des idéaux qui les animent, il devient possible de comprendre les motivations de chacun. Mais la réalisation de ces objectifs n’a pas été facile. Face aux problèmes majeurs, aux crises et aux menaces, les mutualistes ont su réagir, en unissant leurs efforts et leurs volontés.

Dans le deuxième chapitre, l’étude a été davantage centrée sur une seule mutuelle : « La Fraternelle des Transports en Commun de la région parisienne ». Elle a surtout porté sur les conditions de sa constitution et sur les raisons qui ont poussé des sociétés de secours mutuels à fusionner pour former une société unique. De plus, l’histoire de cette mutuelle s’écrit en parallèle avec l’histoire de la IIIe République dans les années 1920-1930. En effet, cette histoire particulière s’inscrit dans un débat beaucoup plus vaste qui se déroule au plan national : le débat sur les Assurances Sociales.

Le chapitre III remonte un peu dans le temps, car il retrace l’histoire d’une société de secours mutuels de 1910 à 1936, de sa naissance à sa fusion avec la Fraternelle. Il s’agit de « La Bienfaisante des Contrôleurs ». Son évolution est intéressante, car il s’agit d’une mutuelle regroupant une catégorie de personnel-élitiste. Ses prestations et ses buts sont donc bien différents de sa consœur « La Fraternelle ». Le chapitre suivant montre l’évolution et le fonctionnement de la nouvelle grande mutuelle créée : « La Fraternelle M Bienfaisante des TCRP ». Sa durée de vie a été courte puisqu’elle n’a fonctionné que huit ans, mais elle marque une étape très importante pour la mutualité dans les transports.

Les deux derniers chapitres pourraient constituer à eux seuls une seconde partie. Consacrés aux œuvres sociales mutualistes, ces chapitres montrent l’importance humaine du mouvement et le rôle de soutien des sociétés de secours mutuels. Les œuvres sociales sont, à juste titre, nous semble-t-il, la fierté des mutualistes. Elles symbolisent les valeurs fondamentales de la mutualité : entraide, solidarité, soutien. Que ce soient les maisons de retraite ou surtout l’orphelinat, les œuvres sociales sont les réalisations qui montrent le mieux quel rôle peut jouer la mutualité dans certaines circonstances de la vie. Ces réalisations sont exemplaires et servent aujourd’hui encore de base de réflexion sur les solutions à apporter, notamment aux difficultés rencontrées par les personnes âgées.

FERREIRA Thierry, Vive la révolution : étude d’un mouvement maoïste français, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995

Un groupe d’anciens militants de l’Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes, avec à leur tête Roland Castro, déçu de l’attitude de leur ancienne organisation pendant les événements de Mai, décide de se réunir dans une organisation maoïste révolutionnaire, Vive la révolution.

L’évolution de ce groupe s’avère particulièrement originale. En effet, par sa volonté de retrouver l’esprit de Mai, Vive la révolution va progressivement délaisser les grandes certitudes historiques, rompre avec les thèmes hérités du passé et de l’étranger. Vive la révolution cherche alors à construire son propre discours.

Ainsi, délaissant le thème de la lutte des classes, des militants ouvrent des brèches dans le front principal qui avait été celui des usines. Vive la révolution encourage, ainsi, l’expression autonome de chaque fraction du peuple et la fusion des révoltes afin de « changer la vie ». On voit dès lors se développer, dans la mouvance de Vive la révolution, des groupes de luttes pour la libération des femmes, pour la libération des homosexuels, pour la libération des jeunes.

Le corps apparaît comme le lieu de l’oppression, le désir devient le moteur de la lutte.

Vive la révolution devient le chaînon manquant entre les gauchistes et une France rebelle, moins politisée.

Toutefois, très vite, la situation n’est plus gérable pour Vive la révolution à partir du moment où deux analyses s’affrontent. On constate, en effet, une incompréhension entre ceux qui prônent la révolte du désir contre l’oppression, et ceux qui pensent que la révolution ne partira que de la révolte ouvrière contre l’exploitation.

En avril 1971, Roland Castro conscient des contradictions que traverse son mouvement, et conscient de sa perte de contrôle sur les mouvements autonomes, décide, finalement, la dissolution de Vive la révolution.

GOZARD Hélène, Les boulangeries à Paris pendant l’occupation, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 238 p.

Traiter les boulangeries à Paris pendant l’occupation, c’est avant tout étudier l’approvisionnement en pain de la population parisienne.

Durant les années noires, le pain sert à équilibrer la ration alimentaire et sert également de denrée de remplacement en cas d’insuffisance des autres aliments rationnés. Aussi le gouvernement s’attache à donner coûte que coûte du pain à tous. L’ensemble de la filière du pain est contrôlé, chaque français est concerné.

Une politique du pain se met effectivement en place : mesures visant à produire en quantité suffisante le blé, mesures de répartition et de distribution de la farine et des combustibles dans les boulangeries, réglementation de la fabrication et de la distribution du pain et autres produits de la boulangerie. Les boulangeries, au cœur de la politique du pain, sont soumises à des règles strictes quant à leurs conditions de création, d’extension ou de réouverture. Dans le cadre de l’élimination de l’influence juive dans l’économie nationale, les boulangeries israélites sont aryanisées.

En dépit de toutes les mesures prises, la politique du pain ne se révèle pas conforme à ce qu’on pouvait en attendre. Certes, jusqu’en juin 1944, les Parisiens ne manquent pas de pain. C’est peut-être parce qu’ils ont recours au marché parallèle et à ses trafics. Mais pendant les dernières semaines de l’occupation, le ravitaillement des boulangeries n’est plus assuré convenablement, malgré un plan de détresse pensé dès 1943 ; la paix sociale est en danger. La farine et le bois manquent, les queues s’allongent aux portes des boulangeries qui ne peuvent plus fournir du pain à tous.

Ce mémoire a tenté de montrer l’occupation sous son aspect le plus quotidien : quatre années à la recherche du pain et de la préservation de la vie.

HOIBIAN Guillaume, Le patronage Saint-Pierre-Saint-Paul d’Ivry-sur-Seine et l’Œuvre de la jeunesse de Charenton (1918-1939) : étude comparative de deux organisations de jeunesse catholique de la banlieue parisienne, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 230 p.

Les paroisses catholiques Saint-Pierre de Charenton et Saint-Pierre-Saint-Paul d’Ivry-sur-Seine ont, dès la fin du XIXe siècle, mis en place des œuvres de jeunesse qui se développeront durant tout l’entre-deux-guerres. Celles-ci seront parmi les plus importantes organisations de jeunesse des deux communes. L’étude comparative du patronage de la paroisse d’Ivry-Centre et de l’Œuvre de Jeunesse de Charenton a permis de mettre à jour la spécificité de l’apostolat auprès de la jeunesse d’une commune ouvrière et celui s’adressant à des jeunes d’une commune dominée par la petite bourgeoisie.

L’influence du milieu sous les formes d’organisation, les buts et les activités, est réelle. À Charenton, la majorité des membres de l’OJC ont plus de quatorze ans. Ce sont principalement des jeunes scolarisés. Le poids des adultes (« Le Cercle des Anciens ») est tout aussi déterminant et révélateur d’une paroisse où la vie religieuse est peu affectée par la déchristianisation grandissante des milieux ouvriers. À l’inverse, à Ivry, les difficultés rencontrées pour retenir les jeunes apprentis et ouvriers font que le patronage reste une organisation regroupant pour l’essentiel des enfants de 7 à 14 ans. Rares sont les plus âgés continuant à suivre les activités du patronage. La population encadrée n’est donc pas la même et cela influe bien évidemment sur les activités et les finalités des œuvres de jeunesse.

Certes les missions restent les mêmes. Il s’agit dans les deux œuvres de chercher à maintenir le maximum de jeunes dans l’orbite paroissial et ainsi de les amener à rester pratiquants.

La formation des jeunes catholiques est l’un des axes prioritaires de ces œuvres. Cependant, elles vont connaître à ce sujet une évolution opposée. Alors que l’OJC est dans les années vingt sous l’influence des idéaux du catholicisme social, l’introduction de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne sera un échec. L’Œuvre de la Jeunesse de Charenton perdra son aspect militant. Le patronage Saint-Pierre-Saint-Paul connaîtra, lui, une évolution inverse. Sclérosée par un climat extrêmement hostile à l’Église catholique, l’introduction certes tardive des mouvements de jeunesse (scoutisme, JOC, JEC), dans les années trente, transformera ce patronage en une organisation plus ambitieuse et plus offensive.

Parallèlement, les prêtres, directeurs de ces œuvres, vont essayer de protéger les jeunes catholiques des influences néfastes du monde extérieur. La grande différence entre les deux œuvres est la place accordée à Ivry à la socialisation politique des jeunes catholiques. Dans ce fleuron du communisme municipal, le patronage va être l’un des outils pour contrer l’influence des communistes sur la population. Dans les rubriques réservées aux œuvres de jeunesse, la municipalité, les organisations de jeunesse des « sans-dieu » seront sans cesse dénoncées. Dans cette commune, les catholiques réagirent à l’anticléricalisme virulent par des discours anticommunistes constants. L’objectif est de fournir une argumentation aux enfants pour qu’ils puissent s’affirmer catholiques à l’extérieur des locaux du patronage. La politique de la « main tendue » n’aura que peu d’effet sur ce climat délétère. La dénonciation des idées communistes recouvre donc un aspect beaucoup plus concret à Ivry qu’à Charenton qui reste une commune en marge de la banlieue rouge. L’Œuvre de la Jeunesse de Charenton dénoncera plus fortement les aspects jugés négatifs de l’évolution de la société française.

Les moyens utilisés pour attirer les jeunes furent nombreux. Une multitude d’activités de toutes sortes a été proposée au sein de ces œuvres. Bien souvent précurseurs, les catholiques vont proposer des activités sportives, culturelles, ludiques extrêmement variées. Ce qui fera du local des œuvres l’un des foyers d’animation, l’un des lieux de vie les plus dynamiques de ces communes. Ce seront, par exemple, les premiers organismes des deux villes à créer des colonies de vacances. L’étude de ces patronages ne se limite donc pas à leur aspect confessionnel, mais cherche à présenter l’ensemble des facettes de ces organisations. Elle révèle aussi leurs capacités à évoluer et à s’adapter aux demandes des jeunes.

JAFFIOL Sébastien, Le Paris des provinciaux ou l’image de Paris à travers la presse quotidienne provinciale de 1962 à 1965, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 190 p.

Quelle était l’image de Paris donnée par quelques quotidiens régionaux (Ouest-France, La Dépêche du Midi, Les Dernières Nouvelles d’Alsace et Le Bien Public) dans la première moitié des années soixante ?

Le contexte correspond à la fois à une période de profonds changements en région parisienne et au cheminement de tout le pays vers ce qu’il est convenu d’appeler la société de consommation et de loisirs. Le but de cette recherche est d’éclaircir la question des rapports entre les provinciaux et la capitale à travers cette période-clef, tant de l’histoire de Paris que de celle des mentalités.

Le mémoire s’organise autour de trois questions principales. Tout d’abord, quelles sont les images de Paris les plus couramment répandues dans la presse régionale de 1962 à 1965 ? Puis, dans quelle mesure les mutations de la région parisienne à l’époque intéressent-elles le public de province ? Enfin, que révèle-t-il des rapports culturels et des représentations Paris-Province.

La région parisienne est omniprésente à travers les pages des quotidiens étudiés. Sa représentation repose essentiellement sur une thématique ancienne qui prend racine dans le rejet de la ville, univers de danger et de tentation, l’acceptation du centralisme et la fascination pour le microcosme urbain. Les transformations de la région parisienne ne sont que partiellement rendues à travers ce média, dans la mesure où elles répondent à des visions fantasmagoriques de Paris. Il apparaît que cette façon de représenter la capitale répond à un besoin profond des lecteurs. Il semble s’agir, pour eux, de fréquenter quotidiennement à travers les pages de leurs journaux un univers parisien davantage mythique que réel, ce qui fonctionne comme un signe de cohésion nationale, de reconnaissance entre les Français.

KROP Jérôme, Les ouvriers du Petit-Clamart : monographie sociale et historique d’un quartier de lotissements pavillonnaires au début des années cinquante, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 207 p.

Ce travail est basé sur une enquête sociologique réalisée en 1952 dans ce quartier et dirigée par Paul-Henri Chombart de Lauwe. Elle concerne tous les aspects de la vie quotidienne et de l’histoire de cette population, caractérisée par une forte proportion d’ouvriers qui ont pu accéder à l’habitat individuel. Elle se situe à une époque charnière notamment du point de vue de l’urbanisme et de l’histoire du quartier, alors que l’expansion des lotissements de l’entre-deux-guerres s’achève. Du point de vue social, cette population modeste ressent les premiers signes de prospérité liés à la période de croissance qui s’annonce, sans savoir si elle pourra en profiter après des années de privations.

Le choix de l’habitat individuel des ménages modestes et l’histoire chaotique du développement du quartier constituent un élément important pour comprendre les réponses des personnes interrogées. Il s’agit de percevoir cette aspiration populaire à l’habitat individuel, de saisir la vie quotidienne de cette population en prenant en compte la spécificité de l’habitat, la coexistence de plusieurs classes sociales, et leurs corollaires, c’est-à-dire les rapports de voisinage, les tensions sociales que cela suscite et l’ensemble des pratiques de la vie quotidienne. Nous avons essayé d’appréhender l’histoire de ce quartier et de comprendre l’attachement de cette population à l’habitat individuel afin d’analyser les logiques sociales à l’œuvre dans ce quartier au début des années cinquante.

LAPORTE Nicolas, L’intégration des ex-agents des sociétés de transports algériennes à la RATP, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 152 p.

Dans cette étude, nous avons essayé d’analyser les conséquences sociales et économiques (pour les agents intégrés et pour la RATP) de l’intégration des ex-agents des sociétés de transports algériennes au sein de la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP). À partir des archives de la RATP relatives à l’intégration, et des témoignages écrits et oraux du personnel rapatrié intégré, nous avons cherché à retracer le parcours professionnel de ces 500 « pieds-noirs » déracinés, venus travailler à la Régie.

Après avoir replacé l’intégration des ex-agents des sociétés de transports algériennes dans le contexte plus général du rapatriement des Français d’Algérie, à la suite de la déclaration d’indépendance du 3 juillet 1962, nous nous sommes intéressés à l’étude du personnel (nombre, origine, âge, qualification, entreprise d’origine). Ensuite, nous avons d’écrit le déroulement de l’intégration de ce personnel à la RATP au travers des mesures mises en place par la direction de l’entreprise (remise à niveau, reclassement, aide au logement, intégration en surnombre) ou par le ministère des Travaux publics et des. Transports (prestations de retour, de subsistance, subventions d’installation), et par la réaction ou l’aide des organisations syndicales.

L’intégration a engendré deux problèmes majeurs : le déclassement d’une fraction du personnel intégré (environ 20 %), et l’attribution des retraites aux membres du personnel en âge de cesser leur activité.

Le déclassement a profondément heurté les intégrés, mais i] a été résolu au « cas par cas », par des mesures favorisant un nouveau reclassement.

Le problème des retraites a été encore plus douloureux et difficile à régler. Il aura fallu plus de 10 ans pour que les différentes caisses de retraites algériennes ou françaises, la RATP, le ministère des Travaux publics et des Transports, et celui des Finances, arrivent à mettre au point un protocole commun. La coordination de la politique d’intégration a été, en dehors de la question des retraites, un enjeu majeur.

Nous nous sommes enfin intéressés au devenir des « pieds-noirs » intégrés, et à l’amicale qu’ils ont créée.

L’intégration professionnelle a été, malgré les difficultés, une réussite. Peut-on en dire autant de l’intégration sociale ?

LOR Gaëlle, Une politique de diffusion culturelle : les expositions temporaires du Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis de 1981 à 1991, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995

Démocratiser la culture, c’est en favoriser l’accès au plus grand nombre ; il faut donc séduire un public et capter son intérêt, établir une relation. Les expositions temporaires qui peuvent alors devenir un outil de diffusion culturelle sont susceptibles d’établir cette relation.

Dans le cas de Saint-Denis, la démocratisation culturelle est favorisée par la situation politique stable de la ville, communiste depuis 1945, qui a fait le choix de ne pas réserver les manifestations culturelles à l’élite de sa population. Les expositions temporaires du musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis étant représentatives du musée et de sa ville, le choix de faire en majorité des expositions d’art contemporain participe sans doute de la volonté d’en donner une image prestigieuse.

La naissance du service pédagogique en 1981, après le déménagement du musée, met en valeur la relation qui doit exister entre l’art et le public, quels que soient l’âge, la nationalité ou la situation sociale des visiteurs. L’action de ce service a pour conséquence de faire naître, par le biais de conférences, de concours et d’ateliers organisés à partir des thèmes d’exposition, une relation entre des personnes qui, sans cela, n’auraient pas établi de contact. Autour de l’action de ce service, notamment dans le milieu scolaire, se développe peut-être un « sentiment dionysien » générateur d’une cohésion sociale en même temps qu’il est pour certains, un vecteur d’intégration.

La politique d’exposition du musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis dépasse en fait le désir de démocratisation culturelle et correspond à une politique d’intégration et de cohésion sociale de la population dionysienne.

PANON Delphine, Les enfants dans l’émigration allemande de 1933 à 1940, Maîtrise [Bruno Groppo, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 180 p.

Ce mémoire constitue l’esquisse d’une synthèse sur le thème des enfants des émigrés allemands ayant trouvé refuge en France pour une durée plus ou moins longue, entre 1933 et 1940, c’est-à-dire de l’avènement d’Hitler à la défaite et au suicide de la IIIe République. Il tente de répondre à un certain nombre de questions à l’aide de trois sources principales que sont les archives diplomatiques, des témoignages autobiographiques et le Pariser Tagezeitung, unique quotidien de la presse émigrée. Combien étaient ces enfants ? Qui étaient-ils ? Quels organismes leur portèrent secours ? Comment s’organisait la vie familiale en exil ? Quelle place tenaient les enfants dans les préoccupations des émigrés ?

Malgré la rareté et le caractère approximatif des données chiffrées sur l’émigration antinazie, il semble que l’émigration enfantine ait été essentiellement une émigration « raciale » : les réfugiés politiques quittaient très rarement l’Allemagne avec leur famille, contrairement aux réfugiés « raciaux ». Du fait de l’augmentation de la proportion de l’émigration « raciale » par rapport à l’émigration politique, le nombre des enfants augmenta progressivement de 1933 à 1940.

Au sein de la nébuleuse d’organismes ayant porté secours aux émigrés allemands, l’OSE, avec son réseau de foyers, et l’Assistance médicale aux enfants du docteur Eisfelder, se distinguèrent par une action particulièrement efficace en faveur des enfants.

Soutenu par des organismes de secours et par les donateurs privés, un certain nombre de foyers accueillit les enfants de réfugiés qui ne pouvaient être pris en charge par leurs parents. L’étude de plusieurs d’entre eux (Maisons-Laffitte, La Brévière, la Goûme, etc.) met en lumière le fonctionnement quasi autarcique de ces petites sociétés, possédant leurs propres codes et leurs propres valeurs.

Enfin, l’intérêt pour les problèmes de l’enfance émigrée se retrouve dans des ouvrages autobiographiques, par le biais des souvenirs de vie familiale, ainsi que dans la presse-émigrée, et notamment dans le Pariser Tagezeitung qui témoigne d’une sensibilité particulière aux thématiques pédagogiques.

PASCAL Isabelle, La création de la CGT vue par la presse, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 192 p.

La Confédération Générale du Travail a été créée au Congrès de Limoges durant la semaine du 23 au 30 septembre 1895.

L’objectif de notre étude est de montrer comment la naissance de la CGT a été présentée par la presse nationale et régionale de l’époque, c’est-à-dire de savoir si cette création a été perçue comme un événement par les journaux ou, au contraire, si elle a été passée sous silence.

On constate très rapidement que cette création a été ignorée d’une bonne partie de la presse puisque, sur un total de quatre-vingt-dix-sept titres, seuls quarante d’entre eux en parlent et que très peu rapportent en détail la naissance de la CGT.

La logique aurait voulu que ce soit la presse de droite — naturellement opposée à cette création — qui ait occulté cet événement. On constate pourtant que c’est environ le même pourcentage de journaux de droite et de gauche qui rapportent l’information. La seule différenciation que nous puissions faire dans ce clivage gauche/droite est la prise de position des journaux face à ce congrès. En effet, hormis la presse socialiste, le reste de la presse de droite et de gauche confondue s’est opposé à ce congrès. Un consensus s’est donc fait de toute la presse, hormis la presse socialiste, contre ce congrès qui entre donc dans la catégorie des événements dont la portée historique n’a pas été perçue par ses contemporains.

PIPET Florence, La Farandole de 1955 à 1965 : histoire d’une maison d’édition, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 148 p.

La Farandole est une maison d’édition spécialisée dans la production de livres destinés à la jeunesse. Créée en 1955, elle cesse son activité en 1994. Nous avons fondé notre étude sur la production de ses onze premières années d’existence (1955-1965) soit un corpus qui regroupe environ cent soixante-dix ouvrages.

Nous avons essayé de cerner le projet de la Farandole et de voir en quoi il pouvait se différencier ou s’apparenter à celui des autres maisons d’édition de l’époque.

La production organisée autour de collections diversifiées, essaie de toucher un lectorat le plus large possible en lui proposant une variété importante d’ouvrages. Parmi ceux-ci, des livres qui ont pour objectif de mettre l’enfant en relation avec son environnement social et de lui faire découvrir la diversité des peuples qui habitent la planète. Le projet de la maison d’édition revêt ainsi une dimension sociale et culturelle qui tourne autour de deux axes : développer le goût de la lecture chez l’enfant et lui transmettre des codes essentiels à l’apprentissage de la vie sociale, afin de lui permettre de former son propre jugement.

Arrivés au terme de notre recherche, nous avons montré que les liens qui unissent la Farandole au Parti communiste n’influencent pas la production de la maison d’édition. La Farandole garde une réelle autonomie.

SEGALAS Richard, La fin des postiers ambulants (1974-1995), Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 145 p. + annexes

La grande grève de 1974 marque une fracture dans l’histoire de la Poste. La longueur du conflit et la concentration des activités sur la capitale font que l’Administration décentralise et réorganise ses services. Les services ambulants vont en être les premières victimes. Ces derniers sont chargés d’acheminer et de trier le courrier dans des trains. Organisés en brigades, les Ambulants forment un monde à part à l’intérieur de la Poste. Dans des wagons anciens, de plus en plus inadaptés aux besoins du service, ils parcourent la France deux jours sur quatre.

La spécificité de leurs conditions de travail et le fait de vivre ensemble plusieurs jours par semaine font que les ambulants forment une catégorie très soudée. L’unité se retrouve, au niveau syndical en particulier, pour défendre et faire progresser leurs acquis sociaux. Leur coût excessif, la mécanisation du tri et la mise en place de moyens de transport plus rapides font que les services ambulants n’apparaissent plus adaptés. Ils sont supprimés. Si pour certains, c’est le résultat d’un processus engagé depuis 1974, pour d’autres, cette suppression laisse un goût amer. Ils soulignent, en effet, un manque de coordination syndicale et contestent le reclassement proposé.

TALBOT Baptiste, L’émergence du syndicalisme révolutionnaire dans la chapellerie parisienne (1874-1903), Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1995, 149 p.

Cette étude s’attache, en trois temps, à restituer l’évolution du syndicalisme ouvrier dans la chapellerie parisienne durant le dernier tiers du XIXe siècle. Pour des raisons de sources, elle est centrée sur la plus ancienne et la plus importante des organisations syndicales chapelières parisiennes.

Durant la période 1871-1903, l’industrie parisienne du chapeau connaît de profondes transformations liées principalement à sa mécanisation. Ces mutations se traduisent sur le plan syndical par la multiplication à partir de 1887 d’organisations rivales aux effectifs réduits. Cette crise n’est surmontée qu’au début des années 1900 quand le « vieux syndicat » parvient à rallier les nouvelles catégories de la profession. Le mouvement de grèves évolue en fonction de cette double mutation économique et syndicale. Avant 1887, il connaît une montée en puissance. La grève est alors autant offensive que défensive. La crise de 1887 brise cet élan : les rares grèves survenant dans les années 1890 sont pour la plupart défensives. Au début des années 1900, du fait de l’amélioration de la conjoncture, le mouvement des grèves reprend de l’ampleur et s’affirme comme offensif.

L’action du principal syndicat chapelier parisien ne se limite pas aux questions corporatives. Essentiellement par le biais de ses militants, il intervient également dans les luttes pour la transformation globale de la société. Révolutionnaires, les militants-chapeliers parisiens voient dans la propriété collective des moyens de production, la réponse à la question ouvrière. Ils rallient d’abord le parti possibiliste : le bulletin de vote est à leurs yeux l’instrument du renversement du capitalisme. La scission que connaît le parti en 1890 les fera rejoindre les partisans de Jean Allemane. Leur participation aux activités du POSR les amène à considérer que la transformation globale doit se faire par la grève générale. Cette conception syndicaliste de la révolution les conduit enfin à intégrer la CGT en 1901. Le cas de la chapellerie parisienne se révèle particulièrement éclairant sur la fonction de forme transitoire assurée par le parti allemaniste pour une partie du mouvement syndical français, entre une conception politique et une conception syndicale de la révolution sociale.

Jusqu’au début des années 1890, les chapeliers parisiens considèrent luttes immédiates et luttes globales comme indépendantes les unes des autres, voire comme antinomiques. Le développement d’une vision syndicaliste de la révolution les conduit finalement à les trouver complémentaires. À son niveau, le syndicat des chapeliers parisiens réalise ainsi la synthèse syndicaliste révolutionnaire.

TOVAR ESTRADA Fanny, L’Université libre. Journal clandestin. Novembre 1940-août 1944, Maîtrise [Danièle Tartakowsky], Paris I, 1995, 194 p.

L’étude de la Résistance entre 1940 et 1944 a donné lieu — à travers de multiples ouvrages — à des débats historiographiques qui se poursuivent encore actuellement. Dans le mémoire que nous présentons, nous nous intéressons plus particulièrement à la Résistance universitaire, en prenant comme objet L’Université Libre, un journal clandestin réalisé et diffusé par des universitaires, proches ou membres du Parti communiste, pendant les quatre années de l’occupation. Parmi eux, Georges Politzer, Jacques Solomon et Jacques Decour en sont les plus illustres représentants. Sur l’ensemble de la période étudiée (novembre 1940-août 1944), 105 numéros sont analysés, ainsi que quelques documents annexes. Journal d’information et de mobilisation, L’Université Libre met en avant les problèmes politiques, syndicaux, mais aussi pédagogiques, propres aux universitaires. Le but de cette recherche est de réaliser une synthèse descriptive et analytique de l’ensemble de la publication, une étude monographique.

Plusieurs questions définissent l’intérêt de ce travail : – comprendre de quelle façon a pu fonctionner l’appareil technique du journal dans les conditions de la lutte clandestine et montrer le lien entre cette publication et le Front national (et particulièrement son comité universitaire), mouvement de Résistance lancé par le PCF ; – déterminer le lien entre le Parti communiste clandestin de l’époque et ce journal qui, bien que créé par des communistes, s’ouvre progressivement à tous les universitaires, communistes ou non ; – dégager les vecteurs d’une littérature de combat : quels sont les thèmes sur lesquels le journal mobilise, à quelle période et pourquoi ? – définir le rôle joué par le journal dans le milieu universitaire et en saisir l’impact, sachant que le nombre d’exemplaires est passé de 500 en novembre 1940 à 10 000 en août 1944 ; – enfin, comprendre pourquoi L’Université Libre est aujourd’hui citée au titre de la Résistance universitaire, éclipsant ainsi, dans les ouvrages plus généraux, les nombreuses autres publications de la Résistance intellectuelle.

1994

ARNAL Mélanie, Marc Oraison : l’église et la psychanalyse (1914-1979), Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 223 p.

Marc Oraison, prêtre de l’Église catholique, profite de sa première formation de chirurgien pour orienter, dès les années cinquante, ses fonctions sacerdotales et son champ personnel d’investigation vers le domaine de la psychanalyse. Il contribue, en publiant de nombreux ouvrages et en participant à des conférences variées, à diffuser dans le milieu catholique une connaissance des réalités psychologiques et sexuelles de l’homme, et travaille également à divers mouvements, de soutien psychologique du clergé et de réflexion sur des problèmes éthiques et psychologiques.

Le caractère novateur de son intervention provoquera une sanction émanant du Saint-Office, chargé de la censure dans l’Église : en 1953, sa thèse de théologie, portant sur la sexualité et la vie chrétienne, est mise à l’index, et jusqu’au début des années soixante-dix, des conflits chroniques auront lieu entre l’abbé Oraison et le Saint-Office.

Marc Oraison, outre son action pionnière d’introducteur des données de la psychanalyse dans le milieu catholique, s’est exprimé abondamment dans les médias. Considéré comme un prêtre abordant les tabous de la sexualité et promoteur d’une mentalité de réforme dans l’Église, il est devenu une figure importante de la société.

La vie de Marc Oraison est un cas original de cette rencontre entre le milieu catholique et la psychanalyse, et nous a permis ainsi d’aborder l’histoire de l’Église, ses mutations profondes durant la seconde moitié du siècle et celle de la psychanalyse qui connaîtra un réel développement à partir des années soixante. Enfin, l’étude du parcours de Marc Oraison a été l’occasion de suivre en filigrane l’évolution des idées et des mentalités de la société française de son époque.

BARTHELEMY Fabrice, Les groupes rencontres (1957-1968), Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 164 p.

Créés en 1957, à l’initiative de trois anciens déportés (Jean Mialet, René Haentjens et André Clavé), les Groupes Rencontres se fixent comme but de renouer le dialogue entre l’administration et l’armée qu’ils considèrent comme des milieux extrêmement fermés sur eux-mêmes. Ils réunissent donc, principalement, dans un premier temps, des hauts fonctionnaires et des militaires, mais aussi, par la suite, des personnes du secteur privé. Il s’agit d’une organisation élitiste, rassemblant des personnes qui partagent des convictions communes et un même savoir-vivre.

Les statuts des Groupes Rencontres ne sont déposés qu’en 1960. La présence de nombreux militaires impose, en effet, une définition prudente de l’association. En ce sens, le club organise différents types de réunions privées (soirées-débats, dîners « civils et militaires », journées d’étude) sur des sujets politiques, économiques et sociaux tout en refusant de s’engager politiquement.

Entre 1958 et 1962, la guerre d’Algérie constitue le sujet essentiel de préoccupation. À partir de 1962, les Groupes Rencontres apparaissent beaucoup plus comme un club de réflexion civique.

Cette étude porte sur la période 1957-1968, période où les Groupes Rencontres connaissent une intense activité et fixent définitivement les bases de leur association. Mais l’association n’a jamais interrompu ses activités et poursuit actuellement son action en organisant, régulièrement, des soirées-débats à l’École Militaire.

Les Groupes Rencontres constituent donc une association originale reposant sur le dévouement de quelques individus prêts à poursuivre coûte que coûte, leur entreprise.    

BELLANGER Emmanuel, Le personnel communal à Aubervilliers de 1884 à 1954, Maîtrise [Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 176 p.

Aubervilliers qui était à l’origine une ville agricole et maraîchère devient sous le Second Empire une ville industrielle. Les services municipaux s’étendent et se renforcent pour répondre à l’accroissement démographique : en 1856, la commune comptait 3 842 habitants, en 1886, 22 223, en 1926, 48 053, et en 1936, 55 871. L’organisation de l’administration locale varie selon les mouvances politiques. Les services peuvent être soit concédés à un adjudicataire, soit mis en régie directe. La « municipalisation » des services accroît considérablement les effectifs qui passent de 69 agents en 1889 à 487 en 1955.

Le personnel communal, morcelé par catégorie, est longtemps en quête de cohésion. Le premier statut fut adopté tardivement en 1919 suite à la grève des agents communaux qui paralysa les services municipaux de la Seine. Cette action syndicale, soutenue par les députés de gauche et en premier lieu par Laval, exprime les revendications statutaires et salariales, d’une catégorie sociale jusqu’alors ignorée des pouvoirs publics. Ce mouvement surprend par son ampleur. Le Syndicat des Ouvriers et Employés communaux du département de la Seine devient un interlocuteur obligé. L’État, par l’intermédiaire de son ministre de l’Intérieur, Pams, intervient et fait adopter la loi du 23 octobre 1919. Cette loi qui protège l’employé est aussi la première restriction importante de l’autonomie communale.

Aubervilliers s’illustre par un tempérament politique original. Une grande stabilité du personnel d’encadrement est observée, quels que soient les mandats : les maires radicaux, Domart, Fourrier, Poisson (1884-1919), les maires socialistes, Georgen (1919-1923) et Laval (1923-1944), les maires communistes, Tillon et Dubois. À la Libération, seulement 10 employés sur 422 sont sanctionnés contre 131 à Saint-Denis. L’employé communal tend à devenir, selon le terme d’Henri Sellier, un « collaborateur » associé à la réalisation des programmes municipaux.

BOASSON Cécile, L’écomusée de Fresnes, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 146 p.

Fresnes est une commune de 23 000 habitants de la banlieue sud, peu connue, sinon pour sa prison. Un écomusée y est créé en 1978, sur le site de la ferme de Cottinville et Françoise Wasserman en devient le conservateur.

La municipalité de Fresnes mène depuis une cinquantaine d’armées une politique culturelle dynamique, ouverte aux expériences novatrices, marquée par une vie associative très développée. Ainsi la ville dispose également d’une Maison d’Art Contemporain. Se pencher sur un écomusée de banlieue parisienne permet, donc, de découvrir une vie culturelle intense, indépendante du pôle parisien pourtant si proche.

Si l’écomusée de Fresnes est unique, il possède tout de même des caractéristiques propres à ce type d’institution : une galerie d’exposition temporaire, un centre de documentation, un atelier d’animation. Françoise Wasserman a choisi de privilégier l’étude de la banlieue et ses aspects sociaux à l’époque contemporaine. L’écomusée, institution originale, a ainsi pu s’intégrer à la vie culturelle locale, puis régionale.

Étudier l’écomusée de Fresnes, conduit donc à s’intéresser d’abord à une municipalité de banlieue parisienne, puis à découvrir un écomusée original à la pointe de l’innovation muséologique.

BOYER Nathalie, La rue Polonceau dans l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 267 p.

La rue Polonceau, située dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris dans le dix-huitième arrondissement, a été le cadre de cette étude démographique et de l’espace pendant l’entre-deux-guerres. En opérant des coupes transversales et longitudinales, nous avons établi la structure sociale de la population en 1926, 1931 et 1936, ainsi que sa mobilité résidentielle sur les dix ans.

CARIGUEL Olivier, Les Cahiers du Rhône dans la guerre : 1941-1945, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994

Les Cahiers du Rhône sont une collection littéraire de fascicules répartis en trois séries dont chacune porte le nom d’une des couleurs du drapeau français : la série bleue, la série blanche, la série rouge. Lancés en mars 1942 par l’universitaire et critique suisse romand Albert Béguin — secondé par un jeune étudiant français Bernard Anthonioz — édités à Boudry aux Éditions de la Baconnière (canton de Neuchâtel – Suisse) par Herman Hauser, ils incarnent « un témoignage chrétien pour notre temps ».

L’ambition des Cahiers du Rhône était de raviver la spiritualité des lecteurs, de montrer l’incompatibilité du matérialisme nazi avec l’exigence spirituelle des chrétiens et de dénoncer les mensonges et les hypocrisies de la propagande de Vichy.

Nous avons étudié le caractère résistant de cette revue littéraire qui comprenait aussi des volumes de poésies et d’essais. En effet, la littérature est envisagée comme une arme de combat pour reconstituer la Cité des hommes, en proie aux tentations idéologiques et totalitaires. Les œuvres littéraires classiques et contemporaines — surtout la poésie avec Louis Aragon, Pierre Emmanuel, Pierre Jean-Jouve, Saint-John Perse — décrivent la véritable condition de l’homme et les aspirations de son âme. Les Cahiers du Rhône, importés légalement en France, constituent un combat spirituel et littéraire défini par le pouvoir incantatoire de la poésie qui vise à recréer le Langage, « victime » de la guerre, hors de tout parti pris politique et de toute veine polémique.

CESSAC Sébastien, La Gerbe : hebdomadaire de la volonté française 1940-1944, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 183 p.

L’histoire de La Gerbe coïncide exactement avec l’occupation de Paris par les troupes allemandes : l’hebdomadaire est publié dès le 11 juillet 1940, sous la direction d’un catholique mystique, ancienne gloire littéraire convertie à l’hitlérisme, Alphonse de Châteaubriant, et il cesse sa parution le 17 août 1944.

Entouré d’une équipe de futurs notables de la Collaboration qu’il a su intéresser par son livre de 1937, La Gerbe des Forces, Châteaubriant prétend incarner avec son journal « la volonté française ». La vocation à la propagande de La Gerbe prime pourtant rapidement sur les atours politiques et littéraires dont la rédaction essaie de l’habiller.

Au-delà des luttes d’influence qui se font jour au sein de l’entreprise, Alphonse de Châteaubriant, fidèlement secondé par son amie Gabrielle Castelot, parvient à associer le journal à d’autres organisations pro-allemandes. Il lui assure ainsi une place confortable dans l’univers de la Collaboration qui lui vaut la bienveillance des autorités d’occupation et d’appréciables facilités financières.

Ces subsides permettent à La Gerbe de ne pas se soucier d’un lectorat dont il est difficile de préciser l’ampleur et le profil. Châteaubriant peut privilégier jusqu’à la mort du journal son œuvre de propagande et ignorer tout impératif commercial.

CHOUAT-HUGONNET Nicole, La lecture à l’entreprise et la politique culturelle de la CGT : le cas de la SNECMA Gennevilliers (1946-1968), Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994

À la libération, dès la création et la mise en place des Comités d’entreprise, la CGT s’est lancée, avec son mot d’ordre : « la lecture à l’entreprise », dans un vaste mouvement de création de bibliothèques ouvrières, de reprise en compte, par les comités, des bibliothèques patronales existantes, avec l’objectif clairement exprimé de susciter une forme de prosélytisme syndical et surtout politique.

Notre étude a porté sur le cas de la bibliothèque de la SNECMA-Gennevilliers, entre 1946 et 1968, en utilisant les comptes-rendus des réunions plénières du Comité d’Entreprise et les articles sur la lecture et les bibliothèques dans la Revue des Comités d’Entreprise, puis dans Le Peuple. Ces sources officielles ont été complétées par des entretiens avec des militants syndicaux, des bibliothécaires ou animateurs bénévoles, afin de reconstruire la politique culturelle de la CGT à propos de la lecture.

Une des plus importantes difficultés rencontrées dans l’élaboration de cette étude, outre les sources détruites ou éparpillées donc incomplètes, a consisté dans l’absence d’études globales des Comités d’entreprise et d’histoires écrites de ces institutions, pouvant nous servir de référence.

La période de mise en place, de 1946 à 1948, coïncide avec la création du Comité : les militants de SNECMA-Gennevilliers doivent reprendre un fonds ancien constitué par les assistantes sociales de la direction de Gnome et Rhône, et d’en faire une bibliothèque de combat pour l’émancipation ouvrière et la prise de pouvoir politique. Parallèlement, les élus de Gennevilliers se heurtent aux problèmes posés par la reconstruction du site, entièrement bombardé en mai 1944 : la guerre pèse encore lourdement par le bannissement absolu des auteurs collaborateurs. Politiquement, cette période semble être une période de « désillusions ».

La seconde étape est jalonnée par la « Bataille du Livre », menée dès 1950 par le Parti communiste : cette lutte d’influence vise l’orientation des lectures de ceux qui sont considérés comme l’électorat des communistes. Intimement liée à la « Guerre froide », dont elle veut prendre le contre-pied idéologique, la « Bataille du livre » est reprise et menée dans la CGT comme une grande campagne de vulgarisation des méthodes d’organisation et d’animation d’une bibliothèque de lecture populaire. Bien que sous emprise du Parti communiste : la bibliothèque de Comité se distingue des Bibliothèques de la Bataille du Livre par une ouverture de vue plus large, surtout en ce qui concerne le modèle soviétique, mais quelques auteurs classés comme anti-communistes en sont proscrits. Les années 50 à Gennevilliers s’écoulent difficilement et de façon conflictuelle, compte tenu des vagues de licenciements successives et des difficultés économiques et sociales de l’industrie aéronautique.

La Guerre d’Algérie marque douloureusement les années 60, qui paradoxalement sont une décennie d’expansion industrielle et économique, d’élévation du niveau de vie, de développement de la consommation : dans l’usine de Gennevilliers, l’arrivée de nouveaux embauchés, jeunes ouvriers qui ont bénéficié d’une scolarité plus longue (embauches nécessitées par la création d’une unité de mécanique) provoque un bouleversement dans les pratiques culturelles et impose un renouveau de la bibliothèque. Au plan national, la CGT permet des contacts élargis entre bibliothèques de Comité, par sa présence au colloque organisé par l’UNESCO, sur la « lecture sur les lieux de travail » et commence à prendre ainsi en compte les mutations sociales et culturelles qui ont modifié le caractère « prolétarien » du paysage social dans les usines : de nouvelles activités culturelles bénéficient de l’engouement ouvrier telles les excursions touristiques, les sports d’hiver ou l’écoute musicale de microsillons, qui se propagent rapidement à la veille de 68.

Notre étude a tenté d’organiser une chronologie sommaire de l’histoire du Comité SNECMA-Gennevilliers, afin de comprendre l’évolution de la problématique de la lecture ouvrière dans une société en mutation et surtout d’expliciter les politiques d’acquisition de livres, menées par les élus locaux. Ce travail veut être une approche du rôle joué par les élus ouvriers autodidactes et fervents défenseurs de la lecture et du livre comme outil d’émancipation ouvrière, cette action devant compter avec la pression des idéologies en place.

COURBAN Alexandre, Gabriel Péri : responsable de la rubrique Vie internationale de l’Humanité (1924-1939) les modalités de travail d’un journaliste communiste, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 250 p.

Ce mémoire traite des modalités de travail de Gabriel Péri, responsable de la rubrique de politique étrangère de l’Humanité d’octobre 1924 au mois d’août 1939, essentiellement à partir des archives du PCF et de l’Humanité.

La presse révolutionnaire est un objet d’étude qui fournit trois types de renseignements à l’historien. Premièrement, elle informe sur le « degré d’homogénéité » du Parti révolutionnaire en donnant des éléments sur l’élaboration quotidienne d’une ligne politique et de.sa vérification, mais également sur les débats d’idées et les luttes de tendances. Deuxièmement, la large diffusion des prises de position renseigne directement sur la méthode de direction politique du noyau dirigeant, sur les capacités individuelles de compréhension et d’analyse des chefs révolutionnaires à propos des situations concrètes, sur le sens stratégique et tactique de ceux-ci, et leur rôle personnel dans la conduite du mouvement qu’ils incarnent. Troisièmement, elle concentre l’essentiel de l’œuvre des dirigeants politiques.

L’Humanité est l’organe central du Parti communiste. Le journal est le lieu où s’opère la jonction entre la base militante et l’appareil communiste de direction.

La première partie du mémoire est consacrée aux évolutions du cadre de travail de Gabriel Péri, l’Humanité de 1924 à 1939. Sont abordés successivement la « bolchevisation » du journal entre 1924 et 1929, puis les conséquences de la crise du Parti communiste sur la rédaction du quotidien national entre 1929 et 1934, et enfin l’Humanité pendant le Front populaire.

La deuxième partie traite de l’activité de journaliste de Gabriel Péri. Il s’agit dans un premier temps de déterminer la participation réelle de Gabriel Péri à la réalisation du journal et à son évolution. Le nombre d’articles écrit par mois, et la taille moyenne de ceux-ci, sont les principales unités de mesure utilisées. Enfin, l’ensemble des articles parus dans l’Humanité est classé selon des thèmes afin de déterminer la spécificité du travail de Gabriel Péri.

DECOUT-PAOLINI Rémi, René Capitant, homme de gauche et gaulliste : un juriste engagé sous la Ve République (1958-1970), Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 252 p.

Figure importante du gaullisme dont il incarne, de façon emblématique avec son grand ami Louis Vallon, la voie jamais véritablement explorée de la participation, René Capitant est la référence obligée de ce qu’il est convenu d’appeler le « gaullisme de gauche », vaste nébuleuse de petits mouvements épars en mal d’unité. Le personnage reste pourtant méconnu et son action politique a fait l’objet de simplifications abusives, pas toujours innocentes. Or nos recherches — fondées essentiellement sur l’étude de ses écrits, interventions et discours ainsi que sur le dépouillement de ses archives privées — permettent de rendre à sa pensée et à son engagement toute leur cohérence et leur originalité.

Juriste de formation, c’est en théoricien du droit que René Capitant définit ce qu’il appelle « la mission du gaullisme », à savoir l’édification d’un véritable État démocratique. Profondément imprégné de la pensée de Jean-Jacques Rousseau, Capitant considère que la société est le produit d’un contrat des volontés dont le droit tire sa source. Dans cette perspective, le peuple est naturellement souverain et Capitant s’applique en conséquence à défendre tout ce qui développe la démocratie perçue comme participation de tous à l’œuvre commune, aussi bien dans le monde politique, par le recours à l’arbitrage populaire, que dans le monde économique et social, par l’instauration de l’association.

Se considérant avant tout comme un homme de gauche. René Capitant s’est érigé dans les années soixante en défenseur passionné de la Vème République, en laquelle il a vu, surtout à partir de la réforme constitutionnelle de 1962, l’aboutissement de ses combats politiques antérieurs. Force est de reconnaître toutefois que s’il reste un exégète particulièrement pénétrant des nouvelles institutions et de la pratique qu’en avait le général de Gaulle, René Capitant s’est trouvé confronté sur le plan social à l’opposition irréductible de Georges Pompidou et des hiérarques du parti gaulliste. Très vite marginalisé au sein de ce dernier après l’avoir rallié en compagnie de l’Union Démocratique du Travail à l’automne 1962, René Capitant n’a de cesse de mettre en garde le général de Gaulle contre son Premier ministre dont il dénonce avec virulence le conservatisme.

La révolte étudiante de Mai 1968, relayée par la grave crise sociale que connaît alors le pays, voit l’entrée de René Capitant au gouvernement, en qualité de Garde des Sceaux, et la mise en œuvre, quelque peu tardive, de la participation sous l’égide du général de Gaulle. Mais l’espérance est de courte durée et Capitant, démissionaire après la victoire du « non » au référendum d’avril 1969 et le départ du général de Gaulle, a l’amertume d’assister impuissant à l’ascension présidentielle de Georges Pompidou, dont il continue, jusqu’à sa disparition en mai 1970, à se montrer l’implacable censeur.

DESAINT Anne, La Chambre des députés sous la IIIe République : la vie d’une administration privée, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 215 p.

Ce mémoire a été écrit dans le but de faire connaître les rouages internes de ce qui est l’un des éléments essentiels de la République : la Chambre des Députés. Nous avons essayé de mettre en lumière la partie immergée de l’iceberg, celle qui demeure aujourd’hui encore pour la majorité des Français un mystère opaque.

En effet, si l’on connaît bien dorénavant le métier des députés, la façon dont il se déroule, le mécanisme des débats parlementaires et l’ensemble des travaux législatifs, que sait-on véritablement de l’administration de la Chambre, de son pouvoir, de son personnel et du fonctionnement de ses services ? Rien ou presque, sinon quelques études sommaires et ce que la rumeur a pu en dire depuis toujours.

Or, ce qui ressort de ce travail, ce n’est pas tant les avantages accordés au personnel comme aux députés qui, s’ils sont réels, ne sont pas si honteux qu’on l’a souvent dit, et sont plutôt la juste rétribution d’un travail difficile. Ce ne sont pas non plus des révélations scandaleuses au sujet des budgets de la Chambre, qui sont gérés avec rigueur, même si de petites entorses sont quelquefois faites à cette dernière. En fait, cette étude nous montre une Administration vivante, où se côtoient toutes sortes d’activités et de personnes, où l’on travaille, mais où l’on vit aussi, une vie avec ses règles et ses traditions. Au final, la Chambre des Députés apparaît comme un état dans l’État. C’est là que se font les lois qui régissent la France, et pourtant, à l’intérieur de ses murs, le Palais-Bourbon se donne le pouvoir d’échapper à celles-ci et d’exercer son autorité en toute indépendance. Une autonomie qui lui est nécessaire.

DIN DIBOBE Nathalie, La loi-cadre Defferre vue à travers la presse : 1956-1958, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 160 p.

La décolonisation des pays d’Afrique noire française a suscité et continue de susciter de nombreux écrits. Ainsi, la loi-cadre Defferre du 23 juin 1956 qui accorda l’autonomie interne aux territoires d’outre-mer a souvent été étudiée. Le fondement, la procédure d’adoption ainsi que la portée de la loi dans l’histoire générale de l’Afrique noire française furent les principales approches de cette loi. Or, force est de constater que rares sont les ouvrages qui se sont consacrés à son étude à travers l’un des médias le plus influent de l’époque : la presse.

Dans ce travail, nous avons donc analysé les prises de position de la presse métropolitaine de 1956 à 1958 au moment des débats sur la loi Defferre, qui mettait en jeu un des principes sacrés de la France : l’unité et l’indivisibilité de la République. L’analyse quantitative et qualitative a montré, notamment par le nombre d’articles publiés, le réel intérêt des hebdomadaires et des quotidiens. Par là même, la presse s’est exprimée sur les limites et contradictions de la loi Defferre. Partagée entre le discours cartieriste prônant l’abandon de l’Afrique noire et la nécessité de conserver les territoires d’outre-mer à l’intérieur de la République, comment la presse s’est-elle positionnée ?

Au cours de ce travail, nous avons mis à jour l’engagement des journaux en faveur d’une révision de la Constitution et de solutions dépassant les mesures prises par la loi Defferre. Ainsi, nous avons pu conclure à une initiative autonome de la presse par rapport au pouvoir politique.

Cette étude pourrait représenter une introduction à un travail plus approfondi sur la perception de la décolonisation par la presse.

DIAZ BASILISCO Gianluca, Le MAT, une expérience sociale associative (1970-1994), Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Paris 1, 1994, 234 p. + annexes

L’association Le MAT (1970-1994), installée dans un hameau restauré (Le Viel Audon) situé au début des Gorges de l’Ardèche, est une petite structure dont le but est de « favoriser la participation de la jeunesse à l’aménagement du cadre de vie en milieu rural ». Ses principales caractéristiques sont : le passage d’un groupe communautaire à un collectif associatif ; la multiplication des connexions entre les acteurs par la mise en place de structures de participation en grande partie informelles ; la diversité et la richesse des réseaux de relation ; le développement progressif des activités dans les secteurs de l’animation, de l’action sociale et de l’environnement ; l’autonomie idéologique et politique, bien que Le MAT soit sensible aux idées et aux valeurs du mouvement alternatif français (écologisme et autogestion) ; la capacité d’édicter les finalités de leur « action globale » (éco-village et jeunesse) ; la promotion d’un réseau inter-associatif dynamique.

Il est intéressant de noter la forte similitude de ces caractéristiques avec celles d’un nouveau type d’association apparu à la fin des années 70 appelé « association organisée en réseau » qui se différencie des associations qui privilégient tantôt un fonctionnement institutionnel tantôt un fonctionnement de groupe (régulation par la gestion des affects) par un dynamisme, un développement et une créativité plus prononcés. En ce qui concerne la société et la jeunesse, il nous semble que le MAT a, à son niveau, un rôle important et intéressant : création de nouvelles solidarités, réponse à un besoin de vie micro-sociale et responsabilisation générale des individus, surtout vis-à-vis des problèmes actuels de misères sociales et d’environnement. Notre étude présente donc l’intérêt de décrire et d’analyser un exemple d’expérimentation sociale à travers le cadre associatif et l’éventuelle apparition d’un nouveau mode de vie, d’une nouvelle culture.

DRANSART Sophie, La chanson de variété en France sous l’occupation (1941-1943) : étude d’une source, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 270 p.

L’étude du fonds conservé à Radio France des chansons enregistrées sur disques « 78 tours » pendant l’Occupation nous a permis d’avoir une approche originale de cette période de l’histoire française.

Analyser ce qu’elles ont retenu de ces années, mais aussi tous les autres thèmes qu’elles abordent, et la manière dont elles les évoquent, est, en effet, révélateur. Elles deviennent autant de miroirs de la société française dans la mesure où elles reflètent ce qui a marqué les Français ainsi que leur état d’esprit. Si les transformations intervenues dans la vie quotidienne ne manquent pas d’être mentionnées, le nouveau contexte politique transparaît beaucoup moins. D’une part, parce que les Allemands n’ont pas pénétré ce domaine artistique ; d’autre part, parce que l’utilisation qu’en a faite le gouvernement de Vichy reste limitée. La chanson a surtout servi à exorciser les 31lgoisses des Français et à leur permettre de s’évader de la réalité, que, d’ailleurs, elle dénonce aussi dans certains cas. Elle a d’autant plus tenu ce rôle que les différents réseaux qui la diffusent, même s’ils ont été freinés, sont restés dynamiques pendant toute la période et partout en France.

Finalement, notre étude n’a donc pu déceler aucune rupture véritable. Mis à part la mode du swing, aucune spécificité ne se dégage, aussi bien en ce qui concerne les thèmes choisis que la carrière des auteurs, des compositeurs ou des interprètes. Tous devaient évidemment composer avec la censure, mais si celle-ci s’est montrée efficace quant aux œuvres et aux artistes anglo-américains et juifs, pour le reste, c’est bien plus une autocensure qui s’est établie.

DREVET Frédérique, Structure des 75 ans et plus en 1936 dans le dix huitième arrondissement, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 143 p.

Ce mémoire dresse un tableau statistique des vieillards dans l’arrondisse » ment le plus densément peuplé et le plus hétérogène de Paris, pour en évaluer le rôle, le statut et le degré d’intégration dans les cadres géographique, domestique et professionel. La distinction par sexe est la méthode d’approche usitée, les femmes, à l’espérance de vie supérieure, étant plus nombreuses.

Les sources se résument en un dépouillement systématique des listes nominatives de recensement du dix-huitième arrondissement en 1936 et des tables de décès. En effet, la carence d’ouvrages de seconde main, traitant cette période particulière, affirme le rôle décisif des sources statistiques.

1936 est une période charnière dans l’histoire de la vieillesse au vingtième siècle : elle précède les grandes conquêtes sociales de l’après-guerre, soit la généralisation des retraites et la création de la sécurité sociale.

L’analyse des 75 ans et plus dans l’entre-deux-guerres doit prendre en compte cette quasi absence de couverture économique et sociale. Ainsi, l’activité économique, le travail des personnes âgées ne jouent pas de rôle intégrateur, la majorité d’entre elles étant inactives et souvent indigentes. En ce sens, la cellule familiale, le couple pour les hommes, restent les lieux fondamentaux d’intégration (assistance économique et affective), pour une population âgée massivement française.

DREYFUS Jean-Marc, L’aryanisation économique des banques : la confiscation des banques juives à Paris sous l’occupation, 1940-1944, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 141 p.

L’aryanisation économique a été, sous l’Occupation, le processus d’expulsion de leur fonction des Juifs détenteurs d’un capital économique, et de la mise sous tutelle, puis de la spoliation des entreprises.

Ce processus d’expropriation a été une étape dans le processus même de destruction des Juifs.

En France, c’est l’administration française qui a pris en charge l’aryanisation économique, qui fut alors un important volet de la politique économique du Gouvernement de Vichy.

Les banques juives n’étaient, en 1940, pas très nombreuses. Comme toutes les entreprises juives, elles ont subi la mise en place, étape par étape, d’une législation complète, mise en œuvre par de nombreux acteurs administratifs, économiques, et même politiques. Mais un certain nombre de ces banques ont pu continuer plus longtemps leurs activités, presque jusqu’à la fin de 1942 : entreprises « tertiaires », elles avaient pu être repliées en zone Sud.

Quelques-unes de ces banques ont été aryanisées, c’est-à-dire vendues. D’autres ont été classées « biens neutres » ou « alliés ». Certaines ont été fictivement vendues. Mais la plupart ont été liquidées purement et simplement. Pour la majorité des dossiers, la liquidation était encore en cours à la libération.

DUPRAT Marie, Gabriel Garran et le théâtre de la commune d’Aubervilliers : 1965-1985, Maîtrise [Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 215 p.

Le « Théâtre de la Commune » d’Aubervilliers est fondé par Gabriel Garran en janvier 1965. Il sera dirigé par celui-ci jusqu’en 1985. C’est le premier théâtre installé de façon permanente en périphérie parisienne. Fruit de la concertation d’un homme politique, Jacques Ralite et d’un homme de théâtre militant, Gabriel Garran, il est prévu à sa naissance pour être l’instrument d’une culture nouvelle, destinée à un public nouveau : la population ouvrière du canton d’Aubervilliers. Il assure donc son rôle de service public communal, grâce à des relations publiques et à un fonctionnement général tourné vers les usines et les entreprises de la région. Cependant, le « Théâtre de la Commune » est amené à élargir le domaine de son influence au département de la Seine-Saint-Denis tout entier, s’établissant par là comme le centre d’un réseau d’entreprises artistiques en plein développement, puisqu’il constitue l’objet d’une nouvelle politique de décentralisation de la part de l’État. Pour couronner cette expansion de son rôle culturel, le théâtre est nommé en janvier1975 Centre Dramatique National. Sa mission se trouve donc augmentée, impliquant une réorganisation structurelle de l’établissement.

Cette étude a montré comment le « Théâtre de la Commune » a pris en charge cette destinée culturelle problématique, tout en conservant les responsabilités exigeantes qui sont celles d’un théâtre populaire et engagé.

ERZEN Frédéric, Occident et la rue, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 95 p.

Le Mouvement Occident s’inscrit pleinement au cœur du tumulte étudiant des années 60 d’où jailliront les événements du mois de mai. Non content d’avoir contribué à la dégradation du climat de Nanterre, Occident a aussi joué un petit rôle politique. Quoique limitée au pavé parisien, son action renvoie à divers problèmes : quelle est son idéologie ? Y a-t-il une spécificité d’Occident ? Quelle est la place de la rue dans son imagerie ? Naturellement la violence du mouvement, cette tendance lourde à l’usage du manche de pioche, nous amène à réfléchir sur la place offerte à la violence au sein des idéologies radicales des années 60. Histoire oubliée, l’épopée d’Occident de 1964 à 1968 dévoile certains aspects troubles de la vie politique française. Ni l’angélisme ni la diabolisation ne permettent de saisir l’action du Mouvement. Basée sur des rencontres, des découvertes, des témoignages cette étude met en perspective un problème majeur : le poids de la reconstruction faite par la mémoire d’un sujet.

FLONNEAU Mathieu, Urbanisme et voirie dans le 18e arrondissement de Paris pendant l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 208 p. + annexes

Y a-t-il eu une politique urbaine parisienne dans l’entre-deux-guerres ? C’est à ces questions que tente de répondre ce travail appuyé sur l’étude monographique du XVIIIe arrondissement et spécifiquement ciblé sur un composant particulier de la ville : la voirie. À cet égard, la lecture des documents produits par les services techniques et administratifs de la Ville de Paris nous a permis de déterminer les modifications apportées aux chaussées de la capitale, notamment dans leurs rapports aux nouvelles conditions de circulation générées par l’usage généralisé de l’automobile.

Après la restitution du cadre historique dans lequel s’est inscrite la gestion du réseau viaire parisien au cours de la période 1919-39, et après la mise en évidence des permanences et des ruptures entre les politiques urbaines du Second Empire et de la IIIe République, nous avons retracé les étapes essentielles de l’intégration dans l’ensemble parisien, d’une de ses anciennes zones périphériques. Le travail fait ainsi une large place à l’étude des représentations de la rue qui varient selon les quartiers : attrayante et touristique sur la Butte-Montmartre, répulsive et ouvrière autour de celle-ci. La banalisation « un réseau typique » désormais désenclavé et normalisé, dans une capitale finalement plus homogène, a été largement envisagée.

Enfin, la présentation critique des acteurs de la politique parisienne en matière de voirie a permis d’une part de mesurer très concrètement le degré croissant d’implication des pouvoirs publics dans la gestion urbaine et, d’autre part, de constater le développement de la rationalisation des outils juridiques, administratifs et exécutifs.

FOREST Bénédicte, La fête à Aubervilliers dans l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 223 p.

« La fête à Aubervilliers dans l’entre-deux-guerres » est apparue comme une nouvelle approche et un complément des études déjà entreprises sur cette ville dont la particularité politique suscite intérêt. Résolument ouvrière, elle reste fidèle à Pierre Laval (maire depuis 1923) et ce jusque dans les années de Front populaire qui coïncident avec les premiers succès électoraux communistes.

Par une analyse formelle, nous avons cherché à caractériser ces fêtes en mettant l’accent sur le principal organisateur : la municipalité lavalienne. Cette dernière développe l’entreprise festive parce qu’elle rassemble, qu’elle n’est pas étrangère au projet d’un « mieux-être en banlieue » et qu’elle lui offre l’occasion de mettre à l’épreuve sa souveraineté. La fête est aussi le « miroir » d’une société à une époque donnée. Elle véhicule ses craintes, ses aspirations, elle permet un recensement des groupes influents locaux qui reconnaissent, unanimement, son utilité pour revendiquer et légitimer leur participation à la vie communale. Par exemple, les fêtes des cellules communistes dans le cadre du quartier favorisent le rapprochement avec la population et contribuent, ainsi, à leur implantation. Mais surtout, la fête témoigne des distorsions politiques, et elle se trouve, donc, au cœur de la rivalité qui oppose les communistes à la municipalité lavalienne dont elle est une des formes d’expression. Si la signification politique d’une fête tient essentiellement à son organisateur, il n’en demeure pas moins que les paramètres tels que le temps, le lieu et même le contenu reflètent, eux aussi, la politisation de la fête.

FOURRE Arnaud, La Guerre froide 1947-1953 à Gennevilliers et à Saint-Denis à travers la presse locale, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 124 p.

Si on connaît bien les grands mécanismes de la guerre froide 1947-1953 sur le plan international et national, on mesure moins l’impact de ces événements sur un espace plus local. C’est ce point que ce travail se propose d’éclairer en étudiant les cas de Saint-Denis et Gennevilliers.

La presse locale est le meilleur outil pour appréhender cette période. Elle restitue fidèlement le langage et l’ambiance de cette époque. Trois questions sont au cœur de notre travail : – La guerre froide a-t-elle eu des incidences sur le plan local ? – Quels rôles ont joués les journaux locaux pendant cette période dans ces villes ? – Quelles sont les expressions de cette guerre froide à Gennevilliers et à Saint-Denis ?

Dans la première partie de ce mémoire, nous présentons les différents journaux locaux, leur lectorat potentiel et le contexte politique et économique de ces villes. La deuxième partie nous montre l’isolement des communistes.

L’action des combattants de la paix, et le problème allemand à Gennevilliers et à Saint-Denis à travers la presse locale. La troisième partie met en lumière la vie politique de ces deux villes pendant cette période de guerre froide et l’opposition qui existe entre le PCF et les autres forces politiques locales. La quatrième partie met en avant les expressions de cette guerre froide sur le plan local à travers le souvenir de la résistance, les grèves et les manifestations de rue. Le résultat de cette étude est que la guerre froide a eu des répercussions sur la vie locale et politique de Gennevilliers et de Saint-Denis. Lors de tous ces événements, la presse locale s’est révélée être un acteur indispensable à la vie locale de ces villes.

GOMOLINSKI Olivia, May Picqueray (1898-1983) : une mémoire du mouvement anarchiste, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 173 p.

Le mouvement anarchiste se prête volontiers à l’exercice autobiographique parce qu’il valorise l’individu et non le groupe. Pour appréhender le mouvement anarchiste, il est apparu judicieux de l’aborder à travers l’étude biographique.

L’itinéraire de May Picqueray est un parcours original à plus d’un titre. Acquise à l’anarchisme vers l’âge de vingt ans, subjuguée par le verbe de Sébastien Faure, celui qu’elle considérait comme son « père spirituel », la vie de May Picqueray se déclina autour des axes fédérateurs du mouvement anarchiste : le syndicalisme, la solidarité libertaire et le pacifisme. Son action se caractérisa par un militantisme placé au service des figures de proue du mouvement libertaire, par un militantisme de second plan que l’on pourrait qualifier « de base », ce qui ne peut être entendu comme étant un militantisme de second ordre. Sa présence au congrès de Saint-Étienne, son expérience en Russie au cours de l’hiver 1922 au moment où se tint le deuxième congrès de l’I.S.R., sa participation au réseau d’entraide aux réfugiés victimes des persécutions communistes, son activité auprès d’Emma Goldman puis par la suite auprès de Louis Lecoin, son action clandestine pendant la guerre sont autant d’éléments infirmant le caractère secondaire de la vie de May Picqueray. Elle se contenta de ce rôle jusqu’à la mort de Louis Lecoin, « ce grand bonhomme trop petit » comme elle aimait à le qualifier, puis s’émancipa ; la disparition de ce dernier revêtit une forme de « libération ». À l’âge de soixante-seize ans, elle fondait son propre journal, Le Réfractaire, relève du journal de Louis Lecoin, Liberté, dont la vocation était d’œuvrer pour l’objection de conscience. En 1979, elle se résolvait à livrer par écrit ses mémoires : May la réfractaire. Pour mes quatre-vingts-un ans d’anarchie connut un véritable petit succès de librairie. Il s’agissait pour May Picqueray d’un dernier acte militant, et ce livre lui apparaissait comme une tribune permettant la diffusion des idées pour lesquelles elle s’était battue toute sa vie.

À travers cette étude, il s’est agi d’étudier les raisons qui permettent d’expliquer l’attrait suscité par le personnage de May Picqueray, de mettre en lumière l’itinéraire de sa vie, mais aussi d’analyser le réseau de relation tissé au sein du mouvement libertaire. Il s’est agi également de faire l’étude de ce microcosme, de cette génération de militants en marge du militantisme communiste hégémonique et qui, malgré les vicissitudes des événements, avait gardé confiance dans un changement conforme à son idéal croyant voir dans la nouvelle génération de militants issue de Mai 1968 la relève espérée.

HAUTION Valérie, L’alimentation des écoliers parisiens sous l’Occupation : la question des cantines scolaires, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 350 p.

Les premières cantines scolaires de la capitale naissent et s’organisent à l’issue des années 1870. La misère et l’action de quelques conseillers municipaux décident la Ville à agir en faveur de l’alimentation des écoliers défavorisés et à donner un caractère officiel aux initiatives privées ou locales. Les Caisses des écoles vont être le principal moteur de cette réalisation.

Nombreux sont les scientifiques qui plaident en faveur d’un essor des cantines scolaires et en 1936, Cécile Brunschvicg, nommée secrétaire d’État à l’Éducation nationale, s’efforce de les favoriser. Toutefois, à l’aube de la Deuxième Guerre mondiale, les cantines ont toujours la même vocation ; elles continuent à accueillir principalement les plus démunis des écoliers et à ce titre, elles peuvent être assimilées à des soupes populaires pour enfants.

L’importance des cantines scolaires, soulignée en 1936 dans le contexte d’une exceptionnelle volonté politique, allait bientôt s’imposer au cœur d’une situation dramatique. À compter de 1940, à Paris plus encore qu’ailleurs, les restrictions menacent la santé des enfants d’âge scolaire et les autorités locales compétentes vont se tourner très vite vers les cantines. Elles vont leur assigner l’ambitieuse mission de remédier à la sous-alimentation de l’ensemble de la population d’âge scolaire.

Les cantines s’appuient sur une organisation éprouvée, mais ce n’est pas seulement cette forme traditionnelle qui est « convoitée » par l’administration et son nouveau partenaire, le Secours national. Les Caisses vont devoir se conformer aux exigences des autorités et s’efforcer au mieux d’accomplir leur nouvelle mission à l’aide des moyens que la Ville, le Ravitaillement général et l’Entr’aide d’hiver du Maréchal leur concèdent.

S’appuyant sur diverses sources (dont des documents inédits), ce mémoire se propose de rendre compte du fonctionnement des cantines parisiennes en période de rationnement, de dégager les enjeux qu’elles suscitent et de saisir les mutations, les succès et les difficultés que ces œuvres enregistrent sous l’occupation.

KAPLAN Benoît, Une génération d’élèves des grandes écoles en Algérie : mémoire d’une guerre, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 2 vol., 154 p. + annexes

Près de cinq Français sur cent, essentiellement des appelés du contingent, ont fait la guerre en Algérie de 1954 à 1962. Pourtant, et malgré son importance numérique, le contingent est resté le parent pauvre de l’historiographie de cette période ; aussi, le tableau que l’on fait de lui, sans être nécessairement faux, reste sommaire. Pour briser le cercle vicieux de l’image unique, il fallait tenter d’isoler une population particulière pour suivre son comportement. C’est ce que nous nous sommes proposé de faire en étudiant un échantillon de soixante-cinq élèves des Grandes Écoles des Mines de Paris, de Polytechnique, de Centrale, de l’École Supérieure de Commerce de Paris et même des ENS de la rue d’Ulm et de Saint-Cloud.

La première étape de notre travail a consisté à créer des sources nouvelles en recueillant les témoignages de ces anciens élèves, au cours d’entretiens non directifs qui ont fait l’objet d’un enregistrement.

Ensuite, nous avons voulu établir la généalogie des mémoires de ces anciens d’Algérie, en suivant les phases successives de leur relation avec cet événement. Nous avons d’abord cherché à connaître l’atmosphère politique de leur vie étudiante et particulièrement de leur école, puis leurs opinions d’alors ainsi que les comportements et l’imaginaire politiques que mettaient en jeu la perspective du départ pour l’Algérie.

Enfin, nous avons tenté de déterminer ce que fut leur expérience algérienne pour comprendre le mouvement intime de la mémoire de cette guerre. L’épreuve d’une forme banalisée et inégale de la violence et de la compromission s’est cristallisée autour de la question d’une culpabilité et d’un jeu de miroir entre leur génération et celles de 1914 et de la Résistance, cristallisation qui empêche nos témoins de se reconnaître véritablement comme des « Anciens Combattants ». Mais si cette identité incertaine interdit la formulation d’un message public propre à nos témoins, elle cache des souvenirs privés qui laissent souvent entrevoir que cette expérience conserve un versant positif et en définitive valorisant pour une partie d’entre eux.

KSSIS Nicolas, Mouvement ouvrier et ballon rond : l’exemple du football corporatif à la FSGT dans le département de la Seine (1936-1939), Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 211 p.

Le sport travailliste est né d’une volonté politique : contrer l’influence prépondérante des fédérations laïques et catholiques dans le sport français. Son histoire et sa composition restent donc profondément liées à celles du mouvement ouvrier. Ainsi, il fut divisé entre deux organisations (la FST et L’USSGT) suite à la rupture entre communistes et socialistes. La dynamique unitaire du Front populaire se répercuta de même sur l’existence des sportifs ouvriers. Mais en plus d’une conséquence organisationnelle, la constitution d’une fédération unique, (la FSGT), cette évolution déboucha aussi sur une redéfinition du statut du mouvement sportif ouvrier.

En effet, l’atténuation du discours idéologique et l’arrivée massive de nouveaux adhérents obligèrent la nouvelle structure unitaire à accentuer l’importance de sa spécificité sportive. La FSGT tente alors de représenter un sport populaire dans un pays ou la démocratisation de l’activité physique a été encadrée par des organisations qui possèdent en la matière des conceptions contraires aux siennes.

Le sujet de notre maîtrise illustre cette problématique en utilisant un domaine précis, le football « corporatif », dans une zone géographique limitée, la région parisienne. Il s’agit de démontrer à la fois la perméabilité du sport aux influences sociales (ici la relation avec la CGT et sa répartition professionnelle) et politiques ainsi que l’autonomie relative de la vie sportive. Ces deux logiques se chevauchent, s’opposent parfois, mais sont surtout particulièrement mises en relief dans le sport travailliste durant les années du Front populaire.

Les footballeurs métallurgistes qui lèvent le poing sur les terrains avant leurs matchs de soutien en faveur de l’Espagne républicaine ont assurément le cœur à gauche, ils appartiennent à une fédération qui témoigne de leur conviction, cependant, en tant que passionnés du ballon rond, leurs références en ce domaine proviennent d’un champ culturel extérieur en grande partie au mouvement ouvrier.

MANIGAUD Anne, Marcel Body : Limoges-Moscou-Limoges. Itinéraire bouleversé par la révolution russe, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 212 p.

Au cours de cette étude, nous avons reconstitué l’itinéraire politique original d’un militant du mouvement ouvrier français.

Marcel Body est né en 1894 dans un faubourg de Limoges, « la ville rouge » et au sein d’une famille de céramistes et de coopérateurs aux idées socialistes et syndicalistes. En 1916, son attrait pour la Russie et sa connaissance rudimentaire du russe expliquent sa mobilisation dans un régiment partant pour la Russie. En octobre 1917, il est à Moscou un témoin des soulèvements révolutionnaires. Ne dissimulant pas son enthousiasme pour le programme léniniste, il adhère en septembre 1918 au jeune Groupe communiste français de Moscou avec Jacques Sadoul et Pierre Pascal. En apprenti révolutionnaire, il s’applique à comprendre et à servir la Révolution jusqu’en 1921. Mais la répression de l’insurrection de Cronstadt freine considérablement son enthousiasme. Il prend alors du recul en acceptant un poste diplomatique à la Légation soviétique en Norvège où une profonde amitié le lie à Alexandra Kollontaï, représentante plénipotentiaire à partir de 1922.

En 1927, il regagne la France — non sans difficultés — et prend des responsabilités au sein du Parti communiste limousin. Quelques mois plus tard, ses critiques provoquent son exclusion. En créant un hebdomadaire à Limoges en 1928, il unit son action à celle de militants oppositionnels parisiens (Boris Souvarine, Pierre Monatte…). L’échec de son initiative entraîne son effacement de la vie politique. Occasionnellement, il publie des articles dans différents journaux (L’Émancipation en 1935 et La Révolution prolétarienne vers 1967). À la fin de sa vie, il livre son « testament politique » dans un livre de souvenirs, puis dans des conférences publiques sur ses années russes, enfin, dans des articles publiés dans Le Réfractaire (1974-1983), journal créé par son amie May Picqueray.

L’étude du rapport de Marcel Body à l’URSS après une telle expérience révolutionnaire est riche d’enseignements. Comment s’est-il représenté ce pays tout au long de sa vie ? Avec quelle rapidité la « vérité » s’est-elle installée dans l’esprit des hommes qui étaient le plus à même de l’appréhender ? Quelles analyses Marcel Body a-t-il faites du mouvement communiste ?

Les différentes étapes de sa vie éclairent d’une façon originale les causes de dégénérescence du régime bolchevique. Plus il avance en âge, plus sa critique remonte à l’origine du régime mis en place. Sa fidélité aux valeurs et aux symboles du mouvement ouvrier révolutionnaire d’avant 1914 le conduit à envisager la possibilité d’une troisième voie qui n’est ni le communisme soviétique ni le réformisme, mais une voie qui s’inspirerait de l’esprit coopérateur et socialiste dans lequel il avait grandi.

MANNARINO Damien, La mémoire déportée : du témoignage des déportés des camps nazis dans l’édition en langue française 1944-1993, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 456 p.

La connaissance des camps de concentration nationaux-socialistes passe nécessairement par le récit des déportés. Dès leur retour, ils ont commencé à le communiquer, notamment au moyen de livres. Leur recension s’imposait afin de pouvoir appréhender l’importance de ces témoignages, et d’en découvrir les dates et les rythmes de production et, par voie de conséquence, l’accueil qu’ils rencontrèrent. Le corpus, plus de six cents titres, ainsi obtenu permet de dégager trois périodes : le retour (1944-1950), le refoulé (1951-1980) et le réveil (1981-1993, provisoirement). L’expérience décrite est essentiellement celle des Français, mais les traductions la complètent. D’une période à l’autre, la représentation et la mémoire de la déportation se modifient, passant des résistants aux victimes juives. Buchenwald, camp emblématique à la Libération, cède la place à Auschwitz devenu synecdoque de la déportation et du génocide. Ce dernier ne s’inscrit que partiellement dans le système concentrationnaire, mais les camps en furent l’instrument indispensable. La réunification des mémoires de ces déportations, différentes, mais combinées, permet de rendre au nazisme qui en dressa les plans et en poursuivit l’exécution son visage entier : celui du Mal radical, concrètement historique et politique, et non celui d’un mal absolu métaphysique et incommunicable. Ainsi, la mémoire des déportés, ramenée à nous, peut servir à construire un savoir nécessaire et utilisable pour notre temps. Tel est le sens de cette histoire qu’il fallait reprendre depuis le début.

MARECHAL Delphine, Les procès de résistants (1947-1954), Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Paris 1, 1994, 134 p.

Mon intention première, concernant le sujet de mon mémoire de maîtrise, était d’étudier les représentations de l’« épuration sauvage ». Le phénomène, on le sait maintenant, a provoqué la mort d’environ 9000 personnes. Cependant, la mémoire collective, tenace, tend à garder de cette période, le souvenir d’un « bain de sang » et de centaines de milliers de morts.

Toutefois, ce sujet m’est apparu rapidement trop vaste pour être traité dans un simple mémoire de maîtrise. Sur les conseils de Mrs Prost et Rousso, chercheur à l’IHTP, j’ai décidé d’étudier les procès de résistants et de comprendre, à travers eux, la légende noire de l’« épuration sauvage ». Par procès de résistants, j’entends ici ceux qui se sont déroulés dès l’après-guerre et qui ont concerné d’anciens combattants de la Résistance, accusés de vols, violences ou meurtres la plupart du temps commis au moment de la Libération de la France.

L’impossibilité de consulter les archives criminelles m’a obligé à baser ma recherche sur des sources plus « subjectives » puisque mon matériel était lui-même l’interprétation d’une réalité : presse, journal officiel, ouvrages contemporains….

Le résistant inculpé est considéré entre 1947 et 1954 comme un accusé particulier. Son statut ambigu de « combattant de l’ombre » a contraint la législation à inventer de nouvelles ordonnances pour en tenir compte. Cependant, cette législation ne semble pas avoir réussi à englober l’ensemble des situations rencontrées par le résistant pendant la période de la Libération. Elle en devient forcément réductrice, imposant une image fixe du statut de résistant.

Les procès des résistants sont utilisés largement à des fins politiques. À droite comme à gauche, on s’en sert pour dénoncer les abus, fustiger ceux qui ternissent le nom de la Résistance. En effet, c’est une des constatations de cette recherche que de voir que souvent, l’homme, qu’il soit coupable ou non, est oublié au profit de l’idée d’une Résistance inattaquable et parfois récupérée.

MARTIN Céline, La Rue de la Goutte d’or pendant l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 245 p.

La rue de la Goutte d’Or est un lieu emblématique du Paris populaire. À la fin du XIXe siècle, Zola en faille cadre de la déchéance morale et physique d’une population laborieuse. Un siècle plus tard, l’opinion publique la considère comme une des plus dangereuses de la capitale, ses immeubles insalubres abritant une population immigrée nombreuse et des trafics en tous genres. Pendant ces deux époques, la rue de la Goutte d’Or conserve ses caractères originaux : sa fonction d’accueil des populations socialement défavorisées, souvent déracinées, et sa mauvaise réputation.

La rue de la Goutte d’Or ne connaît pas, en un siècle, de mutations fondamentales, mais elle change lentement sous les effets de nouvelles conjonctures économiques, sociales et politiques, l’entre-deux-guerres se présentant comme la période de transition.

Dans les années vingt et trente, la rue de la Goutte d’Or ressemble encore à celle de Zola : des immeubles délabrés et des logements sous-équipés, des ouvriers et des petits employés, une petite élite sociale commerçante, des hôtels et des débits de boissons, une cohabitation réussie entre Parisiens et provinciaux. Mais, on note déjà des caractères démographiques et des comportements matrimoniaux nouveaux, un mouvement de dépopulation, des étrangers de plus en plus nombreux, d’origines de plus en plus diverses et lointaines.

La combinaison d’éléments des XIXe et XXe siècles fait de la rue de la Goutte d’Or de l’entre-deux-guerres, un lieu à la fois uniforme et bigarré, marginal dans la capitale, mais où vit une population incarnant assez fidèlement la réalité économique et sociale du Paris populaire de l’époque.

MESROB Véronique, Les représentations du monde ouvrier dans la production cinématographique française de 1945 à 1950, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 217 p.

Le champ d’investigation de l’historien s’est enrichi de nouvelles disciplines. Les sources filmées ont désormais un intérêt scientifique qui élargit l’horizon de la recherche historique. Un film est un produit culturel inscrit dans un contexte socio-historique donné. C’est une production culturelle qui offre à l’historien, au chercheur, des documents à analyser. Le cinéma témoigne dans l’ordre des représentations et, bien que les images filmées soient encore difficilement accessibles, il ne faut pas omettre l’analyse du film qui reviendrait a réduire une partie essentielle du matériau de l’historien.

Si la veine ouvriériste existe au sein de la production cinématographique française, la courbe de représentations est quantitativement proche de zéro. Le mémoire présenté n’épuise pas toutes les interrogations qui naissent du rapprochement entre le monde ouvrier à l’écran dans la production française d’après guerre et le contexte historique particulier des cinq années qui suivirent la Libération.

La diversité des genres cinématographiques (fictions de long-métrage, documentaires et actualités) a apporté des informations contrastées. Si le rôle joué par les ouvriers dans le cadre historique est significatif, il apparaît en demi-teinte à l’écran : tonalité bon enfant pour la globalité des films de fiction, hormis les tentatives de Louis Daquin (Le point du jour) et de Marcelle Paghero (Un homme marche dans la ville) d’appréhender « la vraie vie ».

Les actualités cinématographiques sont au service du pouvoir politique et véhiculent une idéologie. Elles rapportent les images de l’ouvrier moteur de la Reconstruction, mais aussi de l’ouvrier agent du « parti du désordre », fauteur de troubles.

Les représentations filmées du monde ouvrier passent par le prisme déformant de la caméra et subissent les contraintes (censure et autocensure) nées d’un contexte particulier. D’un point de vue politique, économique et social. Ces deux constats posent problème au chercheur. Toutefois, ce sujet d’étude permet de saisir les décors dans lesquels évolue le monde ouvrier ainsi que le comportement du groupe, son travail, ses loisirs.

Mais le cinéma n’est pas une source historique redondante ni le pâle écho du reel. Il dévoile les espoirs et les non-dits d’une société. Même sous contrôle, le cinéma témoigne.

MOURALIS Guillaume, Edmond Michelet : garde des Sceaux, ministre de la Justice (9 janvier 1959-24 août 1961), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 210 p.

Edmond Michelet, résistant chrétien déporté à Dachau, incarnait dans l’après-guerre, alors qu’il entamait sa carrière politique, un gaullisme ouvert et original.

Lorsqu’il fut nommé garde des Sceaux en janvier 1959, il représentait un courant « libéral » au sein du gouvernement de M. Debré : Michelet était favorable à la négociation puis à l’indépendance de l’Algérie.

Parvint-il à concilier ses convictions et celles de son cabinet (où figuraient J. Rovan, G. Gosselin et puis H. Bourges) avec la politique du gouvernement définie par M. Debré ?

Il tenta de mener une politique personnelle dans le domaine qui était le sien — en matière de justice civile bien sûr, mais aussi dans le domaine pénitentiaire (il institua un régime de détention semi-politique pour les détenus algériens) — tout en se livrant à une audacieuse politique de contacts avec le FLN, en accord avec le général de Gaulle.

Mais son action connut bien des limites qui tenaient au statut de la justice pendant la guerre d’Algérie, aux impératifs de la raison d’État auxquels il dut souvent se plier, ainsi qu’au conflit qui opposa rapidement le garde des Sceaux à son Premier ministre.

Ce conflit aboutit à la démission « forcée » de Michelet en août 1961, démission que le chef de l’État avait fini par accepter, car il lui semblait indispensable de conserver M. Debré à la tête du gouvernement, tant pour des raisons de politique intérieure qu’extérieure.

PACHOMOFF Karelle, Les clubs gaullistes sous la Ve République, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 240 p.

Les clubs et sociétés de pensée non situés à gauche sont mal connus. Pourtant, le phénomène des clubs gaullistes constitue un aspect important et original de la dynamique des clubs.

Nous sommes en effet parvenu à recenser non moins dune soixantaine de clubs s’articulant autour des valeurs gaullistes. Réplique au succès des premiers clubs socialistes, ce phénomène ne peut cependant être réduit à un simple mimétisme. Le gaullisme a en effet généré ses propres particularités, dans un contexte différent.

Ces clubs se caractérisent par une grande diversité d’approche, qui s’exprime aussi bien dans leur morphologie structurelle que dans la nature de leurs engagements et leur dispersion politique. Malgré cela, ils forment un réseau cohérent, structuré par des idées, des hommes ou un parti. Ils entretiennent entre eux des relations particulières, s’unissent ou bien s’opposent.

L’existence d’un tel système soulève toutefois une interrogation : comment en effet expliquer qu’un phénomène de cette ampleur ait pu subsister dans l’ombre ? En effet, eu dépit de leur nombre, les clubs gaullistes sont toujours demeurés dans la marginalité, dans tous les domaines : au sein même de la famille gaulliste, où ils se heurtent au caractère centralisateur et dominant du parti, duquel ils ne parviennent pas à s’émanciper ; au sein de la dynamique des clubs, en raison de leur trop grande fragilité structurelle, puisque sur la quantité recensée, seul un faible nombre a possédé une activité véritable ; enfin, sur la scène politique, où ils échouent à se faire connaître et à faire aboutir le fruit de leur réflexion, conséquence de leur impuissance.

Les clubs gaullistes ne connaissent donc pas le même destin que leurs prédécesseurs socialistes. Néanmoins, ce constat d’échec est nuancé par le rôle permanent qu’ils remplissent sur la scène politique et au sein du courant gaulliste. Marginaux, ils possèdent une mission de réflexion, constituent une forme d’expression intra-partisane non négligeable ainsi qu’un moyen sûr de lutter contre la dissolution de la spécificité gaulliste, assurant ainsi sa vitalité.

PAROUX Vanessa, Débits et débitants de boissons dans le 18e arrondissement de Paris pendant l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Antoine Prost, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 2 vol., 198 p. + annexes

L’entre-deux-guerres correspond à l’apogée du nombre de débits de boissons en France et à Paris alors que des politiques limitatives et restrictives ont été votées par les pouvoirs publics dès 1915. Espaces paradoxaux et ambigus, à la fois lieux publics et lieux privés, les débits de boissons se situent entre les milieux familiaux et les milieux professionnels. Les récentes études traitant des débits de boissons comme lieux de sociabilité, de convivialité et d’échange ont omis ou ignoré de décrire et d’analyser la réalité intrinsèque du monde de la limonade.

Aussi, dans cette étude, nous avons cherché à cerner les caractéristiques morphologiques des débits de boissons ainsi que celles de leurs exploitants.

Avec quelque 1400 établissements, les cafés-brasseries, les bars, les bistrots et autres marchands de vin se sont implantés dans chaque rue du dix-huitième arrondissement. Ils se sont agglutinés autour des carrefours, des zones commerciales, industrielles, et des lieux d’habitation. Or, toute localisation et tout type de débits de boissons dépendent étroitement des structures sociales, économiques et géographiques de l’espace urbain dans lequel ils s’intègrent.

Malgré la multitude des débits de boissons et la diversité des formes qu’ils peuvent revêtir, nous nous sommes aperçus que les débitants de boissons constituent un groupe social, une communauté d’individus cohérente, et qu’eux-mêmes ont le sentiment d’appartenir à une identique « corporation ». Grâce à l’étude de leur âge, de leur situation de famille, de la profession de leur conjoint et de leurs enfants, de leurs origines géographiques, ainsi que par l’analyse de leur carrière et de leurs revenus, nous avons pu saisir leur vie quotidienne — familiale et professionnelle — et leur position sociale dans le dix-huitième arrondissement de l’entre-deux-guerres. Le système d’intégration et d’assimilation des débitants de boissons sont donc des outils privilégiés de lecture de la vie du quartier ou de la ville dans lesquels ils sont implantés.

PETIT Corinne, Le Marché noir à Paris pendant la Seconde Guerre mondiale, Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 168 p.

Le marché noir est un des phénomènes qui a marqué la vie quotidienne des Parisiens pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est apparu lors des premières mesures de rationnement qui se sont mises en place dès 1939. Dès lors, il n’a de cesse de progresser dans tous les secteurs de l’économie.

Cette progression peut être suivie grâce aux nombreux articles que la presse parisienne consacre à ce trafic illégal. En effet, à travers l’étude de trois quotidiens : Paris-Soir, Le Petit Parisien et Les Nouveaux Temps et d’un hebdomadaire La Semaine, il est possible de connaître les mécanismes et les agents du marché noir. Celui-ci est pratiqué par la grande majorité des Parisiens afin d’améliorer leur alimentation.

Face au développement du marché noir, la presse réclame des mesures de plus en plus sévères pour réprimer ce commerce illégal. Le gouvernement de Vichy crée de nouvelles lois et de nombreux organismes de lutte.

Parmi ces organismes, les trois principaux à Paris sont : la brigade de police économique, le service de contrôle des prix et le Comité départemental de surveillance des prix.

L’activité de ces trois services est intense tant le marché noir est présent dans tout Paris. Celle du Comité départemental est publiée régulièrement dans le Bulletin Municipal Officiel qui annonce les sanctions prises par ce Comité pendant toute l’Occupation. À partir d’août 1943, le Comité s’attachera plus particulièrement à la répression à l’encontre des restaurateurs.

Des sanctions judiciaires peuvent être prononcées par le tribunal correctionnel. De nombreuses condamnations sont prononcées durant toute la période. Malgré cela, le marché noir a continué de sévir intensément.

PONDEMER Sylvie, La famille professionnelle du spectacle (1940-1944), Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 193 p.

La « France Socialiste » du 9 décembre 1941 titrait : « Les travailleurs du spectacle veulent constituer une famille autonome dans le cadre de la charte du travail ». Ce vœu fut exaucé puisque le décret du 17 avril 1942 (JO du 6 mai) annonça la création d’une Famille Professionnelle du Spectacle. Elle réunissait au total 100 000 travailleurs : 60 000 professionnels représentant le cinéma et les 40 000 restant, les diverses autres activités du spectacle. Issue de la Charte du travail ou loi du 4 octobre 1941, la famille professionnelle constituait, dorénavant, la base de la nouvelle organisation sociale du travail entreprise par le gouvernement de Vichy. Malheureusement, dès sa mise en place et ses travaux de délimitation effectués, le constat suivant fut inévitable : l’unité des travailleurs des différentes professions du spectacle dans le cadre de la famille, semblait de plus en plus irréalisable étant donné la composition trop hétérogène de ses branches d’activités (théâtre, cinéma, concert et sport). Ainsi, ses limites restèrent relativement floues et ses travaux ne dépassèrent jamais le stade de comité d’étude. Inévitablement, la Famille Professionnelle du Spectacle se retrouva rapidement liquidée à la libération, car elle n’avait, tout compte fait, guère vécu et laissé de traces. Elle constitua néanmoins un remarquable exemple de l’échec que connut le régime de Vichy dans sa volonté de transformer la société française.

PRUVOT Isabelle, Les œuvres sociales aux origines de la RATP, Maîtrise [Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 234 p.

Par cette étude, nous avons cherché à analyser le caractère social d’une entreprise de service public telle que la RATP, le côté économique et politique étant mieux connu. Nous avons donc axé notre réflexion sur les origines des œuvres sociales dans les transports parisiens. Or, à la Libération, celles-ci connurent une rupture dans leur organisation et leur vie interne de par la création du Comité d’Entreprise en 1946. En effet, la politique de mise sous tutelle de ces institutions par le Comité d’Entreprise finit par créer une situation de conflit entre cet organisme et certaines de ces œuvres. Ceci était en fait dû à la nature différente du Comité d’Entreprise par rapport à des œuvres sociales créées au début du XXe siècle.

Le cas le plus significatif illustrant cette tension fut certainement le conflit qui opposa les « Enfants du Métro » au Comité d’Entreprise. La fondation des « Enfants du Métro » était une œuvre patronale dont l’objectif était d’envoyer les enfants des agents en colonie de vacances, activité qu’entendait exercer parallèlement le Comité d’Entreprise. Ceci déboucha sur une crise ouverte, qui ne put se résoudre que partiellement devant les tribunaux.

Cette situation semble perdurer actuellement, car la concurrence entre les colonies de vacances des « Enfants du Métro » et celles du Comité d’Entreprise de la RATP est encore d’actualité. Pourtant, leur point de vue sur l’importance de l’action sociale au sein de l’entreprise est le même. En effet, il s’agit avant tout d’un problème politique, les problèmes entre les œuvres sociales et le Comité d’Entreprise étant, en quelque sorte, l’un des révélateurs de conflits entre la direction de la RATP et celle du Comité d’Entreprise, dont les membres sont en grande majorité des syndicalistes de la CGT.

Ceci ne remet cependant pas en cause leur volonté commune et constante d’agir pour le bien-être des agents et de leurs enfants. À ce titre, les œuvres sociales de la RATP sont une réussite.

RODER Iannis, Le Parti communiste français dans la résistance en Corse, 1939-1943, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 166 p.

La région Corse du PCF, créée en 1938 est forte à la veille de la guerre, de quelques centaines de militants. La dissolution du PCF en septembre 1939, la guerre et l’avènement du régime de Vichy la désorganisent complètement. Toutefois, des militants locaux aguerris et des militants des JC venus du continent permettent aux communistes de commencer à réorganiser l’appareil du Parti et les JC.

Durant l’été 1941, la région Corse du PCF reçoit l’appel à la formation d’un Front National. À partir de ce moment, les communistes mènent de front la consolidation du Parti, les prises de contact en vue de la création et de l’organisation du FN, l’organisation des moyens de propagande.

Les débuts du FN sont lents et difficiles, il ne prend toute son ampleur qu’avec l’arrivée des troupes italiennes en novembre 1942. Le PCF tente de toucher la population en articulant sa propagande autour de thèmes majeurs : le ravitaillement, c’est-à-dire les préoccupations quotidiennes de la population, le rejet du fascisme italien, démontrant que Vichy voulait livrer la Corse à l’Italie alors que le PCF était le défenseur de la Corse française, et enfin, l’union dans le Front National. Le FN est définitivement structuré à Porri en mai 1943 (Vittori est le responsable militaire, Giovoni est le responsable politique). Alger le reconnaît alors comme mouvement de résistance et envoie des missions et des armes par sous-marin. En été 1943, le FN s’impose comme l’unique mouvement de résistance en Corse, il est à direction communiste. Malgré la répression féroce, la troïka de direction du PCF (Begnini, Micheli, Pagès), coupée du continent depuis septembre 1942, à laquelle s’est joint Vittori, décide, à la suite de la chute de Mussolini, de déclencher l’insurrection le jour de la capitulation italienne. Cette capitulation intervient le 8 septembre 1943 ; le 9 le FN lance l’insurrection. Ses 12 000 hommes en armes libèrent l’île, avec l’aide d’un corps expéditionnaire français, intervenu sur le tard.

Qu’est-ce qui a permis à la région Corse du PCF, seule Région communiste à l’avoir réalisé, de créer les conditions d’une insurrection populaire, sachant que le PCF avant-guerre était quasiment inexistant et que la Corse ne connaissait pratiquement pas de classe ouvrière ? L’antifascisme des Corses était-il réellement sincère, ou au contraire, ne se réduisait-il pas au désir de se débarrasser de la présence italienne ? Dans ce travail, nous nous sommes efforcés de répondre à ces questions.

SALEH Christophe, L’image de l’Allemagne nationale-socialiste de 1933 à 1939 dans la presse de droite française, Maîtrise [Antoine Prost, Bruno Groppo], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 177 p.

Ce mémoire étudie l’image de l’Allemagne nazie entre 1933 et 1939 dans trois quotidiens français de droite : Le Figaro, représentant de la droite modérée ; L’Action française, bien connue pour son idéologie xénophobe et antirépublicaine ; L’Écho de Paris, organe de la droite nationale et conservatrice. La comparaison entre ces trois journaux permet de reconnaître les points communs, mais aussi leurs différences dans la perception de l’Allemagne. Il en ressort, dans l’ensemble, l’impression d’une profonde méfiance à l’égard de l’Allemagne nazie et du danger qu’elle pouvait représenter pour la France et pour d’autres pays. Tout aussi frappant est le recours à des clichés très répandus sur la « nature » et le « caractère » présumés des Allemands. Le mémoire accorde une attention particulière à certains aspects, comme par exemple la personnalité d’Hitler, le recours à la violence comme moyen de gouvernement, la tentative d’encadrement totalitaire de la société et surtout de la jeunesse par le régime nazi.

SALGADO Eugénie, Les activités culturelles menées au sein du comité d’établissement de Renault Billancourt : étude du Caméra-ciné-club de 1945 à 1983, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 128 p.

Ce mémoire poursuit le but de retracer l’activité du Caméra-Ciné-Club, section de l’association culturelle de Renault-Billancourt. Celle-ci à sa création, en 1948, se dote d’une certaine autonomie et par son statut loi 1901 constitue le moteur de la mise en marche des activités culturelles et aide au fonctionnement de l’ensemble des sections.

Cette étude permet d’appréhender l’histoire à peine ébauchée des activités culturelles menées sur les lieux de travail. Elle met en lumière les fondements idéologiques de l’action des comités d’entreprise depuis 1945 relative aux choix des activités culturelles et à leur développement par les travailleurs de l’entreprise eux-mêmes. Le comité d’établissement de Renault-Billancourt a aussi impulsé une dynamique permettant à la commission des « Sports et des Loisirs » et à l’association « Loisirs et culture » d’être porteuses d’un élan et d’une diffusion culturelle pendant plus de trente années.

Ainsi, la première partie de cette recherche s’attache à montrer le fonctionnement et l’organisation de l’association culturelle de la Régie en analysant successivement ses objectifs, les moyens qui lui sont impartis et l’évolution des orientations de ses membres.

Le cadre alors fixé permet de nous attacher à l’étude du Caméra-Ciné-Club.

La section a mené une activité de diffusion cinématographique, associée au développement des pratiques des cinéastes amateurs. Cette recherche nous a permis de retrouver l’ensemble des œuvres cinématographiques réalisées par les membres de la section : témoignages d’une culture vivante en entreprise.

SCHNEIDER Wieland François, La sauvegarde du patrimoine culturel français, 1933-1943, Maîtrise [Claire Andrieu, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 161 p.

Ce mémoire a pour objet la sauvegarde du patrimoine français au cours de la période 1933-1943 et les actions menées pour se soustraire aux dangers de la guerre. Ce patrimoine — les œuvres d’art et les édifices classés — a été l’objet de soins poussés.

En ce qui concerne les œuvres d’art, nous verrons comment les musées, centres d’archives ou églises ont vu leurs collections évacuées dans plus d’une centaine de dépôts de province, une première fois en septembre 1938, une seconde fois de façon définitive en septembre 1939.

Dans le cas des bâtiments, les protections totales sont impossibles. Néanmoins, plus de cent bâtiments civils, palais nationaux et monuments historiques ont été soumis aux impératifs de la défense passive, qui rendait obligatoire une politique de protection.

Entre ces deux politiques, il existe des différences majeures, tant du point de vue des moyens financiers, matériels et humains, que de l’esprit dans lequel elles ont été menées. Nous verrons également que, malgré ces différences le patrimoine culturel français a été sauvé de la destruction.

SERVOL Michele, Les amicales des Auvergnats de Paris de l’entre-deux-guerre, Maîtrise [Claude Pennetier, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 120 p.

C’est dans la dernière décennie du XIXe siècle que se forment les premières sociétés amicales des Auvergnats de Paris. Ces migrants, chassés par la misère des hautes terres du Massif central et rejetés par la société urbaine, sont d’abord aidés moralement et financièrement par des associations départementales et par Louis Bonnet, fondateur du journal L’Auvergnat de Paris. Mais peu à peu, ils éprouvent le besoin de se retrouver entre compatriotes pour nouer des relations simples et chaleureuses au sein desquelles solidarité et entraide sont les premiers mots d’ordre. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, ces associations, « mises en sommeil » pendant le conflit, renaissent et se réorganisent. Elles prolifèrent rapidement notamment parmi les originaires du massif de l’Aubrac, berceau de l’émigration auvergnate à Paris. Progressivement, les sept départements choisis par Louis Bonnet pour délimiter l’Auvergne vue de Paris, vont alimenter ce vaste mouvement régionaliste.

Dans les années 30, la colonie, solidement organisée et structurée, semble à son apogée. Qu’elles soient à domination commerçante, thématique, ou élitiste, ces sociétés deviennent puissantes, attirant dans leur orbite d’éminentes personnalités politiques et religieuses susceptibles d’apporter leur soutien à la communauté.

Les occasions de se retrouver ne manquent pas notamment lors des nombreuses manifestations festives et des fameux banquets annuels qui sont le clou de la saison amicaliste.

Les activités parisiennes n’affaiblissent pas les liens avec le pays natal. Chaque été, des trains spéciaux emportent les « Parisiens » vers la « petite patrie ». Les enfants sont régulièrement envoyés dans la famille ou placés dans des colonies de vacances.

Les amicales multiplient les dons et les subventions aux communes et veillent à la promotion touristique du département. Leurs actions, nombreuses et variées, sont à nouveau interrompues lorsqu’éclate la Deuxième Guerre mondiale. Nouvelle épreuve suivie d’une renaissance du mouvement en 1945.

STAES Hélène, Citoyens 60 : 1959-1968, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 120 p.

Parmi les clubs politiques créés à la fin des armées cinquante, Citoyens 60 montre la structure la plus complexe et dispose des ramifications les plus étendues. Parisien par sa direction, provincial par ses cercles de villes, il dépend complètement du mouvement d’obédience chrétienne la Vie Nouvelle dont il émane. Le projet proposé en 1957 est concrétisé en janvier 1959 par la parution des Cahiers Citoyens 60. Il se distingue des autres clubs par un ton plus pédagogique, se voulant « l’École et le Laboratoire du citoyen ». Réticent devant l’action politique, il se propose simplement d’enrichir « le tissu démocratique » et de diffuser « l’espoir socialiste ». Le club sort en 1964 de son expectative pour prendre part au Colloque socialiste et pour soutenir la tentative de Gaston Defferre. Au même titre que pour la FGDS en 1965, Citoyens 60 refuse de s’engager structurellement sous peine de faire éclater le mouvement, et conseille aux adhérents, issus pour la plupart des classes moyennes de soutenir les forces de gauche individuellement. L’Équipe Centrale Citoyens 60 démissionne en bloc en juin 1968, en réponse aux événements politiques intérieurs et à la volonté des Animateurs nationaux de Vie Nouvelle de restructurer le projet.

VARIN Nicolas, Dorgerès et le dorgerisme en Picardie, Maîtrise [Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 145 p.

Lorsqu’on évoque les ligues de l’entre-deux-guerres, on pense le plus souvent aux Croix de Feu du Colonel de la Rocque, aux Jeunesses Patriotes de Pierre Taittinger, au Francisme de Marcel Bucard, à la Solidarité française de François Coty… rarement à la Défense Paysanne d’Henri Dorgerès, davantage au fer de lance de son organisation les « Chemises vertes » dont la coloration laisse peu d’ambiguïtés aux profanes sur la nature du mouvement (la parenté avec d’autres chemises brunes ou noires allant de soi).

L’étude d’histoire locale étant selon Lucien Febvre une question générale posée aux témoignages que fournit champ d’expérience restreint, cette monographie régionale vise à mieux saisir le mouvement dorgeriste sous I’angle du local.

Quelles ont été l’action et l’influence d’Henri Dorgères et de son organisation dans la région Picardie ? Quelle a été l’importance de la région Picardie dans la trajectoire politique d’Henri Dorgères et de on mouvement ?

L’affaire de Bray-sur-Somme, le procès de Péronne, l’intervention des « chemises vertes » lors des grèves estivales de 1936-1937, la mise en place de commissions paritaires dans l’Oise… constituent autant de réponses à ces interrogations.

VITRY Stéphanie, La mortalité du camp de concentration de Gusen à partir du dépouillement d’un registre de morts (avril 1943 – mai 1945), Maîtrise [Antoine Prost, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 146 p. + annexes

L’histoire du camp de concentration autrichien de Gusen, principal camp satellite de Manthausen, nous est offerte en partie par les différents documents relatifs à l’administration concentrationnaire. L’Operationsbüch, registre marginal et jusqu’alors jamais étudié dans sa totalité est l’un de ceux-là : ouvrage de décompte des morts quotidiens, il peut devenir l’outil de connaissance de la vie concentrationnaire et de l’histoire du camp proprement dite.

Source de divers enseignements d’ordre quantitatif, il permet la réactualisation de certaines données pour la période d’avril 1943 à mai 1945, l’approfondissement dans la connaissance des divers groupes que les victimes composaient, la mise en évidence des atrocités qui s’y sont déroulées ainsi que du rôle majeur joué par Gnuen II du printemps 1944 au printemps 1945.

Analysé de façon critique à la lumière d’autres documents (principalement en ce qui concerne les victimes d’Hartheim) et des témoignages, le registre des morts n’est plus un document « froid », mais se révèle être au contraire une source d’importance, capable d’apports nouveaux 50 ans après les faits.

WAJNBERG Laurent, L’Enseignement de l’histoire dans les lycées de 1945 à 1980, trente-cinq ans de débats, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1994, 122 p.

L’étude des débats à l’intérieur du corps professoral montre que l’enseignement de l’histoire, partagé entre des tendances et des principes antagonistes et que l’on tente tant bien que mal de concilier, reste constamment à la recherche d’un équilibre entre science et culture, histoire et pédagogie, modernité et tradition.

Conçu pour légitimer la IIIe République naissante, il ne parvient pas à se détacher de ses fondements : histoire politique et diplomatique, histoire européocentrée des États et non des peuples, enseignement austère ; une modernisation est indispensable. Mais le dogme de la continuité historique, le désir d’enseigner toute l’histoire, entravent les efforts entrepris. Certes, les programmes, déjà ouverts à l’histoire économique et sociale, font une place à l’histoire des civilisations. Le document est de plus en plus utilisé, en vue de faire de l’enseignement historique un exercice réellement formateur pour l’esprit, comme on le prétend depuis longtemps. Celui-ci, prenant ainsi en compte les critiques dont on l’accable, se veut résolument tourné vers la compréhension du monde actuel, afin de former de futurs citoyens.

Cependant, ces innovations se heurtent à la routine, à l’attachement aux traditions, à la peur du changement ; les dogmes se laissent difficilement détrôner. Et les excès même discréditent certaines expériences : les professeurs exclusivement pédagogues des années soixante-dix ne font pas plus l’unanimité que les professeurs exclusivement historiens des décennies antérieures. L’enseignement de l’histoire se laisse donc ballotter entre différents modes et conceptions.

1993

ARNAL Simon, Aux origines de la Fédération du spectacle CGT en France : 1902-1922, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 139 p.

Le monde du spectacle n’est guère propice à l’émergence du syndicalisme puisqu’il faut attendre 1902 pour que soit fondée, après plusieurs tentatives infructueuses entre 1876 et 1901, la première organisation syndicale de poids : la Fédération des Artistes Musiciens de France. Cette fédération de métier est particulièrement corporatiste et peu idéologique. La réussite de la grève générale qu’elle organise en 1902 et son essor, parallèlement à la naissance de syndicats dans d’autres métiers du spectacle (les plus sédentaires), sont à l’origine de la création en 1909 de la Fédération Générale du Spectacle.

Cette dernière qui a principalement œuvré à la syndicalisation de tous les métiers du spectacle, connaît de sérieux problèmes d’ordre structurel dus à ses rapports difficiles avec la CGT Ceci provoque la scission des cégétistes convaincus (machinistes et choristes) qui créent en 1914 la Fédération des Syndicats du Spectacle. La lutte syndicale devient d’autant moins efficace que survient la guerre avec des conséquences terribles sur les conditions de travail et sur les salaires.

C’est en 1919 que naît la Fédération du Spectacle CGT, fusion des trois fédérations antérieures, réunissant des métiers moins corporatistes et donc plus à même de mener un combat idéologique. Ainsi, les luttes de 1919 et 1920 procurent à la Fédération une légitimité incontestée et aux travailleurs du Spectacle des avantages qu’ils revendiquaient depuis 1890 : le privilège des salaires en cas de faillite et un premier statut juridique (l’assimilation des artistes aux gens de service).

Avec la scission de la Fédération en 1922, l’évolution du syndicalisme du Spectacle rejoint celle des autres secteurs.

BARDOS Magali, La Mémoire de la révolution à travers le défilé de Jean Paul Goude, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 195 p.

Le défilé de Jean-Paul Goude a lieu le 14 juillet 1983 à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française.

L’analyse, par le biais des cassettes vidéo, des images et de la mise en scène de ce défilé, ainsi que l’interview de quelques acteurs de cet événement, permettent de saisir une certaine vision de la Révolution, telle qu’elle s’exprime à l’occasion du spectacle.

Rejetant l’esprit de la reconstitution historique ou de la grande réjouissance populaire dénuée de signification, le gouvernement commanditaire du spectacle, fait appel, par l’intermédiaire de Christian Dupavillon, à Jean-Paul Goude, homme d’image publicitaire, afin qu’il réalise un spectacle qui soit porteur d’un message.

Le cahier des charges élaboré par les commanditaires demande au concepteur du spectacle d’évoquer la Marseillaise et la fête de la Fédération. Ce tri opéré dans la décennie révolutionnaire met en avant la Révolution constituante et les institutions républicaines, les commanditaires se font ainsi les représentants d’une « mémoire historique ». D’une mémoire collective et de sa mémoire individuelle, Jean-Paul Goude retient les Droits de l’Homme et veut célébrer les fêtes du 14 juillet telles qu’il les a vécues étant enfant. Il donne aussi une tonalité contemporaine à la fête en choisissant comme thème le métissage à travers la world music.

Enrichi d’une esthétique moderne, le défilé, composé de treize tableaux, concrétise la vision des commanditaires d’une part, par la mise en scène d’une symbolique républicaine dans les tableaux représentant la France et, d’autre part, dans la séquence se déroulant place de la Concorde au cours de laquelle Jessye Norman interprète la Marseillaise. Les tableaux représentant les pays étrangers donnent une dimension universelle à la commémoration. Et, tout en utilisant des images d’Épinal, le défilé met en scène les Droits de l’Homme et rend hommage à la démocratie en faisant référence à la chute du communisme. Deux mémoires structurées indépendamment viennent ainsi se concrétiser de façon complémentaire dans la mise en scène.

BIGOT Éric, La vie politique à Noisy-le-Grand sous la IIIe République, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 195 p.

Au début de la Troisième République, Noisy-le-Grand est un village qui conserve une nette prédominance rurale. Le lent développement des moyens de communication, tels le pont de Neuilly, le tramway et les bus, va progressivement désenclaver la commune et permettre son essor.

La Première Guerre mondiale marque la césure majeure de l’évolution socio-démographique. Du fait de la construction massive des lotissements, la population se met à croître rapidement. Jusque-là à majorité agricole ou attachée à la terre, elle voit dès lors les catégories des ouvriers et des employés devenir dominantes, et cela malgré l’absence d’implantations industrielles.

La transformation sociale de la commune entraîne un bouleversement graduel, puis brutal, des résultats aux consultations électorales. Alors qu’au début de cette période l’électorat est majoritairement conservateur, la commune est progressivement acquise aux idées républicaines et à la veille de la Grande Guerre la question du régime ne se pose plus et seule subsiste celle de la forme à lui donner. L’entre-deux-guerres, et les mutations sociales qui l’accompagnent, intègrent Noisy-le-Grand dans l’ensemble « banlieue ». Au niveau politique, cette évolution se traduit par le développement des partis de gauche et atteint son apogée avec la série de victoires communistes de la fin des années trente qui, spécificité locale, se déclenche au niveau cantonal.

BINISTI Patrick, Juif et résistant : genèse d’une identité, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 148 p.

L’historiographie révèle une problématique jusque-là ignorée ou occultée : la recherche identitaire juive au travers de l’intérêt porté à la Résistance juive.

Vers la fin des années soixante, et de façon plus marquée encore à la charnière des années 1970-1980, le débat se cristallisa sur la question de l’identité. En effet ; définir la judéité revenait éventuellement à donner sa spécificité à la Résistance juive. Se penchant sur ce débat, les historiens crurent reconnaître les traits pertinents du processus de construction de mémoire. Les témoins s’opposèrent à cette interprétation perçue comme un effet de style propre aux intellectuels. De fait, émergeait le clivage entre discours savant et dominant tenu par l’Université, et le savoir empirique issu du vécu. Les historiens désiraient des concepts opératoires. Les acteurs luttaient pour défendre une mémoire, une représentation, une spécificité juives.

La recherche identitaire est le fruit de cette lutte. Les notions de groupe social, communauté, peuple, furent alors abordées. Apparurent les dimensions personnelles et multiformes de la judéité laissant en suspens toute tentative de généralisation, de définition absolue.

Ces conclusions floues conduisirent à réfléchir sur le thème de la mémoire collective. Les questions s’orientèrent donc vers les raisons politiques, historiques et psychologiques qui auraient amené ce groupe humain à reconstruire un passé à partir d’un événement transmué en élément fondateur d’une mémoire : la Résistance juive.

Un bref historique révéla que la « communauté » juive était passée du désir d’assimilation à une méfiance à l’égard de la France. Désormais, les Juifs ne pouvaient plus se projeter dans le pays des Droits de l’Homme ; l’image de la Révolution émancipatrice avait été brisée. La définition de la judéité, redevenant le principal élément identitaire, fut alors véhiculée en partie par le sionisme et bientôt par l’État d’Israël.

Les raisons psychosociologiques sont de l’ordre de la sauvegarde d’une culture et de la perpétuation du sentiment d’appartenance à un groupe qui se sent, dans le fond, dénué d’éléments définitionnels.

Enfin, l’étude comparative de la presse juive et de la presse générale démontre l’intérêt « intra-communautaire » que suscite le sujet. Ce phénomène prouve combien l’enjeu de mémoire est primordial, et combien la Résistance juive est chargée de significations qui dépassent le cadre strictement historique.

BISSON Mathieu, Les Jeunesses socialistes en France de 1948 à 1958, Maîtrise [Antoine Prost, Bruno Groppo], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 190 p.

La période de 1948 à 1958 prend place de manière originale dans l’histoire des JS alors que les adultes du Parti accroissent leur contrôle et leur méfiance à l’égard des jeunes du Parti, pour la première fois de leur histoire, les JS acceptent, dans ses grands principes, la ligne de conduite imposée par la SFIO. Elles acceptent de ne plus jouer un rôle de force de proposition, voire de contestation, mais développent au contraire, en conformité avec les désirs du Parti, leur seule fonction propédeutique. L’activité des JS se redéploie vers les loisirs et l’éducation où elles peuvent affirmer leur originalité avec la création de la Fédération des Foyers Léo Lagrange, clubs de loisirs affiliés aux JS Cette orientation nouvelle est liée à la personnalité du secrétaire national de 1950 à 1958, Pierre Mauroy qui, fidèle à Guy Mollet est attaché à respecter la ligne du Parti. Cependant, cela ne suffit pas à redonner au mouvement, qui ne dépasse pas les 5 000 adhérents (contre 30/40 000 après 1945), une influence notable dans la jeunesse.

Les problèmes coloniaux, principalement la guerre d’Algérie en 1954, déstabilisent quelque peu la paix qui régnait entre le Parti et ses jeunesses. Les JS prennent alors des positions assez radicales, en mesure de gêner les adultes du Parti. Tout rentre cependant dans l’ordre, à partir de 1956, lorsque Guy Mollet arrive au pouvoir. Seules les JS de la Seine, dissoutes en février 1958, se révèlent en profond désaccord avec le Parti. Cependant à partir de 1958, les JS vont souffrir du discrédit qui touche le Parti en raison de son attitude face à la guerre et de la scission de septembre 1958. Leur nombre d’adhérents baisse et elles cessent d’être un pôle d’attraction pour la jeunesse des années 60.

COPPIN Estelle, Les dockers au commerce à Boulogne-sur-Mer, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 205 p.

Ce mémoire est essentiellement fondé sur les interviews de dix dockers retraités ou préretraités qui ont accepté de raconter leur vie sur le port de commerce de Boulogne-sur-Mer et qui représentent un échantillon de 10 % des dockers au commerce actuellement retraités ou assimilés. Ces témoignages oraux nous ont permis d’appréhender la façon dont les dockers se représentent leur corporation et leur métier.

Les dockers au commerce se sentent différents des autres catégories d’ouvriers boulonnais. Depuis la Loi du 6 septembre 1947, ils sont devenus indépendants, du patronat local et national puisque leur embauche se fait par l’intermédiaire du B.C.M.O. qui gère, les demandes des entreprises de manutention. Les dockers professionnels ont ainsi une priorité absolue à l’embauche par rapport respectivement aux occasionnels, aux fils de dockers et aux « sans carte ». Le travail au commerce est organisé en équipe de dockers dont le nombre varie selon les périodes. Cette équipe est comme une famille de substitution pour les nouveaux (en majorité des fils de dockers) qui s’intègrent sous la férule des anciens. Ceux-ci leur apprennent les rudiments du métier, mais, surtout, certaines valeurs auxquelles ils doivent adhérer s’ils veulent rester, sur le quai. Ainsi, il faut prendre, si on ne l’a déjà, sa carte de la CGT et accepter la discipline que le syndicat, en situation de monopole, fait régner et qui impose de participer aux différents mouvements de luttes et de solidarité traditionnels, dans le milieu docker. Le salaire jusqu’à trois fois supérieur à celui d’un ouvrier de marée, la liberté des dockers qui travaillent en moyenne entre quinze et dix-huit jours par mois en doublant les horaires quotidiens, le chapardage, sont des éléments qui renforcent le sentiment de constituer un milieu privilégié qui toutefois ne cesse de revendiquer son appartenance au monde des ouvriers. Ce mode de vie professionnelle impose collectivement une pratique familiale marquée par la présence quasi obligatoire de l’épouse au foyer, mais interfère de moins en moins sur le choix de l’éducation des enfants qui devient strictement individuel et montre un changement de mentalité important puisque les fils ne sont plus forcément les héritiers du métier de leur père.

CRONIER Emmanuelle, Les Permissionnaires à Paris pendant la Grande Guerre, Maîtrise [Thierry Bonzon, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 298 p.

Le permissionnaire, pendant la Grande Guerre, était un soldat qui durant une semaine retrouvait la vie civile. L’ambiguïté de son statut est manifeste : était-il civil pour un temps, ou restait-il soldat avant tout ? Les aspirations des, soldat contrastent avec le point de vue des autorités militaires. Celles-ci ont avant tout cherché à encadrer les permissionnaires, par exemple lors du transport, ou au sein d’œuvres spécifiques, afin de préserver leur identité militaire. Les soldats, quant à eux, voyaient dans la permission surtout le moyen de retrouver leur liberté individuelle et entendaient profiter de leur « congé de détente » pour s’amuser.

Avec l’arrivée des permissionnaires, la physionomie de Paris a été modifiée, car les gares, les Boulevards, et plus généralement les lieux où l’on pouvait se divertir, étaient pris d’assaut par ces soldats. S’ils se sentaient investis de privilèges et de droits spécifiques, on ne peut pas pour autant affirmer qu’un fossé a existé entre les permissionnaires et les civils. Le discours des soldats, très critique à l’égard des civils, contraste en effet avec leur comportement qui semblerait plutôt indiquer qu’ils se sont laissé séduire par Paris, et ont parfois manifesté leur solidarité avec les civils. Un rapprochement inattendu qui indique que les préoccupations des uns et des autres n’étaient pas forcément opposées.

DEBONO Emmanuel, Persécution et défenseurs des Juifs à travers la presse collaborationniste, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 253 p.

Les études traitant des Juifs en France pendant la Deuxième Guerre mondiale sont généralement consacrées à la propagande antisémite ainsi qu’à la persécution physique de ces éléments dits « nuisibles ». Elles omettent d’analyser le rôle joué dans la présentation de la persécution par le principal moyen d’information de l’époque : la presse. L’information relative à la persécution physique des Juifs — rafles, internement, déportation — existe pourtant et ne doit pas être négligée.

Dans notre étude, axée uniquement sur la presse collaborationniste, nous avons cherché à comprendre les raisons de l’existence d’une telle information. L’analyse de sa forme et de son contenu, très contrôlé par l’occupant allemand, nous a offert de nombreux éléments de réponse. Elle nous a aussi permis de saisir l’image officielle présentée aux Français du terrible sort dont furent victimes les Juifs, nationaux et étrangers.

Les protestations émises à l’encontre de la persécution des Juifs sont également un problème de taille pour l’occupant allemand : elles entravent le bon déroulement de l’action antijuive. Nous avons donc mis en valeur les différentes stratégies utilisées par les journalistes et leurs « tuteurs », pour tenter de noyer cette contestation et faire accepter la persécution.

DELBO Anne, Les mariages des israélites parisiens dans les années Trente, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993 – 173 p.

Traiter des mariages israélites parisiens dans les années Trente, en appuyant sur les actes de mariage religieux (ketouboth) et civils, revenait à étudier les caractéristiques sociales de la communauté juive. Mais ce mémoire ne présente qu’une minorité de la communauté parisienne des années Trente : la population consistoriale. L’exploitation des sources bibliographiques permettait de préciser si on pouvait parler d’intégration ou d’assimilation concernant cette population.

En étudiant la population consistoriale fréquentant les synagogues affichées au Consistoire, à travers leurs origines, leurs domiciles et leurs professions, on notait un changement au sein de cette communauté entre le début et la fin des années Trente. Cette évolution était confirmée par l’étude précise des origines géographiques des mariés, de leur profession et de leur entourage. De la même manière, la localisation précise de leurs lieux d’habitation démontrait nettement l’évolution survenue : la séparation entre les quartiers Est et Ouest de la capitale, très marquée au début des années Trente, tendait à se réduire en 1938-1939. Cette séparation traduisait le clivage entre les juifs français et immigrés de la population consistoriale, renforcée par une répartition professionnelle à l’avantage des premiers. Le degré d’homogamie entre les conjoints était assez important tant au début qu’à la fin de la décennie, avec toutefois une proportion de mariages avec des prosélytes supérieure en 1938-1939. Ainsi, ces diverses constatations nous amènent à conclure que la communauté consistoriale était remarquablement intégrée dans la société française, mais non-assimilée, car elle n’avait pas renoncé à tous ses particularismes. Néanmoins, une nuance s’impose avec la distinction au sein de cette communauté entre les juifs français établis depuis longtemps et leurs coreligionnaires immigrés ; distinction renforcée par la crise des années trente qui atteint indirectement la population consistoriale.

FITZNER Pascal, La STCRP pendant la Seconde Guerre mondiale, Maîtrise [Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 234 p.

La Société des Transports en Commun de la région parisienne est avant-guerre une entreprise privée exerçant un service public, comme la CPDE ou la Compagnie du Gaz. Il s’agit d’une entreprise essentielle pour Paris et sa banlieue, par le nombre de voyageurs transportés (plus d’un milliard en 1937) et l’importance de son budget et de son personnel (26 000 agents). Ce dernier présente certains traits caractéristiques qui vont peser fortement pendant la Seconde Guerre. Mondiale : qualification professionnelle, codification du travail reproduite par des générations d’agents, forte tutelle patronale, mais aussi forte combativité syndicale avec une CGT très majoritaire.

Pendant l’Occupation la STCRP reflète à sa manière les divisions qui déchirent la France d’autant plus qu’assurant un service public et disposant d’équipements convoités, elle constitue un enjeu au cœur d’intérêts multiples.

Alors que fusionnaient en 1942 le Métropolitain et la STCRP, le réseau d’autobus disparaissait presque entièrement en raison de la pénurie de carburants et de pneumatiques. En 1939, le parc total du réseau était d’environ 3 500 voitures correspondant à 199 lignes, en juillet 1942, il n’est plus que de 510 véhicules avec 44 lignes exploitées. Ces bouleversements concernent non seulement le trafic, mais aussi le personnel : licenciements, allongement des horaires de travail et application de la législation vichyste. La STCRP semble vivre l’Occupation en symbiose avec le régime de Vichy.

En outre, le rôle stratégique des transports terrestres fait que, plus que d’autres entreprises, la STCRP est massivement spoliée. Les quelques autobus qui roulent encore sont indispensables à la machine de guerre hitlérienne pour le transport de matériel et de main-d’œuvre. Largement paralysée et affaiblie, la STCRP n’hésite pas à mettre à la disposition des Allemands, moyennant finances, ses capacités d’entretien et de réparation automobiles.

Si les dirigeants de la STCRP manifestent un empressement certain à appliquer les lois de Vichy et à répondre aux demandes allemandes, la participation à la Résistance est cependant active et précoce. Le personnel des transports en commun joue un rôle important dans la lutte pour la libération de Paris.

La création de la RATP, en 1949, résulte des bouleversements de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit d’une période clef, marquée par une première tentative de fusion de la STCRP et du Métropolitain, par une suspension des dirigeants convaincus de collaboration à la Libération et par l’ouverture d’un long débat sur le futur statut de l’entreprise.

FRANKE Julia, Réfugiés d’Allemagne en banlieue parisienne : accueil et vie quotidienne, 1933-1939, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 225 p

De 1933 à 1939, de la prise de pouvoir par Hitler jusqu’à la guerre, des germanophones appartenant à tous les groupes politiques et sociaux se sont réfugiés et ont habité en région parisienne. La première partie du mémoire est consacrée à leur accueil, à leur intégration, à leur vie quotidienne, en développant plus précisément le cas de ceux qui ont habité dans les villes qui entourent Paris. À partir de multiples sources, j’ai repéré environ 500 d’entre eux, surtout dans l’ancien département de la Seine. Ensuite, des statistiques ont pu être établies, notamment sur les communes qui ont attiré le plus d’exilés, sur leur appartenance à certains groupes socioprofessionnels et politiques et sur leurs particularités comparées à celles des émigrés demeurant dans Paris.

En outre, des situations sont présentées en détail comme : la politique d’accueil et de coopération de certaines municipalités (Chatenay-Malabry, Suresnes) et des institutions ou des entreprises gérées par des réfugiés ou créées pour des réfugiés en banlieue parisienne.

GIUDICE Christophe, Analyse et critique des récits et livres de témoignages sur la guerre d’Algérie de 1955 à 1968, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 194 p.

La production de livres sur la guerre d’Algérie est très abondante alors que, paradoxalement, le conflit occupe une place mineure dans la mémoire publique. Sa remémoration a toujours été problématique et la cérémonie du 19 mars a été la source de vives polémiques sur le sens à donner à la commémoration.

L’ensemble des œuvres étudiées a présenté la particularité d’appartenir à une littérature partisane. Cependant, les anecdotes exposées se sont généralement imposées comme des vérités premières du fait de la qualité de témoin des auteurs et elles ont alimenté les différentes argumentations sur la question algérienne.

La production de ces témoignages apparaît comme un flot ininterrompu, avec des pointes significatives lors des années commémoratives. La guerre d’Algérie a représenté une période difficile pour l’ensemble des Français, et ceci explique que l’on ait pu en refouler le souvenir. Cependant, l’existence d’une telle masse de documents semble aller à l’encontre de la présentation de ce conflit comme d’une guerre oubliée. En effet, de nombreux recueils ont été destinés à un lectorat déjà concerné par les événements, mais accessible, malgré la censure, à ceux qui désiraient s’informer. L’on remarque également que les anciens acteurs du drame ont gardé durant de longues années une quasi exclusivité sur le récit de guerre.

GOUJAT Olivier, Une Biographie intellectuelle de Jacques Rivière : Les dernières années : 1914-1925, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 180 p.

À travers des sources publiées et des correspondances et conférences inédites issues des archives privées de M. Alain Rivière, ce mémoire tente de suivre l’itinéraire de Jacques Rivière au cours des dix dernières années de sa vie.

Trois thématiques centrales ont guidé notre étude de la pensée et des pratiques de cet écrivain : la religion, la politique et la littérature. Tout en tenant compte, des champs sociaux dans lesquels s’est inscrite son activité intellectuelle, nous avons tenté de structurer en trois temps un cheminement qui, de l’option religieuse dominante puis plus discrète pendant la captivité, à l’engagement littéraire et intellectuel à la tête de la NRF, fit de Jacques Rivière, à beaucoup d’égards, l’âme de cette revue. La scrupuleuse inquiétude de sa pensée l’a amené à assumer une position réfléchie et modérée tant au point de vue littéraire que politique. Celle-ci lui dicta l’option pacifiste de Locarno et contribua par ailleurs à forger de lui l’image d’un intellectuel qui spécule sur les débats plutôt qu’il ne s’y engage.

Tout en précisant la position de Rivière sur la littérature et la politique de son époque et contribuant ainsi à éclairer d’un nouveau jour l’histoire de la NRF de l’entre-deux-guerres, ce mémoire a pour fin d’échapper à la dichotomie véhiculée dès sa mort et qui oppose l’image d’un Jacques Rivière athée à celle d’un Jacques Rivière demeuré catholique et appartenant de ce fait à une autre sociabilité littéraire. Il apparaît plutôt que Rivière a tenté de maintenir dans la NRF un respect mutuel et une cohésion des deux pôles de son humanisme qui ne lui ont cependant pas survécu.

GOULINET Isabelle, Le Gauchisme enterre ses morts, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 125 p. + annexes

Après s’être largement illustrées pendant les événements de Mai, les organisations d’extrême gauche sont affaiblies au cours de la période post-68.

Certaines sont dissoutes, telle la « Gauche prolétarienne » et les manifestations sont interdites.

Cependant, les gauchistes ne s’avouent pas vaincus pour autant : ils veulent contourner cette interdiction. Comment ? En usant par exemple de cette tradition bien française qui vise à faire d’un enterrement une manifestation politique : un mort, voilà de quoi théoriquement remobiliser ses troupes.

Ce travail de recherche associant la connaissance historique à l’ethnologie, effectué pour l’essentiel à l’aide de la presse parisienne quotidienne et hebdomadaire, porte donc sur les obsèques de quatre individus ayant eu, de près ou de loin, un rapport avec les milieux gauchistes. Les trois premiers enterrements ont une nature politique clairement affichée : le 15 juin 1968, on enterre un militant de l’UJC-ml, Gilles Tautin, mort noyé à Meulan après qu’il eut été contraint, selon ses camarades, de se jeter à l’eau pour échapper à une charge des gendarmes. Le 5 mars 1972, c’est l’enterrement de René-Pierre Overney, militant maoïste de la GP abattu devant les usines Renault-Billancourt par un vigile et le 27 septembre 1979, ce sont les obsèques, après son assassinat dans des circonstances mystérieuses, de l’ancien responsable du service d’ordre de l’UEC, écrivain et guérillero, Pierre Goldman. Le quatrième enterrement a lieu le 15 avril 1980, c’est celui de Jean-Paul Sartre, décédé des suites d’une longue maladie ; son enterrement acquit quant à lui un caractère politique a posteriori ; compte tenu de la relation particulière que le philosophe avait entretenue avec la politique en général, et les gauchistes en particulier.

À travers l’étude successive de leur préparation, de leur déroulement et de leurs enjeux, ces quatre événements nous permettent de voir dans quelle mesure un groupe politique composite — la « génération soixante-huitarde » — s’est appuyée sur des enterrements pour construire l’image d’une nouvelle culture politique ; une évolution nette est en effet mise en lumière entre le début des années 70 et l’aube des années 80.

Les organisateurs des obsèques de Gilles Tautin et de René-Pierre Overney ont eu recours à une liturgie politique revendiquant explicitement un héritage historique particulier, celui du mouvement ouvrier ; dix ans plus tard lorsque l’on enterre Goldman et Sartre on a abandonné les symboles +politiques traditionnels pour ne conserver que les signes d’appartenance culturelle. D’un problème politique, avec l’évolution des mouvements gauchistes, on est passé à un problème de « gauchisme » en tant que phénomène culturel. Ainsi, en 1980, les groupes gauchistes n’ont plus d’existence politique depuis longtemps, mais leurs idées passent par d’autres vecteurs. La culture de 68 n’est donc pas morte avec ceux que l’on a enterrés, ce qui semblerait relativiser l’expression de Louis Althusser — reprise d’ailleurs par d’autres — selon laquelle en 1972, « ce ne fut pas tant l’enterrement d’Overney que celui du gauchisme tout entier ».

GRANDMAGNAC Régis, La Fédération FO de la Métallurgie de 1947 à 1955, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 185 p.

Cette étude porte sur la Fédération FO des métaux, de sa création à l’accord Renault de septembre 1955 qui consacre le début d’une nouvelle période axée sur une politique d’accords contractuels. Elle s’appuie principalement sur les archives de cette même Fédération.

Au centre de ce travail le processus de radicalisation de la politique fédérale et les nouvelles perspectives qu’il va ouvrir. L’ambition de cette radicalisation correspond à un double souci. Le premier est celui qui consiste à libérer la Fédération de son complexe envers la puissance cégétiste afin de mener une politique plus offensive et le second traduit la volonté de restaurer pleinement le schéma fondateur du syndicalisme, à savoir une position de classe hostile au patronat et au gouvernement. Cette sensibilité qui apparaît dès l’ère Léon Chevalme (premier secrétaire général de la Fédération FO des métaux) se retrouve majoritaire à la mort de ce dernier, survenue en mars 1952. Pourtant, les composantes de la nouvelle majorité demeurent hétéroclites et ne peuvent donc imposer une ligne politique globale et cohérente. En outre, cette majorité doit composer avec une minorité « modérée ». Celle-ci cherche à maintenir la politique définie par Chevalme, et pose comme principe fondamental la crainte de l’insurrection communiste. Par conséquent, elle s’oppose à toute initiative tendant à générer des grands conflits qui seraient favorables à la Fédération CGT des métaux, hégémonique dans le secteur métallurgique. Ainsi, toute l’histoire de la Fédération FO des métaux, et celle de ses relations parfois tendues avec la Confédération FO (de la scission syndicale de décembre 1947 à l’accord Renault de septembre 1955, en passant par les changements au sein de la direction fédérale et par les grèves d’août 1953, initiées par la Fédération), s’axe autour des questions qui recouvrent un autre débat sous-jacent, celui opposant syndicalisme révolutionnaire et syndicalisme réformiste.

IZEMBART Marianne, Mémoires de guerre pendant la guerre du Golf, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 143 p.

La guerre du Golfe donne lieu, d’août 1990 à février 1991, à de nombreuses comparaisons avec les guerres du XXe siècle dans lesquelles la France s’est engagée. Ces références au passé, leurs emplois, leurs fonctions, leurs relations entre elles et avec le présent, constituent un objet d’étude à part entière dans la lecture de la presse.

Ces références employées dans de nombreuses analyses et discours politiques révèlent trois emplois distincts du passé. Le premier, analogique, constitue une méthode explicite de prévision de l’événement. À l’aide de schémas historiques choisis, le passé permet de donner une certaine vision de la crise, qui reflète moins l’événement passé que sa traduction contemporaine : la comparaison avec la Seconde Guerre mondiale — la plus utilisée — impose la notion de guerre juste, la volonté d’agir vite, et justifie l’intervention. La référence à la Première Guerre mondiale — bien plus discrète — impose le thème de la guerre absurde ; la crise de Suez et la guerre d’Algérie permettent enfin de dénoncer l’ingérence de la France dans une crise jugée locale. Une ligne de fracture apparaît entre partisans de l’intervention et opposants, selon les références employées : le passé définit alors l’événement et la place dans une perspective déjà historique. Mais il intervient aussi dans une dimension pédagogique, qui met en valeur soit l’exemplarité d’une expérience (avoir été résistant ou anti-munichois), soit la force de l’héritage politique (revendiquer la leçon de Munich). Enfin, le passé est employé comme anathème, comme injure référentielle, il permet de condamner l’adversaire politique en condamnant en même temps le passé.

Ces références apparaissent, comme un mode de discours politique à part entière, comme le support d’une communication détournée sur l’événement. Elles traduisent, en réactivant et en réalimentant nos mythes politiques contemporains (le symbole de Munich, la figure de Hitler…), la dimension affective de cet événement, ressenti avec un rare sentiment de proximité. Elles offrent également une vision globale et structurée d’une guerre complexe, devenue ainsi facilement saisissable grâce à leur puissance mobilisatrice et explicative. Malgré certaines limites interprétatives liées à la fois à la nature du corpus et à l’impossibilité de donner une dimension collective à autant d’interventions individuelles, nous pouvons affirmer que ces mémoires des guerres traduisent, consciemment ou non, nos propres interrogations face à l’accélération de l’histoire.

JEAN Marie, Le syndicalisme dans les métiers du bois d’ameublement à Paris, 1872-1906, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993 – 164 p.

Au lendemain de la Commune se reforment les groupements ouvriers de l’élite du bois d’ameublement ; entre 1872 et 1874, naissent les syndicats de l’ébénisterie, de la sculpture, de la menuiserie en meuble sculpté et de la menuiserie en sièges.

Dans les dix premières années qui suivent la création des syndicats, les idées définies avant la Commune sont mises en application. L’ancienneté des groupements influe sur les syndicats ; elle conditionne la permanence des buts et des moyens définis pour défendre les intérêts professionnels. Les métiers sont valorisés par la représentation aux Expositions universelles et la prise en charge de renseignement professionnel ; les intérêts ouvriers sont défendus par la conquête des tribunaux professionnels. En 1880, les syndicats renouent avec la pratique gréviste, sans la considérer comme runique moyen d’action puisqu’à l’issue de cette grève est mise en place la Commission mixte, patrons et ouvriers du meuble sculpté.

Les années 1880 sont marquées par la crise économique qui révèle les difficultés de l’ameublement parisien. La première conséquence de la crise est de permettre aux syndicats la création d’ateliers chômage grâce aux commandes de l’État ou de la municipalité. Mais la crise de l’ameublement persiste et se double d’une crise syndicale : les éléments anarchistes sont exclus du syndicat de l’ébénisterie et du meuble sculpté, les syndicats de spécialités de l’ébénisterie se multiplient. Dans ce contexte, toutes les tentatives d’amélioration des conditions de travail échouent.

La période considérée s’achève avec la grève de 1906 qui, si elle se solde globalement par un échec, marque l’apparition de nouvelles attitudes grévistes.

Ces métiers appartiennent à l’industrie de l’ameublement ; c’est dans ce cadre que sont faites toutes les tentatives de fédération. Mais ils font aussi partie de l’ensemble des métiers du bois, par l’intermédiaire duquel ils sont en relation, pendant toute la période considérée, avec l’industrie du bâtiment.

JUNGO Franck, Étude de la presse de droite modérée en banlieue ouest de Paris de 1936 à 1939 : passage à l’intolérance ?, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 127 p.

À la veille de la Seconde Guerre mondiale et de la mise en place du Régune de Vichy, cette étude sur la presse d’une partie de la région parisienne tente de cerner l’évolution de la société française vers une attitude de refus et d’exclusion vis-à-vis de la communauté juive afin de comprendre son comportement sous Vichy dans les années suivantes.

La fin des années Trente connaît de vives perturbations tant en France qu’à l’Étranger. Le Front populaire s’impose tandis que les droites tentent de réduire l’avancée communiste autour de la capitale, notamment à l’Ouest où un pôle républicain, non encore tenté par l’idéologie collectiviste semble résister.

Cette étude a pour objet la presse que lisait cette population de banlieusards modérés. Quel a été son rôle dans l’évolution des mentalités, y retrouve-t-on déjà les germes d’un système d’exclusion ? N’a-t-elle pas elle-même évolué à la fin des années Trente ?

À travers des articles de journalistes et d’hommes politiques, dont l’audience en région parisienne s’était accrue, nous avons essayé de cerner la pensée d’un groupe dans le but d’observer le passage vers l’intolérance.

LANLO Marie-Pierre, Groupes sociaux et action sociale face au ravitaillement à travers le Petit Parisien, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 2 vol., 183 p. + 105 p.

La Seconde Guerre mondiale évoque toujours des souvenirs pénibles. À travers les atrocités qui ont frappé de « plein fouet » les Français, comme les déportations massives et honteuses et les camps de la mort, s’est ajouté le poids du quotidien. Celui-ci s’est fait plus lourd au fil des jours pour devenir un véritable cauchemar. Pendant que les soldats se sont battus pour sauver la France, les mères se sont évertuées à nourrir leur famille. Le ravitaillement a donc été au cœur des préoccupations, voire des angoisses quotidiennes.

Ce travail s’est attaché à rendre compte de la situation des Parisiens de 1940 à 1944.

Comment les divers groupes sociaux ont-ils réagi face à ce fléau ? Comment l’aide s’est-elle organisée ? Cette démonstration s’est appuyée sur les articles, les dessins humoristiques et le courrier des lecteurs du Petit Parisien, journal collaborationniste. L’analyse de cette source d’information a permis de mettre en lumière deux groupes antagonistes : d’une part les consommateurs et, d’autre part, les producteurs et commerçants. Ces derniers, qui détenaient la nourriture, sont apparus comme les maîtres du jeu. Les moins scrupuleux se sont livrés à des abus pendant que les autres ont tenté de faire face aux aléas dictés par la conjoncture. Certains consommateurs n’auraient pu survivre sans aide extérieure. C’est pourquoi le Secours National a été remis à l’honneur par le gouvernement. Son action s’est manifestée dans divers domaines, mais plus particulièrement dans celui du ravitaillement.

Ce mémoire a tenté de dresser un tableau de cette période, d’illustrer les conflits entre les groupes sociaux et de lire entre les lignes de cette presse qui a lié son sort à celui de la politique pétainiste.

LEGOIS Jean-Philippe, La Sorbonne avant Mai 68 : chronique de la crise universitaire des années 60 à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Paris, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 319 p.

Aux sources de cette recherche se trouve la volonté de resituer le mouvement de Mai 68 dans la durée. Il s’agit, à travers une étude de cas, de mieux en cerner les causes dans le secteur d’où partit le mouvement : le système universitaire. Et nous avons choisi un des symboles du Mai universitaire : la Sorbonne, côté Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Paris. Deux phénomènes s’y alimentent l’un l’autre : le développement d’une crise profonde — morphologique, pédagogique, institutionnelle et morale — du système universitaire et l’exacerbation de contradictions sociales et politiques au sein de la communauté sorbonnarde.

Nous avons inventorié les grandes caractéristiques nationales et locales de la crise d’adaptation du système universitaire : maintien des finalités, contenus et méthodes d’enseignement hérités du XIXe, atténuation purement symbolique de la mainmise des Professeurs – enseignants Docteurs ès Lettres – sur les structures de décision de la Faculté alors que la croissance des effectifs étudiants est de plus en plus importante.

Nous avons ensuite étudié deux problèmes qui ont contribué au développement de la crise universitaire. L’hypertrophie morphologique de la Sorbonne-Lettres qui met en évidence la pénurie en locaux et en personnels et l’introduction d’une réforme pédagogique concernant seulement les deux premiers cycles : la réforme Fouchet. Celle-ci, qui n’est pas assortie des moyens nécessaires à sa réalisation et qui laisse de côté d’autres problèmes encore plus explosifs que la participation étudiante ou la sélection, ne fait qu’aggraver la situation.

Nous avons pu en faire une analyse assez précise grâce aux archives administratives du Rectorat de Paris et de l’ancienne Faculté des Lettres, même si ces dernières sont lacunaires. Ces sources ont également permis de mettre à jour une autre dimension de la crise universitaire, à savoir la crise interne du groupe dominant de la Faculté — les Professeurs ou homines academici — divisé sur le système des examens, la sélection et la participation étudiante. Mais ces archives ne pouvaient guère en dire plus et si elles laissent apparaître des conditions sociales et institutionnelles propices à une crise sociale, nous ne savons encore que trop peu de choses sur l’état des forces sociales et militantes de la Sorbonne-Lettres et leur capacité à animer un mouvement social, voire un contre-pouvoir universitaire. Les archives syndicales fournissent, à ce problème de nombreux éléments de réponse.

La communauté facultaire — on a pu le pressentir lors de l’étude du groupe dominant — laisse place à un mouvement social qui tend à s’opposer à ce dernier et au ministère de l’Éducation nationale. Ce mouvement social rassemble les divers exclus du pouvoir universitaire : enseignants non-Professeurs, non-enseignants et étudiants. Certes celui-ci, comparé au seul mouvement étudiant, reste sur la défensive que ce soit sur les fronts de la fonction publique, des moyens ou de la réforme Fouchet, mais il existe et mobilise réellement les milieux sorbonnards.

Sur le plan politique, la Sorbonne est un lieu où les forces nouvelles, ou tout au moins critiques – communistes critiques, PSU, CLER, JCR, UJC-ml, et gauche syndicale – sont importantes et dépassent les forces communistes traditionnelles dans le milieu étudiant, mais aussi enseignant. Ce phénomène s’observe notamment dans les formes et contenus de la mobilisation contre la guerre du Viêtnam.

Enfin, ce dernier niveau d’analyse ayant été dégagé à travers l’étude des archives de la FGEL, nous avons pu observer que le mouvement étudiant, à la pointe de toutes ces mobilisations sociales et politiques, développe de réelles pratiques alternatives aussi bien au niveau pédagogique que dans ses modes de fonctionnement, d’expression et de débat.

Non seulement la crise universitaire des années 60 est profonde à la Sorbonne-Lettres, mais elle se double d’un mouvement social relativement puissant et dynamique dans lequel le mouvement étudiant à un rôle catalyseur. Autant de conclusions à soumettre à l’épreuve d’autres études de cas.

LIATARD Séverine, L’Union des étudiants communistes : les intellectuels, la culture à travers le journal Clarté, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 138 p.

Au sein d’une organisation spécifiquement créée pour les étudiants en 1956 par le PCF, les « drogués de révolution » de l’UECF se donnent pour objectif de faire connaître l’idéologie communiste à l’université. Leur arme de combat, le journal Clarté, défend les thèses du leader soviétique Khrouchtchev et de son homologue italien Togliatti. De ce fait, le mensuel entre rapidement dans la marginalité puisque le PCF campe sur des positions orthodoxes et refuse d’établir un bilan critique de l’ère stalinienne. Cependant, les jeunes intellectuels refusent de se soumettre à l’autorité tutélaire et revendiquent le droit d’élaboration théorique sur la plate-forme du mouvement ouvrier.

À travers son engagement dans le domaine culturel, le journal réclame l’abolition de la censure et la démocratisation de la culture tout en dénonçant l’asservissement de celle-ci au régime de la Vème République. Le mensuel veut être en prise avec l’ensemble de l’actualité culturelle des années soixante. Ainsi, un dialogue est ouvert avec les intellectuels, communistes ou non.

Une telle optique soulève l’hostilité du parti et de certains membres de l’UEC pour qui elle ne répond pas à la fonction militante du journal et elle procède d’un éclectisme idéologique. Clarté concentre de plus en plus son attention sur les événements culturels, ses créateurs et les débats qu’ils suscitent. Pour l’Union, ce domaine ne peut être considéré comme un phénomène secondaire et les marxistes se doivent de réfléchir à l’élaboration d’une critique spécifique. En effet, la sphère culturelle au sens large reflète, dans cette période, les sursauts d’émancipation d’une génération en conflit avec ses pères et, d’une manière plus générale, une remise en cause des rapports humains.

LILTI Antoine, Le PSU et la gauche (1960-1968), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 298 p.

Cette recherche repose essentiellement sur le dépouillement des archives du PSU déposées au Pré-Saint-Gervais qui n’avaient jusqu’ici jamais été étudiées ni même inventoriées, ainsi que sur l’étude de la presse.

Les relations entre le PSU et le reste de la gauche, les liens que le parti noue avec les autres organisations de gauche, les conflits, les dialogues et les enjeux de ces relations ont été étudiés, mais aussi la façon dont le PSU conçoit son rôle au sein de la gauche et les stratégies qu’il élabore. Trois périodes ont été distinguées. De sa création, en avril 1960, jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie, le PSU s’engage essentiellement dans la lutte pour la paix, et cherche à s’affirmer comme la « conscience » de la gauche. Il est ainsi conduit à s’opposer violemment à la SFIO, à tisser des liens avec les intellectuels de gauche hostiles à la guerre et à se tourner vers le PCF avec qui les relations sont toutefois assez conflictuelles. Mais la lutte pour la paix en Algérie ne borne pas l’horizon politique du PSU qui a été créé en réaction à une certaine faillite de la gauche molletiste sous la IVe République. Il élabore donc la stratégie de « Front socialiste » qui entend regrouper, dans la perspective de l’exercice du pouvoir, toutes les organisations se réclamant du socialisme.

Après la guerre d’Algérie, le PSU perd son objectif le plus immédiat et le plus mobilisateur et se retrouve un peu isolé par le rapprochement SFIO-PCF. Il est alors secoué par une grave crise interne dont un des enjeux essentiels est la définition d’une stratégie adaptée à la nouvelle situation politique. À la minorité « unitaire », pour laquelle le PSU a surtout vocation à susciter l’union des partis de gauche, s’opposent les partisans d’une rénovation préalable de la doctrine socialiste.

Après l’élection présidentielle de 1965 qui divise à nouveau le parti, et la naissance de la FGDS, le PSU se trouve presque marginalisé sur la scène politique, peu pris en considération par le PCF et la FGDS Avec la rencontre socialiste de Grenoble, il apparut un temps capable d’incarner une « autre gauche » et de rassembler tous les courants de la gauche démocratique réticents vis-à-vis de la FGDS. En 1967, repoussant la stratégie d’association à la FGDS prônée par la plupart des dirigeants traditionnels, il choisit une stratégie de développement autonome.

Les événements de Mai 68, au cours desquels il est une des seules forces politiques à surnager ; vont entraîner un afflux de militants nouveaux, mais aussi une nette réorientation des objectifs, de la stratégie et du discours du PSU

En fondant un corps littéraire d’État, Richelieu donnait à la France une institution où se rencontraient littérature (culture au sens large) et politique (c’est-à-dire influence sur la cité et son organisation). Parce que l’Académie prolonge et renouvelle continuellement ses origines par un rite identitaire, elle peut prétendre exercer une mission qu’elle a à la fois reçue de l’État et qu’elle s’est fixée elle-même, celle de propager la vertu, la charité et la justice.

La Première Guerre mondiale heurte de plein fouet ses convictions pacifistes et morales. Hommes du XIXe siècle, les académiciens ont une culture politique emplie à la fois de nationalisme et de pacifisme, qui conditionne la représentation qu’ils se font, longtemps après, de la guerre.

Attachés à ce que la France ne perde pas son rang, ils fustigent la « paix trop douce pour ce qu’elle a de dur ». Cependant, plus tard déjà âgés, les académiciens voient dans la guerre le catalyseur des changements survenus au XXe siècle. La guerre a entraîné chaos et désillusions. L’âge d’or est terminé, vaincu par la modernité.

L’Académie, tout au long des années Trente, évolue vers une « droite à l’état pur », tout en menant une virulente croisade contre la vie moderne. Cependant, elle parvient en partie à échapper au conservatisme et au discours trop virulent sur la décadence. Les académiciens sont en effet des hommes intelligents, humanistes, des esprits élevés au-dessus des luttes temporelles. Ils se font un devoir de sauver la civilisation en danger grâce à la culture et à l’Esprit.

Tout au long des années Trente, l’Académie fait preuve d’un passionnant paradoxe : elle allie un nationalisme ouvert au progrès de l’humanité, et aux autres nations, à un nationalisme fermé, c’est-à-dire replié sur la France et ses frontières, jaloux et fier des beautés et du prestige de son pays. D’un côté, une institution éprise d’humanisme messianique ; de l’autre, des hommes dont la culture politique reste très marquée par la terre, la famille et la patrie.

MARJOLET Stéphane, Les représentations idéologiques et politiques d’un officier de la LVF, 1941-1944, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 174 p.

L’objet de ce mémoire est d’étudier les représentations politiques et idéologiques d’un officier de la Légion des Volontaires Français parti se battre aux côtés des Allemands contre les Soviétiques à partir de l’été 1941. Cette étude se base sur les carnets de route de l’officier en question, le médecin-capitaine Maurice Fleury. Chaque jour celui-ci va noter ses impressions ainsi que ses déceptions sur ce régiment de Français dans l’armée allemande. Au travers de ce journal, on comprend mieux ce que fut vraiment cet avatar du collaborationnisme français. Mal préparée, mal encadrée, déconsidérée par les Allemands, divisée par les rivalités entre les partis collaborationnistes parisiens (PPF, MSR, RNP principalement) qui l’avaient créée, la LVF est un échec militaire et politique. L’engagement de Maurice Fleury à la LVF, en août 1941, est le résultat d’un parcours idéologique marqué par son temps. Né en 1893 en Bretagne, son premier engagement idéologique date de sa rencontre avec Marc Sangnier, le leader démocrate-chrétien, chef du Sillon, sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Influencé ensuite par sa famille, il adhère en 1923 à l’Action française où il est responsable d’une section de camelots du roi dans sa ville de Rennes. Après la défaite de 1940, partisan d’une collaboration totale avec l’occupant, il se détache de la ligne politique vichyssoise pour suivre les collaborationnistes parisiens en s’inscrivant au RNP puis en s’engageant dans la LVF. Dans cette dérive qui aboutit à l’adhésion au national-socialisme en passant par des revendications d’autonomiste breton, Maurice Fleury tente de se justifier. Cette justification se retrouve dans ses carnets de routes, mais surtout dans ses carnets de notes où il commente ses lectures. À l’aide de ces dernières et en reprenant tous les poncifs des collaborationnistes, Maurice Fleury tente de créer un mythe autour du fiasco qu’est cette « aventure » et dans laquelle il trouvera la mort en 1944.

MASSON Antoine, Être intellectuel gaulliste au temps du RPF, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 215 p.

Jean-François Sirinelli notait dans un article la nécessité de « mettre en lumière l’existence d’un milieu intellectuel dans la mouvance du gaullisme, apparemment tombé par la suite dans un trou de mémoire dont il convient de le sortir ». Ce travail de maîtrise s’efforce de contribuer à cet éclaircissement. Il s’agit peut-être de la première approche globale de l’engagement intellectuel gaulliste dans la période du RPF et il prend sa source du constat de déséquilibre flagrant dans l’historiographie des clercs d’après-guerre, focalisée sur le philocommunisme et ses métamorphoses.

Cette histoire est celle d’un double oubli, tant de la part des intellectuels que de la part des gaullistes. En effet, les témoignages dont ce travail fait état confirment que la mémoire n’a pas été gardée du rôle des intellectuels gaullistes. Et pourtant, parmi ceux-ci au sein du RPF nous trouvons des personnalités telles que Malraux, Aron, Clavel, Fumet, Pican, Max-Pol Fauchet, Nimier, Soustelle, Vallon, Capitant, Debû-Bridel, Tavernier, C. Mauriac, Ollivier, Pia, Monnerot, etc.

S’agissant d’une première approche de ce sujet, notre travail a consisté essentiellement à réunir toute la documentation existante en alliant le dépouillement de la source principale Liberté de l’Esprit à l’étude des mémoires, des témoignages et des archives de l’ICG sans oublier là presse du RPF et les revues intellectuelles de l’époque.

La nécessité d’une étude plus globale de la place de l’engagement gaulliste dans la société intellectuelle nous paraît démontrée. Nous espérons en avoir préparé le terrain par une analyse partielle des conditions de possibilité de cet engagement et surtout par la présentation la plus complète possible de ses grands textes.

MEZZASALMA Philippe, Les représentations de la Résistance dans la presse ouvrière féminine, 1944-1947, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 2 vol. 194 p.

Seule organisation féminine issue de la Résistance, impulsée par des militantes communistes, mais rassemblant des femmes venant de tous les horizons politiques, l’Union des Femmes Françaises propose dans ses journaux, qui recouvrent l’essentiel de la presse ouvrière féminine en 1944, des images originales de la lutte clandestine. La présentation de celle-ci est strictement délimitée à l’évocation des résistants et non pas à « l’esprit » ou au programme de l’organisation. Développant des représentations horizontales de la Résistance, les militantes de l’UFF vont s’attacher à décrire et expliquer les conditions de leurs combats, s’efforçant de traduire la diversité des engagements et des situations. Le souci de ne pas oublier leurs camarades disparus y est omniprésent, tout comme la volonté de mettre en avant le rôle des jeunes et des femmes dans la lutte.

La découverte des conditions de lutte dans les camps de concentration, en avril 1945, est le moment d’une rupture qualitative dans ces représentations : la souffrance révélée occulte alors tout autre thème, les images se font plus floues, le discours plus univoque. Cette évolution correspond au début d’une lente reprise en main de l’UFF par la direction communiste.

Ce processus de réalignement s’achève en 1947, lorsque la ligne de l’UFF adhère complètement à celle du Parti Communiste. Le souvenir de la Résistance n’est plus utilisé que comme une preuve de légitimité, un argument dans le débat politique. Les représentations de la presse ouvrière féminine tendent alors à l’unicité, schématisées à l’extrême, déformées, cristallisées en quelques légendes définitivement figées et achevées, comme celles de Danièle Casanova et de Guy Môquet.

MOULIN Pascal, Représentations du marché noir parisien sous l’occupation, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 172 p.

L’expression de marché noir a fait fortune dans toute l’Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. En France, elle est entrée rapidement dans le langage commun. Dans un grand centre urbain de zone nord comme Paris, l’occupation allemande et son corollaire de pénurie, ajoutés à l’impéritie des Services du Ravitaillement du gouvernement de Vichy, imposèrent la pratique et l’expression pour la désigner.

Le marché noir prit de l’ampleur dès les débuts de l’occupation. La population le subit dans sa vie quotidienne en même temps qu’une inflation toujours plus importante. La presse parisienne se fit l’écho de ses préoccupations, avec énormément de démagogie. Pourtant les Parisiens ne furent pas toujours hostiles au marché noir, car il était le seul à ravitailler Paris. Les autorités gouvernementales ont, elles, employé tardivement l’expression. Elles ont pourtant observé très vite une pénurie sur le marché officiel, une fuite des marchandises vers un circuit parallèle dans des proportions considérables. C’est seulement en mars 1942 que l’expression fut reconnue officiellement. Sont désignées alors comme faits de marché noir toutes les infractions aux règles du ravitaillement. Cette année marque une nette aggravation des peines encourues et après le 31 décembre 1942, les auteurs des infractions les plus graves risquaient jusqu’à la peine de mort. Pourtant, comme la population, les autorités ont été contraintes d’accepter que le marché noir fît partie intégrante de l’économie.

Cependant, les acteurs du marché noir ont été poursuivis et montrés du doigt. Pour la population, les paysans sont les grands responsables de la pénurie et les profiteurs de la situation. De son côté, la presse a fustigé les intermédiaires dont le nombre s’est considérablement accru avec l’épanouissement du marché noir. Les autorités gouvernementales n’ont pas choisi une autre cible pour expliquer les cas les plus graves. Enfin, tous s’accordaient à désigner les Allemands comme les grands coupables.

PROTAIS Véronique, La Politique sociale de la société des transports en commun de la Région parisienne vis-à-vis de ses prisonniers de guerre, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 151 p.

Les prisonniers de guerre français ont fait l’objet, pendant la Seconde Guerre mondiale, d’une politique particulière. Le gouvernement ainsi que les entreprises ont dû tenir compte des hommes en captivité. Le but de cette étude est de mettre en avant l’attitude d’une grande compagnie française, la STCRP face à son personnel en captivité.

Les actions et les interventions de cette dernière touchent des domaines très divers. L’envoi de colis et la tenue d’une correspondance entre la compagnie et ses employés mettent en avant l’aspect social de ces interventions. Le versement de multiples indemnités et les mesures de réinsertion et d’avancement des prisonniers représentent le volet de la politique de la STCRP. La diversité des mesures correspond à la diversité des situations vécues par les prisonniers. Il n’existe pas une catégorie de prisonniers, mais des catégories distinctes. Ainsi, en dehors des prisonniers en captivité, on compte ceux qui sont en « congé de captivité », ceux qui sont « transformés » en travailleurs libres, et ceux qui sont parvenus à s’évader. Les actions de la STCRP ne s’appliquent donc pas uniformément sur tous ces hommes, elles varient selon le destinataire. Aussi convient-il de distinguer les attitudes de la compagnie selon le type de prisonniers auxquelles elles sont destinées.

L’ensemble de ces mesures s’intègre d’une part dans la politique gouvernementale et, d’autre part, dans la politique économique de la compagnie. Ainsi, les positions du gouvernement sont exposées tout au long de l’étude, afin de permettre une meilleure compréhension du comportement de la société. La situation économique et financière de l’entreprise est également prise en compte, celle-ci se répercutant sur les mesures prises en faveur des prisonniers.

PROUET Emmanuelle, La perception des idées d’André Tardieu sur la réforme de l’État (à partir de 1933), Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 175 p.

Pour comprendre la façon dont ont été perçues les idées d’André Tardieu sur la réforme de l’État, nous avons procédé à l’analyse de plusieurs quotidiens représentant un large éventail politique, de revues spécialisées et, dans une moindre mesure, d’archives privées.

Nous nous sommes d’abord interrogés sur l’accueil réservé à ces idées (qui prônaient essentiellement un renforcement du pouvoir exécutif, par exemple grâce à l’instauration du référendum), lors de leur présentation en 1933 et 1934. Il nous a fallu alors souligner l’importance du rôle que l’image de ce brillant homme politique a joué dans cette perception. Puis nous avons distingué les jugements portés par ses partisans de la droite parlementaire et par ses adversaires, tout en constatant qu’ils étaient parfois plus nuancés que ce à quoi l’on pouvait s’attendre.

Par la suite nous avons retracé le parcours de ces propositions. Cela nous a permis de constater qu’elles ont perdu beaucoup de leur crédibilité à la suite de l’échec de la réforme engagée par le Président du Conseil, Gaston Doumergue. Nous avons également tenté d’expliquer pourquoi André Tardieu n’est pas parvenu à devenir le théoricien du système politique français et de son histoire, comme il le souhaitait. Enfin, nous nous sommes interrogés sur son influence posthume. Cette dernière étape a mis en lumière une ressemblance importante entre son programme et le texte de la Constitution élaborée en 1958.

Cette étude peut donc permettre d’illustrer, à partir d’un sujet précis et restreint, des phénomènes plus larges, tel que le problème de la réforme de la Constitution avant et après la guerre ainsi que l’évolution des réactions par rapport à un éventuel pouvoir exécutif puissant.

RAIMOND Pierre-François, La mémoire de la seconde guerre mondiale dans l’ancien département de la Seine à travers le nom des rues, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 201 p.

Qu’a-t-on voulu retenir d’une période aussi complexe que la Seconde Guerre mondiale ? Ce lieu de mémoire particulier qu’est le nom des rues permet d’étudier une mémoire à la fois officielle et publique à l’échelle des communes de l’ancien département de la Seine, qui offrent à l’historien des cas aussi différents que celui de la capitale, vitrine de la France, et des communes beaucoup plus petites de la « banlieue rouge ». Encore aujourd’hui, le corpus des noms de rues y est marqué par les vagues de dénominations de la Libération. Elles ont mis en place dans l’espace de la ville une mémoire de la guerre qui exalte la France, le parti auquel les responsables locaux appartenaient et les communes qu’ils administraient et qui est dominée par la vision que les responsables communistes se font du conflit mondial. Entre 1947 et la fin des années soixante, si le rythme des dénominations nouvelles diminue nettement, les heurts entre les tenants d’une mémoire communiste qui cherche à consolider ses positions et les promoteurs d’une mémoire gaulliste qui tente de s’installer se multiplient, mettant en valeur les enjeux de cette mémoire. À travers le souvenir de la guerre, il s’agit aussi bien pour la nation que pour les partis et les communes, de se reconstruire une identité malmenée par le conflit. Autant le nom des rues constituait un support de mémoire idéal pour la mise en place d’une vision héroïque et glorieuse de la guerre, autant à partir des années 1970 la dénomination semble avoir du mal à s’adapter à la crise qui touche, à travers d’autres vecteurs de mémoire, l’image de la période 1939-1945. L’émergence d’une mémoire juive dans le corpus des dénominations de voies publiques est extrêmement tardive et limitée, ce qui traduit la difficulté du passage d’une mémoire glorieuse à une mémoire douloureuse et parfois peu favorable à la France pour un support qui, par tradition, était entièrement attaché à l’exaltation d’une nation en armes, défendant victorieusement ses valeurs humanistes.

SENOBLE Caroline, Le Musée des Colonies (1931-1939) : Images et croyances dans l’idéologie coloniale de la France des années trente, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 177 p.

Cette étude, plutôt thématique que chronologique, fut motivée par la volonté d’analyser le Musée des Colonies, ancêtre de l’actuel Musée National des Arts Africains et Océaniens, comme un observatoire des croyances et des représentations liées à l’idéologie coloniale des années Trente.

Après avoir resitué le Musée dans son statut originel de « centre de propagande actif », ce dont témoignent à la fois l’organisation administrative du Musée, mais aussi son architecture monumentale et symbolique, l’étude se porte davantage sur le contenu de l’idéologie diffusée, et surtout, sur la façon dont le discours colonial des années Trente a pu s’articuler au sein de l’institution muséale.

Les procédés de constitution et d’exposition des collections traduisent la volonté des organisateurs du Musée de constituer, au besoin de façon entièrement artificielle, un imaginaire colonial destiné à faciliter l’engagement des visiteurs pour l’empire. Tandis que, du point de vue théorique, ils mettent en place un système de justification complexe de l’idée coloniale ; les détournements de I’histoire et de I’anthropologie, réinterprétée à l’aune d’impératifs politiques, montrent à quel point l’idée coloniale repose alors sur une vision du monde profondément ethnocentriste.

SERNE Pierre, Le Nouveau Parti Socialiste : d’Alfortville à Epinay (1969-1971), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 216 p.

Dans ce travail, nous avons voulu revenir sur l’histoire, souvent oubliée, des deux années qui ont vu naître et vivre le nouveau P.S., sous la direction d’A. Savary. Réinsérant ces deux années dans le processus de rénovation et d’unification de la gauche française des années 1960-1970, et par là même relativisant certaines ruptures, en particulier celle d’Épinay, nous avons tenté de montrer à la fois les lignes de continuité de toute cette période et l’apport important, sinon primordial, de ces nées 1969-1971. Cet apport s’est avant tout posé en termes de renouveau, puisque tel était l’enjeu majeur qui s’offrait aux socialistes (les difficultés de leur unification et la question de l’union de la gauche étant les deux facettes principales de cette problématique de la rénovation).

Ainsi, ayant montré la lente élaboration d’un nouveau P.S., aboutissant en 1969 à sa création mouvementée, nous avons étudié la réalité de son renouvellement doctrinal, organisationnel et militant. Cela nous a permis de mettre en évidence une véritable « vie avant Epinay », et ainsi de remettre en cause l’idée un peu mythique d’un congrès d’Epinay, point de départ du renouveau socialiste. L’étude du rapprochement PS-PCF est également venu étayer cette idée que bien des éléments de l’histoire de la gauche des années 1970 ont été au moins ébauchés pendant la période charnière précédant Épinay. Enfin, l’analyse des rapports entre PS et CIR, pendant ces deux années où la recherche de l’unité fut aussi le point de crispation majeur des luttes intestines socialistes, nous a permis, et c’est l’autre idée centrale de ce travail, de relativiser le poids, dans les discussions d’alors, des questions idéologiques. Ces dernières, en effet, ont sans cesse été esquivées derrière des enjeux de pouvoirs (parfois « camouflés » sous des oppositions stratégiques), plus ou moins rationnels d’ailleurs.

TAI Li-Chuan, Recherches sur l’image de la Chine dans la presse française de 1966 à 1971, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 178 p.

La France des années 1960 a connu une transformation considérable. La décolonisation tardive et la modernisation hâtive ont entraîné un changement profond de la vision du monde des Français sans qu’ils saisissent ce phénomène dans l’immédiat.

Cette étude sur l’image de la Chine dans la presse française de l’époque tente de discerner l’état d’esprit des Français dans une société en mutation à travers l’analyse de leurs regards sur la révolution culturelle chinoise.

Dans un premier temps, les images données par les foyers d’idéologie de droite et de gauche de cet événement chinois sont quasiment opposées. Elles révèlent deux images différentes que les Français se sont données d’eux-mêmes. D’une part la presse de droite, en montrant une image négative de la Chine, réaffirme la supériorité du système occidental et renforce l’identité du groupe auquel elle appartient. D’autre part, la presse de gauche, en projetant une image positive de la Chine, critique l’aliénation de l’Occident et espère retrouver les idéaux de l’humanité dans un « ailleurs ».

Mais, dans un deuxième temps, ces deux images divergentes de la Chine semblent converger. En effet, l’explosion de Mai 68 et le rapprochement de la Chine avec les États-Unis entraînent une modification du discours de la droite sur la Chine pour répondre à la situation nouvelle. Ainsi, malgré leur ressemblance, les fascinations de la droite et de la gauche pour la Chine ne sont pas de même nature.

THIERY Françoise, De l’analyse du fait à l’analyse de sa représentation, étude du rapport à la réalité de l’image de Nasser dans la presse parisienne (1952-1970), Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Paris 1, 1993, 231 p.

Cette étude se donne pour objet de saisir l’image de Nasser telle qu’elle apparut dans la presse parisienne entre 1952 et 1970. Organisée autour des différents aspects de la carrière et de la personnalité du président égyptien, elle constitue une réflexion sur l’image véhiculée par la presse, sur ce qui la détermine et sur ce qu’elle produit.

À partir des articles publiés dans huit journaux de tendances politiques diverses, l’analyse porte plus précisément sur les différentes interprétations des événements relatifs à la prise du pouvoir en Égypte par Nasser, à la Conférence de Bandœng, à la crise de Suez, à la guerre des Six Jours et à la mort du président égyptien. De la représentation donnée par la presse de ces événements se dégagent des éléments constitutifs de l’image de Nasser appréhendée sous quatre angles différents : la situation intérieure du leader égyptien, sa position internationale, sa politique et son comportement.

L’intérêt central de cette étude réside en ce qu’elle considère l’image de Nasser véhiculée par la presse à la fois dans l’instant et dans la durée et à la fois pendant des crises particulières et pendant toute la période où il exerça son action. Cette double mise en perspective permet de mesurer la part d’évolution et celle de continuité de cette représentation, mais aussi son degré de conformité avec la réalité.

VINCENT Stéphane, L’aviation populaire. De l’éclosion à la disparition, 1936-1939, Maîtrise [Claude Pennetier, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993 – 196 p. + annexes

L’Aviation Populaire fut d’abord un organisme ministériel, dirigé et fondé par Pierre Cot dès le 31 juillet 1936, ayant pour objectif de former la jeunesse de France au pilotage d’avions et de planeurs, ceci sans distinction d’origine sociale, ni de sexe. L’Aviation Populaire devait permettre la formation sur une base plus large des pilotes qui faisaient défaut aux aviations civile et militaire, tout en satisfaisant le désir de voler d’une génération enthousiasmée par la conquête du ciel. L’organisme ministériel sollicita, à cet effet l’aide des aéro-clubs privés, associations ayant eu jusque-là la charge de la formation aéronautique, au sein des fédérations qui les représentaient. Les aéro-clubs, autrefois réservés à l’élite de la société, accueillirent dès lors un grand nombre de jeunes, âgés de quatorze à vingt et un ans et de toutes origines sociales, au sein des Sections d’Aviation Populaire, antennes locales de l’Aviation Populaire qui leur furent confiées par le Ministère. Ce faisant, l’Aviation Populaire donna naissance à un grand mouvement populaire et aérien, celui des aéro-clubs populaires et des fêtes de l’aviation pour tous. Cependant, par suite de l’aggravation des tentions internationales, l’Aviation Populaire dut s’orienter vers une préparation aérienne des jeunes uniquement militaire et au seul profit de l’Armée del’Air. L’Aviation Populaire disparut pour toujours le 1er avril 1939, laissant la place à une Aviation Prémilitaire.

WEEXSTEEN Antoine, La Fédération de la Seine de la Ligue des Droits de l’Homme 1926-1939 : « l’enfant terrible » de la Ligue dans les années trente, Maîtrise [Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1993, 156 p.

L’histoire de la Fédération de la Seine de la Ligue des Droits de l’Homme durant les années Trente, est celle de son opposition à la direction nationale. Bien qu’elle soit une des plus importantes Fédérations de la Ligue, ses effectifs décroissent tout au long de la période 1926-1933, alors que le nombre des sections augmente. Les apparitions et disparitions de celles-ci recoupent les différences sociologiques entre Paris et la banlieue. Enfin, les catégories socio-professionnelles auxquelles appartiennent les présidents de sections ne sont pas très différentes de celles des présidents de l’ensemble de la Ligue. La Fédération de la Seine tire sa capacité d’opposant moins de son importance numérique, pourtant bien réelle, que de la pugnacité de ses dirigeants, animateurs de la minorité.

J. Pioche, L. Cancouët, A. Lesseurre, fustigent, au nom de leurs sections, l’omnipotence du comité central qui limite leur prétention à participer à la gestion de la Ligue. En réalité, à la participation ils préfèrent l’exercice d’un rôle de contrôle de ceux qui sont en charge du pourvoir. En effet, lors de la gestation du Rassemblement populaire, face à V. Basch, fédérateur des différentes forces de gauche, ils réaffirment leur hostilité aux radicaux leur préférant les communistes. Ce rapprochement paraît naturel puisque les dingeants de la Fédération de la Seine ont toujours milité pour l’ouverture de la Ligue aux ouvriers.

Cependant en 1934, les communistes maintenant ralliés à la défense nationale, ne menèrent plus le même combat pacifiste que certains dirigeants de la Fédération de la Seine. Ceux-ci, plus pacifistes que jamais malgré la tension, internationale s’éloignent de plus en plus des positions de la majorité, Jusqu a la crise de 1937 ou ils quittent le comité central. Leurs positions radicales sont alors tempérées par la base de la Fédération. En effet au Congrès de la Ligue de 1937, lors des résolutions sur la guerre d’Espagne et sur les procès de Moscou, la Fédération de la Seine ne manifeste pas l’ultra-pacifisme que les déclarations de ses dirigeants avaient annoncé.

1992

AUGER Fabrice, La Santé et le corps sous le Front populaire, 1935-1938, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 161 p.

De quoi parle-t-on lorsqu’on parle de santé et d’hygiène sous le Front populaire ? Jean Garchery, député radical du nouveau gouvernement, chargé des rapports de la santé publique à l’Assemblée, répond qu’il s’agit de « l’avenir de la race, de la protection de nos foyers, de la sécurité, de notre capital humain ». La lecture des débats parlementaires, des projets de loi, de la presse du Front populaire et des revues spécialisées sur les questions d’hygiène met à l’évidence la « dégénérescence physique et morale » de la nation engendrée par la « dépopulalion » et l’aggravation des « fléaux sociaux ». Ces formulations rappellent pour le moins le langage des hygiénistes et des responsables politiques du siècle dernier, période d’exacerbation des nationalismes. Mais l’état sanitaire de la Nation dans les années 30 est alors perçu comme déplorable dans un contexte économique, social et international qui ne le permet pas.

Comment provoquer le « redressement national » ? Les responsables politiques tentent alors de coordonner leurs efforts par une réforme administrative et financière qui sera l’objet d’un large consensus national. Grâce à l’appui de médecins et hygiénistes, et à l’image de ce qui se passe à l’étranger, ils vont agir à la fois dans le domaine de la prévention et de l’assistance pour combler le retard. Même s’il y a d’incontestables innovations comme la surveillance médicale et la promotion de la culture physique scolaire, l’assistance sanitaire prend le pas sur la prévention, contrairement à ce qui est formulé dans les débats parlementaires. Les congés payés devaient favoriser l’éducation sanitaire des masses et la culture physique. Mais celle-ci est appréhendée par le citoyen comme une contrainte. Contrainte à la foi dans sa justification et dans sa pratique elle même, car son histoire évoque dune part un passé militaire et nationaliste, et d’autre part une conception dualiste et utilitaire du corps, où l’effort physique se substitue au plaisir et à la liberté.

ARDOIN Laurent, La Première Internationale à Toulouse, Maîtrise [Jacques Girault, Jacques Rougerie], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 189 p.

Toulouse semblait au départ peu propice à une étude sur l’Internationale puisque cette ville ne possédait à l’époque qu’une industrie à l’état embryonnaire. De plus, elle s’inscrivait dans une région essentiellement rurale où les structures sociales étaient marquées d’un paternalisme latent.

Dès septembre 1870, la Haute-Garonne se voyait dotée d’un préfet radical intransigeant particulièrement truculent, Armand Duportal. Or, c’est par l’intermédiaire des radicaux de Duportal que l’Association Internationale des Travailleurs s’installa dans la région toulousaine. Cette installation fut tardive par rapport à d’autres villes puisqu’elle n’intervint qu’à la fin de l’année 1870. En fait, cela permit aux radicaux de contrôler la section toulousaine de l’A.I.T. et ainsi de se rapprocher du milieu ouvrier. Après la Commune de Toulouse, le conseil général de l’A.I.T., dominé par les marxistes, délègue Émile Dentraygues pour développer et surtout émanciper les sections locales du « paternalisme » radical. Pendant l’année 1872, une Internationale se structure et mène une propagande active auprès de la population ouvrière pour qu’elle se détache de l’emprise radicale. Cependant, l’organisation reste faible et déchirée par des dissensions internes. La vague nationale de répression contre l’Internationale qui est organisée par le gouvernement de Thiers n’épargne pas Toulouse. En mars 1873, s’ouvre un procès qui voit 38 inculpés condamnés à des peines diverses. Celui-ci marque l’échec des marxistes dans leur tentative de constituer une forte organisation dans cette partie de la France.

BARRET Nicolas, Les Citoyens du monde, 1948-1951, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 2 vol., 209 p. + 128 p.

L’expression « Citoyen du Monde » apparaît sur la scène publique à Paris à l’automne 1948. Cette « émergence » est avant tout liée au climat créé par la Guerre froide (nous sommes en plein blocus de Berlin) : l’affrontement des deux blocs a créé une véritable angoisse faisant planer la menace d’une nouvelle guerre (alors que les traumatismes de la Deuxième Guerre mondiale sont encore bien présents) et l’affrontement entre communistes défenseurs de la diplomatie soviétique et « atlantistes » (la quasi-totalité de la classe politique) bat son plein depuis plus d’une année (mai 47, exclusion des ministres communistes du gouvernement).

Le terme de « Citoyen du Monde » parvient au public lorsqu’un Américain s’installe, le 12 septembre, avec son sac de couchage, sur les marches du Palais de Chaillot, symboliquement « internationalisé » afin de recevoir la jeune ONU. Garry Davis annonce aux journalistes qu’il a rendu son passeport à l’ambassade américaine, se proclame premier citoyen du Monde et demande à l’ONU d’assurer sa protection.

Davis suscita un réel engouement. Il fut d’abord soutenu par de nombreux intellectuels réunis dans un « Conseil de Solidarité » (Breton, Camus, Mounier, Vercors, etc.), il interrompit une séance de l’ONU pour réclamer un gouvernement mondial, il fit pendant presque trois mois la une des journaux, se fit acclamer par 20 000 Parisiens au Vel d’Hiv’, reçut un courrier monumental et obtint une audience auprès du President de la République. L’action de Davis est souvent présentée par les historiens comme un épisode pittoresque de la Guerre froide, Davis comme un « boy-scout », un « naïf » ou encore un « excentrique » venu d’Amérique…         .

En fait, les « Citoyens du Monde » existaient en France, bien avant Davis : depuis 1946, quelques hommes et femmes (dix-huit) s’étaient regroupés en un « Front Humain des Citoyens du Monde nécessaire » avec la conviction partagée qu’il fallait « désormais penser mondial ». C’est le parcours de ce groupe (et particulièrement de ses trois initiateurs) que nous nous sommes efforcés de reconstituer. Robert Sarrazac (un important résistant du mouvement Combat), Paul Montuclard (fondateur avec son frère d’un mouvement intellectuel progressiste catholique, Jeunesse de l’Église) et Jeanne Allemand-Martin (permanente à la Jeunesse de l’Église) entreprirent un véritable travail de réflexion et de production (plusieurs fascicules sont édités, des « thèses » d’une étonnante rigueur intellectuelle sont élaborées). Établissant qu’il existe des « dangers et des ennemis communs à la totalité des hommes », que la menace atomique oblige à la coopération, que les interdépendances (économiques et politiques) sont une évidence, le FH affirme que l’unité du monde est inéluctable. Mais il appelle tous les hommes à dépasser leurs idéologies ou leurs appartenances nationales, à agir en « Citoyen du Monde », seule alternative à une unité du monde qui prendrait une forme technocratique et dictatoriale. Le FH se donna alors comme objectif « d’éveiller les consciences ».

Mais les membres du FH ne passèrent véritablement à l’action qu’en rencontrant, à Chaillot, Davis. Ils furent, en fait, les véritables organisateurs de cette campagne (le Conseil de Solidarité étant la suite des contacts pris antérieurement). Davis devint leur porte-parole, il incarnait aux yeux du public l’idée de citoyenneté mondiale. Ensemble, ils lancèrent (sous le seul nom de Citoyens du Monde) de nombreuses actions symboliques qui devaient permettre d’organiser des élections à une Assemblée Constituante des Peuples.

Ainsi, ils entreprirent de recenser les Citoyens du Monde en créant une carte qui sanctionnait non pas l’appartenance à une organisation, mais la volonté de voter à une assemblée mondiale. De même, sous la direction de Sarrazac — véritable « leader charismatique » — les Citoyens du Monde proposèrent aux conseils municipaux de « mondialiser » leur commune, c’est-à-dire de la proclamer « symboliquement territoire mondial ». Au total, fin 1950, 31 000 personnes avaient reçu leur carte de « Citoyens du Monde » et plus de 300 communes françaises s’étaient « mondialisées », la plupart dans le sud-ouest de la France où les Citoyens du Monde avaient projeté d’établir une zone expérimentale pour des élections à l’Assemblée Constituante des Peuples.

Mais les désaccords avec les groupes mondialistes d’autres pays sur l’organisation de cette Assemblée, l’hostilité déployée par les communistes, le départ de Davis, le manque de moyens financiers, provoquaient un sévère coup d’arrêt aux activités des « Citoyens du Monde ». Les plus anciens militants (ceux du Front Humain) n’avaient pu s’entendre avec les plus récents, qualifiés de pacifistes. En 1951, les « Citoyens du Monde » ne formaient plus ce « Front Humain » qu’ils avaient dès 1946 appelés de tous leurs vœux.

Les hommes du Front Humain — qui nous apparaissent comme de formidables témoins de leur époque — avaient perçu et défini les gigantesques mutations que le monde vivait : révolution technique, interdépendances des États et des Peuples, mise en place d’un ordre mondial avec ses exclus, incapacité des systèmes idéologiques à réunir les hommes, ambiguïté et inefficacité des organismes internationaux qui représentent les États… Face aux menaces de ces mutations (guerres, dictatures…), ils se sont dressés, en tant qu’hommes atteints dans leurs droits élémentaires et pour tous les hommes, se voulant ainsi des « pionniers » du mouvement de l’Histoire.

BEAUJOUAN Isabelle, La Résistance dans les transports en commun de la région parisienne, 1935-1945, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 238 p.

L’étude des structures des Transports en commun de la région parisienne, composées par la CMP et la STCRP jusqu’en 1941, révèle une longue tradition d’existence. Ces sociétés possèdent un personnel nombreux caractérisé par de multiples spécificités. Les services qu’elles offrent encore, de 1940 à 1945, fait d’elles un véritable enjeu. Des contradictions traversent alors la CMP et la STCRP prises dans l’étau des intérêts multiples, ceux de l’occupant, ceux du gouvernement de Vichy et de son administration centrale, ceux de la ville de Paris, ceux de la Résistance enfin. Cela se traduit alors par une double conséquence : une entreprise au service de la collaboration, largement spoliée et surveillée par l’Autorité d’Occupation (surtout en ce qui concerne le réseau surface), mais aussi une apparition des premiers réfractaires. Ainsi, dès 1940, un bon noyau releva la tête pendant que d’autres collaboraient avec l’ennemi. Les premiers mouvements de Résistance se créent donc avec notamment l’émergence d’un paysage politique particulier. Ce paysage est marqué par la prédominance des communistes qui s’explique par la présence d’une tendance secondaire, les syndicats, qui traverse ou même compose ce principal courant. À la CMP, la Résistance est réellement organisée à partir de 1943 autour des syndicats cégétistes et les organisations clandestines telles que les Comités populaires ou les Inter-branches. Les agents mobilisés et préparés selon leurs possibilités militaires, mais aussi selon leur niveau politique, sont prêts à une action de plus grande envergure : la libération de la capitale entamée par le début de la grève insurrectionnelle le 16 août 1944. Le poids de la Résistance Metro-Bus durant la Libération fut considérable. Elle a notamment mis à la disposition de Rol-Tanguy son dense réseau téléphonique et empêché les Allemands de se servir du souterrain pendant la bataille de Paris.

BESSAHA Alain, L’Implantation du parti communiste à Aubervilliers entre les deux guerres, 1919-1935, Maîtrise [Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 223 p.

Cette étude s’inscrit dans le cadre d’un vaste travail de recherches monographiques complétant l’histoire du Parti communiste français dans la banlieue parisienne.

Il s’est agi de saisir les modes d’implantation du communisme à Aubervilliers, ses origines et ses causes et de les analyser. Dans un premier temps, la connaissance du milieu implanté s’est avérée indispensable pour mettre en perspective les conditions socio-économiques, les conditions d’existence et les mentalités avec la situation politique. Celle-ci a la particularité à Aubervilliers d’être centrée sur la personnalité de Pierre Laval qui domina la vie politique municipale durant tout l’entre-deux-guerres. L’implantation s’est donc faite contre une équipe en place contrairement aux situations abordées par les études précédentes où les représentants du Parti communiste étaient en charge de la gestion municipale. Nous avons donc étudié pour la première fois l’implantation communiste dans une municipalité socialiste.

Nous avons en outre opté pour une étude qui soit la plus proche possible des réalités, resserrant en définitive nos recherches sur trois domaines qui nous ont semblé essentiels, l’industrie chimique, la politique antifasciste et le quartier du Montfort. Nous avons donc complété l’analyse des conditions dites « objectives » de l’implantation par une approche davantage sociologique qui a tenté de prendre en compte les facteurs culturels.

BEURIER Joëlle, La Mémoire des LIP, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 202 p

L’étude de la mémoire des Lip révèle une structuration en deux temps. Celle-ci se constitue tout d’abord, dans l’avant-Lip et les débuts du conflit de 1973, comme une mémoire collective euphorique, idéalisée et unique, organisé par « le goût du collectif ». Dans un mouvement inverse, pendant les périodes de la reprise, du second conflit et de l’après-Lip, s’affirme, puis se confirme, une lente décomposition du groupe, soumis à un devenir économique surtout, de plus en plus contraignant. Dès lors, le bloc de départ que constituaient les Lip se désagrège en une juxtaposition de groupuscules, parfois de clans (divergences internes au groupe des syndicalistes), et la mémoire unique et euphorique de 1973 devient sombre et plurielle ; enfin, l’étude de l’après-Lip révèle la disparition de toute mémoire de groupe. Les souvenirs sont le fait d’initiatives privées. La volonté de mémoire n’existe plus à l’échelle de la communauté. La mémoire des Lip a donc disparu.

La notion d’échec — ou de succès — a entièrement organisé la mémoire des Lip en une succession de mémoires distinctes. Ainsi, la mémoire collective est fille de la réussite de 1973 ; la mémoire commune est née des difficultés économiques et humaines propres au conflit de 1976 ; enfin, l’absence de mémoire de groupe est le résultat de l’échec final et de l’implosion du groupe.

L’étude de la mémoire des Lip a permis de nuancer plusieurs analyses sur les conflits eux-mêmes. Les souvenirs font ainsi le point sur un certain nombre de clichés, tels que l’autogestion, la démocratie, le rôle des syndicats ou la position des femmes.

BILLIARD Frédéric, La Confédération Générale de l’artisanat français de 1939 à 1944, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 275 p.

La spécificité de l’artisanat ayant été trop souvent ignorée par les hommes politiques qui l’assimilaient en général au patronat, les syndicats d’artisans, et plus particulièrement la Confédération Générale de l’Artisanat français, ont donc lutté tout au long des années trente pour que leur activité professionnelle soit sauvegardée. Mais le cadre économique et social qui conditionna jusqu’en 1940 l’évolution de la doctrine confédérale fut brusquement modifié par la guerre. Dans un contexte sensiblement différent, la confédération se prononça alors en faveur du nouveau régime et de sa Révolution nationale. Toutefois, ce choix ne fut en aucun cas le fruit de quelques corruptions ou ambitions personnelles telles qu’elles purent exister dans les milieux de la collaboration parisienne. Au contraire, il s’inscrivait dans la continuité de l’action menée par la CGAF depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Séduits par la mystique de l’État français, certains responsables confédérés s’efforcèrent ainsi, en dépit des réticences de leurs collègues, d’assurer à l’artisanat la place qu’il méritait dans ce cadre si particulier qu’était la Révolution nationale.

DARD Sévérine, L’Union temporaire contre la prostitution réglementée et la traite des femmes, 1926-1946, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 181 p.

L’Union temporaire contre la Prostitution réglementée, née en 1926, prend le relais de la Branche française de la Fédération abolitionniste internationale. Elle hérite de plusieurs décennies de luttes et des mêmes difficultés propres à la France. Berceau du réglementarisme au XIXe siècle, incapable de mettre en œuvre des réformes, jugées pourtant nécessaires et expérimentées internationalement, la France reste fidèle à sa tradition d’organisation officielle de la prostitution dans l’entre-deux-guerres, en dépit de l’intense propagande menée par les militants de l’Union temporaire. Car cette propagande ne touche guère que des milieux traditionnellement réceptifs au message abolitionniste aussi divers que les féministes, les humanistes, les moralistes. D’autre part, elle se heurte au conservatisme des pouvoirs publics, à l’ignorance et aux préjugés de l’opinion, largement confortés par la contre-propagande des milieux anti-abolitionnistes. Au-delà des intérêts que suppose la prostitution, l’abolitionnisme met en jeu toute une représentation de la société, des rôles sexuels et de l’ordre public sur lesquels la position de la France semble bien révéler un conservatisme spécifique. En 1946, au terme de vingt ans d’existence, l’Union temporaire assiste enfin à la mise en œuvre de la première législation complète en matière de prostitution dont elle mesure rapidement la dimension faussement innovante. Elle va donc reprendre le combat sur de nouvelles bases, au sein de l’Union française contre le Trafic des Êtres humains, désormais Branche française officielle de la Fédération abolitionniste internationale.

DEBUT Emmanuelle, L’école primaire à Nantes. Gassicourt pendant la Seconde Guerre mondiale, Maîtrise [Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 238 p.

Alors qu’apparaît, avec le régime de Vichy, l’utilisation des médias en politique, l’école constitue également un moyen de propagande et un vecteur idéologique redoutablement efficaces, car porter la bonne parole maréchaliste dans la multitude des établissements primaires permet au gouvernement de toucher quelques 5 millions d’élèves dispersés dans toutes les contrées de France, et, à travers eux, leurs parents donc l’opinion publique.

C’est pourquoi nous avons voulu savoir comment les instituteurs publics, majoritairement attachés à la République et à la laïcité ont réagi face aux mesures gouvernementales et à la propagande pétainiste s’infiltrant dans les domaines scolaires et postscolaires. Nous avons aussi essayé de déterminer quels changements la guerre et l’occupation allemande ont provoqués dans la vie scolaire.

L’étude du cas particulier de la ville de Mantes-Gassicourt, qui, avant-guerre, avait fait preuve d’un grand attachement à l’enseignement public et qui était dirigée depuis plus de trente ans par une équipe radicale-socialiste menée par un laïc convaincu, Auguste Goust, nous permet de répondre en partie à ces deux questions.

ELIARD Thierry, Benjamin Peret au Mexique, 1941-1948, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 128 p.

Produit idéal d’un surréalisme qui proclamait : «  »Transformer le monde » a dit Marx,  »Changer la vie » a dit Rimbaud, ces deux mots d’ordre pour nous n’en font qu’un » (Breton), Benjamin Péret a été poète surréaliste et marxiste révolutionnaire. Sans jamais subordonner les unes aux autres, Péret a toujours mené de front les activités surréalistes et les activités militantes dans des groupes révolutionnaires. Cette relation dialectique de l’art à la politique est-elle une des raisons qui expliquent le relatif effacement de Benjamin Péret et de son œuvre dans la perception publique du surréalisme ? Plus de trente ans après sa mort, Péret reste un poète et un surréaliste méconnu.

Exilé au Mexique pendant la Deuxième Guerre mondiale pour échapper à la police de Vichy et au nazisme, Benjamin Péret retrouve à Mexico, au sein de la communauté des exilés européens, des surréalistes et des militants trotskystes. Avec les uns et les autres, mais de façon distincte, il va reprendre sa double activité d’avant-guerre, tenter de mettre sur pieds un groupe surréaliste au Mexique en l’absence d’André Breton et de principaux surréalistes ; il a aussi participé aux activités politiques des trotskystes espagnols réfugiés à Mexico, aux côtés de Natalia Sedova-Trotsky, la femme de Leon Trotsky assassiné peu de temps avant l’arrivée de Benjamin Péret au Mexique.

FERGANT Aline, L’enseignement primaire à Savigny-sur-Orge sous la IIIe République, 1870-1940, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 177 p.

L’organisation administrative et pédagogique et l’enseignement primaire se présentent comme un système fort complexe ou l’État, le département et la commune interviennent.

L’étude menée sur Savigny-sur-Orge a permis de déterminer le rôle de la commune dans ce fonctionnement. Deux périodes ont été distinguées (1870-1914 et 1914-1940) et dans chacune d’elle un élément a retenu plus particulièrement notre attention : d’une part, l’application des lois scolaires dans les années 1880, d’autre part l’augmentation des effectifs et ses conséquences sur l’enseignement primaire entre 1925 et 1936.  

La politique municipale a été analysée à partir de deux critères : les dépenses ordinaires et extraordinaires engagées pour l’enseignement, ainsi que les avantages financiers et matériels que la commune accorde au personnel enseignant. En outre, pour chacune de ces deux périodes, l’organisation pédagogique des écoles de Savigny a été étudiée au travers des rapports de l’inspecteur d’académie et de ceux de l’inspecteur primaire de Corbeil.

Les différents contextes politiques, économiques et sociaux des communes ont obligé les législateurs de la IIIe République à laisser une large part d’initiative aux agents locaux. Cependant, les faibles moyens financiers de Savigny ont limité l’action du conseil municipal et I’ont rendu plus dépendant de la volonté des autorités supérieures. De la même façon, le poids de la hiérarchie et les exigences de la population ont imposé aux instituteurs de lourdes contraintes.

GALAN Olivier, Les organisations syndicales du personnel de surveillance au sein de l’administration pénitentiaire, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 155 p.

La libération est un tournant de l’histoire pénitentiaire : de nouveaux programmes politiques sont mis en place, une réforme opère des changements fondamentaux dans la conception du rôle de la prison et de celle du personnel ; une volonté réelle de faire de la prison un lieu moins hermétique s’exprime, le syndicat pénitentiaire se métamorphose ; douze années ont suffi pour que le syndicat unique explose et laisse la place à quatre organisations.

À partir de journaux syndicaux et de documents administratifs ce mémoire se propose d’analyser les différentes scissions et créations corrélativement aux changements nationaux, d’étudier les revendications et leurs évolutions, les démarches et doctrines syndicales.

Ce travail prête aussi une attention particulière à l’institution pénitentiaire, car la définition et la compréhension du cadre d’activité professionnelle et ses nombreuses contraintes permettent de mieux définir certaines attitudes. En effet, la situation d’enfermement, le rôle ambigu de garde et de réinsertion, la collusion entre hiérarchie syndicale et administrative, la limitation du droit de grève, la perception négative de la prison par l’opinion publique, entraînent des démarches spécifiques.

L’intérêt de cette étude est d’autant plus grand que les organisations restent très libres face à leurs confédérations.

GAMACHE Dominique, Polémiques autour des initiatives pédagogiques de Jean Zay, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 147 p.

En juin 1936, Jean Zay est nommé ministre de l’Éducation nationale. Il entreprend une série d’initiatives pour réaliser l’École unique et rendre l’éducation « plus vivante, plus efficace et plus souriante ». Il propose, dans ce sens, pour la dernière année de scolarité, prolongée jusqu’à 14 ans, un programme spécifique et lance des « loisirs dirigés » organisés dans les premier et second degrés, initiatives bien acceptées dans l’ensemble par les enseignants. De même, son projet de réforme de l’enseignement déposé en mars 1937 à la Chambre des députés reçoit d’abord un bon accueil, l’initiative répondant à une demande du milieu enseignant ; mais bientôt, une véritable polémique se polarise sur la classe d’orientation, grande innovation qui prévoit, à l’orée d’un second degré unifié, une classe vestibule à l’issue de laquelle les enfants sont orientés vers les sections classique, moderne ou technique. L’orientation organisée sous forme d’expérience à la rentrée 1937 concentre contre elle notamment, les adversaires du Front populaire qui y voient une tentative de main-mise de l’État sur la jeunesse. D’autres critiques, souvent véhémentes, se développent à mesure que les attendus d’un projet initial succinct sont mieux connus et s’en prennent à la façon dont le ministre « engage » sa réforme par voie réglementaire alors qu’elle n’est pas votée. Elles sont alimentées par les profondes divergences de vues qui opposent premier et second degré dont le projet prévoit le rapprochement. Les controverses sur les initiatives du ministre illustrent les difficultés de réformer un système éducatif dont l’enjeu apparaît primordial pendant la période du Front populaire et rend compte des freins internes opposés à ce type d’avancée.

GONZALES Paule, Un épisode du Left Book Club, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 210 p.

Cette étude a pour objet de dresser le portrait d’un club de lecture britannique des années trente : le Left Book Club. Elle s’appuie sur l’analyse d’une partie de ses publications éditées pendant la période d’activité du Club, de mai 1936 à août 1940.

Les sources utilisées comprennent deux volets. Premièrement, une série de 55 livres de propagande abordant des thèmes de l’actualité politique qui constituent la série appelée le Livre du Mois (Book of month). Ces livres se font l’écho des préoccupations de l’époque : la montée du nazisme et du fascisme, la politique hésitante du gouvernement, les signes avant-coureurs de la guerre. Les auteurs préconisent la naissance d’un Front populaire à l’échelle nationale et internationale permettant, grâce à l’alliance avec les communistes, de combattre l’agression fasciste. La nécessité d’un nouvel ordre économique et social est également évoquée. Ces textes sont pour la plupart écrits sous forme de témoignages ou de comptes-rendus journalistiques. Quelques-uns se veulent des traités théoriques et enfin, dans une moindre mesure, certains relèvent du genre romanesque.

Le second volet des sources utilisées est constitué par le mensuel Left News qui accompagnait la publication livresque. De ce magazine de 32 pages, n’ont été étudiées que trois rubriques : l’éditorial, le sujet de discussion du mois, Topic of the month, et la critique du livre du mois, Book of the Month. Chacune de ces trois rubriques était tenue par les trois fondateurs du Club : Victor Gollancz, John Strachey et Harold Luski. Si la critique littéraire se contente généralement de présenter sous forme de résumé le livre du mois, les deux autres rubriques sont riches d’enseignement, car elles dévoilent les opinions des fondateurs du Club. On y trouve par rapport aux livres un appel constant à l’action et à l’engagement à preuve du caractère militant de ce club de lecture « pas comme les autres ».

Les auteurs de ces rubriques ont le sentiment de vivre dans une période charnière, dans l’urgence d’une situation difficile ; ils sont convaincus que le vieux monde est en train de s’effondrer et que le renouveau est proche. C’est cet avenir qu’ils souhaitent contribuer à préparer à partir du Left Book Club. Le socialisme d’URSS étant le mirage vers lequel se tournaient les intellectuels britanniques de gauche, il n’est pas étonnant de voir le Club s’en faire un de ses plus ardents défenseurs. Dans ces conditions, même si le Club suscite un certain intérêt, il sera considéré comme une menace par les partis politiques libéraux et travaillistes.

Bien que toute la lumière n’ait pas été faite sur le Left Book Club, nous espérons avoir contribué à faire mieux connaître cette expérience de mobilisation originale, car sans précédent.

GOURANTON Olivier, « Comoedia » pendant la Seconde Guerre mondiale, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 192 p. + annexes

Comoedia, sous-titré « hebdomadaire des spectacles des lettres et des arts » paraît du 21 juin 1941 au 5 août 1944. Il reprend le titre d’un quotidien d’avant-guerre même s’il s’avère foncièrement différent de celui-ci. Faut-il voir dans Comoedia une éclaircie dans la presse de l’époque ou l’agent d’une collaboration intellectuelle masquée ? Tel est le fil directeur de l’étude qui s’appuie sur des archives (publiques et privées), sur des témoignages, mais aussi sur l’exploitation d’une base de données obtenue en analysant 3 396 articles parus dans Comoedia. Cette base de données est présentée dans un fascicule annexe.

Comoedia apparaît comme un journal ouvert en raison d’une vaste sphère journalistique et d’une gamme très étendue de thèmes. Bien qu’une proclamation d’indépendance soit adressée aux lecteurs dans le premier numéro, Comoedia donne des gages aux Allemands et entretient des liens avec l’Institut allemand. Parmi les articles ayant un intérêt politique qui ne représentent que 4,8 % du nombre total des articles, ce sont les articles pro-Allemands qui sont de loin les plus nombreux. Ils se situent pour la plupart dans la page « Connaître l’Europe ». La vision de Vichy de Comoedia est plutôt positive. Un contre-message, dont la discrétion peut être expliquée par la censure et l’auto-censure, apparaît parfois. Le nombre des articles pro-Allemands, évalué par semestre, est en constante diminution de 1941 à 1944, de sorte que Comoedia évolue vers une certaine neutralité. Carrefour prestigieux, même si le journal ne semble pas être un lieu de vie intense, Comoedia apparaît comme représentatif d’une époque complexe.

HOFFMANN Emmanuel, L’École primaire à Ivry-sur-Seine : 1944-1968, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 271 p.

Cette étude a pour objectif d’analyser les conséquences, pour une ville, des modifications de l’institution scolaire, de l’augmentation importante des effectifs et des bouleversements de ses structures avec la généralisation du secondaire. L’étude d’Ivry-sur-Seine, dans ce contexte, permet d’aborder ces mutations principalement sous deux aspects :

L’enseignement primaire (école élémentaire et maternelle) se trouve au cœur d’enjeux pour l’avenir de la société qui dépassent le cadre de la formation. L’analyse sur un quart de siècle, entre la Libération et les changements révélés par les événements de Mai 1968, contribue à mieux faire comprendre les évolutions de l’action des différents intervenants, en particulier de l’État et de la commune.

– les caractéristiques sociologiques d’une commune de la banlieue parisienne ;

– les particularités de la gestion d’une mairie communiste en matière d’enseignement, principalement sa politique sociale et sa conception de l’école dans la société.

JODE Frédérique de, Femmes dans la Résistance : synthèse et analyse de témoignages oraux, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 179 p.

Dans le cadre de mon travail, j’ai contacté 26 femmes qui ont pris part à la Résistance. Les conclusions auxquelles je suis parvenue sont basées essentiellement sur leurs témoignages.

Dans un premier temps, ces femmes se sont présentées en indiquant leur âge, leur milieu social (dans l’ensemble, il s’agit de femmes d’origine bourgeoise), leur situation maritale, leur situation professionnelle. Dans un deuxième temps, elles ont exprimé leur réaction face à l’occupation allemande, une réaction qualifiée de patriotique. Enfin, elles ont raconté leurs parcours personnels dans la Résistance, ainsi que les fonctions qu’elles y occupaient.

Ces fonctions nous semblent en retrait par rapport à celles des hommes, mais cet aspect ne transparaît pas dans leurs discours. Au contraire, il apparaît que la Résistance a été pour ces femmes une période à part, où une situation d’égalité s’est établie entre les sexes. En effet, une franche solidarité et fraternité rapprochaient les femmes et les hommes qui partageaient tous les mêmes risques.

Les femmes interviewées soulignent que cette période de leur vie a été une des plus intenses et que, malgré les horreurs de la guerre, des bons souvenirs sont restés gravés dans leur mémoire.

KANONIDIS Dominique, Essai sur l’immigration grecque en France au XXe siècle, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 190 p.

Au XXe siècle, l’immigration grecque est restée en marge des grands courants migratoires de ce pays, mais elle reflète assez bien la diversité de l’immigration en France. Celle-ci est en effet le seul pays d’Europe où, depuis plus d’un siècle, l’immigration est un phénomène constant revêtant une certaine ampleur.

Les Grecs, dont on repérait à peine la trace avant 1914, émergent en pleine Première Guerre mondiale quand, pour alimenter un marché du travail déficient, l’État français met en place une politique de recrutement de travailleurs étrangers. C’est autour de ce noyau initial que s’agglomèrent, dans les années 1920 des nouveaux venus qui forment le second flux migratoire du siècle. Enfin, après l’intermède de la Seconde Guerre mondiale, une dernière vague migratoire prend corps pour s’amplifier surtout dans les années 1960.

L’immigration grecque, qui frappe surtout par son caractère économique même si parfois viennent s’y greffer des mobiles politiques, est l’exemple type d’une immigration ancienne qui, une fois établie, s’est entretenue pendant près d’un siècle par le biais des filières d’autorecrutement. C’est d’ailleurs ce qui explique son caractère marginal, puisque depuis la guerre de 1914-1918 la France n’a plus jamais sollicité la main-d’œuvre hellénique. Aussi, depuis 1945, la faiblesse du flux migratoire ne compense plus les naturalisations ni les décès des acteurs des deux premières vagues migratoires, si bien que l’effectif grec est en constante diminution. Issue d’une immigration ancienne, la communauté grecque est aujourd’hui largement francisée, puisque composée de Grecs naturalisés et de Français d’origine grecque qui sont estimés à 30 000 personnes.

On peut considérer l’insertion des Grecs dans la société française comme un modèle d’intégration réussie. Une intégration silencieuse, au prix d’une véritable mutation sociale, qui a vaincu les soubresauts du siècle en leur opposant la solidarité entre compatriotes et la cohésion géographique. À une phase de prolétarisation mal acceptée succéda une phase d’ascension sociale facilitée par une grande capacité d’adaptation et un esprit d’initiative manifeste. En outre, la faiblesse numérique a facilité la qualité des contacts, et l’absence de ressentiment historique a joué comme un facteur favorable.

Toutefois, il peut y avoir une intégration satisfaisante qui n’induise aucune assimilation. Dès le début des années 1920, les Grecs se sont dotés de structures communautaires, notamment un vaste réseau d’églises orthodoxes, d’associations et d’écoles, où s’est effectué le processus qui a contribué à maintenir et à renforcer les liens d’appartenance au pays d’origine. Aujourd’hui, l’identité nationale, malgré certaines « pertes », survit en France. Les générations issues de cette migration revendiquent leur patrimoine culturel, mais tiennent à affirmer leur double allégeance à la fois envers la Grèce et la France. La communauté grecque et d’origine grecque constitue, de nos jours, une des minorités constituantes de la communauté nationale française.

MAITRE Stéphane, Les grèves dans la Vienne de 1899 à 1935, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 109 p.

À la fin du XIXe siècle, alors que la contestation ouvrière atteint avec une certaine force les grands départements ouvriers de la France, la Vienne conserve un grand calme. En effet, le département peu industriel, donc peu ouvrier, ne subit aucunement les pressions ouvrières de l’époque et reste sous la domination politique de la bourgeoisie locale. Ce n’est qu’au cours des dix premières années de ce siècle que la région découvre les conflits sociaux sous l’impulsion de l’accession au pouvoir d’un groupe intermédiaire et d’une forte poussée syndicale qui vont agiter les masses populaires. Cependant, les conflits sociaux du début du siècle restent, dans la Vienne, le faible écho des grands mouvements parisiens ou du nord de la France. Les grèves sont en effet timides et peu organisées du fait d’une force syndicale encore faible et peu apte à seconder les ouvriers. La seule vague digne de ce nom se déclare en 1910-1911. C’est en effet à cette époque que l’on découvre pour la première fois l’existence d’un réel potentiel de contestation ouvrière. Il faudra cependant attendre les années 1919-1920 pour que le mouvement ouvrier prenne une véritable dimension et devienne réellement combatif et déterminé. Pendant les années difficiles qui allaient suivre, une nouvelle motivation ouvrière se fait jour, relayée par une meilleure organisation syndicale. Des grèves beaucoup plus importantes sont déclenchées, symptomatiques de la difficulté de la condition ouvrière de la région.

MICHEL Bertrand, Les rapports entre Jean Vilar et le TNP : une logique de service public ?, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, A Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 168 p. (14 cassettes d’entretiens).

Dans le contexte de volontarisme politique de la Libération, le projet artistique de Vilar et la politique de certaines personnalités de l’État redonnent naissance à un Théâtre national et populaire. L’État définit le cahier des charges du TNP et Vilar établit une esthétique de la modernité, un répertoire populaire. Autour de Vilar se forme un groupe de résistants, de peintres, de compagnons de la semaine d’art dramatique en Avignon. L’École Charles Dullin, au sein du TNP, forme la génération de comédiens de l’après-guerre. La participation active de Gérard Philippe et de Maria Casarès favorisera une relation inédite au public que Jean Rouvet, administrateur du TNP et aventurier de la culture, établit avec rigueur.

Sa qualité de directeur rend J. Vilar financièrement responsable de la gestion du TNP, ce qui est par ailleurs précisé dans le cahier des charges. Pour réaliser au mieux sa mission, il met en place une structure administrative chargée des relations avec le public et du fonctionnement de la troupe.

L’État pour sa part, aide chichement une structure dont il se méfie. Par un excès d’exigences, les gouvernements de la IVe République : le Sénat et la presse de droite attaquent le TNP qu’ils stigmatisent comme révolutionnaire sans connaître le groupe, confondant ses méthodes novatrices, le répertoire, et les opinions de ceux qui y travaillent. La démission de Vilar, le 21 février 1963, marque la fin de ces expériences théâtrales : Le TNP, par nécessité financière et par vocation, oblige les acteurs à se plier aux règles de ce nouveau service public. Ceux-ci jouent beaucoup, parfois dans des lieux difficiles, à Chaillot, en banlieue et à l’étranger. Le rapport conflictuel de Vilar à l’État a pour conséquence des rapports sociaux dirigés selon une méthode de recours au public, sans l’établissement de conventions collectives. Les relations entre les acteurs et Vilar sont individualisées et se caractérisent par un ensemble de discours ou de comportements spécifiques. L’identité de la troupe est assurée par une politique salariale précise et une attribution des rôles équitable. L’appartenance à un établissement national et son implantation en milieu populaire, la force du rôle de Vilar comme fédérateur du groupe, ont permis la réussite du projet et assuré la renommée du TNP et des formes d’art qu’il exerçait dans la société.

MOREAU Michel, Les attitudes syndicales face à l’informatisation du travail de bureau de 1970 à 1986, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 181 p.+ annexes

L’introduction de l’informatique dans le travail de bureau a induit de nombreux bouleversements. Ceux-ci, par leur ampleur, rendent le processus comparable à celui que connut le monde ouvrier au XIXe siècle avec l’apparition des premières machines. Cependant, capable de suppléer à l’homme dans l’exécution d’un certain nombre de tâches mentales, l’ordinateur se distingue de la machine traditionnelle. Il s’accapare par là l’essence même du travail de l’employé.

Sur la base de ce constat, l’auteur de ce mémoire se livre à une étude des réactions auxquelles l’informatisation du secteur tertiaire donna lieu entre 1970 et 1986. Ce travail repose sur l’analyse de sources puisées dans les organes de presse, hebdomadaires et mensuels, des trois principales centrales syndicales françaises : CFDT, CGT et Force Ouvriere.

Outre le premier axe de la démarche qui met en avant les problèmes qualitatifs et quantitatifs touchant l’emploi que les syndicats imputent au recours à l’informatique, le mémoire s’attache à détecter dans les interventions les signes éventuels d’une évolution du syndicalisme entre 1970 et 1986.

L’évolution importante que l’on met en évidence n’est qu’en partie liée à l’adaptation du syndicalisme à la crise économique que traverse la société française à partir du début des années 1970, ou à l’effort que déploient les centrales syndicales pour faire face à l’érosion de leurs effectifs. L’auteur s’attache à montrer que l’informatisation du secteur tertiaire, par la réflexion à laquelle elle donne lieu, influence pleinement et parfois directement, l’évolution des stratégies et des projets syndicaux.

NAIMSKI Laure, Les industriels chocolatiers Menier et la presse de Seine-et-Marne. 1891-1934, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 240 p.

Emblème intemporel du « chocolat Menier », la petite fille nattée de l’affichiste Firmin Bouisset dissimule un empire industriel dont le cœur productif se situe à une vingtaine de kilomètres au nord-est de la capitale. Singulier village des bords de Marne, Noisiel s’ordonne au fil des XIXe et XXe siècles sous la houlette de la dynastie patronale Menier, en un triptyque réfléchi : usine modèle, cité ouvrière, ferme-pilote.

Consacrée « Première chocolaterie du monde » à l’Exposition universelle de Chicago en 1893, l’usine Menier véhicule conjointement une image de savoir-faire et de prospérité. Noisiel et les Menier se donnent à voir tant par la prééminence d’un tourisme d’entreprise que par une récurrente présence dans la presse professionnelle. Plusieurs décennies durant, la cité Noisiel se trouve par ailleurs au centre d’un débat dont la vigueur témoigne de l’importance que partisans et adversaires accordent au projet des industriels chocolatiers de Seine-et-Marne : Instrument privilégié pour la perception de l’empire agro-industriel Menier, la presse locale fut ainsi la source essentielle d’une recherche qui s’inscrit dans le cadre plus large d’une démarche collective. En participant à une histoire redécouverte au cours des années 1970 grâce à un regain d’intérêt pour l’archéologie industrielle du XIXe siècle, notre sujet d’étude s’agrège à une production écrite déjà riche. De nouveau revisitée, l’histoire des industriels noiseliens est ici abordée sous un angle particulier qui suppose une réflexion en termes d’histoire entrepreunariale dynastique.

Figure centrale de notre étude, la troisième génération des Menier est soumise à notre regard par le prisme de quatre gazettes de Seine-et-Marne. Premier constat, au cursus honorum politique de Gaston Menier (1853-1934) figure de proue de cette troisième génération, répond une inflation de disco électoraliste, œuvre d’une presse partie prenante de la vie politique locale. Promues au rang d’organes électoraux liés de manière contractuelle à l’industriel Gaston Menier, les gazettes locales exploitent simultanément l’image du bon patron père de ses ouvriers et de l’usine modèle, en un temps où la question sociale est au cœur du débat politique national.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le temps du consensus est à l’ordre du jour et se substitue à un désintérêt croissant de la presse locale à l’encontre de l’expérience Menier.

Au-delà des immuables polémiques surgissant immanquablement à chaque période d’élections, le Briard, journal socialiste provinois, fondé en 1887 par Adolphe Vernant, se démarque au début du siècle par son combat en faveur du syndicat de la chocolaterie. Véritable document historique, ce dernier permet de pénétrer le site usinier, d’entrer au cœur de l’atelier par l’entremise d’une abondante correspondance ouvrière. Générant une réflexion sur les rapports presse-mouvement ouvrier, ces lettres anonymes sont de prime abord l’occasion de découvrir une parole ouvrière intense et riche qui traversa le siècle.

PANNE Jean-Louis, Boris Souvarine : prémices d’un itinéraire politique (1895-1919), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 186 p.

Les années de formation de Boris Souvarine, dirigeant du Parti communiste de 1921 à 1924, sont peu connues. C’est la raison pour laquelle nous avons cherché à reconstituer l’environnement culturel et politique dans lequel son enfance et sa jeunesse se déroulèrent, afin de mettre en évidence les événements familiaux, politiques ou sociaux qui ont pu conduire ce fils d’émigrés juifs russes (venus de Kiev à Paris en 1897), à s’engager dans le mouvement socialiste pendant la Première Guerre mondiale. Ce travail s’appuie sur les propres témoignages (inédits ou connus) de Souvarine, les informations communiquées par quelques proches, mais aussi les études et documents concernant l’émigration juive russe à Paris et les groupes politiques qui en étaient issus. L’examen de la culture politique de Souvarine fait apparaître les influences successives et rivales (anarchiste, jaurèsienne et guesdiste) qu’il a subies, et l’importance des relations privilégiées qu’il entretint avec certains militants : Paul Louis, Charles Rappoport, Georges Sorel…

L’itinéraire militant de Boris Souvarine — de ses premières contributions journalistiques à ses premières responsabilités — est suivi au travers de la presse et de l’histoire des « minoritaires de guerre » : groupe des Amis du Populaire, Comité de défense du socialisme international, Comité pour la reprise des relations internationales, enfin Comité de la IIIe Internationale. L’expérience vécue de la guerre puis celle des mouvements minoritaires d’opposition à l’Union sacrée furent une véritable catharsis pour ce jeune homme imprégné de culture française, mais attaché à sa culture d’origine, la culture russe. Proche des guesdistes et membre du courant animé par Jean Longuet, son adhésion à un bolchevisme, plus imaginé (notamment par analogie avec la Révolution française) que réellement connu, soulève la question d’une tradition politique « autochtone » à une idéologie « étrangère », perçue comme nécessaire à la régénération du socialisme français.

PEREZ Manuela, Les représentations politiques d’un inspecteur de l’enseignement d’après son journal, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 155 p.

Ce mémoire concerne l’étude d’une série de cahiers écrits entre 1940 et 1945, sorte de journal de la guerre et de l’occupation. Son auteur est un inspecteur de l’enseignement primaire, M. Aristide Molines.

Nous avons voulu montrer, dans un premier temps, de quelles informations, de quelles sources, disposait un particulier pour s’informer sur la marche du monde dans une époque de censure. Par la suite, nous avons décrit comment cet homme vécut, au jour le jour, les transformations politiques que subirent non seulement son pays, la France, mais aussi le monde. Il ressort de cette étude que l’accès à l’information n’était pas impossible à cette époque. Cependant, les réactions face aux événements historiques demeurent marquées de présupposés constitués auparavant à la faveur des normes éduca­tives ou des clichés de l’opinion publique.

POUMAREDE Gérard, Le Cercle Proudhon : une synthèse impossible, 1911-1914, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 255 p.

L’éphémère Cercle Proudhon serait resté le domaine privilégié de quelques amateurs de curiosités historiques, si le virulent débat engagé autour de l’existence d’un « fascisme à la française » ne l’avait un jour exhumé de l’oubli auquel il semblait condamné. Traquant les prémices de l’idéologie fasciste dans la France de la Belle Époque, l’historien Zeev Sternhell a jugé que cette petite société de pensée avait un rôle suffisamment important dans son élaboration pour terminer son second livre par son évocation. Elle y apparaît comme le point d’orgue de la sensibilité préfasciste que l’auteur repère auparavant dans la Ligue des Patriotes ou le syndicalisme jaune. Elle formerait ainsi le creuset où viennent se mêler, pour la première fois, des hommes issus de ces deux traditions qui, pour Zeev Sternhell, forment le fascisme, le nationalisme et le socialisme, pris ici dans sa variante syndicaliste-révolutionnaire.

Conscients que les membres du Cercle Proudhon eux-mêmes revendiquaient fièrement la réalisation de cette synthèse, nous avons néanmoins souhaité en analyser les modalités avec plus de précision. L’unanimité était trop belle, les certitudes trop ancrées, les formules trop systématiques pour ne pas essayer d’en prendre les distances. Notre étude s’est alors orientée selon deux axes. Relisant les Cahiers du Cercle Proudhon, nous avons tout d’abord tenté d’y retrouver les fruits intellectuels originaux de cette synthèse proclamée, les éventuelles traces de ce préfascisme signalé. Force est d’avouer notre déception. La pensée du Cercle ne révèle pas les surprises promises. À bien des égards, elle n’est qu’un bricolage précaire, fortement imprégné de maurrassisme, où les quelques références syndicalistes s’apparentent à des concessions. Tout y est, de la prééminence du politique jusqu’à l’affirmation à peine voilée de la nécessité monarchique. En définitive, bien peu d’innovations : le Cercle reste fidèle à Maurras. Nous ne pouvons sur ce point que nous opposer aux conclusions de Zeev Sternell.

Sachant combien le terrain de l’histoire des idées est hasardeux, nous avons alors, dans un second temps, cherché les moyens de vérifier nos premières hypothèses. L’étude minutieuse de la naissance du Cercle, de son fonctionnement, de son recrutement, nous en fournit l’occasion. Elle vint confirmer nos premières suppositions : il apparaît clairement que le cercle Proudhon est né dans le giron de l’Action française. L’idée en revient à deux de ses militants les plus fameux à l’époque, Georges Valois et Henri Lagrange. Au cours de sa brève existence, le Cercle a reçu un appui sans faille du mouvement monarchiste aussi bien d’un point de vue logistique (prêt de locaux, annonce de ses réunions dans le journal l’Action française) que sur un plan humain. En effet, et ce n’est pas le moindre des paradoxes du Cercle, l’essentiel de ses recrues appartiennent au mouvement de Maurras. Une prosopographie des membres du petit groupe a ainsi révélé que ses membres non-monarchistes se comptaient sur les doigts d’une main, quand les autres dépassaient la vingtaine. Point de synthèse donc, mais une machine à convertir quelques égarés du syndicalisme, un leurre grossier qui na pas réussi à tromper la classe ouvrière, si l’on en juge l’insuccès final du groupe, mais auquel certains historiens se sont un peu rapidement laissés prendre.

RANDRIAMANANTENA Sahondra, Étude de la correspondance de Gaston Deslandes, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 3 vol., 551 p.

Cette étude aborde d’un point de vue original une période de la vie de Gaston Deslandes, né le 6 juin 1900 et mort le 15 juin 1951. Les 268 lettres qu’il a écrites de 1942 à 1945 sont une source d’observation privilégiée pour appréhender l’évolution d’un prisonnier et déporté communiste. Nous avons élaboré deux types d’approches de ses sources.

Tout d’abord, nous avons soumis sa correspondance, adressée à ses proches, à un traitement statistique à l’aide d’un logiciel de lexicologie inspiré des méthodes de laboratoire de Saint-Cloud (le logiciel PISTES). Le corpus est composé de 75 lettres. Il est très hétérogène, car les lettres varient dans leur longueur, leur fréquence et leurs destinataires. Nous avons donc divisé le corpus en 6 parties : les lettres de la prison de la Santé, celles d’avant la mise au secret, celles d’après la mise au secret, les lettres de la Centrale de Poissy, celles adressées à Suzanne, l’épouse de Gaston Deslandes, celles adressées à sa mère, les lettres de Compiègne et les lettres de Buchenwald.

Dans un deuxième temps, afin d’étudier également les lettres non retenues dans le traitement informatique, nous avons entrepris une étude thématique à travers une lecture systématique de toutes les lettres.

SUREMAIN (de) Frédérique, Perception et représentation de l’étranger dans le « Temps », 1920-1928, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 306 p.

En 1920, Le Temps est un quotidien du soir à la réputation établie, faisant référence dans le domaine de la politique étrangère. En effet, il est question de l’étranger, d’une part dans son éditorial Le Bulletin du Jour qui occupe la majeure partie de ses colonnes qui est connu pour refléter l’avis du Quai d’Orsay, et d’autre part dans ses correspondances Les Lettres de l’étranger qui sont souvent financées par les pays concernés.

La représentation qu’il offre du monde évolue spatialement et politiquement au cours de la période. En effet, sur le plan spatial, on passe d’une vision partielle et partiale du monde européano-centrée, à une vision plus globale, pratiquement mondialiste.

Sur le plan politique, l’Europe des puissances, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, dont l’hégémonie sur le monde dit civilisé a été mise en cause par la guerre et ses conséquences, s’essouffle. D’autres pays, à la faveur de la guerre ou de la crise des démocraties que stigmatise le journal, se sont affirmés comme acteurs à part entière de la vie internationale : les États-Unis, la Russie soviétique, l’Italie, et dans une moindre mesure l’Espagne. Enfin, l’Orient, jusque-là entièrement soumis, ou en tout cas, sous forte influence européenne, s’éveille, se dégage de sa tutelle, et affirme son identité propre et ses particularismes par le biais du nationalisme.

Au-delà de la représentation que Le Temps donne de l’évolution des relations internationales, c’est sa conception de la société moderne qui apparaît — une société démocratique calquée sur le modèle occidental et une certaine image de la France — une puissance malmenée qui se veut la gardienne des valeurs de l’Europe du temps de sa splendeur. Ce sont aussi ses craintes quant à l’avenir qui apparaissent, devant un monde qu’il ne peut plus appréhender à partir des seuls schèmes connus et reconnus par lui ; monde dont il pensait que le développement l’induirait à s’assimiler au modèle européen.

Pour Le Temps, au contraire, ce monde nouveau devient un étranger toujours plus étrange, plus énigmatique, alors même qu’il se développe selon des critères économiques occidentaux.  

TON-THAT Valery, Le parti socialiste SFIO et les grèves ouvrières, 1919-1935, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 123 p.

Expression au quotidien de la lutte des classes, la grève offre un cadre propice à l’analyse des activités du Parti socialiste SFIO et de ses liens avec la classe ouvrière entre 1919 et 1935. Le problème de la grève est examiné et apprécié dans les différentes instances de l’organisation socialiste : congrès nationaux, groupe parlementaire, presse partisane.

Les quelques exemples de grèves relevés lors des congrès nationaux nous permettent de définir la médiation exercée par la SFIO entre la classe ouvrière et le système politique. Relayée par l’organe central du parti, Le Populaire, l’intervention des élus socialistes au Parlement apparaît comme étant un mode d’action privilégié. Mais la prépondérance de l’acnv1té parlementaire inscrite dans l’évolution même de la SFIO, a pour autre corollaire la distanciation du Parti socialiste par rapport à une tradition de l’action collective qui façonne son groupe social de référence : la classe ouvrière.

TORRE Pascal, Les origines du radicalisme en Corse, Maîtrise, Univ. Paris 1 CRHMSS [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 195 p.

À la veille de l’effondrement du Second Empire, la Corse demeure un département conservateur, bonapartiste et catholique. Les radicaux incarnent l’opposition au régime. Héritiers de 1848, ils constituent une petite minorité sans lien avec la population, ne parvenant pas à ébranler la citadelle bonapartiste. Après 1881, le processus d’adhésion à la République s’accélère sous la direction de l’opportunisme. Une lutte violente s’engage alors entre ces deux forces sur la conception de la République et pour la conquête du pouvoir local. La presse intransigeante, les comités anti-opportunistes animent dans le Sartenais, le Cortenais et la Casinca cette bataille. Les tensions provoquées lors des législatives de 1885-1886, la collusion avec le boulangisme, précipitent le déclin du radicalisme.

Cette éclipse dure jusqu’en 1901. L’avènement d’une République plus ardente donne le signal d’une renaissance, préparée par la Franc-Maçonnerie et une kyrielle d’associations laïques. Le combisme fut une étape décisive dans l’affirmation de cette nouvelle force. La lutte anticléricale, le zèle épurateur de la base, façonnent une idéologie et des pratiques. Cependant, ni le combisme ni la structuration du parti en 1904 ne permettent une implantation durable. Sous sa forme intransigeante, anti-religieuse, le radicalisme suscite le rejet d’une grande partie de la population.

La crise du bloc, la mort d’Emmanuel Arène, la prise de conscience de l’ampleur de la crise économique et des tensions sociales qu’elle génère accélèrent le processus de révision. Les radicaux prennent leur distance avec les thèmes traditionnels du radicalisme. Rationaliser le fonctionnement de l’appareil d’État, assurer sa progression dans l’île, arrimer la Corse au mouvement de la prospérité nationale deviennent les priorités. Dans cette perspective, ils souhaitent s’imposer comme le relais interne du pouvoir. Ils s’insèrent davantage dans les réseaux claniques, placent leurs hommes à des postes clefs (pour satisfaire une clientèle électorale) et mettent ainsi le clan au service d’une idée nouvelle. Le développement rapide des organisations du parti, entraînent la prise en compte de l’aspiration de nouvelles catégories sociales à participer à la vie politique, est partie intégrante de ce système. La politique corse s’inscrit davantage dans une perspective nationale, même si cela masque parfois des rivalités ancestrales au niveau des villages. Cela contribue aussi à une accélération de la politisation et à quelques progrès du vote individuel.

En 1914, au-delà des péripéties qui affectent l’organisation, le parti radical est ancré à gauche et sa géographie électorale se fige dans le Sartenais, le Cortenais et la région de Bastia.

Dans les années 1920, le cinéma est déjà en France un objet de consommation courante, un « art populaire ». Parce qu’il est porteur des clichés et des représentations de la société à laquelle il s’adresse, le cinéma est un miroir de ce que cette société ne dit pas dans ses manifestations officielles. Dans le cas de cette étude, il a permis de mettre à jour deux éléments primordiaux. Tout d’abord, malgré la victoire de la France en 1918, les films présentent une image inquiète de la société française. Le souvenir de la guerre apparaît plus comme un fardeau que comme un objet de fierté. Les classes dirigeantes semblent connaître une décadence, les classes moyennes ne sont pas prêtes à les remplacer, et le peuple est confronté à une réalité sociale qui le menace de déchéance. La société française des années 1920 paraît incertaine incapable de choisir entre la modernité et l’attachement aux traditions d’avant-guerre. En second lieu, en dehors des films explicitement politiques, la société s’exprime de manière éthique sur les problèmes sociaux et politiques : c’est le point de vue moral qui domine la France des années 1920 dans son expression cinématographique. À travers l’objectif de la caméra, les certitudes ou les incertitudes de la société se font jour : c’est une voie non négligeable pour la recherche historique.

VEZYROGLOU Dimitri, Une société à la recherche de certitudes. Les représentations politiques et sociales dans le cinéma français (1918-1933), Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 166 p.

1991

BARROT Martin, Deux syndicats de la police parisienne face à la guerre d’Algérie 1958-1962, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 175 p.

Nous avons étudié, à travers leur presse, les positions de deux syndicats de la police municipale de Paris sur les événements liés à la guerre d’Algérie ; attentats du FLN, crise de régime, menées factieuses, manifestations.

Les dirigeants du SGP, majoritaire, se réclament d’une solide tradition républicaine au nom de laquelle ils soutiennent la République menacée (la IVe, contestée par la base, puis la Ve, tout en se méfiant des « principes d’un État fort »), évaluent les conséquences économiques et sociales du conflit et demandent en février 1961, l’ouverture de négociations. Le SIPM, minoritaire, prône un syndicalisme « indépendant » dont le ressort est un anticommunisme constant dans l’analyse des événements d’Algérie, de la vie politique française, de l’action du SGP.

Ces deux syndicats s’accordent pourtant sur les questions du maintien de l’ordre. Le SGP obtient à deux reprises (en août 1958 et en octobre 1961) un couvre-feu pour les « Français Musulmans d’Algérie ». La manifestation organisée le 17 octobre 1961 par le FLN pour protester contre cette mesure est suivie d’une répression extrêmement violente. Dès lors, les responsables du SGP tentent d’échapper au malaise et au discrédit. Ils ont le sentiment d’y parvenir, de sauvegarder l’honneur de la police, grâce à leur engagement contre l’OAS. Le SIPM, pour qui l’ordre doit être maintenu à tout prix, assume la répression des manifestations algériennes et de celle du 8 février 1962.

SIPM et SGP nous semblent participer, malgré leurs différences, d’une même défaillance morale dans la mesure où ils s’accordent sur un point essentiel ; l’instauration d’un couvre-feu raciste favorisant un déchaînement de violence sans précédent dans l’histoire de la police parisienne.

BIMBI Eric, Le PCF et l’enseignement à l’école primaire : de 1921 au milieu des années 1930, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 147 p. + annexes

Ce mémoire se propose, à partir de documents émanant directement du Parti communiste français (circulaires internes, presse communiste, programmes électoraux) d’étudier la construction et l’évolution du discours communiste sur l’école et l’enseignement de 1921 à 1934.

Ce discours est très fortement marqué dans les premières années du communisme français par les différents héritages du mouvement ouvrier. Jusqu’en 1924, un grand débat divise les instituteurs communistes autour de la question : l’école est-elle traversée par la lutte des classes ?

L’homogénéisation du discours communiste autour de la position école de classe et l’abandon de la revendication d’école rationnelle et humaine en régime capitaliste, n’empêchent pas de brusques tournants. Entre 1928 et 1932, les communistes dénoncent l’école laïque bourgeoise comme « un auxiliaire du capitalisme ». En 1932, tout en dénonçant le caractère de classe de l’enseignement bourgeois, l’accent est mis sur la nécessaire démocratisation de l’institution scolaire. Il s’agit donc dans ce mémoire de répondre aux raisons qui permirent ces grands tournants. Enfin, cette étude s’interroge sur différents domaines d’interventions communistes sur l’enseignement et l’école primaire : gestions municipales, éducation prolétarienne, groupes d’enfants.

BOISSARD Emmanuel, Biographie collective des anarchistes, 1871-1914, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 135 p. + annexes

À partir du Dictionnaire Biographique du Mouvement Ouvrier (1879-1914) de Jean Maitron, on a relevé 777 anarchistes dont on a établi la biographie collective à l’aide, notamment, de l’instrument informatique. Voici comment se présente le corpus.

Le lieu de naissance de ces libertaires est sans grande surprise. La majorité des « anars » est issue de la France de l’Est, celle de l’industrialisation. Par ailleurs, deux grandes villes dominent : Lyon et Paris, chacune correspondant à une époque spécifique. On remarque, en effet, que la région lyonnaise est caractérisée par la présence de compagnons adultes, alors que les moins de trente ans sont d’abord parisiens.

La composition démographique du corpus révèle un certain équilibre puisque l’on compte environ un tiers d’adultes, un tiers de jeunes et un huitième d’anciens (un cinquième des biographies n’indiquant pas la date de naissance). L’âge a une incidence sur le comportement des compagnons : si l’univers professionnel des adultes de résume essentiellement à l’industrie en général et aux métiers du textile en particulier, les jeunes anarchistes se dispersent plus volontiers dans de nouveaux métiers industriels, voire dans le secteur tertiaire. L’incidence est encore nette pour leur attitude vis-à-vis du mouvement ouvrier et du syndicalisme : les adultes militent dans l’anarchie, mais montrent peu d’intérêt pour les organisations ouvrières, alors que leurs successeurs prennent des responsabilités dans le mouvement et se syndicalisent plus facilement.          

L’approche professionnelle du corpus fut délicate en raison de l’extrême variété des situations. On constate que le mouvement anarchiste est lié au monde ouvrier, l’essentiel des libertaires travaillant dans l’industrie. Il est significatif que les quatre métiers phares des anarchistes engagés soient le textile, la métallurgie, les travaux publics et le bois. Cependant le mouvement recrute de façon plus large ; il est possible de trouver des anarchistes de profession libérale ! Quant aux paysans libertaires, ils ne sont que neuf. S’il est malaisé de discerner l’influence de la profession sur la position des compagnons (militant ou responsable ?), en revanche cette influence est certaine pour l’attitude face au syndicalisme : les anarchistes syndicalisés travaillent dans l’industrie, ce qui est parfaitement logique.

La dernière étude porte sur l’anarchisme et le syndicalisme. Alors qu’on trouve deux militants pour un responsable dans l’anarchisme, la proportion est inverse dans le syndicalisme : un militant pour deux responsables. La relation que l’anarchisme entretient avec le syndicalisme est complexe peut-être parce qu’elle est réduite. Il n’y a que 39 % de compagnons qui sont syndicalisés, et ces 39 % pour la plupart ne sont pas de véritables anarchistes, mais des assimilés ; c’est-à-dire la limite de l’entrisme des compagnons dans les syndicats.

L’ultime question au terme de cette analyse est de savoir si les caractères dégagés à propos de ces 777 anarchistes sont valables pour l’ensemble du mouvement libertaire français. À défaut de réponse nette, on peut postuler, malgré des distorsions, que l’image donnée est en grande partie fidèle.

BOIVIN-LORQUET Anne, HENRIET Sylvie, L’enseignement primaire à Saint-Denis, de 1945 à 1959, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 323 p.

Cette étude propose d’établir les caractéristiques de la politique menée en faveur de l’enseignement primaire dans une ville ouvrière de banlieue dirigée par une équipe communiste. À Saint-Denis, l’équipe municipale construite par Auguste Gillot s’installe dès 1945.

Notre approche première, purement sociologique, dut, face aux sources disponibles hétéroclites (imprimés, budgets, délibérations du Conseil municipal…), s’ouvrir sur d’autres options.

Deux grands thèmes dégagés, l’urbanisme et le budget constituent les deux premières parties de notre travail. De 1945 à 1959, la rénovation d’anciens bâtiments scolaires et des constructions nouvelles permettent de dessiner un nouveau paysage scolaire. Ce résultat intervient dans le cadre d’une politique générale indissociable des questions budgétaires. Aussi l’étude du budget municipal contribue à déterminer les choix d’investissement et de fonctionnement, donc la place de l’enseignement primaire dans cette politique.

À l’issue de ces deux parties, nous pouvons donc analyser l’application des principaux points des programmes électoraux à travers l’évolution des effectifs, les relations entre enseignants et élus. Nous concluons par l’étude d’autres grands axes politiques telle la défense de la laïcité et des éléments plus originaux comme les fêtes de Noël.

BOUCHERET Marianne, La diplomatie française et le syndicalisme international à travers les archives du Quai d’Orsay. 1945-1949, Maîtrise [Jean-Louis Robert], septembre 1991, 194 p.

Parti d’une interrogation sur les rapports entre la sphère étatique et le domaine d’intervention du syndicalisme, ce mémoire s’attache à mettre en lumière l’existence et l’évolution des relations entre la diplomatie française et la jeune Fédération Syndicale Mondiale. Il s’appuie sur l’exploitation d’archives du Quai d’Orsay couvrant la période 1945-1949 et permet de montrer l’originalité de la coopération mise en place, notamment dans le cadre de l’ONU, et sur la question allemande, clef des relations internationales de la période. Mais cette étude met aussi en évidence la fragilité des liens établis, lesquels étaient bénéficiaires pour un temps de l’ambiance particulière au lendemain de la victoire contre le nazisme, mais tributaires des modifications de la stratégie de la France en matière de politique extérieure. L’analyse de la perception par le Quai d’Orsay d’une part des évolutions affectant les relations internationales et d’autre part de leurs répercussions sur le syndicalisme explicite la désagrégation des relations entre diplomates français et dirigeants de la FSM, désagrégation particulièrement visible en Allemagne. Néanmoins, il apparaît que si la contradiction des intérêts entre les deux parties devenait de plus en plus flagrante, cela se traduisit dans les limites chronologiques de cette étude par une distanciation plutôt que par une rupture brutale.

BREDOUX Cécile, La Réaction du mouvement socialiste à la loi du 26 juin 1889 sur la nationalité : les guesdistes, les possibilistes et les blanquistes, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991

La loi du-26 juin 1889 sur la nationalité s’inscrit directement dans le débat de l’époque sur la présence des étrangers. Dans cette étude, nous avons tracé les traits de l’immigration dans la deuxième moitié du XIXe siècle afin de comprendre l’hostilité ouvrière envers les étrangers. Puis, nous avons décrit le débat national sur les immigrés et la loi du 26 juin. Cette dernière est apparue libérale, car elle permettait l’accès à la nationalité française à un grand nombre d’étrangers.

Alors, quelle va être la position des socialistes internationalistes dans le débat général sur les étrangers connaissant l’hostilité ouvrière. Et vont-ils s’intéresser à la naturalisation ?

Ces trois familles politiques ont adopté un discours et une action proprement socialistes. Ce sujet fut l’occasion d’attaquer la classe capitaliste et de développer leur internationalisme. À propos de la concurrence étrangère sur le marché de l’emploi, ils revendiquent des solutions non discriminatoires pour les immigrés. Les socialistes se révèlent être d’ardents défenseurs d’une naturalisation facilitée. Elle leur apparaît comme une solution au problème étranger. Dans un esprit républicain, ils fondent le titre de citoyen à l’appartenance à la vie de la nation. Leur inspiration est aussi idéologique. Le but est de faire de nouveaux Français pour la révolution internationale.

La crise économique sociale et idéologique des dernières décennies du siècle entraîne les socialistes vers des prises de position plus hostiles aux étrangers, et en contradiction avec leur doctrine.

CALIXTE Béatrice, Le travail à domicile en France et au début du XXe siècle, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 268 p.

Dans cette étude, nous avons tenté de déterminer la place que prenait le travail à domicile au début du XXe siècle par rapport au travail en atelier de plus en plus représenté dans la majorité des industries (les petites y compris). Pour y parvenir, nous nous sommes presque essentiellement appuyés sur les industries de la fleur artificielle et de la chaussure, qui sont respectivement représentatives de la main-d’œuvre en chambre féminine et masculine.

Face à une vague persistante de progrès dans les techniques de production, le travail à domicile accroît son recul vis-à-vis du travail d’atelier par un recours encore assez systématique au travail manuel et artisanal. Par ailleurs, au niveau du progrès social, ce mode de production se trouve en marge puisqu’il n’est protégé par aucune législation du travail, et fait rarement appel au syndicat pour sa défense. Enfin, de plus en plus touchés par le chômage et les bas salaires, les travailleurs en chambre connaissent fréquemment la misère et la maladie. La principale conséquence de tous ces facteurs est donc la décadence progressive du travail à domicile : elle s’amorce au début du XXe siècle et se traduit par de mauvaises conditions de travail et de vie pour la plupart des membres de cette catégorie ouvrière.

CONEIM Françoise, Le Parti communiste français et les classes moyennes : 1958-1969, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 140 p.

L’espace social est organisé par le PCF de manière bipolaire, suivant le critère marxiste de définition des classes sociales (place des agents dans la production). Certaines catégories de travailleurs intellectuels sont intégrées à la classe ouvrière (ingénieurs et techniciens de fabrication). Les classes moyennes ne viennent pas compliquer ce schéma bipolaire de la société, elles sont analysées comme des couches flottantes, intermédiaires entre les deux classes fondamentales et soumises aux effets de la polarisation sociale.

Le PCF analyse dans un deuxième type d’articles la situation concrète des travailleurs appartenant aux diverses catégories de classes moyennes.

Petits paysans et commerçants sont défendus par le PCF. Ils sont analysés par celui-ci dans le cadre général de l’évolution du capitalisme au stage du « capitalisme monopoliste d’État », caractérisé par l’alliance des monopoles et de l’État. La politique de l’État est vivement critiquée, ainsi que les effets de la concentration sur ces deux secteurs. Le PCF présente l’alliance avec la classe ouvrière comme la seule issue possible pour ces travailleurs.

Les évolutions du travail intellectuel sont largement prises en compte par le PC. Et celui-ci reconnaît une spécificité au travail intellectuel et parle d’une « catégorie sociale différenciée ». En ce qui concerne les médecins, ils ne constituent pas, d’après le PCF, des alliés privilégiés pour la classe ouvrière, en raison de leur attachement à l’exercice traditionnel de la médecine libérale, mais également en raison de leur fort attachement à leur ancien rôle social.

À travers les évolutions qui touchent le travail de l’ingénieur, le PCF tente de démontrer la communauté d’intérêts qui l’unit avec l’ensemble du monde salarial. L’alliance de la classe ouvrière avec les travailleurs intellectuels se trouve particulièrement après 1968, au centre de la stratégie politique du PCF.

D’un point de vue politique, les classes moyennes représentent pour le PCF un intérêt majeur. Elles se trouvent au cœur même de sa politique d’union avec les partis politiques de gauche, puisque celle-ci se fonde sur la constitution d’une vaste alliance anti-monopoliste regroupant autour de la classe ouvrière toutes les couches non-monopolistes de la population.

CONQ Jean, De la Jeunesse agricole catholique au Mouvement rural de jeunesse chrétienne, 1959-1965 (Histoire de l’évolution d’un mouvement d’action catholique en milieu rural), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 148 p. + 65 p. d’annexes

Dans l’histoire d’une organisation, il est toujours intéressant de s’arrêter aux périodes de mutation. Pour la Jeunesse agricole catholique, née en 1929, jusqu’à présent tous les chercheurs, ou presque, se sont contentés d’étudier les trente premières années.

Il s’agit de voir comment, en changeant de sigle et en devenant mixte ce mouvement de jeunes ruraux sut relever les défis qui se présentaient à lui. Ce travail été surtout réalisé à partir de documents d’archives conservés au siège national du MRJC.

Les années soixante, c’est le début de la Ve République, le Marché commun, la décolonisation, le Concile Vatican II. Et c’est aussi l’avènement du phénomène jeunesse suite au baby-boom d’après-guerre, amplifié par le prolongement de la scolarité : un Français sur trois a moins de vingt ans. Or c’est à ce jeune public, en milieu rural, que la JAC/JACF s’adresse.

Pour bien signifier qu’ils sont ouverts à tous les jeunes ruraux les deux mouvements vont d’abord changer de structures et de sigles : la JAC devient Mouvement rural des Jeunes Catholique en 1961, tandis que la JACF s’appellera Mouvement rural de Jeunesse chrétienne féminine deux ans plus tard. Ainsi les ouvriers, les artisans commerçants, les travailleurs du secteur sanitaire et social trouveront-ils une place qui leur est propre dans cette organisation de Jeunesse presque exclusivement agricole jusque ­là.

Dans le même temps, avec la JEC et la Bonne presse, la JAC/JACF crée une presse propre à cette Jeunesse : Rallye Jeunesse. Mais cette initiative intéressante sera reprise par un groupe financier et les mouvements ne seront pas de taille à lutter contre un tel empire.

En s’ouvrant à d’autres catégories sociales, l’ancien mouvement agricole veut prendre en compte la mixité, changer de moyens pédagogiques et de type d’action. Il souhaite qu’une place lui soit reconnue dans la société et dans l’Église. Le MRJC et le MRJCF deviendront une seule organisation en 1965. Mais les principaux acteurs de cette évolution se verront dans l’obligation de démissionner à cause de l’opposition manifestée par la hiérarchie catholique. On pourrait parler d’échec si, deux ans plus tard, n’était pas née une nouvelle charte pour ce mouvement mixte dont le contenu se situe en droite ligne de la pensée des démissionnaires.

DECOMPS Claire, Les sujets de français aux examens, Baccalauréat, Brevet supérieur et diplôme de fin d’études des Lycées de jeunes filles, de 1881 à 1925, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 2 vol., 221 p. + 95 p. d’annexes

Cette étude aborde d’un point de vue comparatif l’évolution des sujets de composition française proposés sur une quarantaine d’années à des élèves d’une même classe d’âge, mais de sexe ou de milieu social différents. Les trois examens couronnant des cursus rigoureusement parallèles peuvent être définis selon trois grandes articulations : primaire/secondaire, classique/moderne, masculin/féminin. La période étudiée voit l’émergence du français en tant que discipline scolaire, c’est en effet en 1881 que la composition française fait son apparition dans le champ des pratiques scolaires. Jusqu’à cette date, les langues anciennes constituaient seules le fond des « humanités classiques » dispensées dans les lycées, tandis que les apprentissages élémentaires de la lecture et de l’écriture constituaient toute l’instruction primaire.

Dans une première partie, nous avons rappelé le contexte dans lequel étaient conçus les sujets en examinant la finalité de chaque examen et en précisant au moyen des textes officiels la nature et l’organisation des épreuves.

Dans une seconde, plus spécifiquement pédagogique, nous nous sommes interrogés d’un point de vue strictement formel sur la nature des exercices proposés afin de cerner les facultés mentales sollicitées. Nous avons observé le recul et la mutation rhétorique des exercices de types traditionnels (description ou discours), étudié l’affirmation de la dissertation comme exercice fondamental et insisté sur la genèse exemplaire du commentaire de texte. Nous avons rencontré un certain décalage entre le baccalauréat classique s’efforçant de plier la composition française aux canons de la rhétorique traditionnelle, et les deux autres examens expérimentant de nouvelles formes d’écriture scolaire.

Dans un troisième temps, nous nous sommes intéressés à la portée idéologique des énoncés en étudiant cette fois leur contenu. Le français est alors une discipline qui se cherche, et se conçoit un peu comme la synthèse des différents savoirs véhiculés par l’École. Après avoir mesuré la part exacte de la littérature et mis en évidence l’impact idéologique de la formulation des énoncés, nous nous sommes penchées sur quelques aspects du discours : la valeur édifiante et initiatique des sujets ainsi que leur portée civique et patriotique. Les sujets d’examen semblent refléter un idéal d’ordre social et une morale d’énergie au service de la nation, avec quelques nuances selon la destination sociale promise au candidat.

Les antagonismes entre les différents modèles s’estompent au fil des années, car le brevet supérieur et le diplôme de fin d’études se modèlent de plus en plus sur leur prestigieux aîné. Mais le baccalauréat ne joue pas un rôle moteur, loin s’en faut ! Il reste tourné sur son passé et semble plus subir qu’accepter les mutations profondes de la société. C’est donc l’enseignement primaire supérieur et l’enseignement secondaire moderne qui servent de laboratoires aux expériences pédagogiques, renouvelant plus profondément l’approche de la discipline.

DUSSAC Vincent, La Vie politique à Croissy-sur-Seine : 1871-1939, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 168 p.

Le choix de la monographie communale permet une approche plus fine de la réalité politique, celle vécue quotidiennement par la population.

Située à une quinzaine de kilomètres à l’ouest de Paris, Croissy-sur-Seine était, au cours de la IIIe République, à la recherche d’une nouvelle identité. L’extension de la banlieue parisienne, avec l’urbanisation qui l’accompagnait, obligeait toutes les localités à se redéfinir par rapport à elle.

Simple village maraîcher en 1870, attirant sur son territoire des résidences bourgeoises, Croissy est devenue à la veille de la guerre de 1939 une ville de trois mille habitants. Alors que ses voisines s’intégraient peu à peu, sans frein à la sphère d’influence de la Banlieue, Croissy conserva sa tradition maraîchère grâce à un groupe de cultivateurs organisés, qui sut la défendre.

À travers cette étude, on est porté à cette limite du monde rural et du monde urbain où s’affrontent les tendances antagonistes, qui finalement mènent invariablement au recul du premier, lié au passé, au profit du second, figure l’avenir. L’expression de cette lutte apparaît comme l’une des composantes essentielles de l’histoire de Croissy.

FAVRY Olivier, La Mobilisation contre les accords Blum-Byrnes et la crise du cinéma français : 1946-1953, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 198 p. + annexes

L’étude de ce mémoire, a pour objet la mobilisation des professionnels du cinéma soutenus par les communistes, à la suite des accords Blum-Bymes signés le 28 mai 1946 qui ont permis l’entrée en masse des films américains en France. Nous nous sommes efforcés de retracer les étapes de huit années de combat syndical, de 1946 à 1953, car c’est durant cette période que le cinéma français a été le plus souvent menacé, victime d’une crise qui s’est avérée profonde et durable, par le cinéma américain en quête de débouchés.

Les accords Blum-Byrnes ont été le catalyseur de cette crise c’est pourquoi les professionnels du cinéma français les ont combattus.

Nous avons tenté de restituer l’atmosphère de cette époque, celle des premières années d’après-guerre, où sur fond de guerre froide, l’opposition unie des professionnels, des communistes et d’une partie du public, s’est mobilisée contre des accords diplomatiques (accords de Washington en 1946, accords de Paris en 1948) et contre les décisions gouvernementales qui ne satisfaisaient pas les intérêts de la corporation cinématographique française. La campagne de mobilisation, animée par la presse communiste et par deux acteurs sociaux, la Fédération nationale du Spectacle CGT et le Comité de Défense du Cinéma français, révèle l’ampleur des enjeux économiques, sociaux et culturels, à une époque où la prééminence du cinéma américain inquiétait toutes les industries cinématographiques européennes.

FILLIATRE Isabelle, Le débat UDF-RPR sur l’information audiovisuelle (point d’appui : la Commission d’enquête parlementaire sur les conditions de l’information publique mars-septembre 1979), Maîtrise [Jean-Noël Jeanneney, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 261 p.

Le 15 mars 1979, est créée, au cours d’une session extraordinaire de l’Assemblée nationale, une Commission d’enquête parlementaire. Son objet : vérifier si la liberté dans les médias, sous le septennat giscardien, est respectée. Demandée à l’initiative du groupe RPR, pourtant parti de la majorité, cette Commission est une véritable cabale contre l’UDF et encor plus contre le Président de la République : Valéry Giscard d’Estaing. Elle est en effet dès I’origine un instrument de règlement de compte intra-majoritaire. Il s’agit pour le RPR, relégué au rang de simple soutien parlementaire, de faire valoir que la télévision et la radio de 1979 sont moins libres que celle de l’époque de De Gaulle.

Ce mémoire propose ainsi d’étudier la situation de l’audiovisuel durant la période 1974-1981 et d’analyser si réellement il y a eu une mainmise de l’UDF sur les ondes et les écrans. J’ai pour cela — grâce aux travaux de la Commission d’enquête, aux archives personnelles de Monsieur Claude Martin, député RPR, grâce à des témoignages écrits et oraux et enfin grâce à la presse quotidienne de la période et à des revues — tenté de voir si le discours libéral du nouveau Président de la République, tenu au lendemain de son élection, s’appliquait aussi bien dans la théorie que dans la pratique. Ce travail passe donc en revue la réforme du 7 août 1974 sur l’audiovisuel, le système de nominations dans les Sociétés nationales de Programmes et s’interroge sur leur réelle autonomie, sur la liberté des journalistes et sur l’existence d’une stratégie médiatique giscardienne anti-gaulliste. Il propose aussi d’étudier l’intérêt que porte la classe politique tout entière aux médias, la finalité de cette Commission et les causes de son échec, les raisons du climat de tension qui existaient à l’époque entre le RPR et l’UDF et qui devait entraîner la défaite de la droite aux élections présidentielles de 1981.

FERNIOT Sophie, Vacances et loisirs des instituteurs dans l’entre-deux-guerres d’après la presse syndicale, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 260 p. + annexes

Le maître d’école, durant l’entre-deux-guerres (1919-1939), apparaît comme un personnage hors du commun. Sa culture, son mode de vie, et plus encore le temps de liberté dont il dispose avec plus de dix semaines de congé, sont autant de singularités qui suscitent la gêne, parfois la honte chez le maître, l’admiration et l’envie chez ses contemporains. Car l’opinion publique qui le juge communément par les loisirs dont il jouit, l’exclut souvent de l’ensemble des travailleurs.

En réaction à cette opinion négative, le maître multiplie les activités « utiles » hors de la classe. Il enrichit sa pédagogie en lisant, en fréquentant théâtres, cinémas et expositions, en s’initiant à des activités manuelles diverses ; du dessin à l’entretien d’un jardin, en proposant aux élèves de former une troupe théâtrale. L’instituteur encadre les jeunes dans les colonies de vacances, les patronages ou les coopératives scolaires. Les congés syndicaux eux-mêmes sont une pierre supplémentaire à sa mission au service de l’école.

Personnage d’exception, l’instituteur le confirme par le rôle de précurseur qu’il joue au sein de la société française en matière de gestion des loisirs. En 1936, lorsque les Français bénéficient des premiers congés payés, ils marchent sur les traces laissées par le maître d’école profitant de ses découvertes touristiques, fréquentant les lieux qu’il a inaugurés (sports d’hiver, stations balnéaires, sites étrangers). Ils adoptent ses hébergements, de la maison familiale à l’hôtel. Ils profitent de ses inventions ; le guide touristique, le classement des hôtels selon le nombre d’étoiles…

L’instituteur, fort de son expérience des voyages, franchit l’étape décisive et devient lui-même organisateur de loisirs. La création d’un organisme de tourisme propre à offrir des vacances accessibles à tous, « Vacances et Tourisme pour Tous », préfigure les organisations de loisirs, les tour-opérateurs qui abondent de nos jours. Jusqu’aux vacances à thème culturel que le maître d’école avait également inventées durant l’entre-deux-guerres, cinquante ans avant la formidable révolution des loisirs de la fin du vingtième siècle.

FLORA Ekaterini, La Mort de Franco et la transition démocratique en Espagne à travers la presse française, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 196 p. bibliographie+ annexes

Des premiers signes d’affaiblissement du régime franquiste — au début de l’année 1974 — à la tenue des premières élections libres depuis quarante ans — le 15 juin 1977 — l’Espagne se transforme de façon radicale : le pays déchiré par la guerre civile et isolé du monde extérieur à cause de son régime anachronique, l’Espagne accède, en l’espace d’un an et demi, à la démocratie, amorçant sa réconciliation nationale et se tournant vers l’Europe. À travers les commentaires que suscitent dans la presse française les derniers sursauts du franquisme, la mort du plus vieux dictateur en Europe, le démantèlement progressif des institutions totalitaire, sous l’impulsion du Roi Juan Carlos, et le rétablissement des libertés politiques, cette étude s’efforce d’analyser et d’expliquer les raisons historiques, politiques et socio-économiques de la modification de l’image de l’Espagne de ce côté des Pyrénées.

GRAVELEAU Nathalie, Les Cafés comme lieux de sociabilité politique à Paris et en banlieue : 1905-1913, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 164 p. + 24 annexes

Lorsque le mouvement ouvrier se met en place, les organisations politiques ne disposent pas encore de locaux qui leur sont propres. La CGT et la SFIO — fondées respectivement en 1895 et 1905 — utilisent notamment les locaux dans lesquels se retrouvent habituellement les ouvriers, dont les cafés. Tout en ne représentant qu’un phénomène mineur dans la vie politique de la Belle Époque, ils abritent l’essentiel du fonctionnement des organisations, servant même parfois de sièges. Surtout, ils favorisent l’émergence de nouvelles pratiques politiques, issues de la rencontre de deux sociabilités.

L’une, liée au café, privilégie la spontanéité et les distractions, l’autre, politique, préfère une certaine austérité et la réflexion, en vue d’une prise de conscience de la part des militants. Elles s’associent parfois, notamment lors des punchs ou des banquets, mais se heurtent aussi lorsque les organisations sont confrontées au problème de l’alcoolisme ou de la surveillance policière.

L’utilisation du café comme local politique révèle également l’attention accordée par les organisations à la propagande par la parole, ainsi que la pénurie des autres locaux. De plus en plus, cependant, les organisations font appel à des locaux institutionnels de type bourse du Travail, maisons communes ou coopératives, la guerre achevant de précipiter ce mouvement.

L’étude des cafés comme lieux de sociabilité politique à Paris et en banlieue s’inscrit donc au moment où émerge le mouvement ouvrier. Cette utilisation s’explique donc vraisemblablement par les impératifs créés par la nécessité de la propagande pour accroître son influence, les organisations s’installant dans les lieux où se déroule la vie ouvrière, avant que celle-ci ne soit monopolisée par leurs propres institutions.

KOEPPEL Laura, Les réactions américaines à la politique antisémite de Vichy – 1940-1943, Maîtrise [André Kaspi, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 155 p.

L’attitude des Américains face à la politique antisémite de Vichy est analysée essentiellement à partir des archives diplomatiques américaines et des articles du New York Times. L’étude de ces documents fait apparaître clairement la quasi-indifférence du gouvernement américain tant à l’égard de la situation des Juifs sous Vichy, qu’en ce qui concerne la persistance des lois antisémites dans l’Afrique du Nord libérée. Quant à l’opinion publique, telle qu’on peut l’appréhender au travers de la presse et des rapports du Quai d’Orsay, elle semble devenir sensible à ce sujet à partir de l’été 1942.

LANGLINAY Erik, Les Socialistes français et l’Europe : 1971-1979, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 239 p. + annexes

Bien que peu abordées dans les années soixante-dix, les questions européennes, comprises comme intéressant la CEE, constituent l’un des champs privilégiés de la réflexion des socialistes sur la place de la France dans le monde.

Si les prises de position du PS suivent de très près le cours de la vie politique nationale, notons à cet égard trois périodes : de 1971 au Congrès de Bagnolet (décembre 1973), puis de celui-ci aux élections législatives de 1978 et enfin jusqu’aux élections européennes de 1979, un certain nombre de permanences se dégagent.

Les socialistes sont en effet globalement favorables à la relance institutionnelle de l’Europe à partir du moment où elle tend à plus de démocratie. Par contre, ils sont très réticents vis-à-vis de l’intégration économique et monétaire, tandis que très discrets sur la diplomatie et la défense européenne.

Héritier pour partie de la SFIO, le PS en reprend son pragmatisme et un certain vide de réflexion sur les moyens socialistes de construire l’Europe. À une certaine continuité au niveau du personnel dirigeant, il faut opposer l’abandon des appels à la supranationalité et surtout une démystification de l’Europe entendue désormais plus comme un moyen que comme une fin. Cependant, issues de la synthèse ou du compromis, ces options dissimulent trois visions du monde exprimées concurremment.

Il faut distinguer une première sensibilité autour du CERES, mais rejoint ponctuellement par P. Joxe et Cl. Estier, issus de l’aile gauche de la Convention des Institutions Républicaines, qui posent le primat de la Nation en principe fondateur. Renouant avec la tradition jacobine, enrichie d’une analyse teintée de tiers-mondisme et de moralisme, ils sont hostiles à tout abandon de souveraineté nationale.

À l’opposé, nous distinguons un conglomérat d’hommes largement favorables à l’intégration européenne. Issus de l’ancienne SFIO, tels G. Mollet, suivant le cap fixé par M. Rocard ou P. Mauroy ou encore des personnalités indépendantes d’esprit tels A. Savary, E. Pisani et J. Delors, ils pensent l’Europe comme le cadre nécessaire à la modernisation et à la croissance économique et par là même comme une source de stabilité face au communisme. Ils sont de près ou de loin redevables de la pensée exprimée par A. Philip au début des années cinquante.

Essayant de concilier les deux options, se dégage un centre autour de F. Mitterrand. Ayant la ferme conviction que l’Europe est une réalité culturelle, il compte sur les institutions européennes existantes pour modeler les mœurs et vice versa. Il développe une conception pragmatique du socialisme et des relations internationales, recueillant pour beaucoup l’héritage radical et radical-socialiste sur la question.

Notons qu’il existe moins une aile peu intégrationniste, autour du CERES, opposée à une large option intégrationniste que trois visions du monde différentes, les alliances pouvant à tout moment être reformulées sur la base de l’identité de la France dans le monde.

MARCHAND Charlotte, Médecins sans frontières et le tiers-mondisme, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 149 p.

Médecins Sans Frontières est aujourd’hui la première organisation de secours médical d’urgence au monde. En 1985, avec le soutien de ses 400 000 donateurs, l’association envoie 400 membres du corps de Santé dans 35 pays victimes de catastrophes naturelles, de conflits de déplacements de population, ou nécessitant une assistance technique.

Ce mémoire a pour objet de définir les grandes étapes qui ont marqué l’évolution de MSF, depuis sa fondation en 1971 jusqu’à sa reconnaissance d’utilité publique en 1985, en passant par la crise de croissance qui l’a conduite à scissionner en 1979.

Au-delà de cette évolution, du romantisme des origines à un plus grand souci d’efficacité technique, l’intérêt de cette étude réside dans l’analyse du rôle particulier qu’a pu jouer l’association dans l’aide humanitaire apportée au Tiers-Monde.

Par ses témoignages et ses interventions clandestines, MSF témoigne d’une conception « plus agressive » de l’aide humanitaire, revendiquant le droit d’accéder aux populations et de délivrer librement son assistance.

MOINE Philippe, La Palestine juive dans les témoignages français, 1919-1939, Maîtrise [André Kaspi, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 236 p.

Entre 1919 et 1939, plus de 400 000 Juifs issus principalement d’Europe centrale affluent en Palestine, alors placée sous mandat britannique, afin de donner corps au jeune Foyer National Juif garanti par la Déclaration Balfour de 1917. Durant ces deux décennies, il ne manque pas de témoins français pour apprécier sur place le développement de l’entreprise sioniste : au corps des diplomates et officiers en poste au Levant s’ajoute un cortège ininterrompu de voyageurs — journalistes, écrivains, historiens, religieux, personnalités diverses — attirés en Palestine par la renommée croissante de la colonisation juive, ou encore par le vieux prestige de la Terre sainte. Malgré leur grande diversité idéologique et confessionnelle, tous donnent de la Palestine juive l’image d’une communauté nationale en formation, unanime à promouvoir les valeurs du sol palestinien, de la langue et de la culture hébraïques, et même de la « race » juive régénérée par le travail de la terre. Face à l’émergence d’une véritable partie juive, où la religion est mise au service des objectifs nationaux, ce n’est pas seulement l’image du ghetto qui est balayée, c’est aussi le modèle du Français israélite qui est profondément remis en cause.

OFFENSTADT Nicolas, Histoire de la Ligue internationale des combattants de la poix (UCP), 1931-1939, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 336 p.

La Ligue internationale des Combattants de la Paix n’avait jusqu’ici que peu intéressé les historiens, ce qui conduisait ceux qui l’évoquaient incidemment à l’imprécision ou à l’erreur. Pendant presque dix ans (1931-1939), pourtant, elle est restée un des pôles stables du militantisme pacifiste, représentant sa version intégrale.

Nous avons porté un double regard sur son histoire d’une part en traçant un « portrait de groupe des Combattants de la Paix » sur l’ensemble de la période et d’autre part en présentant la Ligue affrontant les épreuves des années trente.

Au terme de cette étude, il fallait s’interroger sur l’échec de la LICP à prendre un véritable essor alors que le pacifisme semble largement répandu dans la France de l’entre-deux-guerres. Elle disposait en effet d’atouts incontestables : soutien de personnalités notoires, implantation au sein de fractions de forces politiques plus importantes qu’elle (SAO ou SNI), militants actifs et dévoués, relais régionaux (comme certaines municipalités)…

Si la nature absolue de son pacifisme explique en partie cet échec, on doit surtout souligner le rôle des incessantes querelles internes, facteurs essentiels d’affaiblissement ou de stagnation. Il est vrai également qu’à plusieurs reprises (1936, 1938) l’impression d’une gestion gouvernementale d’orientation pacifiste a pu éloigner de l’action militante.

Si bon nombre de leaders de la LICP se sont engagés dans la « collaboration de gauche », le courant qu’elle a incarné n’en a pas moins survécu à son échec.

OLIVERA Philippe, Louis Aragon entre littérature et politique : ses articles dans les Lettres Françaises de 1960 à 1972, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 154 p.

Cette étude cherche à saisir la position d’Aragon à la charnière entre littérature et politique. À la fois « grand écrivain » et personnalité politique éminente du PCF, Aragon refuse de sacrifier un pan de son activité à l’autre. Or, à la différence des années cinquante pendant lesquelles il pouvait les exercer toutes deux au sein du PC et du monde communiste en général, les années soixante se marquent par l’abandon progressif de l’idée de construire une véritable contre-culture communiste : dès lors concilier ses activités politiques et littéraires fait problème. Sans pour autant renoncer à exercer un rôle politique important au sein du PCF, Aragon doit retrouver dans les années soixante la faveur et l’audience du champ culturel. Ce processus se déroule depuis le succès public de la Semaine sainte en 1958 jusqu’à la consécration de l’élection à l’Académie Goncourt en 1967, pour s’interrompre avec les grandes fractures de l’année 1968.

Les Lettres Françaises sont un lieu d’observation privilégié pour appréhender l’évolution de la position d’Aragon : d’abord parce qu’il y est chez lui, dans son journal ; ensuite parce que les textes qu’il y publie représentent près des deux tiers de sa production « journalistique » pendant ces années ; enfin et peut-être surtout parce que Les Lettres Françaises elles-mêmes, à l’image de leur directeur, se trouvent à la charnière des deux espaces politique et culturel. L’étude du corpus constitué par l’ensemble des textes, articles et autres contributions d’Aragon dans les Lettres entre 1960 et 1972 illustre les difficultés qui découlent de la nécessité d’un double langage visant à la fois le champ culturel et l’intérieur du parti communiste. On y voit Aragon réussir très progressivement à séparer ses deux discours, en « déstalinisant » d’abord la littérature à travers la notion de « réalisme » (1960-1964), la dépolitisant ensuite grâce au renvoi des anciennes polémiques dans le passé (1964-1965), pour enfin réussir à séparer clairement littérature et politique et retrouver pleine et entière légitimité dans le champ culturel (1966-1968).

L’échec final de ses efforts en 1968 met en lumière la précarité de cet équilibre entre littérature et politique. À travers le cas très particulier d’Aragon, c’est la très forte revendication d’autonomie du champ culturel qui apparaît, peut-être plus encore que dans le cas plus classique des intellectuels ou des écrivains « engagés ».

PIERONNE Marie F., Les Premiers centres de vacances à Ivry-sur-Seine : 1925-1949, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 114 p.

Créées en 1926, l’Œuvre de Vacances Populaire et Enfantine doit assurer la gestion directe d’un centre de vacances mis en place par la municipalité communiste d’Ivry-sur-Seine élue en 1925. Réalisation à vocation sociale, cette colonie des Mathes (Charente-Maritime) atteint vite son objectif expansionniste, regroupant en 1948 un quart de la population scolaire. C’est grâce à une organisation minutieuse, rappelant la gestion municipale de G. Marrane, que la colonie dépasse ensuite sa vocation sociale et hygiéniste. Elle devient un laboratoire vivant, un champ d’expérimentation pour la recherche pédagogique tâtonnante.

D’autre part, la vocation éducative de la colonie est affirmée, dès 1926, comme un droit et un devoir des élus.

Toutes ces caractéristiques concourent à faire de la colonie, une vitrine de la gestion municipale, pour les administrés comme pour les militants. Fierté des habitants d’Ivry, qui la célèbrent lors de la kermesse, elle devient un modèle à suivre sur le plan national. Citée comme exemple, elle est un fleuron de la gestion municipale que les dirigeants utilisent comme illustration de la justesse de leur politique.

PIETERARENS Vincent, La réinsertion des déportés politiques français (1945-1950), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 190 p.

Dans les premiers mois de 1945, alors que se précise la défaite des armées allemandes. La France doit faire face au retour de près de trois millions de ses citoyens détenus en Allemague et libérés par les Alliés.

Parmi eux, les déportés politiques ont connu dans les camps de concentration nazis les conditions d’exil les plus effroyables. Sur un effectif évalué à 150 000, ils ne sont revenus que 35 000, et dans un état de délabrement physique et psychique considérable. Après les efforts entrepris pour leur rapatriement, les déportés pouvaient espérer voir la fin de leurs souffrances.

En fait, le retour des camps n’a été que le début d’une difficile réinsertion. Dans une France libérée plusieurs mois avant eux et qui méconnaissait leur sort en Allemagne, il leur a fallu lutter contre des séquelles physiques tenaces, contre l’oubli et l’incompréhension pour reprendre leur place et redevenir des citoyens à part entière. À l’orée des années 1950, ce processus demeure inachevé et certains problèmes continuent de se poser encore de nos jours.

RETAIL Michel, L’Image de l’enfance et de la jeunesse populaires dans la presse : 1914-1915, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 266 p.

À travers l’étude de quatorze quotidiens de tous horizons, nous avons tenté de percevoir et de décrire l’image de l’enfance et de la jeunesse dispensée un peu avant et pendant la Première Guerre mondiale.

D’un point de vue général, les inquiétudes de la presse — que l’on peut interpréter comme un reflet des inquiétudes de la société — se concentrent sur l’enfance populaire dont la destinée échappe à un contrôle total. Par exemple, nous observons — avant que le conflit n’éclate — une polarisation sur l’adolescence délinquante, en particulier dans la presse à sensation.

Plus largement, la question de l’avenir des enfants et des jeunes du pays suscite de nombreux débats. Sur l’éducation, les clivages sont marqués entre les orientations socialistes d’une part, cléricalistes et nationalistes d’autre part. Apprentissage, militantisme, colonies de vacances… sont quelques-unes des occupations proposées pour la jeunesse. Enfin, l’importance de l’enfant dans la famille est de plus en plus reconnue.

La guerre — le nivellement politique et le patriotisme ostentatoire de la presse aidant — a deux incidences majeures sur l’image de l’enfance et de la jeunesse.

En premier lieu, la production d’un nombre considérable d’articles et de dessins sur l’enfance héroïque qui reflète bien la tonalité des journaux de guerre de cette époque (la presse de gauche se démarquant relativement), en second lieu l’atténuation des clivages politiques. On n’évoque presque plus la délinquance juvénile, le thème est remplacé par celui de l’oisiveté, il faut en effet occulter les aspects négatifs de la jeunesse.

La guerre, avec l’absence du père soldat, repose le problème de l’enfant dans la société et dans sa famille : secours aux mères, familles brisées, rentrée des classes retardée…

Enfin, à partir de mars 1915, nous avons perçu d’autres inflexions qui peuvent se comprendre par l’installation de la population dans la guerre. L’héroïsme des enfants est modéré, on parle davantage de l’enfance sacrifiée, certains thèmes d’avant-guerre reviennent et avec eux la confrontation encore feutrée des perspectives et des jugements.

ROSSIGNOL Catherine, La crise du Mouvement rural et de jeunesse chrétienne (MRJC) : 1969-1974, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991

Les répercussions de Mai 1968 vues sous un angle inhabituel : c’est en effet à travers la crise du Mouvement rural de jeunesse chrétienne que nous les abordons dans ce mémoire. Où se situe donc cette crise du MRJC vécue en 1972 ? Précisément au carrefour des quatre éléments constitutifs de son sigle : le monde rural, l’Église catholique, le mouvement et la jeunesse.

La jeunesse, nombreuse, scolarisée, commence à s’affirmer en tant que telle en s’opposant aux références adultes. Dans le même ordre d’idées, les organisations de jeunes, en se rebellant contre les structures dont elles sont issues, témoignent à leur manière de la crise d’un modèle de militantisme.

Cette caractéristique prend un tour particulier au MRJC : en adoptant l’analyse marxiste, le Mouvement entre en conflit avec la hiérarchie de l’Église, jusqu’à frôler la rupture. Tout ceci dans un contexte post-conciliaire de sécularisation. La crise qui traverse l’Église catholique est le troisième volet des mutations qui ébranlent le MRJC.

Enfin le dernier, et non le moindre, concerne la disparition des agriculteurs qui transforme profondément la vie rurale.

Toutes ces remises en cause explosent dans le MRJC qui traverse au milieu des années 1970 une période des plus déstabilisantes.

Loin de le faire sombrer, cette crise a engendré le MRJC sous sa forme actuelle.

SCHOR Paul, A qui parle l’Humanité : Les acteurs sociaux à la une de l’Humanité, du Congrès de Tours à la bolchévisation1921-1926, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 2 vol. 362 p. + annexes

Le corpus étudié est articulé en deux étages.

Le premier étage est composé par les articles de première page de L’Humanité s’adressant explicitement à des groupes constitués par le titre comme interlocuteurs (les acteurs sociaux), tels que le « « peuple de France », le « prolétariat », les « masses travailleuses du Cartel ». 232 articles ont été retenus selon ces critères du début de l’année 1921 à la fin de l’année 1926.

Le deuxième étage est composé de 38 articles provenant du premier ensemble. Ces 38 articles comptent au minimum 350 mots et portent la signature officielle du Parti communiste (on a inclus 2 articles d’organisations relais). On a soumis le texte complet de ces articles à un traitement statistique à l’aide d’un logiciel de lexicologie inspiré des méthodes du laboratoire de Saint-Cloud (le logiciel PISTES).

L’étude combinée des deux ensembles a permis de voir que si un discours nouveau, plus communiste », remplace progressivement celui qui prévaut encore en 1921 et même 1922, après la rupture politique de Tours, cela se fait par à-coups.

Les deux temps forts sont les deux campagnes de propagande internationaliste de 1923 (occupation de la Ruhr) et 1925 (guerre du Rif). La tribune qu’est L’Humanité est alors un moyen, mais aussi un enjeu. Ce discours nouveau n’est pas assumé pleinement par le Parti communiste, d’où les retours en arrière qui se manifestent par le réemploi d’interlocuteurs généraux et classiques (« les travailleurs de France ») par opposition aux adresses plu hardies (les soldats, les travailleurs étrangers). Les hardiesses dans les titres sont liées à l’apparition de locuteurs intermédiaires (les multiples Comités d’Action).

Le second fait marquant est l’importance dans la production de l’identité communiste, par le discours, de la référence aux socialistes, qu’elle soit positive (les « travailleurs socialistes », interlocuteurs) ou négative (les « chefs socialistes », repoussoir).

SUTOUR Alain, Histoire des transports en commun en banlieue parisienne : l’emprise du dépôt de tramways du Raincy, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 197 p. + 90 p. annexes

Ce mémoire envisage l’histoire d’un dépôt de tramways sous deux angles : d’une part dans ses rapports à l’entreprise dont il dépend, et d’autre part en ce qui concerne l’emprise qu’il exerce sur son territoire proche. Ce qui permet de replacer ce dépôt, et les lignes qui en dépendent, tout à la fois dans l’histoire des transports en commun et dans celle de la région parisienne (en particulier sa banlieue).

Par ailleurs, les techniques à l’œuvre dans l’entreprise ou la dimension sociale du dépôt ne sont pas ignorées. Ainsi, les rapports sociaux à l’intérieur de l’entreprise et ceux des employés à leur travail sont pris en compte. Tout comme l’est Ia représentation qu’ont les usagers et les élus locaux du service rendu par le dépôt du Raincy.

L’étude débute avec l’apparition des transports en commun de masse, chemins de fer puis tramways, au milieu et à la fin du XIXe siècle et s’achève avec la disparition de la dernière ligne de tramway en 1938. Dans le même temps, le territoire du dépôt du Raicy connaît des transformations fondamentales. En particulier, entre les deux guerres mondiales avec le développement considérable des lotissements pavillonnaires sur ces communes situées aux confins de la Seine et de la Seine-et-Oise. Cette dernière période est privilégiée pour démontrer le rôle que peut jouer un tel dépôt dans le développement du territoire qui l’environne.

VIBIEN Renaud, Le débat d’idée, au sein du personnel de l’usine de Saint-Cloud des AMDIBA, au sujet de la nationalisation du groupe en 1981-1982, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 271 p.

Partant de l’étude systématique des tracts de toutes natures diffusés de 1980 à 1983 à l’usine Dassault de Saint-Cloud, ce mémoire cherche à faire revivre le débat qui eut lieu au sein du personnel concernant la nationalisation de leur entreprise. Il dessine le cadre politique, économique, industriel et organisationnel qui conditionne le débat et retrace l’évolution de celui-ci dans le temps. Ce mémoire expose et analyse le discours tenu par les différentes organisations sur les grands thèmes de ce débat : l’opportunité de la nationalisation, l’avenir de l’entreprise comme ensemble social, les modalités de la nationalisation, son impact sur les divers aspects économiques et sociaux de la vie de l’entreprise et la question de l’indemnisation du propriétaire. Il analyse les relations que les différentes organisations ont entre elles et avec la Direction à l’occasion de ce débat. Ce mémoire utilise les archives privées des syndicats CGT de Dassault Saint-Cloud. Il comporte un catalogue détaillé du corpus de tracts des années 1981 et 1982 où chacun des autres cent quarante-trois tracts de cette période est résumé. Dix-sept documents particulièrement significatifs des positions de leurs auteurs sont reproduits.

VIGUIE Franck, Rambouillet sous l’occupation : 1940-1944, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 197 p. + XXVII annexes

Cette petite localité bourgeoise fut réputée pour son cadre serein et de villégiature, permettant ainsi la prospérité des activités commerciales et touristiques de la ville. Mais l’Occupation n’épargna pas la population rambolitaine des vicissitudes d’une existence matérielle plus délicate qu’elle dut affronter. Divers indices témoignent des bouleversements engendrés par les restrictions quotidiennes qui accentuèrent l’effondrement moral de la population et des troubles sociologiques. Ces difficultés se ressentent dans l’évolution démographique de la commune, dont seul le solde migratoire, resté excédentaire, estompe un déficit naturel.

La crise du ravitaillement surgit inéluctablement et elle ne dissimule point les craintes et frustrations ressenties par la communauté rambolitaine. Elle avait la possibilité de recourir à un ensemble de réseaux parallèles d’approvisionnement, mais la population ne bénéficia pas ou peu de son environnement agricole et forestier afin de subsister.

Les élus locaux, soucieux de préserver l’ordre, accueillirent favorablement la politique intérieure du gouvernement de Vichy, car elle satisfaisait leur conception de la société et répondait aux enjeux économiques et politiques de la municipalité. Elle favorisa l’éducation et la formation de la jeunesse, puis soutint la politique de solidarité nationale déployée par le Maréchal Pétain. Mais elle ne sut mobiliser durablement l’opinion rambolitaine qui se désintéresse progressivement de l’idéologie pétainiste, tout comme elle adopte une attitude attentiste envers l’occupant. La Résistance locale demeura faible, elle ne fut que le produit d’une action clandestine entreprise à titre personnel.

L’épisode heureux de la libération et le séjour du Général de Gaulle au château permirent à la ville de recouvrer son unité et de renouer avec sa tradition historique.

ZIESEL Juliette, Les Travailleurs juifs et la Grande Guerre : quelques éléments d’étude, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 176 p.

À la veille de la Grande Guerre, il existe à Londres un prolétariat juif spécifique, largement immigré, principalement implanté dans l’East End, qui y gagne son surnom de « ghetto ».

L’étude de ce groupe social au cours de la guerre permet de cerner plusieurs éléments caractéristiques. Essentiellement engagés dans les métiers du bois et de l’habillement, les travailleurs juifs dans leur grande majorité vont être employés dans le travail de guerre et la sous-traitance des contrats gouvernementaux, modifiant conditions et habitudes de travail. Leur vie quotidienne est affectée globalement dans les mêmes proportions que celle de leurs voisins britanniques, les problèmes d’approvisionnement et de santé étant sensiblement les mêmes. L’engagement dans l’armée met en évidence le dilemme face à la guerre le service militaire accentue les tensions, plus spécialement parmi les sujets russes, ce qui crée une situation explosive. La guerre engendre au sein de la population britannique un sentiment anti-allemand, puis xénophobe, virulent, dont la population juive est la victime privilégiée. Cependant, les travailleurs juifs s’intègrent aux structures nationales, syndicales et socialistes — le socialisme étant le mouvement politique le plus populaire du « Ghetto », qui s’enthousiasme pour la Révolution russe — alors que le sionisme, qui connaît un regain de popularité après la Déclaration Balfour, affirme et revendique une identité juive spécifique.

La Grande Guerre, malgré la mise en exergue des différences, a accéléré le processus d’intégration, voire d’assimilation — d’où la disparition en tant que tel — du prolétariat juif londonien.

ZIMMERMANN Bénédicte, 1945-1986 : les Premier mai de la CFTC, CFDT enjeux autour d’une tactique culturelle militante et logique identitaire, Maîtrise [Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 2 vol., 142 + 145 p.

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les conditions semblent réunies pour un rapprochement des traditions du Premier mai et de la Fête chrétienne du Travail, lorsque le Premier mai a évolué vers une fête plus consensuelle, au point de devenir un jour férié, la CFTC s’est quant à elle, à travers l’expérience de la guerre et un renouvellement de ses militants, orientée vers une intégration au sein du mouvement ouvrier. Expression au départ d’une identité ouvrière chrétienne, le Premier mai fit l’objet, en fonction des rythmes locaux de l’Évolution, d’une prise en charge volontariste par la Minorité dans sa quête d’une légitimité de classe, avant que ne naisse l’engouement militant des manifestations communes avec la CGT et la FEN au ton beaucoup plus politique que syndical. Au lendemain de l’euphorie unitaire, crise du syndicalisme et réorientation stratégique motivèrent une démarche d’adaptation pragmatique à la désaffection de la date, d’inspiration cependant fort variable en fonction de l’emprise historique régionale d’une culture de syndicalisme de classe. Vecteur au départ de l’affirmation d’une identité ouvrière, la commémoration du Premier mai se heurte aujourd’hui à la remise en question de cette identité même.

1990

AISENBERG Paula, Le Musée national d’art moderne au palais de Tokyo : un bâtiment, une collection, des expositions (1934 – 1960), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 168 p. + annexes

Ce mémoire se propose de retracer l’histoire du Musée d’Art moderne à partir de 1935, date du lancement du concours pour son édification, jusqu’en 1960, année de la grande exposition « Les Sources du XXe siècle » qui place le musée au niveau international. Vingt-cinq années pendant lesquelles les conservateurs en chef Louis Hautecœur (1931-1940) et Jean Cassou (1945-1965) ont tenté de remédier, l’un aux problèmes techniques posés par le bâtiment, le Palais de Tokyo, l’autre, aux lacunes de la collection rassemblée uniquement à partir des Salons officiels depuis le XIXe siècle.

La guerre vient interrompre les préparatifs de l’inauguration. Les œuvres, par précaution, sont envoyées dans les dépôts de province. Le MNAM, à peine achevé, est fermé au public. En 1942, des officiers allemands s’apprêtent à réquisitionner le bâtiment. Pour empêcher toute occupation des locaux, la Direction des Musées nationaux décide d’ouvrir le musée, le 6 août 1942. Des hommes nouveaux, Georges Salles et Cassou, arrivent à des postes-clefs à la Libération. Ils s’attaquent à la constitution d’une collection représentative des courants d’avant-garde depuis le début du siècle. Pour cela, ils font appel à la compréhension de l’institution responsable des achats — en effet, le musée n’a pas de budget propre — le conseil des Musées nationaux. Celui-ci délivre deux enveloppes de six millions de francs pour des achats urgents d’œuvres de Bonnard, Matisse, Braque et Rouault. D’autre part, la générosité des artistes, de leurs familles et des collectionneurs est une caractéristique majeure de la collection du MNAM (Picasso offre dix toiles en 1964) : à la fin des années cinquante, 76 % des acquisitions proviennent de dons ou legs. Cassou l’appelle le Musée des Amis. Cette collection réunit en 1960 un bel ensemble d’œuvres de l’École de Paris (fauves et cubistes surtout), mais ne contient presque pas d’œuvres d’art étranger. Peut-on encore au milieu du xxe siècle, montrer l’art moderne en se limitant à des frontières nationales ?

Les expositions temporaires organisées par le MNAM veulent d’abord faire de ce lieu un espace dynamique, en constante transformation, un lieu de vie, mais aussi ouvrir les bornes posées par la collection et montrer l’art de différents pays étrangers d’Europe ou d’Amérique.

L’exposition « les Sources du XXe siècle » est, nous semble-t-il, par la variété d’origines des œuvres présentées, l’événement-clef de ces années. Elle démontre l’évolution de l’appréhension de l’histoire de l’art de ce siècle par le conservateur en chef, Jean Cassou.

BATT Olivier, La communication d’entreprise dans les années 80, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 160 p.

La division scientifique du travail (le Taylorisme) a longtemps été considérée en Occident comme le type d’organisation le plus compétitif. Ce système inhumain a rencontré des accrocs dans une société en plein bouleversement. L’écart croissant entre la progression de l’efficacité technique et économique de l’entreprise et son échec sur le plan social a provoqué une vague de contestations dont la partie la plus visible fut la mini-révolution de Mai 1968. Face à ces revendications, certaines entreprises ont tenté de mettre en place une organisation qui prenne en compte le fait humain : le « Marketing social ».

Le Général de Gaulle, quant à lui, a proposé son projet de participation en entreprise afin de trouver un compromis entre le capitalisme et le communisme.

Une nouvelle conception de l’entreprise s’est donc implantée dans les esprits. L’exemple japonais a légitimé le schéma participatif : les chefs d’entreprise se sont rendu compte qu’il était possible de produire davantage en privilégiant l’esprit d’initiative de tous les participants. Ainsi, les « cercles de qualité » ont été importés de l’archipel.

Face à ces nouvelles pratiques qui privilégiaient la communication entre tous les protagonistes de l’entreprise, Jean Auroux, reprenant les idées autogestionnaires énoncées en 1973 par la CFDT, a écrit et promulgué la loi du 4 août qui instituait un droit d’expression directe et collective des salariés. Cette dernière a rencontré une opposition de la part des syndicats. De plus, elle a été confrontée, lors de sa mise en place, à une réalité qui a réduit l’expérience à un échec : cela a montré une certaine incapacité de l’État à « décréter la communication ».

Cependant, les entreprises sont aujourd’hui en quête de méthodes qui amélioreraient la communication. Cette nouvelle conception de l’entreprise s’inscrit dans une période où l’idéologie communiste est en train de mourir. Le patronat, enfin légitimé dans ses fonctions, cherche par la « communication d’entreprise » à obtenir une productivité accrue.

Les syndicats ont payé le prix de leurs erreurs et par là même perdu leurs adhésions et leur crédibilité. Peuvent-ils aujourd’hui remplir leur rôle de garde-fou dans une société capitaliste où chaque entreprise est en mesure de produire son propre statut social ?

BENICHOU Laurence, La Révolution française et ses valeurs chez les instituteurs syndiqués (1920-1925), Maîtrise [M. Vovelle, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 197 p.

Dans notre souci de mettre en relation la Révolution française avec les instituteurs syndiqués, nous avons examiné successivement la nouvelle représentation de ses valeurs, le retentissement de la révolution d’octobre dans l’idéologie syndicale et le nouveau mode de fonctionnement du couple « école et révolution ».

Nous avons choisi 1920 pour plusieurs raisons. La récente naissance de la IIIe république a modifié, en la réactivant, la perception de la Révolution française : la primauté du concept de droits de l’homme devient réalité dans la société française. Au sein de la trilogie républicaine, le dogme de la liberté prend une place essentielle, ce qui conduit, paradoxalement, à légitimer la notion de mérite, au point de nuire au concept d’égalité. 1920 marque aussi la fin de la Première Guerre mondiale : une nouvelle génération d’instituteurs fait la liaison entre la fraternité des patriotes et la solidarité des internationalistes. Il n’est pas étonnant alors de constater une forte homogénéisation du discours syndical relatif aux valeurs de la Révolution.

Il existe bien cependant une ligne de partage entre les deux syndicats au centre de notre étude. Elle passe par le thème de la violence. Le débat est introduit par la Révolution bolchevique. On revient par là au traditionnel clivage entre révolutionnaires et réformistes. Ce clivage s’exprime nettement en termes de théorie du « bloc ». Pour les uns, la violence révolutionnaire est inhérente à toute révolution. On ne saurait donc considérer séparément 1789 et 1793-94. Pour les autres, toute conception révolutionnaire passe par la légalité. Ces derniers justifient ainsi les violences révolutionnaires du XVIIIe français et rejettent toute violence venue de Russie.

À l’étude du rapport entre révolution et école, deux groupes sont apparus parmi les militants. Un premier où domine une pensée qu’on pourrait qualifier de réformiste et pour qui la révolution est allée jusqu’au point où il fallait qu’elle aille. Un second pour lequel si les acquis révolutionnaires constituent bien un pas, l’essentiel reste à faire. Malgré ces divergences, le monde des instituteurs syndiqués se retrouve dans deux idées. Tout d’abord, Condorcet l’emporte sur Lepeletier puisque l’individu prime sur le collectif en termes de pratique pédagogique. Ensuite la Révolution ayant fait l’école via la République il n’est plus besoin de faire la Révolution à l’école. Après la Révolution et la République, l’école républicaine est devenue l’institution de référence.

BOULEY Gilles, La vie politique et sociale à Bagneux de 1870 à 1914, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 256 p. + annexes

Commune à direction communiste depuis 1935, Bagneux, a connu durant la période 1870-1914 des modifications considérables dans fonction économique et son organisation sociale au fur et à mesure de son intégration au sein du réseau parisien. Gros bourg dominé économiquement et politiquement par les cultivateurs, groupe social homogène, mais incapable de dynamisme et pilier d’un « conservatisme » local respectueux des institutions traditionnelles, le village peu tant qu’il demeure un espace enclavé tourné sur lui­même. Avec le développement des transports collectifs et l’essor du marché urbain, une population composée essentiellement de provinciaux et de Parisiens investit les pourtours de la commune.

Ces immigrés sont les vecteurs de bouleversements qui affectent la structure économique et politique du village : les maraîchers, producteurs sur des parcelles dont la superficie est souvent inférieure à 1 hectare, mais qui assurent, grâce à des cultures particulièrement rentables les mutations dans les modes de production agricole. Ex-Parisiens déracinés, ils apparaissent comme les agents du radicalisme. Les jardiniers, salariés agricoles hautement politisés sont à l’origine d’un mouvement ouvrier agricole organisé. Les ouvriers de l’industrie, logés principalement dans les lotissements de la route d’Orléans dont l’essor correspond au développement du chemin de fer, remplacent progressivement les carriers comme « force révolutionnaire » de la commune. Les employés et fonctionnaires attirés par la faiblesse de la valeur vénale des terrains exercent pour certains d’entre eux (en particulier les employés de la Compagnie des Tramways de l’Ouest parisien) une influence au sein de la communauté.

Néanmoins, à travers l’analyse des élections législatives et de l’opinion publique, nous pouvons nuancer la prédominance de ces nouveaux venus dans l’élaboration des modifications politiques : prépondérance dès le début de la IIIe République du courant radical lors des consultations nationales, influence de la population autochtone dans l’organisation d’un parti socialiste local longtemps teinté de radicalisme, déchristianisation latente malgré la violence du conflit religieux à partir de 1897.

Cependant, au niveau local les étapes démographiques entraînent des conséquences sur la sociologie des équipes dirigeantes, la gestion municipale et sur la perception de l’intérêt communal. Nous complétons cette analyse par une série de 65 notes biographiques sur les conseillers municipaux de Bagneux durant cette période.

BOURGEOIS Sophie, Relations culturelles et premiers jumelages franco-allemands de 1945 à 1963 : un premier effort de rapprochement, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990

Dès 1945, au lendemain de la troisième guerre en moins d’un siècle entre la France et l’Allemagne, il est nécessaire de mener à bien la nécessaire et inimaginable réconciliation franco-allemande pour faire entrer dans la réalité les espoirs auxquels les peuples risquent de ne plus croire.

Il s’agit dans cette étude d’analyser les différentes initiatives françaises en faveur d’un rapprochement des deux nations, malgré les obstacles psychologiques et politiques de l’après-guerre.

En France, des anciens résistants ou déportés entreprennent les premiers contacts culturels, alors que jusqu’en 1949, une politique stricte d’épuration et de rééducation est appliquée en zone française d’occupation. En effet, l’Allemagne vaincue et sous tutelle, occupe paradoxalement une position déterminante pour l’équilibre mondial à l’heure de la guerre froide.

Après 1949, les relations franco-allemandes se normalisent avec l’accession de l’Allemagne à sa quasi-souveraineté et sont facilitées par la poursuite des actions d’organismes privés tels que le BILD.

À cette époque, sous l’impulsion de certains maires attachés à la construction de l’Europe, et malgré les réticences de la population française, sont créés les premiers « jumelages » dans le cadre de la CCE et de l’UIM. La FMVJ, jugée communiste, est mise à l’écart de ces initiatives.

De retour au pouvoir, de Gaulle engage ensuite un dialogue suivi avec Adenauer, et le Traité de l’Élysée de janvier 1963 marque l’essor d’échanges systématiques entre la France et la RFA.

BROS Karine, L’arrivée des Européens d’Algérie à travers la presse nationale et locale, 1962-1964, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 184 p.

Lorsque les Européens d’Algérie sont arrivés en métropole, ils se sentaient incompris et ils l’étaient. La signature des accords d’Evian marqua le point de départ d’un long exode : près d’un million de personnes ont quitté l’Algérie pour la métropole et aussi pour d’autres pays. La presse semblait être le moyen le mieux approprié pour rendre compte d’une situation imprévisible selon les autorités politiques.

Les quotidiens citent les événements au moment où ils se produisent et permettent d’apprécier l’actualité d’il y a 28 ans comme si nous la vivions. La presse permettait, donc, d’analyser le comportement des métropolitains vis-à-vis des rapatriés et aussi, celui des rapatriés eux-mêmes, et de voir comment l’arrivée de cette population pouvait bouleverser les structures économiques et politiques de la métropole. Surtout, l’arrivée des Européens d’Algérie a mis en valeur l’erreur du personnel politique français qui pensait que les Français d’Algérie étaient trop attachés à leur sol pour qu’ils l’abandonnent.

Ainsi, à partir de ces considérations et à la lecture du Monde, du Provençal, de Midi-Libre et de Nice-Matin, entre mars 1962 et juillet 1964, trois thèmes ont pu être mis en valeur. La presse, entre mars et septembre 1962, mentionne l’accueil des rapatriés, la manière dont ils vivent et surtout les premières mesures gouvernementales. Puis à partir d’octobre 1962, l’exode est terminé et le thème principal est celui de l’intégration. Ces rapatriés, aux « mœurs » et aux qualifications différentes ne pouvaient que modifier nos structures économiques et religieuses. Or de nombreux problèmes subsistaient dont ceux du logement et de l’emploi. Le gouvernement français a essayé de les aider sans toutefois réussir véritablement. Il a préféré laisser les problèmes en suspens, croyant que la fin du ministère des rapatriés, en juillet 1964, marquait la fin de leur intégration, la fin de la mise à l’écart d’un groupe social.

À l’aide de quelques écrits par et sur les rapatriés, nous avons pu nous rendre compte de la réalité de l’actualité des années 1962, 1963, 1964, et percevoir comment ces personnes avaient besoin de se réunir pour penser à l’Histoire, à leur Histoire.

CAPITAINE Ronan, Dassault Saint-Cloud en mai-juin 1968 : la continuité, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 290 p.

Depuis 1936, les différents gouvernements favorisent la concentration du secteur aéronautique. C’est une réalité qui dépasse la notion entreprise publique/entreprise privée. La fin des années soixante est une phase importante de mutation. La fin des années soixante est une phase importante de mutation. La conjoncture économique est préoccupante. Patronat et gouvernement répondent par une concentration massive et un machinisme accru. C’est dans ce contexte que se déclenche le 1er décembre 1966 un important conflit à Dassault Bordeaux. Cette grève victorieuse devient un symbole et un exemple à suivre. Ainsi en 1967 la CGT et la CFDT lancent un mouvement qui mobilise les usines parisiennes de Dassault. En janvier 1968, les travailleurs obtiennent des concessions. Mai 1968 survient dans ce contexte de satisfaction syndicale. Ceci explique pourquoi la décision d’occupation est a-syndicale. Il y a certes un mimétisme de Sud-Aviation et de Renault, mais avec en point de mire, la satisfaction d’anciennes revendications. La CGT contrôle l’occupation d’usine. Nous sommes dans la suite de 1967. Des revendications aux spectacles, en passant par le rôle des lieux, nous avons une pérennité intra-usine. La négociation devient possible après Grenelle. Début juin, le PCF pousse la CGT à un accord afin de préparer les élections. La CFDT se désolidarise de la CGT. Finalement, CGT, CGC et patronat aboutissent à un protocole qui est une suite à 1967. Mai-Juin 1968 s’inscrit dans une continuité. C’est le changement de la structure d’emploi qui annonce, bien plus tard, une rupture.

COCHERIL Olivier, Le syndicat national des bibliothèques de la Fédération de l’Éducation nationale de 1956 à 1972, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 284 p.

Si, en général, le syndicalisme réformiste se désignant comme tel a été peu étudié en France, la FEN l’a été encore moins. Faire le choix du SNB constituait à prendre le parti d’en étudier une de ses composantes peu connue et formée de non-enseignants.

Le syndicalisme constitue un phénomène relativement tardif au sein des bibliothèques puisque le SNB n’y apparut qu’au milieu des années vingt. Celui-ci se forma au sein de la Fédération Autonome des Fonctionnaires à l’écart de la CGT et de la CGTU et ne regroupait que des bibliothécaires. La Libération vit son ouverture à toutes les catégories de personnel, et sa disparition au sein du SNESUP en 1947.

Son retour à l’autonomie au sein de la FEN en 1957 fut suivi du développement et de l’échec d’une politique très corporatiste qui aboutit à une crise en 1963 et remplacement de sa secrétaire générale, Mme Honoré, par M. Tuilier. Celui-ci, qui dirigea le SNB jusqu’en 1972, permit son développement en tenant compte de sa nature de syndicat de fonctionnaires et en développant une politique plus active rompant avec l’apolitisme.

Le choc de Mai 1968 allait provoquer une évolution rapide du SNB et l’apparition de tendances internes alors que son fonctionnement était basé auparavant sur le fédéralisme. Le départ de Tuilier pour raisons professionnelles, en décembre 1971, laissa le SNB dans une situation de forte instabilité interne.

CROZET René, Les instituteurs de Seine-et-Oise vers 1900, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 641 p.  + annexes, graphiques

Ce travail de recherche, associant la connaissance statistique et la découverte de comportements individuels, porte sur les 973 instituteurs et les 71 instituteurs d’un département original par sa diversité économique, sociologique et culturelle. Après avoir tracé à grands traits, au niveau national et au niveau départemental, le cadre général dans lequel agit cette collectivité d’instituteurs, l’auteur analyse successivement l’origine et la formation des instituteurs de Seine-et-Oise, leur vie professionnelle et leur vie privée.

L’ouvrage met en lumière la traduction concrète et locale des évolutions produites parmi les instituteurs à partir du ministère Jules Ferry :

– le glissement du recrutement de la campagne vers la ville, des milieux paysans vers les couches moyennes (fonctionnaires, employés, commerçants), compte tenu des nouvelles conditions d’accès à l’école normale

– l’amélioration très sensible des qualités professionnelles des maîtres et de leur enseignement,

– l’importance sociale et politique nouvelle de la fonction d’instituteur. Il montre en outre la remarquable efficacité d’un système hiérarchique bien accepté, dans lequel les directeurs d’école jouent un rôle de formation important et dont les inspecteurs primaires, rigoureux, mais justes, sont les pivots. Bien éclairé par eux, l’inspecteur d’académie a le souci de tirer de chaque maître le meilleur parti pour l’école, de promouvoir chacun selon ses compétences et ses mérites et de stimuler ainsi le zèle de tous.

Nous découvrons aussi, dans les situations quotidiennes, le rôle d’animateur communal que joue, surtout en milieu rural, l’instituteur de 1900 : secrétaire de mairie, dispensateur de cours d’adultes, conférencier populaire, bibliothécaire, trésorier de caisse d’épargne, arpenteur communal, créateur de patronages, de sociétés de tir, d’associations d’anciens élèves, propagandiste de la lutte anti-alcoolique, de l’action contre la tuberculose…

Mal payé par l’État, l’instituteur de Seine-et-Oise parvient, dans ce département riche et peuplé, à doubler souvent, à tripler parfois, son traitement de base par l’indemnisation de ses multiples travaux annexes. Chaque poste est ainsi plus ou moins recherché selon le montant des revenus complémentaires qu’il permet.

Le champ largement ouvert aux actions individuelles de promotion limite l’intérêt de l’action corporative qui n’intervient que très tardivement dans ce département et s’oriente davantage vers la construction mutualiste que vers la revendication collective. Vivant sous le regard de tous, l’instituteur n’a guère de vie privée, son comportement doit être exemplaire, la perfection sociale fait partie de son statut.

L’instituteur de Seine-et-Oise vers 1900, dans son excellence collective, apparaît à la fois comme le produit et l’artisan d’un système socio-hiérarchique, un rouage conscient et efficace au service d’une mission qui l’exalte et l’invite en permanence à se dépasser.

DEROUINEAU Valérie, L’expression de la « culture pied-noir » à travers le théâtre, la chanson et le cinéma, 1962-1982, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 72 p. + annexes

Alors que l’Algérie française disparaissait en 1962, précipitant sa population européenne, plus communément appelée pied-noir, de l’autre côté de la Méditerranée, des artistes issus de cette terre d’Afrique choisissaient de faire revivre à ce même moment, ce lieu privilégié de rencontre d’hommes et de femmes issus de pays bordant la Méditerranée et de confessions religieuses différentes.

De cette terre, allait naître une culture empreinte des us et coutumes de chacun d’entre eux (l’apport des autochtones n’est pas négligeable par ailleurs), dont les pièces de théâtre, les chansons et le cinéma allaient donner un témoignage peut-être plus médiatique que celui porté par la littérature.

Durant vingt années, des artistes tels que Marthe Villalonga, Robert Castel, Enrico Macias, Alexandre Arcady, Roger Hanin… vont s’attacher à ce que cette culture inscrite au plus profond d’eux-mêmes, perdure bien qu’elle ne puisse plus prendre sa source dans le pays lui-même. Ils ne font que reproduire ce qu’ils sont dans la réalité : des Pieds-Noirs avec leurs craintes ou leurs espoirs. L’expression de cette culture de 1962 à 1982 en porte les marques.

De 1962 à 1969, c’est un temps d’expression à « vif » : le sourire avec « La Famille Fernandez » et l’émotion non dissimulée avec Enrico Macias en sont les principaux exemples. C’est également la découverte du parler né dans le faubourg de Bab-el-Oued à Alger : le Pataouète. Suit un temps de renaissance (1970-1979) : certains auteurs comme Robert Castel avec Kaouito le pied-noir ou Alexandre Arcady avec son film Le coup de Sirocco tentent de dépasser les clichés qui entouraient leur communauté pour aller au plus profond dans l’expression de cette culture. Dans ce sillage, s’inscrit la naissance en 1973 du Cercle Algérianiste, association qui se donne pour mission de « sauver une culture en péril ».

Cette association sert de transition avec le troisième temps où les artistes (dont de nouveau surgissent comme Jean-Paul Gavino, chanteur ou la troupe du Théâtre Pied-Noir) décident que cette culture doit perdurer bien que dix-huit années la séparent de la fin de « leur Algérie ». Son avenir est en jeu.

Mais un certain essoufflement ne sera-t-il pas perceptible dans l’expression à mesure que nous nous éloignerons de cette année fatidique que représente 1962 ?

Cette culture est née d’un pays : peut-elle vivre sans ? Ne risque-t-elle pas de devenir une « culture pied-noir métropolitaine », une « culture de cœur » ?

DORMAGEN Jean-Yves, L’Italie à travers la presse ouvrière française, janvier 1915-octobre 1922, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 310 p.

De janvier 1915 (période de la campagne pour l’intervention de l’Italie dans la Première Guerre mondiale) à octobre 1922 (arrivée au pouvoir de Benito Mussolini), la péninsule traverse la guerre et une triple crise économique, sociale et politique dont l’aboutissement sera l’instauration d’un ordre nouveau : le fascisme. Nous avons voulu savoir la presse ouvrière française avait perçu et présenté à ses lecteurs cette période troublée, où les antagonismes politiques et sociaux étaient exacerbés. Pour cela, nous avons consulté de manière systématique (et continue lorsque cela était possible, comme pour L’Humanité) des quotidiens et des hebdomadaires afin d’y recenser tous les articles concernant l’Italie. Cette recherche nous a permis de mesurer, sur le plan quantitatif, l’importance de l’information italienne dans cette presse. Nous nous sommes aussi attachés à présenter et à analyser les jugements, les raisonnements politiques que ces journaux développaient sur la péninsule. Le fait que l’un des thèmes centraux de cette information soit le mouvement ouvrier italien a permis de préciser les rapports et les appréciations des militants français à l’égard de leurs homologues transalpins, nous conduisant d’ailleurs à conclure que les organisations italiennes avaient fréquemment, dans cette période de profonde recomposition du mouvement ouvrier international, été présentées comme des modèles, des exemples. Mais au-delà de l’information politique et conjoncturelle, nous avons aussi tenté de dégager, au sein du discours que cette presse tenait sur l’Italie et les Italiens, des éléments s’inscrivant dans le temps long et permettant de définir une représentation idéologique de la péninsule et de ses habitants (il s’agissait de voir si cette représentation reflétait les tendances générales de l’opinion publique française ou, au contraire, était particulière à l’ensemble de la presse que nous avons étudiée). L’analyse de l’importance accordée à l’Italie, des sources de l’information, des thèmes et des sujets abordés, du ton et des raisonnements politiques, ainsi que de la représentation globale de la péninsule véhiculée dans les articles de journaux ouvriers devant nous permettre de conclure à l’existence (ou non) d’une perception et d’une représentation spécifiquement prolétarienne de la péninsule dans ces journaux.

GUEDJ François, Le Parti communiste français au Plessis-Trévise (1945-1977) : pratiques militantes et processus identitaire, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 2 vol., 345 p. + annexes

Ce travail est une tentative pour étudier l’histoire intérieure d’une organisation locale du PCF, particulièrement à l’époque du Programme commun de gouvernement. Il nous a paru intéressant d’envisager l’intérieur communiste dès le niveau d’une organisation locale dans la hiérarchie du parti, et de rechercher finalement à déterminer le statut de l’interne.

Les sources utilisées nous ont permis d’étudier les pratiques militantes non seulement d’un point de vue externe (sources relevant de l’ordre de la propagande : tracts, journaux et professions de foi aux élections), mais aussi de suivre (particulièrement de 1965 à 1971) leur organisation pat la cellule communiste locale (cahiers de notes des réunions de cellules, et témoignages).

Nous avons pu ainsi observer, dans le cadre local que nous avons adopté, l’importance de la vie sociale du groupe formé par les militants communistes, ainsi que l’affirmation de la différence communiste dans l’intégration des adhérents à cette structure de sociabilité qu’apparaît être l’organisation communiste locale.

En étudiant l’implantation communiste nous avons insisté sur l’un de ses enjeux, à savoir l’homogénéisation du groupe par une identification commune : la manière d’être communiste, sa transmission-adoption active par les adhérents.

ISSERT Yannick, La fête du Front National, 1981-1990, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1991, 180 p. + annexes

Depuis 1981, le Front National organise, chaque année, une fête des « Bleus Blancs Rouges ». Intitulée ainsi, cette fête consacre la rentrée politique de J.M. Le Pen en septembre-octobre, peu après le discours de la Trinité-sur­Mer, et parallèlement à la manifestation de Jeanne d’Arc.

L’objectif de ce rassemblement est, entre autres, une mobilisation des fédérations FN régionales et locales, dans un lieu proche de Paris, l’espace d’un week-end. Fêtes champêtres et familiales de 1981 à 1983, elles prennent une ampleur nouvelle à partir de 1984, corollaire à l’émergence électorale du FN.

Ce mémoire se propose de mettre essentiellement en lumière la nature de ces fêtes politiques. Dans une première partie, on s’intéresse à présenter les conditions de leur réalisation. Il apparaît que les organisateurs sont des propagandistes du FN dont la plupart ont des antécédents politiques anciens et souvent communs, qui remontent parfois à la campagne TV de 1965. Les cadres où se déroulent ces fêtes sont variables du fait de la difficulté pour les promoteurs de consacrer un lieu fixe à leurs rassemblements et qui puisse acquérir une dimension symbolique. La réussite de ces fêtes dépend, pour une large part, de la mobilisation des fédérations FN, dont la répartition géographique et le nombre évoluent à partir de 1984. Enfin, « l’ouverture médiatique » de J.M. Le Pen dès 1983, contribue à un processus de reconnaissance de ces fêtes.

Dans une deuxième partie, on se propose de décrire « les » fêtes qui composent « la » fête. Fête de nationaux-catholiques à travers la « grand-messe » des BBR ; grande kermesse militante d’une partie de l’extrême droite à travers les stands de livres, parfois les débats ou les divertissements, qui permet ainsi l’expression d’un groupe politique ; enfin, fête de J.M. Le Pen lui-même, à travers son « grand meeting de clôture » qui constitue véritablement le « clou » de la fête.

Quelques observations. D’une part, ce type de sujet nous impose une vision « globalisante » qui se trouve sans cesse remise en cause ou enrichie par des données qui l’actualisent. On ne peut aboutir qu’à des remarques prudentes. D’autre part, on s’en est tenu aux sources les plus facilement accessibles : celles fournies par la presse elle-même, militante ou non, qui se fait depuis le début le principal écho de cet événement. Quelques entretiens ont été également effectués dans le but de confirmer ou de corriger notre grille de lecture. Néanmoins, il faudrait ajouter une étude sociologique ou ethnologique à notre angle d’approche.

Ce mémoire repose donc, pour une large part, sur l’image que donne le FN de sa fête à travers les comptes-rendus de sa presse interne et périphérique. Il ressort que la fête des BBR est une fête de familles politiques de 1981 à 1983. À partir de 1984, les fêtes consacrent les premiers scores électoraux du FN et semblent célébrer un leader érigé en « super-héros ». La fête unitaire d’une partie de l’extrême droite tendrait à laisser la place à la fête d’un « triomphateur » et de sa seule formation politique, microsociété constituée.

Considérée comme une « contre-fête » de L’Humanité, la fête des BBR se donne l’aspect d’une grande fête politique et populaire « institutionnalisée », une « photographie du pays et de la société ». Constructions d’images probablement, que l’on essaie d’évoquer dans notre troisième partie, et qui portent en elles-mêmes les limites de ces rassemblements politiques.

LACHAUMETTE Sandrine, Masses, foules, peuple dans la presse illustrée française : mars 1933-août 1937, Maîtrise [Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 2 vol., 195 p. + 108 p. d’annexes

« Masses, Foules, Peuple dans la Presse illustrée française » traite des phénomènes de masse à travers la photographie dans les années trente (date de l’émergence simultanée des masses et des magazines à illustrations photographiques).

À travers plus de mille images sélectionnées dans trois grands magazines d’opinions et de conceptions différentes — Illustration, Vu et Regard — ce mémoire tente de montrer la façon dont les masses étaient perçues, quel était leur traitement iconographique et dans quel but. Par ailleurs, il met en évidence la subjectivité d’une photographie, celle-ci ne donnant jamais une vision brute de l’événement, mais s’adaptant aux valeurs du journal qui l’utilise.

Cette étude, abordant de très nombreux thèmes, se divise en deux grandes parties :

– les masses par rapport aux autorités où sont étudiés l’Église, les Régimes étrangers (monarchie, communisme, fascisme et nazisme) et la situation française (lutte d’influence entre les Ligues et le Front populaire).

– les masses en action, se rassemblant (sports, fêtes, meetings, manifestations), faisant grève et même prenant les armes dans le cas espagnol.

MARSAUCHE (Arnaud), La « question des étrangers » à Paris 1914-1918, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 159 p. + annexes

Avec l’octroi ou le refus du permis de séjour, rendu obligatoire dès le début de la guerre de 14-18 pour tout étranger résidant en France, un système nouveau se met en place (évacuations et internements, mais surtout une meilleure identification) à travers duquel la politique du ministère de l’Intérieur permet de mesurer l’impact du « nationalisme » sur l’administration responsable du contrôle des étrangers.

À Paris, c’est la préfecture de police qui en a la charge. Dès 1915, le conseil municipal lance des campagnes très virulentes contre le ministre de l’lntérieur, Léon Malvy. Principaux thèmes : la présence étrangère dans la capitale, les naturalisations, l’engagement dans la légion. La communauté russe, majoritairement juive, est la plus menacée. Pour répondre à ces attaques de la droite, une commission composée de notables et de fonctionnaires est chargée en janvier 1916 de revoir l’octroi des permis de séjour.

Ce sont les procès-verbaux de cette commission de révision qui forment jusqu’en juin 1917 l’essentiel de nos sources, faisant apparaître la complexité des identités nationales, particulièrement à Paris où vivaient à la veille du conflit environ 200 000 étrangers. La commission aura à connaître de 6 000 cas, notamment des Tchèques, Polonais, Roumains, Serbes et Trentins, sous tutelle austro-hongroise.

Il en ressort que les pouvoirs publics n’ont entrepris aucune mesure spectaculaire à leur encontre, comme le réclamait le conseil municipal. Cependant, seule l’intervention d’Émile Durkheim, vice-président de la Commission, a évité une expulsion massive des Russes. En faisant apparaître parallèlement la logique qui amène à la création d’une carte d’identité pour les étrangers (avril 1917), cette période montre clairement que c’est à Paris, pôle d’accueil, que l’étranger est devenu un enjeu politique, au point que Clemenceau s’en servira pour faire chuter Malvy.

MARZIN Pierre-Yves, L’Expression directe des salariés : étude d’un cas, la RATP, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 153 p. + annexes

Le 4 août 1982, l’Assemblée nationale votait la loi relative aux libertés des travailleurs au sein de l’entreprise. Cette nouveauté du droit social est issue d’une longue recherche qui s’est intensifiée depuis la fin des années soixante chez tous les partenaires sociaux. De fait, de nombreuses formes de participation des salariés se sont développées préalablement à l’avènement de cette loi.

En 1981 le président Mitterrand qui avait inclus cette préoccupation dans son programme électoral, charge son ministre du travail de rédiger un rapport sur les modifications à apporter au droit du Travail. De ce document, le rapport Auroux, seront extraites quatre lois. Celle du 4 août 1982 comporte deux titres, l’un concerne le règlement intérieur, l’autre l’expression directe des salariés. Ce dernier prévoit que les salariés pourront s’exprimer sur leurs conditions de travail et les améliorations à y apporter pendant le temps de travail et sur le lieu de celui-ci. La loi prévoit que ce droit fasse l’objet de négociation au niveau de chaque entreprise.

Un an après le vote de la première loi, celle relative à la démocratisation du secteur public était votée. Elle visait à donner à ce secteur un rôle moteur dans le mouvement de démocratisation des entreprises. C’est pour cela que la RATP a été choisie comme lieu d’études de sept ans d’application de ces lois.

PASEK Myriam, Aux origines d’une information chrétienne : Témoignage-chrétien et Réforme pendant la Guerre d’Algérie novembre 1954-mai 1958, Maîtrise [Noëlle Gérôme, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 237 p. (+ 1 vol. d’annexes non communicable)

À la fin de 1954, les lecteurs de TC et de Réforme, hebdomadaires catholique et protestant, apprennent comme l’ensemble de l’opinion qu’une série d’attentats a été commise en Algérie dans la nuit du 1er novembre, faisant une quinzaine de victimes.

Ces « événements » dont la gravité est d’abord sous-estimée marquent le début de huit ans de guerre et le commencement de la lutte de TC et de Réforme pour le maintien des rapports fraternels entre les communautés métropolitaines, européenne et musulmane. Avant que le retour au pouvoir du Général de Gaulle ne vienne mettre un terme à l’instabilité gouvernementale — chronique depuis 1947 — à l’absence de politique coloniale, alors que les divers mouvements d’opposition à la guerre d’Algérie commencent seulement à se structurer et que les autorités françaises, les nationalistes algériens s’enferment dans le silence, au moment où la presse jugée d’opposition est saisie, où les intellectuels « défaitistes » sont arrêtés, il a semblé intéressant de remonter aux origines des informations diffusées par Réforme et TC, l’un des « quatre grands de la contre-propagande française » avec Le Monde, L’Express, France­Observateur selon Jacques Soustelle. Comment dans ce climat de tensions, de propagandes diverses et opposées, ces deux hebdomadaires aux moyens financiers et techniques limités, au lectorat hétérogène, aux liens plus ou moins étroits et tendus avec leurs églises ont été informés de la réalité du conflit, comment ont réagi leurs réseaux d’information respectifs fondés sur d’anciens amis résistants, militants politiques, chrétiens, comment les journalistes se sont eux-mêmes comportés face à ces renseignements et comment ils en ont informé à leur tour les lecteurs et l’opinion ?

Cet exposé a cherché à montrer qu’entre un événement et son traitement dans les colonnes d’un journal de multiples paramètres interviennent le passé du journal, ses moyens, ses rapports avec les autorités, l’engagement des journalistes, leur responsabilité face aux informateurs, au public, au pays…) qui sans dénaturer l’information la déterminent. TC et Réforme ont tous deux une conception chrétienne de l’actualité, si pour eux la guerre d’Algérie a exacerbé les pressions inhérentes au journalisme, ils ont « couvert » ce conflit de façon différente, montrant alors que la qualité, l’honnêteté, le suivi d’une information reviennent toujours aux journalistes, seuls responsables de ce qu’ils donnent à leur public.

PRIEUR Karine, La presse métropolitaine française et « l’affaire malgache » (1947-1949), Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 3 vol., 348 p. + 2 vol. d’annexes (78 p. et 154 p.)

L’île de Madagascar, territoire d’outre-mer dans le cadre de l’Union française, est en 1947 le théâtre d’une insurrection nationaliste dirigée contre la France. Cette insurrection place la IVe République en face d’un de ses premiers problèmes coloniaux. Peu de travaux historiques se sont intéressés à cet événement, encore moins à sa réception et à ses répercussions en métropole.

Pourtant, violence de la répression, torture et bilan des victimes – 89 000 morts selon l’État-Major – laissaient présager d’un choc pour l’opinion publique.

Pour réparer cet oubli, nous avons analysé la presse métropolitaine française et « l’affaire malgache » (1947-1949) à partir d’une sélection de journaux de l’époque, représentatifs de divers courants d’idées, et d’interviews de journalistes. La presse, parce que carrefour et reflet des expressions de la société, est un vecteur intéressant et privilégié pour comprendre la relation métropole-Madagascar sur cette affaire. Au travers de quatre directions de recherche : 1/l’approche journalistique de la société malgache, 2/l’information sur l’insurrection, 3/les polémiques sur les suites judiciaires, 4/l’utilisation politique.

Cette étude révèle comment l’événement a été traité (qu’en ont su les Français et les limites de l’information, les thèmes retenus et développés…) et répond à la question liée à la position de la société française face aux nationalismes) : l’insurrection a-t-elle été pressentie par la presse comme un élément important dans un mouvement de « décolonisation » qui s’amorçait ou utilisée comme prétexte pour uniquement aborder les problèmes intérieurs de la France ?

RETAILLAUD Emmanuelle, Le contingentement des films étrangers en France, 1928-1936, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 199 p. + annexes

Nous avons voulu étudier un épisode de l’histoire du cinéma français de l’entre-deux-guerres, le contingentement des films étrangers : en d’autres termes, les mesures qui ont été prises par les pouvoirs publics à partir de 1928 afin de limiter le nombre de films étrangers diffusés sur les écrans français, dans l’intention de développer un cinéma national en crise (les deux phénomènes étant considérés comme liés). Nous avons dans un premier temps cherché à présenter et à analyser la nature de ces mesures, puis à montrer quel était l’enjeu corporatif du contingentement pour les différents groupes professionnels concernés à divers titres par le problème : exploitants de cinéma, producteurs, artistes, distributeurs. Pour ce faire, nous disposions de documents – lettres, rapports des différents protagonistes du contingentement – conservés aux Archives Nationales, que nous avons cherché à compléter par un dépouillement plus systématique de la grande presse de l’époque. Mais une fois envisagé cet aspect pour ainsi dire technique de la question, nous avons voulu montrer comment le contingentement a largement dépassé le cadre du cinéma, comment celle affaire a d’emblée revêtu une dimension idéologique qui lui était constitutive : contingenter les films étrangers, c’était indirectement protéger et défendre la nation française. Il s’agissait enfin de montrer comment la dénonciation des mesures de contingentement était à la fois une façon d’opposer des valeurs différentes et de chercher à défendre réellement le cinéma français. En ce sens, le contingentement n’a pas seulement été un épisode de l’histoire du cinéma français, mais il a aussi fait l’objet d’un débat : c’est ce débat que nous avons voulu mettre en lumière, en essayant de montrer par là même qu’une politique du cinéma n’est jamais neutre.

RIEU Philippe, La presse catholique face à Pierre Mendès-France (1953-1956), Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 230 p. + annexes

Pierre Mendès-France reste une référence dans la vie politique française. Moins connue est son influence sur un groupe d’intellectuels chrétiens (F. Mauriac, etc.) ou de militants catholiques (la CFTC notamment). Il était intéressant, alors de se demander quelle avait été l’attitude de la presse catholique face à celle figure marquante de la IVe République, ceci pendant la grande période mendésiste (1953-1956). A-t-elle soutenu les entreprises d’un homme qui n’avait pas, au départ, la carte de visite idéale pour la séduire (l’homme est radical, juif, ancien franc-maçon) ?

Pour répondre à celle question, pour avoir un panorama assez complet des différentes sensibilités d’une presse encore très puissante (3 500 supports !), le choix, difficile, s’est porté sur une lecture systématique de La Croix, du Pèlerin, d’Esprit, de Témoignage chrétien et de La Vie Intellectuelle. Deux autres hebdomadaires interviennent aussi dans celle recherche bien qu’étant situés en dehors de la sphère strictement catholique : L’Express pour le « Bloc-Notes » de François Mauriac, incontournable, et Rivarol au ton très intégriste sous la plume de Jean Madiran.

La confrontation entre un homme radical épris de modernité, qui ne laissait personne indifférent, et une France encore en partie rurale et catholique, permet de dresser le tableau d’un catholicisme en pleine mutation. Deux réactions dominent :

– Celle, plutôt positive, de la gauche chrétienne. Pierre Mendès-France, grâce à un style novateur, plus personnel et surtout très moral, accède au pouvoir au bon moment pour séduire des chrétiens épris de progrès social et questionnés par les problèmes coloniaux : il existe un vide politique consécutif à la droitisation du MRP ainsi qu’à la désaffection des grands parus traditionnels (SFIO, PC, Parti Radical, etc.). Des militants déçus par la démocratie chrétienne participent ainsi à la vague mendésiste, expriment le désir d’œuvrer pour davantage de laïcité et soutiennent la construction encore informelle d’une « nouvelle gauche ».

– Les réactions des journaux davantage liés à la hiérarchie (La Croix, Le Pèlerin) sont beaucoup moins positives. L’accueil du Président radical est plutôt froid. En effet, pour la première fois depuis 1947, le MRP est absent du gouvernement et ne dirige plus les Affaires étrangères. Sur fond de crise européenne (problème de la CED), c’est la crainte d’un complot visant à écarter les chrétiens du pouvoir qui est largement exprimée.

La communauté catholique, que nous quittons en 1956, après la victoire relative du Front Républicain, est plus divisée qu’auparavant : polémiques engagées à travers la presse sur la liberté politique du chrétien, cristallisation des critiques autour de l’attitude d’un MRP irréductiblement hostile à la personne de Pierre Mendès-France, etc. Cet éclatement est confirmé par les élections et sondages de l’année qui laissent entrevoir un comportement politique des catholiques beaucoup plus hétérogène.

SAINSAULIEU Ivan, Le PS-SFIO et le marxisme (1920-1927), Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 200 p.

Nous sommes partis d’un constat paradoxal : alors qu’il ne fait aucun doute aujourd’hui que le parti socialiste français a rejeté le marxisme comme référence, il n’en est pas moins évident que le PS-SFIO des années 1920 ne se concevait pas sans le marxisme.

Comme il n’est pas de génération spontanée, nous avons travaillé dans l’hypothèse que le parti galvaudait le marxisme dès son origine en 1920 au profit d’autres idées forgeant son identité nouvelle.

Mais, si le marxisme vacille dans les développements de l’Encyclopédie ou du Dictionnaire, si les militants ouvriers, neutralisés, perdent leur poids numérique et spécifique, si la presse socialiste est envahie par le parlementarisme, si l’électoralisme, devenu préoccupation exclusive de la direction, constitue l’aune des discours des orateurs, on cherche en vain l’émergence d’une autre cohérence idéologique socialiste et non-marxiste.

Des thèmes originaux reviennent souvent : le coopératisme, la défense de la petite propriété, l’interventionnisme de l’État et des pouvoirs publics aussi bien dans les conflits locaux que sur un plan international ; mais, outre que ces idées appartiennent parfois davantage au passé qu’à l’avenir, la seule conception d’ensemble qui les sous-tende, la République, n’est pas une idée distinctive du socialisme.

Dès lors, le socialisme a-t-il d’autres significations qu’une certaine place sur l’échiquier électoral ? En renonçant au marxisme, il a rejeté toute idée de transformation sociale pour chercher le pouvoir en aveugle.

VENNER Michel, Les grèves en France, dans L’Express et Le Nouvel Observateur, juillet 1968-juin 1974, Maîtrise [Lucette Le Van-Lemesle, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1990, 2 vol., 322 p.

Un événement tel que la crise de Mai 1968 est trop souvent considéré comme un phénomène isolé de son contexte. Cette crise sociale ne peut être séparée du mouvement des idées. L’échec relatif des grèves cache les conséquences qu’elles ont eues dans les années qui ont suivi.

Dans les années soixante, se crée une « nouvelle gauche » en dehors des partis traditionnels. La presse hebdomadaire se veut porte-parole de ses théories : le réformisme social, venu des États-Unis sous le nom de « management », thème de L’Express, ou l’autogestion, héritage du Socialisme Français, soutenu par le PSU et l’Observateur. Mai 1968 vient un moment semer le doute puis la « nouvelle gauche » comprend, avec les grèves qui suivent, que la crise sociale vient du manque d’avenir des salariés les moins qualifiés.

Cette rénovation est cependant trop tardive, car la « nouvelle gauche » se trouve marginalisée, exclue du Programme commun de la gauche de 1972. Deux ans plus tard, la crise économique succède à la crise sociale sans la résoudre. Réformistes et autogestionnaires prennent des options contraires, signant l’intégration dans les partis de la « nouvelle gauche ».

Le débat réparait à l’intérieur de la gauche après 1981, entre ceux qui veulent « changer la vie » et ceux qui souhaitent réformer la société, tendance du gouvernement actuel.

Résumés des mémoires de maitrise – Années 1980

1989

AKOUN Myriam, L’image des manifestations dans Paris-Match de 1949 à 1968, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 221 p. + 3 vol. d’illustrations.

À partir d’un corpus de cent cinquante reportages, cette étude propose une analyse particulière du phénomène de la manifestation à travers la photographie de presse.

En effet, elle s’inscrit dans un cadre délimité par Paris-Match, dans la mesure où celui-ci nous impose sa propre vision de l’événement en faisant paraître des clichés préalablement triés. Or, la manifestation, bien qu’elle s’exprime de manière complexe, met toujours en jeu, à des degrés divers, la totalité du corps social.

Étudiée sur vingt ans, du premier numéro de l’hebdomadaire à la fin du mouvement de Mai 68, l’image des manifestations témoigne, donc, de l’histoire d’une société dont les contours sont dessinés par Paris-Match.

ANDREU Corinne, Les Petits Bonshommes : un journal pour l’enfance dans l’immédiat après-guerre, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 194 p.

Les Petits Bonshommes est le titre d’un hebdomadaire pour les enfants lancé par le Syndicat national des instituteurs en 1921.

Les instituteurs et les institutrices proposent une revue originale éducative et distrayante, afin de contrebalancer « l’influence néfaste de certaines publications enfantines ».

Tout en se basant sur une idéologie républicaine et sur celle des milieux de gauche, les membres du syndicat mettent en place une conception d’éducation. Cette dernière est fondée sur plusieurs notions : tout d’abord, il est nécessaire de former l’esprit quantitativement par les connaissances, la lecture, et qualitativement par le raisonnement, la critique personnelle, mais également grâce à l’imaginaire et le ludisme. D’autre part, le corps doit être modelé par des exercices physiques, des jeux, le travail manuel. Ensuite, un encadrement des enfants et de la famille est indispensable à la réalisation de cette éducation. Enfin, les animateurs veulent inculquer aux enfants une morale laïque basée sur le développement de convictions, telles que : la famille, l’altruisme, l’internationalisme, le travail.

Cette conception d’éducation cherche à préparer l’enfant à sa vie d’adulte, en le rendant autonome et libre, l’enfant devenant un citoyen responsable, bon, généreux, capable de faire face aux grands problèmes de son temps.

ARDENTI Marino, Contribution à l’étude de l’immigration italienne en France : les immigrés italiens à Paris de 1926 à 1936, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 2 vol., 164 p. + 92 p. d’annexes

Notre principale source, les dénombrements de la population de 1926 et de 1936, a été l’objet d’un dépouillement systématique. Celui-ci a été opéré, du fait de l’importance de cette population, sous la forme d’un sondage au cinquantième. Le traitement informatique à l’aide du logiciel SPSS nous a obligés à élaborer une codification, afin d’appréhender le maximum d’informations.

Cette étude a porté sur deux niveaux. Tout d’abord, nous avons dégagé les principales caractéristiques de l’immigration italienne à Paris. Puis nous l’avons replacée dans l’espace parisien.

La population italienne est la première population immigrée présente à Paris : 48 275 Italiens à Paris en 1926 et 40 830 en 1936. Elle est principalement constituée d’hommes, qui sont âgés de 26 à 45 ans. Ceci n’est pas surprenant pour une population immigrée. Par contre, l’étude du cadre familial nous a permis de mettre en évidence les éléments d’un début d’intégration. Le mariage domine ainsi que la famille nucléaire et les ménages de moins de cinq personnes. Nous avons noté aussi une augmentation entre les deux recensements des mariages mixtes. Cependant, cette intégration n’a pas encore abouti. Ceci se constate aisément à travers le statut professionnel et les professions des immigrés italiens. Nous constatons que la grande majorité des hommes sont des salariés, bien que le groupe des « à son compte » ait augmenté (il s’agit essentiellement de petits commerçants et d’artisans), alors que la plupart des femmes n’exercent pas d’emploi. D’autre part, les professions restent du domaine du travail manuel et surtout elles sont peu qualifiées bien que la situation ait tendance à évoluer en 1936.

L’étude spatiale va nous révéler les lieux de l’immigration italienne à Paris. Nous en avons dénombré trois qui correspondent en fait au découpage social de la capitale. Dans l’est, la majorité de notre population, celle qui exerce des emplois manuels, mais aussi celle qui constitue le creuset de l’intégration. Dans le centre, essentiellement des artisans et des petits commerçants qui sont sans doute déjà intégrés, car ils sont certainement présents en France depuis de longues années. Et enfin l’ouest de Paris qui est constitué de deux types de populations. D’une part I’« élite » qui seule a pu s’installer dans ces quartiers résidentiels et d’autre part de nombreux domestiques et personnels de service qui forment une population peu stable, du fait même de leurs emplois.

BARBIER Christophe, La campagne électorale de Jean-Louis Tixier-Vignancour pour l’élection présidentielle de 1965, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 323 p. + 1 vol. d’annexes

Jean-Louis Tixier-Vignancour fut un grand avocat promis à la postérité, mais en aucun cas un penseur politique de premier ordre. Néanmoins, et malgré de nombreuses compromissions, sa carrière politicienne satisferait bien des ambitions, couronnée qu’elle fut par la candidature à la magistrature suprême en décembre 1965. Dans cette élection présidentielle, première de son genre, Tixier-Vignancour est chargé de défier de Gaulle et d’unifier l’extrême droite atomisée par le conflit algérien. Il investit sans retenue son personnage dans cette aventure, aidé par un mouvement improvisé, porté par des alliés disparates et développant un programme aussi riche de propositions que dépourvu d’argumentations.

La voix mythique de l’avocat de Sôlan résonne donc, au cours d’une longue campagne truffée d’originalités ; toutefois, cette dernière n’a que l’apparence d’une campagne « à l’américaine » : le travail de propagande n’est pas scientifiquement organisé ni correctement relayé. Le succès partiellement inutile de la tournée des plages de l’été 1965 est encadré par deux échecs : la mauvaise campagne télévisée réalisée par Tixier et la fratricide participation aux municipales parisiennes de mars. Au cours de ces élections locales éclate la rivalité entre les deux factions du Comité TV : les « modérés » qui inspirent par la suite la dérive centriste de Tixier et les « durs », à la tête desquels Jean-Marie Le Pen jette les bases de ce qui deviendra le Front National.

Car si la médiocrité du score atteint le 5 décembre 1965 et la brouille qui déchire le Comité TV en janvier 1966 semblent consacrer un double échec de l’aventure Tixier, la véritable importance de celle-ci est ailleurs. La candidature Tixier-Vignancour voit la fin d’une certaine extrême droite, inspirée en proportions diverses par l’avant 1945, le poujadisme et la lutte pour l’Algérie française (extrême droite d’arrière-garde), et l’apparition virtuelle d’une nouvelle extrême droite, qui va mettre dix ans à bâtir son appareil, quinze ans pour trouver son créneau idéologique et vingt ans avant de connaître le succès des urnes. Dans cette transition est toute l’importance historique de la candidature Tixier-Vignancour à la présidentielle de 1965.

BENILAN Anne-Laure, La première campagne de presse sur le contrôle des naissances : octobre 1955 – juin 1956, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 2 vol., 118 p. + 97 p. d’annexes

L’étude de cette campagne de presse peut permettre la mise en perspective, à une date précise, des opinions des politiques, religieux, femmes, couples, scientifiques, médecins… sur un sujet qui touche chacun dans son intimité : sa sexualité et sa conséquence directe que pouvait être l’enfant.

Sujet privé par excellence, la « conception » est abordée publiquement par l’intermédiaire de la presse. Une perception chronologique du débat permet de distinguer trois périodes. Tout d’abord, les partisans s’appuient sur un nouveau modèle familial, basé avec l’aide des méthodes contraceptives sur une parenté consciente et non plus subie. Ensuite, les premières oppositions apparaissent avec les démographes, garants du chiffre de la population française et les catholiques, garants de la morale. Enfin dans un troisième temps, ce sont les communistes qui interviennent condamnant le birth control dans la mesure où il représente une fausse solution aux problèmes de la masse des prolétaires.

Sous les feux conjugués de ces trois oppositions, la campagne s’éteint à l’été 1956. Elle a provoqué sur l’échiquier politique français une double scission de la gauche : partis de gauche (des progressistes aux radicaux­socialistes) face aux communistes et direction du Parti communiste français face à toute une frange des militants.

BERTON Sylvie, L’Italie vue par quelques journaux de la presse parisienne repliée : mai 1940 – août 1944, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault, Philippe Gut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 213 p.

De mai 1940 à août 1944, le Petit Journal, la Croix, le Figaro, l’Action Française et le Journal des Débats ont consacré une partie de leurs éditoriaux à l’Italie. La fréquence de ces articles a varié en fonction de trois grands critères :

D’une part, l’importance des événements qui se déroulaient en Italie a conditionné ou non la rédaction d’articles. D’autre part, les services de la censure de Vichy ont fortement dicté l’attention des journalistes aux faits italiens. Et enfin, les tendances et caractéristiques des différents quotidiens ont suscité à divers degrés l’intérêt des éditorialistes pour la sœur latine.

À l’issue de l’étude, on constate que l’Action Française et la Croix se sont largement intéressées à l’Italie, et ceci non pas seulement quand l’intérêt de la France était en jeu, comme l’ont fait principalement les autres journaux.

Ces cinq quotidiens de droite, pro-Italiens, et anti-Allemands, ont rapporté les événements italiens pendant ces quatre années en essayant tant bien que mal d’exprimer leur propre opinion, tout en soutenant, du moins en apparence pour certains, les idées du gouvernement de Vichy.

BORNET Laurent, Les syndicats et le Premier mai de 1945 à 1949, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 145 p. + annexes

Ce mémoire repose sur le dépouillement de la presse de gauche (syndicale, communiste, socialiste) nationale, mais surtout régionale, car l’aspect provincial est primordial pour notre sujet (une vingtaine de départements représentatifs ayant été sélectionnés), et sur l’analyse des témoignages de certains acteurs de cette période.

Dans un temps historique court, mais chargé (1945-1949), marquant le départ d’une nouvelle ère pour la France, la vie syndicale et la journée du Premier mai, point culminant de l’année ouvrière, subissent des transformations profondes et durables. Ainsi, notre mémoire s’oriente vers deux idées directrices complémentaires permettant une approche globale du sujet.

Dans un premier temps, nous nous attachons à l’étude au niveau local et national de la préparation et du déroulement de cette journée organisée par la CGT. L’ensemble de la propagande orale, meetings préparatoires et écrits, journaux, tracts et affiches, présenté, nous abordons la réalisation de ce jour où deux aspects, l’un syndical, l’autre national, cohabitent. Seul aspect du Premier mai au début du siècle, le caractère syndical (pointage des cartes, repas fraternel, pétition) voit son importance diminuer au cours de notre période, mais son axe central, le meeting, garde, surtout en province, une importance non négligeable. Si le déclin de ce caractère est réel, il se réalise au profit du deuxième aspect de ce jour, composé du défilé et des réjouissances de fin de journée permettant de regrouper l’ensemble de la population et symbolisant le renouveau syndical.

Après cette décomposition des phases du Premier mai entre 1945 et 1949 avec ses permanences et ses influences nouvelles, nous étudions dans un deuxième temps les conséquences de la scission syndicale sur les Premier mai de 1947 à 1949. Cette partie se décompose en deux points. Tout d’abord, nous tentons de déterminer l’influence de l’affaiblissement syndical et des prémices de la scission sur le Premier mai 1947. La scission réalisée nous décrivons l’attitude de la CGT-FO face à cette journée, puis la réaction de la CGT devant cette nouvelle situation.

Cet essai tente donc de montrer la rapide évolution du syndicalisme dans l’immédiat après-guerre à travers le Premier mai. En effet d’une fête de masse célébrant la Libération en 1945, le Premier mai se transforme en 1949 en une journée de désunion où les deux syndicats CGT et CGT-FO ne savent plus quel moyen employer pour endiguer cette phase de déclin.

COHEN Dyana, Les juifs pendant et après Vichy, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 118 p. + annexes

Un des principaux objectifs de ce travail est de montrer comment les Juifs ont survécu sous Vichy, avec l’aide des non-juifs notamment.

Le second objectif est d’étudier, dans la mesure du possible, leur devenir après Vichy, en fonction de leur vécu sous Vichy, le cheminement de leur identité juive étant l’un des aspects de ce devenir.

Le matériau : – Soixante questionnaires ont été envoyés aux USA, en Israël, en France. Vingt réponses ont été obtenues. – Deux films américains ont été utilisés.

Certaines archives ont pu être consultées, notamment : les archives de Ylva (Centre de recherches Juif à New York), les archives de Yad Vachem à Jérusalem, les archives du CDJC (Centre de documentation juive contemporaine), les archives de l’OSE (Œuvre de Secours aux enfants).

Il ressort de cette étude que les plus profondes mutations ne se sont pas produites dans le domaine de l’« identité juive », mais sur d’autres aspects de la personnalité. Cependant, ces mutations profondes ne sont pas toujours reconnues par les survivants.

Il nous semble également que ceux qui ont conservé des séquelles dont ils sont conscients sont plus aptes à se souvenir de leur vécu.

La multiplication des écoles juives depuis la guerre signifie-t-elle une véritable révolution culturelle ou religieuse ? Elle semble plutôt être dictée par la crainte d’assister à la disparition du peuple juif.

Des événements marquants personnels sont interprétés différemment et poussent soit vers l’assimilation, soit vers un renforcement de la judéité. Le climat psychologique dans lequel une personne rencontre le judaïsme a une grande importance.

Les interviewés ont mis la lumière sur leurs souffrances collectives et ont passé sous silence celles qui leur étaient particulières.

Ce qui est gravé dans les mémoires, parfois plus que les souffrances, ce sont les différentes personnes et organisations non-juives qui ont contribué au sauvetage des interviewés.

DAKHLIA Jamil, L’Institut Gramsci piémontais (1974-1988) : entre l’actualité du PCI et la mémoire ouvrière turinoise, Maîtrise [Antoine Prost, Danielle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 228 p.

Cette recherche, menée en particulier à l’aide d’enquêtes orales, entend retracer l’évolution de l’Institut Gramsci turinois depuis sa création en 1974 jusqu’à sa transformation en fondation en 1988. L’histoire de cet organisme spécialisé dans les sciences économiques et sociales met en scène deux générations de communistes turinois déterminant successivement deux politiques culturelles contrastées. Après avoir connu pour la plupart leur premier engagement marxiste en luttant contre le fascisme à la fin de la Seconde Guerre, les pères fondateurs de l’Institut Gramsci ont contribué au développement des théories néoconsiliaristes dans le Turin des années cinquante, axant la thématique initiale de l’établissement sur le schème de la « centralité ouvrière ». Des travaux historiographiques et archivistiques apportant alors une consécration à la tradition de luttes sociales propre au berceau du communisme italien. Lorsque, à la fin des années soixante-dix, l’institut passe sous le contrôle d’universitaires issus de la « génération de 1968 », l’établissement, désormais investi d’une vocation purement scientifique, oblitère son militantisme originel et s’efforce d’accroître son autonomie à l’égard de la fédération turinoise d’un parti qui traverse une grave crise d’identité. L’institut se détache progressivement de la tradition marxiste locale et soumet l’œuvre des grandes figures du communisme italien (Gramsci, Togliatti) à une relecture iconoclaste. L’idéologie de ses fondateurs s’éloigne de l’actualité politique pour entrer dans le domaine des archives, pendant que le PCI s’engage sur la voie de la social-démocratie et doit pour cela s’abstraire de ses racines historiques.

DUHAMELLE Alain, Les Analyses économiques de la CGT de 1923 à 1935 à travers les congrès confédéraux, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 146 p. + annexes

Cette recherche a pour objet de mettre en exergue la pensée économique du syndicat durant l’entre-deux-guerres, en s’intéressant particulièrement aux théories, aux idées économiques qui influencent le raisonnement cégétiste. De même, nous avons cherché à montrer l’action qu’exerce l’idéologie, la stratégie révolutionnaire sur les analyses économiques de la Confédération générale du Travail.

De ce fait, nous avons fait débuter notre étude à la fin de la Première Guerre mondiale, étant donné qu’il nous semblait que l’expérience syndicale tentée au sein de « l’union sacrée » marquait un tournant idéologique majeur. En effet, elle annonçait le socialisme réformiste que pratiquera tout au long de la période la CGT.

Par ailleurs, c’est durant l’entre-deux-guerres que le syndicat prend conscience de l’importance de l’étude des questions économiques. Pourtant, sa pensée économique reste subordonnée à l’idéologie réformiste, en d’autres termes, la CGT se préoccupe plus d’obtenir des réformes sociales que de transformer le système capitaliste. C’est la raison pour laquelle le syndicat abandonne la lutte des classes au profit de la conciliation et de l’entente sociale, car il espère tirer, de cette attitude nouvelle, des avantages sociaux primordiaux. En dépit des efforts syndicaux et de son pragmatisme, l’expérience se solde par un échec, même si elle a permis la prise en compte de la nécessité d’une éducation économique du mouvement ouvrier et malgré qu’elle ait favorisé la propagation d’idées ou de thèmes économiques qui seront à la base de la croissance économique qui suivra la Seconde Guerre mondiale (l’importance d’un plan ; les nationalisations ; une vision macro­économique ; …).

FRABEL Marle-Claude, Vision du syndicalisme anglo-saxon par la Fédération Syndicale Mondiale ? Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 192 p. + annexes

Organisation unique jusqu’en 1949 du Mouvement Syndical International, la Fédération Syndicale Mondiale (FSM) connaît cette date une grave crise qui entraîne le départ de quelques syndicats issus pour l’essentiel de pays capitalistes avec, à leur tête les syndicats anglais et américains.

Cette étude illustre la différenciation que la FSM établit entre les divers éléments du syndicalisme anglo-saxon, entre « réactionnaires » et « progressistes » et la modification de cette différenciation de 1946 à 1956 avec un apogée de l’hostilité au milieu de la période et une amorce d’apaisement en fin de période.

La FSM détaille longuement les conditions politiques et économiques de vie des travailleurs dans les pays capitalistes et cette étude a aussi pour but de déterminer à partir de quel type de données la FSM analyse cette situation.

Le mémoire se termine sur le rôle central accordé aux travailleurs et aux syndicats dits « progressistes » dans l’avenir du syndicalisme anglo-saxon ; sur l’espoir placé en eux et qui pour une large part ne correspond pas à un réel accord de ces hommes aux objectifs de la FSM.

FRETIGNE Jean-Yves, Les lectures de Gramsci en France entre 1968 et 1975, Maîtrise [Antoine Prost, Danielle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 245 p. + annexes

Nous nous sommes efforcés, dans ce mémoire, d’étudier la signification et les enjeux de l’actualité de Gramsci en France dans les années 1970 au travers des commentaires de son œuvre.

Nous avons d’abord dégagé la nature de cette actualité. Dans les années 1950, l’action politique de Gramsci est principalement mise en avant, tandis que, sous l’influence décisive de Louis Althusser, les aspects théoriques et en particulier philosophiques de ses écrits sont privilégiés durant la décennie 1960. L’actualité de Gramsci entre 1968 et 1975 réalise la synthèse de ces deux approches de son œuvre puisqu’elle se manifeste sous la forme d’une influe ce théorique et politique qui s’exerce sur des penseurs de la gauche française. Le débat sur cette actualité philosophique et politique de Gramsci s’articule autour de son marxisme-léninisme. Deux enjeux se dessinent.

– Le premier enjeu porte sur la nature même de l’œuvre de Gramsci. Il s’agit de déterminer si elle échappe au marxisme ou si elle s’y rattache. Cette dernière interprétation est dominante, mais elle doit s’affirmer contre la lecture qui juge les analyses gramsciennes plus proches des thèses syndicalistes-révolutionnaires et contre celle qui tend à faire du penseur italien un auteur qui inverse, par rapport à Marx et à Lénine le rapport entre l’infrastructure et les superstructures.

– Le second enjeu de l’actualité de Gramsci en France entre 1968 et 1975 est interne à l’interprétation dominante de son œuvre. Parmi les lecteurs de Gramsci qui affirment le caractère marxiste-léniniste de ses thèses un clivage politique se dessine entre ceux pour lesquels l’œuvre de Gramsci constitue un héritage que peuvent revendiquer avec raison les Partis communistes français et italien, et ceux pour lesquels les concepts politiques gramsciens sont seuls authentiquement révolutionnaires et ne sauraient s’inscrire dans les projets réformistes et révisionnistes du Parti communiste français et du Parti communiste italien.

GUILLEMOLES Alain, La tentation terroriste. L’extrême gauche et la violence en France de 1968 à 1974, Maîtrise [Antoine Prost, Danielle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 188 p.

À la fin des années 1970, les Allemands et les Italiens ont vu se développer chez eux un terrorisme de plus en plus violent. En France, il n’en a pas été de même. Pourquoi ?

C’est d’abord à travers une étude des différents groupuscules de l’extrême gauche française au lendemain de mai que l’on peut tenter de répondre en vérifiant dans quelle mesure, et pourquoi ces organisations ont résisté à la tentation de la violence. Deux d’entre elles sont tout particulièrement étudiées pour s’être les plus approchées du point de non -­retour : la GP et le GARI.

Grâce à la lecture de leur propagande et de nombreux témoignages, on arrive à reconstituer le climat interne de ces organisations, et d’expliquer comment leurs militants ne sont pas devenus terroristes – du moins pas avant les années 1980 et la courte épopée d’Action Directe.

Mais c’est seulement au terme d’une réflexion sur l’emploi du terme même de « terroriste » que l’on peut conclure et voir que si la France n’a pas engendré, dans les années 1970, « son » terrorisme d’extrême gauche, c’est peut-être parce qu’elle a su rester, plus longtemps que ses voisins, à l’écoute de sa jeunesse contestataire et entendre certaines de ses aspirations.

HERMELLIN Nathalie, La grève des mineurs en 1963 : perception nationale et souvenir local (le cas des Cévennes), Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 2 vol., 158 et 146 p.

La grève des mineurs de mars-avril 1963 est le fruit de la lente dégradation du pouvoir d’achat relatif au mineur, et de la prise de conscience, par les intéressés, du caractère général de la crise des houillères. Les chiffres témoignent de l’ampleur du mouvement : 35 jours de grève (le plus long conflit depuis la naissance de la Vème République), 200 000 grévistes, 196 000 tonnes de charbon perdues par jour de grève, 30 millions de francs nouveaux récoltés à l’intention des mineurs. Devant l’importance de ce mouvement, le gouvernement riposte par la réquisition générale, après deux journées de grève effectives. La population, dans son ensemble, estime que cet ordre, signé par le général de Gaulle, est une atteinte au droit de grève et considère que les revendications des grévistes sont justifiées. De là naît un consensus national soutenant le mouvement des mineurs. Son unanimité tient en échec le pouvoir. La grève de 1963, à de nombreux égards, est une grève réussie. Tout d’abord se constitue une union de tous les syndicats, ensuite le mouvement bénéficie du soutien moral et financier de la nation, de plus aucun conflit majeur n’oppose grévistes et forces de l’ordre, enfin les revendications de la profession charbonnière sont satisfaites. Malgré tous ces succès immédiats, la grève n’a pu mettre fin à la récession. Elle a au contraire, illustré le déclin du charbon.

KARLIN Élise, Les Fonctions de la femme dans la presse féminine légale et clandestine pendent les années d’Occupation – septembre 1940-juin 1944, Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 135 p.

Pendant toute la Seconde Guerre mondiale, ont coexisté en France deux sortes de presse féminine : l’un légale, qui soutenait le régime vichyste, et l’autre clandestine, qui au contraire le dénonçait. Acceptation ou révolte, la femme dut choisir son camp, sollicitée sans répit par son journal, le compagnon des mauvais jours. Mais dans les publications interdites comme dans celles qui sont autorisées, c’est toujours avec les mêmes arguments que les journalistes tentent de convaincre leurs lectrices ; l’instabilité des temps ne bouleverse en rien dans la presse féminine les trois fonctions essentielles de la femme : elle reste ménagère, mère ou femme-objet.

À travers Marie-Claire, Votre Beauté, Dimanche de la femme et quelques tracts clandestins, dont L’Humanité de la femme, notre travail s’est appliqué â montrer comment tout est fait, dans une presse qui s’adresse à des femmes, pour les immobiliser au foyer. Là, place noble s’il en est, les tâches ménagères sont multiples, du coup de balai à la préparation quotidienne du repas : la femme n’a pas un instant à elle. L’homme absent, elle est devenue chef de famille, en charge de la survie des siens. Mais en même temps, son journal l’idéalise encore soumise et obéissante : elle assume tous les rôles ensemble, à la fois femme de tête et faible créature… Cette dépendance vis-à-vis de l’idéologie dominante est d’autant plus importante que la femme reste le relais fondamental entre les forces au pouvoir et ceux qui en assureront l’avenir, les enfants. La fonction éducatrice de la mère conduit de cette manière la femme à perpétuer le système établi, où sa place demeure derrière l’homme. Rien ne doit être transgressé, et surtout pas l’échelle sociale : la femme idéale, celle qui se maquille sans vulgarité et s’habille sans ostentation, sait garder son rang. Menacée d’exclusion, la femme obéit aux injonctions complaisamment diffusées dans la presse féminine légale, et ne sort pas du chemin déjà tout tracé pour elle : elle renforce ainsi l’inégalité millénaire entre les sexes. Et la presse clandestine, si elle appelle les femmes à lutter en égale aux côtés des hommes, les alerte toujours au nom des mêmes valeurs : travail, famille, patrie…

La guerre a permis à la presse féminine, par nature conservatrice et réactionnaire, d’exacerber ses notions fondamentales, d’autant que celles-ci correspondaient parfaitement à une idéologie qui s’est étendue dès 1919 en Europe, traversant avec violence souvent les mouvements sociaux et politiques : l’idéologie fasciste, et plus encore nazie. Mais les femmes ont su trouver dans leur presse, quotidienne ou exceptionnelle, les motivations qui les ont soutenues tout au long de ces années de privation, de désespoir et de mort. Si les forces politiques se sont appuyées toujours sur leurs épaules, elles ont elles toujours réussi à transformer cette pression en pulsion de vie.

LAURENT Anne, Image explicite et implicite de la femme à travers la presse féminine de 1967 au début 1975, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 202 p. + annexes

– L’image de la femme présentée dans les magazines féminins a-t-elle connu une évolution au cours de la période étudiée ?

– Les événements de 1968 ont-ils eu des répercussions sur le contenu de la presse féminine ?

– Y a-t-il convergence ou divergence entre les images de la femme présentées, d’une part, dans le discours rédactionnel, et d’autre part, dans le discours publicitaire ?

L’analyse démontre qu’une première mutation des magazines féminins intervient à la veille des événements de mai. Cette mutation fait suite à l’évolution de la condition féminine dans les années 1955-1960. Elle se traduit, dans la forme, par une restructuration des magazines. Mais surtout, dans le fond, apparaissent timidement les premières images déviant des modèles traditionnels.

Une seconde transformation de la presse féminine est enregistrée au début des années 1970, succédant ainsi aux événements de 1968 : le malaise affectant les rapports interpersonnels a éclaté au grand jour. Les magazines féminins ne peuvent alors plus nier la « révolution » en cours.

La conclusion insiste sur deux phénomènes :

– La presse féminine a été dépassée par le mouvement de remise en question du statut de la femme, n’ayant su en apprécier l’ampleur. En essayant de conserver ses lectrices traditionnelles tout en confortant son lectorat avant-gardiste, les magazines féminins n’ont pas voulu prendre parti et ont engendré leur propre déclin.

– Les publicitaires, quant à eux, ont su exploiter le mouvement de « libération » des femmes ; ils ont trouvé dans l’évolution de la condition féminine une nouvelle source d’inspiration.

LOYER Emmanuelle, Le mouvement des ciné-clubs en France 1945-1955, Maîtrise [Claude Beylie] Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 151 p.

À la Libération, le cinéma jouit d’un immense prestige. Pourtant, quelques années auparavant, il était encore considéré avec pitié par nos clercs. Du mépris à l’intégration universitaire, la mutation a été profonde qui constitue la promotion culturelle du cinéma. Cette période de transition, qui s’ancre dans la Résistance pour s’achever à la fin des années cinquante, couvre le champ d’action privilégié des ciné-clubs, leur phase « héroïque » et leur succès historique.

Parler de « succès historique » est légitime dans la mesure où se développe un réseau de ciné-clubs sur le plan national, voire international, l’ampleur de ce phénomène le distinguant radicalement du « ciné-clubisme » des années vingt. Un point de vue synoptique sur cet espace de dix ans permet de repérer les profonds bouleversements qui simultanément affectent la configuration des forces du cinéma parmi lesquelles les ciné-clubs opèrent très rapidement une insertion réussie : le ciné-club trouve sa place stratégique comme interlocuteur des deux instances qui comptent dans le monde du cinéma, l’État et la profession.

Le ciné-club est traité par l’État comme partie prenante dans la promotion d’un cinéma qu’on entend ne pas laisser aux mains de l’industrie et du commerce ; en cela, il apparaît historiquement lié à la formulation du devoir culturel du cinéma, qui instaure ou parraine de nouvelles structures telles que le CNC ou l’IDHEC. Vis-à-vis de la profession, la rivalité don quichottesque dont se glorifiaient les salles spécialisées des années vingt ne convient plus ; de l’antagonisme fondamental naît un désir de collaboration exprimé des deux côtés à défaut d’être toujours mis en pratique. Dans ce partenariat obligé, les ciné-clubs devront se forger un discours spécifique face à une profession en crise permanente durant ces années d’après-guerre.

Permettant d’embrasser nombre de questions organisationnelles qui ont leur importance — le statut juridique, le problème des taxes et de la censure — la description de la mise en place réussie des ciné-clubs rend compte de la cohérence de ce phénomène, de l’articulation qui le relie aux autres instances engagées.

Le fait que régulièrement, des gens se réunissent pour voir un film et en discuter est en soi suffisamment original pour qu’apparaisse une spécificité de la pratique ciné-club. Pourtant, celle-ci s’offre d’autant plus volontiers à une investigation historique qu’elle est investie d’enjeux qui dépassent le simple cadre cinématographique : le ciné-club se dévoile comme expérience sociale de démocratie culturelle ; il est manifeste que l’utopie du populisme culturel à l’œuvre dans l’action ciné-club, correspond à l’idéologie consensuelle qui marque les toutes premières années de l’après-guerre. Mais les clubs s’affirment également comme cadres d’expériences pédagogiques qui se veulent novatrices par rapport à l’enseignement scolaire. Ces diverses réalités du ciné-club en font un lieu de pratique du cinéma tout à fait particulier, à la fois soutien d’une culture cinématographique axée sur la connaissance des grandes œuvres, et porteur d’ambitions pour la production qui leur est contemporaine, visant à faire du cinéma le véritable « langage de (son) temps ».

MAILLARD Philippe, Une loge, une ville : la Triple Unité de Fécamp (1778-1940), Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle] Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 211 p. + annexes

Les nombreuses études générales faites sur la Franc-Maçonnerie retirent au phénomène maçonnique sa dimension régionale et son organisation particulière qui repose sur le principe fondamental du « maçon libre dans une loge libre ».

Une étude monographique permet de découvrir une autre Maçonnerie que celle de I’« Affaire des fiches » ou de la lutte pour l’anticléricalisme sous la Troisième République. Ce mémoire n’est pas l’étude d’une institution dite secrète, pas plus qu’une histoire de l’ésotérisme, mais l’analyse d’un groupe d’hommes au sein et face à une communauté urbaine et des débats nationaux.

La loge de la Triple Unité a vécu environ un siècle et demi entrecoupé de phases de sommeil ; elle a connu le régime monarchique, le régime impérial et le régime républicain et les hommes qui la composèrent venaient d’horizons géographiques, sociaux et politiques les plus divers. La ville quant a elle évolue au rythme des guerres, du trafic de son port, de son système administratif, etc.

L’analyse de cette société de pensée à Fécamp ne pouvait donc s’effectuer qu’à travers un découpage chronologique justifié par l’émergence de trois périodes caractéristiques.

Dans un premier temps, de 1778 à 1828, la loge apparaît comme le rassemblement de privilégiés formant un groupe introverti peu mêlé aux problèmes municipaux ou nationaux. Jusqu’à la Révolution française, la Maçonnerie fécampoise est dominée par les Bénédictins de l’abbaye locale, les militaires et les nobles. Elle meurt avec la disparition de ces catégories sociales trop liées au régime de la royauté et de la société d’ordres. Elle réapparaît de 1811 à 1828, composée de membres de la bourgeoisie d’affaires née de la période révolutionnaire ; la loge fait alors figure de groupe corporatif. À aucun moment elle ne s’occupe directement de politique.

Au contraire, de 1860 à 1914, la loge qui se recrée est rapidement politisée, n’hésitant pas à braver le pouvoir national ou ses représentants régionaux. Elle agit surtout entraînée par quelques hommes de caractère qui marquent le groupe de leurs idées et de leurs actions. Lorsque la Franc­-maçonnerie se laisse bâillonner par le despotisme napoléonien, la Triple Unité mène la lutte pour l’indépendance et pour le respect des principes maçonniques. Lorsque la majorité des francs-maçons rallie le camp radical, la loge de Fécamp ne répugne pas à puiser dans les théories socialisantes, voire socialistes. Bien sûr, toute cette période est marquée par la lutte anticléricale, d’autant plus vive à Fécamp que le Pays de Caux est fortement superstitieux et croyant. Dans ce milieu hostile, les Frères de la loge loin d’être unis se divisent de plus en plus ; la déchirure se fait à l’occasion d’une consultation électorale en 1910, privant la loge d’une partie dynamique de ses membres.

Dans un troisième temps, de 1914 à 1940, la loge confirme l’amorce de son déclin, aidée en cela par les pertes et les départs liés à la Première Guerre mondiale. Cette guerre est encore l’occasion pour les maçons de Fécamp de prendre des positions tranchées ; c’est quasiment la dernière fois qu’elle peut se permettre de le faire. Après la guerre, la loge plonge dans une routine et un marasme qu’un faible recrutement ne peut effacer. Elle ne doit son maintien jusqu’en 1940 qu’à la forte personnalité de ses Vénérables successifs. De fait, les décrets d’interdiction de la Franc-Maçonnerie publiés par Vichy et l’arrivée des Allemands portent un coup fatal à la Triple Unité. C’est aussi une fin honorable pour une loge condamnée de toute façon à disparaître. À la Libération, la loge n’est même pas reconstituée ; les biens sont liquidés et les quelques maçons encore actifs sont orientés sur les loges du Havre.

De cette étude, il ressort un éclairage inhabituel de la Franc-maçonnerie. Les Frères de Fécamp sont des hommes de bonne volonté, respectueux de l’ordre et des lois, mais rarement homogènes et univoques. Difficile donc de faire de la Triple Unité un groupe de pression occulte et omnipotent au sein de la ville. Il s’agit plutôt d’une micro-société en demi ­teinte, à la fois aussi radicale et pondérée que la population haute normande dans son ensemble.

MAROIS Agnès, Pratiques culturelles en banlieue : l’exemple d’une bibliothèque de quartier (à Massy), Maîtrise [Antoine Prost, Noëlle Gérôme], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 106 p. + annexes

La banlieue est dans une large mesure dépendante du centre de l’agglomération pour ce qui est des services intellectuels ou culturels qu’offrent les villes.

Les bibliothèques de lecture publique constituent cependant une exception, car c’est l’équipement culturel le plus répandu parmi les villes moyennes : pour un coût abordable, la bibliothèque peut constituer un pôle culturel non négligeable : proximité de l’habitat, diversité du public touché, reflet de la politique socio-culturelle de la municipalité.

À travers l’exemple du développement d’un quartier de banlieue parisienne à Massy, entre 1960 à 1985, dont la finalité première : fournir des logements, se double d’une politique d’équipement et d’environnement tenant compte des premiers reproches faits contre les « Grands ensembles » (cités-dortoirs, ségrégation sociale…). C’est dans ce cadre que nous avons étudié l’évolution de la conception et de la présentation de la lecture publique : passage d’une association de bénévoles à un service municipal, formes de l’appréhension de la lecture : animations, expositions, travail avec les écoles… ; l’évolution de la constitution du fonds : domaines couverts, nature des documents ; l’évolution de l’insertion dans le quartier : animations culturelles proposées, fréquentation par la population, partenariat local…

Il ne s’agit là que d’un aspect des pratiques culturelles en banlieue, mais il semble majeur dans la mesure où la maîtrise et le goût de la lecture sont des « clefs » essentielles pour accéder aux connaissances et la culture.

MONRIGAL M.-A., Reportages sur l’Afrique Noire en 1928-1929 : ambition coloniale et exigence humanitaire, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989

Dans les années 1927-1928, la propagande coloniale se fait très active dans la grande presse parisienne. Un consensus politique se fait alors sur le credo colonial et sur ses grands principes : la France a une mission coloniale ; les colonies sont rentables économiquement et il faut les mettre en valeur.

Les cinq grands reportages sur l’Afrique Noire Française qui paraissent alors illustrent ce regain d’intérêt pour les colonies et pour le colonialisme. Comment les grands reporters présentent-ils l’Afrique Noire ? Écrivant pour un large public, les reporters mettent d’abord en scène l’Afrique Noire de l’imaginaire, du fantasme et l’Africain, être exotique et inférieur racialement. En cela, ils répondent aux préjugés de leur époque, aux leurs comme à ceux de leurs lecteurs.

Sur la base de ces préjugés communs, le reporter établit ainsi un « réseau de connivences » avec son lecteur. Il peut remplir son rôle proprement informatif et juger des résultats de la mise en valeur en Afrique : la mise en valeur économique, l’éducation, l’hygiène, la mise en place des infrastructures, etc. L’Afrique Noire est présentée par tous comme potentiellement riche, mais sa mise en valeur insuffisante.

Ces journalistes reprennent en chœur ce mot d’ordre de la propagande coloniale : pour mettre en valeur l’Afrique, « il faut faire du Noir ». L’Afrique Noire n’est pas une colonie de peuplement. Mais ne faut-il pas aussi comprendre que la colonisation a dépeuplé l’AEF et l’AOF ?

Les deux journalistes Albert Londres et Robert Poulaine sont particulièrement critiques à cet égard. Tous deux dénoncent le « drame du Congo-Océan ». La construction de ce chemin de fer qui devait relier Brazzaville à l’océan et permettre la mise en valeur de l’AEF est un « effroyable consommateur de vies humaines », pour reprendre l’expression d’André Gide. Londres avance le chiffre de dix-sept mille victimes pour 130 km de voie ferrée. Mettant en cause la crédibilité de la France comme grande puissance coloniale, ce chemin de fer est le miroir de la colonisation en Afrique.

Le recrutement imposé par la construction de ce chemin de fer déclenche une révolte en Oubangui-Chari. En janvier 1929, l’Humanité fait une large part à cet événement, lui reconnaissant les caractères d’un mouvement organisé contre l’impérialisme français. Ce journal est le seul à en parler vraiment.

De ce silence, comme du peu de réactions qu’entraînèrent les reportages de Londres et de Poulaine, nous avons cru avancer cette interprétation sur le monde colonial et le colonialisme en 1928-1929 : le monde colonial est un bloc, refermé sur lui-même, n’acceptant pas les critiques ni les remarques ; défendant principalement l’image du Blanc colon, sa moralité mise en doute, le colonialisme avoue peut-être une certaine faillite de ses grands principes « civilisateurs ».

PICARD Emmanuelle, Images de l’Allemagne 1945-1955 : tentatives d’analyse des discours français sur l’Allemagne, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 2 vol., 121 p. + 92 p. d’annexes

En l’espace de dix années, de 1945 à 1955, la situation de l’Allemagne se modifie totalement : pays vaincu et occupé par les alliés, elle redevient une Nation et participe à la construction européenne au début des années cinquante.

Ce mémoire tente d’analyser la perception de I’Allemagne dans I’opinion française au lendemain de quatre années d’occupation, puis durant la décennie où ce pays retrouve sa souveraineté. Il s’agit au travers de trois locuteurs de s’interroger sur l’existence d’une image de l’Allemagne et des Allemands : le discours politique, les réponses aux sondages d’opinion sur le sujet et les ouvrages ou articles parus durant la période sur le problème allemand…

Un double discours est ainsi mis en lumière : si la grande majorité des Français se prononcent en faveur d’une construction européenne à laquelle l’Allemagne participerait, une image globalement négative de ce pays continue à se dégager des sondages et des discours. Cette image s’ordonne autour de thèmes constants dans les trois corpus étudiés et s’accompagne de prises de position en faveur de solutions sévères au problème allemand. En revanche, un groupe minoritaire se détache, qui travaille dès 1945 à la réconciliation franco-allemande par le biais de revues et de rencontres.

PROUST Airy, La presse hebdomadaire française et les indépendances en Afrique Noire et à Madagascar (1958-1960) : tentative pour cerner une opinion, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 174 p.

En 1945, tous les partis en France, sauf le Parti communiste, voulaient maintenir la suprématie française sur les territoires d’outre-mer. En effet, la Constitution d’octobre 1946, en réponse à la conférence de Brazzaville de février 1941, poursuivit l’assimilation. L’opinion publique métropolitaine n’était pas prête pour une refonte des institutions en faveur de l’outre-mer. Il fallut attendre 1956 et la loi-cadre Deferre pour que l’autonomie soit en partie réalisée et acceptée majoritairement. Ainsi, à travers les hebdomadaires utilisés, puis à travers les sondages, nous tenterons d’évaluer les émotions du public sur la venue des indépendances.

Dès sa prise de fonction le 29 mai 1958, le général de Gaulle reformula les rapports franco-africains. Mais sa Constitution de septembre 1958 laissait apparaître certaines inégalités pour une partie de l’opinion publique. Le leader guinéen Sékou Touré choisit donc l’indépendance. Toutefois, l’opinion ne voulant pas voir la France se faire évincer trop rapidement y souscrivit dans son ensemble. Néanmoins, les métropolitains restèrent indécis quant à l’avenir de la Communauté franco-africaine.

Devant la concentration des pouvoirs du chef de l’État, la création de la Fédération du Mali le 14 janvier 1959, était un recours et ressemblait à un début de dislocation. Félix Houphouët-Boigny de son côté, par opposition, créa en mai 1959, le Conseil de l’entente. Peu à peu, l’opinion se détournait des affaires communautaires. Par ailleurs, le chef de l’État n’avait plus qu’à reconnaître, le 12 décembre 1959 à Saint-Louis du Sénégal, la possibilité de l’indépendance sans quitter la Communauté.

Pour l’opinion, les indépendances étaient acquises dans les esprits. Les 2 et 4 avril 1960, les accords sur le transfert des compétences furent signés avec Madagascar. La Communauté rénovée du 4 juin 1960 rendant compatibles l’indépendance et l’appartenance à la Communauté fut comme un désaveu pour Félix Houphouët-Boigny, partisan de la Communauté. En conséquence, avec le Conseil de l’entente, il demanda l’indépendance immédiate.

Avec les dépendances d’avril 1960, une partie de l’opinion à travers le cartierisme s’empressa de refuser toute aide financière vers les nouveaux États. Pour d’autres au contraire, il était nécessaire d’inscrire de nouvelles relations d’amitiés et de coopération.

La certitude des indépendances n’empêchera nullement les métropolitains de s’opposer parfois au président de la République, pour ce qu’il considérait comme le plus propice pour la France. Le rôle du général de Gaulle fut évident dans la venue des indépendances africaines.

RAFFAELLI Fabienne, Le mouvement ouvrier dons l’Oise 1919-1935 : syndicats et grèves, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 154 p.

L’Oise est un département industriel (en 1926, 43 % de la population active travaille dans l’industrie) qui juxtapose des industries anciennes (bois essentiellement, cuirs et peaux, textile…) et des industries nouvelles (chimie et métallurgie). Entre 1919 et 1935, la crise qui s’abat sur les industries anciennes, notamment la tabletterie, libère de la main-d’œuvre pour les industries nouvelles en pleine ascension. Ce glissement des industries anciennes vers les industries nouvelles s’accompagne de celui de la population industrielle vers le sud du département, notamment la vallée de l’Oise.

Au sein de cette industrie en pleine mutation, les organisations ouvrières très faibles avant la guerre (1 160 adhérents à la CGT en 1914) redémarrent en 1919. Toutefois, après cette période florissante commune à toute la France, elles ne réussissent pas à s’imposer dans l’Oise. Dès 1921, le nombre de grèves chute très sensiblement, la syndicalisation, quant à elle, se poursuit jusqu’en 1927, mais reste toujours très modeste et est en butte à la division et aux dissensions internes.

Si l’Oise est minoritaire après le Congrès de Lille, la tendance s’inverse peu à peu à partir de 1927 en faveur de la CGT. Cette mutation s’accompagne du recul de l’anarcho-syndicalisme, dès 1923, et de celui de la syndicalisation des industries proprement dites au profit du secteur tertiaire et de la fonction publique.

Les organisations ouvrières s’appuient sur les industries anciennes, notamment celle du bois, qui se heurtent à la crise de leurs secteurs. La chute et la faiblesse du mouvement syndical et gréviste est donc due principalement à celle des industries anciennes. La chimie possède des organisations ouvrières quasi inexistantes ; la métallurgie, si elle affirme sa tradition de lutte au lendemain de la guerre, détient un nombre peu important de syndicats et voit le nombre de ses grèves régresser nettement dès 1925.

Outre la crise des industries anciennes, la faiblesse des organisations ouvrières dans l’Oise peut s’expliquer par la proximité de Paris, surtout dans le bassin creillois où sont regroupées les industries nouvelles ; l’hétérogénéité de la classe ouvrière, déjà présente avant-guerre, accentuée à cette période par l’accroissement des industries nouvelles et l’afflux de main-d’œuvre étrangère à laquelle se mêlent les ouvriers des industries en crise. Ces ouvriers mobiles et divers par leurs origines sociales et démographiques ne s’insèrent pas dans un mouvement ouvrier départemental divise dont aucun dirigeant, a part Thomann et Leroux qui s’inscrivent dans la tradition des années d’avant-guerre, ne marque véritablement la période.

RAULT Michèle, Conseiller municipal sous Vichy. Prosopographie d’un personnel politique – le cas du département de la Seine, 1941-1944, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 184 p. + 85 p. d’annexes, cartes, index.

Quelle fut la politique municipale du gouvernement de Vichy ? Quels furent ses artisans dans le département de la Seine ? L’étude de la loi du 16 novembre 1940 réorganisant les corps municipaux et l’analyse de sa mise en œuvre éclairent les objectifs du régime. Le croisement de variables (âge, sexe, génération, courant politique, année d’élection et catégorie socio­professionnelle) dessine les profils types des 1 625 maires, adjoints et conseillers municipaux, hommes et femmes, qui furent nommés et siégèrent dans les conseils municipaux. De profondes disparités entre les édiles apparaissent suivant les responsabilités exercées. La fonction de maire est incontestablement la clef de voûte de la nouvelle charte des communes. Le maintien de conseillers municipaux élus entre les-deux-guerres représentatifs de la banlieue traditionnelle mérite attention, car il contraste avec les intentions initiales du régime qui, bien qu’il eût obtenu le soutien de plusieurs maires, échoua dans sa tentative de contrôle des assemblées municipales. De cette période, il faut retenir la possibilité qui fut donnée aux maires de nommer des femmes, disposition qui ne sera plus remise en cause. Le retour à la légalité républicaine signifia pour la majorité des « conseillers de Vichy » la fin de toute vie politique. Seules quelques personnalités qui avaient rejoint la Résistance siégeront dans les différentes institutions nées à la Libération et retrouveront leur siège aux élections municipales d’avril 1945.

SKOUTELSKY Rémi, La FEN et la guerre d’Algérie. Un syndical face à l’épreuve de la décolonisation, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1989, 246 p.

L’étude des réactions de la FEN face à la guerre d’Algérie et de toutes les conséquences que cela entraîna tant au point de vue interne qu’au point de vue externe constitue le principal objet de ce mémoire. Après avoir expliqué les caractéristiques de la FEN — idéologie, clivages internes, etc. — l’auteur examine son attitude face aux luttes indépendantistes des années cinquante, préalable indispensable pour éclairer son action lors du conflit algérien.

Une étude approfondie des positions théoriques des diverses composantes de la FEN sur le conflit et les solutions qu’elles avancent pour le résoudre, ainsi que le statut qu’elles préconisent pour l’Algérie, est menée tout au long du mémoire. L’attitude de la Fédération face au rappel du contingent, aux atteintes aux droits de l’homme ainsi que sa tentative de mettre l’école « au-dessus de la mêlée » sont également traitées.

À partir de 1958, la défense de la démocratie en France et la lutte contre la guerre d’Algérie étant étroitement imbriquées, la FEN entreprend ou participe à des actions de masse. La problématique de l’unité d’action se trouve alors posée, elle est également analysée.

Au terme de ce mémoire, l’auteur en conclut que par rapport au conflit algérien « si la FEN va dans le sens de l’évolution de l’histoire, c’est avec quelque temps de retard… ».

1988

BANET Christophe, Les associations d’enseignants publics en France de septembre 1939 à juin 1944, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1988, 180 p.

Faire un mémoire sur les associations d’enseignants publics de 1939 à 1944 avait pour principale difficulté l’impossibilité d’établir un recensement exhaustif de ces dernières. Nombreuses furent les associations qui apparurent, vécurent, puis disparurent sans laisser la moindre trace, sinon au niveau local. Seules celles qui publièrent un bulletin ou une brochure quelconque laissèrent à l’Histoire les matériaux qui prouvaient leur existence.

C’est donc à partir de leur bulletin que nous entreprîmes de répertorier dans un index alphabétique, les associations d’enseignants. Cet index, qui regroupe 210 organisations, syndicats, mutuelles, sociétés, groupements, forme l’ossature de notre mémoire. C’est sur sa base que nous avons rédigé les cinq chapitres qui le précèdent.

Cette introduction de soixante-dix pages tente de définir les grandes lignes de la vie associative des enseignants de 1939 à 1944. Nous y dressons un tableau des principaux syndicats qui les encadrent à la veille de la guerre, des difficultés qui surgissent du fait de celle-ci et de l’exode, pour ensuite nous attacher aux mesures coercitives du régime de Vichy à l’encontre des organisations d’enseignants. Mesures dont le point culminant est la loi du 15 octobre 1940 qui entraîna leur disparition presque totale. « Presque totale », car malgré ces mesures, des associations demeurèrent et d’autres se créèrent légalement. Mais ces créations nouvelles se heurtèrent constamment, sinon à l’hostilité, du moins au dédain des enseignants. Les organisations pro-­vychistes ou pro-allemandes n’eurent jamais un nombre significatif d’adhérents et en juin 1944, elles avaient disparu sans que l’on ait eu à les dissoudre.

BARBAS Jean-Claude, Philippe Pétain, Maréchal de France, chef de l’État français : Discours aux Français (17 juin 1940-20 août 1944), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1988

Chacun sait le travail de recomposition du corps de la France nécessité par les déchirures occasionnées par l’occupation allemande, l’effondrement de la IIIe République et son avatar, l’État français ou « régime de Vichy ». Fallait-il, pour satisfaire ce besoin, s’en tenir parfois à quelques phrases sorties de leur contexte ? Du constat, d’abord informel, de nuances dans les citations, de citations tronquées, puis par la suite, du défaut d’édition critique, est née l’idée d’entreprendre cette édition. La recherche et la découverte, au Musée d’histoire contemporaine (BDIC – Universités de Paris), des archives du cabinet du Maréchal et des enregistrements originaux de ses discours, plus ou moins oubliés, non catalogués, l’a transformée en besoin incoercible. Restait à lever quelques contraintes « administratives » pour préparer le meilleur corpus de textes qu’il soit possible d’établir. De l’audition des documents sonores, de l’examen attentif des textes, des ultimes cor­rections pratiquées, des publications dans la presse, des éditions d’époque et contemporaine, émergent des connaissances nouvelles.

La liste des rédacteurs se précise. Les discours du Maréchal sont écrits dans des styles différents, sa « patte » n’apparaît pas dans les longs textes à caractère administra­tif, et seuls quatre « discours » sont corrigés de sa main. L’improvisation n’est pas son fort, il bafouille, commet des lapsus parfois révélateurs. Les ultimes corrections nous dévoilent les thèmes auxquels il est attentif : l’unité de la Patrie, le travail, le respect de la parole donnée, l’école. Sur la famille, le consensus avec les rédacteurs semble parfait. Certains discours bénéficient d’une diffusion renforcée par plusieurs moyens, simultanément ou non. La radiodiffusion d’un discours indique son importance, quoique la radio ne soit pas le moyen d’information privilégié. Dès leur publication, les textes sont parfois aménagés. Le Journal officiel et le bulletin Informations générales ne sont pas au-dessus de tous soup­çons. La presse des zones Nord et Sud dispose de sources différentes dans le temps. Les éditions d’époque, sélectives, ont d’abord puisé au Cabinet, puis, à partir d’août 1941, au bulletin Informations générales tant qu’il a publié les discours du chef de l’État, avant de revenir aux textes du Cabinet. L’évolution de la réalité du pouvoir du Maréchal, avant et après le retour de Laval, est démontrée.

L’historien, le linguiste ou l’honnête homme peuvent maintenant consulter un corpus des « discours » plus riche, mais surtout avec des textes définitivement établis.

BRIAUX Marianne, Les journées du Premier mai de 1921 à 1934, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 204 p. (annexes, cartes)

Dans quelle mesure la scission syndicale et l’affaiblissement du mouvement ouvrier en général, affectent-ils le déroulement du Premier mai de 1921 à 1934 ?

Manifestation de l’unité et de la solida­rité des travailleurs, n’est-il pas ainsi amené à bouleverser ses structures et ses formes, développant, par exemple, sa composante festive ?

L’examen de l’organisation et de la prépa­ration du Premier mai, confrontées à l’épreuve de la réalité, apporte des éléments de réponse. Les résultats chiffrés de la participation, l’implantation des manifestations et leur déroulement (cortèges et meetings d’unité, contenu des discours…) renseignent aussi sur les interrogations et le devenir du syndicalisme français, avant les événements du Front populaire.

CAVALIER Michel, Le Tour de France cycliste dans la presse quotidienne de 1930 à 1960, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 290 p.

Le Tour de France est un fait social en raison de sa popularité. Son étude dans la presse comporte deux parties. La première est l’étude des détails matériels sur l’organisation que les journaux, volontairement ou non, nous fournissent (notamment ses côtés publicitaires qui sont les plus visibles) ; la seconde, plus développée, est l’analyse du (ou des) discours de la presse. Celle-ci, intermédiaire obligé pour quiconque veut suivre l’épreuve, est le principal vecteur de son succès qui est donc d’abord celui d’un discours.

Celui que l’on trouve dans la presse de grande audience est favorable au Tour de France. Il est marqué par une constante : la magnification. Celle-ci est cependant compromise par une double évolution largement imputable aux changements réels de l’épreuve : l’intrusion dans le discours de questions financières et l’affaissement du prestige de l’événement sportif.

Mais il existe un autre discours, critique vis-à-vis de l’épreuve et de son organisation. Il est caractéristique des journaux militants que nous avons étudiés. Leur évolution corres­pond à celle de l’épreuve (institutionnalisation), mais aussi à celle de partis, flagrante notamment pour le PCF qui passe de la critique à l’utilisation du Tour de France. Mais derrière les changements de ligne politique, le discours évolue en fait, en grande partie pour satisfaire le public.

CHEKIR Dominique, Recherches sur le syndicalisme des instituteurs de la Seine de 1917 à 1922, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1988, 191 p. + annexes

Ce mémoire tente d’apporter des éléments d’analyse sur la scission qui s’opère au sein du mouvement syndicaliste des instituteurs de 1917 à 1922.

L’examen des facteurs qui aboutissent à cette rupture est entrepris à partir de la lecture du bulletin mensuel du syndicat des instituteurs de la Seine : les semailles. Une première partie, de ce caractère chronologique, retrace l’historique du mouvement associatif et syndical des instituteurs jusqu’en 1914. Une seconde partie présente la position des instituteurs syndiqués à la Fédération Nationale des syndicats d’instituteurs pendant la guerre. Leur militantisme pacifiste et leur opposition à la politique Clémenciste. Une troisième partie étudie, plus précisément, la vie du syndicat de la Seine, à partir de 1917 : les différentes tendances animées par ses membres les plus actifs ; les relations du syndicat parisien avec sa fédération, avec la CGT ainsi qu’avec la Fédération des Amicales : de nombreux militants de la Seine ayant la spécificité d’appartenir parallèlement aux deux organisations.

La question essentielle qui domine ce travail est principalement le problème de la fusion entre amicales et syndicats, thème qui oppose le syndicat de la Seine et la majorité de sa fédération. C’est également l’exposé de la confrontation de deux idées totalement divergentes sur l’efficacité du syndicalisme de masse et de sa capacité révolutionnaire. La CGT prend position, en 1919, pour la fusion entre tous les instituteurs syndiqués et amicalistes, contre la fédération, se rapprochant ainsi du syndicat de la Seine et de ses militants. Une quatrième partie évoque la répression gouvernementale à l’origine de la création du Syndicat National des Instituteurs en 1920 par les principaux militants du syndicat de la Seine, puis la scission définitive entre le nouveau syndicat et la Fédération Nationale des Syndicats des membres de l’enseignement laïque.

COURTILLE Jean-François, Le syndicat CGT Citroën du XVe de 1964 à 1972, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1988, 216 p.

Au début des années 1960, l’entreprise Citroën a la réputation de pratiquer une politique sociale répressive. En effet, les droits et libertés des ouvriers y sont constamment bafoués. La direction refuse de reconnaître les organisations syndicales et accorde une marge de manœuvre très limitée aux représentants du personnel. Les conditions d’hygiène et de sécurité ne sont pas respectées dans les usines. Les rythmes de production sont élevés, tandis que les salaires restent faibles. Par-dessus tout, la surveillance étroite qu’exerce la hiérarchie Citroën auprès de chaque employé contribue à créer une atmosphère de crainte au sein de l’entreprise. Dans ce contexte les syndicats ouvriers sont marginaux et disposent d’une influence restreinte.

En 1964, pourtant, la CGT adopte une orientation ambitieuse, qui doit lui permettre de se transformer en une organisation de masse, capable de défendre et promouvoir les intérêts des travailleurs face à la direction Citroën. La gestion des œuvres sociales et culturelles du comité d’entreprise et l’unité d’action CGT-CFDT restaurent progressivement l’audience et la crédibilité des syndicats dans l’entreprise. Tout au long de la décennie, la CGT va mener des luttes en faveur des droits et libertés, mais aussi pour gagner l’augmentation des revenus ouvriers et le maintien du pouvoir d’achat des salaires, ou encore, pour obtenir l’aménagement du temps de travail et l’amélioration des conditions de vie à l’intérieur des usines Citroën XVe.

À partir de 1967, les efforts du syndicat commencent à porter leurs fruits. Les premières conquêtes sociales effectives du mouvement ouvrier à l’intérieur de l’entreprise coïncident avec l’épanouissement de la CGT qui devient une force électorale majeure et s’impose comme une réalité incontournable chez Citroën.

La grève de mai-juin 1968 est le point d’orgue historique de la CGT Citroën XVe, qui contribue largement au succès du mouvement et multiplie par quatre le nombre de ses adhérents. L’apparition de droits nouveaux, tels que la libre diffusion des tracts dans les usines, et la reconnaissance des sections syndicales par la direction, ouvrent des perspectives inespérées à la CGT.

Néanmoins, la décennie 1970 s’annonce difficile pour elle. Tout d’abord, la prépondérance de la CGT au sein du mouvement ouvrier est remise en question par l’émergence de deux courants antagonistes : les indépendants, proches de la direction Citroën, et les révolutionnaires gauchistes.

Ensuite, la direction de l’entreprise adopte une stratégie de concentration et de décentralisation qui entraîne une multitude de licenciements et lui permet de renforcer son autorité sur les ouvriers. La victoire des indépendants aux élections du comité d’entreprise de 1971, et la signature, par les syndicats FO, SISC et CGC d’un accord d’entreprise peu favorable aux travailleurs, au cours de la même année, accentuent le déclin relatif de la CGT qui éprouve des difficultés à associer ses adhérents au développement de son activité.

Néanmoins le dynamisme de la base et les efforts de structuration accomplis par les cadres du syndicat permettent à la CGT d’aborder plus sereinement l’année 1972, même si la perspective d’une réorganisation prochaine des usines Citroën parisiennes projette une ombre inquiétante sur son avenir dans l’entreprise.

CUBY Bernard, L’école primaire et les enfants étrangers en France dans l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1988, 166 p.

À l’encontre des ouvriers immigrés ou des réfugiés politiques, les enfants étrangers demeurent méconnus. Nous avions l’intention, dans une première approche générale de saisir comment leur présence à l’école primaire, instrument de socialisation et principale institution avec laquelle ils étaient en contact avait été perçue. Mais il est apparu qu’ils n’étaient souvent pas mentionnés de façon explicite et spécifique. Aussi, a-t-il tout d’abord fallu mettre en évidence certains faits. À partir de recensements et d’enquêtes, et en prenant quelques départements types, le poids des enfants étrangers dans la population française, et par suite dans la population scolaire, apparaît non négligeable. Leur scolarisation a soulevé le problème de la présence ou non d’enseignements spécifiques. On a pu l’approcher dans son ensemble par la fréquentation et le degré d’instruction.

Ceci fait, il était possible de revenir aux perceptions, conflictuelles ou positives qu’en eurent les contemporains, tant pour les résultats scolaires que pour les rapports humains. Nous avons utilisé pour cela les débats parlementaires, des journaux enseignants des pièces d’archives et des ouvrages de contemporains sur l’immigration. Au-delà des silences et absences de perception spécifique et malgré les tensions qui apparaissent çà et là, il s’en dégage une impression générale de large autosatisfaction sur le rôle et la réussite de l’école. Cela peut s’expliquer par le fait que certains des problèmes (non-fréquentation, langues maternelles) ne concernaient pas uniquement les étrangers, mais aussi les Français ; cependant, une des principales causes semble également résider dans le poids des conceptions assimilationnistes qui faisaient de l’enfant étranger un être que l’école, oubliant ses origines, devait modeler pour en faire un Français type.

DABI Olivier, Croissance urbaine. Société et politique en vallée de Montmorency de 1945 à 1988, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1988, 102 p. + 68 p. annexes

Cet essai d’histoire de la vallée de Montmorency (Val-d’Oise) après la Seconde Guerre mondiale a été mené dans une triple perspective :

– étude de la croissance urbaine, fondée sur l’observation de la démographie, de la construction immobilière et de l’urbanisme ;

– étude des structures et des mutations sociales et sociologiques, reposant sur des enquêtes de ventilation socioprofessionnelle comme sur la saisie de l’évolution des mentalités ;

– étude de la vie politique et électorale, à travers l’analyse des résultats des consultations successives, tant législatives que municipales ou présidentielles.

Après une introduction géographique et historique, nous avons distingué trois étapes chronologiques, qui constituent autant de phases du processus d’urbanisation en vallée de Montmorency. De 1945 à 1962, l’évolution est caractérisée par une grande vigueur démographique, une timide amélioration des infrastructures, mais aussi certaines pesanteurs héritées de l’entre-deux-guerres retard de l’urbanisation et vote assez uniformément conservateur. Entre 1962 et 1975, la vallée accueille un afflux massif de nouveaux arrivants, ce qui ne va pas sans entraîner de profondes mutations, sociologiques puis politiques. Depuis 1975, dans un contexte général de récession démographique et économique, le grand mouvement d’urbanisation a tendance à s’essouffler au milieu d’une société déstabilisée par la crise : il en résulte une nouvelle donne électorale, marquée par certains phénomènes de volatilité et d’anomie.

La conclusion insiste sur l’émergence d’une identité locale, encore que contradictoire, puisque recelant à la fois des déséquilibres naissants et des promesses d’avenir pour souligner enfin les traits originaux d’une micro-région assez représentative de la France urbaine.

DAVID Bruno, Le mouvement anarchiste en mai-juin 1968, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1988, 226 p.

Une double interrogation sous-tend l’étude :

– Comment rendre compte de l’apparent paradoxe entre un mouvement social, qualifié de libertaire par beaucoup d’observateurs, et la déchéance du mouvement anarchiste organisé ?

– Au-delà du mythe et de l’image surfaite véhiculés par l’opinion, quels fut réellement l’importance et le rôle des militants libertaires, dans le déclenchement et le déroulement des événements de mai-juin 1968 ?

Au terme de l’étude, les conclusions s’écartent cependant de ce questionnement initial sans lui conférer une importance notable. Car, Mai 1968 intervient dans une période de restructuration du mouvement libertaire, com­mencée dès le début des années 1960. Il ne constitue pas une rupture dans l’histoire de l’anarchisme, mais le révélateur des crises et des bouleversements qui le traversent.

Deux phénomènes retiennent l’attention : la décadence et la sclérose de l’anarchisme traditionnel ; l’autonomisation du courant com­muniste libertaire par rapport à l’anarchisme, au cours d’un processus de dépassement de la référence libertaire spécifique et des théories révolutionnaires existantes.

L’une des conséquences majeures de ce mouvement de revitalisation de l’anarchisme réside dans la nécessité de rompre avec les stéréotypes traditionnels attachés au mouvement libertaire — l’accusation de nihilisme — ainsi qu’avec la perception folklorique et la vision fondée sur un a priori de décadence irrémédiable de l’historien des idées.

Le travail repose sur le dépouillement d’une presse pléthorique (trente-trois périodiques et revues), différents témoignages contemporains, des collections de tracts, des fonds d’archives privées, ainsi que sur une correspondance et une série d’entretiens réalisés avec d’anciens militants anarchistes.

DAVID Victor, L’image du médecin, des médecines et des maladies à travers les hebdomadaires « Le Nouvel Observateur », « l’Express », « le Point » et le « Concours Médical » de 1975 à 1985, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1988, 274 p.

Divers événements ont marqué cette période décennale. 1975 est l’année de la loi Veil à laquelle les médecins ont eu beaucoup de mal à s’adapter, comme en témoigne la rigidité des positions du Conseil de l’Ordre.

La généralisation de la contraception est responsable d’une flambée de MST avec la complication de certaines d’entre elles : la stérilité tubaire. Leur traitement a été bouleversé par la fécondation in vitro, avec la naissance en 1978 de Louise Brown. Cette intervention est proposée en cas d’échec de la microchirurgie. La fécondation in vitro coûte cher, pose des problèmes éthiques et échoue souvent (7 % de succès).

La prévention de l’alcoolisme et du tabagisme sont des échecs. Les médecines parallèles ont la faveur du public, mais elles suscitent de la part des praticiens des sentiments mitigés sur leur efficacité et leur innocuité.

En 1981, ont été décrites les premières observations du syndrome d’immuno-suppression acquise, ou SIDA, aux États-Unis. Il s’agit d’une nouvelle maladie. L’agent pathogène est un rétrovirus découvert en France, à l’Institut Pasteur, par l’équipe Montagnier, et l’on a mis au point une sérologie qui permet de prévenir la transmission de la maladie par transfusion. On redoute une extension de la maladie, en France surtout, car c’est le pays européen le plus touché. Le praticien a un rôle important à jouer dans l’éducation du public. On est frappé par le caractère social de ces diverses mala­dies et de l’IVG qui ont modifié la médecine de 1975 à 1985.

En onze ans, l’espace rédactionnel médical des hebdomadaires s’est modifié. Le nombre de pages a triplé pour « le Point », s’est accru de 25 % pour « le Nouvel Observateur » et « l’Express » a presque doublé.

EGLIN Jean, Les prises de position des fédérations Constructions CGT et CFTC, CFDT par rapport à l’évolution du bâtiment (1946 – 1967) : étude des rapports aux congrès, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1988, 221 p. + annexes

Le mémoire consiste en l’établissement et la critique interne de ces prises de position, c’est-à-dire des présentations du secteur et des projets syndicaux le concernant. Le tout est confronté avec une ébauche de l’histoire sociale du secteur incluant des indices de l’évolution de l’effectif syndical et de l’activité gréviste, et avec les souvenirs de deux dirigeants de l’époque, J. Briquet (CGT) et A. Detraz (CFTC/CFDT).

Les sources de ce travail ont été les rapports aux congrès, les interviews des deux dirigeants, les chiffres fournis par les fédérations ou recueillis au ministère du Travail et à l’INSEE.

L’intérêt du travail consiste en l’étude du syndicalisme par rapport aux spécificités d’un secteur, en l’ébauche de l’histoire syndicale d’un secteur peu étudié pendant la période concernée. Ce travail révèle également l’importance de l’évolution des positions syndicales et leur rapprochement, ainsi que le rôle central joué par « l’industrialisation » du secteur dans ce processus ; des coïncidences intéressantes sont établies entre cette évolution et celle de la vie syndicale. En outre, une très grande vitalité et une mutation fondamentale du syndicalisme « construction » sont observées dans les années 1950.

FABUREL Véronique, La jeunesse communiste révolutionnaire : avril 1966-juin 1968, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1988, 112 p.

L’étude porte sur un « groupuscule gauchiste », de sa création à sa dissolution, et plus particulièrement sur sa participation aux événements de mai-juin 1968.

Nous sommes en présence d’une petite orga­nisation (350 militants à la veille de mai) ayant une implantation géographique homogène.

Le programme politique global de la JCR procède du trotskysme : bien que cette base idéologique soit proche de celle du Parti Communiste Internationaliste, la JCR est organisationnellement indépendante de ce parti.

À la veille de mai, la JCR a produit une analyse originale de la situation sociale et politique en France : pressentant des luttes sociales d’envergure, elle a axé son discours sur le thème d’une jonction possible entre un mouvement étudiant et un mouvement ouvrier. La particularité de la JCR réside dans l’élaboration d’un discours qui lui est propre : elle a actualisé une doctrine qui lui sert de base idéologique s’investissant notamment dans la lutte anti-impérialiste et faisant de la guerre du Viêtnam un thème privilégié de sa propagande.

En mai, la JCR a participé activement au mouvement étudiant, lui accordant un rôle de détonateur dans la crise sociale.

Après le 13 mai et pendant la période de la grève générale, la JCR a évolué à contre­-courant des autres organisations politiques : isolée des travailleurs par son implantation sociale étudiante, son discours est resté sans écho.

GOERGEN Marie-Louise, L’influence du socialisme allemand dans la formation et l’évolution du Parti ouvrier français (Guesdistes) : 1877-1889, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1988, 267 p.

Premiers marxistes en France, les Guesdistes, comme nul autre parti, sont susceptibles d’avoir subi l’influence du parti socialiste allemand (SAPD). Celui-ci est considéré, dès les années soixante-dix du XIXe siècle, comme le plus marxiste et se révèle être aussi le mieux organisé, le plus unitaire, le plus révolutionnaire et le plus internationaliste dans sa pratique.

Ce travail comporte deux grands axes de recherche, à savoir la manière dont le SAPD a été perçu par les Guesdistes et l’influence que ceux-ci ont subie de la part des socialistes allemands. Cette influence est souvent — mais pas exclusivement — fonction de l’image que les Guesdistes ont du parti allemand. Après un premier chapitre consacré à la place occupée par l’Allemagne dans la presse guesdiste, le mémoire s’organise autour de plusieurs grands domaines : l’organisation du parti, l’unité socialiste, les problèmes liés aux théories et à l’action politiques, les relations internationales (l’internationalisme des deux partis en théorie et en pratique).

En plus d’une source principale qui est la presse guesdiste — notamment L’Égalité et Le Socialiste — des correspondances, des comptes-rendus de congrès et des documents provenant des archives de la Préfecture de Police ont été utilisés.

LE GUILLOU Olivier, Des émigrés russes ouvriers aux Usines Renault de Boulogne-Billancourt en 1926 : étude du fichier du personnel, Maîtrise [Pierre Milza, Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1988, 301 p. + annexes, graphiques

La condition précaire dans laquelle se trouvaient généralement les émigrés russes venus en France à la suite de la Révolution de 1917 les poussa souvent à travailler en usine : beaucoup devinrent ouvriers dans l’industrie automobile de la région parisienne, particulièrement aux Usines Renault de Boulogne-Billancourt. Nous avons étudié un échantillon de ces Russes (soit les 602 Russes entrés chez Renault au premier trimestre de 1926), par le traitement informatique des renseignements fournis par leurs fiches d’ouvriers conservées dans le fichier du personnel de Renault. Ces Russes sont pour la quasi-totalité des hommes, leur âge moyen en janvier 1926 est de 31 ans, les célibataires sont la grande majorité. Ils sont nés, pour les deux tiers, dans le sud de la partie européenne de l’Empire russe (Ukraine et provinces « cosaques »). Les provinces européennes du centre et du nord ne regroupent qu’un gros quart de ces lieux de naissance.

L’étude du parcours en France de ces Russes avant leur entrée chez Renault révèle des traits propres à une population ouvrière (emploi dans des entreprises industrielles à des travaux peu qualifiés, souvent dans des départements de la moitié nord du pays), de même que la carte de leur habitat dans la région parisienne au début de 1926 (concentration dans des localités « ouvrières » : d’abord Boulogne-Billancourt, puis le XVe arrondissement, etc.). Sur ces deux points, interviennent donc des différences avec l’ensemble de l’émigration russe, qui combine cet aspect ouvrier avec les particularités de catégories plus favorisées dans leur vie en France.

L’étude du travail chez Renault relativise tout d’abord le « parcours ouvrier » de ces Russes dans la France des années 1920, des résultats laissant penser à un manque d’intégration au travail commencé dans le premier trimestre de 1926, voire à un rejet de ce travail (séjours assez brefs, départs le plus souvent volontaires, faible qualification). Mais ceci est à nuancer pour des groupes minoritaires (notamment pour les Russes ayant retravaillé chez Renault) pour lesquels des indices suggèrent une certaine adaptation à ce travail (séjour plus long à l’usine, légère progression des qualifications). Dès lors, la nécessité d’effectuer des différenciations à l’intérieur de cet échantillon nous a conduits à étudier l’influence de l’origine géographique, en la croisant avec certaines variables vues précédemment : les résultats obtenus individualisent le groupe des « Cosaques » qui semble se placer encore plus que les deux autres groupes (Ukrainiens, Russes du centre et du nord) dans un cadre ouvrier (concentration accrue à Boulogne-Billancourt, moins de départs très rapides de chez Renault, retours dans cette usine plus fréquents).

Cette étude nous a donc permis de poser les bases descriptives pour un examen plus large du parcours dans la société française des Russes ayant travaillé chez Renault, examen qui devrait préciser le rôle de l’étape que représente ce travail et avec d’autres sourc.es, éclaircir tant l’amont (origine sociale dans l’Empire russe) que l’aval (mobilité sociale de ces Russes et de leurs enfants) de cette étape.

1987

CARNAZZA Laurence, La presse des intellectuels communistes en mai-juin 1968, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 156 p. + index

Cette étude se donne pour tâche d’étudier les interprétations de mai-juin 1968 dans la presse des intellectuels communistes. Nous avons tenté de reconstituer la logique de ces prises de position, en les comparant d’une part les unes par rapport aux autres, d’autre part par rapport à l’analyse globale proposée par la direction du PCF. Enfin, nous nous sommes demandé si ces interprétations ont évolué dans les deux années qui ont suivi Mai 1968 et si elles ont influé sur l’idéologie communiste. Comme le montre la NC, et dans une certaine mesure la Pensée, les intellectuels communistes ont, dans l’ensemble, immédiatement rejeté un mouvement étudiant qui ne correspondait pas à leurs propres aspirations. Leurs analyses convergent avec celle donnée par la direction du PCF. En revanche, on trouve dans les LF et dans la Pensée des intellectuels qui ont exprimé leur désaccord avec certains points d’une analyse qui leur semblait inexacte. Les hétérodoxies se perpétuent les années suivantes, montrant que Mai 1968 constitue une cassure entre le PCF et les intellectuels. Le débat qui agite ces derniers amène le PCF à redéfinir son idéologie. Si, depuis le Comité central des 8 et 9 juillet 1968, son interprétation des événements de mai-juin 1968 ne varie pas, en revanche le Comité central de décembre 1968 marque une évolution de son discours théorique et confirme son orientation stratégique : l’union de toutes les forces antimonopolistes autour d’un programme commun de gouvernement.

CHARTIER Agnès, Champagne-Saint-Hilaire, un village du Haut-Poitou, de la fin du XIXe siècle au milieu du XXe siècle, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1987, 260 p.

Vers la fin du XIXe siècle, le flux de migration des habitants des campagnes françaises en direction des villes s’accroît considérablement. À ce titre, le département de la Vienne apparaît comme un département moyen. La commune de Champagné-Saint-Hilaire, située dans le sud-ouest de ce département, voit sa population diminuer de près de 50 % de la fin du siècle dernier jusqu’à nos jours. Si le mouvement d’exode massif sévissant depuis ces vingt dernières années porte un coup décisif au peuplement de la commune, l’étude nous montre que la situation actuelle résulte d’un long processus de dévitalisation mis en place tout au long du XXe siècle.

Ce travail suit deux grandes directions :

Il s’agit, tout d’abord, de l’étude d’une communauté rurale essentiellement agricole durant la première moitié du XXe siècle. Nous nous attachons à décrire la vie économique et sociale, la vie quotidienne. Il s’agit, ensuite, d’une étude des mécanismes de l’exode rural depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours et de ses conséquences démographiques et sociales sur la société champenoise.

Nous avons tiré parti de sources telles que les listes nominatives de recensements de la population que nous avons pu exploiter de manière exhaustive, au moyen d’un traitement informatique de l’information. Une grande partie de nos sources provient également d’enquêtes orales pratiquées auprès de personnes âgées résidant dans la commune.

Cette monographie nous permet de dresser le bilan d’un siècle d’exode rural sur une société villageoise traditionnelle. Alors que nous touchons à la fin du XXe siècle, il semble que l’on aboutit au paradoxe suivant : tandis que l’accélération constante de l’amélioration des conditions de vie, des conditions de travail, rendent sans cesse meilleure la situation de l’individu, l’existence même de la communauté champenoise apparaît fortement compromise.

CORNEBIZE Catherine, L’histoire d’une entreprise, Carré Noir (1973-1986), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1987, 111 p. + annexes

L’histoire d’une entreprise pose un certain nombre de problèmes méthodologiques. S’agissant d’un objet composite, il apparaît utopique de vouloir l’aborder dans sa globalité.

Dans le cas de grosses entreprises, il est possible de traiter un domaine spécifique de l’entreprise : par exemple, l’histoire des stratégies industrielles ou l’histoire des exportations. En revanche, l’étude d’une petite entreprise implique une tentation pour l’historien, de faire une « histoire globaliste ». Cette procédure tendrait à négliger certains aspects essentiels à la compréhension et à l’analyse de l’entreprise.

Par conséquent, dans le cadre d’une « Histoire de Carré Noir, 1973-1986 », nous avons essayé de dégager des éléments méthodologiques permettant d’isoler des faits significatifs dans l’entreprise. Cette question fut certainement la plus ardue à résoudre : il est complexe de faire la différence entre un fait significatif et un qui ne l’est pas ; par exemple, si l’entreprise achète trois machines à écrire, il convient de déterminer l’importance de cette information pour l’analyse historique, et son influence sur le cours de l’histoire de l’entreprise.

Nous avons donc procédé de la façon suivante : nous avons questionné des spécialistes compétents dans chaque secteur de l’entreprise, organisation, management, communication interne et externe, finances, techniques, afin de déterminer les faits que nous avons définis comme significatifs. Disposant ainsi d’une grille d’analyse, nous avons relevé tous les éléments significatifs, de la façon la plus conforme aux « règles de l’art » proposées par notre panel de spécialistes.

La société Carré Noir est une société de publicité d’un type particulier. Elle est leader sur le marché du « packaging » (création de conditionnements) et de l’image de marque.

Son étude apparaît intéressante parce qu’elle a inventé un nouveau service, le marketing-design, qui répondait à une demande sur le plan économique, et qu’elle renvoie à une histoire de la consommation.

Passant de l’économie de demande/pénurie des années cinquante, à l’économie d’offre des années soixante, puis à l’économie de crise des années soixante-dix, l’histoire de la consommation a connu de profondes modifications au cours des trente dernières années. Elle a été marquée par l’explosion de la distribution dans les années soixante, qui proposait aux consommateurs une pléthore de produits concurrents. La crise des années soixante-dix a mis en avant le fait que les sociétés, si elles voulaient survivre, devaient désormais miser sur le « plus-produit » ; elles se trouvaient dans l’obligation de créer de la « valeur ajoutée », d’une part, de se faire connaître auprès de leurs publics d’autre part, afin de gagner les compétitions qui s’engageaient.

Carré Noir a été créée dans ce contexte. Sa spécialité est précisément de créer de la valeur ajoutée au produit. Un nouveau secteur d’activité s’est créé suite à sa réussite. Une telle société présente donc de multiples caractéristiques originales tant par ce qu’elle produit (production de « matière grise ») que par l’évolution de sa structure.

Entreprise fortement marquée par l’époque où elle s’est développée, les années soixante­dix, son histoire est celle d’une adaptation au marché en évolution, aux valeurs véhiculées dans les années 80.

DELMAS Jean-Christophe, Les syndicats en région parisienne sous Vichy, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1987, 285 p.

En 1939, le mouvement syndical est affaibli par l’éviction des communistes de la CGT et la mobilisation. Le gouvernement de Vichy, dont Ret1é Belin est le ministre de la Production industrielle et du Travail, met en place la loi du 16 août 1940 qui dissout les centrales syndicales et crée les comités provisoires d’organisation. Parallèlement, les syndicalistes exclus en 1939 organisent un mouvement clandestin, créant des comités populaires dans les entreprises. Ils ont pour objectif d’améliorer les conditions de vie des ouvriers et les inciter à l’action.

La Charte du Travail (4 octobre 1941) entérine la collaboration de classes et crée des organismes mixtes : familles professionnelles et comités sociaux. Son application et surtout la mise en place des nouveaux organismes (dont les nouveaux syndicats de catégories, uniques et obligatoires) connaît des fortunes diverses, alors que le mouvement illégal achève de se reconstituer, que la CGT est réunifiée (1943) et qu’une double stratégie d’action est mise en place : sur le plan légal, la prise en main des organismes de la Charte et leur utilisation ; sur le plan illégal, le renforcement des comités populaires et la lutte revendicative.

DEREU Didier, L’image de François Mitterand dans la presse en 1968, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 203 p. + annexes

François Mitterrand, leader incontesté de la gauche, depuis qu’il mit en ballottage le général de Gaulle, semble redonner vie et espoir à l’opposition. L’année 1968, après le bon résultat des élections législatives de 1967, s’engage bien pour le président de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS). L’image de François Mitterrand est positive. Il apparaît comme le favori des prochaines élections présidentielles ; telle est l’opinion de la grande presse nationale. Cependant, si son image est appréciée, sa marge de manœuvre est limitée. Ce sont les étudiants et les événements de Mai qui révèlent ces limites. Ces limites sont celles d’une gauche divisée ; d’un mouvement estudiantin et ouvrier contestataire, mais aussi indécis dans ses choix politiques ; celles d’un homme qui, parti de rien s’est imposé à la gauche et à une grande partie des Français, mais ne sait comment aborder les événements qui ébranlent la France : il n’agit pas, on lui reproche sa faiblesse, il s’engage, tardivement, on lui reproche d’avoir dit « je » et d’avoir voulu renverser les institutions de la République. Le bilan qu’établit la presse de ces événements de Mai est terrible pour l’image de marque de Mitterrand : les élections législatives sont un échec pour la gauche et la FGDS, dont une partie des membres désignent le député de la Nièvre comme le responsable de ce mauvais résultat. L’opinion publique, elle aussi, rejette maintenant celui qui hier apparaissait comme leur favori et dont ce mémoire cherche à comprendre comment la presse traduit l’image jusqu’à sa démission de la FGDS.

FILLIATRE Cécile, L’histoire du tennis en France au XXe siècle, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 200 p.

Retracer l’histoire du tennis en France au vingtième siècle, c’est s’intéresser à l’histoire du sport en général, et essayer d’expliquer par une ouverture différente et originale l’évolution politique, économique et sociale d’un pays.

Sport confidentiel réservé à une élite au début du siècle, aujourd’hui, premier sport individuel français, le tennis a acquis peu à peu ses lettres de noblesse. Le chemin qui a miné à la victoire a été long. Et, il a emprunté tous les détours historiques imposés : de la deuxième guerre mondiale à Mai 1968, en passant par Vichy ou l’indépendance de l’Afrique du Nord.

On retiendra pourtant deux époques clefs : celle des Mousquetaires dans les années trente épopée de quatre hommes qui ont montré quel tennis français existait et qu’il pouvait être le meilleur ; puis, celle de Philippe Chatrier qui depuis 1968, impact des médias à l’appui, a essaie de mettre en place une vraie politique sportive autour de trois idées fortes : popularisation, formation de champions, professionnalisme.

De l’idéal sportif du baron de Coubertin aux grands tournois internationaux d’aujourd’hui, le tennis peut être aussi un fil conducteur pour mieux comprendre l’évolution sociologique de la France.

FRUITIER Stéphane, Les événements de Mai 68 dans la Somme, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 206 p. + index + annexes

Ce mémoire propose une étude des divers champs sociaux ouverts par le plus grand conflit de l’histoire sociale en France à l’échelle d’un département.

Elle fait apparaître l’aspiration des grévistes à l’obtention de nouveaux droits sociaux compris comme devant nécessairement être abordés par un mouvement d’ensemble.

Cette dynamique nationale sera trouvée à l’occasion de la journée nationale de grève le 13 mai, en réponse à la violence policière, mais surtout, avec l’entrée massive des travailleurs dans la grève, entre le 20 et le 25 mai.

Au cours de cette période, le mouvement se donne un projet sous l’action des organisations ouvrières qui consacre la primauté de l’action revendicative sur l’action politique, dans une perspective négociable du conflit. À partir de cet objectif s’établissent les structures de la grève et ses modalités d’action ainsi que le cadre paritaire devant désigner les rapports internes aux différentes composantes du mouvement et ceux à l’adversaire (patronat, pouvoirs publics, etc.).

Ce projet amènera par la suite les organisations ouvrières à briser le cadre national de la grève après le rejet par les travailleurs des « accords » de Grenelle et l’exacerbation de la crise politique qui s’en suit (déplacement du champ revendicatif au niveau des branches et de l’entreprise). Celle-ci conduira la gauche à s’avancer davantage (premiers meetings publics du PC les 29 et 30 mai), mais ne l’invitera pas, ni à sortir du cadre paritaire, ni à lier ses objectifs politiques à la dynamique sociale (la traduction politique du « gouvernement populaire » avancée par le PC étant conditionnée à la réalisation d’une union hypothétique avec les socialistes).

La droite et le patronat exploiteront dès lors l’impasse politique dans laquelle se font face socialistes et communistes, pour passer à la contre-offensive dont le discours de De Gaulle, le 30 mai, donne le signal.

À partir du consensus de la classe politique établi autour des élections législatives anticipées, et avancées par le chef de l’État, s’amorcera progressivement la reprise du travail ; la « normalisation » trouvant à s’inscrire, dans la Somme comme ailleurs, dans la victoire de la droite aux élections.

GAYME Laurent, Un aspect de la politique sociale du gouvernement Chaban-Delmas (juin 1969 – juillet 1972) : la politique contractuelle, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 377 p.

Notre but était de comprendre pourquoi les années 1969-1972, prises entre la crise sociale, politique et culturelle de 1968, et la crise économique qui débuta en 1973, furent marquées par un incontestable essor des négociations contractuelles entre l’État, les grandes centrales ouvrières et le CNPF, avec d’importants résultats tant pour l’élaboration de nouvelles procédures de négociation salariale dans le secteur public, que pour la conclusion d’accords interprofessionnels dans le secteur privé, sur la mensualisation ou la formation professionnelle continue.

On pouvait a priori penser que le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas cherchait, par la politique contractuelle, à répondre à Mai 1968. Nul doute que, dans l’esprit du Premier ministre et surtout de son conseiller social Jacques Delors, père de cette politique, Mai 68 avait offert une occasion inespérée de mettre en chantier quelques grandes réformes sociales qui iraient dans le sens d’une « nouvelle société » où la pratique généralisée de la concertation permettrait d’éviter de soudaines et dangereuses éruptions sociales.

Mais la politique contractuelle resta longtemps subordonnée à l’impératif industriel, en grande partie parce qu’elle avait été élaborée, dans les commissions du Plan au cours des années 1960, parallèlement aux principes de la politique d’industrialisation, dont elle apparaissait — et fut perçue par les syndicats — comme un moyen privilégié d’accompagnement social. Conçue dans des conditions et avec des objectifs particuliers, elle ne put ou ne sut prendre en compte, ni les aspirations nouvelles qui s’étaient manifestées en 1968 (et par exemple n’apporta aucune solution au problème des OS posé avec acuité à partir de 1971), ni la radicalisation idéologique des positions après 1968 et plus encore à l’occasion du grand réveil revendicatif de 1971, aussi bien dans les rangs syndicaux qu’au sein du gouvernement et de sa majorité. Le Programme Commun, qui marquait la montée en puissance de la gauche politique (depuis 1968 les principales forces de gauche avaient été les forces syndicales), puis la crise économique, qui remettait en question la politique d’industrialisation, sonnèrent le glas de la politique contractuelle, progressivement abandonnée après 1972, et qui échoua pour ne pas avoir radicalement rompu — ce qu’avait fait en partie Mai 1968 — avec les années de Gaulle : mais le pouvait-elle réellement ?

GROLLERON Anne, Le cinéma vu par les communistes de la région parisienne du Congrès de Tours au Front populaire, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1987, 241 p., 19 fig.

Ce travail s’efforce d’analyser le regard que les communistes de la région parisienne portent sur le cinéma durant l’entre-deux-guerres. À travers le dépouillement exhaustif du journal L’Humanité, de janvier 1920 à mai 1936 et l’étude de deux rubriques : « Cinéma­Radio » et « Fêtes, meetings et conférences », et quelques sondages dans l’hebdomadaire communiste Regards à partir de 1932 et dans le journal Front Rouge à partir de 1933, nous nous sommes efforcés de différencier plusieurs points de vue celui du critique de cinéma, celui du militant et celui du lecteur-spectateur ordinaire. L’évocation du cadre culturel et intellectuel de l’après-guerre nous a permis de rappeler les positions des communistes sur le problème de la culture. Nous avons entrepris d’étudier plus précisément la critique communiste du cinéma telle qu’elle s’exprime dans L’Humanité. Nous avons tenté de mettre en évidence les principes fondamentaux de la critique de cinéma de L’Humanité, nous avons analysé ensuite leur application dans le compte-rendu des films. Ensuite nous avons confronté cette critique communiste avec la pratique que les militants ont du cinéma en nous référant aux renseignements que donne la rubrique « Fêtes, meetings et conférences » sur diverses manifestations. Enfin, en confrontant le discours des critiques communistes et les programmes de deux salles de cinéma nous avons tenté de redonner vie au public communiste de l’entre-deux-guerres.

HARTMANN Catherine, Histoire de la jeunesse étudiante chrétienne de 1962 à 1966, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1987, 126 p. + annexes

La Jeunesse étudiante Chrétienne est un mouvement l’Action Catholique créé en 1929. Entre 1962 et 1966, le mouvement connaît une période agitée. Au lendemain de la guerre d’Algérie, la JEC doit retrouver de nouveaux thèmes mobilisateurs. Forte de trente mille adhérents environ, répartis sur toute la France, la JEC reconstruit une pensée et une pédagogie centrée sur le thème de l’école et de ses rapports avec la société. Peu à peu, une nouvelle analyse se fait jour, résolument orientée à gauche. Cette pensée s’élabore en liaison avec d’autres mouvements contre l’UNEF ou le MRJC. Une réforme de l’enseignement supérieur, connue sous le nom de réforme Fouchet, se met en place et soulève une opposition de la part des organisations étudiantes, dont la JEC La participation à cette lutte étudiante pose une nouvelle question au Mouvement. Faut-il ou non engager la JEC en tant que telle ?

La réponse à cette question entraîne des divergences au sein de l’équipe dirigeante et une rupture avec l’épiscopat français qui, au nom du « mandat » qui relie organiquement les mouvements d’Action Catholique à l’Église, ne reconnaît plus les membres de l’équipe nationale qui souhaitent engager le Mouvement plus en avant dans des prises de position syndicales ou politiques. Cette crise, répercutée par l’ensemble de la presse nationale, pose au grand jour le problème de l’autonomie des mouvements laïcs et surtout des mouvements de jeunesse dans l’Église. Un essai d’un mouvement autonome appelé Jeunesse Universitaire Chrétienne, est fait par les dissidents. Ce mouvement est éphémère, car non reconnu par l’Église.

De son côté, l’Église encourage une nouvelle forme d’apostolat étudiant, la Mission étudiante, créée en octobre 1966. Cette Mission étudiante, au sein de laquelle l’Action catholique Universitaire autonome par rapport à la JEC, consacre la fin de la JEC comme mouvement universitaire.

HASSENTEUFEL Patrick, Citroën-Paris en mai-juin 1968 dualités de la grève, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1987, 216 p.

Citroën, du fait de l’image quasi caricaturale qu’elle donne de la contradiction entre modernité économique et archaïsmes sociaux, offre un champ d’analyse intéressant pour la grève de mai-juin 1968. Le premier aspect mis en évidence est la résistance d’une partie de la « base » (c’est-à-dire les non syndiqués au moment du déclenchement de la grève), qui s’affirme maoïste, au fort encadrement syndical de la grève (avant tout de la part de la CGT). Ce groupe maoïste se différencie à la fois par ses formes d’action, sa vision de la grève, par la dimension politique qu’il lui accorde, par ses revendications et par sa composition. Ainsi se met en place une dualité qui a rendu plus complexe l’opposition ultérieure au sein de l’entreprise. On a donc ici un exemple des changements entraînés par l’émergence de l’extrême gauche dans les entreprises à la faveur de la grève de mai-juin 1968. L’autre aspect est la différenciation entre le rôle du contexte extérieur, formé par les événements de Mai 68, et celui des spécificités structurelles de l’entreprise, au niveau de son système de relations sociales. On voit que chez Citroën celles-ci déterminent les principaux aspects de la grève : la prépondérance syndicale, sa forte dimension émancipatrice, la présence importante de revendications structurelles, c’est-à-dire mettant en cause le système de relations sociales, une participation à l’occupation dominée par les ouvriers professionnels fran­çais, et une puissante opposition à la grève de la part de la direction, qui aboutit en fin de compte à une grève longue (six semaines). C’est aussi la structure qui permet de comprendre que la grève de 1968 fût, chez Citroën, une grève d’émergence syndicale ; alors que le contexte a permis le déclenchement, l’ouverture des discussions et leur dénouement.

LECOQ Denis, La Presse hebdomadaire et les interventions militaires de la France en Afrique Centrale, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1987, 114 p. + annexes

En analysant les thèmes que l’on retrouve dans la presse hebdomadaire et leur fonction présumée, ce mémoire définit une typologie de la presse vis-à-vis des interventions. Trois types d’attitudes sont proposés : la discussion du consensus, l’opposition aux interventions et la polémique sur ces dernières.

Ces types se distinguent par une approche différente du phénomène interventionniste : moyen d’action dans le cadre de la coopération, phénomène singulier développant ses propres notions, ou encore instrument d’une politique gouvernementale.

En outre, l’ensemble de l’étude démontre l’importance de la variable « position politique de l’hebdomadaire », tant dans l’attitude de la presse vis-à-vis des interventions, que dans l’appréhension des problèmes politiques de l’Afrique contemporaine.

MARTIN Sylvie, L’histoire des livres d’histoire grand public, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1987, 217 p. + annexes

Cette recherche s’intéresse à deux bibliothèques municipales du département des Hauts-de-Seine, choisies pour leurs différences démographiques Bagneux (municipalité communiste) compte 40 000 habitants, Sceaux (municipalité UDF) n’en compte que 18 000. De plus, la répartition sociodémographique de ces deux populations confère à Bagneux un caractère de municipalité populaire et à Sceaux, un caractère de petite ville bourgeoise. C’est ce que montre la première partie, grâce aux chiffres du recensement de population de l’INSEE de 1982. Ces différences se retrouvent au niveau des populations fréquentant les deux bibliothèques municipales. On pouvait dès lors penser que les attentes de ces deux publics ne présenteraient pas une parfaite similitude.

On a donc comparé les acquisitions et les emprunts en histoire dans les deux bibliothèques et notamment l’impact de cinq émissions de radio et de télévision ainsi que celui de trois revues d’histoire grand public sur ces acquisitions depuis 1975. La deuxième partie mesure l’impact de ces émissions et revues sur les acquisitions. Elle montre que ces dernières restent indépendantes des différents supports de l’histoire (émissions et revues) : les émissions et les revues Historia et Historama répondent aux attentes d’un public amateur d’une histoire anecdotique et romancée, la bibliothèque de Bagneux touche un public peu sensibilisé à l’histoire, la revue L’Histoire vise un public diplômé et cultivé, la bibliothèque de Sceaux accueille un public constitué en grande partie d’étudiants et de cadres supérieurs. Cependant, une émission se distingue des autres : c’est l’émission de Bernard Pivot, Apostrophes, dont la notoriété se traduit concrètement par un fort pourcentage de livres d’histoire présentés à cette émission et acquis par les deux bibliothèques.

La troisième partie s’attache à mesurer l’impact des mêmes émissions et revues sur les emprunts de livres d’histoire dans les deux bibliothèques, après avoir présenté quelques études (du ministère de la Culture ou de l’Ina) sur l’incitation à la lecture par la télévision. Si les différents publics connaissent une évolution de goûts parallèle, la télévision ne semble pas jouer un rôle moteur : cette dernière, de même que les revues étudiées, se contente de satisfaire les désirs les plus immédiats de leur public, cherchant en priorité le taux d’audience et le chiffre de vente les plus élevés. Les deux bibliothèques, quant à elles, remplissent un rôle de service public et s’attachent à offrir un éventail de choix le plus large possible.

NIVET Philippe, Une commune cheminote de la banlieue d’Orléans, Fleury-les-Aubrais (Loiret) de 1911 à 1971, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1987, 272 p.

Fleury-les-Aubrais est une commune suburbaine du nord d’Orléans. Avant 1840, ce n’était qu’un village de vignerons qui atteignait à peine 1 000 habitants ; en 1911, la population avait presque triplé avec 2 887 habitants en 1982, Fleury était devenue la deuxième ville du département du Loiret avec 19 568 habitants. C’est que, en 1843, la commune s’était trouvée sur la ligne de chemin de fer Paris-Orléans et que, malgré l’opposition des autorités orléanaises, une importante gare dut être installée, à partir de 1853, sur son territoire, au lieu-dit « Les Aubrais », là où les lignes bifurquent vers Tours et vers Vierzon, la gare d’Orléans se trouvant dans un cul-de-sac. C’est ainsi que Fleury devint une commune cheminote de proche banlieue, comparable à Longueau dans la banlieue d’Amiens et à Saint-Pierre-des ­Corps dans la banlieue de Tours.

L’étude de la commune entre 1911 et 1971 porte essentiellement sur les trois points suivants : l’évolution et la composition de la population, son comportement politique, le développement urbain.

Le dépouillement informatique des listes nominatives de recensement de 1911 et de 1936 et le dépouillement de la liste électorale de 1938 ont permis d’étudier la profession, le lieu de naissance et l’âge des habitants de la commune, ainsi que la structure des ménages. Cette partie de l’étude met notamment en valeur la part des cheminots dans la population active avant la Seconde Guerre mondiale : ils représentent 32 % de la population active en 1911, 29 % en 1936 et 33 % des électeurs en 1938. L’analyse des recensements de l’INSEE montre ensuite une diversification de la population après la Seconde Guerre mondiale : entre 1954 et 1975, on assiste à un phénomène de déprolé­tarisation et de tertiarisation de la commune.

Politiquement, contrairement à ce qui se passe à Longueau ou à Saint-Pierre-des-Corps, les communistes ne parviennent pas à conquérir la mairie avant la Seconde Guerre mondiale. Fleury-les-Aubrais est alors une commune radicale, où les communistes ne dépassent pas 30 % des suffrages exprimés. Ce comportement politique peut s’expliquer par le maintien à Fleury d’une population rurale et vigneronne au vote typiquement radical, mais aussi par la personnalité des candidats radicaux, Fernand Rabier et Jean Zay, qui se présentent comme défenseurs des cheminots. Sous la Quatrième République, les communistes obtiennent près de 40 % des suffrages exprimés, mais ce n’est qu’en 1971, malgré la diversification du corps électoral, qu’un maire communiste est élu à Fleury.

Le développement urbain de Fleury est apparu surtout après les bombardements de 1944, la commune ayant été détruite à 48 % à cause des installations ferroviaires installées sur son territoire. Fleury est alors inclus dans le plan de reconstruction de l’agglomération orléanaise et devient une commune industrielle. La reconstruction permet aux municipalités socialistes de l’époque de développer le logement social et, à partir des années 1950 surtout, de contrôler l’urbanisme, notamment grâce à la mise en place d’une ZUP.

Cette étude d’histoire urbaine montre essentiellement l’émergence d’une véritable ville de banlieue qui, par son opposition à tout projet d’annexion par Orléans de sa partie industrialisée et par sa volonté de développer une politique urbaine autonome, cherche de plus en plus à affirmer son identité par rapport à la métropole orléanaise et à défendre avec force l’autonomie communale.

ORGAZ-GARCIA Margarita, Le quartier de la Paloma entre 1930 et 1955, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1987, 134 p.

Ce mémoire a pour objet l’étude d’un quartier madrilène populaire du vieux centre urbain au XXe siècle. Le découpage en six zones a permis d’effectuer des comparaisons dans l’espace, le travail effectué en deux sondages sur deux dates séparées de 25 ans permet des comparaisons dans le temps.

Les principales sources utilisées sont de type quantitatif listes nominatives de recensement de 1930 et de 1955 ainsi que statistiques générales de la ville de Madrid sur la population, le logement et le coût de la vie.

Le traitement par ordinateur en D BASE III des données des listes nominatives a été établi au moyen de huit fichiers, quatre pour chacun des deux sondages.

Les sources qualitatives comprennent des traités d’hygiénistes, des recueils de décrets municipaux concernant la construction, les loyers et la salubrité des immeubles, des dossiers des maisons du quartier ainsi que des interviews de la population (non inclus dans le texte).

Deux hypothèses ont pu ainsi être vérifiées : – corrélation entre la valeur financière des logements et certaines catégories socio professionnelles de la population ainsi qu’avec la structure des ménages qui les occupent. – la difficulté des conditions de vie des classes modestes de la population, pendant la période d’après-guerre en Espagne, a conditionné la structure des ménages, et ce, dans les six quartiers étudiés.

ROUX Marianne, Les modèles culturels véhiculés par les contes du Petit Parisien, 1935-1937, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1987, 315 p. + annexes

L’étude de 280 contes publiés dans le Petit Parisien durant les trois années 1935, 1936, 1937, lus par un million de lecteurs (tirage du Petit Parisien en 1935) augmentés de leurs proches, sert de point de départ dans ce mémoire à une lecture socio-culturelle de la France des années trente. Le conte offre un divertissement au quotidien faisant appel à l’expérience et touchant à l’imaginaire.

À partir de ces 280 récits, produits par 44 auteurs différents, on peut reconstituer l’univers élaboré par le conte. La France et le Paris de l’époque dominant massivement, les histoires des contes se fondent entièrement sur le portrait d’un ou de quelques individus et de leurs rapports professionnels, socio-économiques, familiaux, entre sexes. Cet univers est construit sur des valeurs dont les modèles culturels sont l’expression. En trois grands points (mentalités collectives, comportements privés dans le cadre et autour du mariage, comportements sociaux dans la vie professionnelle et matérielle), cette étude caractérise la société fictive du conte de la manière suivante : – hiérarchisation et sexisme, où pouvoir de l’argent et pouvoir masculin sont affirmés, domination des institutions sur les citoyens, des patrons sur leurs employés. – passivité et fatalisme, à travers le respect craintif des pouvoirs précédents, la lecture occulte qui est faite du sens de la vie, la résignation devant les échecs professionnels, amoureux, et qui témoignent d’un pessimisme explicite ou voilé, – interprétation morale de toute action ou pensée des personnages, qui met en évidence des valeurs refuges telles la nature protectrice et nourricière, l’autosatisfaction des besoins dans un circuit économique perverti, le pater­nalisme du patron, de l’homme de loi et du politique. – amour et argent, comme nerfs principaux des histoires du conte.

Cet univers français, urbanisé, tertiaire, préoccupé surtout des apparences, des conven­tions sociales, tant dans la pratique du mariage que dans l’approche du rôle du citoyen ou l’exhibition assez constante du niveau de vie des personnages, se révèle superficiel et ne tient pas compte de l’actualité : la vie militante et syndicale, les réformes sociales, la richesse culturelle de la génération « fleur bleue » des années trente, les conditions de travail en usine, la montée des fascismes et racismes, tout cela n’apparaît pas. Le déclin du conte, concomitant à la chute des tirages du Petit Parisien, reflète en partie l’inadéquation à la société des années trente de ces modèles conservateurs.

VASSAL Marc, Les instituteurs du Loiret et le syndicalisme, 1905-1925, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1987, 140 p.

Ce mémoire a pour objet l’étude sociologique de la population des instituteurs du Loiret entre 1905 et 1925 ainsi que celle de son éveil au syndicalisme.

Une enquête statistique effectuée à partir des dossiers administratifs d’instituteurs et d’institutrices publics titulaires ayant exercé dans le département au cours de la période étudiée a permis de tracer un portrait de l’instituteur du Loiret au début du siècle. Celui-ci était plutôt de sexe féminin, originaire du département, né dans une famille d’ouvriers-employés ou d’artisans-commerçants, titulaire du B.S. et du CAP après être passé par l’École Normale et marié avec un ou deux enfants. Il se trouvait enfin dans une situation morale et matérielle souvent difficile.

Déjà cependant, commençait à se craqueler l’image populaire du hussard noir de la République, une évolution que n’allait faire qu’accentuer l’apparition du syndicalisme enseignant. Dans le Loiret, la création officielle, après une existence clandestine des premiers syndicats d’instituteurs se fit au moment de la scission qui affecta l’ensemble du mouvement syndical français. Deux organisations devaient cohabiter : la section locale du SNI (majoritaire) et le syndicat des membres de l’enseignement laïque (minoritaire).

Toujours est-il que grâce au syndicat, outil de cohérence et de cohésion renforcée de profession, instrument de défense, moyen de négociation avec le pouvoir et l’administration, lieu où fourmillaient les idées les maîtres purent désormais se définir par rapport à la société et à ses problèmes. Avec le syndicalisme la notion d’esprit de corps propre aux instituteurs prit une dimension nouvelle. La « famille » des enseignants primaires avait trouvé là le moyen idéal de resserrer ses liens.

VENTURINI Eric, L’aurore des patriarches. Les grèves de 1947 et 1948 dans le Pays-Haut, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1987, 234 p.

Fondée essentiellement sur les très importantes archives de l’un des protagonistes de ces conflits et la presse régionale, cette monographie étudie la génération ouvrière qui a entamé la conquête politique de cette contrée à la faveur de ces grèves. À la Libération, le redémarrage de la sidérurgie du bassin de Longwy propulse au premier plan une nouvelle vague d’ouvriers. Fils d’immigrés (Italiens essentiellement) disposant d’un niveau d’ins­truction et de qualification supérieure à celui de leurs pères, ils cherchent leur légitimité dans la société française. Marqués par l’exemple de la Résistance, ils s’identifient au PCF qui représente à leurs yeux la symbiose de l’idéal antifasciste de leurs parents et d’une certaine respectabilité acquise au cours de la guerre. De difficiles conditions de vie et de travail (mauvais ravitaillement, salaires rognés par l’inflation, longs horaires de labeur) et l’affaiblissement du patronat local débouchent, une fois le PCF sorti du gouvernement, sur un cycle de grèves violentes et décisives.

Déclenché en novembre-décembre 1947, le premier grand conflit s’inscrit dans le cadre de l’épreuve de force qui secoue alors le pays.

La nouvelle génération saisit l’occasion pour y affirmer son existence et marque d’un sceau très (trop ?) résolu la grève. Les leçons en seront tirées et PCF et CGT mettront ensuite l’accent sur l’unité d’action avant tout. C’est la suite d’un accord départemental CGT-CFTC-MPF qu’éclate la seconde grève en septembre 1948. Cela marque le regroupement de la grande majorité de la population autour de la nouvelle génération. Des actes de violence symbolique entérineront le changement des rapports de forces dans le Pays-Haut et un compromis très favorable aux grévistes met un terme à la grève. Forts de ce succès historique les ouvriers de l’après-guerre vivront ensuite’ leur expérience politique sur l’acquis de ces « grèves-fondatrices ».

1986

AUDIT Antoine, Les Fédérations confédérée et unitaire des métaux : lieux d’émission d’analyses socio-économiques (1922-1935), Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 2 vol., 346 p.

En 1921, une scission affecte l’ensemble du mouvement syndical français et par voie de conséquence, une de ses composantes les plus importantes et plus actives, le syndicalisme métallurgiste. Apparaissent alors deux Fédérations au discours et aux objectifs distincts, l’une liée à la CGT, l’autre à la CGTU. Ce mémoire examine, à partir de leurs rapports de congrès et de leurs journaux, la façon dont la Fédération unitaire et la Fédération confédérée des Métaux ont perçu et analysé les phénomènes économiques et sociaux de la France des années vingt et du début des années trente, en particulier la rationalisation et la crise qui ont contribué à bouleverser la physionomie de l’économie française.

Une question surtout a traversé ce mémoire, celle du lien entre analyse et pratique syndicale. Plus précisément, le problème a été de percevoir à travers le discours de ces deux Fédérations l’existence d’une relation entre les analyses qu’elles diffusent d’une part, et leurs tactique et stratégie d’autre part. Cette relation est à double sens. D’une part, l’analyse, par les connaissances, notamment économiques, qu’elle produit, peut contribuer à orienter voire modifier, la stratégie et la tactique des deux Fédérations. À l’inverse, l’adoption d’un certain type de tactique et de stratégie peut avoir des effets sur la façon dont est conduite l’analyse économique et sociale. C’est ce lien complexe que ce mémoire a tenté de dégager.

BRUN Marie-Charlotte, Gabin, ou l’émergence du mythe populaire (1935-1939), Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 215 p.

Ce travail cherche à montrer, comment à travers un personnage de cinéma populaire et populiste, transparaissent les traits dominants d’une société — celle de 1935 à 1939 — et la trace des préoccupations des moments.

Le personnage de Gabin, étudié à travers neuf films, présente des caractéristiques communes. L’analyse fait ressortir leur unité : unité d’origine sociale, Gabin est le type même de l’homme du peuple, unité dans les relations qu’il entretient avec les autres, en amour ou en amitié ; unité enfin dans les traits de caractère traduits par ses actes, paroles et attitudes. Il s’agit d’un homme fort souvent violent, mais qui peut être doux, humble et possède une grande droiture morale.

Ce personnage a généré un mythe qui ne peut être dissocié des années trente. Car on retrouve dans les films un tableau de la société qui est loin d’être innocent et les personnages populaires transmettent le message bien particulier du Front populaire de 1936.

Mais entre 1935 et 1939, le ton des films, s’assombrit, comme si les affrontements sociaux, l’instabilité politique les tensions interna­tionales et l’imminence de la guerre qui trau­matise une partie de la population voire la conscience de chaque individu, ne pouvaient pas ne pas transparaître dans les films.

BUTAUD Emmanuelle, L’image de la femme et de la farnille dans la presse de gauche au moment du Front populaire, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 177 p.

Ce mémoire appartient à l’histoire des mentalités et il se propose d’analyser les représentations données de la femme et de la famille au moment du Front populaire. Il a pour source l’un des vecteurs les plus habituels de l’opinion : la presse. Nous avons dépouillé 12 journaux, tant hebdomadaires que quotidiens, appartenant à la presse communiste, socialiste, radicale, syndicale et « catholique » et reflétant toutes les tendances de la gauche. Le Front populaire est une période qui a enregistré une réelle évolution des esprits dans le domaine des mœurs.

Pour la première fois, les femmes participaient directement à la vie politique — les ouvrières et les employées font la grève, trois femmes sont nommées sous-secrétaires d’État — et on a l’impression d’une maturation de leur conscience politique, malgré l’absence persistante du droit de vote. Mais elles continuent parallèlement à être représentées dans leurs fonctions domestiques de maîtresse de maison, de mère, d’épouse ou d’éducatrice. La reconnaissance à gauche du statut polyvalent de la femme est en effet un moyen de concevoir son émancipation.

Mais dans le contexte troublé de la fin de l’entre-deux-guerres, caractérisé par une forte dénatalité, la famille est un groupe particulièrement valorisé, des catholiques sociaux à la gauche communiste. Or, c’est la femme qui est en grande partie responsable de la vie de la famille dans la mesure où elle assume à la fois l’entretien de la maison, les relations avec son mari et l’éducation des enfants ; pour cette raison son image reste très traditionnelle.

DOUSSIN Jean-Marie, L’occupation et la Résistance à Villejuif (1939-1945), Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 179 p. + annexes

Ce mémoire est une monographie locale : Villejuif dans le nouveau contexte créé par la mise en place du gouvernement Pétain et l’occupation allemande. Deux mémoires de maîtrise ont déjà étudié cette municipalité à direction communiste depuis 1925, aussi apparaît-il intéressant d’étudier l’évolution de cette même cité de 27 450 habitants pendant les 5 années d’occupation, la gestion et les choix de la délégation spéciale nommée par le Préfet, après la déchéance des élus communistes le 21 janvier 1940.

La population de la ville a subi de plein fouet les conséquences de la pénurie, du travail obligatoire, alors que près d’un millier de Villejuifois sont restés prisonniers. Ces conditions ont déterminé un mécontentement de plus en plus massif, largement utilisé par les groupements de résistance locaux. Malgré la répression, la résistance locale d’influence communiste apparaît prédominante. À partir de revendications concrètes, dans le cadre d’une stratégie de rassemblement, les dirigeants locaux du parti communiste clandestin ont vite orienté leur effort en direction des femmes pour développer une résistance spécifiquement féminine.

Là réside l’originalité de la résistance villejuifoise, contre la délégation spéciale d’abord, et l’occupant allemand ensuite. La résistance impliquait le soutien actif de la population (notamment du personnel communal). Dès lors, la représentativité du PC au niveau du CLL, le nombre de ses victimes, annoncent le résultat des élections d’avril 1945. C’est bien le « parti des fusillés », et la personnalité de Louis Dolly (futur maire de la ville) qui furent plébiscités.

FOURQUET Laurent, CGT et CFDT en mai-juin 1968, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 188 p.

Ce mémoire étudie la spécificité de l’action des deux appareils confédéraux, CGT et CFDT, en mai-juin 1968. C’est dire que l’on s’est intéressé avant tout — plus qu’aux positions des fédérations ou de la base syndicale — à l’attitude des « Sommets » des deux syndicats incarnés par leurs leaders et leurs plus hautes instances confédérales.

La première partie est consacrée à une chronologie détaillée de l’action de la CGT et de la CFDT : c’était le moyen de retrouver la spécificité évoquée plus haut en décrivant le fonctionnement des appareils confédéraux pendant les six semaines de la crise, et leur rapport avec les dirigeants des autres organisations impliquées dans les « Événements » : patronat, gouvernement, représentants des grands partis politiques, leaders de la contestation étudiante.

Cette approche chronologique, articulée autour des trois journées phares du 13 mai (grève générale), du 25 mai (Grenelle) et du 30 mai (second discours du Général de Gaulle), permet aussi de retrouver la trame d’événements dont on néglige souvent la complexité.

La seconde partie — affranchie de toute contrainte chronologique — cherche à approfondir certains problèmes qui ont été seulement évoqués auparavant : c’est le cas, en particulier, des prises de position politiques des deux centrales — qui sont fortement divergentes — et de leurs rapports non dénués d’ambiguïté avec la contestation étudiante, à la fois alliée et rivale.

Deux chapitres de cette seconde partie, consacrés à l’analyse des revendications avancées par les deux appareils confédéraux tout au long de la crise, mettent l’accent sur la permanence de ces revendications — surtout dans le cas de la CGT — ce qui peut conduire à s’interroger sur l’effet de rupture éventuel suscité par les événements de mai-juin 1968 dans l’histoire des deux syndicats.

Sources : principaux quotidiens et presse syndicale de mai-juin 1968.

GAUDICHEAU Huguette, L’action municipale à Malakoff des origines à la veille de la Première Guerre mondiale. Éléments de recherche de la deuxième moitié du XIXe siècle à 1911, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 224 p. + annexes

Malakoff est une commune de la banlieue sud, détachée de Vanves en 1883 ; son premier conseil est élu en 1884. Cette même année est votée en avril la loi réorganisant les pouvoirs locaux, une des lois fondamentales de la Troisième République. 1884 pourtant, n’est l’année zéro, ni pour la loi ni pour la commune. La loi reprend pour l’essentiel en les coordonnant et en les prolongeant des règles mises au point antérieurement, en ce qui concerne l’action municipale. Pour la commune, le poids du sous-équipement urbain de la nouvelle agglomération, sa situation en écart géographique de Vanves ont produit une ségrégation à la fois sociale, politique et économique. Ces facteurs déterminent fortement son histoire politique et pèsent sur les gestions municipales.

Étudier l’action municipale à Malakoff c’est prendre la mesure des problèmes que les diverses gestions ont à affronter, et si possible, en éclairer les origines. Deux questions se posent alors : pourquoi la séparation d’avec Vanves et pourquoi ce vaste lotissement sous-équipé ? Question d’autant plus intéressante que l’histoire de l’habitat populaire en banlieue à cette époque est mal connue.

À partir de 1845, Chauvelot, homme d’affaires expérimenté déjà dans le lotissement, à Plaisance et à Vaugirard, remembre et démembre environ 15 ha. Dans la plaine de Vanves, Malakoff, alors baptisée « La Nouvelle Californie », prend naissance… Les années 1900 ponctuent la crise de la grande ville selon la conception haussmannienne : délaissement organisationnel de la banlieue, vision relationnelle de l’espace.

La municipalité Républicaine-radicale socialiste (1906-1914) innove-t-elle en matière de gestion de l’espace, ou adapte-t-elle en banlieue une optique néo-haussmannienne ? De quelles catégories sociales prend-elle en charge les problèmes ?

GISLER Manuel, Naissance du syndicalisme national guadeloupéen : 1970-1978, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 324 p. + annexes

Dans les années 70, la Guadeloupe, colonie française des Antilles devenue département en 1946, est agitée par des mouvements sociaux, politiques et culturels d’une ampleur sans précédent. La classe des paysans pauvres et des ouvriers agricoles de la canne, jusqu’ici ignorée ou méprisée, secoue la quiétude de l’île par des actions de grève toujours plus puissantes (en 1971, 1973 et surtout 1975).

De quelle manière une poignée d’intellectuels révolutionnaires ont-ils pu s’établir en milieu paysan et redonner confiance aux travailleurs qui créent en décembre 1970 l’Union des Travailleurs Agricoles ? Comment à partir de simples revendications économiques, le nouveau syndicat remit fondamentalement en question la présence française en Guadeloupe ? Dans quelles conditions ce questionnement, auquel prit part une fraction importante de la population, aboutit à une revendication nationale ? Quelles furent les réactions de l’administration, des partis politiques, des syndicats traditionnels ?

Réancrage culturel, affirmation d’une identité, aspiration à la souveraineté nationale (ré) apparaissent, suscités par la confrontation brutale d’un peuple avec sa réalité, révélée par l’irruption sur la scène sociale puis politique des « agricoles », ces oubliés de l’histoire.

Ce mémoire qui repose sur 1 1 étude de la presse, l’interview de militants de l’UTA grâce auxquels de nombreux tracts ont été conservés, retrace l’évolution qui conduit de l’UTA à l’UPG (Union populaire pour la libération de la Guadeloupe) créée en 1978 et qui se présente comme l’héritière directe de cette prise de conscience syndicale : confédérale de Jouhaux et par le PCF. Cette conviction s’affirme particulièrement à propos de la guerre civile espagnole et de Munich.

Le pacifisme n’occupa pas à lui seul toutes les discussions du SNI de la Seine. En réalité, la politique de la section touche à toutes les grandes questions qui agitent la CGT : l’alternative entre Réforme et Révolution, l’unité syndicale et l’indépendance par rapport aux partis et aux gouvernements. En la matière, les discours généraux trouvent des prolongements pratiques dans l’actualité avec la réunification syndicale et la victoire du Front populaire. Des contradictions apparaissent rapidement entre théorie et pratique, particulièrement en ce qui concerne l’indépendance syndicale.

Les débats de la section ne sont pas réservés aux seuls militants, mais touchent un public qui s’élargit considérablement. C’est par milliers que les instituteurs adhèrent entre 1935 et 1938. Qui sont-ils ? Pourquoi adhèrent-ils ? Comment est structurée l’organisation ?

Le mémoire tente de trouver des réponses à ces questions ainsi qu’à celles posées par l’orientation de la section dans la presse syndicale et les entretiens de plusieurs militants de sensibilités différentes.

GIUSTI Stéphane, L’itinéraire politique de Pierre Mendès France de 1967 à 1969, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 112 p. + annexes

Le parcours politique de Pierre Mendès France sous la Vème République se divise en trois périodes bien distinctes. La première, de 1958 à mars 1967, période de réflexion politique, voit P. Mendès France évincé de l’Assemblée Nationale après ses défaites de Louviers (1958) et d’Évreux (1962). La seconde, et la plus importante, de 1967 aux élections présidentielles de 1969, où P. Mendès France est l’un des principaux acteurs de l’histoire politique de notre pays. Enfin, de 1969 à sa mort, il se retire de la vie publique, sans pour autant faillir à son rôle, imposé, de mythe de l’idéal républicain.

La deuxième période, de 1967 à 1969, apparaît donc comme essentielle, en ce qui concerne la personne même de P. Mendès France d’une part, la gauche — non communiste — d’autre part.

L’engagement de Pierre Mendès France en 1967 est double : personnel, afin de présenter et de développer, en utilisant le succès de son retour politique, les réflexions des dix années précédentes ; politique, au service de la Gauche.

Les Événements de Mai 1968 cassent la dynamique enclenchée à Grenoble un an plus tôt, obligent P. Mendès France à prendre certaines positions, et à s’engager d’une manière irréversible dans un combat politique qui le concernait peut-être moins que ce que l’on a été tenté de croire. Pourtant, Mai 1968 ouvre une nouvelle ère dans l’histoire de la Gauche, une ère de crises internes, de débats, de renouveau. Ce sont les prémices du mouvement qui amène mai 1981, c’est aussi la fin de P. Mendès France comme homme public de premier plan.

GUFFENS Évelyne, L’utilisation du manuel en collège, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 82 p. + annexes

Cette recherche sur l’utilisation du manuel en classe de collège s’est faite sur l’année scolaire 85-86. Elle a concerné 13 classes de 5e, d’établissements différents et 10 enseignants. Elle avait pour but d’appréhender l’utilisation globale du manuel chez les enseignants et les élèves et de préciser l’utilisation spécifique du manuel d’histoire.

Pour étoffer cette enquête qui a débuté dans des conditions difficiles (difficulté de trouver des classes, d’interroger les professeurs), nous avons utilisé des enquêtes réalisées sur le même thème par des équipes spécialisées et divers articles tirés de revues pédagogiques courantes qui n’émanaient pas forcément de spécialistes, mais au contraire d’enseignants rendant compte de leur expérience de tous les jours.

Malgré ses limites, cet essai de didactique de l’histoire autorise quelques conclusions qui mériteraient d’être confirmées par une enquête plus importante.

GROSJEAN Florence, Le personnel dirigeant de la Fédération des Travailleurs de la Métallurgie-CGT de 1944 à 1974, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 152 p.+ annexes

Afin de connaître les cadres moyens d’un syndicat (sujet peu ou pas abordé par les chercheurs), nous avons choisi d’étudier les personnes qui ont été élues aux congrès de la FTM-CGT. Nous avons procédé par enquête en envoyant un questionnaire à chaque personne dont nous avons obtenu les coordonnées par la CGT.

Ce questionnaire est divisé en 4 parties situation personnelle et familiale ; vie professionnelle ; activités syndicales ; appartenance politique, associative, religieuse, participation à la Deuxième Guerre mondiale. Les réponses ont été traitées par tris croisés et analyse factorielle des correspondances. Cette biographie collective, qui décrit les caractéristiques sociologiques des élus montre leur cohésion et leur homogénéité. Presque la moitié des nouveaux élus est renouvelée au congrès suivant. Ensuite, la stabilité se renforce et elle est particulièrement forte parmi les hauts responsables. D’autre part, des événements politiques ou syndicaux qui sont pour beaucoup à l’origine de l’engagement syndical, la formation syndicale suivie massivement ou l’appartenance des 3/4 des élus au PCF sont autant d’éléments qui renforcent cette mémoire collective.

Les responsabilités syndicales sont devenues pour 3/4, de ces élus, une activité salariée exercée de nombreuses années avec des changements de poste. Cette activité syndicale pourrait être l’explication de l’élévation du niveau social, particulièrement sensible, des grands-parents aux enfants : le nombre d’ouvriers est en baisse très importante et ceux qui le sont encore sont, en majorité, qualifiés.

KUNDE Kurt, Le SNI d’octobre 1935 à juin 1940 dans le département de la Seine, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 218 p., index

La période qui s’étend d’octobre 1935 à l’armistice de juin 1940 est particulièrement mouvementée sur le plan politique et social. La CGT, réunifiée début 1936, est le théâtre d’affrontements entre « tendances » qui s’opposent de plus en plus violemment à l’approche de la guerre.

La section de la Seine du Syndicat National des Instituteurs est partie prenante des débats qui traversent la CGT Profondemment pacifistes, ses dirigeants animent l’opposition au « bellicisme » incarné, selon eux, par la majorité confédérale de Jouhaux et par le PCF. Cette conviction s’affirme particulièrement à propos de la guerre civile espagnole et de Munich.

Le pacifisme n’occupa pas à lui seul toutes les discussions du SNI de la Seine. En réalité, la politique de la section touche à toutes les grandes questions qui agitent la CGT : l’alternative entre Réforme et Révolution, l’unité syndicale et l’indépendance par rapport aux partis et aux gouvernements. En la matière, les discours généraux trouvent des prolongements pratiques dans l’actualité avec la réunification syndicale et la victoire du Front populaire. Des contradictions apparaissent rapidement entre théorie et pratique, particulièrement en ce qui concerne l’indépendance syndicale.

Les débats de la section ne sont pas réservés aux seuls militants, mais touchent un public qui s’élargit considérablement. C’est par milliers que les instituteurs adhèrent entre 1935 et 1938. Qui sont-ils ? Pourquoi adhèrent-ils ? Comment est structurée l’organisation ?

Le mémoire tente de trouver des réponses à ces questions ainsi qu’à celles posées par l’orientation de la section dans la presse syndicale et les entretiens de plusieurs militants de sensibilités différentes.

MARRAST Anne, Mémoires des grèves de 36 dans les grands magasins, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 114 p. + annexes

Les grands magasins entrent en grève le 6 juin 1936 ; la quasi-totalité du personnel, en majorité des femmes, s’y associe. Ces grèves des grands magasins ont particulièrement frappé l’opinion, essentiellement du fait de la participation massive de femmes au mouvement, et, qui plus est, de femmes dont les grèves révélaient le contraste poignant entre leur élégance obligatoire et leur condition précaire d’employées de grands magasins.

Dans la presse de l’époque, ces femmes apparaissent comme des héroïnes qui combattent vaillamment auprès de leurs collègues masculins ou comme des victimes consentantes de la grève. Dans les deux cas, la différence des sexes était perçue de manière très rigide et l’on ne sait rien du vécu de ces femmes des grèves de 36. Ce sont pourtant les premières grèves auxquelles elles ont participé, ce qui pose la question d’un vécu féminin des grèves.

Le cinquantenaire du Front populaire rendait possible et particulièrement intéressant le recours aux sources orales. Nous avons donc recueilli les témoignages de 23 vendeuses de grands magasins, aujourd’hui retraitées qui ont participé aux grèves de 36. Ces témoignages, source de notre étude, sont précieux à plusieurs titres : regard sur le passé, ils permettent d’envisager un vécu (des vécus) féminin(s) des grèves, une expérience qu’on a longtemps confondue avec celle des hommes ; regard sur le temps, il s’agit de la mémoire d’une époque telle qu’elle est dite par les actrices elles-mêmes, avec les mécanismes de sélection, de reconstruction, le rapport étroit du présent au passé.

MASSA Patrick, La mémoire historique de la presse ouvrière à l’époque du Front populaire, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 218 p.

Ce travail a pour objet la mémoire historique construite par les organisations ouvrières dans la conjoncture très particulière du Front populaire qui voit une réactivation des traditions républicaines. C’est pourquoi il est centré sur les rapports existants alors entre la mémoire républicaine et la mémoire ouvrière.

La mémoire unie et divise. Ainsi, le souvenir des grandes grèves, des 1er mai célèbres, de la Commune, oppose le mouvement ouvrier dans son ensemble à l’ennemi de classe. Mais chaque tendance vénère ses propres pères fondateurs et les polémiques présentes se nourrissent des anciennes querelles (les scissions, la charte d’Amiens). De plus, quand un homme fait l’unanimité (Jaurès) chacun prétend être le meilleur héritier de sa pensée. Manifestement, les partisans du Front populaire croient revivre 1789. Ils s’identifient au Tiers-Etat et aux Jacobins, tout en assimilant la bourgeoisie de 1936 à la noblesse coblentzarde. Mais, certaines réticences de Syndicats contrastent avec l’ardeur du PCF à célébrer le culte de la Grande Révolution.

Cette opposition se retrouve clairement dans le domaine culturel, le PCF étant le plus favorable à la culture humaniste et rationaliste, fondement du républicanisme, alors que les amis de Belin font preuve d’un certain ouvriérisme.

Au-delà de ces questions et de la difficulté à concilier les idéaux socialistes et républicains, cette étude tente de mettre en évidence les aspects partisans de toute gestion de la mémoire, et certaines particularités du discours commémoratif.

Sources : Le Populaire, L’Humanité, Le Peuple, Syndicats, La Vie Ouvrière.

MELKA Joël, Naissance et développement d’un syndicat de l’enseignement technique : le Syndicat National de L’Enseignement Technique – Apprentissage Autonome, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 177 p.

La crise syndicale de 1947-1948 provoque la scission du monde syndical français. Les enseignants militaient au sein de la Fédération de l’Éducation Nationale adhérant à la CGT Comme le reste du monde ouvrier, ils doivent choisir entre leur maintien à la CGT et leur adhésion à la CGT-FO. Mais très rapidement une troisième alternative se propose à eux et ils se prononcent en, majorité, au travers de leurs syndicats nationaux, pour l’unité au tour de la FEN-Autonome.

Dans les Centres d’Apprentissage, la situation est différente. La direction cégétiste du SNET-Formation Professionnelle affirme traduire la volonté des militants en confirmant son adhésion à la CGT Cette situation entraîne la scission du syndicat et crée une concurrence syndicale que les autres syndicats de l’enseignement ne connaissent pas. Même si le Syndicat National de l’Enseignement Technique — Apprentissage — Autonome (SNET-AA) ne naît pas dès la scission de 1947-1948, comme son concurrent SNET-FO, il en est tout de même le fruit.

L’étude retrace, à travers la presse syndicale, les conditions de la naissance du SNET-AA et ses premières difficultés vis-à-vis des autres syndicats de Centres d’Apprentissage, comme de la FEN-Autonome. Elle analyse ensuite, le développement du SNET-AA et son comportement face aux politiques scolaires durant la décennie 1949-1959.

MOINARD Alain, Les photographies des événements de Mai 68 dans la presse régionale quotidienne, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 103 p.

La presse régionale possède un public particulier, qui lui est très fidèle. De ce fait elle joue un rôle très important dont il est rarement question. Ce mémoire se penche, à travers vingt-deux quotidiens régionaux, sur les photos des événements de Mai 68 qui y furent publiées pendant les mois de mai et juin (soit deux mille clichés environ).

Le corpus regroupe un pourcentage important de l’ensemble des tirages de l’époque (pratiquement tous les quotidiens diffusés à plus de 100 000 exemplaires) et couvre l’ensemble du territoire français métropolitain.

L’étude des rapports entre les journaux et les photos d’actualité (régionale, parisienne et étrangère) est faite au travers de grandes parties (gros tirages, petits tirages, quotidiens illustrés). Mais très vite, cette première classification, qui tient compte des structures de la presse apparaît sans intérêt. Les rédactions firent des choix très différents et cette diversité est le trait marquant de l’étude. Une dernière partie présente quelques-uns des clichés les plus utilisés.

Les conclusions respectent une certaine réserve. La logique des options rédactionnelles n’est pas toujours évidente. Néanmoins, sont mis en évidence, entre autres, l’importance de la couverture des événements et, en particulier, de ceux de la capitale.

MORERE Hélène, La loi du 10 août 1927 sur la Nationalité, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 201 p. + annexes

En 1926, les résultats du recensement annoncent que les étrangers représentent désormais plus de 6 % de la population française. La question de leur intégration se pose alors avec force. L’outil principal mis en place par le gouvernement pour réaliser l’assimilation de ces hommes sera le « Code de la nationalité » promulgué le 10 août 1927, qui facilitera à la fois la naturalisation des étrangers, mais aussi l’acquisition de la nationalité française à la naissance.

À travers les ouvrages et articles publiés dans les années 26-27 et la lecture des débats parlementaires sur le projet de loi, enthousiasmes et oppositions se dessinent. La plus grande partie des parlementaires et des observateurs ne sont pas hostiles au projet, arguant de la dénatalité française, mais de nombreuses mises en garde sont formulées et des arguments nationalistes surgissent souvent. Pourtant le texte voté en 1927 sera finalement le plus libéral que la France n’ait jamais connu en cette matière.

NAUDET Jean-François, La grève de mai-juin 1968 à la RATP, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 2 vol., 486 p.

Ce travail a été réalisé essentiellement à partir de l’étude de tracts syndicaux et politiques (ces derniers étant moins nombreux), complétés par divers documents de la RATP permettant de rendre compte des problèmes spécifiques à l’entreprise telles l’organisation du travail, la gestion de la masse salariale, etc.

Quelques interviews ont aussi été réalisées, des dirigeants de l’époque, des syndicats, mais aussi de l’entreprise.

Les conclusions ont été les suivantes : – la grève — bien qu’insérée dans un mouvement général — a été fortement marquée par le caractère spécifique de ce milieu qu’est la Régie. – la nécessité finale d’un compromis a déterminé dès le début un certain type d’occupation de l’entreprise avec en particulier la volonté affichée par les syndicats de maintenir un statu quo (même fragile) avec la direction. – si les syndicats ont su parfaitement, au début, encadrer, voire provoquer une très relative « spontaneité » ouvrière, la reprise a été beaucoup plus difficile. Selon l’auteur, Mai 68 a été un échec dans l’immédiat, mais aussi à moyen terme, d’où quelques commentaires sur des problèmes qui se sont posés au cours des années 1970.

VIDAL Jean-Marc, Les petits commerçants et les artisans à Nevers 1900-1940, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 162 p. + annexes

Ce travail a pour point de départ une double constatation :

– rien n’est plus ambigu, difficile à cerner, que cette association pourtant si courante : « artisans – petits commerçants ». Au début du siècle, d’ailleurs, entre l’atelier et la boutique, le problème ne se posait même pas. Il n’existait pas de nomenclature officielle comme aujourd’hui pour établir une distinction pas toujours très claire. Quelle est donc, dans ce cadre si flou, la frontière entre une unité qui doit bien exister et une diversité si flagrante ?

– on associe communément artisans et petits commerçants à ce marais social que l’on appelle « classes moyennes », et eux-mêmes sont les premiers à revendiquer cet attachement. Mais quels sont les vrais critères d’appartenance à ce groupe social, jamais clairement définis tant il est vrai que le trajet, les aspirations des « petits », pourtant si chers à la société française (petits artisans, petits commerçants, petits rentiers, petits patrons…), ne sont guère faciles à suivre ?

Pour essayer de répondre à ces deux questions nous avons choisi une période : 1900-1940, époque charnière entre les conceptions traditionnelles héritées du XIXe siècle et le début de formes nouvelles, prémices de l’après-guerre (sociétés à succursales multiples, grands magasins…), et surtout un lieu : Nevers, ville moyenne de tradition commerciale.

L’analyse systématique des Annuaires locaux permet notamment de retracer la composition de ce groupe, son évolution, son implantation dans l’espace urbain et ses relations avec les autres groupes sociaux. Elle souligne l’importance de la polyactivité.

VINCENT Catherine, Les Trains de plaisir du Front populaire, Maîtrise [Antoine Prost, Lucette Le Van-Lemesle], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1986, 240 p. + annexes

L’été 1936 est pour beaucoup des Français, celui des premières vacances. Le cinéma, la télévision, les romans, les livres d’histoire et, plus encore la mémoire collective de notre pays perpétuent cette image. Il semble cependant important d’essayer de mieux apprécier l’ampleur du changement qui découle du vote, le 20 juin 1936, de la loi instituant un congé payé annuel pour tous.

À cet effet, le train semble particulièrement intéressant à étudier. Il est le seul qui permette de se faire une idée de l’importance numérique des vacanciers, puisque les billets vendus et les voyageurs transportés sont des réalités mesurables. Qui plus est, il semble répondre aux besoins, envies et possibilités financières des nouveaux vacanciers. Enfin, il est au cœur d’une vaste politique menée par le premier Sous-secrétaire aux Sports et aux Loisirs, Léo Lagrange.

Appuyée principalement sur les différents documents émanant des six grandes compagnies ferroviaires privées (annuaires Chaix, rapports d’activités, revues), cette étude permet de dégager : – la mise en place d’une entreprise de séduction et de sensibilisation des directeurs des compagnies dirigée vers les bénéficiaires de la loi du 20 juin. – l’apparition d’un nouveau vacancier, dont les motivations, les aspirations, le mode de congé diffèrent de ceux des estivants d’avant 1936. – l’émergence d’une perception du temps de loisirs.

1985

ALTMAN Patrick, Les conséquences de la crise économique des années 30 sur la population juive immigrée de Paris, Maîtrise [Antoine Prost, Bruno Groppo], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985, 130 p.

La population juive de Paris augmente considérablement dans les années encadrant 1930. Ces immigrés de culture yiddish et d’origine polonaise pour la plupart vont connaître les difficultés inhérentes à tout étranger arrivant dans une France qui élabore une législation anti-étrangers depuis 1926 (de nombreux immigrés sont clandestins), cumulées aux problèmes liés à la crise économique qui atteint profondément la France à partir de 1932 (baisse des prix et chômage massif).

Ce contexte va favoriser la multiplication d’ateliers dans les métiers que l’on appellera juifs (tous les métiers concernant l’habillement), et permettre aux fabriquants de disposer d’une main-d’œuvre abondante prête à travailler pour n’importe quel prix.

On assiste, dans la crise, à une plus grande diffusion de l’article de confection ou de tricot sans amélioration notoire du niveau de vie des ouvriers juifs.

Si le fabricant, le façonnier, ou l’ouvrier sont juifs, cela n’empêche pas l’éclatement de grèves très dures. La victoire du Front populaire fera naître de grands espoirs comme l’attestent quelques journaux syndicaux en yiddish. La période voit simultanément d’une montée de l’intérêt que les immigrés portent au mouvement communiste sans pour autant le capter totalement.

AUDRAIN Catherine, MORINEAU Laurent, Les ouvriers du livre dans le conflit du Parisien libéré, Maîtrise [Danièle Tartakowsky, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985

Ce sujet est à la fois un sujet classique, puisqu’il s’agit du récit d’une grève et un sujet extrêmement contemporain puisqu’il porte sur la période 1975-1977. Nous avons voulu à la fois analyser une des premières grèves françaises de la période récente née des problèmes de modernisation des matériels en période de crise et aussi décrire un groupe socio­professionel qui allie un fort degré de structuration et une attitude particulièrement résolue durant ce conflit.

Cette étude retrace une grève longue de 29 mois du mois de mars 1975 au mois de juillet 1977. Nous avons voulu étudier, dans la première partie, les principales caractéristiques des acteurs de ce conflit. Nous avons accordé une large place à l’étude des ouvriers du livre, un groupe socioprofessionnel spécifique, en 1975. Dans la seconde partie, nous avons en retraçant les grandes étapes du début de ce conflit, analysé quelques-unes des formes originales de la lutte revendicative des ouvriers du livre de la presse parisienne.

Le conflit du Parisien Libéré n’est pas seulement un conflit humain, il faut lui ajouter des caractéristiques juridiques, syndicales et politiques sur lesquelles se greffent les négociations et l’issue de l’affaire. La seconde partie du mémoire s’efforce de mettre en évidence des aspects moins connus du conflit.

Ainsi, les aspects juridiques permettent, en en rappelant le droit des ouvriers et celui de leur patron, d’étudier les deux partenaires face à la justice et de dégager quelles ont été les différentes procédures engagées pour mener à bien les négociations dans l’entreprise.

Le conflit ayant largement dépassé le cadre de l’entreprise, les répercussions ont été nombreuses dans les milieux syndicaux et politiques. Dans un premier temps sont étudiées les revendications syndicales, les actions les appuyant et les divergences nées à leur propos. Le second temps de ce chapitre traite des problèmes politiques en indiquant les positions des différentes forces en présence et l’attitude du gouvernement en place à ce sujet.

La dernière partie indique quelle est l’issue de ces vingt-neuf mois de lutte. Est-ce une victoire et pour qui ? Quelles sont les répercussions d’un tel conflit ? au niveau syndical ? dans la presse ? que deviennent les ouvriers du Parisien ?

Autant de questions auxquelles nous nous sommes efforcés de répondre grâce aux témoignages et aux articles dont nous disposions.

L’intérêt d’un tel mémoire porte sur l’étude d’un phénomène social ultra contemporain, ce qui n’est pas allé sans créer certains problèmes.

BINOCHE Patrice, Le débat syndical sur la politique d’immigration en France au début des années 30, Maîtrise [Bruno Groppo, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985, 241 p.

La crise économique que connut la France au début des années 30 fit de l’immigration une question de première importance. Entre la présence des travailleurs étrangers et l’existence de chômeurs français une relation de cause à effet fut rapidement établie.

CGT et CGTU, les deux organisations syndicales qui ont principalement retenu notre attention au cours de cette étude, développèrent des thèses différentes face à cette situation. La CGT, de tendance réformiste, se prononça pour un contrôle tripartite de l’immigration (gouvernemental, patronal et ouvrier), tant aux frontières que sur le territoire français. La CGTU, de tendance communiste, revendi­qua un contrôle strictement ouvrier.

Cette opposition fondamentale, qui s’inscrit dans le climat général du débat syndical, empêcha toute action commune pour des revendications pourtant parfois partagées (salaires égaux à ceux des Français, même protection sociale…).

Bien plus que par la crise, le débat syndical sur la politique d’immigration en France au début des années 30 fut marqué par l’opposition entre les deux principales organisations. La réunification modifia davantage leurs attitudes que ne l’avait fait quelques années plutôt l’apparition de la crise. Les travailleurs étrangers, comme l’ensemble du prolétariat de France, furent les victimes de cette division.

BLAVIER Yves, La critique de cinéma dans l’entre-deux-guerres : Léon Moussinac (1923-1933), Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985

Ce travail est centré sur le critique de cinéma communiste Léon Moussinac (1890-1964). Il s’appuie essentiellement sur des sources littéraires, c’est-à-dire sur toutes les chroniques parues dans l’Humanité de 1923 à 1933, sur d’autres périodiques et sur des archives privées (correspondance, manuscrits…).

Le mémoire replace d’abord Moussinac dans le contexte de la critique de cinéma d’alors. On découvre un militant très actif dans le domaine culturel et parfaitement inséré dans les milieux intellectuels.

Le procès de Moussinac intenté en 1926 par une firme de cinéma révèle une large solidarité contre les pressions publicitaires. L’idéologie est cependant présente dans ses écrits. On s’aperçoit du poids de Moussinac dans les débats sur le cinéma d’autant que le PC (comme le reste de la gauche) y consacre peu de place dans les années vingt. Moussinac oppose deux formes de cinéma, antagonistes celui du monde capitaliste qui n’est qu’une industrie mercantile et moribonde et d’autre part le cinéma soviétique en développement. De même, il propose une théorie de cinéma, synthèse entre sa formation artistique inspirée de Louis Delluc et les exigences d’un art engagé. L’équilibre ne se fait pas toujours aisément d’ailleurs. Enfin Moussinac unit critique et action militante. En étudiant sa rubrique de cinéma, on découvre ainsi des détails sur plusieurs structures auxquelles il prit part (ciné-clubs, coopératives).

La critique de Moussinac nous offre un panorama de l’activité communiste dans le cinéma et présente aussi l’avant garde cinématographique d’alors. Quoi d’étonnant puisque le critique unissait les deux ?

BONZON Thierry, Cent quatre-vingt dix lettres de pacifistes (juin 1916-octobre 1916) : étude d’une population et d’un discours pacifiste au travers d’une correspondance adressée au député Brizon, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985

24 juin 1916 : Après Karl Liebknecht en Allemag­ne, trois députés français votent contre les crédits de guerre. À l’issue de ce vote, l’un d’eux — leur porte-­parole, le socialiste minoritaire Pierre Brizon, député de la deuxième circonscription de Moulins — reçoit près de deux cents lettres d’approbation. Celles-ci constituent le fonds sur lequel nous avons travaillé.

L’étude entreprise prend pour objet tout à la fois une population pacifiste, le discours de ses membres et la façon dont ils se représentent et se situent à l’intérieur de la société en guerre de 1916.

Si le sentiment de former une population importante voire majoritaire au sein de la société est partagé par l’ensemble des correspondants, on peut mesurer les difficultés qui se présentent à la construction d’un mouvement pacifiste. Elles sont réelles et constituent un obstacle à l’émergence d’un « nous » collectif qui ne soit pas qu’une simple gestuelle verbale, mais traduise la conscience qu’ont les correspondants former, plus qu’une simple collectif d’individus, un groupe conscient, voire un véritable mouvement.

À cet égard, le rejet de toute action pacifiste sur la personne de Brizon d’une part et dans l’avant­-guerre d’autre part témoigne d’une sorte d’impossibilité pour les correspondants à concevoir l’émergence d’un mouvement pacifiste agissant et autonome qui puisse dépasser le périmètre étroit d’un cercle militant. Sur le fond, on voit mal comment les pacifistes pourraient surmonter cet interdit tacite — que beaucoup font leur — touchant l’entreprise de défense nationale ainsi que le caractère mêlé de la population pacifiste dont le discours lui-même témoigne.

BURGER Anny, La politique municipale de Villejuif (1925 – 1934), Maître [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985, 145 p.

La ville de Villejuif, devenue depuis 1925 municipalité communiste, se donne en 1929 pour maire une personnalité communiste hors du commun : Paul Vaillant Couturier.

Ce mémoire de maîtrise étudie les tenants du ; pouvoir municipal ces quatorze années durant, leurs intentions, leurs pratiques, et leurs moyens et dégage les évolutions majeures de la politique municipale communiste.

Cette politique tente d’abord de parer au plus pressé et concentre ses efforts sur la mise en viabilité des lotissements et la construction d’un premier groupe scolaire indispensable dans le bas-Villejuif en 1930. Elle acquiert, sous l’impulsion de Paul Vaillant Couturier et du fait de la crise économique une dimension nouvelle que révèle une étude approfondie des budgets municipaux. S’inscrivant désormais dans un projet global, elle privilégie avant toute chose les besoins de l’enfance et de la jeunesse et, pour mieux préparer la génération qui fera « les lendemains qui chantent », prend en charge le quotidien dans tous ses aspects (santé, instruction, loisirs et vacances).

Elle devient aussi un puissant facteur de l’hégémonie communiste sur Villejuif.

Les responsabilités nationales de Paul Vailant Couturier répondent en partie du caractère exemplaire de la gestion communiste villejuifoise. Une gestion qui ne se veut pas modèle, mais plutôt la « matérialisation de l’utopie ».

CHAGNON Louis, Les fédérations des métaux CGT et CGTU de 1922 à 1935 : organisation et militants, [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985, 152 p. + 107 p. d’annexes

Ce mémoire est divisé en cinq chapitres et un épilogue.

Le premier chapitre présente les « structures et fonctionnement des Fédérations ».    Le second chapitre est consacré aux « militants, effectifs et implanta­tion géographique » ; il ne faut pas y trouver un dé­veloppement exhaustif sur ces problèmes, mais des traits généraux, au demeurant indispensables à une bonne appréhension des Fédérations. On remarquera les huit cartes illustrant l’implantation géographique.

Les trois chapitres suivants sont découpés en périodes chronologiques déterminées par les ruptures relevées dans l’histoire de la Fédération unitaire. Le troisième chapitre 1922-24, aborde les problèmes consécutifs à la scission, ainsi que les tendances au sein des Métaux unitaires. Le quatrième chapitre 1925-28, explique le comportement des Métaux confédérés face au problème de l’unité posé par les Unitaires. Il aborde la naissance d’une seconde Fédération unitaire. Le cinquième chapitre : 1929-33, analyse d’une part de la réaction des Confédérés face à l’affaiblissement des Unitaires, d’autre part de la deuxième bolchévisation et les problèmes d’organisation de la Fédération unitaire.

L’épilogue 1934-35, intitulé « vers l’unité », comporte une approche des conséquences du 6 février 1934.

EBEL Frédéric, Les scouts de France de 1929 à 1939. Évolution et histoire interne [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985, 149 p.

Ce travail n’a pas pour but de montrer comment le scoutisme s’insère dans le courant général de retour à la nature et de développement de sociétés de gymnastique et autres associations d’éducation physique. Pas plus qu’il ne cherche à le situer parmi la jeunesse catholique des années trente.

Notre démarche est inverse. Elle est de voir dans quelle mesure le scoutisme est un mouvement tout à fait original par ses méthodes et par le mode de vie et de pensée qu’il propose.

D’autre part, nous voulions comprendre le paradoxe qui existe entre le fait que le scoutisme ait été un précurseur dans de nombreux domaines (campisme, pédagogie de l’adolescent, par exemple), et qu’il soit passé à la postérité comme un mouvement socialement conservateur et placé dans les rangs de la droite militariste.

Le choix précis des Scouts de France, outre les motivations personnelles, tient dans le fait qu’il s’agit de la seule association française qui ait eu une large audience.

Il nous a semblé, au cours du travail, qu’il est de fait sans grand intérêt de juger les scouts d’après les réactions sociales admises, qu’elles soient de notre époque ou de l’époque d’étude. En effet, le scoutisme n’ayant pas de visées sociales, toutes ses prises de position dans ce domaine ne sont pas différentes de celles du corps social dont est issue la majorité des membres.

Par contre, il est plus instructif de saisir les spécificités scoutistes, quand elles existent, et de mettre en rapport les positions des scouts avec les valeurs et les thèmes qui sont ceux du scoutisme.

GRANGER Stéphane, Le concours international de la maison individuelle, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985, 171 p.

L’objet de ce mémoire est — à travers la presse spécialisée, les études sociologiques effectuées pour le Ministère de l’Équipement et les enquêtes sur le terrain — d’étudier le Concours International de la Maison Individuelle, lancé le 31 mars 1969 par M. Albin CHALANDON, alors ministre de l’Équipement et du Logement, pour rendre accessible à toute la propriété d’une maison individuelle et promouvoir un nouveau type de constructeurs.

Après une étude des conceptions d’Albin CHALANDON en matière – d’urbanisme, puis du lancement du concours lui-même, ses modalités et ses résultats, sont analysées localisations et conditions de réalisation des ensembles de logements, ainsi que leur architecture et les expériences d’innovation. Ensuite est dressée une typologie des acquéreurs qui montre que malgré une forte proportion d’ouvriers (presque la moitié), les « chalandonnettes » ont touché une clientèle un peu plus aisée que prévu à cause des augmentations de prix.

Les différents problèmes survenus dans la construction et le fonctionnement des lotissements sont également étudiés, et il s’avère que les conditions très strictes du CIMI ainsi que l’emploi de nouveaux matériaux et procédés de fabrication sont responsables des nombreuses malfaçons et absences d’équipements subies par les habitants.

Le bilan enfin montre, outre une relative satis­faction des acquéreurs l’un objectif social malgré tout pratiquement atteint et de très intéressantes expériences architecturales, mais si l’essor de la construction de maisons individuelles en France a effectivement démarré avec le CIMI, il ne s’est toutefois pas produit dans les proportions souhaitées à cause de la méfiance des promoteurs-constructeurs.

GRANJON Philippe, Les Nationalisations dans la presse hebdomadaire des confédérations ouvrières (1965-avril 1981), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985

Ce mémoire de maîtrise rend compte des résultats obtenus grâce à l’analyse systématique de tous les articles consacrés aux nationalisations parus dans les hebdomadaires des confédérations ouvrières entre le 1er janvier 1965 (au lendemain de la scission de la CFTC) et le 30 avril 1981 (à la veille de la victoire de la gauche). Il s’agit de « La Vie Ouvrière » (CGT), de « Syndicalisme Hebdo » (CFDT) et de « Force Ouvrière Hebdo » (FO). Seul « Syndicalisme CFTC » est un mensuel, la CFTC n’éditant plus d’hebdomadaire depuis la scission de novembre 1964.

L’analyse par thème des articles sélectionnés a montré l’existence d’une relative convergence d’opinion entre les organisations syndicales dans la dénonciation du rôle donné aux entreprises déjà nationalisées.

Mais de réelles divergences sont apparues en ce qui concerne les nationalisations à venir, entre les confédérations réservées, voire méfiantes, par rapport à cette question (la CFTC, FO et la CFDT jusqu’en 1976) et celles qui en font leur principale revendication (la CGT et CFDT à partir de 1977). Dans cette partie, il a été mis en évidence que la réflexion des organisations ouvrières s’articulait autour de trois dates clefs où un grand nombre d’articles ont été publiés en 1965 (scission de la CFTC et naissance de la CFDT), 1972 (signature du Programme Commun) et 1977 (remise en cause du Programme Commun).

GUERBER Eric, Les Fédérations des Metaux, lieux d’émission d’analyses socio-économiques (1914-1982), Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985, 206 p.

Les Fédérations des Métaux offrent la double particularité d’appartenir dès l’origine à la tendance syndicaliste-révolutionnaire de la CGT et de jouer, au sein de la Confédération, un rôle grandissant lui insufflant notamment une pensée moderne, résolument tournée, à partir des années 1905, vers l’analyse socio-économique.

Le présent travail s’attache à répondre aux deux questions suivantes :

a) Par quel processus le syndicalisme-révolutionnaire d’Action directe est-il passé, en quelques années, de l’espérance concrète d’une transformation radicale de la société à la patiente étude des réalités socio-économiques qui considère l’acquisition de la connaissance des mécanismes de l’économie capitaliste comme une nécessité pratique et stratégique.

b) Comment les délégués et les dirigeants fédéraux ont-ils ajusté leur stratégie et leur tactique à la connaissance nouvelle du milieu économique.

Les recherches, guidées essentiellement par l’étude des Compte rendus de congrès fédéraux, mettent en évidence les cinq points suivants :

1/De 1892 à la fin du siècle, c’est-à-dire lors de la phase de formation des fédérations, le travail d’analyse n’est pas une tâche réellement spécifique.

2/Au tournant du siècle, tandis que l’idée de révolution sociale est à l’ordre du jour, prédomine chez les militants une vision utopique de la société qui présuppose la possibilité de s’affranchir radicalement des réalités économiques et sociales inhérentes au système capitaliste.

3/Dans les années 1904-1905 naît, sous l’impulsion essentielle d’Alphonse MERRHEIM, une nouvelle forme d’analyse qui s’attache à décrire l’ordre réel, saisi dans son aspect économique.

4/Orientée non plus uniquement vers le monde ouvrier, cette nouvelle analyse expose avec précision les mouvements les plus récents de l’économie capitaliste et souligne l’engagement du patronat français dans un processus de consolidation, d’organisation et de concentration.

5/La connaissance plus complète du rapport des forces en présence acquise par cette voie a influé sur l’élaboration de la stratégie fédérale, et ce, particulièrement dans la période de crise traversée par le syndicalisme révolutionnaire dans les années 1911-1914.

GUEYDAN Geneviève, Les idées économiques de la Révolution prolétarienne, rêve syndicaliste-révolutionnaire 1925-1939, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985, 220 p.

La R.P. dont les principaux animateurs furent Monatte, M. Chambelland et Robert Lauzon s’opposait au réformisme comme au communisme orthodoxe et servit d’organe à la Ligue Syndicaliste qui rassemblait des minoritaires de la CGT et de la CGTU.

Cette riche revue développa grâce à Robert Lauzon une analyse économique à la forme claire et rigoureuse, et aux thèmes varies. Au temps de la Prospérité, la R.P. expose les mécanismes et les avantages de l’inflation elle étudie aussi à travers la double problématique de l’impérialisme et de la rationalisation les mutations structurelles du capitalisme et leur portée pour le mouvement ouvrier. À partir de 1929, la R.P. s’interroge sur les causes de la crise. L’étude des formes et du sens de l’intervention économique de l’État débouche sur une critique du capitalisme d’État bourgeois et soviétique. Elle se prolonge dans l’analyse du plan de la CGT que la R.P. critique comme solution économique et comme stratégie politico-syndicale et auquel elle oppose des contre-projets. À partir de 1936 l’analyse économique intervient seulement comme appoint dans l’étude du Front populaire, de la guerre d’Espagne et de la marche à la guerre. Conformément à une démarche marxiste ces problèmes économiques sont traités dans leur dimension socio-politique tandis qu’ils sont restitués par rapport aux positions des confédérations en raison de la nature syndicale et minoritaire de la R.P.

LE COUR GRANDMAISON Olivier, Le mouvement de la paix pendant la guerre froide (1948-1952). Le cas français, Maîtrise [Antoine Prost, Danièle Tartakowsky], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985

De ces années de guerre froide et pour ce qui est du Mouvement de la paix, n’émerge plus que l’Appel de Stockholm pour l’interdiction des armes atomiques. Pourtant, il ne fut qu’un moment dans l’histoire de celui-ci.

Restituer et comprendre, au-delà de cet appel d’où venait en France la   structure qui l’avait porté, qu’elles furent ses initiatives avant et après tel est l’objet de cette étude. Ceci supposait d’étudie d’abord les origines particulières des Combattants de la paix de ce pays et leur évolution. Nés d’une association d’anciens résistants regroupés pour défen­dre les idéaux qui étaient les leurs pendant le combat pour la Libération, sa vocation initiale était d’agir sur l’ensemble du champ politique dans lequel elle évoluait la paix n’étant qu’un élément marginal. La guerre froide, l’influence du Parti Communiste allaient la transformer en une structure luttant exclusivement sur cette seconde question. Dès lors, sa vocation et son histoire changent pour se confondre presque totalement avec celle des Partisans de la paix à l’échelle mondiale. On assistera alors à la lente émergence de la coexistence pacifique qui deviendra bientôt le thème structurant l’ensemble des activités du mouvement.

Comment s’est développé ce processus et quels ont été ses effets et ses conséquences sur le mouvement français, c’est ce que nous avons examiné ensuite.

Ainsi, c’est à travers l’étude de cet itinéraire qui s’étend sur une période de quatre ans et qui s’achève presqu’en même temps que se conclue la guerre froide qu’il est possible de comprendre la trajectoire particulière du mouvement, les campagnes qu’il a menées et la place qu’il a occupée pendant ces années de tensions internationales très importantes.

LE PRADO Daniel, Cinéma et histoire : l’image de la femme dans le monde ouvrier et populaire en France (1945-1958), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985

Brosser la silhouette de la femme dans le monde ouvrier et populaire au sein de la société de la IVe République et cela par l’intermédiaire du cinéma de fiction tel était le but poursuivi par ce mémoire. Il fallait donc, à partir d’une réalité toute subjective, saisir un élément révélateur de l’ensemble d’un système de valeurs propre à cette période 1945-1958 et tâcher de débusquer dans les discours du milieu du cinéma ce que la société laissait, volontairement ou par inadvertance, transparaître d’elle-même. Dès lors avant d’aborder le sujet dans son essence, il s’avérait important de comprendre l’état d’esprit dans lequel s’était élaborée la production cinématographique et notamment les conséquences de la tutelle économique américaine concrétisées par les accords Blum-Byrnes cela en liaison avec l’établissement d’une république bourgeoise auquel correspondait la mise à l’écart par une quasi « chasse aux sorcières » d’un courant qui aurait pu être le néoréalisme français digne prolongement du courant ouvriériste généré par le Front populaire.

Cela dit, même si les circonstances politiques étaient peu favorables à l’élaboration d’une nouvelle image guide de la femme, affirmation qui bat en brèche les principes législatifs faussement prometteurs posés à la Libération en faveur du deuxième sexe, du moins à l’aide de quelques films, minoritaires au regard de l’ensemble de la production, nous avons pu reconstituer les lieux, les faits et gestes dans un triple cadre spatial, relationnel, professionnel, marqués pour la plupart des stigmates socioculturels d’un milieu du cinéma prisonnier de son autocensure et, de fait, rarement objectif à l’égard de la réalité ouvrière et populaire.

Après un découpage des films, une étude attentive des scénarios, mais également une compilation d’articles, de périodiques cinématographiques, d’ouvrages sociologiques, littéraires et historiques qui venaient étayer des sources cinématographiques par nature mouvantes et incomplètes, nous sommes parvenus à cerner le problème principal d’une société à contre-courant de l’évolution des mœurs qui s’avère malade de la famille, du couple et de la femme. Par un discours cinématographique négatif à l’égard du deuxième, la IVe République montre bien que celui-ci vit une phase de transition.

MARCHAND Marie-Pierre, Les ouvriers des métaux du XIXe arrondissement (1926-1936), Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985, 180 p. + annexes

Ce sujet, qu’il faut replacer dans le cadre d’une enquête collective menée par le CRHMSS sur les ouvriers des Métaux français depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, offre le principal intérêt de cerner très précisément un groupe de métallurgistes parisiens. En effet, à l’aide de renseignements tirés des livres de recensement d’un secteur du XIXe arrondissement, pour les années 1926 et 1936, ce mémoire s’attache à définir la condition professionnelle des ouvriers des Métaux, mais aussi leur environnement familial, leur origine géographique et leurs caractères démographiques.

L’analyse des caractéristiques propres à une population bien déterminée s’enrichit du rappel constant au contexte économique, social et démographique de la période de l’entre-deux-guerres. Cette confrontation est particulièrement intéressante dans le domaine de la structure professionnelle puisque ce groupe de métallurgistes, constitué d’une très forte majorité d’ouvriers qualifiés, semble assez peu concerné par les mutations qui traversent le secteur du travail des métaux (rationalisation des méthodes de production, éclatement des corps de métiers).

Mais au-delà de la mise en valeur de la cohérence professionnelle et sociale des ouvriers des Métaux du XIXe arrondissement, le mémoire s’attache à présenter toute la diversité des situations individuelles. Réunis par l’appartenance à un même secteur d’activité, les métallurgistes n’en sont pas moins très différents les uns des autres, en ce qui concerne l’âge, la situation familiale, l’origine géographique et le sexe.

C’est l’analyse de ces différences qui permet de nuancer les conclusions et de présenter un visage plus fidèle et plus vivant de cette population.

NEMECEK Karel, La vie politique, économique et sociale d’une commune de banlieue : Aulnay-sous-Bois, 1875-1935, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985

En 1872, Aulnay-lès-Bondy était encore un petit bourg rural (de 727 habitants) entièrement centré sur l’activité agricole. L’ouverture d’une gare (en 1875) désenclava la commune et suscita le démarrage de sa croissance urbaine. Entamée dès 1883 par la création du quartier du Parc, cette croissance s’accéléra à partir de 1898 du fait d’une 1re vague de lotissements pavillonnaires ; une 2de vague — la plus importante — se développa au cours de la 1re décennie de l’entre-deux-guerres.         

La population de la commune passa de 1659 habitants en 1896 à 7141 en 1911 et à 31 426 en 1931, date à laquelle le mouvement de croissance s’interrompit. À cette époque Aulnay était devenue l’une des plus importantes communes de banlieue résidentielle de la région parisienne.

L’un des axes de cette étude réside dans l’analyse des transformations de la vie sociale de la commune qui accompagnèrent ces mutations : – bouleversement des structures sociologiques de la population, caractérisé par la croissance constante des couches salariées et en particulier des ouvriers ; – conflit jusqu’en 1914 entre les habitants du Vieux­Pays et habitants des quartiers neufs du sud de la commune ; – activité locale des diverses organisations politiques et mise en place de leurs structures communales d’action ; – problèmes créés par l’urbanisation anarchique, conditions de vie et action des mal-lotis des années 20 ; – expérience de Théâtre populaire menée à Aulnay par J. Princet entre 1906 et 1914 ; – mise en place d’un réseau d’association de sociabilité ou de loisirs.

L’autre axe de cette étude est constitué par l’analyse de la vie politique à partir de la recherche de ce qui dans ces diverses données peu nous fournir des éléments d’interprétation de l’évolution de l’électorat aulnaysien, laquelle aboutit en 1935 à l’élection d’une municipalité communiste.

PREVOST Marc, La suppression du poste de receveur dans les autobus parisiens, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985, 172 p.

Étudier la suppression du poste de receveur c’est décrire la disparition d’un métier traditionnel, les effets de l’évolution de notre société à l’égard de la haute technologie aux dépens du savoir-faire et de la présence humaine ; ceci dans le cadre d’une entre­prise nationalisée, la RATP.

Imaginée dans les années 1920, la transformation du système d’exploitation traditionnel de l’autobus (un receveur, un machiniste) n’était pas facile à réaliser. Elle supposait un certain nombre d’innovations techniques et tarifaires pour limiter le temps perdu aux arrêts par la vente et le contrôle des titres de transport. Le coût de ces améliorations fut longtemps jugé excessif en comparaison des économies qu’il permettait de réaliser. Seules quelques voitures roulaient donc sans receveur (sans appareillage technique particulier) dans un but de rentabilité, sur des lignes déficitaires et de faibles trafics.

En 1967, cette conception allait être modifiée. De plus en plus, les usagers préféraient la voiture individuelle aux transports en commun, particulièrement aux autobus jugés inconfortables et lents. Le réseau routier connaissait donc une désaffection de sa clientèle. Dans le même temps, l’État révisait sa politique à, l’égard des entreprises nationales et décidait de modifier leur gestion pour les rendre plus productives. Cela se traduisit à la RATP par la volonté de rationaliser les systèmes d’exploitation et de réduire les dépenses de personnel.

Il faut intégrer la suppression des receveurs dans ce contexte. Ce fut à la Régie la première opération d’une telle envergure. Mettre en valeur les modalités de cette opération n’était donc pas sans intérêt possibilités de formation offertes au personnel, organisation des mutations, garanties proposées aux agents à reconvertir.

L’originalité de notre sujet tient en grande partie au fait que la RATP ne licencie pas. Il a donc semblé intéressant de s’interroger sur les différentes motivations qui pouvaient inciter une telle entreprise à supprimer une catégorie d’emplois et sur la manière de reclasser les titulaires de ces postes.

SOLLET Benoît, Habitat et famille des ouvriers de la métallurgie à Sèvres : 1896-1936, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985

À partir des renseignements contenus dans les listes nominatives de la ville de Sèvres, on a essayé de préciser l’évolution de l’habitat et de la famille des métallurgistes habitant cette ville de 1896 à 1936. Une étape préalable a été nécessaire pour cerner au mieux cette population. Elle a fait apparaître une indétermination des métiers due, d’une part, à l’imprécision des termes utilisés pour les désigner, et d’autre part, à l’évolution de la qualification ouvrière. On a également pu noter l’arrivée successive de nouveaux métiers. Ainsi les manœuvres apparaissent sur les recensements en 1911, les ouvriers et les sténodactylos en 1921, les O.S. en 1936.

Dans son ensemble, la population métallurgiste de Sevres ne cesse de rajeunir durant toute la période, ce qui contraste avec le vieillissement général de la population française constaté à partir de 1911. En fait, Sèvres s’inscrit dans le développement de la région parisienne, point d’aboutissement de l’exode rural. Il apparaît que tout le phénomène migratoire des métallurgistes de Sèvres se situe pratiquement dans le quart nord-ouest de la France.

L’immigration étrangère, quant à elle, est caractérisée par l’arrivée massive des Belges à la faveur de la Grande Guerre. Ces derniers étant en majorité des professionnels, ceci explique qu’il faille attendre 1936 pour enregistrer une baisse de qualification du travail immigré alors que le phénomène a pu se produire plus tôt ailleurs.

Les données des listes nominatives de Sèvres concernant l’habitat permettent de déceler une densité maximum dans le logement juste avant la Grande Guerre.

Celle-ci débouche sur le phénomène pavillonnaire des années 20 dans lequel les métallurgistes de Sèvres s’inscrivent pleinement.

Mais au plus fort de la vague pavillonnaire, 80 % des métallurgistes logent encore en immeuble or il apparaît que pour ces derniers, si la pression du logement connaît un répit dans les années qui suivent la guerre, l’entassement est redevenu la règle en 1936.

L’étude de l’accession au logement individuel suivant la profession enregistre le phénomène de l’évolution de la qualification ouvrière : en 1936 un tourneur n’a pas plus d’espoir d’habiter un pavillon qu’un journalier ou un O.S. En fait, derrière ce terme se cache le plus souvent un manœuvre sur tour.

Le principal enseignement des données concernant les groupes domestiques des métallurgistes de Sèvres est un recul de la famille nucléaire au profit de la famille élargie dans l’entre-deux-guerres. Il semble que deux facteurs se soient conjugués pour faire reculer la famille conjugale durant cette période : d’une part le déséquilibre démographique occasionné par la guerre qui a poussé nombre de veuves chez leurs enfants et d’autre part le contexte économique qui a contraint les ouvriers à se rassembler dans des groupes domestiques élargis, au sein desquels fonctionnait une entraide réciproque. (Le contexte économique est très dur à Sèvres en 1921 avec Renault qui vient de licencier la moitié de son personnel).

En 1921 la famille élargie, c’est d’abord les collatéraux. Cela confirme une entraide économique : on aide les nouveaux arrivants dans la région parisienne et les chômeurs.

En 1936 cette famille élargie c’est d’abord les grands-parents il s’agit plus d’un soutien de famille du fait de l’allongement de la vie et du manque de ressources des plus agés.

SPIRE Juliette, La bibliothèque de la Bourse du Travail de Paris, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1985, 207 p.

L’objet de cette étude est d’analyser le contenu d’une bibliothèque ouvrière et syndicale, à travers l’examen de ses acquisitions entre 1898 et 1914, et de définir la vocation et le but de cette institution, dans le contexte de l’action éducative des Bourses du Travail et du développement du syndicalisme. Cette analyse a été effectuée grâce au traitement statistique informatisé, à l’aide d’un logiciel statistique permettant de dégager les grandes orientations de la bibliothèque.

Entre 1898 et 1906, la bibliothèque de la Bourse de Travail de Paris est un centre de documentation économique et sociale et de réflexion militante, une bibliothèque professionnelle et technique, mais aussi une bibliothèque d’éducation générale, comme le souhaitait le fondateur des Bourses, Fernand Pelloutier.

Après 1906, à la suite des conflits entre les syndicalistes révolutionnaires et le gouvernement, et surtout après l’affirmation de l’indépendance syndicale à Amiens, l’institution est délaissée des syndicalistes administrateurs et contrôlée par la Préfecture qui en fait un lieu d’éducation économique, civique et technique destinée surtout à intégrer la classe ouvrière.

Cette étude décrit ce centre de formation ouvrière et ses enjeux, tout en montrant que la pratique du subventionnisme a entravé sa fonction révolutionnaire et a abouti à son abandon, au nom de l’indépendance syndicale en matière éducative.

1984

FOURRE Véronique, La jeunesse ouvrière chrétienne de 1940 à 1947. Crise d’adolescence d’un mouvement de jeunes chrétiens, Maîtrise [Michel Launay], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1984

La Jeunesse Ouvrière Chrétienne, créée en 1926 en Belgique, offre plusieurs thèmes de recherche intéressants.

Ce mouvement se situe à la confluence d’une doctrine et d’une classe sociale historiquement opposées l’une à l’autre : Le Christianisme et le monde ouvrier. Issu d’une tradition sociale chrétienne remontant à l’Encyclique RERUM NOVARUM, il innove cependant en spécialisant son action à la classe ouvrière et en créant ainsi les conditions d’un élargissement de l’expérience à d’autres classes sociales. Enfin, il a en France un succès tout à fait remarquable, le plaçant parmi les tout premiers mouvements de jeunesse en 1939.

L’intérêt de ce mouvement s’amplifie en 1940, car deux éléments déterminants interviennent :

1/Le premier est l’arrivée au pouvoir du Maréchal Pétain entraînant : la disparition de l’unité nationale du mouvement avec au Nord une JOC dissoute, officieuse voire clandestine et au Sud, une JOC officielle évitant difficilement une trop grande compromission avec le nouveau régime. Un choix rapidement inéluctable entre sa vocation chrétienne et sa tradition ouvrière.

2/Le second élément est, au-delà de ce choc événementiel, la « fermentation » de la catholicité française remettant en cause son action apostolique celle en particulier du mouvement jociste jugée à la fois temporelle et trop peu évangélique.

L’occupation est donc pour la JOC : – une existence quotidienne, – une remise en cause « politique » – un débat de fond idéologique. Ces trois dimensions ont des implications déterminantes dans l’évolution de ce mouvement, car elles insufflent un esprit différent dégagé de la traditionnelle doctrine sociale de l’Église, tout en formant des militants différents dans leur engagement temporel et politique.

Notre travail s’attache à étudier les changements imputables à l’occupation et leur pérennité au-delà de ce choc historique. Cette étude est uniquement basée sur les archives du Secrétariat Général de la branche masculine et française du mouvement.

MIALHE Paul-Henri, Étude socio-professionnelle d’une rue du XIe arrondissement entre 1926 et 1936, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1984

L’objectif est de mener une étude historique en utilisant l’ordinateur. Cet a priori conditionne le choix de la source qui doit nécessairement prendre en compte la spécificité de l’ordinateur. À cette fin, on a retenu les trois recensements de la ville de Paris en 1926, 1931 et 1936, complétés par les listes électorales de 1925, 1930 et 1935. Pour exploiter les indications données par les recensements, deux procédés pouvaient être retenus : soit travailler par sondage sur l’ensemble du quartier de La Roquette, soit se limiter à un lieu de vie particulier : place, rue. C’est cette deuxième solution qui a été choisie et l’étude porte sur la rue Saint-Sabin, non loin du Faubourg Saint Antoine. L’étude comporte un ensemble de tableaux et de graphiques.

L’évolution de la rue pendant la période 1926-1936 est étudiée sous deux aspects : d’une part l’évolution des personnes stables (quels sont leurs points communs et éventuellement, quels infléchissements se produisent au sein de cette population), d’autre part, l’évolution l’évolution globale de la rue telles qu’elle est reflétée par chacun des trois recensements. Dans ce but, sont étudiées l’évolution de la composition des familles (étude comparative, description), et celle des professions qui fait apparaître les modifications structurelles et conjoncturelles de la rue.

Au terme de l’étude, on peut faire les constatations suivantes :  – En ce qui concerne la population : Le renouvellement est important : de 1931 à 1936, il est de 51 %. La moyenne d’enfants par famille diminue peut-être en raison de la conjoncture économique. Le travail des femmes devient plus régulier. Elles investissent le secteur des services. – En ce qui concerne les activités : De 1926 à 1936, on note un pourrissement du marché de l’emploi. Essoufflement du secteur production dû à un changement de structure économique. Stagnation du secteur commerce. Dynamisme du secteur des services. La qualification des actifs est en baisse, surtout pour les femmes et les jeunes. Si le marché de l’emploi est souple en 1926, il devient rigide en 1936. La rue Saint Sabin elle-même change de caractère : d’active et bruyante, elle devient peu à peu plus calme.

1983

AVRAN Isabelle, La Fédération CGT de l’habillement. Discours et pratiques syndicaux dans une branche professionnelle à majorité féminine.1947-1968, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983

Les années 1947 à 1968 sont, après plusieurs mois d’optimisme, des années difficiles pour la Fédération CGT de l’habillement, autant du fait de l’ampleur des revendications à défendes, ce qui constitue pour elle une priorité (notamment la défense des salaires) que du fait d’une influence (fluctuante) faible (bien que majoritaire par rapport aux autres fédérations).

Elle informe, propose, explique, organise des journées d’actions nationales (surtout après 1962) qui ont un succès limité, dans un climat tendu et aboutit à des victoires assez partielles. Il faut pourtant souligner l’écho de la grève des midinettes, en 1949, et surtout l’importance de Mai 1968 entraînant des milliers d’ouvriers, de femmes, de jeunes dans l’action syndicale que beaucoup découvrent. Mais il faut noter cependant les difficultés de la Fédération à prendre en compte les dimensions et les enjeux des mutations qui s’opèrent dans la branche.

Les femmes sont de plus en plus nombreuses à tous les échelons du syndicat. Mais, ce n’est qu’à la fin des années 60 que l’on sent réellement mûrir un début de réflexion spécifique à leur égard, parallèle à la campagne de la CGT. En fait, par ses prises de position, la Fédération se veut surtout un large syndicat de la classe ouvrière unie. Ainsi, devenue pour une part une Fédération « féminine », elle a peut-être eu surtout le mérite d’associer (ou d’intégrer) l’histoire des femmes de l’habillement à celle du mouvement ouvrier français.

BACKOUCHE Isabelle, Les Actualités Cinématographiques Gaumont de 1956, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Launay], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983

Un double intérêt nous a conduits à travailler sur les Actualités Cinématographiques (AC) : envisager une société par un biais nouveau et analyser le discours d’un moyen d’information.

Le choix de 1956 se justifie par la position charnière de cette année dans la période après-guerre, que ce soit sur le plan politique (française et internationale) ou social (aspects matériels et quotidiens).

Ce mémoire propose trois éclairages différents. Une première partie présente les problèmes de réalisation des AC et les conditions de leur réception dans les années 50. Elle fait ressortir la dimension industrielle de ce moyen d’information ainsi que les spécificités de son public. Dans un deuxième temps, nous nous intéressons aux AC comme moyen d’information. De quoi parlent-elles ? Comment en parlent-elles ? L’étude des modalités du discours des AC (Guerre d’Algérie, relations internationales, vie quotidienne des Français), vérifiant concrètement les enjeux de leur discours. Leur apport principal pour l’historien apparaît alors clairement : permettre de comprendre comment événements, crises, mutations sont vécus — et surmontés ou évacués — par les contemporains de la société concernée.

L’AC s’adressant à un public large et hétérogène se doit d’aborder les questions essentielles de l’année 1956. Mais elle sait, et elle en a surtout les moyens, construire un discours qui est à la fois le reflet d’une réalité donnée et un écran par rapport à celle-ci : dualité qui légitime l’intérêt que l’historien peut lui porter.

COULAMBON Gilles, L’Humanité et le procès des seize, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983, 157 p.

L’Humanité, organe du Parti communiste français a publié environ 70 articles pendant la période du premier procès de Moscou. L’étude de ces articles nous a permis de mettre à jour un certain nombre de faits qui nous permettent de tirer les conclusions suivantes : – l’Humanité a été durant cette période le principal relais de la politique de Staline en Europe. – l’Humanité a falsifié, déformé l’histoire des dirigeants de la Révolution d’octobre. – l’Humanité a calomnié Trotsky, Sédov et les militants de la IVe internationale. – l’Humanité a tout fait pour empêcher la mobilisation au sein du mouvement ouvrier, en expliquant que tous ceux qui osaient défendre les accusés étaient des fascistes.

Pour terminer, nous affirmons que l’Humanité s’est disposée dès le 19 août 1936 à soutenir et à couvrir les premières exécutions des dirigeants du Parti bolchévique. Par ailleurs bien que l’Humanité n’en dise mot, il ne faut pas oublier que ce premier procès marque le commencement de la terreur de masse contre les ouvriers, les paysans et les opposants au régime stalinien.

DELAVAUT-BERGER Maryse, L’implantation du parti communiste dans une cité cheminote : Longueau, 1920-1936, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983

À partir des archives départementales de la Somme, (recensements, archives de police, presse), cette étude a pour objet de déterminer les conditions et les modalités d’implantation du parti communiste dans la petite ville ferroviaire de Longueneau, de 1920 à 1936.

L’organisation communiste naît dans un milieu sociologiquement homogène, celui des agents de la Compagnie du Nord, à partir pour l’essentiel, du travail syndical d’un noyau de militants très actifs, qui entraîne le centre cheminot vers la CGTU, lors de la scission.

La progression électorale du PCF est régulière pendant la période avec un premier succès lors des municipales de 1925. Longueau devient, dès les années 30, le bastion rouge autour duquel le parti communiste se développe dans l’ensemble du département.

Le rôle dynamique joué par la cité cheminote s’impose partout particulièrement à Longueau, en 1933, d’un hebdomadaire régional du PCF : le Travailleur Somme et Oise, dont la diffusion entre pour beaucoup dans les succès électoraux du Front populaire qui font de Louis Prot, maire de Longueau, et de Jean Catelas, cheminot du centre Amiens-Longueau, les deux premiers députés communistes de la Somme.

DULOUT Yves, Les liens de la jeunesse ouvrière chrétienne et du syndicat CFTC pendant les années trente, 1930-1939, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Launay], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983, 284 p. + annexes, graphiques et illustrations.

À partir des archives du secrétariat général de la JOC, l’étude envisage quelles furent les raisons et la nature des relations de deux organisations d’inspiration chrétienne dans les années trente : une organisation ouvrière de jeunesse (la JOC) de création alors récente (1927) ; qui se donne pour but d’assurer une formation intégrale de la jeunesse salariée ; un syndicat : la confédération française des travailleurs français fondée en 1919, de composition sociologique hybride et surtout marquée par l’épithète générique de son prédécesseur (SECI) : un syndicat des employés du commerce et de l’industrie.

En position de convergence et de synchronisme, les deux organisations se caractérisent par une adéquation de quelques principes d’origine identique : une doctrine, dérivée des derniers enseignements de l’Eglise en matière sociale et économique, une « position » politique, démocrate sociale dont on tente de préciser les caractères, une problématique d’Action catholique. En bref, un fonds qui détermine parfois ponctuellement, parfois durablement des accords et des campagnes communes. On a bien évidemment privilégié la JOC, son rôle, ses manifestations, les caractères de son action, ses motifs d’adhésion au syndicalisme chrétien, plus que les structures du syndicat lui-même. Il s’agissait de réfléchir sur l’apport que la JOC a pu fournir à la CFTC, la manière dont elle envisageait ses relations à la branche adulte professionnelle. Que le qualificatif de chrétien soit commun aux deux organisations n’élude pas pour autant en effet l’opposition de deux ordres de discours irréductibles à eux-mêmes. En dix ans cependant, l’histoire des liens de la JOC et de la CFTC traduit une évolution certaine, consacrée par le suivi constant d’un corps de revendications, une unité de fait pendant le Front populaire.

Au travers de ces liens, des questions économiques, politiques, des querelles de principes et de compréhension, c’est un certain angle de lecture de l’histoire des années trente qui transparaît. Ils relatent d’une manière fidèle les crises du moment et l’importance des essentiels acquis du Front populaire dont la JOC et la CFTC furent également, bien qu’exclues du Rassemblement populaire, les instigatrices.

FORMAN Hervé, 1967-1968 avant la grève générale : les grèves en France, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983, 210 p.

En 1967-1968, avant la grève générale en France, les grèves ouvrières, les manifestations professionnelles, comme celles liées au mécontentement des paysans, des jeunes, des étudiants annonçaient-elles l’explosion de mai-juin 1968 ?

P. Viansson Ponté faisait part, dans Le Monde du 3 mai 1973 d’« un type de manifestations anciennes ». Inversement A. Touraine dans Le Mouvement de Mai ou le communisme utopique relatait une « forme nouvelle de la lutte des classes ».

Où devait-on « classer » — en admettant que cela soit possible — les grèves massives des métallurgistes bordelais, des mensuels de Saint-Nazaire, des ouvriers du textile dans la région lyonnaise ? Claude Durand dans Grèves revendicatives ou grèves politiques, acteurs pratiques du mouvement de Mai indiquait ce que sous-tendaient ces approches divergentes et fournissait les premiers éléments de la typologie. Pouvait-on vérifier l’affirmation de Serge Mallet qui depuis la publication de La nouvelle classe ouvrière a trouvé de nombreux souscripteurs, selon laquelle les intellectuels auraient alors arraché à la classe ouvrière l’avant-garde dans une « nouvelle lutte de classe » n’opposant plus capitalistes et ouvriers.

Les grèves ouvrières du premier trimestre de l’année 1967 étaient-elles isolées dans une période sans précédent de paix sociale dans l’industrie ? Il fallut le recul nécessaire du contexte historique — tant politique qu’économique et social — dans la décennie pour rétablir une réalité parfois déformée par les impressions encore trop proches des événements de l’année 1968.

C’est avant tout dans les travaux de l’INSEE, du Ministère des Affaires sociales, du Ministère du Travail et de la Sécurité sociale qu’on a systématiquement puisé les données pour établir un profil des conflits, la presse syndicale et d’opinion donnant la chronologie.

La confrontation de ces données d’horizons très différents amenait un résultat qui pouvait surprendre. On devait admettre en avançant dans l’étude que nombre d’analyses parfois considérées comme dépassées — voir « archaïques » — se trouvaient actualisées, particulièrement celles portées il y a près d’un siècle par Rosa Luxembourg dans Grève de masses, Parti et Syndicats.

FRYDMAN Didier, Les communistes montreuillois 1935-1939, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983

Ce mémoire propose une approche du Parti Communiste Français entre 1935 et1939, à travers une étude sur les adhérents montreuillois. Il vise à expliquer comment au cours de ces quatre années, les militants ont transformé leur ville en un puissant bastion du PCF.

Quels sont les hommes et les femmes qui mettent en œuvre, à Montreuil, la politique du parti communiste ? Dans quelle mesure et avec quels moyens parviennent-ils à influencer leurs concitoyens ? Quelles difficultés ou facilités rencontrent-ils dans cette tâche ? Telles sont les questions principales qui font l’objet de cette recherche.

C’est un parti communiste essentiellement ouvrier qui s’adresse aux Montreuillois à cette époque, et le recrutement important des années 1936-1937 ne parvient pas à modifier cette caractéristique.

Les capacités d’intervention du PCF auprès des classes moyennes et des intellectuels sont donc réduites, à un moment pourtant où gagner ces catégories d’habitants constitue une priorité du parti.

Cependant, malgré ces obstacles intrinsèques, les résultats électoraux montrent que les communistes montreuillois rayonnent sur des milieux très divers et que leur influence s’élabore de façon différente selon les quartiers et les pratiques militantes. Il apparaît que ce qui détermine cette influence dans un quartier, n’est pas toujours le nombre d’adhérents, ou la proportion d’ouvriers qui s’y trouvent, mais plutôt la faculté des communistes à se saisir des problèmes quotidiens des habitants.

Avant même son succès électoral de 1935, le PCF utilise ou crée à Montreuil, des organisations de masse (comités d’intérêts généraux, comités de chômeurs…) qui lui permettent de s’ouvrir sur un très large public. Une fois à la mairie, il met en place d’autres structures afin que ce réseau couvre l’essentiel de la vie sociale des Montreuillois.

C’est ce travail quotidien qui, à Montreuil, donne la possibilité aux communistes d’aborder avec succès le soutien à la République espagnole ou l’unité du Front populaire.

Tels sont brièvement résumés, les divers éléments qui caractérisent le mode de fonctionnement et d’influence du PCF à Montreuil.

GEORGI Franck, La première « Bataille socialiste » : histoire et portrait d’une tendance dans le Parti socialiste SFIO (1927-1935), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983, 242 p.

À la différence d’autres « tendances » au sein de la SFIO, la « Bataille socialiste » n’a pas jusqu’ici particulièrement retenu l’attention des chercheurs. Pourtant, la tendance animée par J. Zyromski a joué un rôle déterminant dans l’évolution du socialisme français de l’entre-deux-guerres. Par son action, elle a puissamment contribué à vaincre les éléments réformistes du Parti qui, par deux fois, ont failli entraîner la SFIO dans la voie de la participation gouvernementale. Gardienne de l’orthodoxie doctrinale, la B.S. fut l’adversaire déterminé des « néo-socialiste » et obtint leur exclusion en 1933. Enfin, à partir de 1934, la tendance pèse de tout son poids afin que le Parti socialiste s’engage dans la voie de l’unité avec le Parti communiste avant de militer activement en faveur de la constitution d’un Front populaire.

Ce mémoire est basé sur des sources diverses : archives personnelles de J. Zyromski — tout récemment ouvertes eu public —, Archives nationales, collection complète du journal de la tendance, la Bataille socialiste, rapports de congrès, presse, brochures, témoignages, etc. Il se propose d’étudier la B.S. de sa naissance en 1927 à la défection de Marceau Pivert en 1935 : après cette date, la tendance et le journal changent de visage. La « première » bataille historique sera appréhendée dans sa dimension historique et dans sa dimension structurelle. La « première » Bataille socialiste sera appréhendée dans sa dimension historique et dans sa dimension structurelle. La partie chronologique s’efforce d’articuler l’histoire de la tendance avec celle du parti : date charnière pour la SFIO des années trente, le six février 1934 est aussi le moment où la Bataille bascule de la défensive à l’offensive, du combat contre la collaboration de classes à la lutte active pour l’unité et la prise révolutionnaire du pouvoir. Une autre partie, plus synthétique, essaie de faire ressortir un certain nombre de réalités structurelles touchant au journal, aux militants, à l’implantation, à l’influence, à l’idéologie, aux liens de la B.S. avec l’appareil du Parti.

Enfin, l’étude éclaire un certain nombre d’aspects jusqu’ici laissés dans l’ombre : recherche des origines de la B.S. à partir de 1924, rapports avec le planisme, le syndicalisme, etc. La première B.S. apparaît comme une réalité complexe, hétérogène, qui désigne à la fois le rassemblement le plus large des antiparticipationnistes — dont P. Faure — et une tendance de gauche originale, toujours présente, incarnée par Zyromski. Celle-ci poursuivra son chemin seule à partir des années de 1936, après que ses prises de position des années 1934-1935 eurent éloigné d’elle, successivement, modérés (P. Faure) et pacifistes révolutionnaires (M. Pivert).

HERVOUET Elisabeth, Les Petits Bonhommes : Un journal pour l’enfance ouvrière-1911-1914, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983

Ce mémoire repose sur le dépouillement de la collection des Petits Bonshommes, de 1911 à 1914, ainsi que sur celui des principaux journaux du mouvement ouvrier (L’Humanité, La Bataille Syndicalisme, La Voix du Peuple…) de 1900 à 1914.

À la fin de l’année 1909, un groupe de syndicalistes, de socialistes et de coopérateurs décide de créer la Ligue ouvrière de protection de l’enfance, une organisation qui veut aider à l’éducation de l’enfance ouvrière.

Après avoir étudié les liens qui unissent les organisations ouvrières à la Ligue et les activités de cette dernière, ce mémoire analyse le résultat de la principale d’entre elles : le journal Les Petits Bonhommes.

Paraissant du premier janvier 1911 au dix juillet 1914, Les Petits Bonhommes ont pour but l’élévation de la conscience des enfants, la formation des futurs syndicalistes. On y remarque donc de nombreux articles politiques et éducatifs. On note cependant, dans les deux dernières années, une évolution vers un journal plus divertissant, moins politique.

KRIKORIAN Nathalie, Analyse linguistique et historique du discours politique. Les éditoriaux de Louis Pauwels : « Le Figaro-Magazine » (mai-septembre 1981), Maîtrise [Michel Launay], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983

À travers l’analyse linguistique et historique des éditoriaux du Figaro-Magazine, le but de cette étude est de mettre en évidence la spécificité d’un fonctionnement discursif. Il s’agit en partant du discours comme base d’étude, de présenter les différents paramètres d’ordre social, politique et idéologique dans la mouvance desquels il se situe et dont il constitue simultanément la manifestation actualisée et le témoignage.

Considérant que l’information « pure » en ce qui concerne la presse, ou l’objectivité des faits du point de vue historique ne sont que relatifs et s’offrent toujours comme des données déjà observées et/ou interprétées, tout texte et particulièrement celui d’un discours politique est en lui-même une source de renseignements qui intéressent l’ensemble des disciplines de recherche en sciences humaines.

De ce point de vue, l’étude historique replace le discours dans son contexte sociologique, politique et idéologique, donnant lieu à des informations formelles que vient étayer, renforcer, voire éclairer ou approfondir l’analyse linguistique proprement dite. L’analyse linguistique s’exerce sur les différents niveaux d’intelligence du discours, à la fois comme paramètre les conditions (socio-historiques) de production du discours.

L’analyse lexicologique des éditoriaux de L. Pauwels vise à éclairer le sens des processus argumentatifs propre à ce discours, à en affirmer les enjeux politiques et idéologiques à partir desquels se fonde une stratégie argumentative susceptible d’être isolable en tant que spécifique d’un certain « discours de droite » situé dans la mouvance des droites contre-révolutionnaire de type « fascistes ».

LE ROUX-YAHIEL Martine, L’Histoire du Groupe Français d’Éducation Nouvelle de 1922 à 1962, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983

L’Histoire du GFEN a été étudiée à travers la revue du mouvement « Pour l’Ère Nouvelle » et des archives privées. Ce mouvement se présente dès lors comme l’héritier de la plupart des grands pédagogues depuis J.J. Rousseau, son but essentiel étant d’aboutir au développement harmonieux de l’enfant au sein de la société. Il s’inscrit par ailleurs dans un cadre plus large : la Ligue Internationale Pour l’Éducation Nouvelle.

L’Histoire du GFEN s’articule autour de trois périodes : de 1922 à 1929, le GFEN filiale française du mouvement international, jette les bases d’une action militante en faveur des idées nouvelles en éducation sous l’égide de personnalités du monde intellectuel de l’époque. De 1929 à la veille de la guerre, le groupe s’oriente vers une politique plus revendicative à l’égard des questions populaires, particulièrement au moment du Front populaire. Après la guerre, subissant le contre coup de l’échec du plan Langevin-Wallon, il tente de se perpétuer à travers des expériences nouvelles, ne pouvant plus espérer un écho favorable au sein des instances officielles.

Il apparaît au terme de cette étude que l’apport du groupe à la réflexion pédagogique en France reste incontestable, mais qu’il souffre d’un certain nombre de faiblesses : un recrutement étroit dans le milieu intellectuel bourgeois, un message qui « passe mal » dans le milieu enseignant, et une pratique qui se résume à des expériences novatrices isolées.

MORENO Emmanuelle, Étude sur les lycéens de Sens de la première guerre mondiale à nos jours. La démocratisation de l’enseignement secondaire à Sens de 1920 à 1980, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983

Le but de ce mémoire est de cerner, à travers une enquête locale portant sur 9000 lycéens, les progrès de la démocratisation de l’enseignement secondaire et la façon dont celui-ci est devenu un instrument de sélection.

Après avoir retracé l’évolution des structures de l’enseignement secondaire dans la région de sens, on a procédé à l’étude quantitative de la clientèle des établissements secondaires de la ville de Sens de 1920 à nos jours. La recherche est essentiellement axée sur les transformations sociales et géographiques de cette clientèle. Si les inégalités géographiques s’atténuent grâce à l’essor des transports scolaires et à la création de collèges en zone rurale, les inégalités sociales sont toujours marquées. Les classes les plus modestes, autrefois exclues du lycée, sont maintenant accueillies au collège et leur élimination est progressive : l’orientation se substitue à l’exclusion. Seule l’élite des classes sociales défavorisées a accès à l’enseignement de second cycle long et à la filière noble C, tout comme autrefois, seuls les plus doués d’entre eux avaient accès au lycée. Les progrès de la démocratisation semblent plus apparents que réels. La restructuration de l’ensemble secondaire, la redéfinition des règles du jeu scolaire ont simplement changé le visage de la sélection.

PERRIAUX Anne-Sophie, La création du comité d’établissement de Renault-Billancourt, 1945-1952, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983

Il n’y a pas de comité d’établissement à Boulogne avant 1947 ; c’est là un des aspects restrictifs de la législation RNUR par rapport à la législation nationale. En fait, de 1945 à 1947, le Comité Central d’Entreprise pallie cette carence. Institué par l’ordonnance de nationalisation, élu, il se donne rapidement les moyens d’assumer les tâches qui lui reviennent : gérer les œuvres sociales et contribuer à l’amélioration de la production et des conditions de travail. L’étroite unité de vue entre la Direction et la CGT, majoritaire au CCE, explique que la mise en place et le fonctionnement du comité ne donnent lieu à aucun désaccord.

À partir de novembre 1947, le comité d’établissement doit être, pour la CGT, un instrument de lutte. Les services sociaux, épurés, proposent des activités conformes à l’orientation syndicale.

En décembre 1950, la Direction riposte par la diminution massive de la subvention accordée au CE qui est contraint d’abandonner une partie des œuvres sociales, reprises par la Direction. La CGT ne change pas de stratégie pour autant.

En juin 1952, après la manifestation contre Ridgway, elle perd la majorité au sein du comité d’établissement. Les membres CGC, FO, SIR, CFTC du CE offrant les garanties du respect d’une stricte neutralité, la Direction se déclare favorable à un retour de la totalité des œuvres sociales au comité d’établissement de Renault-Billancourt en décembre 1952.

PEYRONNIN Philippe, « L’École Emancipée » 1919-1929 (Organe pédagogique hebdomadaire de la Fédération des Syndicats des Membres de l’Enseignement laïque), Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983

Cette étude retrace une étude de onze années, de 1919 à 1929, l’histoire de L’École Émancipée, revue pédagogique et syndicale gérée et administrée par les instituteurs de la Fédération des Membres de l’Enseignement Laïque. Après avoir cerné les caractéristiques de l’époque et du milieu dans lesquels elle est diffusée, et analysé le sens et les motifs de son existence, ce travail présente la revue à travers ses différentes rubriques, ses collaborateurs et lecteurs et délimite la portée de son audience. Il revient ensuite sur la portée des combats successifs menés par la revue au cours des années vingt en dégageant les principes directeurs qui les suscitent et les lient. S’attachant plus précisément aux aspects syndicaux et sociaux, le mémoire suit l’évolution politique de l’École Émancipée partagée entre son passé syndicaliste-révolutionnaire et son attirance pour les thèses et les principes bolcheviques.

On y recherchera de quelle façon la revue participe durant cette période à la diffusion du communisme en France d’une part, et de l’autre, les raisons profondes de son opposition au PCF en 1929.

SINGER Philippe, L’Union départementale CGT de la Loire-Inférieure (1938-1939), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1983

L’image que nous donne l’UD CGT de Loire inférieure avant la guerre est comme le négatif de ce que l’on peut alors voir en France. Les communistes, partisans d’un syndicalisme de lutte des classes, apparaissent attachés à la défense des intérêts quotidiens des travailleurs tandis que les anciens confédérés abandonnent tout réformisme et adoptent un style révolutionnaire qui emprunte ses thèmes à la tradition anarcho-syndicaliste.

Pour saisir et étudier cette originalité, nous nous sommes concentrés sur les années 1938-39, difficiles pour la CGT puisqu’elles correspondent à son reflux après la victoire de juin 1936. Durement sollicités par la dégradation du climat politique et social, par les nécessités de la défense nationale et l’offensive conjointe à partir d’avril 1938, et du patronat et du gouvernement, les dirigeants syndicaux et les ouvriers se sont montrés tels qu’en eux-mêmes.

Exception faite de quelques minorités révolutionnaires sans influence, ils apparaissent modérés. Ce n’est pas par crainte de se faire déborder que les dirigeants confédérés adoptent un style révolutionnaire. L’anarcho-syndicalisme proclamé, sinon vécu, est purement démagogique. Mais il est dicté par un opportunisme dont les fondements sont profonds et qui tiennent à l’histoire du mouvement ouvrier en Basse-Loire et à la permanence de son contrôle par les Socialistes.

Le jeune Parti communiste français prit rapidement conscience de l’enjeu stratégique que représentait, après la Première Guerre, l’afflux sans précédent de la main-d’œuvre d’origine étrangère. Les fondements théoriques et les orientations principales de sa politique vis-à-vis de la MOE ont déjà été étudiés et sont relativement bien connus.

Partant du constat maintes fois vérifié qu’il y a une marge entre l’adoption de résolutions et leur mise en application, ce travail se propose, à partir de l’exemple des immigrés italiens, de déterminer quelle fut dans la pratique l’attitude des communistes français vis-à-vis de ces derniers dans la décennie qui sépare la dissolution de la Fédération communiste italienne de France et l’entrée de Giulio Ceretti au Comité Central du PCF.

L’identification et la description des organismes mis en place — les Centuries Prolétariennes, les Comités Prolétariens Antifascistes et, surtout, les groupes de langue italienne — et l’évaluation de l’influence du PCF dans l’immigration italienne — effectifs des groupes et implantation en Meurthe-et-Moselle — mettent en valeur deux phénomènes majeurs : – les tendances « autonomistes » des Italiens et leurs résistances aux décisions du PCF (à la bolchévisation en particulier) — une certaine indifférence et les négligences des membres et des comités du parti français qui, à la fin de la période étudiée, ne dirigeait et ne contrôlait toujours pas effectivement les groupes italiens.

1982

ATTIAS Eric, Les trotskystes en France sous le Front populaire. La scission du groupe « La Commune », Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, juin 1982, 259 p.

Le projet de l’auteur a consisté, tout d’abord, à présenter les analyses originales défendues, dans la lutte des classes, par un groupe minoritaire. Le fond de ces analyses est constitué par la distinction que ces militants opérèrent toujours, entre la mobilisation révolutionnaire des masses, qui a abouti à la grève générale de mai-juin 1936, et la constitution d’une alliance politique, dite « Front populaire », liée au maintien du régime capitaliste. Une telle caractérisation du Front populaire renvoyait, bien entendu, à la nature de la social-démocratie et du stalinisme pris dans leurs exemples français. Dans un débat classique sur le Front populaire, il est parfois encore question de se demander si la grève de mai-juin 1936 a bien été un mouvement révolutionnaire, si Blum a bien échoué devant « le mur d’argent », si le Front populaire a, bien ou mal, préparé la guerre. Face à ces interrogations, à la fois profondes et tellement empreintes de confusion, les textes de Trotski apparaissent dans toute leur rigueur et toute leur cohérence.

Loin de la rigueur et de la cohérence apparaît, en revanche, l’activité des militants qui partagent l’analyse théorique de Trotski, mais qui expriment, le plus souvent, leurs désaccords avec lui dans la pratique. Bien que représentant, dans la lutte des classes, le véritable internationalisme, leurs positions restent très faibles dans la période 1935-1939.

L’auteur a essayé de pallier les difficultés soulevées par le manque de connaissances comptables, relatives au POI et au PCI, en ce qui concerne leurs effectifs, le tirage et la vente de leurs journaux. Il a tenté de répondre aux problèmes de compréhension posés par les séparations organisationnelles successives que connurent les militants trotskystes durant ces années. Le bilan de cette activité est celui que les trotskystes durant ces années. Le bilan de cette activité est celui que les trotskystes tirent de leur mouvement dans l’enfance : malgré l’inexpérience et les erreurs, l’héritage de Lénine et de Trotski a été transmis.

BAMPS Denis, La SFIO et la guerre d’Algérie, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Launay], Univ. Paris 1 CRHMSS, juin 1982, 144 p. + annexes

L’essentiel de ce mémoire repose sur l’étude : – de l’intégrale des interventions faites devant les instances nationales de la SFIO (congrès, conseil, conférence nationale), – des notes prises en réunion de comité directeur, – de la presse nationale du Parti (Populaire, Populaire Dimanche…), – de certains quotidiens nationaux sur la période étudiée (Le Monde, L’Express, France-Observateur). De telles sources privilégient le niveau national.

D’abord discret, « le problème algérien » va rapidement polariser l’essentiel puis la quasi-totalité des débats au sein des instances nationales du Parti. 1945-1955 : la SFIO se remet des déchirures de la CED. L’Algérie n’apparaît pas comme un point de désaccord possible, mais comme un facteur d’unité. Même si quelques divergences exprimées par des courants fédéralistes apparaissent, l’unité demeure jusqu’à la fin de 1955 et se trouve renforcée lors de la campagne des législatives et le slogan « Paix en Algérie ». Après la victoire du Front Républicain, les inquiétudes exprimées par les fédéralistes s’intensifient. Mais c’est encore avec l’unanimité du Parti que G. Mollet accepte la présidence du conseil.

Le 6 février 1956 marque le tournant. La crise algérienne devient un facteur de division. La distance qui sépare la Majorité de la Minorité ne cesse de s’accroître au fur et à mesure que l’on s’avance dans la guerre d’Algérie, au point qu’une troisième force, en 1957, incarnée par G. Deferre, tentera de s’imposer en se plaçant dans une position intermédiaire. La crise de mai 1958, le vote d’investiture de de Gaulle, l’entrée de G. Mollet à titre personnel dans son gouvernement entraîne le Parti à la scission. Facteur d’union puis facteur de crise, la politique algérienne de la SFIO a accentué le mouvement d’affaiblissement que connaissait la SFIO depuis 1945.

Alors peut-on se contenter de résumer la politique de la majorité sous le cliché « politique de droite menée par un parti de gauche » ? La réponse est négative. Que toute perspective de départ dût entraîner une explosion qui mit en danger les institutions républicaines, le 13 mai, l’OAS, les barricades l’ont confirmé. De même, les principes demeurent assez défendables dans le contexte de l’époque et dans la logique d’une gauche réformiste. Mais une question reste en suspend : était-ce à la SFIO et aux socialistes de mener une telle politique ?

Étaient-ils capables de l’imposer au pays ? Étaient-ils capables d’éviter l’enlisement ?

BARRE Frédérique, La Fédération unitaire du Livre 1922-1935, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, septembre 1982, 93 p. + annexes

L’évolution de la Fédération Unitaire du Livre de 1922 à 1935 doit être étudiée en liaison étroite avec celle de la CGTU. En 1925, alors que l’influence communiste est définitivement établie au sein de la confédération, la FUL, après un conflit violent sur le problème de « l’indépendance du syndicalisme », place elle aussi à sa tête une commission exécutive composée d’une majorité de membres du Parti communiste. Dès lors la rupture est définitive d’avec le Syndicalisme-Révolutionnaire qui avait prévalu jusque-là et qui se caractérisait notamment par la grande autonomie laissée aux sections. En 1929, la direction confédérale reconnaît le PC comme « avant-garde dirigeante du mouvement ouvrier ». Cette décision, entérinée par la majorité de la CE de la FUL, paraît inacceptable au secrétaire général Schumacher qui pour défendre ses idées, fonde un courant au sein de la CGTU. Le congrès confédéral donne raison à la ligne défendue par sa direction et met en échec les tendances prônant « indépendance du syndicalisme » ; il en va de même dans le FUL : Schumacher est amené à démissionner et le Comité National de 1930 adhère à la proportion des 2/3 à la thèse « majoritaire ». De 1929 à 1935, l’adhésion entre la CGTU et la FUL est totale aussi bien en ce qui concerne la politique des salaires que dans le domaine de l’unité. Jusqu’à 1934, les « Chefs réformistes » sont stigmatisés de façon catégorique dans les deux organisations, à partir de cette date la FUL (comme la CGTU) accepte d’engager des pourparlers avec son homologue confédérée, qui débouchent sur la réunification. Enfin il faut noter l’intérêt commun porté dès 1929 par les deux organisations révolutionnaires aux catégories les moins qualifiées : la désaffection de ces dernières étant sans aucun doute l’échec majeur de la CGTU comme la FUL.

BAS Françoise, Recherche sur les ébénistes d’art du Faubourg-Saint-Antoine de l’entre-deux-guerres à nos jours, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, octobre 1982, 130 p.

 Ce sujet, l’étude des ébénistes d’art dans leur quartier parisien, nous apporte des renseignements nouveaux sur le thème du groupe social artisanal. La période analysée (l’entre-deux-guerres à nos jours) n’ayant jamais été abordée, permet de connaître l’évolution historique, des techniques, de l’économie et des mentalités de ce groupe, à une époque relativement récente, et nous oblige ainsi à nous interroger sur la progression de ce métier en soixante ans.

Une telle étude nous intéresse à deux niveaux. Le premier, primaire, nous informe sur la vie quotidienne des artisans parisiens. Le deuxième niveau est la méthode utilisée pour la collecte de documents : volontairement directe, elle est composée en majorité d’interviews personnalisés et de la lecture de la presse artisanale. Cette méthode, construite sur le vécu des personnes concernées, nous permet d’aborder le sujet à la base, en nous imprégnant d’une atmosphère réelle et en nous évitant les nombreux a priori existants.

BEAUD Olivier, L’Union du personnel des administrations centrales : un mouvement de contestation chez les fonctionnaires des ministères, 1906-1914, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 191 p.

L’objet de cette étude est une petite association fédérative, qui a regroupé, au début du siècle, les employés « cadres » des différents ministères. Née en 1906, l’Union, apparue à l’époque de la naissance du syndicalisme dans la fonction publique, témoigne d’un certain mécontentement des fonctionnaires d’administration centrale. Ceux-ci ont vu leur situation professionnelle se dégrader lentement, qu’il s’agisse du montant de leurs traitements, dont l’évolution ne correspond pas à l’augmentation du prix de la vie, ou du déroulement de leur carrière, perturbé par les ingérences parlementaires.

Censée représenter tous les employés des ministères, l’Union est, en réalité, dominée par le groupe des rédacteurs et des chefs de bureau qui forment son ossature. Ses efforts ne seront, à l’exception des recours juridiques, guère couronnés de succès. L’état des sources (très inégales) a conduit à privilégier l’étude des revendications de cette Union, qui ne poursuit qu’un seul but : l’établissement commun aux administrations centrales. En fait, cette réforme administrative s’articule autour d’une idée-force, qui est l’acquisition de l’autonomie statutaire des fonctionnaires ; les revendications de l’Union sont, d’autre part, soutenues par une idéologie de légitimation propre aux fonctionnaires centraux. La crainte de la « prolétarisation et le souci constant de la « Carrière », qu’elle révèle, donne à cette association sa spécificité au sein du mouvement des fonctionnaires. 

BOURRICAND Catherine, De l’implantation du Parti communiste à Villeneuve-Saint-Georges entre les deux guerres, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 167 p. + annexes

Villeneuve-St-Georges présente le cas d’une commune, qui s’inscrit dans l’étude générale de l’implantation du parti communiste, et dont les caractères sont particuliers du fait de la présence d’une grande majorité de cheminots au sein de la population. Certains problèmes habituellement favorables à cette implantation, tels que le manque de logements et le chômage ne figurent pas ici. Dans ce cas l’implantation s’est essentiellement appuyée sur un type de population composée d’ouvriers, jeunes, et d’origine provinciale, et une vie associative féconde. Les Villeneuvois connus pour leur force combative déployée au cours de 1920 sont particulièrement sensibles aux mouvements de masse at aux rassemblements au sein de syndicats ou autres associations. De plus le socialisme connu pour son rôle généralement important dans le développement du communisme dans toute la région parisienne, est bien implanté à Villeneuve. Représenté par un personnage très connu, Henri Leduc, il tient la municipalité jusqu’en 1935, et par une bonne administration rend la lutte difficile aux communistes. Ce combat incessant entre les deux partis donne une base à l’activité politique des militants malgré les périodes de ralentissement dans le recrutement des effectifs, ou le désintérêt porté à certaines réunions.

BOUTOT Françoise, Glandon, village du Limousin 1900-1980 : mémoires, passé, présent, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 225 p.

Ce n’est pas à retracer l’histoire de Glandon, petite commune rurale du Bas-Limousin, au XXe siècle que ce travail prétend s’attacher, mais à écouter la mémoire des anciens du village.

En effet, la mémoire tisse des fils qui n’ont pas la rigueur de ceux de l’histoire « objective » des faits, propose ses propres constructions pour évoquer tant l’évolution du village que la vie qu’on y menait autrefois.

Tressées d’oubli, mystificatrices, doubles et apparemment contradictoires se révèlent ces constructions. Mais il ne s’agit pas tant de les mesurer à l’Histoire que de comprendre la mémoire comme un processus dynamique inscrit dans l’histoire. L’ambivalence de ses constructions est rapportée aux ambiguïtés mêmes du présent dans lequel la mémoire se déploie.

La mémoire, activité et non empreinte, entretient un rapport aussi étroit avec le présent qu’avec le passé : c’est ce que ce travail a voulu illustrer en donnant la parole aux « gens de Glandon ».

BRAUX Nathalie, Les événements de Charonne, février 1962, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Launay], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 190 p. + annexes

Les événements de Charonne se déroulent dans un contexte de forte tension, due principalement à l’interminable conflit franco-algérien. La politique algérienne du Général de Gaulle qui vise la décolonisation suscite une vive opposition de la part d’un mouvement pro Algérie française : l’OAS. Ce groupement se fait connaître par la terreur aussi bien en Algérie qu’en France.

La manifestation anti-OAS du 8 février 1962, organisée par le PCF, le PSU, et la CFDT, répond à une série d’attentats commis la veille par l’OAS. Les forces de l’ordre interviennent violemment pour réprimer cette manifestation, et le bilan se solde par huit morts chez les manifestants, appartenant tous à la CGT ou au PCF, et plus de 240 blessés.

L’étude des articles de journaux prouve que la majorité de la presse parisienne soutient le gouvernement sinon pour la brutalité de la répression policière du moins pour sa fermeté anti-communiste, et sa volonté d’éviter les troubles. La presse communiste reste seule à clamer l’honnêteté des manifestants, et à dénoncer sans nuances les actions de la police.

Les très nombreuses réactions des partis, des syndicats, et d’organisations diverses, soutenant les participants du 8 février, expriment une condamnation de la répression policière, de la violence en général, et le souhait de voir s’achever la guerre. Elles permettent pour la première fois depuis longtemps des actions unitaires de la gauche.

Cependant, comme cette étude sur les événements de Charonne permet de le constater, le rassemblement populaire du 13 février 1962, lors des obsèques des victimes, ne symbolise ni une contestation absolue du gouvernement (car on mise sur le pouvoir pour le règlement du conflit) ni un soutien massif aux organisations de gauche (comme celles-ci ont voulu le croire). L’ambiguïté de ces événements réside dans les multiples interprétations politiques qui en ont été faites. La seule communément admise reste celle qui établit un lien de cause à effet entre les événements de Charonne et les Accords d’Evian.

DARVENNE Florence, La Fédération de l’habillement 1893-1914, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 240 p.

Cette maîtrise complète une étude de la Fédération CGT de l’habillement, déjà entreprise dans deux autres mémoires.

Elle étudie alors les origines de cette Fédération, rattachée à la CGT en 1903, sa création en 1893 et sa croissance difficile jusqu’en 1914. Cette période est marquée à la fois par le développement du travail féminin et par l’essor du syndicalisme. Dans cette optique, plus que l’étude d’un syndicat, il s’agit surtout de l’étude d’un syndicat, cette fédération : la prépondérance des femmes dans le métier, l’éparpillement des travailleurs, la majorité masculine dans le syndicat nous ont conduits à étudier les problèmes de développement syndical et les causes de ces difficultés.

Cette Fédération, précisons-le, est en 1914 (et par la suite) un syndicat mineur, ne groupant qu’une infime partie de la corporation, concurrencée par divers types de mouvements (coopération, syndicats confessionnels). Dès lors, son action, sa portée sont très réduites, l’élément essentiel demeurant la tentative de syndicalisme féminin, liée à l’essor du syndicalisme à cette époque d’une part, et à la croissance des groupements féministes d’autre part.

ELGAN Elizabeth, L’UNEF de 1962 à mars 1968, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 215 p. + annexes

Ce mémoire de maîtrise se propose de décrire l’histoire de l’UNEF, envisagée sous son aspect chronologique, entre la fin de la guerre d’Algérie et la crise de Mai 1968.

Il n’existe pour l’instant que peu d’ouvrages français sur le mouvement étudiant entre ces deux dates charnières. Outre une présentation quantitative du milieu étudiant de l’époque et une étude des structures de l’UNEF, le mémoire retrace, sur le plan national, les événements d’ampleur qui ont affecté le mouvement étudiant, les débats de l’appareil ainsi que les orientations successives telles que l’on peut les voir à travers les publications de l’UNEF.

Trois périodes sont discernées dans l’évolution de l’UNEF au cours de ces six années particulièrement riches pour l’histoire du syndicalisme étudiant. La première de ces périodes correspond à une phase ascendante, la seconde à une intensification de l’élaboration théorique et la troisième à un déclin.

Une tentative d’explication, à la fois du succès et de la crise de l’UNEF, est faite par un rapprochement avec la situation politique en France et dans le monde.

Le mémoire comprend également une chronologie, une bibliographie avec les sources, des notes, des tableaux et des annexes dont notamment une liste partielle des directions nationales.

FERRE Jean-Pierre, L’implantation du PCF à Montereau dans l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 170 p. + annexes

Tentative d’histoire locale, cette étude réalisée à partir d’une abondante documentation — sources statistiques, presse régionale, archives de police — donne à la notion d’« implantation » son acceptation la plus large. Il ne s’agit pas seulement d’analyser dans le détail l’évolution des suffrages communistes, de compter les adhérents, les cellules, le nombre de journaux vendus… mais de dégager un ensemble de réalités complexes de nature à expliquer l’ancrage communiste.

Cet ouvrage se divise en trois parties : la première est consacrée à l’étude des conditions de l’implantation communiste ; la seconde porte sur le passé socialiste de la commune, sur l’organisation communiste issue de la scission de décembre 1920 et de son influence électorale ; la troisième évoque l’activité municipale des élus puis le rôle du PCF lors du Front populaire.

La présence d’une importance classe ouvrière acquise en partie aux idées socialistes, avant « la Grande Guerre » semble s’imposer, dans l’enracinement communiste ou du moins comme un atout fondamental. L’effacement de la SFIO, puis l’expérience municipale de 1926 à 1929, lui permet de se présenter, dans un second temps, comme la seule alternative face à la droite, malgré son isolement politique jusqu’au Front populaire et en dépit des revers électoraux de 1929 et 1932.

Cette ville demeure donc, dans l’entre-deux-guerres, une des positions fortes du PCF, dans le département de Seine et Marne. Mais seule son adaptation aux réalités monterelaises, marquées par le déclin de l’industrie ancienne, le chômage latent accentué par la crise économique de 1931, lui a permis de consolider durablement son audience et de progresser.

GODINEAU Robert, Imprimerie, travail et culture : les activités culturelles proposées par le Comité central d’entreprise et le Comité d’établissement de la néogravure, 1946-1978, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 209 p.

Mon mémoire de maîtrise s’intitule : « L’activité culturelle du CCE de la néogravure de 1945 à 1978. » J’étudie cette activité culturelle à travers les archives, que j’ai classées, mais pas uniquement à travers elles. En effet, les documents liés aux activités culturelles sont finalement très rares dans le fonds d’archives déposé au CRHMSS : on n’y trouve même pas le catalogue de la bibliothèque (au hasard des entretiens, j’ai finalement retrouvé le catalogue d’Issy et de Corbeil). Il m’a donc fallu procéder à plusieurs interviews que j’ai voulu le plus diversifiés possible (membres du CCE, secrétaires de commissions Loisirs et Culture dans différents CE, bibliothécaire, membres de la direction, responsables d’organismes culturels, etc.). J’ai essayé de voir, dans mon étude, s’il y a eu, de 1945 à 1978, une évolution dans le rapport de l’ouvrier à la culture : autrement dit, si la proximité matérielle de la culture (bibliothèque sur les lieux du travail, sortie au spectacle prise en charge, dans tous les sens du terme, par le CCE, etc.) a rendu cette dernière moins imposante ou si elle reste encore un monde que les ouvriers n’arrivent pas à reconnaître comme le leur. Je m’intéresse aussi au problème particulier du discours sur la culture : les ouvriers de la néogravure sont des ouvriers du Livre bien particuliers : ils impriment des périodiques dont on dénonce souvent l’aspect abrutissant. Le discours sur la culture va-t-il s’en ressentir ? Évitera-t-on de parler d’une culture abrutissante ? Y aura-t-il un discours sur la culture plus « ouvrier du Livre » que « cégétiste », ou bien le contraire ? Et le discours lui-même… sera-t-il autre chose qu’un discours ? Les questions sont posées, les réponses pas toujours données. Les archives sont pauvres en documents culturels — et notamment en documents remontant aux années 1950, voire 1960 — mais elles m’ont fait étudier un problème bien particulier : l’activité culturelle d’un CE qui, par ailleurs, doit lutter pour la sauvegarde des emplois, de tous les emplois ; il faut souligner ainsi l’importance que j’accorde à la période de crise de la néogravure 1974-1978, période qui suit une époque où, après plusieurs années d’expérience, les élus commençaient à mieux maîtriser le problème culturel, mais aussi période où on utilisait d’abord son énergie pour la sauvegarde de l’emploi.

J’essaie donc d’étudier l’influence d’un Comité d’entreprise dans le rapport des ouvriers à la culture. Remplace-t-il l’Université, voire l’enseignement secondaire, que ne connaît pas la classe ouvrière ? Ses ambitions sont-elles autres que d’essayer de distraire l’ouvrier ? Et finalement, la préoccupation culturelle est-elle primordiale et peut-elle l’être ?

GOURSAT Anne et CONAN Mireille, L’École de la RATP et le Centre de formation des apprentis de la SNCF, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 235 p.

Ce mémoire présente l’étude de deux écoles d’entreprise, celle de la SNCF et celle de la RATP.

Après un bref aperçu historique sur leur origine, il en suit l’évolution depuis 1945.

L’origine sociale et scolaire des apprentis, leur âge, leur nombre, leurs motivations occupent une place privilégiée. Puis l’accent est mis sur leurs résultats et leur progression professionnelle ultérieure. La description de la vie scolaire, de l’organisation des études et du fonctionnement administratif permet de saisir l’esprit qui anime ces écoles et de dégager les grandes orientations pédagogiques qui ont présidé à leur évolution.

En dernier lieu, le mémoire établit un parallèle entre les deux écoles en faisant ressortir les ressemblances et les différences : l’une devenant, à partir de 1971, une école technique privée, l’autre en choisissant le statut de CFA (Centre de formation des adultes).

JAMILLOUX Jean-Jacques, L’Union des syndicats de la Seine (CGTU) de 1922 à 1925, Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 179 p. + annexes

Cette étude envisage l’Union des syndicats de la Seine CGTU depuis le lendemain de la scission syndicale, effective en janvier 1922, jusqu’au début de 1925 : elle se transforme alors en Union des syndicats de la Région parisienne.

Durant cette période, s’affrontent dans l’Union, comme dans la Confédération, des tendances qui peuvent se résumer en deux principales : les « syndicalistes communistes » de plus en plus proches du PCF et les syndicalistes révolutionnaires dits « purs », proches des conceptions anarchistes. Le Congrès de l’Union de 1925 constate précisément la déroute de cette dernière tendance, concrétisée par le départ en octobre 1924 des militants qui l’animaient. Un des buts de cette étude est d’analyser comment s’est préparée cette rupture et d’essayer de mieux cerner les contours des tendances.

D’autre part, elle présente une Union départementale aux prises avec des problèmes classiques (organisation des luttes, propagande, recrutement), mais aussi spécifiques à la période (afflux de main-d’œuvre immigrée, projet de loi d’assurance sociale, fascisme) ou à la région (croissance de l’agglomération parisienne). Quel type de réponse — attitude traditionnelle ou pratique nouvelle — y a été apporté ? C’est également ce à quoi cette étude a tenté de répondre.

LUCAS Catherine, Un organe de la presse fasciste italienne en France : Il pensiero latino, 1925-1927, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault, Philippe Gut], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 181 p. + annexes

Le Pensiero latino, « organe hebdomadaire pour l’union franco-italienne et des peuples latins » paraît le 2 décembre 1925 à Nice et dans le Sud-Est, région où résident de nombreux Italiens.

Une grande partie du journal est consacré à justifier la politique menée par les fascistes à l’intérieur de l’Italie. Le pensiero latino se livre également à une critique très violente des antifascistes réfugiés en France.

Giuseppe Torre, le directeur, essaie par l’intermédiaire de son journal de s’implanter dans la colonie italienne de la région en essayant en vain d’y créer une école et une Chambre de commerce italiennes, en fascisant les associations italiennes et en créant des liens entre ces dernières et les associations des villes frontière italiennes.

La polémique qui, tout au long de l’année 1926, oppose le Pensiero latino et la France de Nice et du Sud-Est, journal local qui ouvre ses colonnes aux antifascistes, crée un climat de tension parmi la population du Sud-Est qui inquiète beaucoup les autorités françaises. Elles hésitent cependant à interdire le Pensiero latino et à expulser son directeur de crainte de déplaire à Mussolini. Elles se voient contraintes à prendre ces mesures à la suite de l’affaire Newton Canovi.

MICHEL Alain, Les Eclaireurs Israélites de France pendant la Seconde Guerre mondiale, septembre 1939-septembre 1944 : action et révolution, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Launay], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 136 p. + annexes

Mouvement de scoutisme juif fondé en 1923 par R. Gamzon, les Eclaireurs Israélites de France sont le produit de la rencontre entre différents courants de la jeunesse juive en France, dont les enracinements vis-à-vis du judaïsme traditionnel comme le sionisme sont souvent fonction d’une immigration plus ou moins récente.

Après avoir décrit la genèse de sa formation, le mémoire illustre la manière dont cette association s’est adaptée à la situation provoquée d’abord par la mobilisation de septembre 1939, puis par la défaite de juin 1940 et l’occupation de la France par la Wehrmacht.

Quatre types de conséquences semblent en découler : – une élévation du niveau de culture juive par une volonté éducative de « retour aux sources », – une diversification des activités scoutes traditionnelles par la création de centres permanents (maisons d’enfants, centres professionnels ou centres agricoles), – une volonté de légalisme qui s’exprime jusqu’en 1942 par les rapports officiels entretenus avec le gouvernement de Vichy et par la participation des EIF à l’UGIF, – une remise en cause progressive du légalisme, du fait de l’accélération des événements, remise en cause qui aboutit à une action clandestine de sauvetage des enfants juifs (la « sixième ») puis, plus tardivement, à la résistance armée (Compagnie Marc Hagueneau).

L’action et l’évolution des EIF pendant cette période sont essentiellement suivies à travers les activités de la Zone Sud, un bref aperçu étant fait des activités à Paris et en Afrique du Nord. Conçu essentiellement comme une histoire intérieure, le mémoire s’appuie sur les archives du mouvement et sur les témoignages des acteurs de l’époque.

MITTERAND Marie-Hélène, le Rassemblement national-populaire de Marcel Déat, 1941-1944, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Launay], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 183 p.

Créé en février 1941 par Marcel Déat, le « Rassemblement national-populaire » appartient à la catégorie des mouvements dits « collaborationnistes », qui s’illustrèrent sur la scène française jusqu’en 1944 en prônant inlassablement la collaboration de la France avec l’occupant, et l’alignement de ses institutions sur le totalitarisme nazi. S’il n’a suscité, jusqu’ici, aucune étude systématique, le RNP mérite pourtant d’être distingué de ses homologues et concurrents, ne serait-ce qu’en raison de la personnalité de son chef et de la relative singularité de son discours à l’intérieur du cadre imposé par une idéologie de type fasciste.

L’objet de ce mémoire est donc de reconstituer l’histoire du RNP grâce à la description de ses structures et de sa composition, à l’analyse de ses thèses principales, ainsi qu’à l’étude de sa politique et des facteurs qui en expliquent l’évolution.

Ce travail utilise des sources variées, qui peuvent être regroupées en quelques catégories principales : les mémoires inédits de Marcel Déat, tout d’abord, rédigés après la Libération dans un souci d’auto-justification ; les organes de presse dépendant du RNP (L’œuvre et le National-populaire essentiellement), ainsi que les nombreux tracts et brochures édités par le parti de 1941 à 1944 ; enfin, les rapports des correspondants départementaux de la Seconde Guerre mondiale, qui ont dépouillé les documents permettant d’évaluer de façon synthétique le nombre des adhérents du RNP, leur type de représentation socio-politique et leurs activités.

Le RNP apparaît fondamentalement comme un représentant authentique du fascisme français, tant par son organisation calquée sur le parti hitlérien, que, par son style d’action et sa vocation affirmée à devenir « parti unique ». Mais ce fascisme est resté médiocre et dérisoire, de par l’impuissance montrée par le parti de Déat à émerger comme mouvement de masse et à influer réellement sur le cours des événements.

NATAF Nicole, L’exode des juifs de Tunisie 1956-1962, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Launay], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 129 p.

L’indépendance de la Tunisie en 1956 allait faire basculer l’équilibre précaire que la communauté juive avait tenté d’établir depuis l’installation du protectorat. Équilibre entre plusieurs valeurs, l’attachement à son sol natal, la volonté de conserver ses valeurs ancestrales et en même temps le désir de s’identifier à l’Occident par l’intermédiaire du protectorat, l’espérance de croire que celui-ci allait lui apporter une certaine promotion sociale.

Le régime de Bourguiba allait-il lui conserver cette place privilégiée que les Français lui avaient conférée ?

Dans un premier temps, il semble que même si des changements sont envisageables, le gouvernement tunisien lui fasse preuve de tolérance et d’une acceptation totale de ce groupe pourtant marginal. Cependant, très vite des problèmes vont apparaître. Problèmes extérieurs dus au conflit moyen-oriental et renforcés par des prises de position sionistes de la Communauté juive de Tunisie. Mais aussi des problèmes intérieurs dus eux en tout premier lieu à l’unité du pays. En effet, cette nécessité d’unité pouvait difficilement supporter l’existence d’un groupe qui désirait vivre sa spécificité.

Des mesures allaient donc se renforcer, mesures prises à l’encontre de la Communauté et qui allaient progressivement la priver de tout ce qui constituait sa vie quotidienne, de ce qui lui donnait son originalité.

Privés de leurs guides, des hommes qui menaient un combat pour leur existence, les Juifs préféreront quitter le pays. Aussi, dès 1958 (date de la disparition totale de la Communauté), on assiste à un premier mouvement de départs massifs. Mouvement qui se reproduira de nouveau en 1962, alors que la France et la Tunisie venaient de s’opposer dans un conflit armé à cause de la base de Bizerte. Pour rester, ils doivent comprendre qu’il faut renoncer à tout un passé.

Départs qui se feront sans réflexion dans un contexte politique et économique rempli de tensions.

Leur choix se porte en grande majorité vers la France, pays qu’ils croient connaître, avec lequel ils se sentent des attaches, mais qu’ils perçoivent en réalité à travers la société caricaturale que leur avait montrée le protectorat.

La France des Juifs Tunisiens est donc un mythe et l’apprentissage du quotidien sera difficile pour cette Communauté que rien ne préparait à la transplantation.

PATE Christian, Représentations de la guerre d’Espagne à travers les actualités cinématographiques Gaumont et Éclair, 1936-1939, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Launay], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982

Un long dédain affiché par le monde savant a récemment cédé la place à la réhabilitation du film, en tant que source historique, pour la connaissance du XXe siècle. Cette certitude partagée, alliée avec les résultats éloquents des travaux pionniers existants, ont motivé l’élaboration du présent mémoire.

Le « bâti » de l’étude a été construit au moyen d’un terrain d’enquête précis : les maisons d’actualités Gaumont et Éclair, et au moyen d’une question particulière : la guerre d’Espagne.

La première partie de l’étude constitue une familiarisation documentaire. Elle s’ouvre sur une définition des différents types de documents filmiques utilisés comme supports du sujet retenu, pour se clore sur un premier ensemble d’estimations, relatifs au comportement des deux maisons par rapport à l’événement considéré sous l’angle intérêt-désintérêt.

La seconde partie de l’ouvrage concerne une étude des représentations de la guerre d’Espagne présentée par les deux maisons d’actualités.

Cet objectif semble avoir été rempli, un certain nombre d’attitudes ayant été mises à jour : ont été écartés les bouleversements trop radicaux engendrés par la Révolution, dans une certaine mesure, la participation étrangère. Enfin, un parti pris exprimé de façon voilée en faveur de la cause franquiste se manifeste au travers d’une indulgence certaine.

Partant de cet ensemble de constatations effectuées à partir des stricts messages délivrés par les bandes d’actualités, notre second objectif a été de tenter de cataloguer ces deux organes de la presse filmée sur l’échiquier politique de l’époque.

Peu prolixes sur la guerre d’Espagne, nous avons donné un ensemble d’informations valides et posées par des jalons, des pistes, pour l’étude de cette presse filmée qui reste à faire.

PETIT Olivier, Le Sous-Prolétariat parisien durant la Première Guerre mondiale, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 154 p.

L’étude est organisée selon deux axes de recherche. Le premier veut établir une géographie du sous-prolétariat par quartier. Le second veut faire le point sur la politique municipale à l’égard du sous-prolétariat. Dans les deux cas, les sources, statistiques ou non, qui ont permis la recherche, sont issues des publications municipales et préfectorales.

La géographie du sous-prolétariat s’appuie sur une typologie structurelle, sur une typologie évolutive et sur leur confrontation. Il s’agit là des points forts du mémoire. On sent bien la difficulté qu’a présentée pour l’auteur l’utilisation des sources statistiques et l’on peut regretter parfois le choix de certaines méthodes.

La politique du conseil municipal est présentée dans une série de « clichés » qui permettent un tour d’horizon du problème. On peut regretter la superficialité de l’approche qui, entre autres lacunes, considère le conseil municipal sans tenir compte des personnalités et des appartenances politiques de ses membres.

Le principal défaut de ce mémoire tient à son expression pas toujours très claire et au manque de réflexion sur le problème qu’une meilleure assise bibliographique ou méthodologique aurait pu permettre.

La principale qualité de ce mémoire est de faire une première approche de la question sous de nombreux aspects : maladies, logements, natalité, mortalité, aide publique, soupe populaire, chômage, asiles de nuit, idéologie, etc.

RIVET François, Les Comités mixtes à la production 1944-1949, Maîtrise [Antoine Prost, Michel Launay], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 53 p.

Institués en mai 1944 par Fernand Grenier, Commissaire à l’Air en AFN, les Comités mixtes à la production sont implantés en métropole par Charles Tillon à partir de 1945. Cependant, dès septembre 1944, à l’issue de l’Accord de Toulouse, voit le jour dans le Sud-Ouest de la France, une structure à mi-chemin entre les CMP et les Comités de Gestion.

Mis en place dans l’aéronautique, puis dans tout le secteur de l’armement en 1946, les CMP seront cette même année institués par Marcel Paul, dans l’entreprise nationalisée EDF-GDF. Dotés d’attribution essentiellement techniques, les CMP ont avant tout pour but, dans une période de reconstruction économique, d’accroître la production par la mobilisation et la confrontation des expériences et du savoir de chacun dont la prise en compte est garantie par l’existence d’une procédure d’appel permettant de porter un désaccord devant une instance supérieure.

Créés dans l’enthousiasme, les CMP vont cependant se heurter à la méfiance d’une partie de l’encadrement et pâtir du manque de formation des militants syndicalistes. La mise en place des CE dont les attributions plus étendues, bien que plus consultatives, répondaient mieux aux difficultés du moment, se fera dans nombre de cas, au détriment des CMP, qui ne vont subsister que dans les établissements d’État travaillant pour l’armement, et à EDF-GDF.

TOURRET Marc, L’Union Sportive Métropolitaine des Transports. Monographie d’un club sportif de 1928 à 1960, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, juin 1982, 267 p. + annexes

Comment l’institution sociale que forme l’Union Sportive Métropolitaine des Transports a-t-elle résisté, de façon plus ou moins efficace, aux modifications structurelles qui l’affectèrent entre 1928 et 1960 ? La monographie de ce club patronal omnisport, devenu après la Libération le club d’entreprises relativement autonome de la RATP, propose de suivre ce mouvement qui cache en fait une pluralité d’évolutions dont la complexité vient moins des installations et des finances du club que des statuts juridiques, des pratiques sportives diversifiées et des mentalités originales de ses sociétaires.

Ce club, dont la croissance aboutit à un éclatement des activités et des modes de pensée de ses sportifs aux origines sociales, géographiques, politiques plus hétérogènes et parfois conflictuelles, a, paradoxalement, toujours souhaité d’être considéré comme un espace neutre délié du cadre social traditionnel. Il était donc nécessaire, mais insuffisant de décrire la seule singularité de ce milieu qui, pour en saisir la signification historique, devait aussi être toujours replacé dans son contexte.

VANLERBERGHE Sabine, Les nationalisations dans la presse syndicale confédérale de septembre 1944 à décembre 1946, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 165 p.

La Libération constitue une étape importante de l’évolution du syndicalisme ouvrier sur la question des nationalisations. C’est à la Libération que l’ensemble des composantes du syndicalisme ouvrier se rallie à l’idée de nationalisation. Par ailleurs, c’est une période où les nationalisations deviennent une réalité économique.

La lecture de la presse syndicale permet de saisir l’importance des nationalisations en tant que thème revendicatif. Celle-ci varie en fonction de l’agenda parlementaire, de l’actualité syndicale et des événements politiques. L’analyse des articles a permis, d’autre part, de préciser quelles étaient les idées dominantes justifiant les nationalisations : dénonciation du pouvoir des trusts, argument force autour duquel s’organisent les autres thèmes ; élargissement de la démocratie à l’économie, non seulement au sein de l’entreprise, mais aussi au niveau national ; développement économique auquel est liée la revendication d’une planification de l’économie.

Il convient de souligner l’opposition fondamentale entre la CGT et la CFDT sur la stratégie syndicale qui doit permettre l’émancipation ouvrière. Dans la perspective d’une transformation des structures économiques, condition de cette émancipation, la CGT lie la défense des intérêts économiques des travailleurs à celle de leurs intérêts politiques. Par contre, la CFTC refuse cette politisation de l’action syndicale et entend réaliser l’émancipation ouvrière par une évolution du statut des travailleurs dans l’entreprise, sur la base de la co-gestion et de la co-propriété.

WAUTIER Delphine, L’image de la femme à travers la caricature des grands quotidiens (janvier 1914-juin 1919), Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1982, 153 p.

Ce mémoire étudie les caricatures des cinq quotidiens dont le tirage est le plus important dans la période : Le Petit Parisien, Le Journal, Le Petit Journal, Le Matin, L’Intransigeant. Y ont été révélés environ mille dessins dans lesquels apparaissent des personnages féminins.

Il existe de janvier 1914 à juin 1919 deux types d’illustrations :

Dans le premier cas, il s’agit d’un dessin d’humour largement misogyne qui met en scène des personnages féminins comiques et conventionnels destinés à faire rire ççpar leur physique et leur comportement. Ce genre de dessin est le seul représenté avant la guerre et se situe la plupart du temps dans le cadre des rubriques comiques ; il se maintient pendant le conflit et revient en force dès la fin des hostilités.

En revanche, la guerre donne naissance à un type d’illustrations très différentes qui n’ont plus comme fonction première un rôle humoristique ; il s’agit d’un dessin de propagande à caractère symbolique et politique : la femme y est dotée d’un rôle de premier plan.

Ces deux types de dessins de mêlent durant le conflit, mais il semblerait que dès la fin de la guerre, les journaux réutilisent l’iconographie d’avant les hostilités pour représenter les personnages féminins.

1981

BENTABET Fathi, RODIER Catherine, L’immigration algérienne et l’Hôpital franco-musulman, dans la région parisienne, entre les deux guerres (1915-1947), Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 296 p.

Cette étude tente de dégager la situation sociale de l’immigration algérienne en région parisienne dans l’entre-deux-guerres. Après avoir établi le nombre approximatif des Algériens et leur répartition géographique, nous décrivons leurs conditions de vie, celles d’une main-d’œuvre coloniale, à travers trois problèmes insolubles pendant toute la période : le travail, le logement et les maladies.

Pour répondre à cette situation, le Conseil municipal de Paris, après accord préalable du gouvernement, propose la création d’un service s’occupant exclusivement des Algériens. En mars 1925, un arrêté du préfet de Police crée le « Service de surveillance et de protection des indigènes nord-africains », appelé par les contemporains « la rue Leconte ».

Ce service, divisé en deux sections, l’une de surveillance (administration, police), l’autre d’assistance (médico-sociale) est mis en place progressivement. Parallèlement, la branche administrative et policière prend peu à peu le contrôle de la section d’assistance puis de toutes les affaires concernant l’immigration.

Pour couronner cette « politique coloniale », le Conseil municipal de Paris et le département de la Seine, avec la participation de l’État, de la colonie, inaugurent en 1935 l’Hôpital franco-musulman de Bobigny qui devait, avec le cimetière un peu plus tard, susciter une lutte directe entre l’État et la municipalité communiste.

Ces créations ne répondent pas aux nécessités du moment, elles restent très en deçà des besoins réels de l’immigration.

La politique est privilégiée sur le social : l’infrastructure médico-sociale (administration, dispensaires, foyers, bureaux de placement, hôpital, cimetière…) ne sert qu’à mieux encadrer, mieux pénétrer dans la masse ouvrière pour une répression plus efficace.

BESNARD Thierry, Le Socialiste (1885-1905), journal guesdiste, Maîtrise [Jacques Girault, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 244 p.

Le Socialiste, feuille confidentielle et sans moyens, est confronté durant vingt ans aux problèmes classiques des journaux socialistes des débuts de la IIIe République : le manque de succès et de notoriété et la concurrence tyrannique de la grande presse, le problème du choix de l’adoption d’un langage et d’un vocabulaire révolutionnaire, auxquels il faut ajouter la difficulté pour un journal de se situer et d’évoluer dans le créneau nouveau des organes de partis politiques. Il ne parvient pas à y répondre d’une manière véritablement originale malgré des efforts pédagogiques et doctrinaux particulièrement appréciables. Mais la fonction de l’historien n’est ni celle d’un moraliste ni celle d’un censeur. Le bénéfice que l’on peut tirer de l’étude du Socialiste tient dans le fait qu’il est le porte-parole privilégié de la vie et de l’action du POF. Certes, le décalage traditionnel qui existe entre la praxis d’un parti politique et la voix dont elle use pour s’exprimer n’est pas entièrement surmonté, mais le journal reflète bien les aléas, les hésitations, les va-et-vient de l’engagement politique du POF, son incapacité à concilier son hérédité marxiste et la réalité socio-économique très diversifiée de la société française. L’impasse théorique à laquelle il aboutit à sa correspondance dans l’échec pratique du guesdisme comme parti de la classe ouvrière.

Outre une étude générale portant sur les rubriques du Socialiste, ce mémoire étudie plus particulièrement la révolution russe de 1905 telle qu’elle transparaît à travers les colonnes du journal.

BRIDEY Patrick, Monographie communale : sur l’activité des communistes à Antony, de la Libération à 1962, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, octobre 1981, 211 p.

Antony, petite ville de la banlieue de Paris, située à l’extrême sud du département de la Seine de l’époque, connut une croissance démographique qui devait modifier la nature sociologique de sa population : la vie municipale n’allait-elle pas s’en trouver changée ? L’évolution politique d’une commune n’est pas seulement le reflet de l’évolution de la nature de sa population. L’exemple d’Antony permet de saisir la complexité des facteurs qui conditionnent la vie municipale : personnalités locales, problème de génération militante, impact d’une situation militante particulière (guerre froide, etc.), construction d’un complexe résidentiel étudiant.

Durant cette période (1944-1962), les rapports de la section du Parti communiste d’Antony avec celle de la SFIO évoluèrent sans que jamais le rôle primordial des communistes s’en trouve affecté : peu investis dans la vie municipale avant la guerre, les communistes furent cependant élus pour diriger la Commune à la Libération. En 1955, ils ne s’associèrent pas à la SFIO pour élire un maire socialiste, mais cependant, une entente devait se conclure lors des Municipales de 1959. Durant cette période (1944-1962), l’audience électorale déclinait, et cela, malgré le réservoir militant que représentait la Résidence universitaire d’Antony.

Les causes des succès et des échecs des communistes d’Antony permettent-elles de comprendre la vie politique d’autres communes ? Sans s’ériger en modèle, le cas d’Antony permet de répondre partiellement à la question.

CAUBET Antoine, Avant-gardes culturelles et avant-garde politique en France dans les années 1920, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault, Claude Willard], Univ. Paris 1 CRHMSS, octobre 1981, 205 p.

Culture, idéologie, théorie, politique : comment s’essayer à une histoire de ces lieux aux contours mal définis, aux rapports indécis et le plus souvent confus ? Ces catégories s’articulent et se confrontent violemment au cours des périodes de ruptures ou de bouleversements : les « années vingt », les « Années folles » étaient un temps particulièrement foisonnant en « avant-gardes » culturelles — autre notion à caractériser — qui se trouvèrent face à une autre avant-garde, politique cette fois : la SFIC.

Certes les surréalistes retiennent souvent l’attention en ces débats d’après-guerre ; certes la littérature joue un rôle central dans les évolutions intellectuelles et culturelles en France. Pourtant existent en ces années d’autres groupes, dont un — le groupe « Philosophies » — qui s’essaie à un « Renouveau de la philosophie », qui résolument se met aux côtés des avant-gardes culturelles du temps. Or, qui dit avant-garde résume une violente volonté de rupture avec un passé, idéologique et culturel ici.

À ne prendre cette notion d’avant-garde qu’en un sens fort strict, l’histoire du groupe serait un échec : sur le terrain de la pratique théorique, l’activité du groupe est largement enserrée dans un dispositif philosophique bien gardé, celui de la « philosophie officielle », celle de Bergson, Lavelle, Hamelin… Dans une dialectique sans cesse mouvante, le groupe se révolte contre une philosophie qui est pourtant le seul terrain possible de sa pratique. Et c’est à travers ce combat que s’ébauche une vision globale de la culture, de la politique : cette vision est en même temps stratégie politique et ouvre la voie à une politique effective. L’année 1925 est à ce point de vue un pivot essentiel, tant pour les surréalistes que pour les philosophes qui se tournent alors vers le Parti communiste. Ce passage au communisme entraîne nouvelles questions, nouvelles pratiques et rend problématique l’existence du groupe, jusqu’à son éclatement.

Cet essai voudrait montrer qu’aucune cloison étanche ne sépare « culture, idéologie et politique », mais en même temps que ces trois catégories sont fort loin de se résumer les unes aux autres, elles se renouvellent et s’articulent en des dispositifs jamais innocents chez les intellectuels.

CASSARD Jean-Pierre, Les militants trotskystes français pendant la 2e guerre mondiale : septembre 1939-1944, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 202 p.

Ce travail de recherche porte sur une période peu connue de l’histoire du trotskysme en France. Il ne prétend pas être une histoire du trotskysme pendant la guerre, mais plutôt une contribution à cette histoire.

La recherche historique reste ouverte même si ce travail a bénéficié de l’apport très important des archives du Centre d’études et de re­cherches sur les mouvements trotskystes et révolutionnaires internationaux (88, rue Saint-Denis, 75010, Paris).

La place des trotskystes reste encore à étudier dans les auberges de jeunesse, leur intervention régionale ou dans les usines, ou même dans le milieu étudiant.

Les militants trotskystes et leurs organisations à la veille de la Deuxième Guerre mondiale sont extrêmement faibles et divisés. L’étude porte sur leur intervention dans la classe ouvrière pour leur maintien pendant la drôle de guerre en tant qu’organisations trotskystes dans une période où la SFIO rallie la Défense nationale et le PCF la politique du pacte germano-soviétique, après la défaite de la France et l’occupation partielle qu’elle subit par les armées nazies, cette maîtrise rapporte l’activité des deux principales organisations trotskystes françaises en liaison avec la question nationale, la Charte du travail, l’intervention dans les syndicats, etc.

Le 22 juin 1941 met fin au pacte germano-soviétique. Le PCF anime la résistance patriotique. Les positions politiques des trotskystes s’éclaircissent : défense inconditionnelle de l’URSS, mais aussi aucune alliance avec la Résistance dominée par la bourgeoisie gaulliste. Le STO, les déportations en Allemagne et la résistance de la classe ouvrière, la défaite de Stalingrad pour les armées allemandes, ouvrent une période de mobilisation de la classe ouvrière. Cette maîtrise traite de ce que furent les positions des trotskystes sur les réponses à apporter à la radicalisation des ouvriers en France et en Europe. C’est-à-dire la discussion pour l’unification des organisations trotskystes françaises au sein du PCI en mars 1944, et leur tactique pour s’implanter dans la classe ouvrière avec les Groupes ouvriers du CCI, et le Front ouvrier du POI.

Ce travail traite aussi l’un des aspects les plus controversés de l’activité des trotskystes, à savoir le travail de fraternisation engagé en direction des ouvriers allemands sous l’uniforme. Alors que le PCF et l’ensemble de la Résistance développaient une politique chauvine, concentrée dans le mot d’ordre « Mort aux boches ! », il essaie de montrer enfin la place des trotskystes en France pendant la Deuxième Guerre en prenant en compte la politique du PCF, principal parti ouvrier.

CHAUBET François, Marcel Déat et la SFIO, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 122 p.

Ce mémoire présente une biographie qui s’appuie sur les Mémoires de Marcel Déat, récemment ouverts aux chercheurs, sur un éventail de sources imprimées (archives de congrès, presse socialiste et radicale pour une petite partie).

Elles nous ont permis de suivre la trajectoire de Marcel Déat de 1926 à 1933, date à laquelle il est exclu, après avoir occupé une place importante au sein de la SFIO.

Cet agrégé de philosophie, d’abord spécialiste des problèmes de la culture, en vient à dégager progressivement une philosophie de l’action politique, inspirée du réformisme.

Nous avons observé les conflits qui opposaient entre elles les diverses tendances de la SFIO Déat, qui agissait à l’intérieur de la tendance droitière du parti, a été victime de l’exacerbation des oppositions entre les courants, tout comme son ambition personnelle qui le poussait vers la dissidence.

DARGENT Claude, Étude lexicale comparée d’éditoriaux de journaux de droite dans les années trente en France, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 160 p.

Le but de ce mémoire était de trouver, à l’aide d’une étude lexicale, des indices tangibles et mesurables aux oppositions et aux points de convergences politiques de quatre quotidiens de droite. On a retenu L’Action Française, L’Aube, La Croix et L’Écho de Paris, qui sont étudiés dans une double perspective diachronique et synchronique au long des années trente.

Après avoir mesuré la part de sa première page que chaque journal consacre à chacun des grands domaines de l’actualité, on a surtout étudié de manière quantitative et qualitative l’emploi d’un lexique de douze termes dans les éditoriaux des quatre quotidiens.

La « marche vers la guerre » tout d’abord se lit aisément de 1933 à 1939 ; les caractères propres de chaque journal sont particulièrement accusés dans cette décennie de crises.

Au plan synchronique ensuite, les caractéristiques de chaque quotidien sont claires. L’Aube est surtout préoccupée par les réformes de société et par la justice dans les rapports internationaux. La Croix a une conception très conservatrice de la société, mais a renoncé au discours nationaliste. L’Écho de Paris recherche surtout de « bonnes élections » qui aideront à la conservation de la société. L’Action Française se distingue par un nationalisme violent et une nostalgie exprimée à maintes reprises de la France d’Ancien Régime. Or, si les caractères propres de L’Aube et de La Croix étaient assez apparents a priori, il n’en allait pas de même des différences entre L’Écho de Paris et L’Action Française.

DENIS-MORILLON Agnès, Les femmes et le syndicalisme dans la Fédération CGT de l’habillement (1936-1946), Maîtrise [Jacques Droz, Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 268 p.

Cette étude constitue la suite du mémoire de Françoise Blum, Féminisme et syndicalisme : les femmes dans la Fédération de l’Habillement [Jacques Droz, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1977, 205 p.

Françoise Blum avait travaillé sur la période allant de 1914 à 1935, nos recherches ont porté sur les années 1936-1946.

Cette étude montre les rapports des femmes et du syndicalisme dans la Fédération CGT de l’Habillement de 1936 à 1946 (rappelons le caractère essentiellement féminin de la main-d’œuvre dans cette branche d’activité).

À cette époque, les ouvrières de l’habillement prirent part aux luttes de la classe ouvrière. En 1936, elles participèrent au vaste mouvement de grèves, pendant l’occupation, de nombreuses ouvrières aidèrent la Résistance ; certaines militantes vécurent dans la clandes­tinité. Pendant les années du Front populaire et à la Libération, l’insertion des femmes dans l’organisation syndicale s’améliorait, mais elle posait toujours des problèmes. D’une manière générale, la syndicalisation dans l’habillement progressait ; elle restait cepen­dant relativement très faible. Si les femmes étaient devenues plus nombreuses dans l’organisation syndicale après les grèves de 1936, elles gardaient un rôle mineur dans la vie de la Fédération avant la guerre. À la Libération, la situation change ; des femmes occupent des postes de direction, les discours des militantes deviennent plus féministes, alors que les femmes ont acquis le droit de vote.

L’histoire de la Fédération CGT de l’Habillement est aussi retracée dans ce mémoire. En outre, l’auteur évoque l’évolution de l’industrie de l’habillement et de la situation des ouvrières de 1936 à 1946.

GARDAIX Gilles, Les CEMEA, mouvement d’éducation. Esquisse d’une époque, 1945-1957, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault, Claude Willard], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 156 p.

1945-1957, la France se reconstruit, elle cherche de nouvelles voies dont l’action culturelle en sera le symbole. Ce travail essaie de montrer ce qu’est un mouvement d’éducation populaire, comment il a pu naître, quels liens existent entre ce mouvement et le monde ouvrier, comment il s’est inscrit dans une politique et comment il en fut marginalisé par une certaine politique.

Mais faire l’histoire des CEMEA ne se dissocie pas de celle de l’Éducation nouvelle. Ceci est capital pour comprendre l’esprit de l’époque. Mais faire cette histoire, c’est aussi analyser et comprendre la place que prend l’enfant dans notre société dès 1945. Vacances des enfants, école, centre aéré, allocations familiales, etc.

Élaboré pour l’essentiel à partie de la revue des CEMEA, Vers l’Éducation nouvelle, ce travail permettait de reconstituer les stages de 1945 à 1957 organisés par les CEMEA et l’évolution de leur activité.

LECLERCQ Franck, L’Humanité et le gouvernement en 1947, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 178 p. + annexes

Dans l’histoire du Parti communiste français, la période de l’après-guerre est la plus déterminante, politiquement.

Ainsi, le Parti communiste, après une participation gouvernementale, jusqu’au mois de mai, se fait évincer. Dès lors, il s’agit, à partir d’une lecture exclusive de l’Humanité, d’apprécier comment et de quelle façon le Parti communiste réagit et analyse cette nouvelle situation et ce qui l’a rendue possible, en distinguant les trois moments de cette année : pendant la présence des communistes au gouvernement, puis leur révocation pour aboutir, en novembre-décembre 1947, à une opposition radicale et définitive.

LECOQ Dominique, La politique de construction des organismes de HLM en région parisienne de 1945 à nos jours, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 133 p. + annexes

Les tentatives de mise en place d’une structure d’habitation destinée aux couches les plus défavorisées de la société, appelée « habitation à bon marché » puis « habitation à loyer modéré », ne connaîtra un réel développement qu’au début des années soixante.

L’aide de l’État dans le secteur HLM se transforme face aux nouvelles structures économiques. Les conséquences de cette politique se traduisent, pour les organismes HLM, par une augmentation des charges financières diminuant le nombre et la qualité des logements construits.

Les difficultés rencontrées par les organismes HLM ont orienté leur construction, d’une part vers les zones hors agglomération parisienne et d’autre part vers les catégories socio-professionnelles les moins défavorisées. Ainsi la diminution du nombre de logements HLM et leur destination effacent le caractère social du secteur HLM.

LEFRANÇOIS Catherine, L’opinion publique en Seine Inférieure sous l’occupation (juin 1940 – septembre 1944), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 326 p.

L’objectif, qui est de démonter les mécanismes d’évolution de l’opinion publique, implique un plan chronologique.

• Dans un premier temps, l’opinion subissant le choc de la défaite et de l’occupation, s’en remet à un sauveur providentiel : l’image que l’opinion se forme de Pétain coïncide avec celle que Pétain donne de lui.

• La défection vis-à-vis du régime naît en juin 1941 de l’impact de l’entrée en guerre de l’URSS, qui révèle une des bases idéologiques de la Révolution nationale : l’anticommunisme. Celui-ci, à la fois, rapproche ceux que le pacte germano-soviétique avait éloignés de la collaboration, et pousse dans la Résistance tous ceux qui souhaitent la victoire de l’Armée Rouge. Les difficultés économiques, la relève, les sanctions contre l’ensemble de la population vont directement concerner l’opinion publique et l’obliger à sortir de sa réserve. Le processus d’éclaircissement au sein de l’opinion est irréversible à partir de novembre 1942 : il s’agit alors de démonter les méca­nismes qui permettent au courant de la Résistance d’influer sur le cours de l’opinion. La certitude de la victoire alliée regroupe, à partir de juillet 1943 (débarquement anglo-américain en Sicile), la majorité de l’opinion qui, après une phase de repli, due à l’attente du débarquement en France, exprime son adhésion à la Résistance par le vote de 1945.

Ce travail montre que l’évolution de l’opinion n’est pas linéaire, mais discontinue, et qu’elle s’explique par l’impact prédominant sur la vie quotidienne des phénomènes économiques, tout autant que par les événements extérieurs. Le retournement de l’opinion s’éclaire en dé­couvrant que, dès novembre 1940, l’adhésion au maréchal Pétain se fis­surait, cependant que le général de Gaulle ne fait pas l’unanimité en août 1944.

MENAGE Jean-Pierre, Les majoritaires de la CGT et la Révolution russe, 1917-1923, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 233 p.

Cette étude, qui repose sur la presse et les sources imprimées, se divise en deux parties chronologiques aux traits spécifiques. Entre mars 1917 et l’été 1920, les commentaires des majoritaires de guerre sur la Révolution russe sont inspirés avant tout par un réflexe national et patriotique. L’attitude majoritaire face à février, face à octobre, ou face à l’intervention alliée, est d’abord fonction des circonstances politiques françaises et de la situation des majoritaires dans la Confédération. La Révolution russe est moins perçue comme phénomène social que comme phénomène national. Dans ces conditions, le bolchevisme est moins évalué comme doctrine que comme politique. Sur le plan théorique cependant, ce dernier est réfuté parce qu’il est en rupture avec la forme de marxisme héritée de la IIe internationale, parce qu’il apparaît, dans sa doctrine comme dans ses manifestations politiques, comme un contresens historique. Cette idée est au centre de toute l’argumentation majoritaire depuis au moins 1918.

Entre l’été 1920 et la fin 1923, les responsables syndicalistes majoritaires réagissent contre le bolchevisme, d’abord parce qu’au travers de la propagande de l’Internationale communiste et des échos qu’elle rencontre parmi les minoritaires, c’est l’existence et la raison d’être de la Confédération qu’ils jugent mises en cause. Ils s’emploient dès lors à situer le débat fondamental qui secoue la CGT sur le seul terrain qu’ils maîtrisent : celui du syndicalisme. Ils opposent l’objectif des réalités soviétiques au subjectif des discours politiques de l’Internationale communiste, ils tentent de redéfinir l’identité confédérale en posant la contradiction du bolchevisme et du syndicalisme. Ils se révèlent ainsi incapables d’assumer les remises en cause que le bolchevisme impose dans un processus entièrement nouveau et revendiqué comme tel. La scission dans la CGT, la NEP en Russie, marquent chacun à leur manière, un terme à la grande crise ouverte en 1920-1921. Les commentaires majoritaires peuvent alors se permettre de fournir une première critique élaborée du bolchevisme et de l’expérience soviétique.

MERABTI Nora, Le Syndicat national des instituteurs et la guerre d’Algérie, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 124 p.

La décolonisation ne pouvait manquer de poser des problèmes à tous les citoyens et à toutes les organisations, qu’elles soient politiques ou syndicales.

Le Syndicat national des instituteurs, de par l’importance de ses effectifs et la place qu’occupent l’école primaire et ses maîtres au sein de la société coloniale, était le plus à même de réagir au sein du corps enseignant, face au problème colonial.

Depuis la fin de la guerre mondiale, qui voit l’éveil des nationalismes dans les colonies, le SNI, comme l’enseignement des enseignants, ne cessera lors de ses congrès d’affirmer l’attachement des instituteurs à la défense des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes. Cependant, ce qui ressort des prises de position de la majorité autonome, est une ignorance de la violence de la colonisation et, par voie de conséquence, de la décolonisation. Son anticolonialisme est beaucoup plus une protestation d’ordre moral et se caractérise par une méfiance à l’égard des nationalismes. Lorsque la guerre d’Algérie éclate, le SNI réagira mollement et couvrira la « pacification » par l’armée française. Elle ne lancera aucune action directe, et sa politique sera la prudence tant que dureront les événements.

MICHELET Stéphane, L’exclusion de la Section française de la Quatrième Internationale, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 288 p.

Ce travail a été réalisé à partir de la revue Quatrième Internationale et surtout à partir des bulletins intérieurs du Parti communiste internationaliste (Section française de la Quatrième Internationale) de l950 à 1952. Il est essentiellement organisé suivant deux axes :

• une étude de la Quatrième Internationale, de son fonctionnement au début des années cinquante ;

• le déroulement de la scission dans la Section française puis son exclusion de la Quatrième Internationale.

L’introduction commence par une brève étude sur un sujet jusqu’ici peu exploité : l’étude du trotskysme après Trotski qui est un résumé de l’histoire de la Quatrième Internationale avant 1950, résumé succinct, mais nécessaire

L’ouvrage se divise en trois parties : une première partie est une étude de l’implantation et du fonctionnement de la Quatrième Internationale en 1950 ; la seconde est une étude des textes qui sont à l’origine des clivages politiques qui ont engendré la scission du PCI, textes disponibles dans les bulletins intérieurs de l’Internationale ; la troisième porte sur le déroulement des débats au sein du PCI puis de la scission, de 1950 à 1952.

La position du S.I. obligeant les militants du PCI à entrer dans les organisations du PCF, représentait un tel désaveu de l’action antérieure des militants trotskystes français, que la majorité du PCI après s’être prêtée à des compromis, devait finalement s’y refuser. Une scission s’ensuivit dont les conséquences affectent durablement le mouvement trotskyste.

La conclusion de l’ouvrage porte sur les conséquences politiques et organisationnelles que va avoir cette exclusion de l’Internationale.

MICHON Pascal, Recherches sur l’idéologie de la Nouvelle Revue française de 1919 à 1924, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 179 p.

En 1919, la NRF, née dans les dernières années de l’avant-guerre, n’est encore qu’une jeune revue dont le succès n’est pas assuré. Les années vingt verront fleurir cette « rose des vents », comme l’appelait François Mauriac, véritable centre idéologique et culturel qui irriguera la pensée française, voire européenne, pendant tout l’entre­deux-guerres.

Cette recherche se donne comme une analyse sur un cas précis de ce que l’on appelle l’humanisme, analyse de sa structure et de son fonctionnement, mais aussi des enjeux politiques qu’il recèle et des stratégies qu’il a dû mettre en œuvre pour affermir son hégémonie idéologique au cours des premières années de l’après-guerre. Tour à tour les rapports avec Proust, Freud, le Dadaïsme, Bergson ou l’Action française, viennent décrire une géographie idéologique — et politi­que — des années vingt.

Cette étude se voudrait donc une contribution à l’histoire des idéologies dont elle analyse le fonctionnement dans les pratiques mêmes auxquelles elles imposent leurs règles et desquelles elles ressortent, à leur tour, transformées. Ainsi, l’examen porte successivement sur la sociabilité, définie comme le tissu des liens interindividuels qui sous-tend une expérience en commun de la culture et de la politique, puis sur cette expérience même de lecture et d’écriture, et enfin sur le discours politique qui en a résulté. On a tenté de construire une approche « pragmatique » du politique aux dépens des analyses qui l’identifient au pouvoir d’État, l’objet étant de montrer que le pouvoir se joue en fait à tous les échelons sociaux par le biais de l’idéologie qui, fixant une image de l’homme et un emploi du langage, détermine les règles et les limites du discours de tout sujet parlant et, ce faisant, son rapport au social.

NORGUEZ Marc La stratégie du PCF en 1953, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 180 p.

À l’aide des textes officiels, ce mémoire tente de suivre et de comprendre la logique et la cohérence de la stratégie politique des communistes français entre décembre 1952 et mars 1954. Il constitue également un essai de compréhension du processus d’élaboration de cette stratégie en mesurant l’influence du mouvement communiste international et l’analyse de la réalité française, dans le cadre de l’année « charnière » de la « guerre froide » qui est marquée par une relative accalmie de la tension internationale et de la mort de Staline.

Cette étude part d’une étude attentive des événements nationaux, internationaux et propres au PCF. Il apparaît vite que le PCF a une chronologie qui lui est particulière, et une vision personnelle de la réalité.

Ce caractère est confirmé dans la deuxième partie qui veut répertorier les thèmes d’intervention du PCF à la lecture, chaque semaine de l’éditorial de France nouvelle. La lecture de la réalité par le PCF amène à l’examen des grilles de lecture et nécessite le large détour de l’analyse communiste.

À ce moment quelques réflexions sont proposées à propos du dogmatisme et de l’analyse vivante.

Enfin, retour à la chronologie pour examiner l’évolution de l’action communiste, avec les distinctions entre les objectifs, l’orientation et le moyen. Ici aussi, quelques jalons sur le fonctionnement du Parti et l’« Affaire Lecoeur ».

La stratégie du PCF a déjà fait couler beaucoup d’encre : gageons que ce n’est pas terminé. Tant mieux même s’il est certain que le terrain n’est pas sûr. Raison de plus de ne pas s’y aventurer avec de fausses certitudes.

REVOL Claude, Recherche sur la vie associative et les organisations corporatistes des instituteurs de la Haute-Loire, des origines à la naissance du Syndicat national (1898-1920), Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 171 p. + 82 p. annexes

Fondé sur une étude attentive de la collection — complète — des bulletins de l’Amicale, ce travail met à jour la lente affirmation d’une volonté corporative des maîtres du département, substituant une vie associative d’abord centrée sur la corporation à celle qui privilégie l’environnement immédiat de l’école.

Les instituteurs de la Haute-Loire font avec l’Amicale l’apprentissage de la vie associative, ce qui permet de suivre pas à pas l’élaboration des groupements solidaristes puis de défense corporative qui annonce le puissant Syndicat national. Cette évolution semble se faire harmonieusement, mais l’étude d’archives privées, de la presse et une rupture durable au sein du personnel à l’occasion de la guerre, conduisent à une seconde lecture faisant la part d’un souci extrême d’éviter l’abord des questions susceptibles de nuire à la cohésion du bloc primaire.

La question laïque semble alors faire la spécificité du cas de la Haute-Loire. Elle n’est pas le catalyseur des efforts aboutissant à l’Amicale, les « ingérences politiques » apparaissent beaucoup plus nettement. Mais l’hostilité des cléricaux et la surveillance soupçonneuse des « républicains » provoquent un environnement extrêmement contraignant qui amène des maîtres de sensibilités différentes à cohabiter au sein d’une même association en s’efforçant de donner l’impression d’une corporation unie. Un modus vivendi est — difficilement — trouvé par le contraste entre la fermeté des positions corporatives et la prudence la plus extrême en matière de questions sociales. Les « affaires » de 1917 et la transformation en syndicat repoussent, en 1920, les maîtres modérés vers les associations solidaristes.

STRAUSS Jean-Louis, La SFIO et les nationalisations (1943-1946), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 162 p.

Ce mémoire repose sur le dépouillement exhaustif de la presse socialiste — quotidienne et périodique — de l’époque, de nombreuses brochures de propagande, de comptes-rendus des Congrès et Comités directeurs, et sur l’analyse des témoignages des principaux acteurs de cette période mouvementée. Un échange de correspondance fructueux avec le maire de Commentry, Georges Rougeron, a conduit à des recherches plus approfondies sur les expériences dites « périphériques » qui se sont développées dans plusieurs régions (Allier, Rhône, Gard, Marseille, Toulouse, Saint-Raphaël…) avant d’être étouffées dans l’œuf dans le cadre du retour à la « légalité républicaine ».

Les premiers chapitres font un inventaire rapide du cheminement des nationalisations dans le discours socialiste, mettant en évidence le passage d’un concept théorique à un instrument de la politique économique qui trouvera sa première concrétisation lors du Front populaire. On verra ensuite comment les réformes de structure se justifient par le rôle malfaisant des trusts dans l’économie et la vie politique et par leur trahison préméditée de 1940.

Les socialistes, qui ne veulent pas se satisfaire de la confiscation des biens des traîtres et des mises sous séquestre qui en découlent, manifestent leur impatience devant les dérobades du général de Gaulle et le réveil des puissances d’argent. La SFIO élabore des projets de loi garantissant la participation des travailleurs à la gestion et conservant aux entreprises concernées leur pleine autonomie de gestion. On verra se mettre en place les principales réalisations et leurs limites. L’échec de la « Constitution sociale » et le déclin corrélatif du Parti socialiste, les déviations bureaucratiques et étatiques… expliquent que cette grande œuvre de rénovation est restée à l’état d’ébauche et ait été détournée de ses objectifs. C’est donc à un bilan mitigé qu’on est amené, avec une impression d’inachevée et de fragilité, mais les résultats apparaissent largement positifs en dépit de tous les obstacles.

SCHOONWATER Monique, La SFIO et les coopératives agricoles jusqu’en 1914, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault, avec la collaboration de F. Boudot], Univ. Paris 1 CRHMSS, juin 1981, 195 p.

Cette étude soulève un aspect particulièrement important de la question agraire pour les socialistes avant 1914, qui consistait à préciser une politique d’approche vis-à-vis de la petite et moyenne paysannerie.

D’où une réflexion sur l’idée de coopération en agriculture qui visait à aboutir à une exploitation en commun du sol dans le cadre des expériences héraultaises de coopération socialiste. Compère-Morel, ancien militant du POF, spécialiste de la question agraire au sein de la SFIO, jouera ici un rôle prépondérant : il s’agit non pas d’élaborer un socialisme pour les paysans, mais de mettre en œuvre une propagande pour intégrer la petite propriété paysanne à la doctrine socialiste.

Mais face à un mouvement coopératif placé sous le signe du patronage direct des organisations agrariennes et basé sur une apologie de la propriété privée, le point de vue socialiste sera amené à se nuancer : doit-on accepter l’esprit dans lequel fonctionnent ces coopératives, sous prétexte qu’elles constituent déjà un point de rassemblement et d’initiation à l’action collective ? Est-ce là la meilleure façon d’aboutir, à long terme, à une volontaire mise en commun des terres par les paysans ? Où bien doit-on plutôt essayer de donner d’emblée aux coopératives une appartenance socialiste nettement affirmée ?

Cette recherche tente donc de faire le point sur deux sujets qui s’imbriquent de par leur problématique :

– politique socialiste vis-à-vis de l’idée de coopération agricole ;

– situation du mouvement coopératif dans l’agriculture au début du siècle et positions socialistes vis-à-vis de ce mouvement.

TISSERAND Michel, Chelles (Seine-et-Marne), la vie politique et municipale, 1903-1939, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 204 p.

Ce mémoire repose sur les archives départementales, l’état civil et les délibérations du Conseil municipal. Les listes de recensement n’ont pu être utilisées.

Chelles, entre 1903 et 1939, se développe rapidement ; l’accroissement de population entre 1901 et 1936 est de 300 % ; ce simple bourg rural du début du siècle devient une ville à part entière.

Elle est dépendante de Paris : la moitié des Chellois ont un emploi à Paris. Elle est à la limite de la Ceinture rouge, mais n’en fait pas totalement partie. Comme dans beaucoup de communes de banlieue, le Parti communiste y gagne les élections municipales de 1935, mais cette victoire paraît fragile, car l’union avec les socialistes est éphémère.

Chelles ne fait pas totalement partie des communes directement dépendantes de Paris et a, d’autre part, une originalité propre par rapport au reste de la Seine-et-Marne, plus agricole.

VIER Fabienne, Le statut du médecin en question : le médecin et la Sécurité sociale de 1945 à 1948, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1981, 158 p.

Avant l’apparition de la Sécurité sociale, les médecins exerçaient la médecine de façon libérale, ils fixaient leurs honoraires ; ces derniers n’étant pas remboursés, la médecine était vraiment libérale. La généralisation de la S.S. à toute la population a permis le développement de la consultation médicale, accessible désormais à toute une frange de la population qui se situait avant l’extension des lois sociales dans les classes les plus pauvres.

Tout d’abord, cette généralisation a été bénéfique pour le corps médical qui a vu ainsi s’élargir sa clientèle, et donc ses revenus augmentés. Ces bénéfices ont surtout été sensibles pour les médecins se trouvant au bas de la hiérarchie médicale ; cependant la situation — remboursement des frais ; augmentation de la consommation médicale ; liberté de l’honoraire — ne pouvait se poursuivre. Pour la Sécurité sociale, il y avait un trop grand décalage entre ce qu’elle remboursait et les honoraires des médecins.

C’est pour arriver à un taux de remboursement plus normal que l’évo­lution de 1945 à 1948 était nécessaire, imposant enfin aux médecins un tarif conventionnel. C’est le but de ce travail d’étudier le bouleversement que l’on pourrait appeler le premier choc conventionnel qu’a subi cette profession par l’étude de textes officiels et d’articles parus dans la presse médicale.

Elle revêt une importance particulière aujourd’hui même, alors que la profession médicale vient de subir un deuxième choc conventionnel : après avoir limité le montant de chaque acte, la Sécurité sociale s’est en effet vue dans l’obligation de limiter le nombre global des actes (c’est la notion d’enveloppe globale) face à l’accélération récente de la consommation médicale dans les pays industrialisés.

1980

BENCHERIFA Mustapha, La Tunisie en milieu colonial : M’Hamed Ali et les luttes syndicales 1924-1925, Maîtrise [Antoine Prost, Claude Liauzu], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1980

La période 1924-1925 revêt une importance capitale et décisive dans l’histoire du mouvement ouvrier tunisien. Elle a connu la naissance d’une Centrale ouvrière indigène autonome, malgré de nombreux obstacles. Le monde des travailleurs était divisé : la discrimination sur la base des nationalités était institutionnalisée. À travail égal, le salaire n’était pas égal. Une confusion de fait des syndicats européens et des autorités du protectorat était pratiquée aux dépens des ou­vriers indigènes. Dans un milieu colonial, la répression était de rigueur. L’ignorance caractérisait l’indigène.

Les autorités coloniales étaient conscientes de l’importance de l’enjeu. Elles ont frappé dur : la CGTT fut dissoute. Elles ont vite com­pris que si la CGTT continuait à exister, elle aurait constitué une force avec laquelle on devait composer. C’était la première fois que les indigènes se donnaient un contre-pouvoir afin de défendre eux-mêmes leurs intérêts, contrecarrant ainsi la politique coloniale.

Cette recherche résume les mécanismes qui ont abouti à la manifesta­tion de la prise de conscience et de la volonté d’émancipation des indigènes

BERTRAND Olivier, Recherche de la « nature politique du Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM) à travers une étude critique de sa bibliographie (1917-1939), Maîtrise [Jacques Droz], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1980, 193 p.

Ce travail cherche bien moins à être l’œuvre d’hispanisant qu’à apporter une contribution, modeste, à une réflexion sur l’histoire du mouvement révolutionnaire de l’entre-deux-guerres.

La bibliographie actuelle du POUM tend, soit à le présenter comme un parti typiquement espagnol, en dehors de toute autre référence, soit à porter un jugement sur lui d’un point de vue léniniste, à partir d’une étude critique de cette bibliographie, nous tentons de montrer qu’au contraire, le POUM s’est rattaché, sans en avoir conscience ex­plicitement, à tout un mouvement de résistance au léninisme, refusant son hégémonie idéologique au nom du marxisme révolutionnaire et de l’exigence d’autonomie du prolétariat ; ce dont ni l’hagiographie poumiste, ni l’analyse léniniste ne pouvaient évidemment rendre compte pleinement. Il nous a donc fallu nous tourner vers toute une historiographie qui sortait du cadre espagnol pour mettre en évidence cet­te convergence de fait entre le POUM et un courant révolutionnaire occidental anti-léniniste qui a eu son épicentre en Allemagne dans les années 1920.

Cet emprunt à l’histoire révolutionnaire d’autres pays européens souligne la nature même de notre démarche se situant tout entière, à son niveau, dans cette entreprise de réhabilitation, en renouveau depuis une dizaine d’années, de tout un pan oublié du mouvement ouvrier qui en fait pourtant partie intégrante, sans préjuger de savoir si se trouve ici la vérité du mouvement social.

CHICLET Christophe, Le Parti communiste grec pendant la guerre civile grecque, 1944-1949, Maîtrise [Jacques Droz, Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1980, 226 p.

Le Parti communiste grec (KKE), après avoir monopolisé la Résistance nationale, s’est lancé, contrairement au PCF et au PCI, à la conquête du pouvoir en décembre 1944. Mais les conférences de Moscou, Yalta et Potsdam ont laissé la Grèce dans le camp occidental. Le Parti, abandonné par l’Union soviétique et écrasé par les troupes britanniques, a été contraint de signer la reddition de Varkiza en février 1945.

La fin de l’entente entre les grands alliés, les prémices de la guerre froide, la terreur blanche en Grèce ont poussé le Parti communiste grec à reprendre le chemin de la montagne et de la guerre civile. La guérilla dirigée par le général Markos-Vafiades a connu un réel suc­cès en 1947 et 1948. Mais, en juin 1948, le principal support de l’armée démocratique grecque, Tito, est mis au ban du monde communis­te. Cette rupture est d’autant plus dramatique pour le mouvement démocratique grec que Staline a exprimé son désir d’en finir avec la guerre civile. La direction stalinienne conduite par Nikos Zacharia­dis va alors purger le Parti de ses « titistes » et transformer la guerre de guérilla en guerre régulière. Ce véritable suicide va accélérer les événements et le Parti communiste grec sera exterminé en août 1949.

Ainsi l’intervention alliée, la non-intervention soviétique, l’exclusion de Tito, la décomposition interne du mouvement communiste grec et la structure sociale de la Grèce se sont unies pour créer un conflit de six ans (1943-1949) entraînant la fin tragique du mouvement démocratique grec pour de nombreuses années.

Cette étude est surtout orientée vers la définition et l’explication des différentes lignes politiques suivies simultanément ou successivement par le KKE, Les tendances et les conflits internes résultant de ces différentes lignes politiques sont également étudiés.

DARROUX Sylvie, Le Syndicat national des instituteurs à la conquête des campagnes. Un exemple : La Terre libre, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1980, 108 p.

La Terre libre est un journal lancé en 1934 par le Syndicat national des Instituteurs en direction des campagnes pour lutter contre le fascisme et réaliser le Front populaire.

L’étude a privilégié trois points fondamentaux :

– Le rôle du Syndicat national dans cette création (buts poursuivis, méthodes prises en charge, diffusion) à partir du dépouillement de L’École libératrice, de L’École émancipée et de bulletins départementaux.

– L’étude du journal en lui-même lui a permis de saisir comment le Syndicat national est allé à la rencontre des masses paysannes, comment il a divulgué son idéologie, et de voir également comment les lecteurs ont façonné le journal. En un mot, l’étude a permis de saisir la spécificité de ce journal au sein de la presse agricole,

– Un essai de bilan, une synthèse terminale permettant de quantifier et de qualifier l’impact de ce journal ; deux approches différentes ont été utilisées pour mesurer cet impact (lecture de la presse, enquête menée auprès des instituteurs),

Cette étude fait connaître la politique du Syndicat national des instituteurs dans les années trente et sa tentative pour sortir d’un cadre purement corporatif. Le journal se voulait une tâche d’information et d’éducation « libératrice ». Cette tâche n’a été que partiellement remplie à cause du caractère artificiel et surimposé du journal. Cet exemple illustre la quasi-impossibilité pour un groupe social déterminé de prendre en charge les objectifs d’un autre groupe.

DURAND-MOUCHE Martine, La « politique paysanne » du Parti communiste français à la Libération, août 1944-mars 1946, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1980, 204 p. + annexes

Ce mémoire traite du programme paysan du Parti communiste français à la Libération, tel qu’il est exposé dans l’hebdomadaire La Terre et dans les textes officiels du PCF. Puis sont abordées les questions de l’implantation et de l’influence des communistes dans les campagnes, celles du PCF. Puis sont abordées les questions de l’implantation et de l’influence des communistes dans les campagnes, celles du PCF directement et celles de ses militants et responsables actifs au sein de la Confédération générale de l’agriculture.

L’activité communiste dans le mouvement syndical paysan est aussi abordée en relation avec la « politique paysanne » du PCF : l’activité des dirigeants communistes, responsables des « questions paysannes », sur la question de l’unité syndicale puis sur les appréciations qu’ils portent sur les orientations de la CGA et leurs principales préoccupations en matière de syndicalisme agricole.

L’exemple du département des Côtes-du-Nord illustre les deux aspects de l’influence d’une fédération communiste en milieu paysan et de l’activité déployée par ses militants dans l’Union départementale de la CGA.

Plusieurs témoignages oraux recueillis sont publiés.

FABREGUET Michel, Les syndicats et l’Assemblée consultative provisoire (novembre 1944-octobre 1945), Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1980, 179 p.

La participation de cinq organisations syndicales, dont la CGT et la CFTC, à l’Assemblée consultative provisoire de Paris, qui faisait suite à la participation de la seule CGT à l’ACEP d’Alger, s’expliquait par l’engagement du mouvement syndical dans la Résistance et par l’évolution du mouvement syndical, entre les deux guerres mondiales envers l’action parlementaire.

Devant l’ampleur des ruines à la Libération, le syndicalisme tendait moins à se définir comme force revendicative que constructive. Dans une assemblée politiquement très à gauche et gagnée à leur cause, les syndicalistes furent actifs et surent diversifier leurs centres d’intérêt (surtout les cégétistes), tout en conservant une nette prédilection pour les problèmes sociaux. Confrontés aux problèmes de l’heure (remise en ordre économique du pays, épuration, salaires, emploi, problèmes régionaux et internationaux), ils firent triompher devant l’ACP leurs conceptions des grandes réformes de structure : nationalisations, création des Comités d’entreprise, organisation de la Sécurité sociale. Malgré ces succès, ils mesurèrent rapidement les limites de leur action.

Le GPRF se souciait peu des avis de l’ACP : ainsi, l’ordonnance du 22 février 1945 instituant les Comités d’entreprise fut très en retrait de ce qu’avait prévu l’ACP. Le syndicalisme vécut pleinement l’échec de la Résistance/Révolution. Mais surtout, malgré sa puissance, le mouvement syndical fut incapable de surmonter les divisions politiques qui réapparurent très rapidement : la CFTC, politiquement « homogène », en souffrit moins que la CGT dont les sympathies politiques se partageaient entre différentes tendances. Les différentes organisations syndicales ne purent donc que reconnaître leur inadaptation à une assemblée de caractère politique : l’expérience demeura sans suite. Mais si les Confédérations syndicales se replièrent sur le terrain économique et social, un certain nombre de syndicalistes, dont plusieurs anciens membres de l’ACP, embrassèrent une carrière politique et siégèrent dans différentes assemblées de la IVe République »,

GUELAUD Claire, Recherche sur la politique nationale et sur la politique internationale du PCF dans la région méditerranéenne (1934-1939) à partir de Rouge-Midi, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1980, 120 p.

Ce mémoire a été réalisé à partir du dépouillement de la presse du Parti, notamment à partir de Rouge-Midi, « organe régional de la SFIC » dans la région méditerranéenne. Notre recherche a porté essentiellement sur l’analyse d’un discours et négligé d’autres approches possibles de la politique du PCF,

En dépit de ces limites, nous avons essayé d’éclairer certains aspects de la politique du Parti dans le Midi méditerranéen, Le Parti, de 1934 à 1939, n’a pas dans cette région une politique spécifique. En revanche, il adapte la ligne générale aux conditions particulières du Midi, réussissant à l’enraciner dans la tradition républicaine provençale. Cette politique accroît l’audience et les effectifs du Parti et lui permet de s’implanter de façon plus solide dans la région méditerra­néenne et de se « réconcilier » avec une région où il était jusqu’en 1934 en position de faiblesse. Toutefois, à la fin de 1938, apparaît déjà un relatif isolement du PCF dans la région, ce qui le conduit à adopter une attitude défensive,

MURGIER, Pascal, La Commune et la politique du Parti Communiste Français : 1921-1939, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1980, 95 p. + annexes

Cette recherche porte sur l’évolution de la représentation (I) et de l’interprétation (II) de la Commune de 1871 dans le PCF.

Plus qu’une analyse des pratiques symboliques entourant les commémorations de la Semaine sanglante, plus qu’une étude de l’historiogra­phie de la Commune dans le Parti communiste, y est tentée la descrip­tion d’une « stratégie discursive ».

Les sources (L’Humanité, les Cahiers du bolchevisme, les ouvrages parus sur la Commune 1871 entre les deux guerres) n’y sont pas présentées comme des « documents » renvoyant à un « réel », mais sont décrites par les « modèles » qui peuvent être repérés, et qui organisent la dis­position des énoncés.

Plus généralement, c’est à une critique de la pratique historiogra­phique, et du discours politique, qu’elle voudrait introduire et à une réflexion sur les problèmes du signe dans l’Histoire.

FLAMMANT Thierry, Recherche sur l’École émancipée (organe pédagogique de la Fédération nationale des Syndicats d’instituteurs et d’institutrices) 1910-1914, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1980

En 1910 naît L’École émancipée, revue pédagogique imprégnée du souffle syndicaliste révolutionnaire. Le travail montre à quel moment et pourquoi elle est apparue, ainsi que les difficultés et l’audace des instituteurs qui l’ont créée indépendante.

Le mémoire présente les fondateurs et les collaborateurs, souvent méconnus de la revue. Mais surtout, il cherche l’originalité de l’École émancipée, revue pédagogique (lien entre Ferrer et Freinet) et revue syndicaliste. Mouvement ouvrier, féminisme, antimilitarisme, anticolonialisme : autant de thèmes choisis pour donner un aperçu vivant et exact de la revue et illustrer les positions des institutrices et instituteurs syndicalistes au début du siècle.

PEYRAT Marianne, La Fête des Mères de 1932 à 1950, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1980, 152 p.

La France célèbre la Fête des Mères depuis le XXe siècle, suivant en cela l’exemple des pays anglo-saxons, mais on retrouve cependant à travers l’histoire, de l’Antiquité à nos jours, des cérémonies analogues.

Officiellement consacrée en 1926, il a fallu attendre 1950 pour la voir légalisée, grâce aux efforts conjugués de l’État et des associations familiales.

Entre ces deux dates, des transformations, que l’étude de ses manifestations traditionnelles met en évidence, ont modifié à la fois sa célébration et sa signification : à l’origine Fête des mères de familles nombreuses, elle a acquis avec le gouvernement de Vichy le caractère qu’on lui connaît actuellement, où le nombre des enfants n’est plus pris en considération. Cette évolution a été favorisée par la préférence accordée à la fête familiale, au détriment des cérémonies officielles (remise de la Médaille de la Famille française).

L’implantation en France d’une telle manifestation fait partie d’un mouvement général en faveur de la famille nombreuse et a offert une large audience aux thèses natalistes préconisées par les gouvernements successifs de l’entre-deux-guerres.

Elle a véhiculé d’autre part une certaine image de la femme, celle de la mère au foyer, modèle en contradiction avec la réalité économique et sociale du temps et qu’a néanmoins tenté d’imposer l’État.

Cette étude s’achève sur le rôle tenu par la presse dans le conditionnement de l’opinion publique vis-à-vis de ce phénomène et les différentes utilisations qu’elle en a fait suivant les idées qu’elle défendait : presse féminine, enfantine, familiale, religieuse…

PICA Germinal, La fonction éducative des Bourses du Travail dans le mouvement ouvrier (1895-1914), Maîtrise [Antoine Prost, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1980, 278 p.

Cette étude porte sur l’ensemble des activités culturelles et éducatives des Bourses du Travail entre 1895 et 1914. Elle décèle un certain nombre de comportements culturels typiquement ouvriers. Ainsi l’institution de cours professionnels, si l’on suit les débats des congrès des Bourses et de la CGT à ce sujet, montre combien le mythe du « bon ouvrier digne et fier » qui hante la seconde moitié du XIXe siècle persiste dans l’expérience éducative des Bourses. Les cours professionnels furent d’ailleurs surtout impulsés par des ouvriers qualifiés dans le but de préserver les « métiers » menacés par la « spécialisation » ou la déqualification. L’institution d’un enseignement général avec bibliothèques, cours, conférences, participation aux Universités populaires fut surtout le fait de militants autodidactes qui tentaient de fonder un humanisme ouvrier et une culture prolétarienne. Mais l’échec des Universités populaires, la faible fréquentation des bibliothèques, montrent que, pour l’ensemble des syndiqués, l’ac­quisition d’un savoir livresque et « éclectique » passait au second plan par rapport au « métier » et à l’amélioration de la qualification professionnelle.

Les militants qui s’intéressèrent à l’éducation définirent une pensée pédagogique proche des aspirations ouvrières et inspirées de certaines idées libertaires. C’est ce que confirme la Conférence des Bourses de Marseille (1908). Mais après 1908, les expériences d’éducation de l’enfance (groupes de pupilles) auront une portée restreinte tandis que l’ensemble du service éducatif ne connaîtra aucune innovation. Seules les Jeunesses syndicalistes tenteront, au sein des Bourses, de donner un visage nouveau à ce type d’activités en essayant de concilier la culture avec les activités récréatives. Ainsi l’étude des activités éducatives et culturelles des Bourses du Travail permet d’exhumer une culture ouvrière, une pensée ouvrière sur l’éducation, d’en définir les aspects et d’en observer les centres d’intérêt de 1895 à 1914.

RODRIGO Jean-Michel, Recherches sur L’École Émancipée (organe pédagogique de la Fédération nationale des Syndicats d’instituteurs et d’institutrices) 1910-1921, Maîtrise [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1980, 255 p.

De la naissance de l’École Émancipée, en octobre 1910 à Marseille, à son transfert à Saumur, onze ans plus tard, une profonde évolution s’opère. Le syndicalisme révolutionnaire qui se réalise pleinement au contact de la pratique pédagogique constitue le lien. De telles conceptions ont engendré un type de militants syndicalistes qui veut se perfectionner professionnellement tout en refusant de parvenir. L’École Émancipée est son journal pour la préparation de ses cours et son combat pour la reconnaissance du droit syndical des fonctionnaires.

L’École Émancipée ne disparaît pas avec la guerre, mais doit modifier sa formule. Elle parvient, malgré la censure, à véhiculer certains thèmes favorables à la paix. Expression des minoritaires, elle préconise l’adhésion à la IIIe Internationale.

ROMION Marie-Claude, Le discours anarchiste sur l’Éducation à travers Le Libertaire, 1905-1906, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1980, 91 p.

Cette étude est une analyse du discours anarchiste sur l’éducation, entreprise à partir des articles parus sur ce sujet dans Le Libertaire en 1905-1906. Elle a pour but de montrer comment fonctionne le discours libertaire sur l’éducation.

Une introduction comporte la présentation du journal et de ses collaborateurs. Elle envisage ensuite la constitution du corpus à partir des énoncés comprenant les mot-clés choisis pour l’étude. Puis elle explicite la méthode d’analyse retenue : une étude précise des termes dans leur emploi et leur cooccurrence permettant de mettre en évidence la structure du discours.

L’étude proprement dite se divise en trois parties. L’opposition constante de deux types d’éducation donnant au discours une structure binaire est démontrée dans la première d’entre elles. La seconde est consacrée à l’examen des données de l’opposition, envisagées pour les deux types d’éducation dans leurs principes, leurs dispensateurs, leurs méthodes et leurs résultats. À travers l’étude de la fonction de l’éducation, la dernière partie révèle la valeur politique et sociale sous-tendant tout le discours. Cette étude démontre donc la structure d’un discours de propagande,

SAURET Christine, La Catalogne de 1931 à 1936, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1980, 108 p.

Ce mémoire traite de l’évolution de la Catalogue à travers la presse. Bien que l’existence de la Catalogne représente un problème spécifique, son étude ne peut être envisagée que par rapport à l’Espagne.

Le travail se divise en six parties, chacune consacrée à un événement important, en Catalogne, durant la période 1931-1936. La chute de la monarchie, l’avènement de la République, l’élaboration du Statut de la Catalogne et les conflits qu’il suscite, le 6 octobre et la victoire du Frente popular, jusqu’au conflit qui éclate en juillet 1936. La multiplicité des partis et la préoccupation dominante de l’autonomie n’ont pas permis aux Catalans de mesurer à temps le danger des droites.

WOUTERS Ghislain, La publicité pour l’automobile. Conception et organisation de la publicité, image sociale de l’automobile de 1937 à 1973, Maîtrise [Antoine Prost], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1980, 266 p.

Cette étude analyse l’évolution de l’image de l’automobile diffusée par la publicité de 1937 à 1973, sa signification et, dans la mesure du possible, les liens de cette image avec la réalité vécue. Elle repose sur les annonces parues dans différents supports de presse pendant les années 1937, 1954 et 1955, 1965, 1973, mais aussi sur des documents internes aux firmes (Renault) concernant leur conception de la publicité et la façon dont elles l’organisent.

On assiste à un affinement et (malgré un recul entre 1945 et la fin des années cinquante) à une présence de plus en plus forte et régulière de la publicité à travers la période. Cette évolution est liée au développement des agences et de l’utilisation de la publicité comme instrument de vente dans un marché de masse ; elle entraîne une augmentation de la force de persuasion et de la prégnance des annonces.

En même temps, on voit l’auto malgré l’utilisation de la symbolique par les agences, se banaliser pendant que son usage se développe. Conduire, dès avant la crise pétrolière, peut devenir peu agréable, surtout, alors que la sensibilité postulée par les annonces était différente selon les supports en 1937, une unification se produit entre ceux-ci dans l’après-guerre. De plus, la différenciation des motifs d’achat, voire des autos selon les catégories socio-professionnelles mises en scène (1937), cède le pas à une différenciation selon l’âge et le statut matrimonial et familial : à la représentation d’une société figée succède celle d’une société intégrationniste transmettant à toutes les catégories sociales un imaginaire qui est du reste celui des cols blancs.

Ce ne sont donc pas seulement des modes de sensibilité envers l’auto qui sont étudiés, mais aussi, à travers eux, des modes d’imaginaire plus généraux d’une société.

Résumés des mémoires de maitrise – Années 1970

1979

BOURRINET Philippe, La gauche communiste italienne 1926-1945, Maîtrise [Jacques Droz], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1979

L’auteur décrit un mouvement qui commence en Italie dès le lendemain de la Première Guerre mondiale et qui se poursuit dans l’émigration, puis de nouveau sur le sol italien après sa libération. Bien que sorti du « bordiguisme », ce mouvement a pris un caractère propre, remettant en cause le léninisme, se distanciant du trotskysme, mais établissant des relations avec d’autres groupes ultra-gauchistes européens. Il a en particulier montré une hostilité constante à l’égard de l’antifascisme et du Front populaire que celui-ci a suscitée, et a soutenu que, seule, la lutte du prolétariat contre la bourgeoisie pourrait, au cours de la Seconde Guerre mondiale, venir à bout des impérialismes antagonistes.