Résumés des mémoires de maitrise – Années 2000

2009

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2008

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2006

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2005

AUGARDE Marie-Véronique, La communication de la municipalité de Saint­Denis à travers l’évolution du bulletin municipal de 1971 à 1991, Maîtrise [Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CHS, 2005, 110 p.

Un aspect de la communication de la municipalité de Saint-Denis est étudié dans ce mémoire à travers l’évolution du bulletin municipal de 1971 à 1991. Au cours de cette période, il a changé par trois fois de formule. Il a commencé tout d’abord par le Bulletin d’Information Municipale en juin 1971, puis en octobre 1981 apparaît le Mensuel d’Information Municipale et enfin celui-ci se transforme en Journal de Saint-Denis en mai 1986. Ces changements successifs sont révélateurs d’une attention particulière portée non seulement à l’information des citoyens mais aussi, et dans une certaine mesure, surtout de la prise de conscience de la part de la municipalité de la nécessité d’avoir une politique de communication étudiée et adaptée à sa population. Comment se traduit l’évolution du bulletin municipal ? Pourquoi et comment cette évolution a-t-elle eu lieu ? Voilà les questions auxquelles cette étude cherche à répondre en s’attachant à particulièrement à percevoir s’il y a eu une professionnalisation de la communication dionysienne et, si oui, dans quels termes elle s’est effectuée. Les bornes chronologiques choisies, en plus de correspondre à trois formes de bulletin différentes, correspondent également aux mandats successifs Marcelin Berthelot, maire de Saint-Denis de mars 1971 à juin 1991. L’on observe également au cours de cette période un essor général du bulletin municipal, bien souvent accompagné d’une importance croissante accordée à la communication politique locale. Cette dernière s’est, sans aucun doute, faite sous l’impulsion d’une professionnalisation des services de communication municipale. Pour répondre à ces questions nous nous sommes essentiellement appuyés sur l’étude des différents bulletins aux archives municipales de Saint-Denis. La communication étant une discipline encore relativement récente, les ouvrages historiques la concernant, sont assez rares. Nous avons donc consulté des ouvrages de sciences politiques traitant ce sujet afin d’obtenir, autant que possible, une vue d’ensemble sur cette question et pour cette période.

BERNATETS Jean-Claude, Approche critique de l’histoire des résistants et de la résistance dans le département de l’Aisne, 1940-1944, Maîtrise [Claire Andrieu, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2005, 182 p.

Elle met en évidence des parcours singuliers qui ne s’en inscrivent pas moins dans une aventure collective, à la nature plurielle, populaire, minoritaire. Elle coïncide partiellement avec ce qui a pu être dit. Elle s’éloigne par contre fortement des mythes forgés de toutes pièces dans l’immédiate après-guerre et qui se perpétuent même aujourd’hui dans le département. Le corpus choisi permet d’établir sinon de rétablir nombre de vérités. La Résistance dans l’Aisne ne naît nullement du néant. Militants communistes, socialistes et syndicalistes y jouent un rôle essentiel. FN et FTP, pour leur part, y apportent une contribution majeure. Elle n’est pas unie, mais au contraire profondément divisée sur fond d’anti-communisme bien que les combattants fassent preuve de solidarités, se prêtent assistance. L’intégration de ses forces para militaires au sein des FFI reste pour une large part formelle, virtuelle, jamais achevée. Il n’apparaît pas que gaullistes et alliés, au-delà de la subordination et de l’obéissance qu’ils exigent de sa part aient eu réellement l’intention de l’armer convenablement. Son bilan, toutefois, se présente comme très honorable. Certains des chefs de l’OCM ont tenté de travestir et de réécrire la part prise par leur mouvement pour en masquer la modestie. L’épopée de la Résistance axonaise repose en fait avant tout sur le travail ingrat, obscur, obstiné, persévérant où chacun outre sa propre vie, risque celle des siens. À l’héroïsme ordinaire correspond un parcours jalonné de multiples tragédies, de sang et de larmes, de lâchetés et d’ignominies. Pour les survivants et la mémoire des morts, en regard des sacrifices consentis, il s’achève d’espoirs déçus, d’espérance vaine dans l’avènement d’un monde nouveau. L’âme de ce mouvement de résistance, ce sont les humbles, les sous grades, soutiers inconnus ou méconnus d’une gloire qu’ils n’ont pas revendiquée et dont les circonstances seules en ont fait pourtant les véritables artisans. Ces quelques milliers d’hommes et de femmes, de jeunes et d’étrangers représentent la grandeur et l’honneur de l’Aisne. Ils payent chèrement leur goût de la liberté, leur aversion du fascisme, l’amour de leur terroir et de leur patrie. Avant-garde éclairée et martyre d’une population axonaise profondément germanophobe, qui dans sa masse se tient éloignée de la collaboration, elle permet que cette dernière n’y sombre jamais. Au-delà de ces faits d’armes, il s’agit-là de sa plus grande victoire. Leur participation à la lutte contre le nazisme et son satellite le régime vichyssois, pour libérer le territoire, restaurer la démocratie et la République, ouvrir le chemin à des lendemains qui chantent, impose et mérite gratitude, respect et reconnaissance. Ce premier travail de recherche ne permet toutefois pas d’élucider un certain nombre de problèmes loin d’être subsidiaires.

2004

CARRÉ Stéphanie, Les comités d’action en mai-juin 1968 en région parisienne, à travers l’étude des tracts, Maîtrise [Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 160 p.

Nous plaçons ce travail de recherche dans la continuité du travail effectué par Michelle PERROT, Madeleine REBERIOUX et Jean MAITRON dans le Mouvement social, n° 64, juillet – septembre 1968, intitulé la Sorbonne par elle-même, en espérant compléter au mieux les recherches sur les comités d’action, grâce à l’étude d’un corpus de tracts sélectionnés au CHS. Mai 68 est sans conteste l’événement social et culturel le plus important qu’ait connu la société française depuis 1945. La crise universitaire, partie de Nanterre, incomprise des autorités, s’étend à l’ensemble de la société et bouscule le pouvoir politique et l’État. L’agitation étudiante, plus représentative et radicale dans Paris et sa région prend la forme d’une protestation globale : contre l’ordre social, la hiérarchie, la guerre, la famille, le conformisme. Spontanée, joyeuse, libertaire, créative, violente aussi et marquée par la renaissance des idéologies d’extrême gauche, elle proclame « l’imagination au pouvoir » et met en évidence des nouvelles formes de contestations qui se développent durant le mouvement et qui perdureront après lui. Les comités d’action ont été une des formes les plus originales de ce mouvement. Organisme de base de l’action étudiante, le comité d’action est un groupe informel et restreint de camarades attelés à une tâche liée au mouvement, celle-ci étant souvent au point de départ leur seul dénominateur commun. Inspirés des comités Viêtnam de base et des comités d’action lycéens, existant depuis 1967, on peut dénombrer près de 450 comités d’action en région parisienne en juin 1968. Les comités d’action sont présents aussi bien dans les universités et les lycées, que dans les entreprises et les quartiers. Nous nous sommes alors demandé quels ont été la place, le rôle et la fonction des comités d’action dans le mouvement de mai 1968. Après avoir expliqué l’origine, la création et la multiplication des comités d’action (par qui, pourquoi et comment) et leur nature, nous voyons en quoi les comités d’action ont influencé le déroulement des événements tout en étant nés avec eux et en subissant leurs effets. En étudiant les données quantitatives (lorsque c’est possible de le faire) et qualitatives, notamment à travers l’étude du vocabulaire des tracts, nous étudions comment ces comités s’organisent (avec notamment l’étude plus spécifique de la coordination des comités d’action), et comment ils tentent de se définir. L’appellation « comité d’action » (dont l’origine reviendrait à Trotski) recouvre, en effet, des réalités très différentes : la perpétuelle ambiguïté des taches qu’ils se fixent reflète l’ambiguïté même de l’action du mouvement étudiant. Le principal mot d’ordre qui réunit les militants et les non-militants dans ces comités d’action c’est, justement, l’action. Les comités d’action ont alors pour but de promouvoir l’action directe sous toutes ses formes, dans la rue, mais aussi dans les Universités et dans les usines. Par là ils sont un reflet de l’ensemble du « Mouvement de Mai » marqué par une dimension essentielle : la volonté d’éclatement, l’effort de jonction avec les usines. Il faut sortir de l’université pour faire la révolution en poussant la classe ouvrière, sans laquelle rien n’est possible. Les comités d’action, « vigies de la Révolution », structures « gauchistes » par excellence pourtant nées du refus de la division groupusculaire de l’extrême gauche révolutionnaire, essaient ainsi, malgré les divergences idéologiques, de travailler en union pour créer, face au pouvoir légal, un pouvoir révolutionnaire. Or cette tentative a échoué, notamment parce que les divergences étaient trop fortes et que la structure même du comité d’action réunissait en son sein les facteurs de l’échec. L’objectif du mémoire est alors de voir en quoi les comités d’action sont un reflet du mouvement de mai, dans tout ce qu’il a de contradictoire. En effet, ils sont à la fois une émanation du caractère spontané du mouvement traversé par l’esprit rousseauiste et libertaire, et une volonté paradoxale de structurer et d’orienter un mouvement pourtant indéfinissable.

CORM Alia, Le tourisme en Italie pendant la période fasciste (1925-1935), Maîtrise [Pascal Ory-Marie-Anne Matard-Bonnuci], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 178 p.

Cette étude a pour objet l’organisation du tourisme international en Italie, de la prise réelle du pouvoir par les faisceaux, jusqu’à la veille de l’entrée en guerre de l’Italie contre l’Éthiopie. Le tourisme international est envisagé de manière quantitative et chronologique. Son étude est faite d’un point de vue économique et politique. Le tourisme est exploité par l’État comme une activité lucrative. Il est aussi perçu comme étant une activité au caractère politique, permettant de banaliser la dictature. Dans le cadre de tensions politiques en Europe, le tourisme permet au régime fasciste de s’exprimer et d’exposer son idéologie. Le tourisme bénéficie d’une croissance importante pendant cette période. En effet, le tourisme, activité internationale et pacifique, se développe en Italie dans le cadre de l’instauration d’un régime autoritaire et expansionniste, le régime fasciste. Cette recherche tente d’analyser les modalités d’insertion du tourisme international dans la propagande fasciste destinée aux pays étrangers, et plus particulièrement à la France. La démarche adoptée est la suivante : dresser tout d’abord un tableau de la perception de l’Italie aux XVIIIe et XIXe siècles qui influence durablement les représentations de ce pays au début du XXe siècle ; puis dans un second temps, d’analyser les apports que le régime fasciste a exercés sur l’activité touristique et leur impact, enfin, dans un troisième temps, il s’agit de mettre en relief les différentes articulations de la propagande touristique fasciste à travers l’analyse de certains médias : presse, radio et livres. Le régime fasciste a su développer les infrastructures nécessaires au développement du tourisme, qui pendant l’entre-deux-guerres ne peut être qualifié de tourisme de masse, mais peut être décrit comme un tourisme quantitatif. Ce régime autoritaire et fermé lui a accordé une importance majeure et s’est énormément préoccupé de la promotion de l’image de l’Italie et de son nouveau régime politique à travers l’encouragement au tourisme international. La question posée par cette recherche est celle du lien entre un régime particulier et inédit en Europe, le fascisme, et le développement de l’activité touristique en Italie. Il montre comment le développement du tourisme international parvient à s’accommoder d’un régime dictatorial, ce qui est confirmé par l’évolution postérieure dans d’autres dictatures (Espagne, Yougoslavie, Cuba, etc.).

DEMONSAIS Bruno, Gavroche, anatomie d’un hebdomadaire socialiste (1943-1948), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 2 vol. 251 p. + 68 p. d’annexes

Cette étude monographique a pour objet l’hebdomadaire Gavroche, créé, fabriqué et distribué clandestinement à partir de mai 1943, avant de paraître officiellement du 9 novembre 1944 au 26 mai 1948. Porté sur les fonts baptismaux par une petite équipe de journalistes proches ou membres du mouvement socialiste dès l’entre-deux-guerres, le périodique associe, dans une formule semblable à celle des hebdomadaires des années vingt et trente (Candide, Vendredi, Marianne), deux types majeurs d’information : le commentaire politique et l’actualité littéraire. Ses deux directeurs successifs, René Lalou, éminent journaliste et critique littéraire, et Jean Texcier, l’un des premiers journalistes clandestins sous l’Occupation, symbolisent la double vocation de cet hebdomadaire socialiste à la Libération. Au moment où un nouveau régime politique s’élabore, où le socialisme semble « maître de l’heure » et où le communisme attire dans sa mouvance nombre d’intellectuels à la conquête du pouvoir littéraire et éditorial, la SFIO comprend la charge qui lui incombe de lancer — en cette période faste pour les publications — un hebdomadaire de vulgarisation culturelle. Relais de l’effervescence artistique de Saint-Germain-des-Prés, support des « nouvelles littéraires » et reflet des polémiques du milieu parisien, Gavroche se trouve par sa double nature (politique et culturelle) au centre des querelles de l’épuration et de la responsabilité des intellectuels (affaire René Lalou). Cette recherche répond également à la volonté de mettre en lumière l’originalité de ce périodique, à la fois héritier des codes d’une formule de presse ancienne (l’hebdomadaire politique et littéraire) et préfiguration du newsmagazine (type Express ou Nouvel Observateur). La réflexion se situe au carrefour de deux angles d’approches : une étude du contenant (maquette ; auréoles des structures de sociabilité qui président à la fabrication de l’hebdomadaire : passages par le Parti socialiste, les journaux socialistes, les publications littéraires, la presse clandestine, les institutions littéraires parisiennes) et une étude du contenu (poursuite du combat pour la libération du territoire atlantisme affiché, promotion d’un nouvel ordre international pacifié ; débats parlementaires, heurts avec les deux adversaires gaullistes et communistes, élaboration d’une « Troisième Force » ; vulgarisation culturelle : critiques artistiques, espace de création, de publication et de débats). Les messages véhiculés par l’hebdomadaire Gavroche visent à mobiliser les militants socialistes, à étoffer leur bagage politique et culturel et à occuper une place privilégiée dans la sphère intellectuelle parisienne, tout en respectant les idéaux assignés par ses fondateurs pendant la Résistance.

HUET Marie-Alice, Alphonse de Chateaubriand : ses idées, ses actions, Maîtrise [Pascal Ory, Patrick Eveno], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 291 p.

Cette étude biographique a pour objet Alphonse de Châteaubriant, fondateur et directeur de La Gerbe, en tant qu’intellectuel collaborationniste. Alphonse de Châteaubriant est un intellectuel de la première moitié du XXe siècle, auteur de romans régionalistes à succès : Monsieur des Lourdines et La Brière, dont le parcours est quelque peu atypique. Dans un premier temps, l’analyse porte sur l’itinéraire et la maturation d’Alphonse de Châteaubriant afin d’essayer de déceler d’éventuelles influences. Ainsi sa famille, sa rencontre avec Romain Rolland, la Première Guerre mondiale qui lui ouvrent peu à peu l’esprit et lui permettent de comprendre ce qui l’entoure. On remarque un tournant dans la vie d’Alphonse de Châteaubriant lorsqu’il fait la connaissance de Mme Castelot puisque cette dernière lui fait découvrir le nazisme auquel il adhère immédiatement. II n’aura de cesse de faire connaître ce régime en France notamment en écrivant un livre sur l’Allemagne nazie : La Gerbe des Forces. Cependant l’ambiguïté de son comportement : sa fuite devant l’avancée allemande en 1940 laisse supposer un refus du régime : il n’en est rien, Alphonse de Châteaubriant remonte dès le mois de juin 1940 pour fonder « son » hebdomadaire collaborationniste, créer des organisations pro-nazis afin d’encourager la collaboration. Dans un second temps la réflexion s’attache à tenter de comprendre les positions politiques, économiques, sociales et idéologiques d’Alphonse de Châteaubriant face aux grandes idéologies du moment : le capitalisme, le communisme et le nazisme. À la lecture de ses différents articles et conférences, ambiguës et brouillons, il ne fait aucun doute que le modèle à appliquer pour redresser la France est celui de l’Allemagne du III Reich. Afin de bien le faire comprendre à ses lecteurs, il n’hésite pas à stigmatiser, extrapoler, mentir sur les deux régimes politiques honnis. Dans un troisième, cette recherche répond la volonté de dégager l’originalité des idées, des références d’Alphonse de Châteaubriant, sur lesquelles il n’existe aucune étude. En effet il n’hésite pas à prôner une révolution, un retour à Dieu…. pour régénérer la France. Alphonse de Châteaubriant va même beaucoup plus loin, puisqu’il ne se gène pas pour dire au gouvernement de Vichy ce qu’il faut faire : COLLABORER et cite des exemples pour étayer ses arguments. Afin de rendre ses propos acceptables, Alphonse de Châteaubriant a recourt à La Bible, à des références historiques et littéraires. II s’agit à travers cette étude de mettre en lumière un intellectuel important de la Collaboration, mais oublié : Alphonse de Châteaubriant, d’essayer de démêler les fils de sa pensée afin de comprendre à quel type de famille d’intellectuel il peut appartenir.

LONGUET Émilie, Un hôpital pendant la Première Guerre mondiale (juillet 1914-février 1919) : l’hôpital de Lariboisière dans la guerre, Maîtrise [Annie Fourcaut, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 221 p.

En juillet 1914, l’hôpital Lariboisière constituait un des établissements hospitaliers les plus performants de Paris. Relevant de l’Administration générale de l’Assistance publique, sa fonction principale était d’accueillir et de soigner les personnes indigentes demeurant dans les quartiers du nord-est de la capitale. Dès le début de la guerre, cet hôpital fut militarisé. De ce fait, il occupa une place particulière dans le système de soin militaire, durant toute la durée de la Première Guerre mondiale et jusqu’en février 1919. Dans quelle mesure le fonctionnement de l’hôpital Lariboisière fut-il bouleversé ? En quoi le quotidien du personnel soignant fut-il affecté par le conflit ? En ouvrant ses portes aux soldats malades et blessés, l’hôpital vit son organisation administrative, ses (infra) structures ainsi que ses activités modifiées. En effet, les autorités militaires souhaitaient que les soldats hospitalisés fussent séparés des civils, considérés comme des foyers de contagion. De plus, la réglementation militaire devait être appliquée au sein de l’hôpital. Cette prépondérance des militaires nous amène à nous interroger sur l’autonomie du service de santé civil. En outre, la guerre engendra de nouveaux besoins sanitaires, notamment dans le domaine des plaies. De ce point de vue, la guerre suscita une amélioration des modalités thérapeutiques, en particulier en chirurgie. L’arrivée des militaires ne ferma par pour autant l’hôpital aux civils. Victimes eux aussi du conflit du fait des pénuries et du rationnement de certaines denrées, leur niveau de santé ne se dégrada que ponctuellement, lors de vagues épidémiques. De plus, les difficultés matérielles touchèrent aussi l’hôpital. Autrement dit, les conditions d’hospitalisation se détériorèrent. Pour autant, l’hôpital continua à assurer ses fonctions traditionnelles, prenant même une part importante dans la réflexion et la promotion de la politique de santé publique engagée par l’État. Par ailleurs, la guerre influença directement le travail du personnel soignant. La mobilisation provoqua le départ de nombreux agents masculins, remplacés en partie par des volontaires peu, voire pas expérimentés. Un certain nombre de mesures fut pris pour pallier ce problème. En outre, leur travail se caractérisait par sa pénibilité. Outre la suractivité, ce personnel, en tant que principal témoin de la brutalité de la guerre, était confronté à des situations traumatisantes. Leur niveau de revenu ne peut expliquer à lui seul leur dévouement. Celui-ci fut largement salué à la fin de la guerre par les instances dirigeantes et le public. La guerre fut donc un moment privilégié de la construction identitaire de ce groupe socioprofessionnel et à plus forte raison de cette institution.

MONTAVILLE Reidun, Le Centre de Formation du Comédien d’Écran (1943-1946), Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 188 p.

La période de l’Occupation tient une place particulière dans l’histoire du cinéma français. Loin d’avoir été amputé par les nombreux départs de prestigieux réalisateurs et acteurs, celui-ci se maintient à un haut niveau de qualité artistique. Selon Marcel L’Herbier, une chose manque, cependant, pour que le cinéma français acquière une valeur encore plus grande : une institution qui forme des jeunes gens à l’interprétation exclusivement cinématographique, et non pas théâtrale comme dans d’autres écoles. Pour en finir avec cette habitude de voir les écrans envahis par des comédiens de théâtre, Marcel L’Herbier décide de créer l’Institut de Formation Artistique pour le Cinéma (IFAC), qui prend le nom de Centre de Formation du Comédien d’Écran (CFCE) en juin 1944. L’IFAC est rattaché à la seule école de cinéma existante, le Centre Artistique et Technique des Jeunes du Cinéma (CATJC), qui est basé à Nice et qui forme à la fois des techniciens et des comédiens. L’IFAC, qui se présente comme la filiale parisienne de la section « comédiens » du CATJC, ouvre ses portes le 23 mars 1943 au 73 rue de Varenne, dans le 7e arrondissement à Paris. La création de ce centre s’inscrit d’emblée dans le programme de réorganisation du cinéma français opéré par le gouvernement de Vichy : Marcel L’Herbier bénéficie ainsi des subventions et du soutien de l’État français, et plus particulièrement du directeur général de la Cinématographie, Louis-Émile Galey. Celui-ci, au courant des revendications de la profession, a tout à fait conscience du manque de professionnalisation des métiers du cinéma. De plus, pour avoir une assise professionnelle bien établie, le CFCE se ménage l’appui des plus grands réalisateurs de l’époque, parmi lesquels Claude Autant-Lara, Louis Daquin, Jean Grémillon et Marcel Carné. Ce projet d’école de cinéma s’inscrit cependant d’emblée dans un cadre beaucoup plus large : Marcel L’Herbier réalise que ce manque atteint également d’autres disciplines telles que la radio, le jazz, le disque… Il projette ainsi, dès 1942, la création d’un « Conservatoire des Arts Nouveaux » destiné à la valorisation de formes d’art jusque-là dénigrées par le monde artistique. Ce projet ne vit toutefois jamais le jour. Le soutien de la direction générale de la Cinématographie amène à se poser la question de l’inscription du CFCE dans la politique globale du gouvernement de Vichy. À première vue, en effet, le CFCE présente les caractéristiques d’une institution d’influence vichyste former et encadrer sont ses mots d’ordre, tandis qu’il accorde une importance considérable, à travers les cours de sport, à la construction d’un physique sain. En réalité, le CFCE s’apparente plutôt à une banale école professionnelle formant les jeunes à un métier où le physique prime. Toutefois, le CFCE ne réussit jamais vraiment à s’imposer dans le milieu artistique : il subit longtemps les effets d’une polémique l’opposant au Centre des Jeunes du Spectacle (futur ENSATT) géré par l’Union des Artistes. Les critiques formulées en 1945 par le président et le secrétaire du Syndicat national des acteurs, qui nient toute spécificité de l’acteur de cinéma et ne comprennent donc pas la raison d’être du CFCE, discréditent celui-ci auprès des instances gouvernementales. En janvier 1946, ferme l’unique école pour acteurs de cinéma ayant eu une reconnaissance institutionnelle.

PÉPIN Caroline, La représentation d’André Malraux, ministre des Affaires culturelles, dans le journal Combat (1959-1969), Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 145 p. + annexes

Combat, quotidien aux ambitions culturelles et caractérisé par sa liberté de ton et la fougue de ses jeunes journalistes suit avec beaucoup d’attention la création du premier ministère des Affaires culturelles et de sa politique. Confiants et impatients, les journalistes se mobilisent, par le biais d’articles élogieux sur l’institution et sur son responsable, pour que le ministère, dont la survie n’est pas assurée, perdure. André Malraux apparaît, en effet, comme le premier atout du ministère. Aventurier, militant antifasciste, combattant dans les brigades internationales en Espagne, résistant, Malraux est la figure même de l’intellectuel engagé. Mais, Combat, retient surtout que c’est un artiste qui prend la tête du ministère : l’auteur de La Condition humaine, le réalisateur de L’Espoir, artiste qui plus est, a mené une réflexion sur l’Art (La métamorphose des dieux, Les voix du silence). Les journalistes espèrent voir Malraux marquer une rupture radicale avec la politique des Beaux-Arts. Ils confrontent leur conception de l’action culturelle avec celle de Malraux, s’accordent sur la nécessité d’une démocratisation culturelle, sur l’exigence de qualité, et s’opposent sur la question de la culture populaire. Mais, une fois en place, le ministre n’est pas toujours à la hauteur de leurs espérances. La politique du patrimoine et la mise en place des maisons de la culture sont très bien accueillies, mais les crises du théâtre et de l’Opéra, la tardive mise en place d’une politique musicale et la délicate question de la censure donnent lieu à des articles sévères et virulents à l’égard des Affaires culturelles, de leur ministre ou même de l’État. Car au-delà de la critique ou de l’approbation de l’action ministérielle, les journalistes interrogent la politique culturelle, sa conception, ses capacités à réaliser les ambitions fixées par André Malraux, le système ministériel et la place de la culture dans l’État. « Mai 68 » balaye toutes ces réflexions en contestant et remettant en cause la politique gaullienne et donc la politique malraucienne. L’« affaire Langlois », la dernière grande bataille de Combat les avait déjà ébranlées. Paradoxalement, André Malraux au nom de son passé révolutionnaire et du contenu de ses romans est appelé à rejoindre le mouvement. Son silence est très vivement critiqué et discrédite sa politique. Il quitte la vie politique sur les pas du général de Gaulle dans le silence le plus complet. Le ministre des Affaires culturelles est victime de sa légende. Toutes les polémiques que connaît le ministère des Affaires culturelles, entre 1959 et 1969, montrent que Combat ne sait pas distinguer l’écrivain du ministre, le révolutionnaire des années trente du chantre du gaullisme.

ROUSSARIE-SICARD Nathalie, Hommes et femmes devant les cours de justice de la Seine : juin 1946-novembre 1947, Maîtrise [Claire Andrieu, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 148 p.

L’évocation de la collaboration et de l’épuration provoque aujourd’hui encore beaucoup de questions. Pourquoi ? Ils sont des milliers d’hommes et de femmes à avoir été jugés par les Cours de justice de la Seine. Qui étaient ces gens ordinaires, dont personne ne connaissait le nom et qui n’auraient pas dû sortir de cet anonymat, s’ils avaient vécu à une autre époque ? À partir de quelques registres d’arrêts de ces Cours, entre juin 1946 et novembre 1947, nous avons sélectionné des dossiers individuels, mais en choisissant ceux qui comprenaient des hommes et des femmes condamnés à propos de leur engagement commun dans un fait relevant de l’accusation de collaboration, pour mettre en évidence la relation des uns et des autres dans ces circonstances particulières. Après avoir observé, d’abord, comment fonctionnaient les Cours de justice, nous avons cherché à savoir qui étaient ces gens, de quoi ils étaient accusés et à quoi ils étaient condamnés. En nous appuyant sur l’étude des dossiers individuels et à partir d’exemples précis, nous avons recherché ensuite comment et pourquoi ils avaient choisi la collaboration, comment fonctionnait un réseau de renseignements français au service de l’Allemagne, enfin nous avons étudié leurs comportements et les répercutions sur leur vie personnelle ou familiale. Nous y avons trouvé des femmes hors normes, des hommes qui avaient perdu leurs repères, une société à la dérive. Au-delà des sentiments de répulsion, ou de pitié qu’ils inspirent, ii nous a semblé utile d’essayer de les écouter, même si le choix des Archives judiciaires incite à une certaine prudence dans les conclusions que nous pouvons en tirer.

SNAIEDEN Raphaël, Mémoire, pratique, enjeux et discours autour de la commémoration de la Commune de Paris de 1938 à 1967 à travers le PCF et la SFIO, Maîtrise [Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 2 vol. 191 p. et 191 p.

La Commune de Paris, bien que de courte durée, marquera durablement le mouvement ouvrier et la conscience des travailleurs de nombreux pays. Les premières cérémonies en hommage à la Commune de Paris apparaîtront dès les années 1880. Dans le courant de la fin du XIXe et d’une grande partie du XXe siècle, la mémoire communarde sera célébrée sous différentes formes par de nombreux partis de « gauche ». Toutes organisations se revendiquant du socialisme, dans son sens le plus large, se devaient de participer à l’hommage rendu annuellement aux communards devant le Mur des Fédérés. L’absence d’une d’entre elles pouvait être considérée comme une profonde trahison, du moins durant des périodes de fortes mobilisations ouvrières. La Commune de Paris dégageant un très fort pouvoir évocateur, les organisations commémorant la Commune se voyaient facilement conférer la légitimité de son histoire et de ses symboles. Nous nous sommes efforcés d’approcher la mémoire de la Commune de Paris autour des pratiques, enjeux, et discours tenus par le PCF et la SFIO entre 1938 et 1967. Au regard de trente ans de commémoration de la mémoire communarde, de nombreuses évolutions surgiront, tout autant au niveau des lectures attribuées à l’événement révolutionnaire, que des pratiques commémoratives ou des forces mobilisées lors des manifestations d’hommages. Chargée d’une histoire et d’une symbolique forte, la mémoire de la Commune de Paris attisera les passions. Face à la volonté de certaines organisations de gauche d’apparaître comme dépositaire de cet héritage si convoité, surgiront, des conflits ouverts ou sous-jacents d’appropriation de la mémoire communarde. Le Mur des Fédérés restera l’immuable lieu de la commémoration communarde. Au gré de l’évolution de la vie politique, le PCF et la SFIO défileront unitairement ou séparément en ce lieu chargé d’histoire. D’autres lieux mémoriels s’imposeront aussi dans le Tout-Paris. Les représentations que le PCF et la SFIO feront de la Commune seront évolutives et changeantes. Les Commémorations de la Commune s’inscrivant toujours dans des luttes au présent, les analyses liées à la Commune de Paris, pour chaque période donnée, seront à l’image des lignes politiques menées par chacune des deux principales organisations de gauche. La forte proximité ressentie des communistes avec l’expérience communarde accordera au PCF une légitimité historique lui permettant de se présenter plus facilement comme dépositaire de l’expérience révolutionnaire de 1871. La SFIO oscillant entre apparente fidélité et abandon mémoriel, se revendiquera-t-elle aussi de l’héritage communard. Tiraillée entre un hommage sincère et une apparente volonté d’appropriation, la mémoire communarde restera cependant immuablement commémorée.

TOPART Alexandra, Témoignages et Documents (janvier 1958-avril/1963) : un journal semi-clandestin militant contre la guerre d’Algérie, Maîtrise [Claire Andrieu, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 166 p.

Témoignages et Documents est un journal semi-clandestin paru de janvier 1958 à avril 1963. Il a été créé pour répondre à la censure mise en place par le gouvernement français pendant la guerre d’Algérie et republier les textes interdits. Ses membres sont issus de toutes les tendances de l’opposition à la guerre : un grand nombre d’intellectuels, de chrétiens et de militants des divers partis de gauche participent au journal. Une scission importante se produit au sein du comité de patronage privant le journal d’une partie de ses soutiens. Témoignages et Documents proteste contre la guerre d’Algérie et milite pour une paix négociée : il publie des textes dénonçant la torture et les atteintes aux droits de l’homme, prône le respect des valeurs républicaines et de la démocratie en France et en Algérie, mais refuse de s’associer aux réseaux de soutien au FLN. Le journal est l’organe du Centre du Landy qui organise meetings et manifestations en vue de développer un mouvement d’opposition à la guerre et de toucher l’opinion. Mais Témoignages et Documents est une revue en marge qui doit faire face à la multiplication des saisies et des inculpations : elle forme avec VéritéLiberté, issu de la scission du comité de patronage de Témoignages et Documents, ce qu’on appelle la presse parallèle. Ces journaux circulent en dehors des grands circuits officiels de distribution et leur audience reste donc très limitée. L’originalité de Témoignages et Documents repose sur sa manière de présenter les thèses des militants anticolonialistes : les dirigeants du journal publient toutes les prises de position contre la guerre sans jamais émettre d’avis en leur nom propre afin de rassembler les pacifistes et de former une opposition unie face à la guerre et à la raison d’État.

VERGER Jérémie, l’École émancipée de la Libération à l’autonomie de la fédération de l’éducation nationale (1944-1948), Maîtrise [Claude Pennetier, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 175 p.

Le travail effectué traite du syndicalisme enseignant. Il s’inscrit dans la récente histoire des tendances, spécificité structurelle du syndicalisme enseignant en France. L’Ecole Emancipée est le groupement syndical le plus ancien chez les enseignants, héritier du syndicalisme révolutionnaire et l’organisation en tendances est une de ses revendications. La motion Bonissel-Valière (mars 1948) en est un bon exemple ; c’est elle qui fait passer la Fédération de l’Éducation nationale dans l’autonomie et qui règle son régime intérieur. Ce texte de compromis avec la majorité réformiste est largement inspiré par Marcel Valière, dirigeant de l’École Émancipée. L’étude se développe en trois temps : l’analyse du processus de reconstruction de la tendance, la caractérisation de la mémoire véhiculée par l’École Émancipée et de sa place dans le système syndical français. La tendance se disloque pendant la Seconde Guerre mondiale. L’étude de sa reformation à la Libération permet d’éclairer le processus de formation d’une tendance : le rôle des réseaux de sociabilité ainsi que l’évolution de l’implantation militante sur le territoire et selon les générations. Derrière l’apparente stabilité, l’arrivée de jeunes militants du Parti communiste internationaliste est importante, renforçant en particulier les groupes de la Seine et du Rhône. Néanmoins, la cohérence du groupe ainsi reformé est également reconstruite et garantie par la revendication d’une identité spécifique. Le discours unificateur véhiculé s’appuie sur l’histoire de l’Ecole Emancipée et en fait l’héritier des pionniers du syndicalisme enseignant et de la Fédération unitaire de l’Enseignement, c’est-à-dire la mémoire légitime du syndicalisme enseignant. L’héritage revendiqué de la diversité idéologique de la tendance et de l’importance qu’elle accorde à la pédagogie commence cependant à être remis en cause par les jeunes militants trotskystes. Enfin, le dynamisme de la tendance se traduit par son activité revendicative. L’analyse du système revendicatif, c’est-à-dire le positionnement adopté face aux grandes questions d’actualité comme le statut de la Fonction publique ou la réforme de l’enseignement, permet de déterminer la place de l’École Émancipée par rapport aux deux autres grands courants de pensée : les réformistes, majoritaires dans la FEN, et les partisans de la majorité confédérale, plus proches du Parti communiste. À ce titre, le lancement du journal Front ouvrier par Marcel Pennetier apparaît comme une tentative de rassemblement des syndicalistes révolutionnaires afin qu’ils fassent entendre leur voix au sein de la CGT, de la période de la « bataille de la production » au déclenchement de la Guerre froide. Il s’agit en effet de rendre compte du choix par l’École Émancipée de l’autonomie fédérale, traditionnellement interprétée comme un corporatisme.

VON KUNSSBERG Pauline, Mon Quotidien, « seul journal pour les 10-14 ans qui paraît tous les jours », neuf ans d’actualité au jour le jour, 1995-2004, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 224 p.

Cette étude monographique a pour objet le périodique Mon Quotidien lancé définitivement le 5 janvier 1995. Premier quotidien pour les enfants en France et dans le monde (hormis au Japon), il est publié par le groupe Play Bac et diffusé uniquement par abonnement. L’enjeu de la recherche consiste en un dégagement de l’originalité du support dans le paysage de la presse jeune d’actualité du XXe siècle, grâce à une mise en perspective partant de Benjamin (1929), jusqu’à ses contemporains hebdomadaires Le Journal des Enfants (1984) et Les Clefs de l’actualité junior (1995). Mon Quotidien incarne une nouvelle évolution dans cet horizon dont il bouleverse les modèles par sa périodicité inédite. La réflexion se situe au carrefour des efforts conceptuels innovateurs et de leur mise en application au cœur du journal, carrefour dont le lecteur se fait le gendarme. En effet, le journal étant inspiré et destiné à l’enfant, ce dernier se constitue comme le pivot des mécanismes d’élaboration et de diffusion. L’analyse procède à la mise en valeur des ces rouages par l’association des approches structurelles formelles du support (révélatrice des ambitions rédactionnelles), et du contenu, vecteur de ces ambitions. Il s’avère que celles-ci ne sont pas simplement d’ordre rédactionnel, mais bien aussi culturel. Le journal, s’appuyant sur des atouts formels indéniables, entend pénétrer les cadres de sociabilité de son public (l’école et la maison), et imprégner ses mœurs d’une pratique régulière (chaque jour) et régulée (dix minutes) de la lecture. Il s’agit de cerner ce phénomène nouveau, intervenant dans le paysage de la presse jeunesse française, d’amont en aval, de sa gestation à sa réception, afin d’élaborer un questionnement à la fois sur ses conditions de possibilités (matérielles et économiques, mais aussi culturelles) et sur sa validité (succès commercial, mais aussi impact sur les usages). Support d’une politique éditoriale nouvelle d’une presse non plus seulement vectrice d’informations, mais d’une pratique particulière de la lecture, Mon Quotidien et ses pairs pourraient aussi modéliser un lecteur idéal pour une presse quotidienne nationale en crise.

WEIS Cédric, Jeanne Halbwachs-Alexandre : une stalinienne dans la mêlée, Univ. Paris 1, 2004, 234 p.

Jeanne Halbwachs-Alexandre (1890-1980), agrégée de lettres (1913) et professeur de philosophie (1916-1955) est l’une des principales figures du pacifisme intégral des années 1930. Sœur du sociologue Maurice Halbwachs et ancienne élève d’Émile Chartier, dit Alain, elle s’intègre très tôt au groupe des étudiants socialistes révolutionnaires, adhère à la SFIO en 1914 et milite aux côtés de Maria Vérone à la Ligue des femmes pour le droit des femmes (LFDF). Dès cette époque, le féminisme de Jeanne Halbwachs est résolument tourné vers la paix, si bien qu’il s’éclipse avec l’entrée en guerre qui voit la majorité des femmes militante rejoindre l’Union sacrée. La Grande Guerre, révélatrice de sa combativité et de la radicalité de son pacifisme, la voit collaborer, entre 1916 et 1917, à l’un des quotidiens de la minorité socialiste favorable à la paix, Le Populaire du Centre. Avec Michel Alexandre, qu’elle épouse en août 1916, elle rédige en novembre 1915, au nom de la section française du Comité international des femmes pour la paix permanente (CIFPP), la « scandaleuse » brochure Un devoir urgent pour les femmes, et s’associe à la création de la Société d’études documentaires et critiques sur la guerre. À partir de 1917, le couple quitte le Parti socialiste, s’éloigne de Paris et de la Ligue des droits de l’homme. Tout au long de l’entre-deux-guerres, il participe activement à la publication des Libres propos, revue associant la pensée d’Alain à celle de ses disciples, et consacré en grande partie à l’expression de leur pacifisme. Jeanne Alexandre s’investit largement dans cette aventure, et son engagement auprès des femmes s’en trouve diminué. Par-delà la continuité perceptible de son pacifisme entre 1914 et 1939, nous verrons l’importance qu’elle accorde à la question sociale, la permanence de son humanisme, et essaierons de montrer dans quelle mesure ils sont à rapprocher de la conduite radicale de son combat pour la paix.

2003

AHN Hyun-Bae, L’utilisation du terme « anarchisme » dans l’Humanité avant la Première Guerre mondiale, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003

Les anarchistes sont parfois considérés, d’une façon très sévère, comme terroristes par la Droite, et comme extrémistes, qui entravent les activités de la Gauche. Du point de vue socialiste, comment l’identification ou la définition de l’anarchisme ont-elles évolué ? Les socialistes ont comme point commun avec les anarchistes de protéger les droits des ouvriers, de revendiquer la réforme et de critiquer la politique du gouvernement, mais les socialistes se veulent agir dans un cadre légal et parlementaire, contrairement aux anarchistes, qui agissent dans l’illégalité et l’antiparlementarisme. De ce fait, les socialistes montrent une sorte de confusion dans leurs comportements face aux anarchistes, en les traitant tantôt comme des alliés, tantôt comme des ennemis. Avec l’oppression plus directe de l’anarchisme par l’État, les socialistes ont pour objectif de présenter leurs opinions, leurs idées sous forme d’une lutte légale, soit au sein du Parlement, soit auprès de la presse, soit par le biais des grèves, tout en refusant d’être identifiés aux anarchistes. Le terme « anarchisme » apparu dans L’Humanité, la presse représentative des socialistes de cette époque-là, ne peut être utilisé que dans un sens négatif afin de marquer une identité clairement différenciée des anarchistes. Depuis la création du journal socialiste, L’Humanité, jusqu’avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale le terme « anarchie » est utilisé d’abord en un stéréotype négatif, comme chaos, désordre, etc. tout en perdant son sens idéologique originel. Il en est fait aussi une utilisation plus neutre comme dans les articles de Niel, fidèles à la charte d’Amiens, qui disent que le syndicat n’appartient ni aux socialistes, ni aux anarchistes, mais seulement aux ouvriers, ou dans les opinions de Bracke et de ses amis qui prétendent que les ouvriers doivent se rallier aux socialistes, en minimisant la montée du pouvoir des anarchistes au sein du syndicat. Enfin, L’Humanité montre la volonté de coopération de tous les membres de gauche, y compris les anarchistes et les syndicalistes révolutionnaires, pour l’émancipation sociale des ouvriers.

ATTRAZIC Lionel, Les éditions Copernic : 1976-1982 : « des livres pour la bataille des idées », Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 166 p.

En octobre 1976, des militants du Groupement de recherche et d’étude pour la civilisation européenne (GRECE) fondent les éditions Copernic. Conformément à sa stratégie métapolitique qui privilégie le combat culturel et doctrinal, le GRECE se dote d’un nouveau moyen de diffuser ses idées. Après les revues — Nouvelle École, Éléments ou encore Nation Armée — et l’entrisme dans la presse conservatrice — Le Spectacle du Monde, Valeurs Actuelles — la Nouvelle droite décide de publier des livres. Les militants du GRECE ont-ils réussi à faire de cette nouvelle structure un véritable instrument métapolitique ? Par instrument métapolitique, nous entendons un outil permettant de favoriser le débat d’idées tout en proposant des livres conformes à une certaine « culture de droite ouverte aux sciences biologiques, élitiste, européenne et germanophile, anti- judéo-chrétienne, tournant le dos au marxisme tout en se proclamant gramscisme de droite » pour reprendre la formule d’Anne-Marie Duranton-Crabol (« Alain de Benoist », in Dictionnnaire des intellectuels français, Paris, Le Seuil, 1996). Ce mémoire s’attache donc à répondre à cette double interrogation en examinant dans une première partie la manière dont la nouvelle maison d’édition est utilisée par ces concepteurs notamment en connexion avec le Figaro dimanche — supplément hebdomadaire du Figaro — où des militants grécistes disposent d’une tribune importante et du soutien sans faille de Louis Pauwels, son dirigeant. Cette synergie leur permet de mener quelques actions métapolitiques réellement efficaces, mais très éphémères – quelques mois. Dans une seconde partie, nous étudions le catalogue en montrant que les dirigeants de Copernic arrivent difficilement à maintenir un cap idéologique résolument gréciste. Enfin, dans une troisième partie nous recherchons les causes de cet échec : essentiellement l’adéquation Hachette-Copernic ainsi que les choix stratégiques trop aventureux de certains leaders du GRECE. Dans ce dernier chapitre, nous dépassons le simple cas des éditions Copernic — qui cessent définitivement de fonctionner en 1982 — pour essayer de mesurer la véritable place de la Nouvelle droite dans le paysage intellectuel français. Nous montrons notamment qu’elle n’est pas parvenue à transformer la sympathie qu’elle suscitait chez de nombreux intellectuels en une franche collaboration.

BRIE Julie de, Le Monde et la représentation des extrêmes gauche trotskystes, de 1968 à nos jours, Maîtrise [Claude Pennetier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 169 p.

La représentation des organisations qui se réclament du trotskysme a changé : Arlette Laguiller au lieu d’incarner une « Vierge Rouge », nouvelle Louise Michel, devient la « sœur Emmanuelle des banlieues et des usines closes ». Tout en se limitant aux mouvements trotskystes « dans un seul pays », ce travail vise à éclairer l’évolution de la représentation de trois formations emblématiques du trotskysme français dans la presse nationale et plus précisément dans le journal Le Monde. Les trois organisations prises en compte sont : le Parti des Travailleurs, la Ligue communiste révolutionnaire et Lutte ouvrière qui composent en France la face émergée de l’iceberg et sont rassemblés systématiquement notamment dans le traitement rédactionnel de la presse nationale. La perception des mouvements d’extrême gauche trotskystes par Le Monde est sujette à évolution. Elle fluctue et passe par trois grandes phases majeures qui ont été délimitées en fonction du traitement médiatique des trois principales organisations trotskystes. Les différentes étapes de représentation du quotidien ont été délimitées grâce à des forages dans le temps, lors des échéances électorales ou de moments médiatiquement forts de la mouvance trotskyste. En 1968, ces « nouveaux venus » pour les médias sont extrêmement délicats à cerner. Leur irresponsabilité politique, leur comportement incohérent sont souvent mis en exergue. Aux élections présidentielles de 2002, ils sont considérés comme des partis comme les autres, ou presque. Entre ces deux échéances, Le Monde se familiarise avec ces entités idéologiques et politiques non-conformistes, évolue, se transforme, de même que l’opinion publique, tandis que les organismes trotskystes entament un processus d’intégration au cœur d’un système politique qui, à l’origine, n’est pas le leur. Le produit trotskyste déclassé se vend de mieux en mieux aux rayons de la politique. Il devient un élément à part entière de la culture française. Sans aller jusqu’à parler de campagnes de presse favorables, les trotskystes ont bénéficié d’une certaine sympathie de la part du quotidien. Si les « tendances gauchistes », les groupuscules fanatiques des années soixante sont aujourd’hui présentés comme des partis politiques responsables et des alliés potentiels pour les formations politiques traditionnelles, Le Monde y est pour beaucoup. Certes, le comportement des formations elles-mêmes a beaucoup évolué, mais la succession de générations de journalistes dans l’histoire de la représentation des trotskystes est très importante pour comprendre l’évolution du regard porté et celle de l’opinion. Par nature, origine et structure, ce sont des mouvements qui se prêtent difficilement à une analyse scientifique, car ils se sont formés dans la tradition du cloisonnement et du secret. Aussi la presse a-t-elle une certaine tentation simplificatrice, celle de faire une analyse schématique et réductrice portant un jugement globalisant bientôt caduque. Le mérite du Monde est d’avoir voulu, dès le début, sortir de cette relation simpliste et d’avoir tenté patiemment de comprendre et de donner à comprendre les trotskystes, leur comportement et leur base sociale et politique. À la fin de la période, chaque partie s’emploie à apprivoiser et se servir de l’autre. Au point que l’on peut se demander qui, au terme de trois décennies, des trotskystes ou de la presse, a fait le plus de progrès dans la connaissance de l’autre.

BRINON Julie, La collection Rivages/Noir, du policier à la singularité, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 2 vol. : 188 p. et 20 p.

Ce travail cherche à positionner la collection Rivages Noir au sein de la littérature policière. Créée en avril 1986, elle se démarque dès le début par un graphisme qui rompt avec le style traditionnel des livres policiers, cherchant par ce procédé à cibler un public exigeant. Étudier sa formation, les auteurs et les œuvres qui la composent permet de mettre en exergue sa politique éditoriale fondée sur des orientations précises et différentes des autres collections policières. Composée à son début d’auteurs américains, elle s’élargit progressivement aux auteurs français et européens tout en privilégiant quatre auteurs phares : Jim Thompson, Robin Cook, Donald Westlake et James Ellroy. Elle innove par ses orientations en proposant aux lecteurs de suivre les auteurs sur la durée, ainsi que des œuvres inédites, intégrales et traduites par des professionnels. En cela, elle rompt avec des principes de publication bien établis dans l’édition policière. La collection accomplit également un travail éditorial en faisant redécouvrir des auteurs oubliés comme David Goodis ou Jim Thompson, des auteurs en mal de succès tels que Janvillem Van de Wetering et William Mac Ilvanney, et en publiant de nouveaux auteurs ayant une thématique nouvelle, à l’image de George Chesbro et Tony Hillerman. Composée essentiellement de romans noirs, la collection Rivages Noir se singularise aussi par la publication d’ouvrages qui se situent à la limite du genre tels que Noir comme le souvenir de Jonathan Latimer, et des œuvres qui se situent au-delà de la frontière du policier, comme Mémoires vives de Robin Cook.

BUGNON Fanny, Repopulateurs et réduction volontaire des naissances : un exemple notoire du discours antiféministe, France, 1918-1923, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 155 p.

Au sortir de la Première Guerre mondiale, un discours angoissé traverse la société française : la France serait menacée par la faiblesse de sa natalité. Ceux que l’on qualifie de « repopulateurs » — ou repopulationnistes — agitent cette menace depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, derrière leur chef de file, le Dr Jacques Bertillon. À l’origine issu de la bourgeoisie, ce courant connaît, après quatre années de guerre, un essor nouveau. Porté par les déficits démographiques, il trouve un nouvel écho auprès des classes dirigeantes, transcendant les couleurs politiques. La situation politique de la France est d’ailleurs favorable au message repopulationniste, le Bloc national ne se distinguant pas pour son progressisme avant-gardiste. En cette période de moralisme autoritaire, la question de la faiblesse de la natalité relève du tabou de la sexualité, territoire considéré comme masculin. Les femmes et leurs pratiques sexuelles sont placées au centre du discours des repopulateurs. Ce discours s’inscrit dans une dynamique antiféministe, dans le sens où il récuse l’idée que des femmes puissent se soustraire à la norme maternelle qu’il défend. Le contrôle de la sexualité devient ainsi un enjeu majeur pour les repopulationnistes. L’angoisse qui domine le courant repopulateur au début des années 1920 est celle d’un déclin du pays, rongé de l’intérieur par les antipatriotes qui ne sont pas les géniteurs d’une famille nombreuse, et menacé à l’extérieur pas une Allemagne revancharde à la natalité forte. La natalité est effectivement considérée comme l’indice de force et de vitalité d’un pays, la force du nombre en somme. Les repopulateurs livrent ainsi des propos alarmistes, apocalyptiques sur l’avenir de la France. Le caractère obsessionnel de la natalité illustre l’état d’anxiété des mentalités, état découlant directement des modifications sociales occasionnées par la guerre. Le conflit a en effet occasionné un brouillage des identités féminines et masculines traditionnelles, les femmes occupant des espaces habituellement dévolus aux hommes, mais, dans le même temps, renforçant la hiérarchie des sexes entre les soldats, figure patriotique masculine par excellence, et les femmes, cantonnées pour la plupart à l’arrière. À cette perturbation des rôles et des espaces traditionnellement définis comme masculins ou féminins répond une peur du désordre et de l’inversion des genres. Les repopulateurs participent activement à la diffusion de ce message en brandissant, comme remède moral et démographique, la figure de la mère de famille. En ces temps de reconstruction, la mère est présentée comme l’incarnation du patriotisme de la paix, continuation du patriotisme guerrier et viril des hommes. Le patriotisme s’impose comme la valeur refuge, pendant que parallèlement, la famille et surtout la natalité sont présentées comme des enjeux nationaux fondamentaux. Il s’agit de défendre la dichotomie sexuelle, convaincue d’une division « naturelle » qui obéirait à des arguments scientifiques. Les repopulateurs s’emploient ainsi à exalter la maternité, à valoriser cette spécificité féminine, se fondant sur l’idée d’un déterminisme biologique. Parce qu’elles possèdent un utérus, les femmes sont prédestinées à la maternité. Ce discours offre une vision profondément conservatrice de la place des femmes dans la société française des années 1920. Parce qu’il défend les valeurs familiales et sexuelles traditionnelles, parce qu’il ne considère les femmes que sous l’angle de la maternité, ce discours se révèle profondément antiféministe puisqu’il nie toute possibilité d’identité féminine en dehors de la maternité. C’est ici que les pratiques anticonceptionnelles et abortives concentrent les accusations des repopulateurs. En effet, ces pratiques se révèlent constituer un problème politique important, fondamentalement révélateur des enjeux des rapports entre femmes et hommes. Alarmés par la diffusion de ces méthodes dans toutes les couches de la société française, les repopulationnistes focalisent leurs angoisses et leurs accusations sur ce qu’ils ne peuvent contrôler. Ils en profitent pour stigmatiser les mouvements féministes, les accusant de connivence avec les néo-malthusiens, partisans de la limitation volontaire des naissances, voire d’être à l’origine de la diminution de la natalité. Cet amalgame démontre le caractère manipulateur des thèses repopulationnistes puisque sont volontairement occultées les positions majoritairement conservatrices en matière de sexualité des mouvements féministes de l’époque. Véritable bouc-émissaire, le féminisme est accusé de tous les maux dont souffre la société française des années 1920. Les repopulateurs manifestent ainsi au grand jour l’antiféminisme qui les anime. L’émancipation féminine, quelle qu’en soit la forme, est perçue comme une menace sociale puis qu’elle pousserait les femmes à fuir, à « déserter » la maternité. Les repopulateurs parviennent alors, grâce à leurs infiltrations dans le monde politique, à impulser la mise en place d’une nouvelle législation plus répressive en 1920, la création d’instances spécifiques à la question de la natalité, les prémisses d’une politique incitative et honorifique. L’ambition des repopulateurs est de pénétrer dans l’intimité des Français et de régenter leurs pratiques sexuelles. Dans une société où la bienséance sexuelle est clairement définie et déterminée selon que l’on soit homme ou femme, les moyens de réduction des naissances constituent une menace envers le pouvoir et les positions masculines puisqu’elles proposent un arbitrage de la sexualité et des rapports sociaux de sexe différent, menaçant les privilèges sexuels masculins. Perçue par les repopulateurs comme sérieuse, cette menace déclenche donc logiquement les foudres antiféministes. La position des repopulationnistes en matière de sexualité illustre leur incapacité à concevoir et à admettre des évolutions allant dans le sens de la liberté individuelle, hypothèse d’autant plus rejetée qu’elle concerne les femmes.

CHARPENTIER Émilie, Spectateur, vous avez la parole ! : le courrier des lecteurs dans Cinémagazine et Mon Ciné, Maîtrise [Pascal Ory, Christian-Marc Bosséno], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 227 p.

Cinémagazine (1921-1935) et Mon Ciné (1922-1937) sont deux magazines cinématographiques pour le grand public. Très peu étudiés par l’historien, ils ont davantage été utilisés comme complément d’information. Leur témoignage constitue pourtant un important champ de recherche pour l’histoire du cinéma de l’entre-deux-guerres. D’une part, car ils participent, pendant les années vingt, à l’accession du cinéma au rang de loisir de masse (en « couvrant » notamment le passage au parlant) ; d’autre part, parce que derrière leur aspect de fan magazine, entièrement dévolu au culte des stars, ces magazines œuvrent pour une vulgarisation massive du cinéma. L’étude de ces magazines se voulait, au préalable, comparative, mais finit par dégager une ligne éditoriale commune, caractéristique de la presse cinématographique « populaire » des années vingt (dont Cinémagazine et Mon Ciné ne sont que deux exemples), dans laquelle le courrier des lecteurs joue un rôle fondamental. Le choix d’axer cette analyse spécifiquement sur la rubrique du courrier s’ancre dans un débat historiographique contemporain, qui s’interroge sur la place du spectateur aux débuts du cinéma, c’est-à-dire en somme jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. De ces spectateurs encore largement méconnus, le courrier des lecteurs ne dresse pas un portrait formel, la source étant très imparfaite, codifiée et à manier avec précaution, mais livre des pistes, des indices et des questionnements, jamais exploités, et dont l’apport historique est pourtant indéniable. Parallèlement aux études sur le phénomène cinéphilique, compris dans sa dimension élitiste, le courrier des lecteurs de Cinémagazine et de Mon Ciné permet d’aborder une nouvelle tranche du spectatorat, beaucoup plus large, davantage fan que cinéphile (encore que…). Il s’agirait, en quelque sorte, de rééquilibrer une histoire du public cinématographique, composante essentielle d’une histoire culturelle du cinéma, en tentant notamment de rendre à ces lecteurs-spectateurs la parole.

CHÉREAU Claire, Liam O’Flaherty : l’expérience de la marginalité et la crise identitaire, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 2 vol. 172 p.+ annexes

L’histoire culturelle de l’Irlande passe par l’étude d’écrivains Irlandais contemporains des événements qui ont bouleversé le destin de l’Irlande, comme Liam O’Flaherty. Ce dernier a pris part à certaines de ces journées historiques. Il s’est battu pendant la guerre d’Indépendance et la guerre civile. Son œuvre consiste en partie à écrire l’Histoire de l’Irlande sous forme romancée depuis la Grande Famine du milieu du XIXe siècle jusqu’à la guerre civile, sous la forme d’un cycle de plusieurs romans. L’autre partie de son œuvre est constituée de nouvelles qui nous montrent les traditions ancestrales de la culture Irlandaises, et certains problèmes récurrents en Irlande comme l’exil. L’œuvre de Liam O’Flaherty, en plus de comporter une dimension historique, porte en elle une part d’autobiographie. Il a écrit des bribes de son histoire personnelle dans ces récits de l’Histoire, ce qui est rendu crédible par un style réaliste hérité à la fois des romanciers français du XIXe siècle, et des écrivains russes de la même époque. L’aspect autobiographique de ses romans et nouvelles nous montre la place marginale qu’il occupait par rapport à un pays où le nationalisme est très fort et où l’Église Catholique Irlandaise possède des pouvoirs matériels, en plus des pouvoirs spirituels qui lui incombent. En effet, Liam O’Flaherty a d’abord été communiste, engagement qui était méprisé par la majorité des Irlandais, ce qui incluait qu’il était agnostique voire athée, dans un pays où la religion est très forte et imprègne la vie quotidienne du peuple. L’athéisme provoque le rejet par la population qui était très superstitieuse à l’époque et très croyante. Liam O’Flaherty a multiplié les choix, les engagements qui l’ont conduit à être relégué au statut de paria et à devoir s’exiler en Angleterre et aux États-Unis jusqu’en 1953. La fin de sa vie est marquée par des revirements de positions et d’engagements d’un extrême à l’autre. Il est passé du communisme au nationalisme, et d’une production de livres considérables au néant littéraire. Les questions que nous nous posons concernent les raisons et les causes de cette place marginale de Liam O’Flaherty dans la société Irlandaise, et un autre élément marquant de sa vie et de sa personnalité : la mélancolie aiguë qui semble conditionnée beaucoup d’événements de sa vie.

CHIRACHE Emmanuel, Les représentations de la Révolution française dans la presse d’extrême droite (1936-1939), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 176 p.

De 1936, date où le Front populaire accède au pouvoir, à 1939, date du Cent-cinquantenaire de 1789, la Révolution est plus que d’actualité. Or, qui commente et fait l’actualité à cette époque si ce n’est la presse, et en particulier celle de l’extrême droite ? La masse des articles sur la Révolution, la fréquence des allusions à son égard, la richesse et la variété des opinions à son propos, dont regorge cette presse, offrent ainsi l’opportunité unique de saisir les contours d’une culture politique ambiguë. En confrontant leur discours à la Révolution, les journalistes d’extrême droite se trouvent en effet dans l’obligation d’affirmer leurs valeurs, de radicaliser leurs convictions, de dévoiler leurs hantises et leurs contradictions avec une crudité qu’ils ne soupçonnent pas. Ils croient ingénument faire l’histoire de la Révolution pour en dégager sa substance, ignorant que cette histoire est aussi un miroir, qui nous renvoie leur propre image. Sa pratique de l’histoire, la presse nationaliste la prétend qui plus est savante, donc neutre et apolitique, contrairement à la gauche, qui colporte la légende et les mythes de la Révolution, sans une once d’esprit critique. S’ils s’accordent sur l’idole à détruire, en revanche, nos journalistes se divisent sur les voies à emprunter, certains recommandant une histoire scientifique, dépassionnée, nuancée, d’autres, à l’inverse, prônant une histoire plus proche de la mémoire, plus engagée, d’un bloc. Une fois le mensonge qui entoure la Révolution levé, l’extrême droite doit s’atteler à une autre tâche : mettre à nu les sombres vérités qui constituent la trame du déroulement révolutionnaire. Selon elle, loin d’être l’insurrection spontanée de tout un peuple, le chaos révolutionnaire s’apparente davantage à une conspiration, au mieux à un engrenage d’intrigues, dont les acteurs sont changeants, franc-maçons, intellectuels frustrés, députés corrompus, Juifs, Jacobins, mais toujours médiocres, malintentionnés, envieux, haineux. Non pas heureuse, non pas douce, comme le voudraient les poncifs républicains, la Révolution est au contraire violente et belliciste par essence. La Terreur est sa fin, et la guerre son moyen. Des accusations lourdes de conséquences, dans le climat explosif de la fin des années trente, à l’heure où la droite redoute que l’antifascisme du Front populaire ne le mène à défendre, les armes à la main, le Frente popular, son voisin espagnol. En rupture totale — ou presque — avec un Ancien Régime largement idéalisé par les tenants de la droite radicale, la Révolution marque l’aube d’un temps nouveau, concèdent ces derniers à leurs adversaires démocrates ; seulement, le siècle et demi qui s’est écoulé depuis a moins l’allure d’une marche glorieuse vers le pays d’Utopie, que les traits d’une lente, mais sûre décadence nationale, se lamente-t-on dans Gringoire, Je suis partout et L’Action française. L’âpreté avec laquelle ces journaux défendent leur point de vue n’est pas gratuite, mais se justifie par la persistance du parti révolutionnaire en France, que les élections d’avril et mai 1936 ont porté à la tête de l’État, augurant du pire. Pour lutter contre ce funeste coup du sort, l’extrême droite n’a pas, ou peu, d’images contre-révolutionnaires à réactiver dans l’esprit des Français ; c’est par conséquent au nom de la liberté, de l’égalité, ou des Droits de l’homme, qu’elle va critiquer avec force et virulence la politique de Léon Blum. Paradoxalement, c’est au nom de la disparition de ces mêmes principes de 1789 dans une partie de l’Europe qu’elle condamne ensuite le Cent-cinquantenaire, en même temps qu’elle attend avec optimisme et patience la « divine surprise » de la fin du régime, qu’elle croit certaine. L’extrême droite française est dans la curieuse posture du révolutionnaire qui attend la Révolution.

COUGNOUX Mélanie, La mémoire officielle des tirailleurs sénégalais de 1945 à nos jours, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Marie-Claude Blanc-Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 203 p.

Lors des deux guerres mondiales, la France a fait appel à son Empire pour lui venir en aide. Des soldats de toutes les colonies ont donc débarqué en France dont les soldats de l’Afrique française réunis sous le vocable de « tirailleurs sénégalais ». Ils ont eu un rôle important dans un certain nombre de grandes batailles, ainsi que dans la libération de la France. Dans cette étude, il s’agit de voir comment la France, dans ce qu’elle a d’officiel, a rendu hommage à ces hommes. Le terme « mémoire officielle » désigne la mémoire produite par l’État, les régions, les communes et accessible au public à plus ou moins grande échelle. Dans l’immédiat après-guerre et jusque dans les années quatre-vingt, la mémoire des tirailleurs sénégalais est locale et associative, quasiment absente de la mémoire nationale. Des monuments et plaques sont érigés, commémorant essentiellement les massacres de 1940. Cette mémoire perdure après la décolonisation. Cependant en 1959 est décidée la cristallisation des pensions, c’est-à-dire le gel des montants versés au niveau atteint à la date de publication des décrets d’application. Dans les années soixante-dix, l’inflation agissant, l’écart de revenu se creuse entre anciens combattants français et africains. Puis, dans les années quatre-vingt, elle prend de l’importance, car elle sert un combat politique, celui de la lutte contre le racisme et contre l’extrême droite montante. Sont alors mises en avant les actions des étrangers et des tirailleurs dans la résistance et la libération de la France. Ce phénomène a fait que la mémoire des tirailleurs a été progressivement intégrée à notre mémoire nationale. Cela a permis dans un troisième temps de la faire tendre vers une mémoire à part entière, dont l’État est un relais actif et même parfois initiateur, vers la fin des années quatre-vingt-dix et début deux-mille. Des films sont produits rappelant le rôle des tirailleurs pendant les deux guerres mondiales et dénonçant également les oublis dont ils ont été victimes. Depuis peu, l’État se penche également sur le problème des pensions, la décristallisation ayant été très largement approuvée. Cependant, il faut noter que cette mémoire comporte encore des silences importants. Les recrutements des soldats africains et les méthodes douteuses employées à l’époque ne sont jamais mentionnés dans les articles, parfois rapidement évoqués dans les films, mais cela est le seul élément. Les tirailleurs sénégalais ne figurent pas toujours dans le récit de certaines batailles auxquelles ils ont pourtant participé. Les raisons de ces silences ne sont pas évidentes, ce travail présente quelques éléments de réponses. Cette étude ne prétend pas être exhaustive quant aux lieux de mémoire des tirailleurs sénégalais, mais propose de réfléchir à la place qui leur est accordée dans notre mémoire nationale, et les raisons des changements.

DECROUX Bérengère, « À nous deux Paris » : comparaison du Temps des copains et de Seule à Paris, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 2 vol. 160 p. + annexes

Le Temps des copains et Seule à Paris sont deux grands feuilletons sociaux qui ont marqué la télévision du début des années soixante. Tous deux ont été réalisés par un même réalisateur, Robert Guez, et ont la particularité de traiter d’un même sujet, l’arrivée à Paris de jeunes provinciaux, sous un angle masculin et féminin. Ils ont été coproduits par l’ORTF, qui était également leur diffuseur. Les deux feuilletons sont deux représentations liées à des contextes socio-historiques. La jeunesse était une classe d’âge prédominante dans la société de l’époque. Le désir d’affirmation de ces jeunes gens et l’amorce de l’émancipation féminine sont les sujets respectifs de chacune des deux histoires. Le Temps des copains expose l’intégration à Paris de trois jeunes étudiants, d’horizons sociaux confondus, dans un univers de bohème. Seule à Paris décrit l’arrivée d’une jeune femme issue d’un milieu social bourgeois, qui aspire à une brillante carrière d’étalagiste dans un Paris hostile. Ces deux feuilletons se distinguent également par leur style télévisuel. Le premier feuilleton revêt une tonalité comique, et dépeint une ambiance conviviale et théâtrale. Le deuxième se veut plus réaliste avec un réalisateur qui s’est mis à l’école du « cinéma-vérité ». Des thèmes communs sont évoqués comme l’ambition professionnelle, le rapport à l’autorité parentale et l’accomplissement social. Les deux récits sont les parcours initiatiques de jeunes personnes vers leur réalisation sociale. Mais la comparaison de ces deux feuilletons révèle pourtant un réel antagonisme entre la vie des trois protagonistes masculins et de l’héroïne de Seule à Paris. Ces deux fictions télévisuelles transcrivent deux conceptions de la réussite sociale. Dans Le Temps des copains comme dans Seule à Paris les personnages féminins apparaissent comme des jeunes femmes menant des vies difficiles, parfois proches du misérabilisme. Les dénouements des deux histoires définissent l’accomplissement du jeune homme essentiellement par son évolution professionnelle et l’amorce d’une vie aventureuse. Quant à la réalisation féminine, elle se distingue principalement par l’annonce de son statut de future épouse. La question de la carrière professionnelle n’est pas évoquée pour la femme. En exposant précisément des images propres aux représentations masculines et féminines de la réalisation sociale, ces deux feuilletons sont alors deux témoignages de la période culturelle des années soixante.

FROT Natacha, Le discours diététique dans la presse féminine française. De 1928 à 1998, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 126 p.

Ce mémoire est l’étude du discours diététique dans la presse féminine française entre 1928 et 1998. Nous nous intéressons à trois périodiques : Le petit écho de la mode, Marie Claire et Elle. En 1928, le discours diététique est encore inexistant dans la presse féminine française, mais nous constatons un intérêt pour la minceur qui lui est lié. Nous qualifions cette période de prémices de la diététique. À partir de 1938, la presse féminine française commence à tenir un discours diététique complet, dans la mesure où elle propose à la fois des conseils pour maigrir ou grossir, et des recommandations pour être en bonne santé grâce à une alimentation appropriée. Cependant, il existe très peu de preuves scientifiques. C’est à partir de 1958 que le discours diététique commence à se complexifier réellement. Ceci est dû à la refondation de la diététique en tant que science. Celle-ci se manifeste par l’utilisation de notions toujours plus scientifiques et par l’apparition de spécialistes de la question dans les journaux féminins. La presse féminine s’intéresse de très près aux découvertes faites dans le domaine de l’alimentation et la santé. Par ailleurs, les régimes amaigrissants prennent plus d’importance et commencent à se personnaliser et à prendre en compte le contexte social et politique. L’année 1988 marque un tournant dans l’évolution du discours diététique tenu par la presse féminine française. Pour la première fois, celle-ci prend du recul par rapport à la diététique et s’applique à la définir. De plus, ce discours se médicalise incontestablement, la majorité des articles étant écrits en collaboration avec divers spécialistes. La presse féminine montre clairement son désir d’informer ses lectrices de la moindre découverte faite dans le domaine diététique. Enfin, la fin de la période se caractérise principalement par le fait que le nombre de régimes amaigrissants augmente considérablement. Ils deviennent plus modernes, originaux et sont désormais associés à la notion de plaisir.

GENET Justine, Le quartier des Halles sous le regard de la police : étude des répertoires analytiques de 1934 à 1941, Maîtrise [Claire Andrieu, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 2 vol. : 99 p.+ 42 p. d’annexes

Le quartier des Halles a représenté un lieu unique de la capitale par son marché, principale source d’approvisionnement de l’agglomération parisienne depuis le Moyen Âge. Son étude, entre 1934 et 1941, sous le regard de la police, peut apparaître comme un angle original d’observation de la vie locale, notamment à travers les mains courantes (M.C.). Ces dernières se présentent sous la forme de recueils dans lesquels les policiers inscrivent l’ensemble des plaintes, arrestations et dépositions de personnes, victimes ou accusés d’un délit ou d’une infraction avec la justice civile et pénale, déposés ou recueillis par les agents lors de leur ronde dans le quartier. Cependant, les M.C. posent un problème de définition qui amène à conclure qu’il s’agit, en fait, de répertoires analytiques (R.A.). Aux Halles, se côtoient une population pauvre, avec ses manœuvres, ses prostituées, ses étrangers et une bourgeoisie marchande. Il y règne une effervescence qui favorise les petits délits, tels que les vols de marchandises, d’argent, la prostitution dans une période où la crise économique affecte de plus en plus les gens. Les tensions sociales viennent altérer la convivialité et la solidarité qui demeurent au sein du marché. Par ailleurs, l’approche de la guerre oblige les habitants à modifier leur mode de vie en appliquant les mesures de protection. La déclaration de guerre en septembre 1939 provoque la panique générale et la fuite. On refuse la guerre et reporte alors la faute sur les policiers. L’Occupation allemande amène la faim, la pénurie dans le quartier. On manque de tout, mais surtout de nourriture, malgré les cartes de rationnement. Le marché et les Grands Magasins sont victimes de vols encore plus nombreux. On s’adapte comme on peut aux lois allemandes, aux dures conditions de vie avec le troc, le marché noir, mais on accepte de moins en moins cette présence de l’occupant et on outrage alors les policiers. Ces derniers doivent pourtant continuer d’appliquer la loi et de faire régner l’ordre dans une atmosphère de plus en plus lourde. Le quartier des Halles possède donc une mémoire qui lui est véritablement spécifique et qui s’en est allée avec la disparition de ses halles centrales en 1962.

HERMAN Bernard, Les attentats de l’Organisation Armée Secrète (OAS) à Paris et leurs représentations d’avril 1961 à juillet 1962, Maîtrise [Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 2 vol. : 331 p.+ 138 p. d’annexes

Du 22 avril 1961 au 30 juin 1962, cinq cent quinze attentats commis en en région parisienne, dont 70 % dans Paris même, sont attribués à l’OAS. 89 % sont dus à des engins explosifs conçus pour ne pas tuer, mais pour faire des dégâts matériels. On dénombre toutefois dix-sept morts, dont douze Nord-Africains, essentiellement par mitraillages devenus mode d’action préférentiel en fin de période. Ce sont des attentats ciblés contre les formations politiques (et plus particulièrement le PCF à partir de décembre 1961), la communauté nord-africaine, les symboles de l’État, les médias et les militants de la paix en Algérie. Ils sont le fait de réseaux autonomes jusqu’en décembre 1961 puis des Missions II et III de l’OAS d’obédience algérienne jusqu’en juin 1962. Les « plastiqueurs » sont des hommes jeunes. 73 % sont métropolitains, civils en majorité (l 8 % sont des militaires). 74 % ont une formation de parachutiste. Beaucoup sont militants ou sympathisants de l’extrême droite. Leur choix de la violence, dont le but est de renverser le régime, s’explique par leur parcours politique et militaire, les exemples tirés du conflit algérien, la haine de De Gaulle qu’ils accusent de trahison et la croisade qu’ils mènent contre le communisme international. Contre les activistes, le Pouvoir met en jeu sa police, sa justice et son administration. Contre les attentats, collectivités et citoyens organisent leur protection. Contre les objectifs de l’OAS, syndicats, partis politiques et associations de gauche développent des manifestations. Certains sont tentés par le contre-terrorisme, que le PCF refuse, évitant la guerre civile. Les Parisiens, qui jugent les attentats incompréhensibles et intolérables, manifestent en masse leur refus de la violence le 13 février 1962 lors des obsèques des morts de Charonne, signant l’échec de l’OAS. Celle-ci, consciente des effets négatifs de la violence sur l’opinion, tente de forger d’elle-même une représentation valorisante, celle de nouvelle Résistance, dont les sigles, le vocabulaire, l’organisation, les modes d’action, les valeurs, les référents politiques, les symboles ainsi que les ennemis sont comparables à ceux de la première Résistance. Cette représentation ne peut s’imposer face à celles développées par De Gaulle, des criminels et des soldats perdus à visées subversives, et par le parti communiste, une organisation fasciste. C’est cette dernière que retient une importante fraction de l’opinion publique. Cette bataille des représentations, perdue par l’OAS qui entraîne dans sa chute l’extrême droite et le CNIP, est gagnée par De Gaulle qui consolide son pouvoir et le régime, ainsi que par le parti communiste qui sort de son ghetto et fait de la gauche, sous son égide, la seule forme d’opposition réelle au Pouvoir.

HEYDEN Catherine, « Happening » : artistes et contestation en France dans les années 50 et 60, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 2 vol. 218 p.+ annexes

Le mouvement des happenings est un courant artistique qui naît dans les années cinquante, simultanément en Asie, aux États-Unis et en Europe. Après la Seconde Guerre mondiale, l’holocauste et la bombe atomique, cette nouvelle pratique artistique perpétue la remise en cause de l’œuvre d’art et de l’artiste par la mise en situation, la notion d’événement, l’irruption de la vie quotidienne et du réel dans l’art. De ce fourmillement d’idées et de recherches apparaît la nécessité de créer un nouveau langage, seul jugé capable de changer la société. Les années soixante, en Europe et plus particulièrement en France, sont le cadre d’une effervescence sans précédent. La montée de fortes contestations mobilise des artistes de différents pays, pour la plupart nés peu avant ou pendant la Seconde Guerre mondiale. Conscients de l’émergence d’un nouvel ordre mondial, ils inscrivent leurs happenings dans une problématique de réaction au contexte historique de l’époque (guerre d’Algérie, Viêtnam) ainsi qu’à toute forme de censure. Au milieu des années soixante, le mouvement des happenings semble atteindre le sommet de son expression la plus révoltée. En France, les actions et les objectifs proposés ne sont ni étrangers ni dissociables des événements de mai 1968. En ce sens, nous nous sommes attachés à comprendre l’engagement des artistes pratiquant le happening dans la société française des années cinquante et soixante. Nous avons tenté de répondre à la question : le happening peut-il être considéré, ou non, comme un mouvement sinon révolutionnaire, du moins subversif de la société ? Est-il réellement anticipateur de Mai 1968, ce que revendiquent certains auteurs de happenings a posteriori ? Ou bien n’est-il simplement qu’un phénomène social, reflet des préoccupations de la jeunesse de son époque ? Nous traitons ainsi dans une première partie de la naissance et du développement de cette forme d’expression dans le monde de l’art. Puis, dans la seconde partie, nous nous attacherons à mettre en lumière l’évolution du happening qui développe en France, bien qu’essentiellement à Paris, un caractère de plus en plus contestataire, débordant du domaine artistique, et ce jusqu’aux événements de Mai 1968.

JOUTEUX Thomas, Le PS dans la campagne de François Mitterrand en 1981, Maîtrise [Franck Georgi, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 426 p.

En 1981, le Parti socialiste et François Mitterrand abordent l’élection présidentielle et la troisième candidature du leader socialiste dans des conditions bien différentes des précédentes échéances qui conduisent à faire du PS l’élément central du dispositif de campagne de son candidat. En effet, à la faveur de la rupture de l’union de la gauche en 1977, François Mitterrand est amené à n’être pour la première fois que le candidat de sa seule formation politique, ce qui n’est pas sans incidences sur le rôle-clef que le parti dont il a pris la tête dix ans plus tôt est appelé à jouer au cours de la campagne présidentielle, ceci par nécessité, mais aussi par cohérence. Nécessité, car le PS dont François Mitterrand a impulsé la rénovation lui fournit l’infrastructure indispensable en termes de moyens humains et matériels pour mener campagne. Cohérence, car depuis Epinay, et singulièrement depuis le congrès de Metz de 1979 et la montée en puissance de Michel Rocard comme possible présidentiable, toute la stratégie de François Mitterrand a consisté à utiliser son autorité sur le PS pour s’imposer, en plaçant ses lieutenants à la direction nationale ou à la tête des fédérations. La tendance à la personnalisation du débat politique inhérente à l’élection présidentielle serait pourtant de nature à inciter les candidats à se démarquer de la formation politique dont ils sont issus. Cependant, s’il s’agit du choix d’un homme pour exercer la présidence de la République, cette élection n’en demeure pas moins un choix politique, un moment que les socialistes et François Mitterrand considèrent comme propice à la réalisation de l’alternance que la crise économique et le rejet dont est victime le président Valéry Giscard d’Estaing sont de nature à favoriser en 1981. La campagne présidentielle de François Mitterrand est alors également celle d’un parti chargé d’incarner à côté de son candidat l’équipe politique destinée à assurer la relève et à gouverner la France après vingt-trois ans d’opposition. Aussi, l’organisation de la campagne du candidat se fonde-t-elle sur une imbrication avec les structures et les responsables du parti et donc sur une cohérence d’ensemble entre la campagne du PS et celle plus personnelle du candidat. Elle apporte ainsi une réponse originale au problème général posé par la place d’une formation politique dans le cadre de l’élection présidentielle et au contexte politique immédiat de 1981 de désunion de la gauche et de perspective crédible d’alternance. Il s’agit alors de faire apparaître la particularité d’une campagne présidentielle menée à partir d’un parti, d’en étudier les caractéristiques, mais aussi parfois les limites dans la mobilisation du PS au service d’un candidat devant par ailleurs tenir compte de la personnalisation induite par l’élection présidentielle. Pour cela, l’étude de « la mise en ordre de bataille du parti » qui met à la disposition de son candidat toutes ses ressources humaines et matérielles, puis celle de la mobilisation des réseaux socialistes, afin d’élargir l’assise de sa candidature, et enfin celle de la mise en œuvre des méthodes de campagne, qu’elles soient de nature proprement militantes ou davantage marquées par une certaine professionnalisation, sont apparues successivement nécessaires pour comprendre le schéma de construction de l’organisation militante d’une campagne présidentielle qui est celle du PS en 1981 et dont l’aspect alors collectif permet à ces quelques mois de combat électoral couronnés de succès de trouver une place essentielle dans la mémoire militante « réconciliée » du mitterrandisme au sein du Parti socialiste.

LECLERCQ Laurence, L’image de la France, de l’Union soviétique, du Royaume-Uni, et des États-Unis dans les dessins de la presse satirique allemande pendant la période nationale socialiste, 1933-1939, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 244 p.

De 1933 à 1939, le national socialisme n’a de cesse de dénoncer les nations qui le menacent ou le contrarient. Cette dénonciation s’exprime par l’intermédiaire de différents vecteurs de diffusion médiatiques, notamment dans la presse satirique allemande qui survit à la censure et qui accepte de subir le contrôle et les consignes de la chambre de la presse, comme der Kladderadatsch, der Simplicissimus et der Stürmer. Entre 1933 et 1939, ces trois hebdomadaires illustrés proposent des images satiriques des ennemis successifs de l’Allemagne national-socialiste : la France, l’Union soviétique, le Royaume-Uni et les États unis. Ces images satiriques, neutres ou très critiques, à l’égard de ces nations, ont été utilisées comme sources pour dresser le tableau déformé des relations internationales proposé par l’Allemagne à sa population entre 1933 et 1939. La France dans un esprit de revanche et l’Union soviétique pour raisons idéologiques sont les ennemis traditionnels. Ils subissent, au début de la période, les foudres de la presse satirique allemande. Progressivement, ces deux nations disparaissent des caricatures, au profit de la Grande-Bretagne et des États unis. La Grande-Bretagne et les États-unis sont mis en scène progressivement dans les dessins de la presse allemande à partir de 1933, et en 1938-1939 s’y imposent comme les ennemis majeurs de l’Allemagne nationale socialiste. La Grande-Bretagne, qui est perçue par Hitler comme un allié potentiel jusqu’en 1935, subit finalement les attaques graphiques allemandes très virulentes, dès que l’alliance envisagée échoue et que le Royaume-Uni essaie de convaincre les États unis d’intervenir en Europe pour contrer le danger allemand. Les États-Unis, accusés par Hitler d’être « corrompus, par les juifs » et affaiblis économiquement, répondent favorablement aux cris de détresse britanniques, et font l’objet à leur tour de dessins violents dans la presse allemande. L’étude de l’évolution des dessins satiriques dans la presse allemande entre 1933 et 1939 permet de constater que le dessin de presse, œuvre d’art, a été utilisé comme moyen de propagande. La caricature a ainsi permis de valoriser les valeurs culturelles et économiques du régime national-socialiste, au détriment des valeurs des nations ennemies (la société urbaine, le capitalisme), et de dénoncer leurs mœurs dépravées (le luxe, la « futilité » féminine et la corruption de la presse). Ainsi le dessin de presse permet à l’Allemagne de légitimer ses valeurs et ses agissements auprès de sa population.

LEMAIRE Anne, La politique culturelle de Philippe de Villiers : 1978-juin 1987 de la Vendée à l’État, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 229 p.

Créateur, en 1978, du spectacle du Puy du Fou en Vendée, de la première radio régionale libre, Alouette FM et d’une école de communication à Nantes, Philippe de Villiers faisait figure, au début des années 1980, d’entrepreneur culturel local important, et acquit ainsi une certaine reconnaissance. Pourtant en acceptant en mars 1986 un poste de secrétaire d’État auprès du ministre de la Culture et de la Communication, François Léotard, au sein du gouvernement de Jacques Chirac, il ne parvint jamais à s’adapter aux exigences de ses nouvelles fonctions et déclare aujourd’hui avoir fait une grosse erreur. En effet, ses réalisations furent peu nombreuses au regard de tous les projets avortés : de l’action locale à la politique culturelle nationale, le pas ne fut pas franchi aisément. Alors qu’il fut recruté pour ses qualités d’homme de terrain, pourquoi bénéficia-t-il d’une marge de manœuvre en définitive restreinte ? L’entrepreneur culturel était-il incompatible avec le secrétaire d’État ? Par ailleurs, au-delà de ce demi-échec rue de Valois, Villiers mis en place, depuis le Puy du Fou jusqu’à nos jours, une pensée extrêmement cohérente en matière d’action culturelle, fondée sur ses expériences vendéennes et qu’il développa largement en tant que secrétaire d’État. Il s’agit donc de voir comment il s’inscrit de façon originale au sein de ce qu’on appelle les politiques culturelles de droite, dans une perspective critique de l’action de la gauche dans ce domaine, particulièrement infléchie par Lang. « Vendéen de naissance et de cœur » comme il se définit lui-même, énarque et démissionnaire de la fonction préfectorale en 1981, Villiers se vante d’un parcours, il est vrai, peu commun. Pourtant ces années sont essentielles pour comprendre la suite de son action, y compris son passage au ministère, et témoignent d’une grande cohérence de pensée sur l’ensemble de sa carrière. En effet, c’est au cours de cette période qu’il devint « entrepreneur de culture ». Il se fit alors connaître comme un homme de terrain essentiellement, peu préoccupé de politique. Il entretint à cet effet une image volontairement contrastée, nouant des sympathies à droite comme à gauche, et plaçant les valeurs au-dessus des appartenances politiques. Par ailleurs, à travers le Puy du Fou, se mirent en place les éléments originaux d’une future politique culturelle, du moins d’une certaine conception de la culture. La réussite semblait totale. Toutefois, l’image du « saltimbanque » survécut mal à sa nomination au ministère : la gauche qui avait été séduite par son discours volontiers iconoclaste et ses réalisations originales se méfia de lui dès lors qu’il était entré dans un gouvernement de droite, après avoir clamé son désir de rester apolitique. Par ailleurs, la droite classique était rassurée de le voir rentrer dans le rang. On assiste donc à un renversement complet des sympathies en sa faveur. C’est pourquoi il déclara ensuite avoir « aliéné sa différence » en acceptant ce poste. L’arrivée de Villiers au ministère s’inscrit dans un contexte politique nouveau : celui de la première cohabitation, qui perturba alors la vie politique française. Ce système, jugé profondément pervers par Villiers, explique en partie son malaise rue de Valois. De plus, le domaine de la culture ressentait particulièrement les inconvénients de cette situation, puisque Léotard devait succéder à Jack Lang, personnage médiatique, très connu et apprécié du milieu des artistes, et resté proche du président de la République. L’héritage de son action était conséquent en mars 1986, et la question de la rupture ou de la continuité avec ce dernier se posa très vite, cristallisant les premiers désaccords entre Villiers et son ministre : les deux hommes n’entendaient pas gérer la situation de la même façon. Par ailleurs, la situation juridique de Villiers, particulièrement floue, ajouta à ses difficultés : chargé de seconder Léotard sur n’importe quel dossier où il pourrait avoir besoin de lui, il n’avait ni portefeuille ni attribution précise. Si cette imprécision devait lui permettre de faire valoir ses qualités d’entrepreneur indépendant en devenant la « boire à idées du ministère », susceptible de lancer des projets novateurs dans tous les domaines, l’absence de moyens (en particulier financiers) permettant de les réaliser, amputa de moitié l’intérêt de son travail, ce dont il souffrit beaucoup. Villiers réagit extrêmement mal, n’arrivant pas à s’intégrer au sein d’une structure dont il n’était pas maître. Son tempérament peu commode et son indépendance d’esprit y sont donc pour beaucoup dans ces difficultés. Par ailleurs, le reste de l’équipe le confina dans un rôle de représentation du ministère, comme une sorte de doublure de François Léotard, ce dont il ne pouvait se satisfaire. Aussi, quand le 1er juin, la mort de Vincent Ansquer laissa vacant le siège de député de Vendée, Villiers saisit l’occasion. Le « retour vendéen » apparaissait donc comme logique, dans la mesure où il voulait continuer d’agir comme un « entrepreneur de culture », ce que ne permettaient pas ses fonctions de secrétaire d’État. Toutefois, de la Vendée à la rue de Valois, si l’action concrète n’a pu véritablement s’épanouir, le discours est en revanche resté extrêmement cohérent, manifestant une réelle pensée en matière d’action culturelle, clairement orientée à droite, mais proposant une alternative originale aux politiques culturelles de gauche, telles qu’elles avaient été instituées par Malraux et infléchies par Lang. Fondée sur l’expérience de terrain, sa politique culturelle rêvée était assurément hybride, et mêlait une conception traditionaliste de la culture française à la prise en compte des nouvelles technologies et stratégies de communication comme l’avenir du secteur culturel, le tout régi par des principes économiques extrêmement libéraux et une conception minimale du rôle de l’État dans le domaine de la culture. Mais depuis la fréquentation, à la fin des années 1970, des cercles de la Nouvelle Droite, jusqu’à son adhésion à l’Alliance pour une nouvelle culture au début des années 1980 et l’écho de ses discours dans le mouvement de critique libérale de l’action de Lang qui s’amplifia au début des années 1990, Villiers semble avoir tiré des éléments de sa pensée ici ou là, sans pour autant s’inscrire durablement dans aucun de ces mouvements. Là encore, il fit figure de cavalier seul. Il fallut attendre son arrivée au conseil général de Vendée pour que sa pensée soit véritablement relayée par une politique culturelle publique, et pas seulement une action indépendante.

LEVALLOIS-LOMBARDO Julia, Archaïsme et modernité dans le discours politique : la propagande officielle en Basilicate du fascisme à la démocratie chrétienne, Maîtrise [Pascal Ory, Marie-Anne Matard-Bonucci], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 122 p.

Le grand public a découvert la région de la Basilicate par la publication en 1945 du roman de Carlo Lévi, Le Christ s’est arrêté à Éboli (Paris, Gallimard, 1948. Pour la version originale : Cristo si é fermato a Eboli, Roma, Einaudi, 1945). Ce dernier a médiatisé l’image d’une Lucanie isolée et délaissée. L’intérêt de cette recherche est de cerner les représentations construites par la propagande dans cette région du Mezzogiorno, symbole de « l’arriération », du régime fasciste aux premières années de la Démocratie chrétienne, plus précisément : la période allant d’octobre 1922 à juillet 1953. Nous avons travaillé sur l’ensemble des manifestations verbales, orales ou écrites, produites par des organes des régimes, tenues pour significatives d’une idéologie officielle. Nous avons tenté de comprendre l’évolution du caractère de la propagande. Les périodiques de la Basilicate ont été notre source principale. La Basilicate étant une région peu et mal connue, les périodiques régionaux (Italie méridionale) et nationaux traitent très rarement de la Basilicate. Les journaux cinématographiques et les documentaires de l’Institut Luce ont été notre seconde source. Ces productions nationales nous ont offert un traitement différent sur la région. Si l’on ne peut nier qu’il ait existé une opposition politique entre ces gouvernements, nous avons constaté différents types de continuités politiques tant au niveau du personnel politique que des thèmes abordés. Les différents régimes au pouvoir ont prétendu, successivement, résoudre la question méridionale, cependant ils ont abordé le problème d’une manière différente. Il nous a semblé que ce n’était pas tant l’arriération et les problèmes de la région qui avait intéressé le régime fasciste, mais le fait de pouvoir exalter ses propres valeurs. La propagande démocrate-chrétienne en Lucanie nous est apparue comme un écho au livre de Carlo Levi. Le gouvernement voulait montrer qu’il avait initié un mouvement pour « civiliser » cette région, dans laquelle le Christ « n’est jamais venu ».

MANDEL Emmanuelle, La fortune critique de Maurice Béjart 1955-1968, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 219 p.

L’étude de la réception de Maurice Béjart par la critique permet d’une part de s’interroger sur les aspects d’une composante très spécifique du succès du chorégraphe, et de le mettre en relation avec la composante qui provient du public. Elle permet par ailleurs d’observer la façon dont un groupe social, à la fois récepteur et médiateur culturel, la critique chorégraphe, réagit face à un produit culturel à très fort succès et donc très grande publicité : les créations d’un chorégraphe qui déforme la danse académique, emploie des musiques jamais dansées jusque-là, dénude les corps et les décors, mêle les autres arts à la danse et enfin attire les foules. La perception du personnage en lui même présente elle aussi l’intérêt de révéler un système de représentation quant à la place et à l’image du chorégraphe en général. Quelles sont les valeurs esthétiques et morales, les systèmes de référence des journalistes chargés de commenter les spectacles de danse dans la presse française des années 1950-1970 ? Comment accueillent-ils l’audace et l’innovation dans le domaine de la mise en scène de la danse ? Il s’agit aussi de comparer les jugements entre eux et d’interroger la nature du lien entretenu avec le journal qui les publie. Maurice Béjart crée en 1955 Symphonie pour un homme seul, le premier ballet qui le fait exister aux yeux de la critique. Treize ans plus tard, après le Sacre du printemps et Messe pour le temps présent au Festival d’Avignon, il est soutenu à chacune de ses créations par toute un pan de la critique. L’étude du discours de la critique sur l’œuvre nous révèle des valeurs conservatrices profondément ancrées pour une large partie des journalistes, un accueil de la nouveauté souvent très nuancé et prudent, tandis que le discours sur l’homme dévoile une fascination de la critique pour le personnage et l’attribution progressive du statut de vedette à un artiste qui n’est que chorégraphe. L’accueil critique de Béjart c’est l’acceptation et l’adhésion progressive à une danse et un chorégraphe qui remplissent les stades.

MARTEAU Aurélie, Les politiques culturelles de la municipalité de Malakoff de 1935 à 1971, Maîtrise [Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 161 p.

L’étude sur les politiques culturelles de la municipalité de Malakoff entre 1935 et 1977 a pour ambition de dégager le processus qui a conduit la municipalité — à majorité communiste depuis 1925 — à s’intéresser à la culture et à la vie culturelle de la commune, jusqu’à développer une politique spécifique à son égard. Elle cherche à dégager les enjeux de cette politique, ainsi que ses différents initiateurs, et tente d’en évaluer la portée sur une population promue au rang de public. Elle démontre enfin que si les objectifs (liés au départ à des fins de propagande et d’éducation du peuple) que la municipalité cherche à atteindre à travers la mise en place de ces politiques sont globalement atteints, ils sont rapidement dépassés par une conception plus libre et plus créative de la culture, qui s’impose à la municipalité par la présence de plus en plus importante d’acteurs et d’initiateurs de la culture.

MARTINI Aldine, Les carrés militaires de la première guerre mondiale dans les cimetières parisiens, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 112 p.

L’ampleur du premier conflit mondial eut de nombreuses répercussions sur les mentalités du XXe siècle. Le nombre de morts fut tel qu’il incita à une nouvelle approche de la mort du soldat, qui passe du statut de simple militaire mort au combat à celui d’individu héroïque, victime du devoir envers la Patrie. L’importance accordée à la réalisation des cimetières de guerre en est l’expression immédiate. Des premiers grands cimetières établis sur la ligne de Front aux petits carrés militaires des cimetières communaux, tous symbolisèrent la reconnaissance de l’État et de la Nation envers ces hommes. Les débuts de la guerre nécessitèrent la création de ces cimetières en grand nombre. Dans le cas de la capitale en tant que camp retranché, la majeure partie des décès militaires provenait des hôpitaux militaires de Paris vers lesquels étaient rapatriés les blessés du Front. Français ou étrangers, militaires de toutes conditions et même parfois civils, ces défunts bénéficièrent de toute une série de mesures de la part des autorités afin de prendre en charge les funérailles et les frais d’inhumations. Le choix des nécropoles accueillant des sépultures militaires fut déterminé en fonction du lieu de décès des militaires ainsi qu’en fonction des disponibilités de ces dites nécropoles. De ce fait, les grands cimetières parisiens extra-muros furent privilégiés quant à la création de divisions spéciales. Un modèle de nécropole fut établi afin que chacun ait une sépulture décente dans le respect de son individualité, tout en ne négligeant pas la nécessité d’harmonie, où particularismes et antagonismes s’effacent au profit de l’instauration d’un espace de paix. La fin de la guerre ne vit pas s’éteindre cette soudaine prise de conscience. L’Etat, les municipalités, mais aussi les nombreuses associations du souvenir et d’anciens combattants, créées dès la fin des hostilités, s’engagèrent, à plusieurs niveaux, à se faire les acteurs du devoir de mémoire. La perpétuation du souvenir devint primordiale et prit plusieurs formes. De l’organisation des cérémonies de commémoration à l’érection de monuments aux morts, l’après-guerre vit l’émergence d’une véritable religion civile, un culte des morts pour la Patrie. Cette mémoire de la guerre et de ses morts, enterrés loin de chez eux et loin du champ de bataille, reste vivante encore de nos jours grâce à une politique de diffusion de la mémoire et d’entretien des cimetières menée par l’État et ses partenaires.

MÉNAGER Camille, Le quartier de la Salpêtrière à travers les répertoires analytiques de son commissariat entre 1938 et 1943, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Denis Peschanski, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 203 p.

Registre policier où sont consignés les plaintes, déclarations, infractions, et délits constatés dans un quartier de Paris, le répertoire analytique est une source d’étude précieuse pour aborder une période donnée sous l’angle d’une « micro-histoire ». Nous l’avons choisi comme source afin d’étudier le quartier de la Salpêtrière, dans le XIIIe arrondissement, de 1938 à 1943. Nous abordons donc la période qui couvre l’immédiat avant-guerre, la guerre, et la majeure partie de l’Occupation selon une échelle locale, champ encore peu développé dans l’historiographie de ces années, en nous intéressant à l’évolution du comportement de la population face à un quotidien bouleversé. Elle a en effet dû d’abord s’adapter aux mesures de guerre, faire face à la mobilisation et à la défaite, puis s’accommoder de la présence allemande. L’augmentation régulière et importante du nombre de plaintes pour vol nous a permis de voir que les préoccupations majeures des habitants et travailleurs du quartier sont d’ordre matériel. En effet, face à la pénurie, tous les moyens sont bons pour « vivre et survivre », ce qui crée progressivement un climat de méfiance et d’agressivité générales d’autant plus pénible qu’il évolue dans un cadre répressif de plus en plus marqué : en ce qui concerne les communistes, les multiples infractions au décret du 26 septembre 1939 traduisent une répression qui n’apparaît qu’en filigrane en ce qui concerne les juifs. À ces tendances, qui ont été également dégagées au niveau national s’ajoutent des déclarations et enquêtes liées directement aux spécificités du quartier ; ainsi, sa vocation d’assistance et les hôpitaux de la Salpêtrière et de la Pitié qu’il abrite sont à mettre en relation avec la fréquente mention d’enquêtes d’aliénés dans nos répertoires. En nous attachant à citer fréquemment les répertoires tout en confrontant leur contenu aux diverses études faites auparavant sur Paris à la veille de la guerre et sous l’Occupation, et en évitant la compilation proprement dite d’exemples qui nous ont marqués, nous avons donc cherché à dresser un portrait bien particulier du quartier de la Salpêtrière, puisqu’il s’attache à décrire à travers un prisme policier le comportement de sa population pendant les années noires.

MICHEL Vincent, Édouard Berth (1875-1939) : essai de biographie intellectuelle, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 209 p.

Ce travail est la biographie intellectuelle d’un disciple de Georges Sorel (1847-1922), sociologue de la classe ouvrière et théoricien du syndicalisme révolutionnaire : Édouard Berth (1875-1939). Dans ce cadre général, nous avons choisi de retracer sa carrière intellectuelle, en utilisant des sources imprimées (collaboration à différentes revues socialiste et d’extrême droite et 7 ouvrages) et des sources privées (correspondance entre Sorel et Berth). Nous avons mené l’analyse des thèmes de sa production philosophique, en montrant que ses écrits, tout comme son action, témoignent d’un attachement persistant à un socialisme éthique et prolétarien, anti-étatiste et garant de l’autonomie de la classe ouvrière. Berth a tout d’abord reçu l’éducation classique du socialiste des années 1890 : apprentissage de la philosophie allemande (Hegel, Marx, Feuerbach…), étude de l’économie politique anglaise, connaissance du socialisme français (Saint-Simon, Proudhon…). Il s’est ensuite rapidement tourné vers un socialisme mystique, à l’instar de Sorel et de Péguy, et commence à collaborer au Mouvement socialiste dès 1899. De 1899 à 1902-1903, Berth soutient les expériences réformistes d’Alexandre Millerand, dans la mesure où cette politique renforce le statut autonome du prolétariat. De 1903 à 1908, Berth adopte une posture antidémocratique et exhorte les travailleurs à exacerber les conflits de classes. À partir de 1908, Berth s’éloigne de la CGT, bastion du syndicalisme révolutionnaire, et cesse sa collaboration au Mouvement socialiste. Il se rapproche des mouvements royalistes et fonde avec Georges Valois les Cahiers du Cercle Proudhon en 1911. Après cette phase transitoire, il soutient avec enthousiasme le bolchevisme (1922-1925), avant de se rapprocher de la Religion (1935). Recherchant des voies menant à son terme la lutte de classes, Berth se distingue par sa grande versatilité politique, mais n’en reste pas moins un théoricien socialiste, dont le grand mérite est d’avoir étendu les implications théoriques de la pensée sorélienne.

PAMART Marie, La mémoire des fusillés de Vingré, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 129 p.

Dans le hameau de Vingré (Aisne), douze soldats ont été fusillés pendant la Première Guerre mondiale, entre le 10 octobre et le 12 décembre 1914. Alphonse Brosse et Jean Boursaud, du 238e RI, accusés d’abandon de poste en présence de l’ennemi, sont fusillés le 10 octobre 1914 à Ambleny. Henri Jolbert et Émile Guiraud, du 42e RI, sont fusillés le 16 novembre à Vingré, pour le même motif Léonard Leymarie, du 305e RI, accusé d’abandon de poste en présence de l’ennemi pour mutilation volontaire, est fusillé à Fontenoy le 12 décembre 1914. Le même jour, Jean Grataloux, du 238e RI, est fusillé pour abandon de poste à Vingré. Le 4 décembre, vingt-quatre hommes du 298e RI passent en Conseil de guerre, accusés du même motif d’abandon de poste. Six sont passés par les armes_ : Henri Floch, Jean Blanchard, Francisque Durantet, Pierre Gay, Claude Pettelet et Jean Quinault. Des circonstances particulières, liées à la guerre, ont permis aux cours martiales, rétablies sous le nom de « conseils de guerre spéciaux », de condamner, à la hâte, ces hommes. Floch, Blanchard, Durantet, Gay, Pettelet et Quinault, appelés couramment « fusillés de Vingré » ont été réhabilités le 29 janvier 1921 par la Cour de Cassation, grâce à l’action de leurs familles, de Claude Lafloque, des associations d’anciens combattants et de la Ligue des droits de l’homme. Seulement, les officiers, coupables d’avoir fait fusiller des hommes qu’ils savaient innocents, ne sont pas punis lors du conseil de guerre de Clermont-Ferrand, qui se tient en octobre 1922. Ces événements inspirent quelques journalistes et écrivains, tel Andraud, Réau, Yrondy, à écrire sur Vingré et les histoires de fusillés du début de guerre. En ce qui concerne les six autres fusillés, ils n’ont jamais été réhabilités. Ces affaires n’ont pas été oubliées, ni dans les familles, ni dans leurs régions, ni à Vingré. Rencontrant et interviewant les familles de huit des fusillés de Vingré, il m’a été possible de saisir leurs doutes, leurs émotions et leurs peines ; seule la famille de Jean Boursaud ignorait les événements. Certaines ont préféré taire et tenté d’oublier ce triste passé, tandis que chez d’autres, la mémoire de ces hommes n’a jamais cessé de vivre. Outre la mémoire familiale autour des fusillés pour l’exemple, diverses manifestations ont eu lieu dans les années 1920, telle l’inauguration d’un monument des fusillés à Vingré, en 1925. Depuis quelques années, un retour des commémorations à la mémoire des fusillés s’observe, ainsi que la parution d’écrits ou de films ayant pour thème les fusillés pour l’exemple. Ces différentes manifestations de la mémoire des fusillés pour l’exemple ont été reprises par les politiques, tel Lionel Jospin à Craonne, le 5 novembre 1998. De plus en plus souvent, on tend à confondre mutins et fusillés pour l’exemple, alors qu’il existe des différences essentielles, d’ordre, politiques, juridiques et militaires. Peu d’hommes, fusillés pour l’exemple au début de la guerre, ont été réhabilités, alors que les responsables de ces exécutions, eux, n’ont jamais été poursuivis.

PÉGUET-MOLLARD Nicolas, La France dans l’épreuve de la coupe Davis de 1927à 1972 : le parcours de l’équipe nationale et son impact social à travers une étude de la presse écrite française, Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 174 p.

L’idée de consacrer une étude au phénomène de la Coupe Davis en France est venue d’une réflexion : l’épreuve est aujourd’hui considérée comme un événement incontournable du sport français, mais qu’en était-il dans le passé ? La Coupe Davis est créée en 1900 par Dwight Davis, un étudiant et un joueur de tennis américain, afin de promouvoir le tennis dans le monde, car ce sport intéresse peu le grand public. Simple défi entre les États-Unis et la Grande-Bretagne au départ, son nombre de participants augmente rapidement, et la France y fait son entrée en 1904. La particularité de l’épreuve est de proposer une compétition par équipes nationales dans un sport qui est individuel, et ce sur une durée de trois jours. Pour la France, les premières participations sont mitigées : l’équipe ne gagne sa première rencontre qu’en 1919. Dès lors, la victoire de 1927, point de départ de cette étude, est vécue comme une véritable surprise dans le pays. La question est alors de savoir dans quelles conditions la Coupe Davis va progressivement devenir un rendez-vous incontournable du sport français, et la place qu’occupe la France au cours de la période par rapport aux autres équipes. Nous avons choisi de découper cette étude en trois parties, pour nous arrêter au terme de la campagne de 1972. Dans un premier temps, l’épopée vécue par les Mousquetaires devient l’un des événements les plus marquants du sport au XXe siècle, et un succès qui bouleverse le public français. Sa fin marque le début d’une période creuse pour le tennis français jusqu’à la fin des années cinquante, avant que les volontés politiques et fédérales ainsi que de nombreux dirigeants décident de s’adapter aux évolutions de l’épreuve à partir du début des années soixante. Il nous a paru essentiel de nous concentrer pour ce sujet à une étude de la presse française : il s’agit en effet du média qui, sur toute la période étudiée, a le plus d’écho dans un lectorat large. Le développement de la radio et de la télévision s’y greffe progressivement, mais l’outil journalistique reste la principale source d’information de toutes les couches de la population. De plus, on observe des changements, au cours de la période, dans le traitement des informations liées aux rencontres de l’équipe de France en Coupe Davis. Au strict compte-rendu des rencontres succèdent peu à peu une approche analytique de cette épreuve sportive par la presse écrite, mettant en avant les difficultés et les atouts de l’équipe de France.

PERRIN Anne-Cécile, L’émission radiophonique Le masque et la plume de Michel Polac et François-Régis Bastide à Jérôme Garein (1954 -…) : une tribune de critiques des lettres, du théâtre et du cinéma, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 3 vol. 202 p.

En 1955 naît Le Masque et la Plume, tribune de critiques des lettres et du théâtre, dans le cadre du Club d’Essai, situé au 37, rue de l’Université à Paris. Le 31 octobre 1954, Michel Polac âgé de 17 ans, crée Pour l’amour du théâtre, enregistrée au théâtre des Noctambules. À la même période, François-Régis Bastide anime une émission littéraire qui se nomme Une idée pour une autre. Ces deux émissions durent jusqu’au 29 juin 1955 et sont la préfiguration de ce qui deviendra quelques mois plus tard Le Masque et la Plume. Cette tribune de critiques, qui porte un jugement sur des œuvres littéraires ou artistiques, regroupe des critiques prestigieux issus de la presse écrite et se réunit deux fois par mois, en public, au théâtre des Noctambules. Elle est très polémique, les producteurs orchestrent des débats passionnés entre les différents participants et le public est vivement invité à réagir aux propos de la tribune. À partir de 1957, le cinéma est rajouté à la tribune et l’émission est diffusée sur France Inter. C’est le début d’un succès sans précédent. La tribune rassemble des critiques prestigieux issus de la presse écrite, va de place en place et se produit dans différents théâtres. Surtout, ses polémiques et ses duels acharnés entre Jean-Louis Bory et Georges Charensol ou Pierre Marcabru et Gilles Sandier font d’elle une émission à succès. Les années 1960 sont une période très riche pour la tribune. Les critiques se trouvent confrontés à une richesse culturelle sans précédent : jeune théâtre, Nouveau Roman, Nouvelle Vague. C’est aussi à cette époque qu’est signé me « manifeste des 121 » en faveur du droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie. Quels sont leurs choix et de quelle façon s’engagent-ils dans ces événements culturels et politiques ? Mai 1968 bouleverse la tribune. Les sujets traités et le ton employé ne sont plus les mêmes. Michel Polac quitte l’émission. À partir des années 1970, François-Régis Bastide apporte quelques changements, le public et les polémiques sont moins mis en valeur, il intègre des personnages nouveaux. Arrivent les années 1980, l’élection de François Mitterrand et l’explosion de la bande FM. Pierre Bouteiller succède à François-Régis Bastide et reste à la tribune pendant sept ans. Il apporte beaucoup de nouveautés. C’est enfin Jérôme Garcin qui prend sa suite en 1989. Ce dernier n’a de cesse de vouloir retrouver les valeurs du Masque d’antan. Il est toujours à la tête de la tribune actuellement apprécie particulièrement ce rôle. Le Masque et la Plume existe donc depuis 48 ans et connaît un succès phénoménal, par sa liberté de ton, son humour grinçant, ses polémiques et son statut de plus ancienne émission radiophonique diffusée sur France Inter.

PICARD Camille, La femme et le vêtement dans les Trois Suisses : du premier catalogue généraliste au catalogue en ligne (1960-1996), Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 2 vol. : 144 p. ; 162 p.

Le catalogue de vente par correspondance, support de communication de masse par définition, est un terrain resté inexploré par les recherches historiques. Les photographies qu’il renferme ont pour but de convoquer les sens : montrer, faire ressentir un matériau, et surtout faire désirer l’article, physiquement absent. Pour ces raisons, et parce qu’il mise sur les horizons d’attente des consommateurs, le catalogue de vente par correspondance, illustré ici par les 3 Suisses reflète avec acuité les représentations sociales. Son étude est ici limitée aux seules rubriques féminines (vêtements de jour, de nuit et sous-vêtements), qui occupent la première place dans le catalogue. À travers elles, il s’agit de voir quelles femmes sont mises en scène et quels univers sont proposés à une clientèle que l’on peut estimer correspondre à la France entière puisque plus de la moitié des foyers sont dits vépécistes. À partir de la deuxième moitié des années 1980, les 3 Suisses se sont appliqués à suivre l’air du temps, à rajeunir l’image de la vente par correspondance. Surtout, ils renoncent au classicisme et à la pudeur de mise pendant les décennies précédentes

RAGUIN Vincent, Le PCF dans le département de la Seine vu par la préfecture de police (septembre 1940-mai 1942), Maîtrise [Claire Andrieu, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 157 p.

L’entrée des troupes allemandes à Paris le 14 juin 1940 ouvre une nouvelle ère dans le domaine de la répression anticommuniste. Le virage pris par la politique répressive dans le département de la Seine est pourtant moins net que ce que l’on a pu croire. En effet, la Troisième République finissante avait déjà pris les mesures les plus sévères contre le PCF jusqu’à la dissolution de ce parti le 26 septembre 1939. D’autre part, l’idéologie antimarxiste n’a pas attendu les armées de la Wehrmacht pour se développer, mais trouve sa source dans l’Entre-deux-guerres. Les rapports de la Préfecture de police permettent ainsi de dégager les grands axes du discours policier pendant les premières années de l’Occupation. Tous les thèmes développés font écho au discours anticommuniste tenu par la droite durant les années 1930 : le PCF est ainsi un parti fondamentalement antinational, totalement inféodé aux ordres de Moscou et dont la stratégie consiste à exacerber les tensions sociales en vue d’établir une dictature de type soviétique. Le discours préfectoral fait ici preuve d’une remarquable continuité. Le revirement stratégique profond pris par le PCF suite à l’invasion de l’URSS par Hitler ne se répercute que faiblement sur l’analyse faite par la police parisienne. Pour cette dernière, l’objectif du PCF reste le même, à ceci près que la révolution socialiste passe désormais par une pseudo libération nationale. Si les rapports de police sont riches d’informations sur la stratégie prêtée au PCF, ils sont également très instructifs quant à l’action développée par les militants communistes dans le département de la Seine. Bien sûr, la prudence doit être de mise face à une administration chargée du maintien de l’ordre, mais, si l’on s’entoure des précautions nécessaires, de nombreux enseignements sont à tirer des rapports du Préfet de police, notamment sur la répartition géographique des diverses formes d’action (propagande, manifestations de « ménagères », sabotages, attentats…). Malgré tous les efforts et les sacrifices des militants communistes, force est de constater que, jusqu’en mai 1942, c’est bien la répression qui mène le jeu. Les nouvelles conditions offertes par l’Occupation, l’état d’esprit régnant au sein de l’ensemble du corps policier parisien permettent en effet de mettre en place une véritable machine de guerre contre le PCF. Entre juillet 1940 et mai 1942, les forces de police ont procédé à plus de 2800 arrestations et à près de 1750 internements administratifs sur des communistes dans le département de la Seine. Doit-on pour autant conclure à un échec du combat mené par les communistes ? Les rapports de la Préfecture de police nous invitent à analyser l’action du PCF sous l’angle de ses retombées sur l’opinion publique parisienne. Or, les études récentes tendent à considérer l’automne-hiver 1942 comme le moment où les Parisiens commencent à se retourner suite à l’aggravation de la répression. Durant les deux premières années de l’Occupation, le PCF a ainsi payé un tribut très lourd face à une police motivée et efficace, mais son action paraît donner ses premiers fruits par l’évolution, partielle et complexe, de l’opinion publique parisienne.

RAPP Clarisse, Federico Fellini, de main de maître : la construction d’une image publique 1950-1993, Maîtrise [Pascal Ory, Christian-Marc Bosséno], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 282 p.

Le 29 mars 1993, Federico Fellini recevait son cinquième Oscar : la statuette, qui consacrait l’ensemble de sa carrière, venait s’ajouter à quatre Oscars du meilleur film étranger pour La Strada (1954), Les Nuits de Cabiria (Le notti di Cabiria, 1957), Huit et demi (Otto e mezzo, 1963) et Amarcord (1973). Sortant de la cérémonie, entouré de Giulietta Masina et de Marcello Mastroianni, considéré comme son alter ego à l’écran il se retrouva au beau milieu d’une foule de célébrités assaillies par des hordes de photographes, de cameramen et de journalistes. La scène n’aurait pas détonné dans La Dolce vita (1960), qui offrait un panorama de la jet-society des années cinquante traquée par les futurs paparazzi. Cette étude observe comment Fellini, alors qu’il revendiquait le côté artisanal de son métier, s’est laissé présenter comme un artiste, un auteur. Le mythe Fellini naît en 1954 avec la sortie sur les écrans de La Strada. Si le film suscite en Italie des débats polémiques, il reçoit en France un accueil dithyrambique. Après 1956, celui qui n’est encore qu’un cinéaste de renom accède au rang de star internationale. La Dolce vita permet à Fellini d’être unanimement reconnu en Italie et lui vaut le titre Il Maestro. Mais le film-phare de sa carrière est Huit et demi qui installe définitivement l’image du créateur, du cinéaste par antonomase. Le projet d’évoquer la carrière de Fellini répond à la volonté de comprendre comment l’image d’un artiste se construit socialement. Homme de spectacle, le metteur en scène se définissait lui-même comme un marionnettiste, un Monsieur Loyal et un inventeur. Enclin à fabuler sur sa propre vie, il s’est surtout imposé tout au long de sa carrière comme un conteur hors pair — les nombreux journalistes qui l’ont interviewé à Cinecittà ne le démentiraient pas. À travers cette étude transparaît ainsi le rôle des médiateurs et des vecteurs de diffusion d’une réputation, ainsi que l’originalité du cas de Federico Fellini qui consiste en sa « disponibilité ». Par amour du spectacle, il s’est créé un personnage qu’il a interprété devant comme derrière la caméra.

RIPOULL Galdric, Banlieues bleues : historique, programmation et prospection d’un festival de jazz en Seine-Saint-Denis (1979-2000), Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 217 p.

C’est le 10 décembre 1979 que se créer l’Association de Gestion des Festivals et Manifestations Culturelles Intercommunaux de la Région d’Aulnay (AGFMCIRA), chargée d’organiser un festival de jazz intitulé « Jazz en Aulnoye ». Les quatre municipalités communistes de Seine-Saint-Denis qui sont à l’origine de cette initiative, imprègnent fortement la manifestation de leur éthique politique. En effet, Jazz en Aulonoye cherche à démocratiser son public. De plus, la programmation fait une place particulière aux musiciens novateurs. Entre 1980 et 1983, Jazz en Aulnoye se déroule de façon continue et croissante. En 1984, il laisse sa place à un nouveau festival de jazz du nom de « Banlieues Bleues ». C’est Bernard Vergnaud, maire communiste de Sevran, qui est à l’origine de ce changement, quand il voit que d’autres municipalités souhaitent participer. Ainsi treize villes du département collaborent au festival dont Jacques Pornon prend la tête. Cette nouvelle échelle se ressent dans le budget de l’association, sa publicité, mais aussi sa programmation. Si Banlieues Bleues connaît des débuts difficiles, il franchit une étape décisive en 1989, accédant à la reconnaissance médiatique. À partir de cette date, le festival se stabilise et accentue ses objectifs originaires de Jazz en Aulnoye. Ainsi la programmation fait une place croissante à la découverte. D’autre part, pour élargir son public l’association développe considérablement à partir de 1990 ses actions musicales. Un travail qui l’entraîne sur le terrain social pour mettre en relation artistes et Dionysiens. À la fin des années quatre-vingt-dix, Banlieues Bleues paraît être solidement implanté dans son département, mais surtout dans l’horizon culturel national. Cela se remarque à la diffusion de son modèle auprès d’autres festivals de jazz en France, et aussi à sa place européenne. Cette histoire est aussi celle d’une évolution de la programmation et de la prospection du festival de jazz qui le caractérisent fortement. Au fil des années, l’innovation, les créations et la découverte occupent une place dans le programme. La prospection quant à elle évolue également. Si durant les premiers temps Banlieues Bleues à besoin d’une publicité abondante, elle diminue alors qu’augmente le travail des actions musicales davantage consacrées à la conquête d’un public jeune et dionysien. Au final, l’histoire de ce festival est riche pour deux grandes raisons. D’une part, elle offre un modèle intéressant pour ses liens avec le social, le politique, et son lieu géographique. D’autre part, Banlieues Bleues est un festival qui a joué un rôle important dans le paysage français des festivals de jazz.

ROLLIN Nicole, Gustave Mesureur Directeur de l’Assistance Publique, 1902-1920, Maîtrise [Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 145 p.

Ce mémoire de maîtrise aborde la carrière de Gustave Mesureur, qui à l’issue d’une carrière politique devient en 1902 directeur de l’Assistance publique de Paris. D’origine sociale modeste, dessinateur en broderie, il s’engage très jeune dans la franc-maçonnerie dont il adopte les idées morales et politiques. Conseiller municipal du deuxième arrondissement de Paris à l’âge de 34 ans, il devient député, ministre dans le cabinet Léon Bourgeois pendant un an de 1895 à 1896 et retrouve ensuite son poste de député jusqu’en 1902. L’action de Gustave Mesureur modifie sensiblement l’administration dont il a la charge. Le statut du personnel est transformé, la formation est améliorée par la création d’écoles d’infirmières hospitalières et la laïcisation des hôpitaux achevée. Il a contribué à la création d’un véritable service d’archives et à l’extension des bibliothèques qui avaient été négligées par ses prédécesseurs. Lorsqu’éclate la guerre de 1914-1918, Gustave Mesureur organise l’Assistance publique pour faire face aux tâches nouvelles qui lui incombent puis, deux ans après la fin du conflit, se retire.

ROQUETTE-BUISSON Jean de, La carrière politique de René Coty avant la présidence de la République, Maîtrise [Claude Pennetier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 196 p.

Le destin de René Coty est bien différent de celui des autres hommes politiques français. Entré dans l’histoire par hasard, le jour de son élection surprise à la Présidence de la République le 23 décembre 1953, il reste l’un des hommes les plus méconnus dans l’historiographie. Sa carrière politique a commencé un demi-siècle plus tôt en Seine-Inférieure, elle s’est construite sur le terrain où il a gravi un à un tous les échelons. Conseiller d’arrondissement à vingt-cinq ans, conseiller municipal à vingt-six ans, conseiller général à trente-sept ans, député à quarante et un ans, sénateur à cinquante-trois ans et président à soixante et onze ans : René Coty est resté disponible pour ses électeurs et a su attendre son heure. Son parcours est celui d’un républicain issu de la petite bourgeoisie locale havraise, attaché aux valeurs traditionnelles de la famille et ayant réussi par son seul talent et par ses convictions. L’historiographie perçoit à la fois la carrière d’un avocat et d’un homme politique. Les initiatives prises par l’élu de Seine-Inférieure sont indissociables de sa formation en droit. L’avocat se montre attaché au respect de la loi, aux droits et aux devoirs des citoyens et à la hiérarchie au sein d’une équipe. L’homme politique est plus pragmatique qu’idéologue. Resté extérieur aux formations politiques, il a su se faire une place au sein de leurs groupes parlementaires. Néanmoins, bien qu’évoluant sur l’échiquier politique de la gauche vers le centre droit, René Coty est apparu comme un indépendant. Son accession à la magistrature suprême s’explique par le fait qu’il entretenait des liens avec des hommes politiques de tout bord, ce qui le faisait ainsi apparaître comme un homme providentiel. L’historiographie retient enfin de la personne de René Coty un homme foncièrement droit, honnête et aimant les Français de toute condition sociale. Cependant, sa personnalité reste difficile à cerner puisque René Coty s’est montré discret durant toute sa vie, autant sur ses activités que sur sa vie privée : à part des cahiers personnels à caractère privé, il n’a pas rédigé de mémoires. Le futur président de la IVe République est un homme politique local ayant acquis progressivement une dimension nationale, un républicain mêlant juridisme et politique : un serviteur de la République, de la France… et des Havrais.

ROZEIRA DE MARlZ E CASTRO Frédéric, Le mythe du bon dictateur : perception du Portugal de Salazar dans les milieux intellectuels français d’extrême droite 1928-1945, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 123 p.

Salazar (1889-1970) est le seul homme politique portugais à avoir attiré l’attention à l’étranger après Pombal deux siècles plus tôt. Installé aux affaires en 1928, il incarne l’Estado Novo, cas unique de longévité politique en Europe. En ces années tournantes pour les intellectuels français, le Portugal a pu incarner une troisième voie. L’étude de sources françaises (ouvrages de la période relatifs au Portugal et magazines : L’Illustration, Je Suis Partout, Gringoire) permet de reconstruire l’imaginaire de ces intellectuels. Souvent issus des cercles maurrassiens, ils manifestent un refus violent des principes de 1789. Le Portugal fait figure de pays de cocagne, à l’écart des turbulences d’un Occident qui redoute son déclin. Le pays est représenté de façon médiocre par les vecteurs français. Les descriptions font la part belle à l’exotisme. Elles permettent aussi de donner forme à plusieurs mythes. L’époque des Découvertes illustre l’obsession de l’âge d’or. Salazar incarne le sauveur et le fiscaliste. Souvent associé à des qualificatifs de pureté et de clarté, il est le vainqueur du complot maçon et communiste. La dictature portugaise fait l’unanimité, mais pour des raisons variées. Son respect des valeurs chrétiennes réjouit les traditionalistes. Le régime corporatif et les organisations à caractère totalitaire (telles que la Jeunesse Portugaise, MP) intéressent les diverses familles de la droite extrême. Le régime de Vichy est l’occasion de passer de l’influence idéologique aux réalisations concrètes. S’ils s’intéressent parfois à la Constitution portugaise de 1933 qui instaure une « République unitaire et corporative », les intellectuels d’extrême-droite soulignent l’inachèvement des réformes, l’impossibilité de les transposer en France et le manque de charisme de Salazar. La perception du Portugal de Salazar de 1928 à 1945 ne sort que rarement du cadre décevant des récits hagiographiques. Les intellectuels français d’extrême-droite font figure de voyageurs candides, égarés par l’exotisme d’un pays archaïque.

SAINT-GÉRAND Léonore de, Quand la sécurité routière fait sa pub. Les spots télévisés des campagnes de sécurité routière (1973-2002), Maîtrise [Pascal Ory-Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 212 p.

Apparus sur les écrans télévisés en 1973, alors que la mortalité routière atteint des sommets (on compte plus de 16 500 tués sur la route en 1972), les spots de sécurité routière ont connu de véritables évolutions en trente années d’existence. Si leur forme est globalement restée la même (à savoir des spots en couleur de trente à quarante-cinq secondes avec slogan final, diffusés au sein des écrans publicitaires), leurs contenus, mais surtout le volume de leur production ont subi des changements. L’ampleur du fléau est telle au début des années soixante-dix que des moyens considérables sont alloués à la communication : en témoigne le nombre élevé de campagnes télévisées réalisées entre 1973 et 1981 (trois en moyenne par an), ainsi que le nombre de spots qui composent chacune d’entre elles (jusqu’à cinq différents pour une même campagne). Le contenu de cette communication s’attache à donner des conseils précis en sécurité routière, essentiellement sur les trois thèmes majeurs que sont la vitesse, la ceinture et l’alcool au volant. La représentation visuelle de l’accident de la route dans les spots se veut non violente, pour ne pas choquer : d’où le recours à des métaphores visuelles pour figurer le drame routier. Une première évolution se fait sentir au milieu des années quatre-vingt : les conseils précis de sécurité routière sont abandonnés au profit d’un discours généraliste sur le civisme au volant, le partage de la route, la responsabilité de chacun sur la route… Les mises en scène, toujours très métaphoriques, et non violentes, sont plus soignées qu’auparavant (des réalisateurs comme Jean-Jacques Beneix et Raymond Depardon sont mis à contribution). Enfin, une rupture se produit en 1999 : suite à l’aggravation de l’insécurité routière en 1998, les responsables de la communication décident de faire réagir les usagers en adoptant le ton du parler-vrai. Désormais, les violences physiques et morales provoquées par les accidents sont mises en scène dans les films de manière beaucoup plus réelle, donc beaucoup plus choquante. Entre temps, les budgets de la communication de sécurité routière n’ont pas été réajustés, ce qui a eu pour conséquence une réduction sensible du nombre de campagnes et de spots produits par an. Le paysage audiovisuel français a lui aussi beaucoup évolué : si les spots de la décennie soixante-dix bénéficiaient d’une bonne visibilité (les annonceurs utilisant la télévision étaient peu nombreux), ceux des années quatre-vingt-dix, noyés dans des écrans publicitaires de plus en plus longs, se sont faits très discrets. La question qui se pose enfin est celle de l’efficacité des spots de sécurité routière : il semblerait qu’on ne puisse mesurer précisément leurs effets réels sur la réduction du nombre d’accidents (les études et post-tests réalisés après les campagnes permettent de savoir si les spots ont été appréciés, mais non s’ils ont eu une influence sur la modification des comportements routiers). L’efficacité de cette communication télévisée est donc à rechercher ailleurs : elle constitue tout d’abord une sorte de contre-discours au discours dominant sur l’automobile (objet de plaisir, de vitesse, de puissance) ; par le biais de la télévision, elles diffusent des messages de sécurité visant à modifier la représentation culturelle et sociale de la route, qui est encore vécue par de nombreux usagers comme un espace privé où l’autre gêne. Elles permettent également de préparer l’opinion publique, pour que, le temps venu, telle mesure législative soit plus facilement acceptée et donc mieux respectée. Elles constituent aussi un pendant positif — et valorisant pour l’État — au système répressif du contrôle sanction.  

SCHOREISZ Stéphanie, Le quartier de Saint-Germain-des-Prés pendant l’Occupation, à travers les répertoires analytiques, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Denis Peschanski, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 190 p.

La vie quotidienne du quartier de Saint-Germain-des-Prés de 1939 à 1945 consiste dans l’étude des habitudes de vie et dans leur évolution sur un fond de défaite, d’Occupation et de Libération. Sur cette période, elle subit des bouleversements importants. L’archive nécessaire à cette étude est l’ensemble des dépositions des répertoires analytiques de la période. Il s’agit d’une source policière rédigée par les agents de police à leur retour de tournée. Dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, les habitants regroupés autour de l’abbaye, qui donne son origine au quartier, reçoivent l’annonce de l’entrée en guerre comme un véritable choc. Les hommes sont mobilisés tandis que les femmes tentent tant bien que mal de subsister. La défaite de l’armée française affole la population germanopratine qui décide de fuir et de s’engager sur les chemins de l’exode où les règles de vie et le respect d’autrui n’existent plus ; le nombre de vols et de pillages en est significatif. Les Allemands entrent dans la capitale le 14 juin 1940 et leur présence dans le quartier se fait immédiatement sentir : ils imposent, dès leur arrivée, un couvre-feu et un ensemble de règles soumettant les occupés, ils pillent les magasins et réquisitionnent les hôtels du quartier pour s’y loger. Paris et ses quartiers aux mains d’un pilleur se vident petit à petit de ses ressources alimentaires. Pénurie et privations sont quotidiennes. Tout vient à manquer : nourriture, vêtements, charbon. Face à cette pénurie, des ripostes sont établies comme le troc et l’envoi de colis familiaux, que les paysans envoient aux citadins pour compléter leur nourriture journalière. Cependant, ce manque de tout amène un bouleversement des comportements et des mentalités. La fraude, le vol sont monnaie courante. Dans ces temps de misère, l’honnêteté et la moralité sont sérieusement affectées. D’autre part, les services de police sont les exécutants dociles des mesures de répression édictées par l’Occupant. Cette collaboration est de plus en plus mal perçue par les habitants du quartier qui assistent impuissants aux rafles et traques des communistes et des Israélites du quartier. Certains décident de réagir et par des gestes symboliques marquent leur opposition à la présence de l’Occupant dans le quartier. Croix de Lorraine, tracts puis attentats se multiplient dans Saint-Germain-des-Prés. L’aboutissement final en est la libération du quartier par les hommes de la résistance, aidés des services de police français et des populations. Le quartier profite de sa liberté retrouvée, mais les exactions commises pendant l’Occupation par ceux qui ont pactisé avec les Allemands sont dénoncées et leurs auteurs arrêtés. Une véritable furie s’empare des habitants du quartier à l’encontre de ces « collaborateurs ». Avec la Libération, Saint-Germain-des-Prés « accueillent » de nouveaux « occupants » : les Américains commettent des délits et des abus dans le quartier : vols, agressions et marché noir. Un autre phénomène lié à la Libération est une véritable soif de vivre de la jeunesse qui a vécu cette difficile période d’Occupation. Saint-Germain-des-Prés devient le lieu de rendez-vous de ces jeunes qui se réunissent dans ses caves, devenues des bars. Jazz et fureur de vivre sont désormais les maîtres mots de Saint-Germain-des-Prés.

SÉVÉRINI Orsola, Étude comparative du vocabulaire du PCF et du PC [en 1947 à travers les éditoriaux de l’Humanité et de l’Unita, Maîtrise [Denis Peschanski, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 151 p.

L’objet de cette étude n’est pas de comparer les stratégies du PCF et de son homologue italien, mais d’étudier les évolutions, les similitudes et les dissemblances du vocabulaire qu’ils emploient. Plus précisément, il s’agit ici d’étudier le discours des deux partis communistes tel qu’il apparaît dans les deux journaux officiels de chaque parti. En effet, les sous-titres de l’Humanité et de l’Unità sont « organe central du Parti Communiste Français » d’une part, et « Organo del Partito Comunista Italiano » d’autre part. Il s’agit donc de bien plus que de journaux d’opinion, mais de véritables porte-parole de leur parti, où s’exprime la ligne politique de celui-ci ainsi que sa position sur les différentes questions d’actualité. Ce rapport à l’actualité est d’autant plus important qu’il s’agit de quotidiens. Nous verrons d’ailleurs que les journalistes sont des membres dirigeants de leur parti, parfois très influents. Il faut aussi tenir compte du fait que le discours communiste, tel qu’il apparaît dans L’Humanité et l’Unità, est un discours public, destiné aux membres et aux sympathisants du parti. Par conséquent, si cette étude peut mettre en lumière des éléments de la stratégie des deux partis, il ne pourra s’agir que d’éléments que le parti veut délibérément faire transparaître. Les différentes études des archives soviétiques et des partis communistes qui se sont multipliées à partir des années 1990 ont montré que le discours interne communiste peut parfois s’opposer diamétralement à son discours public. Parmi les nombreux articles qui composent les deux publications, j’ai choisi d’étudier l’éditorial. Un éditorial est un article où s’exprime la position prise par la rédaction du journal sur les différents sujets d’actualité. On peut donc le différencier des autres articles, car il ne se contente pas de relater ou de décrire un événement, mais il apporte une réelle réflexion et un point de vue sur le sujet en question. Même si dans le cas de l’Humanité et de l’Unità, il est plus difficile de distinguer l’éditorial des autres articles, qui expriment tous le point de vue communiste, celui qui ressemble le plus à la définition d’éditorial se situe à la première colonne à la gauche de la Une dans les deux cas. L’année 1947 est souvent présentée comme une année charnière au cours de laquelle les deux grands vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale basculent de l’alliance à l’affrontement qui se traduit par la guerre froide. En effet, de l’échec de la conférence de Moscou en mars à la naissance du Kominform en septembre, en passant par le plan Marshall, la situation internationale est de plus en plus tendue. La formation de deux blocs comprenant chacun son aire d’influence se précise. Il est cependant difficile de donner une date précise à ce tournant, le débat historiographique étant encore ouvert à ce sujet. Cette évolution a des répercussions au niveau national au centre desquelles les partis communistes jouent forcément un rôle majeur. Leur position est plus facile et plus claire en Europe orientale, mais il en va autrement dans les pays, comme la France et l’Italie, qui ont été libérés par les forces anglo-américaines. Si nous avons choisi de nous intéresser au PCI et au PCF, c’est que les deux partis connaissent des parcours semblables de part et d’autre des Alpes. En effet en janvier ils sont tous deux au gouvernement, ayant reçu plus de 20 % des suffrages, et forment une alliance tripartite avec le parti socialiste et le MRP en France, et la Démocratie Chrétienne en Italie. En mai, ils sont tous deux exclus de leur gouvernement respectif et, enfin, ce sont les deux seuls partis communistes de l’Europe occidentale à participer à la conférence constitutive du Kominform en septembre. De même, leur stratégie, fortement dépendante de Moscou est très proche. Plusieurs historiens se sont demandé les raisons pour lesquelles ces deux partis étaient si importants dans des pays libérés par les Alliés. Marc Lazar estime que ceci est dû au rôle que la Résistance a joué en France comme en Italie et au fait que dans les deux cas il y a eu une refondation de l’État à la suite du conflit. Cependant, si de nombreux éléments permettent de rapprocher le PCI et le PCF en 1947, il ne faut pas pour autant faire abstraction des nombreuses dissemblances. En effet, la France est du côté des vainqueurs et dispose à ce titre d’une zone d’occupation en Allemagne et d’un siège permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unies, alors que l’Italie se situe du côté des vaincus au même titre que les autres anciens alliés de l’Allemagne nazie. De plus, si certes, il y a eu refondation de l’État dans les deux cas, pour la toute jeune République italienne, il s’agit d’un véritable apprentissage démocratique après vingt ans de régime fasciste. Alors que, bien qu’ébranlée par le régime de Vichy, la République française dispose de bases bien plus solides. De même, certains aspects sont propres à chaque pays : la France dispose d’un Empire colonial alors que ce n’est pas le cas en Italie ; le poids de l’Église catholique et du Vatican est très fort en Italie alors que la France est beaucoup plus laïque ; en outre, les disparités sociales sont beaucoup plus fortes en Italie qu’en France. En ce qui concerne les partis communistes, le PCF a déjà fait partie d’une coalition gouvernementale (bien que n’ayant pas directement participé au gouvernement) en 1936, alors que pour le PCI il s’agit d’une grande première. De même, les rapports avec les autres formations politiques ne sont pas les mêmes, en particulier en ce qui concerne le parti socialiste. Du point de vue bibliographique, outre la grande quantité de travaux consacrés au communisme, il existe plusieurs ouvrages mettant en parallèle le PCI et le PCF dans la période qui nous intéresse ici. On peut notamment citer du côté français, Maisons Rouges de Marc Lazar et, du côté italien, le livre de Elena Aga-Rossi et Giacomo Quagliarello, l’Altra faccia della luna. De même qu’il existe une importante bibliographie consacrée à l’année 1947, en tant que commencement de la guerre froide. Enfin, Denis Peschanski, dans Et pourtant ils tournent, effectue une analyse du vocabulaire du PCF à travers les éditoriaux de l’Humanité, mais pour la période 1934-1936. Mais il n’existe à notre connaissance, aucune étude qui, rassemblant ces différents éléments, mette en parallèle le vocabulaire de l’Humanité et de l’Unità.

VERNET Emelyne, Représentation d’un mythe : Napoléon à travers le cinéma et la télévision française, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 160 p.

L’effigie de Napoléon a suivi l’histoire du cinéma et de la télévision qui l’ont, dès leur début, représenté et continuent encore aujourd’hui. Indémodable, indétrônable pour certains, il inspira Abel Gance et Sacha Guitry, donna à Christian Clavier son premier grand rôle dramatique, servit les ambitions culturelles et commerciales des chaînes publiques. Les films s’inspirent de l’histoire, d’événements ou d’anecdotes de la vie de l’Empereur, exaltant l’homme en majesté ou le rendant le plus familier et simple possible. L’image animée faisait vivre les tableaux d’autrefois offrant à Napoléon de nouveaux moyens de représentation, parfois une nouvelle propagande.

WILLAUME Marie, La Semaine, Taure la vie et Actu : la presse populaire illustrée collaborationniste (1940-1944), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2003, 263 p.

Cette étude a pour objet trois magazines populaires illustrés au service de la collaboration qui paraissent en France pendant l’Occupation : La Semaine (17 juillet 1940 – 8 juin 1944), Toute la vie (7 août 1941-10 août 1944) et Actu (3 mai 1942-13 août 1944). Ils ont été créés pour soutenir la politique de rapprochement franco-allemand par des collaborationnistes convaincus. Leurs directeurs respectifs sont Guy Bunau-Varilla, Jean Luchaire et Philibert Géraud. Dirigés et réalisés par des équipes françaises, ces hebdomadaires sont cependant sous le contrôle étroit des institutions allemandes chargées de la propagande en France occupée. Toute la vie et Actu sont deux des nombreuses publications contrôlées par le trust Hibbelen, le groupe de presse de l’ambassade. Reprenant les formules de la presse magazine illustrée des années trente, ces publications représentent une voie d’accès originale à la culture collaborationniste. Loin d’être exclusivement politique, leur contenu rédactionnel est d’une grande diversité : il mêle mondanités parisiennes, actualités militaires et diplomatiques, divertissements et articles célébrant la « renaissance » de la France. Cette recherche s’intéresse également à la structure formelle de ces médias qui se distingue par sa modernité et sa richesse iconographique. Ces trois titres véhiculent les valeurs de la Révolution nationale, mais également l’idéologie européenne. La dimension nationale du discours vise à susciter l’illusion d’une souveraineté française et à mobiliser les énergies dans l’instauration de l’ordre nouveau, d’une part, et à démontrer la nécessité de la collaboration, d’autre part. La dimension européenne insiste de façon manichéenne sur la légitimité du combat mené par le Reich contre des ennemis qui menacent la civilisation. L’édification de l’Europe nouvelle apparaît comme l’horizon pacifié de cette lutte et comme l’avenir de la France. Il s’agit de poser la question des conditions de production de ces magazines, de leur adaptabilité à la propagande et de leur place dans l’appareil d’occupation allemand.

2002

ALVINO Nicolas, Les sapeurs-pompiers de Paris : un Régiment de France (1926-1936), Maîtrise [Christian Chevandier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 179 p.

Le bruit familier des sapeurs-pompiers est devenu au cours des années un signal de détresse. Les hommes en casque à bord de leurs engins rouges se hâtent pour secourir l’inconnu. L’étude d’un tel groupe social fut semée d’embuches, mais l’accomplissement du travail n’en fut que plus bénéfique. La monographie des sapeurs-pompiers de Paris montre en quoi cette société dans la société a pu être mal perçue par les personnes qui l’entouraient. Suite à un immense incendie en 1810 à l’ambassade d’Autriche, Napoléon Ier jugea indispensable de mettre le Corps de sapeurs-pompiers de la ville de Paris sous statut militaire, avec une organisation stricte ne laissant pas de place pour la fantaisie ou le hasard. Le seul moyen pour défendre efficacement la ville fut de quadriller au mieux l’espace urbain selon une division basée sur la densité de population et sur la superficie de chaque secteur à défendre. Une fois ce problème réglé, il devait en ressortir une organisation des plus parfaites tant au niveau général que local. Le droit à l’erreur ne devait pas exister dans ce métier. On a alors pu s’apercevoir que l’évolution du Corps s’est faite dans le même temps que les progrès techniques que pouvait connaître la société. Les téléphones, les automobiles, mais aussi les tenues mieux adaptées aux circonstances de lutte contre le feu vont s’adapter à l’air du temps. Cette période fut aussi synonyme d’une tentative de retrouver les années glorieuses d’avant-guerre et on vit donc une douce folie s’emparer des gens, mais aussi des sapeurs-pompiers qui ne sont que des hommes. Majoritairement célibataires, ils ne refusaient pas de goûter aux plaisirs de la vie. Cela avait pour conséquences des réprimandes et de nombreux rappels à l’ordre de la part des capitaines de compagnies sur le respect de la discipline au sein des casernements. Ces lieux fermés au public se devaient d’être dans un état sanitaire irréprochable. Enfin, les sapeurs-pompiers ne restent pas sans honorer la mémoire des leurs tombés au feu, ils effectuent l’appel aux morts du feu et se doivent entre eux de se souvenir des devises du Corps : « courage et dévouement », « sauver ou périr ». Malgré leur vie bien chargée, ils disposaient aussi de temps de récupération pour se vider l’esprit et retrouver un peu d’humanité au sein des foyers ou en partageant un verre avec la population. En fait, on peut dire que cette société fermée ne l’est pas tant que cela, mais qu’elle se fait secrète sur ses principes de vie commune.

AMRI Aïcha, L’Action française et les femmes (1926-1936), Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 141 p.

Cette étude est consacrée d’une part, à la vision des femmes de l’Action française et d’autre part, à une présentation des femmes de l’Action française et de leur activité.

L’Action française est l’une des plus importantes ligues d’extrême-droite de l’entre-deux-guerres. Elle se distingue des autres ligues par sa capacité à avoir élaboré une doctrine cohérente. Aussi, l’Action française par le biais de ses dirigeants, principalement Charles Maurras et Léon Daudet, va établir sa vision des femmes et plus particulièrement de la femme française. Ainsi, les deux dirigeants de l’Action française par l’intermédiaire, entre autres, du quotidien de la ligue L’Action française vont décrire leur vision de la femme. La femme est perçue essentiellement comme mère au foyer. Les femmes qui sortent de leur « condition naturelle » sont considérées comme des « irrégulières ». Ainsi, la ligue dénonce toute volonté d’émancipation des femmes et rejette tout féminisme. Face aux « irrégulières » parmi lesquelles on retrouve les féministes, les étrangères et les Juives, l’Action française va présenter le modèle de la femme idéale : celle-ci est avant tout française, mère au foyer, catholique et patriote.

Parmi les membres de l’Action française on retrouve plusieurs femmes venues à la ligue suite à la séparation de l’Église et de l’État en 1995. Les femmes sont présentes dans la ligue en tant que ligueuses, mais aussi par le biais d’associations telles les Jeunes Filles Royalistes ou encore les Dames Royalistes. Les femmes de l’Action française sont des militantes convaincues qui n’hésiteront pas à aller sur le terrain pour propager l’idéologie de la ligue.

AMSELLEM Élodie, Le Mythe Dior, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002

Jupe virevoltant de vingt mètres de tour, chapeau incliné sur I’œil, démarche insolente, quand elle apparaît, le 12 février 1947, ce n’est pas un rêve, c’est la féminité incarnée, voluptueuse, mélange de folie et d’élégance.

Le New Look, qui rendit Christian Dior dès ce jour, célèbre, dynamisa une époque qui s’enlisait dans la dureté de l’après-guerre en ressuscitant un art de vivre auquel nul n’osait plus croire. Ce furent les grandeurs du café society », cocktail de créateurs en herbe et d’un Tout-Paris aristocratique encore plongé dans la splendeur du XIXe siècle.

Mais ce sont les Américains, alors fascinés par la vieille Europe, qui furent les vrais artisans de son succès. Dior le comprit et sut, le premier, commercialiser cette tradition de goût et d’élégance propre à la France. De la diversification de ses produits, à la mise en pratique des accords de licence, la griffe « Dior » se répand dans le monde et Christian Dior devient une personnalité aussi connue que Gandhi.

Pour comprendre ce succès, il faut retourner dans son passé, son enfance, pour découvrir quelles furent les sources de son inspiration.

Christian Dior évoque le luxe, le prestige, mais aussi l’image, la publicité, la photographie de mode, les ateliers de confection, les clientes, les défilés… il s’agit de tout un monde, propre à la Haute Couture et propre à cette griffe. Il est ainsi impossible de concevoir l’univers Dior sans parler de Roger Vivier, bottier, ou encore de René Gruau, illustrateur, de Mitzah Bricard, sa muse, ou de Raymonde Zehnaker, son amie et directrice du studio.

Le mensuel Vogue est en France, le meilleur écho des évolutions de la mode. C’est à travers cette presse féminine que le mythe Diors’est constitué. John Galliano, nouveau designer de la maison Christian Dior poursuit les « codes maison » laissés par Christian Dior, et s’en inspire encore aujourd’hui.

Le New New Look de Galliano perpétue cinquante ans plus tard l’héritage de Christian Dior, un nom magique qui comporte ceux de Dieu et or.

ANRIEU Christine, Les représentations des femmes dans la presse féminine : L’exemple du magazine Elle (1970-1990), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 168 p.+ 52 p. d’annexes.

À travers l’étude des pages rédactionnelles du magazine Elle, il s’agissait de comprendre pourquoi les thèmes « typiques » destinés aux femmes sont restés inchangés, tandis que les formes et les contenus du journal ont sans cesse évolué pour s’adapter aux changements socioculturels et écono­miques. Avec l’émancipation des femmes, leur presse s’est efforcée d’intégrer les questions correspondant à ce changement de statut social, ce nouveau partage de responsabilités en matière de travail, de droit d’éduca­tion des enfants et de sexualité. Il s’agissait de se demander dans quelle mesure cette presse massivement diffusée enregistre les mutations de la condition féminine de la fin du XXe siècle et quelles sont les différentes représentations des femmes.

Il ressort des pages du magazine féminin non pas une représentation univoque de la femme, mais des images multiples et contradictoires. Ainsi cohabitent le modèle physique de la femme jeune, mince et fardée, celui de la femme au travail, encore inégalement accepté, et l’image à multiples facettes de la vedette de cinéma. Ces représentations se superposent à des modèles plus anciens comme les rôles traditionnels de la féminité, en pre­mier lieu, la maternité, contradictoire avec le précepte de la minceur. Les images proposées ne peuvent en aucun cas se résumer à la dualité épouse et mère d’un côté, femme fatale de l’autre.

BEARD Jean, Les temps modernes : 1977-1991, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002

BEAUMONT Maud, Analyse thématique du monde de Zig et Puce dans les albums d’Alain Saint-Ogan, édités chez Hachette entre 1927 et 1952, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 343 p.

« Zig et Puce sont deux garçons qui veulent aller faire fortune en Amérique » : Voici comment Alain Saint-Ogan résume, en 1970, le thème de la série de bande dessinée Zig et Puce qu’il a scénarisée et dessinée avec passion pendant près de quarante ans. « L’histoire devait être un bouche-trou », ajoute-t-il humblement. En effet, lorsque la première planche de Zig et Puce paraît dans le « Dimanche-Illustré », un supplément hebdomadaire pour enfant de L’Excelsior, elle semble avoir pour seul destin de combler épisodiquement la dernière page du journal délaissée par les publicitaires. Mais Saint-Ogan ne sait alors pas qu’il vient de révolutionner la bande dessinée française en étant le premier dessinateur à systématiser l’utilisation du phylactère.

Néanmoins, cette innovation n’est pas la plus remarquable dans l’histoire de la série, et Zig et Puce inaugure surtout un phénomène inédit et spectaculaire. En effet ce qui n’était au début que les petites aventures humoristiques de deux jeunes globetrotteurs espiègles et téméraires, Zig et Puce, et de leur malicieux Pingouin Alfred s’est transformé en un véritable phénomène de société. Les trois petits personnages sont devenus de véritables idoles. Pour la première fois, une bande dessinée était mise sous les feux des projecteurs. Pourtant, malgré un succès si retentissant, Zig et Puce est tombée peu à peu dans l’oubli, Saint-Ogan n’ayant pas su renouveler son lectorat.

Pour autant, nous aurions pu penser qu’une telle révolution dans la bande dessinée aurait intéressé les journalistes et les historiens, loin de là. Les quelques recherches qui ont été consacrées à la série tiennent essentiellement en deux articles (revue Phénix, numéro 9 et Le collectionneur de bandes dessinées, numéros 48 et 49.). Et l’étude la plus ignorée et de loin, celle de l’œuvre elle-même. Ce terrain ne pouvait donc que m’attirer et je décidai de me consacrer à l’étude analytique des thèmes récurrents abordés dans Zig et Puce, qui constituent l’environnement socioculturel de la série et déterminent son action. Cette étude approfondie a pour dessein de mettre en exergue les qualités intrinsèques de la série, et de déterminer si sa perte d’adhésion réside dans la détérioration de ses indéniables qualités au fil des albums ou dans un défaut d’adaptation aux nouveaux codes de la bande.

BERDUCAT Maud, Le putsch d’Alger et la presse : une étude comparative de cinq quotidiens (Libération, Le Monde, l’Humanité, Le Figaro et l’Aurore), Maîtrise [Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2002

Le putsch d’Alger qui éclate dans la nuit du samedi 22 au dimanche 23 avril provoque un véritable effet de surprise dans l’ensemble des milieux politiques et dans la population. Le milieu journalistique n’est pas épargné.

L’ensemble des rédactions est mobilisé pour couvrir l’événement. L’importante place qui lui est réservée dans les journaux témoigne de sa gravité.

Mais ces quotidiens ne s’arrêtent pas à une simple présentation de l’événement, ils expriment chacun leurs opinions qui correspondent à leur idéologie et leur position politique. Ils vont néanmoins être unanimes sur un point : il faut dire non au putsch.

La crainte de l’instauration d’une dictature militaire et d’une guerre civile partagée par tous, puis de la remise en cause des négociations avec le GPRA qui inquiète surtout les journaux de gauche (L’Humanité, Le Monde et Libération), et enfin de l’internationalisation du conflit que pointe surtout Le Monde, les poussent à se mobiliser.

Ces journaux dans l’ensemble ne refusent pas leur soutien au général de Gaulle, qui a su faire preuve d’une fermeté implacable lors de son discours prononce le dimanche 23 avril à 20 heures. Il apparaît comme le meilleur rempart au putsch.

Seuls L’Humanité et Libération mettent surtout l’accent sur la manifestation populaire qui peut permettre de mettre à raison les généraux factieux, mais aussi d’influencer la politique du président de la République auquel ils reprochent « son imprévoyance et sa complaisance ».

L’échec du putsch, le mardi 25 avril, renforce l’idée pour la majorité de ces journaux, qu’il faut maintenant accélérer les négociations avec le GPRA et faire la paix. Le conflit algérien n’a plus de sens.

BÉRARD Jean, Les Temps modernes, 1977-1991, « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament » René Char, Feuillets d’Hypnos, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 176 p.

Une étude de la revue Les Temps modernes sur la période 1977-1991 renvoie à trois types d’interrogations, qui sont trois axes problématiques. Comment la revue fait-elle face à la maladie puis à la disparition de son fondateur et de son directeur emblématique, Jean-Paul Sartre ? Comment la revue réagit-elle en face du puissant mouvement qui pousse les intellectuels, au milieu des années 70, à opérer un retour critique sur leurs engagements passés, et, de manière exemplaire, sur leur adhésion au marxiste ? Enfin, compte tenu de ces deux éléments de rupture, que devient la revue dans les années 80 ? Quel type de réflexion développe-t-elle dans ce contex­te intellectuel nouveau ? Ces trois directions sont les trois moments de notre travail.

Le premier tente de cerner la manière dont s’opère la double succession, de Sartre en 1980, puis de Beauvoir en 1986. C’est Claude Lanzmann qui prend leur suite à la tête de la revue. Il est un intime du couple, et on comprend que, dès lors, la revue cherche à donner d’elle-même l’image de la continuité de sa vocation, dans le respect de l’inspiration et de la conception sartrienne de l’engagement.

Mais cette continuité ne résiste pas à l’analyse, et il apparaît que Les Temps modernes, de manière remarquablement synchrone avec le reste du paysage intellectuel français, négocient, au nom d’une critique du pouvoir, un virage radical et fondent sur de nouvelles bases leurs engagements politiques. Cela ne signifie pas que la revue renonce à ses centres d’intérêt (les femmes, le socialisme, les minorités, le Tiers-monde), mais qu’elle conçoit ses prises de position selon des critères nouveaux, qui ont pour noms droits de l’homme, liberté et citoyenneté. Mais la singularité la plus forte de la revue n’est pas là.

À la suite de Claude Lanzmann et de Shoah, Les Temps modernes ordonnent leur morale politique à partir de l’événement fondateur du génocide. L’Holocauste, outre un domaine d’étude et de recherche inlassablement exploré, devient le principe des positions de la revue. Dans un moment intellectuel marqué par le retour d’un universalisme humaniste, il est une figure historique du mal radical, et, à ce titre, une matrice de compréhension de ce qui fait la tragédie de notre siècle.

BIZET Fabrice, L’Amicale des Travailleurs africains en France : mode d’expression communautaire en « quartier sensible », Maîtrise [Jean-Louis Robert, Marie-Claude Blanc­Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 173 p.+ 48 p. d’annexes

Alors que les questions du « mal des banlieues » et de l’intégration des immigrés sont loin d’être résolues, cette étude monographique s’est penchée sur une association noire africaine située dans le quartier des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes.

Ayant toujours constitué un moyen d’expression privilégié des étrangers, les associations offrent une approche intéressante quant à leur identité, leur volonté d’être acteur au sein d’un pays où la citoyenneté leur est refusée. Étudier la création d’une population longtemps cantonnée dans les foyers, mais qui a souvent été aux avant-postes des luttes urbaines conforte cet intérêt. De surcroit, le mouvement associatif noir africain se distingue par son dynamisme, mais également par le peu de recherches l’ayant pris pour objet.

Depuis une vingtaine d’années, le processus ségrégatif d’accès au logement particulièrement intense chez les Noirs Africains, favorise l’émergence de regroupements résidentiels donnant lieu à l’éclosion d’associations communautaires revendiquant la représentativité de la communauté noire africaine locale et développant des activités favorisant l’amélioration des conditions de vie de leurs adhérents : c’est le cas de l’ATAF.

Basée sur des sources dans l’ensemble assez riches (écrites, iconographiques, orales), notre recherche a eu pour ligne directrice essentielle de retracer l’histoire de l’association. Afin d’appréhender au mieux cette dernière, nous avons jugé indispensable d’étudier au préalable le « milieu » dans lequel s’inscrit l’amicale (cadre local et hommes la composant). Par ailleurs, la « sédentarisation » en France et les années de militantisme posent la question de l’impact sur l’identité de ces hommes. Les populations noires d’Afrique étant souvent présentées comme émanant d’une société traditionnelle « figée dans l’airain du temps », il est intéressant de s’interroger quant aux permanences et aux mutations opérées de la société d’origine au pays d’accueil.

BOISAUBERT Léa, Histoire et mémoire de « L’Affiche rouge » (1944-1998) : symbole du combat des résistants immigrés de la MOI, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 155 p. + 56 p. d’annexes

À la Libération, une mémoire dominante de la Seconde Guerre mon­diale s’est imposée, renvoyant au peuple français l’image d’une masse unie dans la résistance derrière son chef charismatique ou son parti d’avant­ garde. Cette image imposait une « nationalisation » de la Résistance française, ne laissant guère de place aux particularismes. Pour les immigrés qui avaient fait le choix de l’intégration dans la société française, l’affirmation de leur différence ne pouvait être à l’ordre du jour. Dès lors, l’affiche de propagande allemande diffusée en février 1944, communément appelée « Affiche rouge », et illustrant le procès exemplaire de vingt-trois résistants immigrés appartenant à la MOI, reste le grand témoignage de la participation des immigrés dans le combat pour la libération de la France. Ainsi, paradoxalement une affiche de propagande allemande symbolisant la répression envers la Résistance, mais également le caractère résolument antisémite et xénophobe du régime nazi, devient progressivement le vecteur privilégié de transmission de la mémoire de ces hommes et ces femmes.

En effet, si au moment de sa diffusion, « l’Affiche rouge » n’a certainement pas ou peu marquée l’opinion publique de l’époque, son image s’est tout de même ancrée progressivement dans la mémoire collective grâce à différents vecteurs de transmission. C’est donc autour des hommes qu’elle incarne et particulièrement autour de la figure de Missak Manouchian, que se focalise pendant des années la mémoire des résistants immigrés. Loin d’être totalement oubliée, la mémoire des « vingt-trois » reste malgré tout confidentielle pendant près de quarante ans. Le PCF n’attribue en effet à cette dernière qu’une place marginale dans l’exaltation de sa mémoire résistante, instrumentalisant l’Affiche et les résistants immigrés de la MOI au gré de divers conflits idéologiques. Une commémoration annuelle en l’honneur des « vingt-trois » sert toutefois de fil conducteur dans la transmission d’une mémoire spécifique de la Résistance française. Mais cette mémoire est encore le fruit d’une fabrication aléatoire, sujette au refoulement et à la légende.

La véritable histoire de ces hommes incarnée par « L’Affiche rouge » reste totalement ignorée du grand public pendant des années. C’est le déclenchement d’une vaste polémique autour de la diffusion d’un docu­mentaire en 1985 qui engendre une rupture certaine dans la manière d’aborder l’histoire et la mémoire de ces résistants. Cette polémique permet dans un premier temps de faire éclater au grand jour une mémoire, jusque ­là confidentielle. L’opinion découvre ainsi l’existence d’une structure spéci­fique de la Résistance communiste : la MOI. Dans un deuxième temps, la focalisation de cette affaire sur l’arrestation massive de novembre 1943, à l’origine du procès des « vingt-trois », incite les chercheurs à s’intéresser à ce terrain vierge de l’histoire de la Résistance. L’avancée historiographique résultant de cette initiative permet alors de transmettre une mémoire des résistants FTP-MOI de la région parisienne plus conforme à la vérité historique et d’influencer quelques années plus tard l’enseignement de la Résistance dans le cadre du système scolaire. En effet, avec le changement de programme de 1995, « L’Affiche rouge » apparaît pour la première fois dans les manuels scolaires, permettant ainsi d’élargir la transmission de cette mémoire aux jeunes générations. Enfin en 1998, le thème du concours national de la Résistance et de la déportation est consacré pour la première fois, depuis sa création en 1964, aux étrangers dans la Résistance.

BOYER Leila, Les sociétés de secours mutuels parisiennes au tournant du XIXe et du XXe siècle, Maîtrise [Michel Dreyfus, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 192 p.

Une société de secours mutuels est une association dont les membres constituent une caisse par des cotisations régulières. L’argent mis en commun sert à secourir ceux qui se voient privés de revenu, à cause de la maladie, la vieillesse ou le décès du chef de ramille. En 1880, Paris compte plus de 500 sociétés, très diverses par leurs modes de recrutement, leurs tailles et leurs fonctionnements. Les cas de figure sont multiples, d’où l’ambigüité croissante de statuts juridiques héritée des régimes précédents, qui ne suffisent pas à comprendre la diversité des fonctionnements. Le travail a donc d’abord consisté à poser des repères parmi ces groupements.

En premier lieu, les objectifs et l’activité varient d’une association à l’autre. Une grande différence existe entre les sociétés qui organisent uniquement un service de retraite et les sociétés qui versent également des secours. En outre, les fonctionnements financiers sont plus ou moins élaborés. Sous l’impulsion d’H. Maze, la question de l’efficacité de la gestion est traitée par les mutualistes notamment lors du congrès de 1889. Les budgets de différentes sociétés ont été examinés pour déterminer si au terme de la période, les orientations définies en congrès ont eu un impact sur les pratiques des sociétés. À la fin des années 1880, certaines sociétés ont des modes de recrutement et de fonctionnement similaires. On peut effectuer des rapprochements parmi trois ensembles : les sociétés de I’artisanat, celles du commerce et les sociétés municipales d’arrondissement. Les sociétés dont les dirigeants s’impliquent dans les congrès nationaux ont été étudiées en priorité.

Les relations entre les groupements ont aussi été envisagées. Les années 1880-1898 sont une période d’incertitude à l’échelle régionale. Elles correspondent à la situation du mouvement mutualiste national. Celui-ci traverse une étape transitoire, depuis l’arrivée au pouvoir des républicains en 1879 jusqu’à la loi de 1898, qui libère les initiatives mutualistes. Tout d’abord, les sociétés parisiennes sont peu représentées lors des congrès de la mutualité, qui ont lieu à partir de 1883. De plus, les institutions parisiennes ont du mal à se développer et leur rayonnement est limité. Il s’agit en particulier de la Chambre consultative, créée en 1883, autorisée en 1884. Enfin, la législation héritée du Second Empire ne reconnaît pas aux sociétés de secours mutuels le droit des’associer, en particulier à l’échelle du pays. Des mouvements d’action nationale, comme la Ligue nationale de la prévoyance et de la mutualité (autorisée en 1890) ou l’Union nationale des présidents (autorisée en 1893) sont donc considérés comme parisiens, alors qu’ils ne touchent que très partiellement les sociétés de secours mutuels locales.

Les années qui suivent le vote de la Charte de la mutualité en 1898 sont décisives. D’une part, une réelle Union des sociétés du département de la Seine est créée en 1902. D’autre part, les premières années du XXe siècle sont marquées par un développement quasi exponentiel des effectifs. L’essor se produit principalement dans des sociétés de création récente, qui relève souvent des secteurs salariés en expansion dans la capitale, comme l’administration et les transports. Le tournant du siècle représente donc un moment charnière, au cours duquel la composition des effectifs mutualistes change profondément.

BRETONNEAU Aurélie, Le corps glorieux. L’invention d’un nouveau corps dans la publicité, 1958-1992, Maitrise [Pascal Ory], 2002, 150 p. + CD-ROM images

Le corps publicitaire, jeune, mince, beau, bronzé, nous apparaît avec la facilité de l’évidence : Pourtant, l’examen des publicités pour le corps parues dans les trois magazines que sont Paris Match, L’Express et Salut les copains de 1958 à 1992 révèle que ce « corps glorieux » n’est pas un donné, mais un construit historique, le vainqueur d’un combat contre la chair et ses tourments. En somme, à tenter de faire une généalogie de la morale moderne à partir de l’histoire visuelle des corps, on découvre que cette morale, pour paraître plus permissive que celle qu’elle supplante, n’en est pas moins contraignante. Elle révèle que la modernité et le souci de soi sont les composantes majeures de ce qu’il faut bien considérer comme un mythe, bâti autour de l’homme nouveau, forgé à même son corps. Il incombe alors à l’histoire de redonner aux images toute la place qu’elles méritent dans une histoire des représentations contemporaines, au sein d’une conscience collective devenue toute visuelle.

BROQUET Stéphane, Henri Queuille et le parlementarisme de la IVe République, Maîtrise [Pascal Ory, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 354 p.

Trente-deux ans après sa mort les Français se souviennent peu d’Henri Queuille. Il n’est pas considéré comme une des personnalités marquantes de la vie politique française. Seul son record de portefeuilles à la rue de Varenne reste encore dans les mémoires. Ses trois présidences du Conseil sont inconnues du grand public. Présent à la tête du Gouvernement pendant 16 mois et 29 jours, il est pourtant moins connu que Pierre Mendès France qui n’y est resté que 7 mois et 27 jours.

Pourtant les réalisations d’Henri Queuille sous la IIIe comme sous la IVe République ont été déterminantes. Son action est marquée par de grands thèmes qui apparaissent comme des leitmotivs dans sa carrière politique : défense des institutions républicaines en période de crise, restauration de l’autorité de l’État et maintien de l’ordre public pendant les grèves, politique agricole européenne, défense du franc et rétablissement des équilibres économiques, aménagement du territoire et primauté de l’intérêt général sur l’intérêt partisan ou électoral.

Henri Queuille est en effet un parlementaire très actif même s’il reste dans l’ombre des grands ténors du Parti radical. Entré au gouvernement pour la première fois à l’âge de 35 ans en 1920, il devient le « recordman de porte­feuilles ». Refusant de voter les pleins pouvoirs à Pétain en 1940, Henri Queuille rejoint de Gaulle à Londres en 1943 et obtient la présidence par intérim du gouvernement provisoire de la République française, remplaçant de Gaulle lors de ses voyages et préparant la nouvelle Constitution.

Il parvient au faîte du pouvoir en septembre 1948 à un moment où la IVe République semble vouée à la disparition, attaquée à Gauche par le Parti communiste et à Droite par le Général de Gaulle. Il sauve ainsi provisoirement le régime. Au cours des treize mois de l’« Année Queuille », record de longévité gouvernementale à l’époque, il réussit à rétablir la confiance, juguler une inflation galopante, lever l’hypothèque communiste en faisant face, avec courage et sang-froid, à des grèves quasi insurrectionnelles et provoquer enfin un retournement dans lequel s’enlisera le défi gaulliste. Son second Ministère prouve que le « contrat » entre les membres de la majorité ne peut être rompu impunément. Enfin, le troisième Ministère Queuille surmonte pacifiquement les difficultés sociales posées par les remous économiques de la Guerre de Corée. Finalement il accélère le vote de la loi électorale et la convocation des électeurs.

Ce mémoire a pour ambition d’apporter des éléments de réponses à trois questions qui se posent au sujet de la vision et de l’action politique d’Henri Queuille sur le parlementarisme de la IVe République.

La première question porte sur la culture politique d’Henri Queuille issue de la IIIe République. De quelle manière l’expérience parlementaire et gouvernementale d’Henri Queuille a réussi à forger sa vision du parlementarisme ?

La seconde question est la suivante : la vision parlementaire d’Henri Queuille est-elle une vision originale, différente de celle de ses partenaires radicaux et des membres d’autres partis ? On peut se demander en quoi ses relations ont influencé sa manière de concevoir le parlementarisme. Nous nous efforçons également d’établir des comparaisons entre Henri Queuille, les communistes, les socialistes, le MRP, afin de distinguer leurs points de convergence ou d’opposition.

La dernière question concerne plus particulièrement la vision parlementaire d’Henn Queuille. Il s’agit de se demander s’il a une vision générale, globalisante, qui n’intègre pas seulement les questions purement institutionnelles et constitutionnelles, mais également sociales, financières, d’économies sectorielles. Il prouve ainsi à la fois son pragmatisme et son lien avec le terrain. Pourquoi ces qualités doivent-elles se retrouver selon lui chez l’élu local, le député ou le ministre ?

CASANOVA Jean Baptiste, Les « Autonomes », le phénomène autonome dans la France des années 1970, Maîtrise [Franck Georgi, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 186 p.

La fin des années 1970 est caractérisée par la fin du gauchisme né de Mai 68. L’actualité de ces années est marquée par l’apparition partout en Europe de luttes armées qui s’opposent violemment aux États. Contrairement à ses voisins italiens et allemands, la France semble échapper à cette situation et ne pas connaitre « d’années de plomb ».

Pourtant de 1977 à 1979, une mouvance d’extrême gauche jusque-là inconnue monopolise la scène médiatique en s’illustrant en marge des manifestations pour les faire dégénérer en affrontements. Il s’agit de ceux que la presse appelle alors les « autonomes ».

Ils cristallisent sur eux l’animosité des services de police, des médias, des syndicats, et des autres mouvements et organisations de gauche parmi les­quels ils laisseront le souvenir d’une violence extrême. Nous voyons, dans notre mémoire, quelle est la réalité de ce mouvement, quelles en sont les origines, quels en sont les acteurs, et quelle en est l’histoire en nous interrogeant sur la place qu’occupe la violence. Car c’est autour du rapport à la violence que se démarque l’autonomie des autres groupes politiques contemporains, soit qu’ils la théorisent, soit qu’ils se solidarisent avec les mouvements de lutte armée étrangers, soit qu’ils la mettent en œuvre par l’émeute ou l’illégalisme.

Nous étudions ces aspects à partir de sources diverses : la presse militante de l’autonomie et quelques témoignages, les archives des Renseignements généraux, la presse quotidienne et les ouvrages publiés alors par le mouvement ou par des observateurs extérieurs sur ce dernier.

CASSOU Saoura, Lip, la construction d’un mythe, maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 252 p.

D’avril 1973 à janvier 1974, le personnel de l’entreprise horlogère Lip de Besançon fut en grève afin de lutter contre le démantèlement de l’entreprise et les licenciements prévus par la direction. Cette grève pour I’emploi eut un retentissement hors du commun. Celui-ci s’explique en partie par la volonté des grévistes de faire connaitre leur conflit à l’extérieur de l’entreprise. Ils cherchèrent ainsi par de nombreux moyens à populariser leur lutte, leur but étant que le soutien de la population leur permette d’être en position favorable dans le rapport de force face aux pouvoirs publics. Ils menèrent dans cet objectif une action originale, à savoir la remise en marche de la production et la vente des montres ainsi fabriquées. Ouverts sur l’extérieur, ils ont accepté l’aide de personnes qui ne faisaient pas partie du personnel de l’entreprise et ont eu accès à la fabrication d’outils, notamment un journal, un film et des cassettes audio. Ceux-ci ont donné aux Lip la possibilité d’intensifier leur popularisation et ils ont véhiculé des images de la grève. Les associations des différentes images ont per­ mis au conflit d’acquérir une dimension mythique. Il a en effet incarné des mythes préexistants, comme l’unité et l’autogestion. Par ailleurs, en mobilisant l’imaginaire de la population dans les domaines de l’organisation quotidienne, du politique et de l’humain, les images ont composé une représentation de la vie en société dans son ensemble. Enfin, le conflit évoquait d’une part des perspectives de changement des modes de lutte, de bouleversement de la société, d’évolution de l’homme, tandis que d’autre part apparaissaient des images de stabilité, de juste mesure et d’ordre. Tout en présentant une image rassurante, la grève a libéré des énergies, mis en marche des forces nouvelles qui ont donné envie d’agir. La puissance des espoirs qu’elle a éveillés, des rêves qu’elle a fait entrevoir, ont inscrit durablement le souvenir du conflit dans les mémoires. Apportant des réponses aux angoisses et aspirations du contexte de l’après Mai 68 et de la fin des Trente Glorieuses, le conflit Lip été un mythe fondateur et mobilisateur.

CHABERT Garance, Visa pour l’image, le festival international de photo journalisme de Perpignan. 1989-2002 : dans l’objectif des médias, Maîtrise [Pascal Ory], 2002. 162 p.+ 40 p. d’annexes

Créé en 1989 à la double initiative d’une municipalité désireuse de développer sa politique culturelle et des magazines Photo et Paris Match du groupe Hachette Filipacchi Médias, soucieux de soutenir un secteur de la photographie de plus en plus marginal dans ses pages, le festival de photo journalisme de Perpignan a gardé toue au long de sa jeune histoire la marque de cette double origine. En presque quinze ans d’existence, Visa pour l’image est devenu un grand succès populaire et le rendez-vous professionnel annuel de tous les acteurs du photo journalisme. Fondé sur un concept d’expositions, de soirées de projection et de rencontres avec les photographes, le festival a sorti le photo journalisme du support traditionnel de la presse et a en partie anticipé les tentatives actuelles de déplacement de la photographie de reportages vers des supports artistiques. Néanmoins, enfant de Paris Match à sa grande époque, le festival est resté ancré dans la nostalgie d’une presse laboratoire, où des reportages complexes et difficiles avaient la part belle des magazines. C’est pourquoi il s’est employé à développer un marché économique, propice à la publication des reportages qu’il représente dans les magazines. Médiatiser l’action culturelle d’une ville et d’un grand groupe de presse, et les reportages d’un monde violent que l’on a tendance à ne plus regarder, tant les images sont banalisées, voilà l’objectif de ce festival, qui de ce point de vue là, renouvelle avec succès chaque année son engagement.

CLANCIER Éliane, Monographie du Club d’Essai de la Radiodiffusion française, 1946-1960, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 166 p.

Le projet d’écrire la monographie du Club d’Essai de la Radiodiffusion française répondait à la volonté d’étudier de près l’un des joyaux de la période radiophonique s’étendant des années d’après-guerre jusqu’aux années 1960 et qualifiée d’âge d’or de la radio. C’est en effet durant cette période qu’a pu exister une radio d’écrivains, dirigée, animée, produite en grande partie par des poètes, des écrivains, des hommes de culture, des Journalistes ayant le sens poétique.             .

Le Club d’Essai est incontestablement le fruit de cette période radiophonique préoccupée de ces choses qui ornent l’esprit, mais c’est aussi une composante essentielle de l’histoire de l’art radiophonique. En 1946, Club d’Essai prend, en effet, la suite du Studio d’Essai, instance de créations et de recherches radiophoniques, créé par Pierre Schaeffer en 1942. Ce studio avait permis d’élucider l’affrontement au micro du texte, du comédien, voire de la musique, et de former des artisans consommés du micro et de la mise en ondes. Au Club d’Essai revenait la charge de faire passer ce laboratoire de « l’âge ingrat à l’âge de raison », c’est-à-dire de l’ère des réalisations régulières et concertées à une production expérimentale certes, mais déjà continue. Lourde tâche pour un simple service annexe de la Radiodiffusion française ! Pourtant, bon an, mal an, le Club d’Essai, sous la houlette du poète et dramaturge Jean Tardieu, parvint à devenir un foyer de créations et de rencontres artistiques où de grands hommes de lettres tels que Jean Cocteau, Albert Camus ou Raymond Queneau vinrent faire de la radio et où débutèrent de jeunes talents bientôt notoires : Pierre Tchernia, Michel Polac, Pierre Dumayet, etc.

De 1946 à 1948, ce sont les grandes heures du Club d’Essai : c’est l’enthousiasme de l’après-guerre ; le Club d’Essai doit découvrir de jeunes talents susceptibles de travailler avec ou à la radio. Ils affluent et, avec eux, de nouvelles formes d’émissions. Mais le Club d’Essai a pour vocation de fournir les meilleures de ses productions aux grandes chaines, or, avec elles, s’en vont aussi ses collaborateurs les plus inventifs et dynamiques. À partir de 1949, la télévision aussi attire certains d’entre eux.

La création, en 1948, du Centre d’Études Radiophoniques, organisme annexe du Club d’Essai, marque à la fois l’acmé de l’histoire du Club d’Essai et le début de son ultime étape. Le Centre d’Études Radiophoniques, d’abord chargé de réfléchir sur l’avenir de la radio, puis chargé de recherches, réduit peu à peu le Club d’Essai à un travail d’exégèse, à savoir celui d’un simple service de production chargé d’assurer régulièrement un programme. Le Club d’Essai s’essouffle donc avant de s’éteindre en 1960 au moment où ayant tout apporté il n’avait plus rien à démontrer.

COLIN Céline, L’image des oppositions aux pouvoirs allemands et vichystes à travers la presse officielle du 1er juillet 1940 au 12 novembre 1942 : étude réalisée à partir de l’analyse des quotidiens Le Matin et Le Figaro, Maîtrise [Pascal Ory, Claire Andrieu, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2002.

COLLEU Jean-Marie, Les feuilletons télévisés français, 1960-1974, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 140 p. + annexes

L’équipement des foyers français en téléviseurs s’accélère dans les années soixante. Accompagnant cette croissance, le volume des programmes augmente. De nouveaux genres d’émissions se créent. Les premiers feuilletons télévisés font leur apparition sur les écrans des 1957. Si dans un premier temps ce sont surtout des feuilletons étrangers, peu à peu une production française se développe. Il s’agit ici d’étudier le feuilleton télévisé français : sa programmation, ses protagonistes, ses conditions de production, les thèmes abordés et le compte rendu qui en est fait dans la presse télévisuelle.

COMBES Malika, L’IRCAM et le pouvoir politique 1970-1991, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 176 p.+ annexes

Institut de Recherche et de Coordination Acoustique/Musique, centre de « recherche musicale », est créé en 1977 au sein du Centre Georges­Pompidou. La création de cet institut est le résultat d’une demande, datant de 1970, du président de la République Georges Pompidou au musicien-chef d’orchestre de renommée internationale, Pierre Boulez, de mettre en place un département musique dans ce centre pluridisciplinaire. Elle a pour conséquence le retour en France de ce dernier, qui se considérait alors en « exil » et vivait en Allemagne, du fait d’un conflit autour de la création de la direction de la Musique qui l’avait violemment opposé à Marcel Landowski.

Par ailleurs, l’institut qu’il met en place s’inscrit dans le courant de l’« informatique musicale ». La naissance de l’IRCAM marque ainsi une étape de la reconnaissance d’une nouvelle approche de la création musicale et de son intégration dans le catalogue musical de l’État. Dans la politique dite de « recherche musicale » instaurée vers 1975 par le directeur de la Musique Jean Maheu, l’institut de Pierre Boulez dispose d’une place centrale.

Cette situation privilégiée, le monopole que tente d’instaurer Pierre Boulez dans ce milieu, et qui est rendu possible grâce à ses appuis politiques et aux moyens considérables attribués à l’IRCAM, vont faire objets de polémiques dès la création de l’institut. Ces débats amènent bien souvent à une réflexion plus générale sur le rôle de l’État dans notre société et sur les conséquences des décisions prises par une intervention directe du pouvoir, au niveau central, en matière d’art. L’intervention de l’État est-elle légitime dans le domaine de la Culture, dans la création artistique, qui relève d’abord de l’individu ?

Les polémiques émanent parfois de la sphère politique. Ainsi, le directeur de la musique Maurice Fleuret, sous le premier septennat Mitterrand, s’oppose à Jack Lang lorsqu’il dénonce la position hégémonique l’IRCAM et affirme la volonté de rééquilibrer les aides à la « recherche musicale ».

Au début des années 1990, une crise importante éclate au sujet de l’IRCAM. Or le conflit s’est déplacé. En effet, l’institut adopte une politique d’ouverture qui désamorce Ies critiques. Outre les accusations traditionnellement portées sur la musique contemporaine, c’est Pierre Boulez qui est visé par cette polémique. L’on dénonce son omniprésence dans les affaires musicales de la France, et notamment dans les projets de l’Opéra Bastille et de la Cité de la Musique.

Les liens privilégiés avec le pouvoir politique que l’on reproche à Pierre Boulez et à l’IRCAM existent bien. L’IRCAM s’est toujours trouvé en adéquation avec une orientation donnée en politique culturelle, celle de Georges Pompidou et de Michel Guy, puis celle de Jean Maheu, celle de Jack Lang. L’institution fut ainsi plébiscitée en tant que modèle.

C’est que Pierre Boulez est unique, il dispose d’une image forte en France, et surtout, à l étranger. Le pouvoir politique a besoin de lui comme Pierre Boulez a besoin du pouvoir politique, afin d’assurer à la France un rayonnement français en matière de culture et de musique.

 Aujourd’hui l’IRCAM est toujours une institution reconnue et dynamique ; il est important pour un compositeur d’y effectuer un stage, et ses travaux sur le son sont pris en compte par la communauté scientifique. Prise en charge par un administrateur, elle ne crée plus de polémiques et tend à devenir une association plus banale.

CORNEILLE Lucile, Dim dam dom : le magazine féminin télévisé des années soixante, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 167 p.+ 159 p. d’annexes

1965 : la Grande-Bretagne adopte le système métrique et la minijupe de Mary Quant.

En France, de Gaulle est réélu président, Sylvie Vartan épouse Johnny Hallyday, Jean-Luc Godard tourne Pierrot le Fou, et l’ORTF prend un coup de jeune avec Dim dam dom

Pourquoi Dim ? Pourquoi Dam ? Pourquoi Dom ? Dim, parce que l’émission mensuelle est diffusée un dimanche, Dam parce qu’elle est d’abord destinée aux dames et Dom parce qu’elle s’adresse aussi aux hommes.

Alors chef de la rubrique « Actualité » à Elle, Daisy de Galard sait à merveille se servir de son expérience de journaliste pour traduire par le film ce qu’elle maîtrise au travers de la photo et de l’écriture : séquences courtes, élégance, sophistication, désinvolture. Et pour couronner le tout, une bonne dose de snobisme. Et un zeste d’érotisme. Mais à ne pas confondre avec la vision qu’en ont quelques magazines actuels. Chez Daisy de Galard, on ne donne pas dans la gauloiserie vulgaire, mais dans la subtilité raffinée.

Émission-culte coïncidant avec l’enthousiasme d’une génération en révolte contre le « lady look » et le vieux chic, magazine des modes, Dim dam dom saisit et traque son époque à coup de reportages, d’interviews portant sur des sujets aussi graves et frivoles que la beauté, la guerre, le soufflé aux violettes de Mapie de Toulouse-Lautrec, les religieuses parlant chiffons à Jacques Lanzmann, la dame de shantung vue par Just Jaeckin ; en un mot, la vie faite d’instants et de rencontres détonantes : Geneviève Dormarm et Jean­ Christophe Averty questionnent un négociant en baignoires, Agnès Varda filme Louis Aragon et Elsa Triolet, Françoise Sagan se prête au roman-photo illustré par Françoise Fabian, Daniel Ceccaldi, Maurice Rouet.

Plus qu’un ton, Dim dam dom c’est un style fondé à la fois sur l’absence de cloisonnement entre le « culturel » et le « pratique », mais aussi, sur l’art du contraste, des emplois à contre-emploi. Marguerite Duras chargée des grandes interviews, se frotte à un marquis garagiste et nouveau riche, Jacques Chazot tend le micro à Mademoiselle « Chanel », grenouille ratatinée acariâtre, François Weyergans filme Delphine Seyrig en photographe névrosée, Marie Laforêt donne un cours de maquillage, Jean Rochefort et Françoise Hardi jouent les poupées russes dans un conte de Noël écrit par Roland Topor…

L’irrespect est de règle, le second degré triomphe avant l’heure, et les décalages constants sont souvent violents comme en témoigne le reportage sur la guerre du Viêtnam monté sur la bande-son du langoureux Dream.

Must des années yé-yé, véritable caléidoscope, Dim dam dom révèle les courants forts (l’unisexe, le futurisme…) sans table ronde ni star d’attachée de presse, mais avec des images fortes, mobiles, urgentes, signées Peter Knapp, Gérard Pirès, François Jonvelle… Sur les trois cents réalisateurs qui ont collaboré à la série, deux-cents ont fait leurs premiers pas à Dim dam dom (Jacques Rozier, Claufe Zidi, Guy Seligmann, Paul Seban, Guy Job…). Parmi les autres débutants, Bernadette Lafont, Marlene Jobert, Romy Schneider, jouaient pour un soir les speakerines de charme…

Si le taux d’écoute ne dépassait pas les dix pour cent, il fallait être et être vu à Dim dam dom. Car Dim dam dom, c’était avant tout une coopérative de talents.

CORRE Laetitia, Gaston Monnerville dans le lot, une carrière politique atypique, 1948-1973, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Gilles Morin], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 113 p.

Élu président du Conseil de la République en 1947, le Guyannais Gaston Monnerville, en mal de circonscription après ses difficultés en Guyane, est parachuté dans le département du Lot ou, contre toute attente, il commence une longue et riche carrière d’élu local entre 1948 et 1973. Pourquoi s’investir dans l’administration locale, première marche naturelle du cursus honorum républicain, alors qu’il avait, selon ses propres dires, peu d’intérêts pour cela ? Comment expliquer ce parcours réussi dans ce département qui lui est au départ étranger, alors qu’il avait finalement échoué dans la région dont il était originaire.

Étudier la particularité du parcours de Gaston Monerville dans le Lot permet d’analyser ce qui se joue dans la rencontre d’une personnalité nationale, d’un notable, avec la vie politique d’un département très politisé, à un moment très particulier de l’histoire de la France. Au-delà, il est intéressant de comprendre ce qu’a pu signifier être un élu local pour un homme habitué depuis longtemps aux ors de la République, comprendre en quoi ses différents mandats ont été complémentaire ou parfois difficilement conciliable. Ici la particularité de cette carrière s’estompe peut-être, pour en venir à des aspects plus généraux, mais non moins essentiels du statut du notable au début de la Vème République et de la place de l’échelon politique local.

COX Aurianne, Signal, juillet 1940-juin 1944. Presse illustrée et propagande allemande en France occupée, Maîtrise [Claire Andrieu, Pascal Ory, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 261 p. + annexes

Cette étude monographique a pour objet le périodique Signal dans son édition française, qui paraît de juillet 1940 à juin 1944. Vecteur de la propagande allemande dans les territoires occupés et les pays de la sphère de domination du IIIe Reich, ce bimensuel illustré est placé sous le double contrôle de la Wehrmacht et du ministère de la Propagande ; édité à Berlin, il est imprimé et diffusé par l’intermédiaire de relais français.

Cette recherche répond à la volonté de dégager l’originalité de ce support de propagande d’exportation qui investit la formule de la presse illustrée, exploite ses procédés et en détourne les codes. La réflexion se situe au croisement de deux angles d’approche : un regard photographique, une analyse des images et une investigation historique des représentations culturelles et de ses mécanismes. L’analyse s’intéresse à la structure formelle de ce médium spectaculaire qui se distingue par sa modernité, sa conception du reportage photographique et la richesse de son répertoire iconographique, ainsi qu’aux modalités spécifiques de cette forme de pénétration culturelle et de conditionnement idéologique à l’échelle européenne, autant de voies d’accès à l’imaginaire politique et aux ambitions hégémoniques nazis.

Le message véhiculé par Signal répond à une fonction de mobilisation et de ralliement idéologique, à travers le leitmotiv de l’appel à l’engagement en faveur de la construction de l’Europe nouvelle et de la conformisation au modèle national-socialiste. Fondé sur une rhétorique manichéenne, ce médiateur fait le choix de thèmes fédérateurs et d’une imagerie unificatrice, objectivant une communauté guerrière et spirituelle. Sa stratégie combine une logique de dénonciation et de collaboration ; le discours se polarise autour des figures du héros, le soldat allemand, et de l’ennemi, l’adversaire militaire et politique de l’Axe.

Il s’agit de poser la question des conditions de production du journal, de l’adaptabilité de cette forme de propagande au système d’occupation et de son efficacité, de son degré de pénétration, compte tenu de son objectif : édifier une Europe nouvelle, unifiée et pacifiée, sous hégémonie nazie. Signal diffuse une certaine vision de la société de l’ordre nouveau, conçue comme une communauté combattante acquise à la vision du monde nazie et à la légitimité de sa mission historique. Support de l’affirmation de la suprématie allemande sur le continent européen, Signal interroge finalement sur l’horizon utopique et sur l’axe imaginaire du projet nazi de transformation sociale et de modélisation totalitaire.

DAVID Cédric, La résorption des bidonvilles de Saint-Denis : un noeud dans l’histoire d’une ville et “ses” immigrés de la fin des années 1950 à 1970, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Marie-Claude Blanc-Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2002

DELEBECQUE Soazig, La garde républicaine pendant la grande guerre : 1914-1918, Maîtrise [Claude Pennetier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002

DELAHAYE Louis-David, La représentation du monde dans les jeux vidéo (1996-2001), Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002

Que les jeux vidéo participent avant tout du monde du divertissement, c’est l’évidence. Étrange impasse, cependant, que celle qui est pratiquée par ceux qui méprisent l’analyse des formes dans lesquelles nos contemporains s’éduquent, d’une certaine façon. Inévitablement, ils en viennent à conclure leurs discours par des préjugés. En revanche, la cause n’est pas aussi entendue qu’ils le croient. Une histoire culturelle du temps présent ne peut se dispenser de construire les éléments culturels en Jeu dans les activités humaines.

L’étude, portant sur la représentation du monde dans les jeux vidéo, menée ici nous a permis de relever un certain nombre de similitudes dans la représentation au monde construite par les différents jeux vidéo et de dégager un certain nombre de points intéressants concernant aussi bien les décors, la faune et la flore que le personnage principal. Les jeux vidéo construisent des mondes organisés dans lesquels s’inscrivent des formes culturelles. Si la géographie de ces mondes donne lieu à des concentrations inédites de lieux dangereux (réellement ou de façon mythique), elle rappelle non moins constamment des méfiances et des peurs dont notre éducation culturelle est structurée. La population de ces mondes puise assez évidemment aux répartitions communes : amis et ennemis, bons et méchants, solitaires et foules, etc. Enfin, les héros des jeux vidéo font preuve de qualités qui reconfigurent les caractères des héros légendaires.

Cependant, si le travail effectué nous a permis de répondre à un certain nombre de questions que nous pouvions nous poser, il a également soulevé de nouvelles interrogations. Nous avons donc pris contact avec un certain nombre de personnes, travail d’enquête destiné à obtenir l’avis de créateurs de jeux vidéo.

Au final, tout notre examen montre que les agencements conçus dans les jeux vidéo donnent matière à un constat d’originalité. Les mondes des jeux vidéo sont des mondes dans lesquels on se promène, on se déplace. Par conséquent, ce qui les régit c’est l’interactivité.

DELPECH Julien, Partis et mouvements politiques de la collaboration à Paris pendant l’occupation sous le regard des Renseignements Généraux, Maîtrise [Pascal Ory, Denis Peschanski, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 166 p.

Avec l’entrée à Paris 1e 14 juin 1940 des troupes allemandes, la ville prend une nouvelle physionomie, qu’elle va conserver pendant quatre ans. Bien qu’ayant cessé d’être le siège du gouvernement, Paris reste le « cœur de la nation » comme l’avait déclaré le Maréchal Pétain. C’est en effet ici plus qu’ailleurs que se déroulent les grandes manœuvres de la collaboration.

Quelques mois après la défaite militaire de juin 1940 et la signature de l’armistice, une multitude de mouvements politiques légaux, c’est-à-dire autorisés par les forces d’occupation se créent tels que le RNP (Rassemblement national populaire), d’autres renaissent à l’image du PPF (Parti populaire français) et vont animer très vite la nouvelle tribune parisienne tout au long des années d’occupation allemande. Ce travail a pour but de suivre quotidiennement l’évolution de la vie politique parisienne, à partir des informations fournies par les rapports de quinzaines des Renseignements Généraux, afin de se forger une idée précise de la vision que possèdent les RG de ces mouvements et partis politiques. Les rapports de quinzaine, appelés aussi « situation de Paris », se composent de 22 cartons, recouvrant la période qui va de juin 40 à juin 45. Ces sources constituent un fonds d’archives riches et variées nous renseignant sur des thèmes aussi divers que le ravitaillement, l’opinion publique, la presse, ou les groupements politiques. La rubrique consacrée aux mouvements politiques concerne les partis nationaux ou autorisés, c’est-à-dire les partis collaborationnistes : sont évoqués leurs réunions, leurs congrès, sont présentées et détaillées leurs permanences, sont cités des extraits de discours des responsables (Déat, Doriot, Deloncle), où apparaissent leurs motivations, leurs positions sur les thèmes majeurs que sont l’antisémitisme, le communisme, ou l’évolution militaire du conflit.

Le collaborationnisme caractérise l’attitude de ceux qui sont aux premières lignes de la collaboration parisienne, ceux-là mêmes qui dans les journaux ou les groupements donnent le ton à la France Allemande, car cette minorité agissante possède sa propre presse. C’est cet univers des collaborationnistes parisiens, qui s’étend du chef charismatique, objet d’un véritable culte au simple militant ou chef de section de base, ce petit monde intrigant, insolite et étrange, qui est l’objet de mon étude.

De ce travail, nous pouvons tirer les enseignements suivants : – la société collaborationniste constitue un monde singulier et marginal dans ses idées et dans ses actes : collaboration vichyssoise et collaboranonnisme parisien sont deux univers différents et en perpétuelle opposition ; – ce monde collaborationniste parisien est compliqué par l’hétérogénéité des mouvements et des partis qui le composent. Ils possèdent des aspirations et des ambitions divergentes et par ailleurs chacun estime devoir tenir le premier rôle, d’où les rivalités et les antagonismes. Cette vie politique parisienne est rythmée par les conflits, les brouilles passagères ou les ruptures définitives. Dans cet univers, caractérisé finalement par sa grande diversité, la caractéristique la mieux partagée est que tous sont minoritaires et marginaux ; – enfin, l’activité politique, malgré des effectifs réduits, s’avère réelle à la lecture des rapports de quinzaines à certaines périodes de l’occupation : réunions privées, publiques, congrès se succèdent à un certain rythme.

Mais le collaborationniste parisien fut exclu, un rejeté, un laissé pour compte, un minoritaire qui n’a jamais existé que par la protection et l’aide, notamment financière, de I occupant.

DENOUVEAUX Christine, Les médecins des écoles de rééducation professionnelle pour mutiles de la guerre : étude des représentations médicales sur les mutilés (1914-1918), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 158 p.

La Première Guerre mondiale fut caractérisée par une violence jusqu’alors impensable. Le développement du nombre des armements et de leurs capacités de destruction produisit l’accroissement des blessures par balles et l’apparition d’un nouveau type de blessure, par obus (shellshock). L’importance des lésions ainsi causées augmenta drastiquement le nombre de blessés graves.

Les autorités militaires civiles et médicales décidèrent d’apporter secours à ces mutilés de la guerre en créant des « centres spéciaux » destinés a rééduquer fonctionnellement et professionnellement, en vue de leur réinsertion professionnelle. Les Écoles de rééducation professionnelle pour mutilés de la guerre voient ainsi le jour. Ces établissements faiblement médicalisés accueillirent environ 46 000 mutilés tout au long de la guerre, en parallèle d’œuvres d’assistance (publiques ou privées) aux mutilés.

Parmi le personnel des Écoles de rééducation professionnelle, les médecins tenaient la place centrale, celle d’organisateurs de la rééducation. De l’entrée des élèves mutilés dans l’École à leur sortie définitive les médecins avaient à charge de les suivre tant médicalement (rééducation fonctionnelle) que professionnellement (rééducation professionnelle), en supplément des tâches administratives.

L’histoire de la Première Guerre mondiale a fait des médecins dans une perspective Beckerienne, des oubliés de la guerre. L’histoire de la Médecine même s’attache bien plus aux pratiques et aux techniques qu’au vécu et à la pensée des médecins du XXe siècle. Ce que nous connaissons des médecins est souvent le produit de témoignages de mutilés. Cependant, les médecins des Écoles de rééducation professionnelle nous ont laissé des témoignages directs au sujet de leurs expériences auprès des mutilés. Au travers du discours de ces médecins se révèle tout un corpus de théories, de concepts et de représentations des mutilés qui se traduit dans les faits par une pratique adaptée et évolutive de la rééducation. Les médecins des Écoles sont un cas à part dans la population médicale, dotés de vues spécifiques ayant leur place dans l’histoire sociale et dans l’histoire des mentalités.

DIDIER Jean-Baptiste, Les conditions de l’émigration française vers le continent américain du milieu du XXe siècle à la veille de la Première Guerre mondiale, Maîtrise [Patrick Weill], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 143 p.

À partir du milieu du XIXe siècle et jusqu’en 1914, les phénomènes économiques et sociaux (transition démographique, seconde révolution industrielle, exode rural) qui se produisent en Europe du Nord-Ouest entraînent un mouvement d’émigration. Pour la France, ce mouvement, sans être aussi prononcé que celui qui a lieu au même moment en Allemagne ou en Angleterre, n’en reste pas moins important en valeur absolue. Ainsi, d’après les estimations les plus fiables, plus de deux millions de Français ont quitté l’Hexagone entre 1850 et 1914 pour se rendre à l’étranger ou en Algérie. Si l’on s’en tient au continent américain, ce sont 730 000 Français qui sont concernés. On voit donc qu’il s’agit d’un phénomène important, qui a néanmoins peu attiré l’attention.

L’objet du mémoire est non seulement de fournir des informations sur les chiffres mêmes de cette émigration, mais aussi, et surtout de décrire les conditions de cette émigration. Plusieurs paramètres et points de vue sont à prendre en compte : l’origine géographique (Alpes du Sud, Pyrénées, Sud-Ouest, Alsace et Paris) et sociale des émigrants, le rôle de l’État, les conditions matérielles du transport et enfin l’installation des émigrants une fois sur place. Ce découpage fournit un éclairage précis sur l’émigration française : celle-ci ne se résume pas à une émigration rurale ou pauvre, elle touche aussi les villes, l’artisanat et la pente entreprise. On constate d’ailleurs que certains émigrés français ont mis en place de véritables empires industriels ou commerciaux. On perçoit aussi les « stratégies » des émigrants qui cherchent souvent à revenir en France après plusieurs années à l’étranger où ils espèrent faire fortune.

Le mémoire s’interroge également sur le rôle de l’État français par rapport à l’émigration à cette période. On sait qu’il s’agit pour lui d’une question de première importance. Mais on voit qu’il est pris entre plusieurs logiques opposées : tout d’abord, la volonté de conserver des hommes en France pour des raisons militaires et coloniales, mais aussi de favoriser des intérêts commerciaux qui passent par la constitution de communautés françaises à l’étranger. Le terme de politique publique apparaît finalement inapproprié et on est amené à parler d’attitude de l’État au sujet de l’émigration.

Pourtant, la question a soulevé des débats dans l’opinion. Mais, paradoxalement, l’émigration française dans sa globalité a été peu étudiée, alors que certains mouvements de population plus restreints comme l’émigration politique sous la Révolution française ou bien l’émigration vers l’Algérie au XIXe siècle sont beaucoup mieux connus. Ce mémoire propose une vue d’ensemble de l’émigration française vers le continent américain (notamment États-Unis, Canada, Mexique et Argentine) durant cette période.

DOUSSINAULT Julien, Le Mercure de France pendant la Seconde Guerre mondiale. 1938-1945 : « les années Bernard » ; quand le Mercure devint poison. Vie, mort et résurrection d’une maison d’édition, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 157 p.

« Comme les gens heureux, le Mercure n’a pas d’histoire, le Mercure est une vieille maison qui n’a nullement besoin de se moderniser, une vieille maison qui en fait sans doute peu et qui n’a pas l’ambition d’en faire plus ; le Mercure est bâti sur un ancien modèle et se complaît en cet état ».

L’état du Mercure de France en 1945 est incertain. L’ancienne maison d’édition d’Alfred Valette, l’« ancien modèle » d’éditeur et de directeur de la revue, s’effondre. Il faut tout reconstruire. Ce déclin, cette perte de prestige, ne sont pas à analyser sous l’angle — suspect — d’un manque d’ambition proposé par Jacques Bernard, directeur du Mercure de 1938 à 1944, dans la citation précédente. En 1940, le Mercure de France décide de collaborer avec le nouvel occupant allemand et transforme son catalogue des éditions en un instrument de propagande, nuisible et nocif pour la littérature retran­chée dans de plus en plus rares publications de romans et de poésies.

La revue du Mercure, celle qui fit découvrir pour la première fois Alcools d’Apollinaire et les différents écrits de Nietzsche, disparaît dès le mois de juin 1940. Le Mercure ne tient plus dans ses fondations, « en fait sans doute peu » pour la littérature, mais beaucoup pour l’ennemi, n’hésitant pas à se mettre au service de celui-ci en publiant des ouvrages anglophones, anti- bolcheviques et antisémites, projetant même d’éditer Mein Kampf Jacques Bernard reçoit des officiers allemands à déjeuner plusieurs fois par semaine, renvoie certains de ses employés, envoie au pilon tous les livres susceptibles de nuire aux intérêts allemands et qui empoisonnent l’opinion publique française, d’après les instigateurs de la liste Otto.

En étudiant grâce notamment au Journal littéraire de Paul Léautaud, l’activité des éditons et de la revue du Mercure pendant la Seconde Guerre mondiale, nous verrons que la maison du 26, rue de Condé est en crise. Le Mercure de France cesse d’emprunter au Mercure romain ou à l’Hermès grec son caducée et son casque ailé, autrement dit sa divinité. Malade, en crise, il devient poison, et nous assisterons au cours de ce mémoire, à l’intoxication du mercure dans le corps et jusque dans l’esprit de la maison d’édition, avant que nous ne trouvions l’antidote.

« […] le Mercure n’a pas d’histoire… »

DUCAMP Alix, La classe ouvrière et l’émancipation de la société selon la Gauche prolétarienne (1968-1973), Maîtrise [Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 253 p.

En août 1969, le numéro onze de La Cause du Peuple, journal de la Gauche prolétarienne (GP), titre en lettres rouges et avec poing levé : « Patrons, c’est la guerre ! » Créée à l’automne 1968, cette organisation maoïste, qui se revendique de la pensée de Mao Tsé-Toung et de la révolution culturelle chinoise, est connue pour sa violence verbale, ses formules lapidaires et guerrières, autant que pour ses actions spectaculaires, parfois à la limite du terrorisme, comme I’enlèvement du chef du personnel de I’usine Renault­Billancourt en mars 1972. La GP est moins connue pour ses représentations de l’usine et delà classe ouvrière, si l’on excepte la pratique de l’établissement, c’est-à-dire l’embauche volontaire de jeunes militants, souvent des étudiants, dans les usines pour porter la bonne parole, révolutionnaire auprès des ouvriers. Pourtant, c’est surtout par ses choix idéologiques qu’elle occupe une place originale dans I’extrême gauche française de I’après-Mai 68. Le maoïsme est déjà une dissidence par rapport au mouvement communiste traditionnel, dominé par le Parti Communiste Français. Mais, plus généralement, la GP rejette l’héritage marxiste-léniniste orthodoxe ; ou plutôt, les « maos », comme ils se nomment eux-mêmes, sont constamment partagés entre l’objectif de la révolution prolétarienne qu’ils croient imminente, et les aspirations nouvelles, le vent de liberté qui souffle sur la France depuis l’explosion de Mai 68. Notre propos, c’est de comprendre le rôle de la classe ouvrière dans le projet de libération de la société pour la Gauche prolétarienne, c’est-à-dire de comprendre ce que la GP conserve de la represention communiste classique de la révolution et dans quelle mesure elle en sort. La GP s’efforce de lier Marx et Mai 68 ; son auto-dissolution à I’automne 1974 est l’aveu de son impuissance à les concilier.

FAVREAU Virginie, La CFDT et le moment Solidarnosc : les liens CFDT­Solidarnosc, 1980-1983, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 109 p.+ annexes

30 août 2000, Gdansk, Pologne. Une foule est rassemblée pour célébrer le vingtième anniversaire de la naissance du syndicat indépendant et autogéré Solidarnosc ». Edmond Maire, secrétaire général de la confédération française démocratique du travail (CFDT) en 1980 est le seul syndicaliste étranger à prendre la parole. Sa présence à elle seule, rappelle le soutien du syndicat français, l’enthousiasme de ses militants entre 1980 et 1982.

Le travail de recherche s’est basé sur les archives de la CFDT nouvellement classées. Elles apportent à cette étude une vision confédérale, régionale, voire locale de la relation entre la CFDT et Solidarnosc.

Ce mémoire s’articule autour de la date charnière du dimanche 13 décembre 1981. Avant l’instauration de l’état de guerre en Pologne, il fallait revenir sur la rencontre et les prémices de la relation entre les deux organisations. Il était également primordial de s’intéresser aux raisons qui ont amené les militants français à s’investir, mais également de comprendre de quelles manières ils ont vécu les différences entre les deux syndicats.

L’instauration de l’état de guerre remet en cause toutes les données du partenariat mis en place pendant « les 500 jours de libertés » de Solidarnosc. La CFDT est la première organisation française à réagir. Elle s’implique dans une nouvelle forme de soutien à tous les niveaux du syndicat. La bataille pour la reconnaissance légale de Solidarnosc est dépassée. La CFDT doit après le 13 décembre soutenir une organisation clandestine afin qu’elle survive. Nous nous sommes également intéressés à la réflexion qui a eu lieu autour de la collaboration auprès de Solidarnosc à travers les discussions entre syndicalistes, mais également à travers le travail mis en place entre la CFDT et un groupe d’intellectuels français.

GAUTHIER Gwaël, Histoire du Club Dorothée, dix ans de bonheur ?, 1987-1997, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 210 p.

Cette étude porte sur l’émission jeunesse phare de TF1 entre 1987 et 1997, le Club Dorothée et propose un panorama de son histoire basé sur la problématique de sa longévité. Elle s’articule en trois parties : – la première partie concerne les émissions jeunesse avant 1987, une analyse de l’émission « Récré A2 » et du contexte général des programmes jeunesse sur les chaînes hertziennes ; – la seconde partie s’attache à la mise en valeur du phénomène Club Dorothée. Elle contient une étude de l’histoire de la société AB Productions ainsi que de sa relation avec TF1. Cette partie est clôturée par un chapitre relatant les différentes émissions sous l’effigie du Club Dorothée, les conséquences au niveau du public et de son image ; – la dernière partie s’attache à comprendre et analyser le contenu de l’émission : la programmation, les plateaux et ses présentateurs.

À la privatisation de TF1 en 1987, la chaîne engagea la star des enfants sur Antenne 2, Dorothée. Elle présentait alors l’émission jeunesse phare de la chaîne, Récré A2. Dès ses débuts, le Club Dorothée se caractérisa par une programmation particulièrement articulée autour de dessins animés d origine japonaise, de nombreuses rediffusions et de fiction dont le nombre fut en évolution constante. La principale innovation de l’émission fut la mise en place du plateau de l’émission du mercredi après-midi, de son groupe, des nombreux invités et de son public de quatre-cents jeunes enfants.

L’émission remporta un énorme succès auprès des enfants, mais fut sujette à de nombreuses critiques à propos de la violence de ses programmes, de son caractère trop commercial et promotionnel ainsi que de son hégémonie sur la tranche jeunesse. L’émission fut surtout un excellent moyen de starisation de l’animatrice Dorothée, par l’introduction de chansons de l’animatrice en son sein ainsi que par une mise en scène de son statut de star. Elle fut aussi une formidable machine à fidéliser le public grâce à de nombreux jeux et un discours régulier, bienveillant et fédérateur à son égard.

L’émission s’arrêta en août 1997, après une baisse régulière de son audience et la diminution du nombre de ses émissions.

GAY-MAZUEL Audrey, Exposer l’art français du XIXe siècle en 1900 : la Centennale et la Décennale au Grand Palais, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 236 p.+ 200 p. d’annexes

Étudier ensemble, mais sans en gommer les caractères propres, deux expositions rétrospectives de l’art français du XIXe siècle, l’une évoquant les années 1800-1889, et l’autre les dix dernières années du siècle, organisées dans le cadre de l’exposition universelle de 1900 revient à analyser l’organisation étatique d’un programme artistique unique par son ambition.

Cette ingérence du politique dans le monde de l’art lie étroitement cette recherche à la politique culturelle de la IIIe République qui orchestrait l’ensemble. Il s’agissait d’étudier le sens de lecture de l’art que l’État proposait aux 51 millions de visiteurs de l’Exposition universelle, et donc de dégager les partis pris à la fois historiographiques et esthétiques qui sous-tendaient un bilan aussi délicat à dresser que celui d’un siècle rythmé par des révolutions stylistiques et esthétiques, des polémiques entre les académiques, tenants de la tradition, et les novateurs, exclus des circuits officiels de l’art.

Édifié pour l’Exposition, le Grand Palais renfermait une leçon d’art qui célébrait la gloire des beaux-arts français et mettait en relief le déterminisme de son enchaînement progressiste. Afin de dégager ce système de représentations esthétiques, l’étude du contenant, la présentation formelle des œuvres, autant que son contenu, le programme idéologique, était fondamentale. La muséographie, mise en scène des œuvres dans une structure donnée, offre la traduction matérielle du programme théorique de ces expositions. Si Beaux-Arts rimaient toujours avec bazar au Grand Palais, des innovations améliorèrent la condition de l’œuvre. Les artistes et les œuvres exposées, autant que les absents étaient révélateurs d’une lecture par définition partiale et partielle, malgré la volonté d’objectivité des organisateurs d’exposer sans parti pris d’école.

Prélude aux expositions-programmes du xxe siècle par sa Centennale mais encore tourné vers le XIXe siècle pour son exposition-concours de la Décennale, le Grand Palais, par ses contradictions et sa complexité, aussi bien dans le fond que dans la forme, se porte témoin d’une époque plus que d’un siècle.

GEORGE Séverine, Une gloire fuyante : portrait d’une oubliée. Simonne Mathieu (1908-1980), Maîtrise [Michel Dreyfus, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 153 p.

Le nom de Simonne Mathieu est inconnu de tous. Et ce malgré un parcours exceptionnel. Simonne Mathieu commence sa brillante carrière tennistique à la fin des années 1920. Devenue la meilleure joueuse française après Suzanne Lenglen, elle se forge un palmarès des plus enviables (10 victoires à Roland Garros par exemple). Avec la guerre sa suprématie sur le tennis féminin cesse. Car la championne trouve à cette époque un nouveau terrain d’expression pour son caractère vaillant et combatif. Présente à Londres aux premiers jours du conflit, elle s’engage au plus vite dans la lutte contre l’Allemagne nazie. Son action aboutit bien vite à la création d’un Corps Féminin au sein des FFL, pendant plus de deux ans. Ce service d’Auxiliaire féminin de l’armée de terre est la première réalisation d’intégration des femmes dans l’armée française. Héroïne de guerre, elle retourne rapidement à sa première passion, où elle bénéficie de son nouveau statut. Mais cette gloire nouvelle ne dure qu’un temps, et peu à peu elle disparaît des membres.

Cette femme de paradoxes, à la fois progressiste dans sa vision de la modernité, mais profondément ancrée dans un conservatisme social, laisse donc, par son destin exceptionnel, une trace réelle dans l’Histoire, à défaut d’intégrer l’historiographie. Cet oubli général, touchant tout à la fois les différents cercles de sa vie, symbolise, malgré sa soif de reconnaissance, le trait dominant de sa mémoire.

GIRBEAU Sabine, Naissance du gangstérisme à Paris, ou le « milieu moderne » avant, pendant et après l’Occupation, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 129 p.

Pour dénommer le monde interlope durant la Belle Époque, les gens employaient le terme de « pègre ». Pendant l’entre-deux-guerres, les contemporains utilisaient le mot « milieu ». Enfin, aujourd’hui, nous évoquons plutôt l’expression « grand banditisme » pour définir cette catégorie de la société. De fait, l’emploi de ces mots correspond bien à une réalité. L’irruption des mots « milieu », « gangsters » dans les années trente coïncide avec une phase de modernité.

Au-delà du champ sémantique, nous avons tenté de mettre en évidence les mutations opérées au début des années trente qui caractérisent cette époque. L’arrivée massive des Corses, les nouveaux trafics, la nouvelle ère de règlements de comptes mais aussi une mentalité différente expliquent les changements apparus à Paris dans le « milieu ».

Dans ce mémoire, nous avons intégré ces modifications sur une période s’étendant jusqu’à la fin des années quarante, car un événement capital, à savoir I’Occupation de Paris, change la donne. Durant cet intermède, les truands ont un pouvoir qu’ils n’avaient jusque-là jamais eu ; celui d’avoir la possibilité d’exercer leur art au grand jour. Engagés dans des services français de la Gestapo, ils réquisitionnent, pillent et volent pour le compte des Allemands, mais surtout pour le leur. Cet âge d’or de la truanderie va-t-il bouleverser la place des malfaiteurs dans la société ? C’est un des axes sur lequel repose le fondement de notre réflexion.

Au travers des archives que nous étudions dans ce mémoire, nous constatons que, dans leur grande majorité, les truands retournent après la guerre à leurs activités d’avant-guerre (fin des « vols aux faux policiers », règlements de comptes liés à des rivalités classiques…). La guerre n’a pas transformé la nature du « milieu moderne », tout au plus elle a favorisé la « carrière » de certains bandits après guerre. En définitive, la Gestapo n’a pas changé le visage de la criminalité à Paris.

GOLDENSTEIN Benjamin, « ltinérance », vie et œuvre radiophonique d’André Gillois, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 336 p.

André Gillois a participé à la vie des médias audiovisuels français trente-cinq années durant. Producteur d’émissions radiophoniques depuis 1934, il exerce également en télévision à compter de 1951. Permanence remarquable : lorsqu’il cesse de produire des émissions régulières, en 1968, seule l’année 1941 ne l’a pas vu sur les ondes ! Ce vaste champ temporel de production nous confrontera à des visages multiples de la radio française et nous permettra d’en envisager l’évolution à travers une perspective non plus centrée sur l’histoire du média, mais sur celle du producteur.

Celui-ci a vécu quatre époques majeures de l’histoire de la radio. Producteur, sous son premier nom, Maurice Diamant-Berger, au Poste parisien de 1934 à 1940, il connaît cet âge d’or de la création radiopho­nique où le média est employé de façon mixte par des groupes privés d’une part et les pouvoirs publics dans une radio d’État d’autre part.

Vient ensuite la Seconde Guerre mondiale, qui consacre le médium radiophonique comme arme de combat. Notre producteur prend alors le nom d’André Gillois et participe à la « guerre des ondes », d’une façon peu commune. Car il rejoint Londres, en 1942, mais du côté des antigaullistes. Nous le retrouverons pourtant en juin 1944 porte-parole du général de Gaulle à la BBC. Entre temps, André Gillois nous aura permis d’illustrer le rôle de la radio durant la guerre et notamment celui des « radios noires » des services secrets britanniques.

Acte III, scène 1 : Octobre 1944. André Gillois rentre à Paris. La radio est alors prise en mains de façon monopolistique par l’État. Les résistants qui s’y retrouvent expriment de fortes exigences pour ce média destiné à témoigner du prestige de la France et à former un citoyen nouveau. André Gillois y participe et nous verrons en détail sa production à la Radiodiffusion Nationale. Très vite pourtant, le contexte sera tout autre. Acte III, scène 2 : Les exigences des tenants de la radio d’État sont désormais mises à mal par la concurrence livrée par les postes privés, dits « périphériques ». Pis encore pour elle : la télévision va bientôt concentrer toutes les passions et reléguer sa cadette au second plan. Notre seconde partie sera consacrée à l’étude de cette production radiophonique puis télévisée, d’André Gillois à la RTF.

Mais ses activités sont multiples et débordent le cadre de la radio. Nous nous intéresserons donc d’abord à l’étude de la vie de ce « touche-à-tout » à la fois producteur, auteur dramatique, essayiste, éditeur, cinéaste, etc. Nous verrons ainsi comment se forme un producteur né avant la radio et comment il témoigne de l’acculturation à ce nouveau média.

GONZALO Christelle, Boris Vian, de la mort d’un homme connu, mais méconnu à la reconnaissance publique et critique d’un artiste pluriel (1959-1999), Maitrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], 2002, Univ. Paris 1 CHS, 388 p.

Boris Vian est un artiste multiple, tout à la fois écrivain, poète, musicien de Jazz, chroniqueur, peintre, auteur de livrets d’opéra, chanteur et auteur de plus de cinq cent chansons, etc. De son vivant, il a connu que peu de succès : une notoriété toute parisienne en tant qu’animateur des nuits de Saint-Germain-des-Prés après la Libération, et une aura de scandale consécutif à la parution de son pastiche de Série-noire américaine J’irai cracher sur vos tombes, publié sous le pseudonyme de Vernon Sullivan. Lorsqu’il décède en 1959, il laisse derrière lui une mauvaise réputation et une œuvre méconnue. Mais très vite, ses proches et quelques auditeurs audacieux tentent de faire connaître le Boris Vian romancier, dramaturge et chanteur, et le public découvre alors derrière le provocateur le véritable poète. Les textes qui avaient été pilonnés sont republiés, des inédits paraissent et Vian est à partir de 1966 récupéré par un lectorat principalement jeune qui se retrouve dans ses désirs et ses angoisses. Durant les Années 68, l’écrivain est érigé en figure d’une contestation multiforme et d’essence juvénile qui tend à faire de lui l’auteur d’une puis de plusieurs générations de jeunes gens. À la fin de la décennie 1970, la mode s’estompe quelque peu et Boris Vian tend progressivement à s’institutionnaliser. Étudié dans les lycées, traduit à I’étranger, érigé en écrivain-symbole de la moitié du XXe siècle, il voit son nom accolé aux façades des établissements scolaires et des centres culturels et, en 1999, les premiers tomes de ses Œuvres complètes voient le jour chez Fayard.

C’est cette fulgurante progression dont nous tentons de rendre compte ici, en étudiant non seulement les vecteurs de production, de diffusion et de réception d’un Boris Vian considéré en tant que phénomène culturel, mais également en révélant la façon dont la critique et le public le perçoivent à une période donnée, et finalement en évaluant en fonction de l’époque quelles représentations de Vian s’estompent, se maintiennent ou dominent au sein des différents groupes sociaux et différentes institutions considérés.

GOUDARD Bernard, L’Explosion médiatique des Nouveaux Philosophes dans les années 70, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 192 p.

S’il est difficile de délivrer l’acte de naissance de l’émergence des Nouveaux Philosophes, il est toutefois possible de suivre les épisodes marquants de cette ascension et de cette éclipse. La publication par Les Nouvelles littéraires d’un dossier réalisé par Bernard-Henri Lévy sur les « nouveaux philosophes » fait souvent figure de point d’impulsion même s’il est possible d’isoler quelques publications qui contiennent des caractéristiques au courant dès 1975 : l’ouvrage polémique d’André Glucksmann, La cuisinière et le mangeur d’hommes. Il s’agit avant tout de réaliser un dossier « dressant une sorte de typologie des familles philosophiques vivantes ». L’année 1976 marque une inflexion décisive dans leur trajectoire. Dès lors se met en place une véritable offensive médiatique, orchestrée par Bernard-Henri Lévy qui profite de sa position d’éditeur chez Grasset pour promouvoir un mouvement dont bon nombre de protagonistes publient dans ses collections. Ensuite, leur présence médiatique va crescendo et s’étale sur tous les supports. En plus, les livres des auteurs sortent à haute fréquence, ils occupent les ondes radio et notamment France Culture pendant l’hiver, animent des débats houleux au Centre Georges Pomeidou au début de l’année 1977. Cette systématique préparation de terrain porte ses fruits au printemps 1977, et intègre le dernier média qui leur résiste. Omniprésents dans les médias, les Nouveaux Philosophes disposaient d’appuis institutionnels importants dans la sphère éditoriale, Grasset donc, mais aussi Hallier, et dans les milieux des hebdomadaires culturels, au Nouvel Observateur ou au Monde. Si ces derniers réfutèrent leurs ressemblances, leur appartenance à un mouvement et à un même mode de pensée, ils affirmèrent néanmoins une communauté fondée sur la « rencontre » et l’unité de capital culturel qui se fonde sur l’aspect générationnel issu de Mai 68 et le souvenir de l’éducation à l’Ecole Normale Supérieure.

Le 27 mai 1977, l’émission littéraire Apostrophes de Bernard Pivot sur Antenne 2 avait comme invités André Glucksmann pour son livre sorti en avril, Les Maîtres penseurs, Bernard-Henri Lévy pour son livre sorti début mai, La barbarie à visage humain, accompagné de Maurice Clavel, qui fait office de « parrain », contre deux auteurs d’un pamphlet intitulé Contre la nouvelle philosophie. Une polémique sans précédent dans l’histoire des idées en France naît ce soir-là de débats violents. Le sommet se dessine vers 1977-1978, moment charnière dans la vie politique française qui voit se nouer puis se dénouer la crise de l’Union de la gauche, par la rupture du Programme Commun puis par l’échec aux élections législatives. La polémique dure toute l’année et, fait exceptionnel, traverse les frontières pour toucher d’autres pays qui luttent aussi contre le marxisme. Finalement, le mouvement s’étiole sous les effets cumulés de la violence de la polémique et des trop grandes différences entre les pensées des « nouveaux philosophes ».

GOUZOU Anne, De l’année aux journées du Patrimoine : une réponse à l’engouement des Français pour le Patrimoine (de la fin des années soixante-dix à 1992), Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 199 p.

Les vingt dernières armées ont été marquées par une explosion patrimoniale. Les Français trouvent dans le patrimoine un moyen de se rattacher au passé face à un futur incertain. Cet engouement se marque dans de nombreuses pratiques culturelles : brocantes, collections, musées et monuments historiques. La visite patrimoniale est la deuxième pratique culturelle après le cinéma. Or, les pouvoirs publics sont tenus de donner des réponses à cet engouement. En parallèle à la politique traditionnelle de classement et de restauration du patrimoine, une nouvelle politique de diffusion en direction du public s’est développée. Cette politique a comme objet principal, au cours de la décennie quatre-vingt, la fête. La première d’entre elle est la Fête de la musique. Dans le domaine du patrimoine, l’Année du patrimoine (1980) joue également un rôle moteur dans la création de la Journée porte ouverte dans les monuments historiques. Créée en 1984 cette Journée d’ouverture des monuments historiques se transforme en 1992 en Journée du patrimoine et se prolonge le temps d’un weekend.

Cette manifestation connaît un succès considérable en attirant un public local peu enclin à visiter le patrimoine près de chez lui. Cette caractéristique est un des fondements de la création de ces journées. Cette manifestation voit son image se transformer pour devenir une journée d’ouverture exception­nelle. Les médias ont joué un rôle prépondérant dans cette perception des Journées du patrimoine en les présentant dans des reportages sur le Sénat et l’Hôtel Matignon. Cette Journée enregistre un succès en termes d’ouverture, de fréquentation, mais aussi en terme politique. Pour les Français, elle est un rendez-vous patrimonial qui se répète chaque année à la même date : le troisième dimanche de septembre. Chaque année, de plus en plus de monuments ouvrent leurs portes, qu’ils soient privés ou publics. Enfin, elle pèse dans les décisions budgétaires en amplifiant l’engouement des Français pour le patrimoine. Elle bénéficie d’un consensus politique et entraine de nouvelles manifestations dans son sillage.

GOYET Vincent, La protection de l’individu contre lui-même : la question de la liberté individuelle dans la législation de la santé et de la sécurité publique en France depuis 1946, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 125 p.

Si l’État français a très tôt inauguré des mesures d’assistance pour porter secours aux malades et aux infortunés, c’est seulement récemment qu’un véritable droit à la santé a été reconnu — via le Préambule de la Constitution de 1946 — et s’est effectivement mis peu à peu en place autour de l’instauration progressive d’une Sécurité Sociale.

Cependant, cette institutionnalisation du sain, et la prise en charge financière par la collectivité des coûts occasionnés par l’individu, conduit rapidement les pouvoirs publics à se préoccuper énergiquement de la santé et de la sécurité publiques : car dès lors, l’explosion des dépenses de santé entraine un nouvel impératif résidant en la diminution des comportements nocifs. La bonne santé et sa promotion deviennent un objectif social. L’observation désormais attentive et globale de la population et de ses habitudes permet d’identifier, et surtout de quantifier (ou de le tenter), un certain nombre de causes non naturelles de mortalité et de maladies. Soucieux non pas seulement d’informer la population sur les risques pris — considère-t-il — inconsciemment, mais aussi et surtout soucieux d’efficacité, l’État organise, sous couvert de Santé Publique, de véritables campagnes de propagande, et dénonce les comportements non sains en tant que comportements inciviques, puisque la Santé Publique est menacée par les « fléaux » que constituent le tabac, le sida, la drogue. Les comportements à risque sont traités comme des maladies, et les individus qui les adoptent sont perçus au mieux comme des mineurs — de perpétuels irresponsables —, au pire comme des fous, qu’il faut soigner.

La multiplication des règlementations vétilleuses et inquisitoires, mais aussi l’incohérence des politiques de santé publique (condamnation des « drogues », mais absence de réflexion globale incluant l’alcool et les médicaments ; même sort réservé au LSD et au cannabis…), suscite de nombreuses oppositions, dont la dispersion ne permet cependant pas un lobbying suffisant pour obtenir la modification, de lois à la constitutionnalité pourtant trouble, malgré les résultats mitigés de cette politique répressive et de déresponsabilisation tout à la fois. Les gouvernements successifs s’obstinent à ne voir dans la revendication des comportements à risque que le symptôme d’un malaise social, et jamais comme la recherche d’un mode de vie alternatif : « Je ne veux pas d’une société qui, sous couvert de respect des libertés individuelles, deviendrait indifférente aux souffrances dont la toxicomanie est toujours révélateur. Je ne prendrai pas la responsabilité d’enfermer les jeunes dans la dépendance alors que beaucoup attendent une aide pour s’en libérer ». (Jacques Chirac, À propos du cannabis, 1995)

La bonne santé de la santé publique passe avant la volonté de chaque citoyen à conduire sa vie comme il l’entend. Le sain est érigé en bon. Or, vouloir faire le bien des gens malgré eux n’est pas une caractéristique démocratique : néo-hygiénisme et totalitarisme mou font leur apparition dans une société en quête de valeurs, et qui se tourne vers la vérité de la médecine.

GUERRAUD Virginie, La politique de la ville dans le quartier de la Pierre Collinet à Meaux (77) de 1977 à 1993. L’application locale d’une politique nationale, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 233 p.

Conçu sur le modèle des cités radieuses de Le Corbusier, le grand ensemble de la Pierre Collinet, construit de 1959 à 1965, compte 1848 logements répartis entre six immeubles barres de quinze étages et trois immeubles tours de vingt-deux étages. Première grande réalisation entièrement industrialisée, la Pierre Collinet présente alors un caractère expérimental qui lui donne l’image de marque d’une opération pilote. Pourtant, dès la mise en service des premiers logements en 1961, des défauts de conception apparaissent, en même temps que se multiplient les dégradations. Avec une dizaine d’autres quartiers en France, la Pierre Collinet devient éligible en 1977 à la première opération de réhabilitation des quartiers dégradés, l’opération Habitat et Vie Sociale. Depuis, de façon ininterrompue, la Pierre Collinet est classée parmi les Sites prioritaires de la politique de la ville : îlot sensible, développement social des quartiers, zone d’éducation prioritaire, conseil communal de prévention de la délinquance, contrat d’action de prévention pour la sécurité dans la ville, développement social urbain, convention de DSQ, plan local de sécurité, etc. L’objectif de ce mémoire est précisément d’étudier l’application locale de la politique de la ville, dans le quartier de la Pierre Collinet à Meaux de 1977 à 1993.

Quels ont été les dispositifs mis en place dans le quartier ? Quels domaines d’intervention ont-ils concernés ? Qui s’est impliqué dans leur mise en œuvre ? Quels ont été les moyens mobilisés ? Qu’est-ce qui a été fait, expérimenté ? Et avec quel résultat ? Telles sont les principales questions auxquelles le mémoire apporte une réponse.

Après un prologue consacré à la cité de 1957 à 1977, la première partie du mémoire étudie la mise en œuvre dans le quartier des premiers dispositifs de la politique de la ville (1977-1984), et la deuxième partie étudie l’application des dispositifs de la politique de la ville dans le cadre des contrats de plans (1984-1993). En annexe, se trouve notamment une histoire de la politique de la ville.

GUILLOT Hélène, La vie quotidienne à Paris pendant la Grande Guerre : photographies de l’armée française, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 2 vol. 98 p. + 92 p.

Ce mémoire traite de photographies prises par l’armée française, à Paris, pendant la Première Guerre mondiale. Ces images de la vie quotidienne ont été prises entre 1915 et 1919.

Avant de pouvoir les analyser, il a été nécessaire de revenir sur leur origine. En d’autres termes, quels sont les objectifs de la section photographique de l’armée (SPA) à sa création en 1915, qui sont ses opérateurs et quelles sont les conditions de production des images ?

Il faut reprendre ces éléments pour comprendre comment les clichés sont utilisés. L’Etat trouve à travers la SPA, le moyen de contrôler l’image officielle de la guerre et de mener une propagande nationale et internationale. Les images sont diffusées sous diverses formes : principalement des albums, des expositions et des cartes postales.

Dans un premier temps, la vie quotidienne ne semble pas être perturbée par les événements, toutefois la guerre affleure à tous les niveaux. Les œuvres caritatives se multiplient et le ravitaillement se fait de plus en plus difficile.

La ville porte en elle tous les stigmates de la guerre : elle se mobilise pour participer à l’effort national, construit des armes et des munitions. Elle subit les bombardements incessants de l’armée allemande et enterre ses morts. Paris représente aussi la zone où transitent courriers, conscrits et permissionnaires. Elle fait le lien entre le front et l’intérieur.

Globalement, les photographies de Paris donnent une image positive de la ville et de ses habitants. Sans parler d’héroïsme, les images de la SPA nous montrent que Paris s’est toujours senti concerné par la guerre.

HABABOU Julien, Les joueurs américains dans le basketball français au XXe siècle, Maîtrise [Michel Dreyfus, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 226 p. + 83 p. d’annexes

Le basketball, parent pauvre de la production historique, mérite, autant que toute autre activité sportive, I’attention de l’historien. Notre recherche a pour but d’apporter une modeste pierre à l’édifice que consti­tuerait une étude générale du basketball en France. Elle porte sur les joueurs américains et d’origine américaine (naturalisés Français et Franco-­américains) ayant évolué dans le basketball hexagonal depuis le début du siècle, et, plus particulièrement, dans le Championnat de France de division nationale, équivalent à la première division, à partir de 1967.

Dès cette époque — et après un demi-siècle de rencontres sportives, succinctement rappelées, entre des Français et des pionniers américains au rôle prépondérant — chaque équipe de l’élite française, ou presque, compte deux Américains en son sein. L’étude que nous avons réalisée, essentiellement à partir de la presse écrite spécialisée, est alors au croisement de multiples approches historiques.

Nous avons souhaité, tout d’abord, étudier des hommes, dresser un portrait de groupe des quelque 800 joueurs d’origine américaine ayant foulé un parquet français au cours du XXe siècle. Ce portrait s’attache à la fois à recenser les itinéraires sportifs de ces joueurs, et à étudier l’intégration, souvent très temporaire, de ces migrants privilégiés — travailleurs sportifs non immigrés — à la société française, par le prisme, certes paradoxal, des travaux des spécialistes de l’immigration. Nous montrons alors que leurs itinéraires et leurs personnalités en font des précurseurs d’un sport mondialis­é, d’un marché sportif globalisé.

Nous accédons, ensuite, à l’histoire d’une institution, la Fédération française de basketball, et à sa politique, heurtée et très ambivalente, quant à l’accueil de joueurs étranger ou naturalisés qui sapent — dans un mouvement comparable a celui suivit par le football français, souvent pris comme modèle — les fondements de la constante nationaliste du sport de haut niveau. Nous approfondissons la vision institutionnelle de l’ouverture à ces joueurs étrangers de très bon niveau et analysons comment l’ambivalence se personnifie dans l’instabilité des règlements fédéraux et la multiplicité des débats organisés autour de la présence américaine ou naturalisée, qui, pourtant, va grandissante en s’institutionnalisant. Cerre politique est non moins fréquemment discutée par un autre acteur fondamental, la presse sportive spécialisée, qui de source devient alors l’objet d’une étude critique. Le lien avec l’histoire politique et particulièrement législative est, ici, plus fort qu’on pourrait le croire : lois sur l’organisation et la professionnalisation du sport, questions posées aux ministères concernés quant aux droits des naturalisés français, etc.

Nous étudions enfin les conséquences de leur impact fondamental sur un sport qu’ils maîtrisent bien mieux que les Europeens, sur le développement du basketball, et du sport français dans son ensemble : modeste étude de la pratique sportive qui se prête volontiers à un décryptage statistique exploitable par l’historien ; rôle joué sur la transition du basket-ball, encore profondément ancré dans la tradition du sport de masse, vers la modernité du sport spectacle et de la professionnalisation du haut niveau, deux mouvements, parfois décriés, facilités par la philosophie marchande qui entoure les joueurs d’outre-Atlantique.

Succès populaires et sportifs, spectacularisation et professionnalisation du sport français, etc., soit autant d’avancées vers la modernité sportive qui font des joueurs américains des compagnons indiscutables du basketball français au XXe siècle.

HAGUENAUER Lucie, Maliens à Aubervilliers : le foyer de travailleurs des Fillettes, années 1960 à nos jours, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Marie-Claude Blanc­Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 165 p. + 41 p. d’annexes

Ce mémoire, principale ent fondé sur des recensements nominatifs de 1975 et 1982 des archives internes au foyer et des entretiens avec les résidents, a pour but de faire réapparaitre cet espace à l’écart et invisible. Bien que très médiatisée ces dernières années, l’immigration noire africaine est confrontée à des conditions de vie précaires dont le foyer est une image significative. Les résidents du foyer de la rue des Fillettes sont en majorité des Soninkés en provenance de la région de Kayes au Mali. Ils font partie des premiers flux en provenance d’Afrique noire. Nous avons essayé d’analyser en quoi ce foyer et ses résidents sont représentatifs d’une immigration masculine en foyer.

L’histoire des résidents commence par une analyse des réseaux et des chemins migratoires entre le Mali et le foyer de la rue des Fillettes.

Le foyer de travailleurs migrants est pour l’État un moyen de contrôle et pour les immigrés un moindre mal. Tant dans l’esprit de l’État que dans celui des travailleurs, il est un lieu d’habitat provisoire auquel ils ne peuvent se soustraire. L’exclusion du foyer introduit dès ses origines la notion de ghetto. Malgré l’emplacement du lieu dans une commune communiste, la ghettoïsation s’accentue au fil des années. Le foyer de travailleurs de la rue des Fillettes, construit pour une courte période, est condamné à durer en l’absence de solutions d’avenir. Surpopulation, dégradation et insalubrité caractérisent cet espace.

De l’assignation au logement en foyer, à l’appropriation des lieux, il existe des dynamiques ouvrières et ethniques aux Fillettes. En effet en foyer de travailleurs Noirs africains, la vie s’organise autour de la communauté. Ce mode de vie prend plusieurs formes : caisses villageoises, solidarité, entraide, associations qui prolongent le projet d’origine tourné vers le Mali et procurent à la famille l’argent pour survivre. Le foyer s’organise dans l’entre-nous et donne l’impression d’être un petit enclos à part dans la ville. Le ghetto est donc à la fois signifié par l’exclusion, la dégradation et par les formes internes d’organisation sociales, religieuses et économiques. La vie communautaire est autant une invention des résidents qu’une importation des modes de vie villageois.

Le foyer est en conclusion un lieu de mémoire ouvrière, un lieu de vie, et de convivialité.

HAMOUCHE Samia, La représentation de l’attentat de Saint-Michel par les journaux télévisés, Maîtrise [Pascal Ory, Jean-Louis Robert, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 176 p.+ 278 p. d’annexes

Le travail du journaliste reporter d’images, par le jeu de l’audimat, consiste à faire du sensationnalisme quotidiennement afin de se démarquer de ses éventuels concurrents. Dans notre société contemporaine, où les médias représentent le 4e pouvoir, l’événement met l’accent sur l’émotion. L’attentat de Saint-Michel, le 25 juillet 1995, a bouleversé l’organisation des journaux télévisés. L’événement ayant eu lieu à 17h30, les journalistes ont pu le couvrir très vite. La notion de direct, par les nombreux duplex notamment, contribue à alourdir cette atmosphère dramatique. Cette ouverture au monde rend réelle cette violence brutale qui surgit sur la scène nationale. Le terrorisme, par définition, est un acte de communication, qui n’existe que par le biais de l’écho que lui donne la télévision. Pourtant la représentation de l’attentat, que donnent les journalistes, est plus ou moins faussée. En effet, les sous-sols du RER Saint-Michel, où a eu lieu l’attentat, leur ont été interdits. Ils n’ont pu filmer l’emplacement même, mais uniquement l’extérieur, le Boulevard Saint-Michel avec le ballet des secours en action, encadrant les quelques visages de rescapés légèrement touchés par l’explosion. L’armée, par contre, était sur place et a eu l’exclusivité des images, qu’elle a transmises le lendemain aux différentes rédactions, les sélectionnant au préalable. Quelle est leur définition du terrorisme ? Est-il interne ou international ? Le terroriste se définit-il comme terroriste ? Ou comme « résistant », « révolutionnaire » ? Où commence le jugement ? Les médias sont-ils véritablement impartiaux dans leurs discours et analyses du sujet ? Alors qu’ils tirent leurs sources d’information des représentants de l’État (forces de police, enquêteurs), quelles relations entretiennent-ils avec le pouvoir ? De quelle manière traitent-ils les « répressions » mises en place ?

Les médias, face à cet événement inattendu, sont contraints de trouver leur place entre les intérêts du terrorisme et ceux de l’État.

HUBAC Fanny, L’exploitation cinématographique à Paris sous l’Occupation, Maîtrise [Claire Andrieu, Pascal Ory, Denis Peschanski], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 257 p.

L’exploitation, l’une des principales branches de l’économie de l’industrie cinématographique, se définit à la fois comme une branche professionnelle, comme lieu où l’on exploite, en l’occurrence la salle, et comme un commerce, ce qui nous oblige à appréhender l’idée du public. L’histoire du cinéma est complexe. Pendant les années 1930, l’industrie cinématographique est plongée dans la crise. La Fédération nationale du cinéma français, créée en 1934, tente de lutter contre deux problèmes majeurs : les taxes et les conditions générales de location. Ces deux problèmes constituent les revendications les plus âprement défendues par la profession jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Plongés dans la crise, les exploitants développent des pratiques frauduleuses et des concurrences dfloyales. La guerre mtervient, mais déjà, en 1939, le cinéma est rattaché au Commissariat général à l’Information. Le gouvernement de Vichy va profiter des acquis de la Troisième République. La complexité de l’histoire du cinéma sous l’Occupation résulte de la concurrence entre deux politiques, l’une allemande : l’autre française, dont les intérêts divergent. Soucieux de réorganiser le cméma et d’en garder le monopole, l’État comprend vite qu’il doit se soumettre au contrôle et aux décisions allemandes. Une organisation corporative naît. Doté cl’un nouvel organisme professionnel, le cinéma en sort transformé. L’exploitation voit alors se résoudre un certain nombre de problèmes qui la paralysaient depuis les armées 1930. En même temps, les professionnels ne sont pas toujours maîtres de leurs décisions, leur corporation étant en réalité sous le contrôle de l’État français et des occupants.

La situation de guerre et d’occupation a aussi transformé les établissements cinématographiques. Ces derniers voient leur rôle grandir dans les manifestations de solidarité et de charité. La salle reste un lieu de fête. En même temps, en tant qu’espace public de projection, elle n’échappe pas aux obligations d’ordre politique. D’autre part, le poids des circonstances est aussi matériel. Lintérieur comme l’extérieur des cinémas se trouvent transformés pour laisser voir les empreintes de la guerre et de l’Occupation. La dimension féerique a en partie disparu. Pourtant les salles ne désemplissent pas ; elles restent un espace d’évasion pour des spectateurs en quête de divertissement. La fréquentation reste élevée de 1940 à 1944. Aller au cinéma demeure une démarche de sociabilité qui permet de se rassembler pour une communion face à l’écran. Si le cinéma se révèle être un lieu d’évasion, il est aussi un lieu d’expression, de manifestation, voire de résistance.

JADE Mariannick, Regards communistes sur les arts plastiques de 1953 à 1956 : à travers l’Humanité et Les Lettres françaises, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 192 p.

L’étude analyse les regards commmunistes portés sur les arts pastiques (architecture, sculpture et pemture) apres le « realisme socialiste », à travers la presse communiste, l’Humanité et Les Lettres françaises. L’historiographie de la politique culturelle du Parti communiste français ne reconnaît presque qu’exclusivement que le phénomène du « réalisme socialiste » qui évolua de 1947 à 1953. Le mouvement artistique fut la preuve la plus flagrante d’un embrigadement des arts plastiques au service d’une propagande de politique. Le présent mémoire se propose de démontrer qu’après 1953, et jusqu’en 1956, l’année de toutes les ruptures, les communistes eurent sur les arts plastiques des regards nettement différents.

Dès 1953, le libéralisme artistique s’installe au sein du PCF, favorisé par l’assouplissement momentané de la guerre froide. La politique culturelle s’assouplit également, marquée par Maurice Thorez, et par la personnalité énigmatique d’Aragon (directeur des Lettres françaises). Aragon établit les nouveaux fondements d’un « art de parti ». En 1956, malgré la crise du parti, le XIIIe congrès dresse un bilan favorable de cetre politique culturelle.

Ces années définissent un nouveau « classicisme socialiste », d’une composition pour le moins hétéroclite et paradoxale, tant par la forme que par le contenu, où cohabitent des œuvres d’artistes communistes avec des œuvres d’artistes non-communistes.

La politique culturelle du Parti communiste français ne s’achève pas avec le « réalisme socialiste ». Après sa disgrâce, le Parti s’est attaché à construire une identité culturelle plus libérale et pérenne.

JAUMET Loïc, L’évolution syndicale dans le métro parisien de 1944 à 1953, [Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 207 p.

Après la Libération, la puissante CGT voisine avec le Syndicat chrétien. Les communistes dominent au sein de la direction du Syndicat Général (CGT). Se sentant étouffée, la minorité socialiste part en janvier 1947 pour fonder le Syndicat général autonome (futur F0). Au même moment, pour des raisons politiques et parce qu’ils ressentent que la CGT ne prenait pas en compte leurs revendications catégorielles, une partie des conducteurs quirte le Syndicat Général pour créer le Syndicat autonome traction. Cette organisation prélude à l’arrivée d’un fort courant autonome (cinq synclicats). En accordant des avantages aux agents du Service Traction, la Direction de la RATP, va exacerber les rivalités entre catégories. En fait, la direction de la Régie perpetue la « politique de division » des directions précedentes (CNIP).

Dans le contexte de la « gnerre froide » où l’influence de la CGT doit être diminuée, les pouvoirs publics et la direction de la Régie facilitent l’accession au statut d’organisation représentative à d’autres synclicats. Par ailleurs, la clirection de la Régie amplifie sa « politique de clivision » en s’engageant vers plus de cloisonnement entre les métiers et les secteurs de l’entreprise. La CGT et la CGT-F0 vont d’ailleurs s’adapter à la structure de l’entreprise en établissant un syndicat dans chaque corps de métier (ferré, routier, maintenance, administratif).

En définitive, la RATP se retrouve avec 17 syndicats en 1953 et cette situation syndicale est peu commune pour une grande entreprise.

JOURDAN Maxime, « Le Cri du Peuple », 22 février 1871-23 mai 1871, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 2 vol. 174 p. + 103 p. d’annexes

Le 21 février 1871, Jules Vallès fonde Le Cri du Peuple, quotidien exclusivement politique. Grand in-folio, le journal se vend au prix très populaire de cinq centimes et atteint rapidement le tirage considérable de 60000 exemplaires. Composée de blanquistes et d’internationaux, la rédaction est hétéroclite. Ainsi, bien qu’il se proclame volontiers révolutionnaire, Le Cri du Peuple n’a pas une ligne politique bien circonscrite. Tel est d’ailleurs le souhait de Vallès, qui n est pas un théoricien de la Révolution. Toutefois, Le Cri du Peuple est farouchement républicain. Redoutant à la suite des élections légisfatives du 8 février, une restauration monarchique, il souhaite que la République soit décrétée inaliénable et qu’elle soit véritablement démocratique. Le journal est aussi passionnément patriote. Son patriotisme est attisé par la toute fraîche défaite française contre la Prusse. Nonobstant, il demeure réfléchi et s’ouvre à une certaine forme d’internationalisme. Enfin, Le Cri du Peuple est socialiste révolutionnaire. Son socialisme est un savant mélange de vieux thèmes sans-culottes (haine des « gros » et des privilégiés) et de propos préfigurant le socialisme moderne (reflexions sur origines de l’exploitation capitaliste). Néanmoins, il récuse la lutte des classes. Le Cri du Peuple se définit essentiellement négativement. Il flétrit tous ceux qu’il tient pour responsables de l’entrée en guerre et de la défaite (l’Empire, le gouvernement de la Défense nationale, le gouvernement Thiers). Ses attaques incessantes et son ton virulent indisposent les autorités qui, le 11 mars, ordonnent sa suppression.

Mais Le Cri du Peuple renaît avec l’insurrection du 18 mars. Il s’engage alors dans le mouvement communaliste et tire régulièrement à 100000 exemplaires. Il fait en la personne de Pierre Denis une nouvelle et précieuse recrue. Militant et idéologue, Pierre Denis marque le journal de son sceau et l’infléchit en un sens proudhonien, fédéraliste et anti-autoritaire. Il rédige tous les articles théoriques, dans lesquels il prêche la fédération des communes autonomes et la réalisation du self-government. C’est à lui qu’est confiée la direction du quotidien après le 18 avril, date à laquelle Vallès cesse d’écrire. Le 1er mai, la Commune se divise sur la question de la création d’un Comité de Salut public auxpouvoirs aussi étendus que mal définis. Hostile à toute forme de dictature, Le Cri du Peuple soutient la minorité de la Commune qui réprouve une telle institution.

Le conflit contre Versailles bouleverse la physionomie du journal. Occupés par diverses fonctions, les rédacteurs ne trouvent pas toujours le temps d’écrire. Partant, les articles se raréfient et cèdent le pas aux nouvelles de guerre. Alors que toutes les tentatives de médiation échouent, Le Cri du Peuple s’ingénie à mener le camp parisien à la victoire en assaillant la Commune de ses recommandations, en l’exhortant à toujours plus d’audace et d’énergie. Il tente enfin de galvaniser l’élan révolutionnaire au moyen d’une ardente propagande présentant les Versaillais comme de vils réactionnaires, des factieux, des tyrans, des hommes immoraux et barbares.

Le Cri du Peuple illustre magistralement la dialectique Pouvoir/ Liberté, les choix cornéliens, les renoncements auxquels sont contraints les journalistes en période révolutionnaire.

JUAN Myriam, « Ça, c’est Paris », Paris dans le documentaire français des années vingt (1919-1929), Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 2 vol. 424 p.

Entre document et œuvre d’art, le documentaire cinématographique est une pratique protéiforme et un objet d’histoire culturelle très ambigu.

L’analyse des documentaires français des années vingt sur Paris est particulièrement propice à en interroger le statut historique, tout en permettant d’étudier un grand moment méconnu de la représentation de la ville au cinéma.

Au sortir de la guerre, le projet de création d’une cinémathèque municipale réunissant l’intégralité des films documentaires qui ont été tournés à Paris témoigne de la hantise du déclin qui pèse alors sur la ville et de la reconnaissance, par certains, de la valeur de ces films comme documents d’histoire. Au même moment cependant, s’affirme un nouveau documentaire, bien différent des simples vues animées dont le public commence à se lasser. Dans le sillae des recherches sur le langage cinématographique, il est conçu comme un discours sur le monde, mais aussi comme une œuvre de cinéma, c’est-à-dire, en ces temps de cinéphilie passionnée, comme une œuvre d’art. À la fin de la décennie, certains films sont au cœur de ce que les historiens du cinéma ont appelé la « troisième avant-garde », où se forme une nouvelle génération, prometteuse, de cinéastes. Des formes anciennes continuent cependant d’exister, notamment dans des réseaux alternatifs et, au regard de la profession comme de la programmation, la pratique reste de surcroît toujours à la marge du système. Le corpus des films sur Paris reflète cette hétérogénéité. Parce qu’ils ont bénéficié d’un plus grand souci de conservation et, surtout, parce que la capitale fut pour les avant-gardistes un sujet de prédilection, les documentaires à visée artistique y sont toutefois sur-représentés. Tous ces films sont néanmoins susceptibles d’une double lecture. Au premier degré, il s’agit de discours sur la ville, sur la façon dont les contemporains en appréhendaient l’organisation géographique et sociale, à l’heure du travail comme dans les loisirs. Au second degré, ils s inscrivent dans les deux grands réseaux d’images véhiculés par la ville. L’un, désuet et pittoresque, renvoie davantage au Paris d’avant-guerre qu’à celui des années vingt. L’autre tend au contraire, parfois avec maladresse, à faire de la capitale une grande ville moderne. Par-delà ces imaginaires dominants, quelques tentatives se font jour cependant pour montrer, à défaut du « vrai » Paris qui toujours se dérobe, une autre ville.

Malgré l’impression d’authenticité émouvante qu’ils dégagent, ces documentaires participent donc, à leur manière, au mythe de Paris. Entre deux pratiques (la fiction et la non-fiction), ils dépeignent une ville entre deux mondes, qui peine à faire le deuil de son passé et à représenter pleinement la modermté, mais trouve finalement, dans un compromis de fortune entre ces deux visages, son charme et son identité.

KEIGNAERT Sandie, La construction de la tatégorie des personnes handicapées en France, Maîtrise [Claude Pennetier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 144 p.+ annexes

Aujourd’hui selon l’enquête décennale de l’INSEE de 1991, concernant toutes les tranches d’âges de la population, on recense, en France, 5, 5 millions de personnes qui déclarent avoir un handicap ou subir une gêne dans la vie quotidienne. Comment s’est constituée cette catégorie de personnes dites handicapées ? Quel a été le processus qui a permis le passage de l’infirmité d’antan au handicap d’aujourd’ui ? On trouve aux origines de l’élaboration du concept de handicap certaines notions telles la reeducation, et réadaptation. L’idée de rééducation s’est d’abord appliquée aux déficients sensoriels. Au-delà de l’idée de rééducation nous trouvons le concept de la réadaptation. Ce dernier va simultanément s’appliquer à deux catégories de diminués bien distinctes : les mutilés de guerre et les accidentés du travail. À la fin de la guerre de 1914-1918 avec le retour d’hommes diminués, les « mutilés », la redevance sociale se fait sentir, y compris sous la forme d’une culpabilité collective, associée à un impératif économique, ne pas laisser hors de la production les mutilés qui réclament la reprise d’une place sociale, des droits à réparation et compensation. Ensuite vient la question, des accidentés du travail, une question parallèle à la précédente. L’industrie, avec son caractère non réglementé et son exploitation des hommes, abîme et casse un nombre considérable de citoyens. L’obligation de réparer et plus tard de compenser les atteintes qu’ont produites les risques du travail se fait sentir. On constate dès lors, une homogénéisation de la déficience autour des techniques réadaptatives qui désormais s’appliquent également aux tuberculeux et aux enfants inadaptés. Le problème l’assistance des infirmes civils est lui aussi pris en compte par les pouvoirs publics.

Ainsi une nouvelle volonté se lève : il faut faciliter le retour dans la course de tous ceux qui en sont écartés pour raison d’une infirmité quelconque. C’est dans ce contexte qu’il convient d’analyser l’apparition du vocabulaire du handicap. Emprunté au monde turfiste, ce vocabulaire traduit l’idée d’égalisation des chances et considère les aptitudes restantes des déficients quelle que soit l’origine de l’infirmité. Une fois ce vocabulaire institué, la population concernée repérée, reste à mettre en place les mesures destinées à favoriser l’accession de cette dernière a une vie en milieu ordinaire par opposition au milieu institutionnel. Il s’agit d’aider à l’insertion sociale et professionnelle des handicapés, chose que les associations de personnes handicapées revendiquent depuis longtemps. Une politique d’action sociale globale est décidée par le gouvernement dont l’objectif premier est d’apprcher et de traiter la question du handicap dans son ensemble. Cette politique aboutit, ainsi, à la mise en place d’une loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975, véritable date-phare en la matière.

KIENER Odile, Fondements, créations et influences d’un groupe chorégraphique avant-gardiste : le Groupe de recherches théâtrales de l’Opéra de Paris (1975-1990), Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], 2002, 190 p.

Ce mémoire traite du Groupe de recherches théâtrales de l’Opéra de Paris. Celui-ci, structure originale dédiée à la création de spectacles mêlant différentes disciplines artistiques, fait figure de pionnier dans le développe­ ment d’un nouveau langage chorégrapliique en France.

Dans un paysage chorégraphique où la danse classique est prédominante et le langage contemporain seulement naissant, un groupe de recherche avant-gardiste est créé au sein de l’Opéra de Paris. L’introduction d’une cellule de création se fait en plusieurs étapes : la rencontre de deux personna­ lités, Rolf Liebermann (administrateur général de l’Opéra de Paris) et Carolyn Carlson (danseuse et chorégraphe), l’implantation d’un premier groupe, le Danse Théâtre et l’officialisation du Groupe de recherches théâtrales de l’Opéra de Paris.

Le groupe crée plusieurs pièces. Celles-ci sont I’ œuvre de la collaboration entre diverses disciplines, danse, théâtre, musique, qui se réunissent autour de Carolyn Carlson pour travailler. Les diverses creations sont présentées sur les scènes de l’Opéra de Paris, de divers théâtres parisiens, mais également dans les maisons de la culture, lors de festivals et à l’étranger. Ces nombreuses représentations sont suivies par la presse qui annonce et relate les diverses manifestations du GRTOP. Les journalistes accueillent avec enthousiasme les créations du groupe et participent de manière évidente à sa renommée. Au cours des nombreuses représentations, un public nombreux assiste aux représentations du groupe. Celui-ci, en fonction des lieux où il se produit, bénéficie d’un public plus ou moins accueillant.

Après le départ de Rolf Liebermann et de Carolyn Carlson de l’Opéra de Paris, le groupe de recherche est dissous. Les membres du GRTOP deviennent à leur tour chorégraphes et créent leurs propres compagnies. Carolyn Carlson quant à elle travaille à Venise avant de créer plusieurs pièces pour le Théâtre de la Ville. À l’Opéra de Paris, un nouveau groupe est mis en place autour de Jacques Garnier : le Groupe de recherche chorégraphique de l’Opéra de Paris. Ce groupe se distingue du GRTOP par sa composition (tous les membres sont des danseurs du corps de ballets) et par ses activités (appel à de nombreux chorégraphes extérieurs pour les créations).

LAGRANDEUR Olivier, Le mouvement des infirmières et la coordination en île­ de-France (mars 1988-juin 1989). Du CRC-CFDT à la fédération CRC, la genèse d’un syndicalisme nouveau dans le secteur sanitaire et social, Maîtrise [Christian Chevandier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 160 p.

Les répercussions sur le syndicalisme du mouvement des infirmières de 1988 et de la coordination, qui en est sa forme d’expression principale, n’ont fait jusqu’à présent l’objet d’aucune étude. La nôtre se penche plus particulièrement sur le cas de la fédération CFDT-santé-sociaux. Son but est donc de montrer en quoi ce mouvement des infirmières, par son ampleur et sa forme d’expression principale, fait émerger une crise interne dans la fédération CFDT-santé-sociaux, qui aboutit à la création de la fédération régionale Coordonner-Rassembler-Construire en avril 1989. Les sources que nous avons utilisées sont essentiellement des archives syndicales provenant de la fédération SUD-santé-sociaux et des archives interfédérales de la CFDT. Les archives de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris viennent les compléter, en amenant des informations sur des aspects locaux du mouvement des infirmières. Des sources de presse et des entretiens oraux nous apportent d’autres éléments qui nous permettent de recouper les informations recueillies dans les archives syndicales.

L’étude des acteurs syndicaux objets de notre analyse (la fédération CFDT-santé-sociaux et le comité régional de coordination des syndicats­ santé-sociaux CFDT d’Île-de-France) sur une longue période et une analyse du mouvement des infirmières nous permettent de poser les bases de notre sujet. L’étude du mouvement des infirmières sous ses différents aspects est éclairante pour comprendre ses répercussions dans la fédération CFDT-santé-sociaux. Enfin, nous suivons en détail toutes les étapes du conflit interne à la fédération CFDT-santé-sociaux, qui aboutit au départ du CRC-CFDT de la CFDT et à la création de la fédération CRC. Pour conclure, nous émettons l’hypothèse que les animateurs de la nouvelle fédération veulent fonder un nouveau syndicalisme sur des bases originales, le distinguant des différents types de syndicalisme existant déjà dans le mouvement syndical français.

LAPEYRE Maud, L’opinion publique à Paris sous l’Occupation : la lecture des Renseignements Généraux de la Préfecture de Police de Paris, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Denis Peschanski-Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 200 p.

La série d’archives rassemblées sous le titre « Rapports de quinzaine des Renseignements Généraux », regroupe une quantité d’informations très importantes sur la situation à Paris sous l’Occupation. Des incidents de voie publique, aux mesures prises par l’administration allemande, en passant par I’evolution du ravitâillement, ces quatre années sont décortiquées de semaine en semaine, puis tous les quinze jours.

Malgré de nombreux ouvrages sur la question de l’évolution de l’opinion publique à cette période, aucun ne la traite à travers le regard d’une administration française étroitement liée à l’occupant. Les rapports de quinzaine donnent l’occasion d’adopter la vision des inspecteurs des Renseignements Généraux. En effet, une grande partie est consacrée à l’analyse des réactions des Parisiens. Il ressort ainsi une vue d’ensemble des préoccupations majeures du public de juin 1940 à août 1944. Celle-ci peut choquer nos schémas préétablis des sujets d’actualité de I’époque. La hiérarchie qui en résulte bouleverse celle que nous aurions pu établir seule sous l’influence de l’historiographie actuelle. Elle traduit égàlement une évolution à travers le temps, au sein de laquelle les préoccupations quotidiennes telles que le ravitaillement, laissent peu à peu la place à des considérations plus politiques. Ainsi, le public se concentre de plus en plus sur les événements qui mèneront à la fin des hostilités et des difficultés. Enfin, il a été important d’analyser l’écriture, le vocabulaire, la forme et les changements opérés dans les rapports. Ils représentent autant d’indices permettant de reconstituer en partie l’état d’esprit du service chargé de ces comptes rendus et la vision spécifique qu’ils pouvaient avoir. Au-delà de l’étude de l’opinion publique, c’est aussi une plongée au cœur de l’administration polici re et un véritable témoignage historique. Le défaut d’objectivité qui a pu etre constaté, s’est au contraire transformé en information supplémentaire, cela avive l’intérêt en même temps que l’esprit critique sur les fonctionnaires, leurs méthodes et l’opinion qu’ifs décrivent.

Les rapports de quinzaine des Renseignements Généraux de la Préfecture de Police présentent un double intérêt historique, qui est, à la fois, le témoignage de la population, de l’opinion publique de ces années noires qui se cherche, évolue, se bouleverse ; mais il est également le témoignage des inspecteurs appartenant à ce service, où transparaissent leur propre version et leur propre approche des Parisiens et de l’Occupation.

LAYANI Fanny, Une crise persistante des orchestres de région de la fin des années 1970 à 1986 : de l’impasse du « modèle Landowski » aux carences de la politique de la gauche, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 321 p.

Les orchestres régionaux, créés en 1969 par Marcel Landowski, à la tête du service de la Musique, dans le cadre de son plan de dix ans pour le développement de la musique en France, connaissent, à la fin des années soixante-dix, une véritable « crise de croissance ». Et si l’action du premier directeur de la Musique est assez aisée à saisir, presque incarnée dans le plan de dix ans et expliquée, a posteriori dans Batailles pour la musique, l’empreinte de ses successeurs, héritant d’un dispositif en crise, est pfus difficile à saisir. Maurice Fleuret nommé directeur de la Musique en 1981, doit faire face à une situation délicate : le plan Landowski, arrivé à échéance deux ans auparavant n’avait été que très partiellement appliqué, jamais réadapté en fonction des évolutions de la société, et aucune nouvelle politique n’avait été initiée pour en prendre le relais.

La crise qui touche les orchestres est à la fois financière, esthétique et morale. Les partenaires financiers entrant dans la composition du budget des orchestres ont tendance à se montrer de plus en plus réticents, voire à se désengager. Dans le même temps, le statut social et les conditions de vie des musiciens ne cessent de se dégrader, et les orchestres, dévalorisés au plan international et dont le répertoire limité ne se renouvelle pas, perdent peu à peu leur public. Or, l’espoir de changement et de renouveau suscité par la poussée électorale de la gauche est réel. Ce phénomène est prolongé par la nomination de Maurice Fleuret, vu comme un homme d’idées et d’actions, qui pourrait mettre un terme à l’immobilisme croissant de la direction de la Musique. Toutefois, un bilan peut être dressé, à la fin de la législature, d’après une série de rapports commandités par la direction de la Musique, sur tous les orchestres de région.

À l’issue de cinq ans de gouvernement de gauche, aucune véritable réforme n’a été menée et rien n’est réellement achevé en 1986. Les orchestres dépendent plus encore qu’auparavant, du fait de la diversification des collectivités locales les finançant, de décisions politiques, et n’ont pas fait l’objet d’une véritable politique construite et cohérente. Les quelques mesures concernant tous les orchestres, prises par le gouvernement socialiste, relèvent de l’application au domaine culrurel de décisions bien plus générales (créations d’emplois, décentralisation). Il paraît clair que les orchestres et, d’une manière plus générale, la diffusion de la musique « classique » n’ont jamais fait partie des priorités du gouvernement socialiste en matière culturelle. Cependant cette absence de politique cohérente n’est pas imputable aux seules instances ministérielles. En effet, la diversité des orchestres, de leurs statuts, de leurs budgets et de la nature comme de la profondeur de leurs implantations locales rend toute tentative de politique unitaire particulièrement difficile et les orchestres comme les musiciens ne peuvent que bénéficier d’une gestion au cas par cas.

Une politique de statu quo et d’action au jour le jour, fonction des problèmes immédiats, semble donc avoir été menée par l’État, après un premier revers subi par Jack Lang sur la question des nationalisations d’orchestres. Les seules décisions réellement influentes sur la vie des orchestres sont prises au niveau municipal et régional, les politiques les plus actives étant souvent menées par des élus de gauche ; la décentralisation n’apporte pas de changements fondamentaux concernant les orchestres, en dehors d’une augmentation du financement régional. Mais elle est très mal vécue par les orchestres, qui y voient un désengagement de l’État.

Le doublement du budget de la Culture et les fortes augmentations des crédits alloués aux orchestres permettent de sauver quelque temps la situation, par injection de moyens financiers supplémentaires, mais le problème structurel posé par les lacunes du plan Landowski demeure, autant que le flou dans la définition des missions incombant aux orchestres. Par ailleurs, le centralisme du dispositif est paradoxalement renforcé, au profit des orchestres parisiens, et les orchestres de régions semblent connaître une période de relative stagnation.

L’absence de politique cohérente succédant au plan Landowski semble avoir pérennisé un dispositif transitoire, répondant à des besoins précis dans un contexte donné.

LENOIR Marie, Itinéraire d’un festival populaire : le festival de jazz de Nice (1948-2001), Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 227 p.

En 1948 est créé à Nice le premier Festival international de jazz. Cet événement hors du commun et innovant pour l’époque se présente comme le tout premier rassemblement de ce type autour du jazz et participe à la populansation et à la légitimation de cette musique en France. L’expérience niçoise de 1948, dont la fin est prématurée, influence le développement de manifestations similaires sur la Côte d’Azur. Après 23 ans d’hibernation, la ville renoue avec ses amours de jeunesse en 1971, et ce n’est réellement qu’en 1974 qu’un second festival est créé sous le nom « la Grande Parade du Jazz ». Sa spécificité réside dans sa capacité à se créer une place privilégiée dans un nouveau paysage jazzistique et culturel marqué par l’intérêt croissant des pouvoirs publics pour la culture et l’explosion festivalière. Jusqu’en 1991, la Grande Parade du Jazz apparaît comme un grand diver­ tissement populaire autour du jazz, un concept unique alliant la participation des plus grands jazzmen internationaux à une formule conviviale et de loisirs. Progressivement soumis à des contraintes conjoncturelles et structurelles, cette manifestation s’achève en 1994 pour devenir le Nice Jazz Festival. Victime de son instabilité organisationnelle et artistique, le Nice Jazz Festival se trouve en quête d’identité et de cohérence pour une nouvelle fidélisation du public jusqu’en 2001 où un changement de gestion intervient. L’itinéraire du festival de jazz à Nice est marqué par ses aléas et ses vicissitudes en termes de contexte historique, de production, d’acteurs, d’organisation et de réception et se définit par ses moments de gloire et de faiblesses. Au-delà de la succession de trois festivals différents dans leur forme, apparaît un type spécifique de festival à travers cette analyse. L’originalité du festival de jazz de Nice réside dans une idée et une utilisation particulière du jazz par la ville. La manifestation se définit également comme un événement populaire, divertissant et ponctuel.

LESAFFRE Charlotte, La représentation du poilu à travers les paroles de chansons après la Grande Guerre, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 144 p.

En 1918, les artistes sont affaiblis psychiquement. La maladresse de Maurice Chevalier devant son public témoigne de la dure réadaptation des artistes. Certains répugnent à chanter la guerre alors que d’autres voient en elle un moyen de vendre plus de disques. Pourtant, le public souhaite tourner le dos à ces sombres années. Par les spectacles et les chansons, il veut se divertir joyeusement. L’étude stylistique des auteurs les plus prolixes concernant notre sujet montre la multiplicité des auditoires. Par un vocabulaire allant du registre le plus pompeux, au registre le plus familier, les auteurs essaient de capter l’attention de publics ciblés.

Les auteurs mettent les poilus sur un piédestal en décrivant leurs multiples souffrances et la hauteur de leur sacrifice. Ils évoquent les lauriers et les drapeaux au point d’en faire des clichés. Le mérite essentiel des soldats, aux yeux des auteurs, est d’avoir sonné le glas des guerres. L’insistance sur cette donnée montre le rôle didactique dont ils sont affublés : leur expérience doit être un enseignement pacifiste.

Les auteurs évoquent les soldats comme une masse d’illustres anonymes. Les chansons qui les considèrent dans leur individualité sont rares, mais plus poignantes. Le relâchement des relations entre les poilus et la société se lit à travers les chansons. Les auteurs les plus audacieux dénoncent les conditions d’inhumation et leurs problèmes de réinsertion. Mais jamais n’est condamné leur grégarisme.

LÉVY Anne, La politique culturelle de la France avec l’URSS de 1956 à 1966, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 139 p.

Au milieu des années cinquante, la France et l’URSS manifestent leur désir de voir s’établir des échanges culturels officiels et ce pour des raisons qui leur sont propres. L’URSS souhaite diffuser l’image d’un pays résolument pacifiste et ouvert aux échanges. La France, quant à elle, s’aperçoit rapidement de la nécessité d’établir une politique culturelle avec l’URSS, non seulement pour satisfaire l’opinion publique française et contrôler les échanges officieux, mais également pour affirmer sa place dans les relations internationales.

En octobre 1957, une commission mixte franco-soviétique pour les relations culturelles, scientifiques et techniques est créée. Cette commission, particulièrement efficace, se réunit tous les ans, puis tous les deux ans, pour mettre en place un programme d’échanges. La création et l’essor de la Commission mixte ont sans aucun doute permis un renouveau des échanges entre les deux pays.

Mais les relations culturelles avec l’URSS présentent un caractère spécifique tenant à l’arrière plan politique qu’il est impossible d’oublier. Aussi, l’influence des relations politiques sur les relations culturelles (et inversement) et l’enjeu politique des relations culturelles, ont considérablement compliqué la tâche de la Commission qui n’en a pas moins survécu.

LOOS Carine, Le service culturel du musée d’Orsay : un nouvel outil de médiation, 1973-1994, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 201 p.

Face à une fréquentation croissante des musées français, à un attrait vers le patrimoine et à une demande culturelle en hausse de la part d’un certain public, l’État devait proposer de nouveaux espaces. Le musée d’Orsay en est un, à la fois espace de conservation et de diffusion de l’art, c’est en effet le premier musée français à disposer d’un service culturel indépendant.

Dès les prémices du projet en 1973, cette demande du public est prise en compte, le bâtiment est classé monument historique sous George Pompidou. Le conseil interministériel d’octobre 1977, sous l’égide de Valery Giscard d’Estaing, lance le projet et la loi programme votée en juillet 1978 insiste sur les nouvelles missions des musées qui doivent désormais se tourner davantage vers les publics. Le changement politique de 1981 amplifie le projet, François Mitterrand lui donne de nouveaux objectifs dont la réorientation historique des programmes permettant de faire le lien entre la création artistique et le cadre sociohistorique. Cette tâche est attribuée à M. Rebérioux nommée vice-présidente de !’Établissement Public du Musée d’Orsay. Cette historienne du social, spécialiste du monde ouvrier et femme de combat au sein de la Ligue des droits de l’Homme, voit sa nomination controversée. Ses projets ne seront que partiellement développés, mais ses idées se retrouvent dans le futur service culturel qu’elle défend et qu’elle contribue à créer en nommant avec les autres membres de la direction le chef du service Roland Schaer, agrégé en philosophie, en septembre 1985. L’équipe, une quinzaine de personnes, est peu à peu recrutée. Beaucoup sont membres de l’Education Nationale ce qui apporte une couleur particulière. Tous sont très motivés et ont conscience d’être des pionniers, d’avoir une place à se trouver au sein du musée, aux côtés de la conservation.

Les objectifs du service sont de trois ordres. Tout d’abord une politique des publics qui comprend deux axes : l’ouverture et la fidélisation. L’ouverture passe par une recherche de contacts auprès des associations, du monde de l’entreprise. Les correspondants servent alors de relais entre attentes du public et propositions du service. La fidélisation se fait par le biais d’un outil, la Carte Blanche, carte d’adhésion qui permet de nombreux avantages. La politique envers le jeune public est aussi un axe fort du service qui se concentre autour d’une expression de Roland Schaer « apprendre à voir ». « L’espace des jeunes » leur est réservé, lieu d’accueil, de préparation, d’expérimentation au sein des ateliers. Celui-ci est cependant celui de la cristallisation des oppositions en matière de pédagogie, mais aussi au niveau du personnel entre différents membres. La diversification des activités est aussi un facteur d’ouverture. Le cinéma muet, l’audiovisuel, l’informatique, la musique, les conférences et débats, les publications sont autant de moyens de donner de nouvelles voies d’accès aux œuvres, ainsi qu’une nouvelle forme de fréquentation du musée.

À l’ouverture, en décembre 1986, la presse fançaise a bien relayé la nouveauté d’un tel service et de ses activites, particulièrement la politique envers la jeunesse et l’aspect audiovisuel et informatiques. Le public a egalement bien suivi l’ensemble des manifestations. L’espace des jeunes est presque victime de son succès, les festivals de cinéma sont plébiscités, la volonté d’« apprendre à voir» d’un certain public est également visible dans la fréquentation des conférences. Enfin, l’influence du premier service culturel est très sensible sur le paysage muséal français.

LUGAN Hermann, Jean-Pierre Vincent et la Comédie-Française 1982-1986, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 481 p.

Lorsque la gauche arrivée au pouvoir le 10 mai 1981 se pose la question de la succession de Jacques Toja à la tête de la Comédie-Française et cherche à marquer symboliquement un renouveau pour la vieille maison de Mohere, elle pose ses yeux sur I’un des hommes de théâtre du moment Jean-Pierre Vincent qui, après avoir mené sept ans durant, au TNS, une des expénences théâtrales les plus originales des années 1970, vient de signer au printemps 1982 à la Comedie-Française une mise en scene remarquée des Corbeaux d Henri Becque. Annoncée en Avignon, le 21 juillet 1982, la nomination de Vincent comme admministrateur general de la Comédie­ Française entre en vigueur le 1er août 1983. Le politique accorde à ce geste une forte charge symbolique, à rapprocher de celui du Front Populaire qui faisait entrer la mise en scène au Français en nommant Edouard Bourdet accompagné des metteurs en scène du Cartel.

Et de fait, le jeune metteur en scène et administrateur va pratiquer durant trois ans, une polémique d’ouvertures tous azimuts non négligeable, vers le repertoire contemporain avec la creation de Félicité de Jean Audureau, vers les recoins du répertoire des siècles passés, oubliés par la panthéonisation de quelques œuvres majeures par la tradition bourgeoise du XIXe siècle. Ouvertures aussi vers la decentralisation avec la multiplication des tournées nationales et l’invitation de créateurs qui ont fait leurs armes sur les scènes de province. Ouvertlure enfin sur le théâtre européen au travers de la collaboration avec le nouveau Théâtre de l’Europe de Giorgio Strehler et, surtout, avec l’accueil de quelques grands metteurs en scène europeens comme Klaus Michael Grüber, venu servir la Bérénice de Racine.

Mais dans le même temps le travail accompli par Vincent ne correspond probablement pas à ses ambitions initiales. Arrivé au Français avec la perspective d’un double mandat de trois ans, l’administrateur jette l’éponge au bout de trois ans, devant l’accumulation de difficultés qui grèvent son propre travail de créateur – et sans doute devant la perspective de la première cohabitation. Les embûches, les oppositions qui se dressent devant lui sont en effet multiples. Elles peuvent être analysées d’abord, et fondamentalement, en termes de choc culturel entre Jean-Pierre Vincent et la troupe. D’un côté, Jean-Pierre Vincent incarne et le triomphe du personnage du metteur en scène durant la décennie précédente et la pointe avancée du théâtre avant-gardiste portée par la génération des créateurs qui ont pris les rênes des grandes institutions théâtrales françaises au cours de la même décennie. De l’autre côté, la troupe dont les éléments les plus anciens sont porteurs de représentations et de pratiques théâtrales identifiables, grosso modo, aux pratiques de la grande troupe de lacques Charron qui pratiquait avec brio la comédie et le vaudeville dans es années 1950- 1960, voire à des représentations antérieures à l’introduction de la mise en scène au Français en 1936.

La situation se complique encore parce qu’à ce fossé culturel se superpose un choc politique. La presse conservatrice fait en effet du Français un terrain privilégié de l’affrontement culturel droite-gauche qui oppose le gouvernement en place – qui consacre le culturel comme élément incontournable du débat politique – à l’opposition de droite.

L’activité artistique du metteur en scène Vincent durant ses années à la Comédie-Française, si elle s’inscrit d’une certaine manière dans la continuité de ses réalisations antérieures et postérieures, en ce qu’elle témoigne toujours de la volonté citoyenne de dresser un miroir face à la société contemporaine et en ce qu’elle poursuit l’archéologie du politique et de la « francité » qui constituait, et constitue peut-être toujours, la patte de l’artiste, doit aussi être lue comme une parenthèse. Parenthèse qui s’explique aussi bien par une acculturation du travail de Vincent aux pratiques du Français que par l’essoufflement des expériences radicales menées dans les années 1970 ou bien encore par le contexte intellectuel dans lequel évolue la France du début des années 1980, moins optimiste, plus critique à l’égard des grandes idéologies progressistes des décennies précédentes et, conséquemment, moins encline à porter aux nues les avant-gardes artistiques.

MALDANT-BITOUT Flora, L’enfance et l’adolescence délinquantes dans la région parisienne : Le défi de l’éducatif (1945-1955), Maîtrise [Jean-Louis Robert-Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 207 p. + annexes

En 1945, il s’agissait de construire et de légitimer un choix politique et social : la substitution de l’éducation à la répression et la primauté du délinquant sur le délit. Au sortir de la guerre, l’État repense et réorganise la protection judiciaire de l’enfance : l’ordonnance du 2 février 1945 symbolise le passage à une nouvelle perception du mineur délinquant, on passe de l’enfant coupable à l’enfant inadapté. Le délit est perçu comme la manifestation de l’inadaptation du mineur, consécutive aux conditions de vie qui lui sont imposées par sa famille et son milieu social. La réforme judiciaire met en place différentes mesures de protection, qui visent non pas à protéger la société d’un criminel, mais à réinsérer le délinquant. Avec la nouvelle procédure judiciaire, tout un nouvel encadrement éducatif et médical émerge et implique des méthodes personnalisées centrées sur le mineur. L’élaboration du discours sur l’inadaptation et la prise en charge des mineurs délinquants sont théoriquement et techniquement données par la neuropsychiatrie : la notion de discernement est abolie au profit de catégorisations qui définissent les mesures appropriées à la personnalité du mineur. La période 1945-1950 est une phase de transition entre l’héritage pénitentiaire, qui tendait à sortir de l’aspect répressif et l’émergence de pratiques éducatives pas encore clairement définies. Au fur et à mesure des avancées théoriques et pratiques, se substitue à un discours scientifique un débat qui se fonde sur des notions plus psycho-sociologiques. La pensée de la rééducation évolue vers la normalisation de l’enfant délinquant et cette tendance se manifeste dans l’affinement des mesures éducatives.

MARÉCAILLE Aude, De l’engagement au détachement : itinéraire d’un dirigeant communiste, Claude Poperen, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claude Pennetierl, Univ. Paris 1 CHS, 2002, 3 volumes 173 p.+ 191 p. d’annexes + inventaire des archives

L’itinéraire de Claude Poreren, né le 31 janvier 1931 dans le Maine-et-Loire, au sein d’une famille très marquée par la lutte pour la République et l’école laïque, est celui d’un ouvrier métallurgiste qui s’est engagé dans l’action syndicale avant de devenir un dirigeant communiste d’envergure. Militant d’abord à l’Union de la jeunesse républicaine de France et à la Confédération générale du travail de la Régie des usines Renault de Boulogne-Billancourt, il accède rapidement à la direction de la Fédération des travailleurs de la métallurgie et du Parti communiste français. Militantisme de terrain, ouvrier métallurgiste, expérience comme dirigeant, mais aussi capacité de résister à la dissidence d’un membre de sa famille (son frère Jean, avec lequel il n’hésite pas à rompre), autant d’éléments qui ont joué en sa faveur et l’ont révélé aux yeux de la direction communiste.

Cette étude est un genre biographigue, une façon personnelle d’aborder la vie de Claude Poperen en essayant d’analyser la rencontre entre l’homme et le Parti. Il ne s’agit ni d’une biographie officielle, ni d’une biographie autorisée, mais bien d’une biographie historique basée sur la volonté de comprendre un environnement, d’où l’usage des entretiens oraux (de Claude Poperen et d’autres témoins), et d’étudier les différentes phases de l’évolution du PCF, d’où l’usage des archives à la fois privées (celles de Claude Poperen) et officielles (« bio » du PCF, l’Humanité, brochures, etc.).

Ce parcours politique nous a amené à nous demander dans quelle mesure l’itinéraire d’un individu, un permanent communiste, un fonctionnaire de parti permet d’éclairer le fonctionnement d’une organisation comme le PCF, de mieux saisir les rouages de son appareil, de percevoir les rites et les codes de cette « contre-société » selon le vocabulaire kriegelien. Cette problématique générale a été guidée par des interrogations plus précises : quels mécanismes de sélection amènent un individu à exercer les plus hautes fonctions dirigeantes au sein d’un parti, le PCF ? Quel est le quotidien du permanent, du « professionnel de l’idéal » ? Surtout question essentielle, que nous révèle son itinéraire particulier sur les mécanismes décisionnels et les centres du pouvoir, mais aussi sur les modes de marginalisation au sein d’un parti qui se veut fondamentalement égalitaire et équitable ? Enfin, comment, peu à peu envahi par le doute, Claude Poperen en vient-il à se poser des questions et à les poser, rompant ainsi avec une règle implicite (celle de l’unité de la direction) et ouvrant la voie à sa marginalisation ? Choisissant d’abord la contestation interne (les Reconstructeurs communistes), quelles raisons le poussent finalement à rompre avec le Parti auquel il a consacré toute sa vie ? Quelle signification revêt une telle rupture ?

Cette étude pose, plus globalement, le problème de la destinée du cadre ouvrier au sein du PCF. Claude Poperen se devait-il nécessairement de monter ? Une chose est sûre, il confère une « caution ouvrière » au Parti. À cela s’ajoutent des particularités évidentes, telles que la construction d’une identité individuelle, identité qui lui sert de protection contre l’univers familial et ce qu’il peut avoir de dangereux à un moment donné. Cette identité, c’est incontestablement une identité ouvrière. En outre, il bénéficie d’une certaine légitimité, due à son activité de dirigeant syndical compétent. Claude Poperen est donc un cadre ouvrier qui s’est construit comme tel, mais qui jouit d’une réelle assise. Aujourd’hui encore, il reste avant tout un militant actif, qui garde toujours I’espoir de créer une nouvelle force politique à gauche.

MARTIN Kévin, Louis Bertrand (1866-1941), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 193 p.

Louis Bertrand est né en Lorraine le 20 mars 1866 à Spincourt. Il a étudié aux lycées de Bar-le-Duc et Henri IV avant d’intégrer l’Ecole Normale supérieure. Agrégé et docteur ès lettres, il fut nommé professeur aux lycées d’Aix-en-Provence (1888-1889), de Bourg-en-Bresse (1889-1891), d’Alger (1891-1900) et de Montpellier (1900,1902).

Il abandonna sa carrière universitaire pour se consacrer pleinement à sa carrière littéraire. Son inspiration lui est venue d’Algérie où il a découvert l’Afrique latine. Il voyait dans l’Algérie française, avec son milieu méditerranéen, ses peuples latins, ses ruines antiques et le renouveau du catholicisme, la renaissance de l’Afrique romaine. Son œuvre a fait de lui le chantre de l’Afrique latine. Il connut sa consécration littéraire lors de son élection, grâce aux voix du lobby de l’Action française, à l’Académie française en 1925 au fauteuil de Maurice Barrès. Bertrand, après avoir été anarchisant, était proche des milieux conservateurs et notamment de l’Action française. C’était un nationaliste monarchiste. Dans les années 30, il se rapprocha, sans y adhérer complètement, du fascisme. Quand la Seconde Guerre mondiale éclata, Bertrand était un vieillard désabusé replié sur ses derniers espoirs : le salut de son âme et le salut de la France grâce au maréchal Pétain. Il s’est éteint le 6 décembre 1941 dans sa maison d’Antibes.

MASSOT Christophe, Le Bulletin du Comité national de l’Organisation française (1946-1951), Maîtrise [Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 107 p.+ 54 p. d’annexes

Le Comité National de l’Organisation Française, créé en 1926, est une association d’ingénieurs, de cadres, d’ingénieurs-conseils et de patrons cherchant à diffuser un modèle d’organisation des entreprises pour en augmenter la productivité. L’étude des Bulletins de cette association parus entre janvier 1946 et décembre 1951 se construit en trois temps. C’est d’abord l’étude de l’association et du personnel ainsi que des auteurs des articles du Bulletin qui la compose. C’est ensuite l’analyse des articles contenus dans le Bulletin. L’enjeu est alors de saisir la cohérence de l’ensemble des techniques de production proposées. Les articles forment un corpus définissant un modèle cohérent d’organisation des entreprises, proposant un savoir de la production. Mais surtout, comme cela est analysé dans la troisième partie, ce savoir « objectif », « rationnel » de la productlon permet à ce groupe social intermédiaire, ni ouvrier ni patron, de définir une doctrine sociale et politique dont le centre est l’entrepnse. Le projet du CNOF de réforme de l’économie française est alors en même temps celui de la société française par un groupe social déterminé.

MERLIN Éléonore, Le CERES, de l’autogestion à la République, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 199 p. + 80 p. d’annexes

Le CERES, Centre d’études et de recherche sur l’éducation socialiste, est fondé au sein de la SFIO en 1966 par quelques énarques, parmi lesquels Jean-Pierre Chevènement.

Parrainé au départ par Guy Mollet, le groupe prône une politique socialiste classique, basée sur l’interventionnisme étatique avec les concepts de planification et de nationalisation. À ses débuts, sa spécificité est de s’encrer à la gauche de la SFIO, en appelant dans un discours marxisant à une union des socialistes avec le PC, alliance qui devrait prémunir le parti socia­ liste de la dérive « social-démocrate » identifiée au « mollettisme ».

Comme une majeure partie de la gauche, les événements de Mai 68 conduisent le groupe à tenter de concilier cette base identitaire avec le thème autogestionnaire. La ligne globale de son projet remporte l’adhésion du nouveau parti fondé à Epinay, même si certaines des mesures qu’il propose, considérées comme étant trop à gauche, sont édulcorées par les socialistes modérés. L’arrivée du courant des Assises dont une composante « moderniste » remet en cause les fondements traditionnels de la doctrine socialiste au niveau de l’action de l’État, représente une menace pour le CERES, en ce qu’il se situe sur son terrain, tenant des discours autogestionnaires très éloignés de sa propre vision. Le courant de Jean-Pierre Chevènement élabore un discours visant à marginaliser le courant rocardien, qui se traduit par une crispation sur la défense du rôle de l’État dans le processus autogestionnaire. Parallèlement, il intègre le thème national aux piliers de sa stratégie, évolution peu commune pour un courant de gauche socialiste. À la fin des années 1970, le CERES tient un discours radicalisé, fustigeant l’influence libérale des rocardiens, insistant sur le rôle de l’État et sur le sentiment national qui doit mobiliser autour de I’application d’une politique socialiste. S’il remporte une victoire « théorique » face à son concurrent au sein du parti au congrès de Metz, il connaît un désaveu cinglant de sa ligne politique dès les premières années d’exercice du pouvoir par les socialistes après 1981. Entamant une révision idéologique, le courant tient désormais un discours centré sur le thème de la République et sur ses deux fondements : l’État républicain et la Nation.

L’étude de l’évolution du discours du CERES, de l’autogestion à la République, conduit à examiner la genèse du discours autogestionnaire du PS et à mettre en relation son évolution avec les débats doctrinaux et idéologiques qui traversent le parti du milieu des années 1960 au milieu des années 1980, alors que les socialistes sont à la tête de l’État depuis 1981. L’abandon des références marxistes représente une évolution importante du discours socialiste durant cette période.

Mirthil Timothy, Le temps des “blousons noirs” : la représentation des bandes de jeunes 1957-1964, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Marie-Claude Blanc-Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2002

MORANT Lucie, Le mode de vie des bourgeoises du seizième arrondissement pendant l’entre-deux-guerres, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 139 p. + 20 p. d’annexes

Durant l’entre-deux-guerres, un bourgeois est encore « une personne de la classe moyenne, intermédiaire entre le peuple et la noblesse » (Encyclopédie Larousse du XXe siècle, 1928). La bourgeoisie est « une catégorie sociale qui comprend les personnes de revenus indépendants, ou gagnant assez largement leur vie, ayant une certaine tenue et même un certain train de vie, (certe catégorie sociale) absorbe tous ceux qui ne travaillent pas à un métier, surtout manuel » (ibid.). Une nouvelle bourgeoisie issue de la Première guerre envahit pourtant peu à peu Paris et le seizième arrondissement, défaissant sa province d’origine. Les années vingt et trente sont des années charnières qui poussent la bourgeoisie à se moderni­ ser, à sortir du XIXe siècle. Cepenpant, un constat s’impose : si les mœurs changent, cette évolution se fait extrêmement lentement en ce qui concerne les femmes.

Grâce à des sources orales, nous avons pu étudier le mode de vie des bourgeoises du seizième arrondissement de Paris pendant l’entre-deux­ guerres. De manière à retracer ce mode de vie, nous nous intéressons à leur enfance et à l’éducation qu’elles ont reçue, afin de voir de quelle manière les petites filles sont préparées à leur future vie de bourgeoises. Ensuite nous nous attardons sur leur destin : être une épouse, une mere, une femme d’intérieur, des rôles qui semblent inhérents à la condition de la femme issue du milieu bourgeois à cette période. Enfin, nous essaierons deparler de leur rôle social, des obligations que ce rôle peut entraîner, ce qui n’a pas toujours été mis en avant durant les entretiens que nous avons eus. Une étude des recensements complète l’analyse orale.

Nous avons remarqué, grâce à notre étude, que les bourgeoises avaient une vie réglée en fonction de devoirs sociaux et familiaux, d’impératifs mondains, qui tendaient à unifier leur mode de vie. On vivait un peu renfermé sur soi-même, entre personnes de classe sociale identique, au sein d’un même quartier. L’étude du mode de vie des bourgeoises du seizième nous a permis de mettre en avant une vie d’obligations et de devoirs à accomplir qui pouvaient ressembler à des rites. Le poids du milieu social était écrasant et rares furent les bourgeoises qui s’émancipèrent de son joug.

MORETTI Orianne, Le centre de propagande des républicains nationaux : 1926-1940, Maîtrise [Pascal Ory, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2002

MUSSER Rémi, L’immigration à Corbeil-Essonnes : itinéraires de femmes immigrées (1960-1980), Maîtrise [Marie-Claude Blanc-Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 201 p.

Ce travail a pour but de nous interroger sur l’histoire de l’immigration féminine des Trente Glorieuses dans le cadre de Corbeil-Essonnes, commune communiste de la banlieue parisienne, ancienne ville industrielle et ouvrière qui a attiré la population immigrée dès le XIX’ siècle. La femme immigrée a été une figure moins médiatique que celle de l’homme travailleur et ouvrier. Les femmes ont donc laissé moins de traces dans les sources écrites que leurs homologues masculins. C’est à travers des sources d’origine administrative, à savoir listes nominatives, enquêtes de police des dossiers de naturalisation, demandes de régularisation de situation déposées à la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales, et les témoignages de femmes immigrées de Corbeil-Essonnes, que nous avons tenté de mettre en évidence la place occupée par les femmes dans les migrations et dans la société d’accueil des années 1960 au début des années 1980. Notre réflexion s’articule autour de trois axes : le processus d’immigration, les conditions de vie de ces femmes et la question de l’intégration.

La problématique du genre nous a permis de montrer le fonctionnement de l’immigration des femmes longtemps considérées comme des « suiveuses ». Dès le lendemain de la guerre, des Italiennes, puis dans les années 1960-1970 des Espagnoles et des Portugaises, sont venues retrouver leur époque comme le prévoyait la politique d’immigration familiale. Mais cette politique a fonctionné de moins en moins et I’immigration féminine des européennes s’est organisée progressivement hors de tout contrôle. Une véritable immigration féminine de travail, autonome par rapport à celle des hommes existe pendant les Trente Glorieuses. Avec la politique de regroupement familial décidée à partir de 1976 on revient au principe de contrôle. C’est un flux essentiellement féminin d’origine maghrébine, décalé par rapport à celui des hommes, qui se met en place, fixant ainsi beaucoup de familles à Corbeil.

Une fois en France, les immigrées (re)prenneut la place que leur octroie la division sexuée traditionnelle. Ainsi dans les années 1960-1970 la femme immigrée, européenne ou maghrébine, prend le visage de la mère de famille qui est une véritable gestionnaire du foyer qu’elle a en charge. Mais les femmes immigrées en majorité européennes ont été actives. Ouvrières et surtout domestiques et femmes de ménage, elles ont occupé une place précise sur le marché du travail, connaissant des conditions de travail précaires et des postes non qualifiés, qui sont aussi la réalité des immigrés pendant les Trente Glorieuses. Seules les filles venues jeunes s’orientent vers les secteurs du tertiaire, s’éloignant ainsi de l’image de l’immigrée et s’assimilant professionnellement. Cette assimilation relève de leur intégration à la société d’accueil, le plus souvent sous l’impulsion de leur mère.

La femme immigrée a en effet été investie d’un double rôle : celui de gardienne de la tradition et d’intégratrice pour ses enfants et sa famille. Jusqu’à la fin des années 1970, l’intégration des européennes – qui passe pour beaucoup par l’émancipation- s effectue en douceur dans un contexte économique, social et spatial favorable. À la fin de la décennie 1970, la crise et la dégradation du contexte économique et social local ont des répercussions sur le processus d’intégration des immigrées venues avec le regroupement familial. C’est à ce moment-là qu’une action de proximité et de terrain est mise en place par les travailleurs sociaux en direction des femmes qui sont absentes en tant que telles des quelques mesures d’intégration prises par les pouvoirs publics dans les années 1960. Mais l’intégration a des limites, visibles notamment à travers la conservation des pratiques féminines pour les immigrées portugaises.

NESTERENKO Alexandra, Un quart de siècle d’aménagements autour de l’église Saint-Gervais à Paris (1936-1963), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 187 p. + 23 p. d’annexes

Les mutations économiques et sociales du XIXe siècle ont provoqué une dévalorisation des quartiers centraux de la capitale, épargnés par les travaux haussmanniens. La partie du Marais, située entre la rue de Rivoli et la Seine, est déclarée insalubre en 1921 par les pouvoirs publics et devient « l’îlot n° 16 ». Cette étude s’intéresse plus particulièrement au pourtour de l’église Saint-Gervais (les rues de Brosse, François-Miron, du Pont-Louis­ Philippe, de !’Hôtel-de-Ville et le quai de !’Hôtel-de-Ville) qui sera intégré tardivement à l’îlot insalubre.

Ce mémoire tend à mettre en exergue l’impact de la gestion administrative – et des aménagements réalisés – sur l’évolution architecturale et sociale du quartier des années trente aux années soixante.

La densification du bâti et l’absence d’entretien ont engendré la multiplication de logements exigus et peu équipés. La faiblesse des loyers attire dans le quartier une population de solitaires et de couples dont la plupart travaillent dans les environs en tant qu’employés de commerce, de bureau ou de l’Administration.

L’ilot n° 16 est l’un des moins insalubres de Paris, mais sa situation géographique incite les pouvoirs publics à le traiter en priorité. L’évolution législative permet l’élargissement des îlots pour faciliter la mise en œuvre d’opérations d’aménagement d’envergure. Bien que l’insalubrité médicale du pourtour de l’église Saint-Gervais n’ait jamais été démontrée, cet espace pénètre en 1941 dans la surface de l’îlot n° 16. En 1942, l’Admmistration engage la première opération de réhabilitation parisienne, en suivant le plan rroposé par trois architectes dont Albert Laprade pour le pourtour Saint-Gervais (secteur occidental). L’expropriation des habitants est aussitôt ordonnée et les travaux commencent. Rapidement, la pénurie retarde le bon déroulement de l’opération. Au sortir de la guerre, l’état du quartier a empiré et la crise du logement empêche la reprise des travaux de réhabilitation dans l’ensemble de l’îlot. Dans les années cinquante, l’Administration remet en état de « réhabilitabilité » les immeubles pouvant accueillir temporairement des populations « précaires ». Au début des années soixante, le bilan de la réhabilitation s’avère incomplet (seule une partie du bâti a bénéficié d’un aménagement de qualité) et contrasté (le plan a été modifié à plusieurs reprises). En 1965, l’îlot n° 16 disparaît officiellement, il est integré à la surface bénéficiant du « plan de sauvegarde et de mise en valeur du Marais ».

Premier exemple d’un urbanisme opérationnel respectueux du patrimoine ancien, l’aménagement de l’ilot Saint-Gervais représente un contre­modèle de réhabilitation et reflète les hésitations des pouvoirs publics.

OECHSLI Marion, Un peuple prisonnier de son image. La représentation des Tsiganes dans le cinéma français, De la libération d’Auschwitz au premier film gitan (1945-1983), Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 172 p.+ 50 p. d’annexes

Peuple méconnu, les Tsiganes ont, depuis toujours, nourri l’imagination des artistes. Dès l’apparition du cinématographe, ils ont été mis à l’honneur par les réalisateurs, dans toutes sortes de productions.

Cette étude analyse les principaux aspects de leur représentation à l’écran, en France, entre la libération des camps de concentration de la Seconde Guerre mondiale, où les Tsiganes furent enfermés et exterminés, et l’année 1983, date de sortie du premier film de fiction réalisé par un Gitan sur les siens. Si leur image a considérablement évolué au cours de cette période, elle témoigne également de la force des préjugés et des sté­ réotypes dans notre société.

PINGAULT Jean-Baptiste, Évolutions des identités des jeunes Portugais et d’origine portugaise, 1982-2002, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Marie-Claude Blanc-Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 2 vol. 166 p. et 142 p. d’annexes

Plusieurs facteurs historiques d’évolution des identités chez les jeunes d’origine portugaise sont à l’œuvre au cours de cette période : l’évolution des ressources identitaires (le pays d’origine, le pays d’accueil, l’évolution de la première génération immigrée) ; l’intégration croissante de la population issue de l’immigration portugaise ; l’évolution des cadres sociaux, politiques et économiques dans lesquels leur identité s’affirme et ce, tant au Portugal qu’en France.

Les modes d’affirmation identitaire des élites prenant la parole chez les jeunes Portugais et d’origine portugaise connaissent deux phases bien dis­ tinctes au cours de ces vingt années. La première génération de jeunes, souvent immigrés jeunes avec leurs parents, s’affirme dans le cadre du mouvement social et politique du début des années 80, autour des jeunes issus de l’immigration et notamment avec les jeunes d’origine maghrébine. Les Thos ont pris part aux débats de leur temps sur les jeunes issus de l’immigration, collaborant avec d’autres populations issues de l’immigration, notamment les beurs, dans une tentative de création d’une identite immigrée et multiculturelle. Ils mettaient l’accent sur l’intégration des Portugais dans l’espace social et politique français. Les luso-descendants, au contraire, ont profité de la modernisation du Portugal perçue au travers des grands journaux français à la toute fin des années 80, pour mettre en valeur une identité portugaise moderne. La dynamique est avant tout portugaise et non plus multiculturelle, l’immigration est plutôt mise à distance que revendiquée. Les luso-descendants se focalisent sur le maintien du lien des jeunes Portugais et d’origine portugaise avec leur pays d’origine, en ce sens, si volonté d’intégration il y a, elle se dirige vers le Portugal et non plus vers la France. Les différences sont dues à une plus grande acculturation des luso-descendants, pour beaucoup nés en France, qui les pousse à insister sur leur identité portugaise. Elles sont accentuées par le changement d’attitude des politiques français : tenant un discours plus social qu’ethnique au cours des années 80, ils se sont progressivement adressés de manière plus collective qu’individuelle aux populations issue de l’immigration et notamment aux luso-descendants, tendant à les constituer par là en groupe de pression.

Le mode d’affirmation des Thos a connu moins de succès chez les jeunes Portugais et d’origine portugaise que celui des luso-descendants. La revendication d’une solidarite militante avec les immigrés est une voie plus exigeante que la revendication d’une appartenance à un pays en voie de moèlernisation. De plus, le projet des Thos est resté en marge de la stratégie, majoritaire dans l’immigration portugaise, de distinction avec les autres populations immigrées, notamment non-européennes.

L’évolution de l’identité, non pas affirmée par une élite, mais vécue par la majorité, se concentre autour de phénomènes de convergences entre les différentes sources identitaires dont disposent les jeunes Portugais et d’origine portugaise. L’adaptation progressive de la première génération à la région d’accueil permet de réduire le choc entre la culture du Portugal des années 60 et I’acculturation urbaine des enfants en France. Ainsi, la conflictualité avec les parents et la culture rurale d’origine, qui était un élément important de l’identité chez les Thos (partagé en bonne partie par leur génération, apparaît beaucoup moins flagrante aujourd’hui. La deuxième convergence est celle entre le pays d’accueil et le pays d’origine. Les stéréotypes du Portugal « pays sous-développé » perdent de leur force pe mettant ainsi un meilleur équilibre entre les ressources identitaires de ces Jeunes et une affrrmation de leur appartenance plus aisée.

PROST Barbara, Le personnel du nettoiement de Paris de 1944 à 1977. Techniques, pratiques et identités professionnelles, Maîtrise [Michel Pigenet], Univ. 2002, 129 p.

Qu’ils remontent à plusieurs siècles ou qu’ils soient apparus à une époque plus récente, les poncifs et les représentations négatives s’attachant au nettoiement urbain et à son personnel sont légion, mais la réalité du monde des éboueurs, par exemple ceux de Paris, reste a decouvrir. Le personnel de nettoiement ne forme ni ne souhaite former un groupe à part dans le monde des métiers, malgré les représentations. Et ce, meme s’il a certaines particularités indéniables.

D’abord, qu’il s’agisse du personnel technique 9.ui conçoit le nettoiement ou plus encore du personnel ouvrier qui l’execute, ils travaillent au contact d’une « matière première » que tout le monde ne souhaiterait pas côtoyer : les ordures ménagères, la salissure (et c’est de là que proviennent la plurart des prejugés). Autre spécificité, ils sont des employés municipaux de Paris, la ville lumière gigantesque (un million de tonnes d’ordures par an), que d’aucuns, disent encore sale à l’époque qui nous intéresse. Étant donné la difficulte a définir, proprete urbaine, il ne semble pas possible de verifier cette affirmation, d’autant plus que des descriptions contradictoires brouillent les pistes. Ce qui semblé avéré est que le service municipal du nettoiement, service immense qui compte plusieurs milliers de travailleurs, tres organise depuis plusieurs décenmes, donné en modèle à d’autres villes, rencontre des difficultés croissantes dans les trois décennies qui nous intéressent, difficultés nées de la société de l’expansion, de l’accroissement du tonnage des ordures et du nombre de véhicules, dans une ville en pleine mutation. Les conditions de travail des ouvriers du nettoiement sont loin, d’être optimales bien que les moyens fournis par la capitale soient consequents. Consequents mais insuffisants, aussi bien pour le materiel que pour les effectifs du personnel, et les salaires.

D’ailleurs, étant donné la difficulté du travail, sa faible rémunération les réprésentations qui s’attachent à la profession, le nettoiement de Paris souffre d’un problème de recrutement et doit faire appel en nombre à des travailleurs immigrés. À partir de la seconde moitié des années 1960, si une petite partie du personnel ouvrier reste composée de titulaires français, près des trois quarts du groupe sont formés par des travailleurs immigrés. N’ayant pas la nationalité française, ils ne peuvent disposer des garanties du statut des fonctionnaires, et sont appellés saisonniers. Cette précarité dans leur travail est, avec les mauvaises condmons de travail et les salaires à l’origine des grandes grèves categorielles de la fin de notre période. Longues, dures, elles ne sont pas passées inaperçues, et victorieuses, elles ont conduit une revalorisation notament pécuniaire du métier. Elles ont été permises par une forte combativité des travailleurs, regroupés en nombre au sein d’un syndicat, le syndicat CGT nettoiement. Ce dernier joue également un rôle indéniable dans la cohesion du groupe ouvrier, constitué de plusieurs milliers de personnes et ayant une tradition de combativité. Cette cohesion est aussi permise par tout un monde informel d’échanges avec les concierges, d’arrêts au café, que le changement de composition du groupe n’a guère altéré, confortant plutôt l’identité du groupe que la bouleversant.

Etudier le nettoiement de Paris dans cette période, c’est visiter la capitale par des biais peu connus, d’abord celle de son Administration édilitaire, bien particulière, et, depuis les trottoirs, à l’aube, la regarder changer, salir, jeter. Enfin, étudier le nettoiement de Paris de 1944 à 1977 c’est surtout partir à la rencontre d’un groupe professionnel comme les autres avec ses missions, ses pratiques, ses évolutions, un groupe à l’identité bien présente, mais pas plus forte qu’ailleurs, et qui vit les derniers moments d une organisation remontant à plusieurs décennies, avant la mécanisation des tâches et la privatisation.

RICHARD Julie, La représentation des anciens combattants de la Grande Guerre dans les films français de fiction (1919-1989), Maîtrise [Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002

La représentation des anciens combattants de la Grande Guerre est étudiée grâce à un corpus de 25 films sortis sur les écrans français de 1919 à 1989. Les dix films visionnés, du remake du Gamin de Paris (1932) de Gaston Roudès à La Vie et rien d’autre (1989) de Bertrand Tavernier, en passant par la version 1937 du fameux J’accuse! d’Abel Gance, et le premier film de Claude Berri, Le Vieil homme et l’enfant (1966), sont présentés et analysés chronologiquement, afin d’observer la constitution et les évolutions de ce personnage très particulier.

Tout d’abord sacralisé et doté d’autorité, remobilisé sur les écrans dans un but pacifiste à la fin des années trente, le personnage de l’ancien combattant devient une figure rare après 1940. En effet, la Seconde Guerre est une coupure majeure pour le personnage : non seulement il a « échoué » dans la mission pacifiste qui constituait sa principale fonction, mais, en outre, la Grande Guerre, désormais nommée la Première Guerre, et ses suites sont occultées par l’impact du second conflit mondial.

Le renouveau du personnage à la fin des années quatre-vingt semble d’ailleurs participer d’un mouvement de redécouverte de la guerre de 14-18, mouvement auquel l’historiographie n’a pas échappé.

Une analyse thématique regroupe ensuite sous une même interrogation l’ensemble des films du corpus, notamment grâce au recoupement de sources filmiques et de sources textuelles concernant les films du corpus aujourd’hui disparus (notices des catalogues, revues de presse). Ainsi, les films mettant en scène un ancien poilu permettent d’analyser les représentations de la Grande Guerre, et celles de l’après-guerre, à la fois temps de déception et temps de deuil.

Les reconstructions a posteriori de 14-18 étudiées en proposent une version acceptable, bien que très partielle et stéréotypée, ce qui favorise la perte du sens de l’événement, jusqu’à le rendre incompréhensible pour qui l’interroge. Le cinéma relaie ici le « voile conceptuel » dressé devant le premier conflit mondial, et ses aspects les plus embarrassants.

Quant aux représentations de l’après-guerre, elles présentent, autour de la figure du retour du poilu à la société civile, parmi I’ancien « arrière », un personnage profondément désillusionné. L’ancien combattant de la Grande Guerre à l’écran a ainsi une fonction critique, fonction qui met en avant la vanité des promesses de guerre (promesses de gloire, d’une société régénérée, de paix éternelle).

Le retour du poilu dans ses foyers est souvent manqué, ou même incomplet : le personnage apparaît ainsi entre deux eaux, entre deux états, entre la vie et la mort, fantôme ou « revenant-ressuscité ». Cette caractéristique constitue l’une des nombreuses traces d’une société marquée par la mort de masse laissées dans les films en question. Films de fiction, films d’un cinéma le plus souvent commercial, familial, sans prétentions autres que le divertissement, les films du corpus ont peut-être, à leur manière, une fonction de deuil, et aident à panser les blessures d’une guerre aux consé­ quences catastrophiques.

ROPERS Léa, Genèse du père Noël dans la presse française : 1870-1914, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 161 p.

Entre 1870 et 1914, on assiste à une véritable floraison de personnages donateurs chrétiens et païens. Tous cependant n’interviennent pas à la même date et n’évoluent pas dans les mêmes aires géographiques. Parmi eux, on peut citer Saint Martin pour la Normandie, le Père Chalande en Savoie, Saint Nicolas, bien sûr, qui rencontre à cette époque, un succès croissant tant en Alsace et en Lorraine, qu’en Allemagne et aux Etats-Unis. Si l’étude de la presse parisienne choisie ne permet pas vraiment de mettre en lumière ce foisonnement de bienfaiteurs, elle constitue une sorte de théâtre où s’affrontent les deux principaux concurrents de la fête de Noël, à savoir, le petit Jésus et le père Noël.

De la fin du XIXe siècle au début du XXe, la fête de Noël connaît d’importants changements. En effet, c’est à cette époque que la notion d’intimité se développe. Ainsi, les fêtes se déroulant au sein du foyer constituent-elles désormais pour la famille bourgeoise, un moyen de « s’autocélébrer ». En outre, du fait de l’intérêt croissant que l’on porte à l’enfant, la fête de Noël, en son fondement, fête de l’Enfant Jésus, devient celle de l’enfant profane, qui est alors au centre des préoccupations. Les rites de Noël s’organisent principalement autour de lui. Dans ce contexte la coutume mettant en scène des personnages donateurs apportant des cadeaux à ces chères petites têtes blondes se développe. C’est aussi à cette époque que que la fete de Noël prend une dimension commerciale indéniable à l’instar de ses homologues européennes, principalement allemande et anglaise. Les jeux d’influences entre ces divers pays conduisent alors à une uniformisation des pratiques. Noël fait ainsi son entrée dans la modernité, et avec elle les rites qui la composent.

Ainsi, sous l’effet de la vague de laïcisation qui parcourt la France de la Troisième République, voit-on progressivement les personnages donateurs chrétiens s’effacer au profit d’autres bienfaiteurs, capables tout à la fois d’intégrer les évolutions de la fête et d’incarner les nouvelles valeurs républicaines. Le spectre du père Noël n’est peut-être pas loin !

ROUILLIER Laura, Le Courrier de l’UNESCO de 1948 à 1970. D’un journal d’entreprise à une revue d’information culturelle internationale, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 185 p.

Le Courrier de l’UNESCO est la revue officielle de l’UNESCO, elle est créée en1948 pour tenir le public informé des activités d l’Organisation. C’est un simple mensuel publié en trois langues : français, anglais et espagnol, sous la direction du département de l’informatron des masses. La distribution est principalement gratuite et interne à l’UNESCO. Mais en 1954, l’UNESCO a d’autres ambitions et décide de modifier le contenu et la forme du Courrier de l’UNESCO pour en faire une revue illustrée d’information culturelle afin de toucher un plus large lectorat. Les thèmes de la revue ne sont plus centrés uniquement sur les missions de l’UNESCO à travers le monde. C’est également une revue d’échanges et de découvertes sur les mœurs et les coutumes des peuples, qui s’engage aussi en faveur de grandes causes comme la lutte pour les droits de l’homme, la sauvegarde du patrimoine mondial, contre les inégalités de tout ordre.

Le Courrier de l’UNESCO devient une revue internationale, il en existe douze éditions linguistiques différentes en 1970. La fabrication de la revue, sa distribution, le choix des articles sont supervisés par la rédaction du siège de l’Organisation à Paris. C’est une véritable entreprise de presse, prospere et reconnue, qui voit le jour au sein de l’UNESCO.

SARABANDO Stéphanie, La Gueule Ouverte, 1972-1977. Ecologie politique versus capitalisme, Maîtrise [Franck Georgi, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002

L’écologie politique est le fruit d’une prise de conscience de scientifiques des effets perverts d’une industrialisation massive qui s’exerce sans vergogne sur la nature. À l’aube des annees soixante-dix, de nouveaux penseurs comme Ivan Illich ou René Dumont donnent la lumière à des essais qui remettent en question les vertus de la société technicienne tout en élaborant une pensee basée sur une politique écologique dans le but de guérir le mal dont souffre la planète. Pléthore d’opuscules essaiment sur la scène journalistique. Cependant, leur impact s’avère plus que squeletique comparé à La Gueule Ouverte ou au Sauvage qui font leur appartition en novembre 1972 et en avril 1973. La Gueule Ouverte est créee par Pierre Fournier, collaborateur au journal Hara Kiri, puis Charlie Hebdo : Lors de sa fondation, le journal a bénéficié de l’impact de la grande manifestion pacifiste de Bugey dans l’Ain en juin 1971 dont Pierre Fournier a été le principal instigateur. Issu dune équipe d’origine « bete et mechante », le journal « qui annonce la fin du monde », comme le dit son sous-titre est un périodique satirique. La Gueule Ouverte a pour nette ambition d’une part d’informer le public en matière d’écologie et d’autre part, d’agir sur le terrain par la suite, et ce à travers un discours particulièrement alarmiste et pessimiste. Destiné au Français moyen, le périodique doit se contenter d’une frange marginale de lecteurs fidèles. Il se distingue des autres journaux en divulguant ce que tait habituellement la presse généraliste sur l’ecologie ou en boycottant la publicité, cette prostituee… À travers la caricature, le journal n’ésite pas à cracher sur les grandes figures du pouvoir comme celle du président de la Republique du CR tandis que l’on exalte des valeurs plus anticonformistes via I’inversion des rôles entre dominants et dominés.

Thème cher à La Gueule Ouverte, l’environnement ne cesse de préoccuper ses collaborateurs en dénonçant les dégâts – y compris futurs – de la pollution et de l’énergie atomique dans un contexte international de fin de guerre froide. Parmi les autres soucis, le pacifisme est un thème récurrent dans la mesure où l’État exhibe ses troupes notamment sur le plateau du Larzac. La société de consommation est contestée, elle s’avère être constamment traînée dans la boue alors que l’on défend la cause des minorités ou du tiers-monde. Hormis ces sujets, des thèmes hétéroclites comme l’eco-feminisme ou I’urbanisme habillent egalement les colonnes du journal. La Gueule Ouverte ne manque pas non plus de relater le déroulement des manifestatiobs qui ont marqué les années soixante-dix.

En outre, l’originalité de ce journal repose sur son aptitude à proposer des solutions. L’équipe du journal témoigne ainsi d’une philosophie verte qui invite à « faire un pas de côté » pour atteindre un certain art de vivre plus humain.

SEBAOUNI Meryl, Le PS et Solidarité. Août 1980-décembre 1985. Le romantisme aux couleurs de la (géo)politique, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 216 p.

Cette expression est tirée d’un article de Jean Offredo dans lequel il e phque que les Polonais sont partagés entre l’espoir issu d’août, 1980 (signature des Accords Gdansk) et les impératifs politiques et économiques. Le Parti socialiste français, face à ces événements est lui aussi tiraillé entre, d’une part, l’espoir d’un socialisme d’un type nouveau qui correspond à son projet politique et, d’autre part, des contraintes dues à sa nature, à ses choix et à son statut. Bien sûr, on peut trouver de nombreux points communs entre l’experience polonaise et celle du PS à cette époque. Mais il ne s’agit pas ici de mettre en parallèle Solidarité et le PS, mais plutôt d’analyser le rapport du Parti socialiste français au mouvement polonais Solidarité.

L’attitude des socialistes vis-à-vis du mouvement polonais n’est pas monochrome ni linéaire durant toute la période étudiée. Des changements d’attitude interviennent en effet au niveau du PS dans son ensemble, mais aussi au sein de celui-ci par le jeu des courants d’opinion. Il faut par conséquent aborder le sujet en ayant conscience des évolutions de ce rapport. Il s agit donc de s’interroger quant à la teneur et aux causes de ces changements d’attitude.

De la signature des Accords de Gdansk en août 1980 à la visite du général Jaruzelski en France en 1985, les relations entre les socialistes français et Solidarnosc sont ponctuées par les événements polonais (on pense bien sûr en particulier à la proclamation de l’état de guerre le 13 décembre 1981), mais aussi par des facteurs un peu moins évidents tels que l’arrivée au pouvoir du PS en mai 1981, les relations internationales ou encore par les aléas de la vie politique française. Le choix de ces limites chronologiques paraît contradictoire, mais il est fait à dessein. En effet, on va ainsi de l’élan d’espoir insufflé par « l’été polonais » à la réception par F. Mitterrand du « Pinochet polonais ». On a l’impression de passer d’un extrême à l’autre et pourtant nous sommes du même côté de la barrière ; ce sont les mêmes socialistes qui, dès l’été 1980, avaient les yeux brillants d’espoir quand ils regardaient vers la Pologne et qui en 1985, reçoivent le général Jaruzelski lequel a interdit Solidarité le 13 décembre 1981. Il faut évidemment éviter toute conclusion trop hâtive. De 1980 à 1985, des changements sont bien sûr intervenus dans l’attitude du PS, mais ceux-ci sont à mettre en relation avec le contexte en Pologne, dans la vie politique française et au niveau international.

SEMPIANA Thomas, L’identité culturelle du rugby à travers son organe de référence, Midi-Olympique (1932-1978), Maîtrise [Pascal Ory, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 232 p.

Né en Angleterre sur la pelouse du Collège de Rugby en 1823, le rugby, ce « jeu de voyous pratiqué par des gentlemen », a traversé la Manche pour s’établir – grâce à des émigrés britanniques – au Havre, à Paris puis à Bordeaux, avant de conquérir ce qui sera son fief, l’Occitanie. La pénétration de la culture populaire des regions du Midi de la France est telle que la géographie du rugby se confond avec sa culture, qui s’exprime dans l’Ovalie. À travers l’organe de référence du rugby, Midi-Olympique, cette étude s’attache à reconstituer la culture du rugby, depuis les années 1930 jusqu’à la fin des années 1970, et à en mesurer l’évolution.

L’esprit du rugby est assimilé par la culture populaire, essentiellement rurale, qui devient la culture dominante et fixe Tidentité du rugby dès le milieu des années 1920 : le rugby devient un moyen d’expression culturel. Le jeu se charge des valeurs dominantes des terroirs, accordant à la solidarité virile une importance capitale. Ainsi, la culture du rugby est enracinée dans les différentes régions occitanes, et endogame. Par ailleurs, les rivalités de clocher sont institutionnalisées par le championnat, qui contribue à modifier le statut amateur originel de ce sport. En effet, la popularisation du jeu exacerbe les vanités locales et facilite à la fois la montée de la violence et la montée d’une certaine forme de professionnalisme : l’« amateurisme marron ». Les clubs se structurant, l’investissement des notables locaux dans le rugby, qui fait figure de totem local, contribuent à dévoyer quelque peu l’amateurisme : l’heure est au débauchage de joueurs par l’attribution d’un emploi.

Alors même qu’elle est issue de pratiques spontanées, l’évolution de la culture du rugby tient à son encadrement : le rugby est lié à l’économie locale, et la généralisation des pratiques de rétributions contribue à la naissance d’un monde clos, codifié, s’appuyant sur l’entraide. La permanence du statut amateur conditionne la formation d’un lobby hypertrophié, d’une véritable Famille, et justifie une culture de la fermeture. Dès la fin des années 1950, le rugby permet au joueur d’obtenir une promotion sociale en fonction de la valeur sportive qu’on lui attribue. On est passé d’une expression spontanée et valorisée des vertus du terroir, à une discipline sportive rationalisée. Désormais, le rugby de haut niveau se distingue au rugby de pratique, qui devient le conservatoire des racines du jeu. Le rugby de haut niveau relayé sur ce point par les médias contribue à affaiblir la culture rugbystique traditionnelle. La télévision en particulier contribue au développement d’un public profane, mais plus nombreux que celui d’Ovalie. A mesure que le rugby devient un produit sportif dans les années 1970, il s’éloigne de ses racines. La culture constituée dans les années 1930 est reléguée au rang de folklore. La famille, si soudée au temps de l’amateurisme déguisé, la solidarité, la sociabilité spécifique du rugby en dehors du terrain, perdent de leur raison d’être, avec l’évolution vers le professionnalisme.

SENTENAC Anne, Courrèges de 1965 à 1972 : quelle image de la femme ?, Maîtrise [Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 156 p.

André Courrèges est traditionnellement connu en tant que couturier de mode des années 1960, mais est-il à cette époque un « créateur de mode » ou s’adapte-il à la naissance de la « nouvelle femme » ?

Dans un premier temps il est intéressant d’étudier la trajectoire qu’a suivie André Courrèges aux côtés de plusieurs précieux collaborateurs dont sa femme, Coqueline, et le photographe Peter Knapp que j’ai moi-même rencontré le 27 mars 2002 dans sa maison de Vauréal (95). D’où vient André Courrèges ? Comment a-t-il pu « percer » dans le monde de la mode ? Qui l’a aidé et lui a enseigné cet art ? Quelles sont les passions de Courrèges qui ont pu l’influencer dans son « style » ? Que fait-il aujourd’hui, existe-t-il toujours un style Courrèges ?

Dans un second temps, l’analyse de 13 photographies Courrèges montrera l’image de la femme donnée par les différentes tenues. Est-ce une femme plutôt dynamique, sure d’elle ou soumise ? Ces photographies mettent en valeur plusieurs stereotypes qu’il conviendra de degager, par l’examen conjoint du vêtement et des poses et regards des mannequins.

Enfin quel est le style Courrèges ? En effet, il conviendra de différencier en s’inspirant de Roland Barthes le « vetement image » étudie en seconde partie du « vêtement-réel » qu’est le vrai vêtement Courrèges.

Finalement, de sa première collection pour femmes en 1965, aux Jeux Olympiques de Munich en 1972 pour lesquels il confectionne des tenues et après lesquels il dessine aussi pour les hommes, qu’a voulu faire Courrèges pour la femme, créer ou s’adapter ?

SÉRANDOUR Jérôme, La construction d’un personnage social et populaire. Belmondo : l’itinéraire d’un acteur gâté, Maîtrise [Myriam Tsikounas, Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 147 p.

Ce mémoire s’attache à retracer une carrière exemplaire, celle de Jean­ Paul Belmondo. Cet acteur exceptionnel, parti de rien, devint l’homme le plus populaire du cinéma français.

TOURNOIS Mathilde, Plus de vingt ans de sensibilisation du jeune public à l’art. Des années 1970 à la mise en ligne du service éducatif [louvre. edu] en 1998, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 2 vol. 200 p.+ 89 p.

Si aujourd’hui le fait de rencontrer des enfants ou adolescents dans un musée nous semble commun, ceci n’a pas toujours été le cas. Les musées s’ouvrent de plus en plus largement aux jeunes publics depuis les années 1970 et des institutions de sensibilisation à l’art réservées aux enfants se créent, comme le musfe en Herbe.  Si ce n’est pas totalement une nouveauté, jamais autant d’efforts et de réalisations n’ont été faits en directions de ce public spécifique. Le mouvement de sensibilisation du Jeune public semble naître sur le terrain, parmi les intervenants culturels et n’être officialisé qu’après par l’État, dont le soutien s’intensifie dans les annees 1980-1990. Des modes de médiations culturelles propres au Jeune public et qui lui sont adaptés se développent. De nouvelles méthodes pédagogiques et de nouveaux metiers voient le jour, mais maigre tous ces efforts, aucune formation adéquate n’existe encore pour le personneI. Les musées se lancent dans l’Internet à partir de 1998, avec la mise en ligne de services éducatifs. Il semble que s’ouvre une nouvelle ère.

À travers cette étude, nous nous interrogeons sur les enjeux d’une offre spécifique au jeune public, sur les moyens utilisés pour favoriser la relation musée/jeune public, ainsi que sur la réception de ce mouvement.

Les limites géographiques de cette étude sont celles de la Ville de Paris, les établissements sont donc uniquement des établissements parisiens ; en revanche, les statistiques de fréquentation concernent les visiteurs venant de toute la France.

Les trois établissements sélectionnés pour leurs rôles précurseurs dans le développement de la sensibilisation du jeune public à I’art, ainsi que pour leur caractère représentatif, sont : le Musée du Louvre, le musée d’Orsay et le musée en Herbe. Leur diversité nous permet d’avoir une vision globale des différentes politiques et de traiter le sujet dans son ensemble.

Le développement de la relation entre le musée et le jeune public n’aurait sans doute pas eu lieu sans le contexte social, politique et culturel des années 1960 et 1970. À l’origine, le musée est un lieu pour les savants et les érudits, mais il se démocratise sous I’influence des événements de mai 1968. À partir du XIXe siècle, avec l’école obligatoire et avec une inflexion dans les années 1960-1970, l’éducation des enfants et adolescents prend d’avantage d’importance et l’on y apporte des soins de plus en plus attentifs ; autant qu’ils deviennent des personnages dont les rôles grandissent au sein de la société. Au XXe siècle, ils acquièrent peu à peu des statuts spécifiques dans la société. L’enseignement ouvre sur l’extérieur en abordant la vie sociale et culturelle, les méthodes pédagogiques évoluent et un rapprochement s’effectue entre institutions scolaires et institutions culturelles, en particulier avec les musées.

Parallèlement à l’accroissement des offres, les jeunes visiteurs sont de plus en plus nombreux, mais leur fréquentation varie en fonction du cadre dans lequel se déroule l’activité, individuelle ou scolaire, en fonction de l’âge des visiteurs et de leurs origines géographique et sociale. Le principe de sensibiliser les jeunes visiteurs à I’art dans les musées ou autres institutions dont il est question est majoritairement bien accepté.

TULLIO Olivier, Image et perception du fascisme italien dans les archives et les témoignages des diplomates français, 1934-1937, Maîtrise [Pascal Ory, Marie-Anne Matard-Bonucci], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 227 p.

Comme tout phénomène historique, le fascisme italien fut perçu de manière diverse suivant les individus ; en fonction de leur sensibilité politique, leur condition sociale, etc. À l’étranger il suscita ainsi à la fois l’admiration et le rejet de ses contemporains. Cependant, il existe une différence fondamentale entre ceux qui l’ont vécu de l’intérieur, autrement dit les Italiens, et ceux qui l’ont connu de l’extérieur.

L’objet de cette étude est de restituer, à partir des archives conservées au Ministère des Affaires étrangères et des mémoires publiées après la guerre, la vision des diplomates français en poste en Italie et près le Saint-Siège au moment des faits, qui présentent la particularité d’avoir côtoyé le régime mussolinien tout en gardant le regard extérieur exigé par leur fonction.

Les années 1934-1937 sont une période cruciale de l’entre-deux­-guerres, tant sur le plan international — avec des événements majeurs comme la guerre d’Espagne — que sur celui des relations franco-italiennes, de la politique de rapprochement de Louis Barthou et Pierre Laval (1934-1935) à la rupture symbolisée par le voyage de Mussolini à Berlin (septembre 1937). La guerre d’Éthiopie y occupe une place centrale. Après sa victoire en Afrique, le régime est à son apogée et fait de nombreux émules en Europe.

En cette fin des années trente, plus qu’une doctrine politique, le fascisme est avant tout un système de gouvernement, qui tend alors vers le totalitarisme. L’objectif de la diplomatie française est de s’entendre avec le régime mussolinien, par-delà les divergences idéologiques, afin d’éviter tout rapprochement avec l’Allemagne nazie. À partir de là, que nous apprennent les diplomates sur l’attitude des Italiens à l’égard du fascisme et de son évolution totalitaire ? Comment cette transformation apparaît-elle dans leurs écrits ? Quel regard portent-ils sur la politique étrangère fasciste et comment en perçoivent-ils les changements ? Des questions dont les réponses ont peut-être influencé la politique de la France à l’egard de l’Italie fasciste…

VARRAIN Thomas, Les pratiques socioculturelles des ouvriers pendant la Commune de Paris, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 130 p.

La Commune de Paris est généralement considérée comme une insurrection ouvrière. Il est vrai que le soulèvement amène au pouvoir un gouvernement dont les dirigeants sont, pour beaucoup, issus du monde ouvrier. On comprend pourquoi, les principales réformes engagées par les communards visent en priorité les travailleurs.

La Commune a-t-elle favorisé le développement de pratiques spécifiquement ouvrières, entraînant ainsi l’émergence et la constitution d’un groupe social, distinct des autres et conscient de sa particularité ?

L’insurrection bouleverse la vie quotidienne des ouvriers. Nous avons choisi d’étudier leurs pratiques socioculturelles, leurs habitudes et leurs comportements à travers trois espaces. Le premier, consacré au travail, comprend l’atelier, les associations de production et la Garde nationale qui pour de nombreux ouvriers, supplante I’atelier. Cet espace du travail fait l’objet de nombreuses réformes de la part du gouvernement communard.

En son sein, les ouvriers développent des pratiques très proches, distinctes de celles des autres groupes sociaux. Le second espace, celui de la sphère privée, connait également de profondes mutations : les rapports des ouvriers à l’Église, à la famille et à l’école changent radicalement. Là encore, ils se démarquent très nettement, par leurs attitudes et leurs habitudes, des autres groupes, notamment de la bourgeoisie. Enfin, l’étude de l’espace consacre aux loisirs illustres l’existence de pratiques communément partagées par les ouvriers, dans la rue, au café, comme au théâtre.

Il est certain que, sous la Commune de Paris, on peut observer, chez les ouvriers, une diversité de tempéraments et de situations. Cela ne doit pas occulter les nombreux éléments qui confortent l’existence de pratiques socioculturelles communes aux ouvriers.

Pendant l’insurrection, les travailleurs développent des comportements et des habitudes semblables. Sous l’influence de la propagande socialisante du gouvernement, ils commencent à prendre conscience qu’ils forment un groupe spécifique, uni par des intérêts, des revendications et des aspirations collectifs. Cette conscience d’appartenance se répand avec la Commune. Elle se développera par la suite, notamment avec l’émergence d’un syndicalisme ouvert puissant.

WALDMAN David, Le Marais pendant l’Occupation. Le quartier Saint-Gervais à travers les répertoires analytiques, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Denis Peschanski, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 167 p.

Les répertoires analytiques, désignés couramment comme « mains courantes », sont des instruments de travail essentiels pour la police. Dans ces registres, les policiers consignent scrupuleusement chaque fait survenu dans le quartier et les plaintes et les dépositions de ses habitants. Cet outil est par conséquent devenu essentiel à l’historien dans la mesure où, utilisé en tant que source, il permet d’aborder l’étude d’un quartier en faisant ressortir des acteurs souvent sous-représentés dans les sources habituelles. Ici, en effet, point d’hommes politiques ni d’intellectuels, mais plutôt des commerçants, des travailleurs, des vagabonds, des concierges… en somme les individus qui vivent dans le quartier ; et comme cadre, le bistrot, la cage d’escalier et le trottoir.

C’est donc sous l’angle d’une micro-histoire, et nécessairement à travers le prisme des répertoires policiers, que nous avons consacré un travail au quartier Saint-Gervais pendant l’Occupation. Situé au cœur du Marais, c’est-à-dire au centre-est de Paris, côté rive droite, ce quartier est depuis la fin du XIXe siècle l’un des regroupements privilégiés de la population juive immigrée d’Europe de l’Est, et dans une moindre mesure, d’Afrique du Nord. Les débuts de la Seconde Guerre mondiale vont troubler la population du quartier, d’autant que les premières mesures consécutives à la défaite française vont concerner prioritairement le sort des Juifs. Les propos défaitistes, la hausse des condamnations pour état d’ivresse, les enquêtes d’aliénés sont autant de signes témoignant d’une dégradation de l’état moral des habitants du Marais. L’arrivée des Allemands signifie, dans le quotidien, une coexistence forcée et, de temps à autre, des dérapages incontrôlés et des abus de la part des occupants.

Les conditions d’armistice et la situation de guerre conduisent inexorablement à la pénurie alimentaire et énergétique. Les innombrables fraudes et délits liés au rationnement placent au premier plan des préoccupations les Parisiens la question des restrictions : se nourrir, se vêtir et se chauffer.

À la Libération, les soldats américains seront les nouveaux acteurs du marché noir parisien.

Le Pletzl, le quartier juif, va quant à lui subir les mesures édictées par l’État français et l’occupant : les consignes de recensement, les mesures contre les commerces juifs et les diverses discriminations, avant d’être victime des grandes rafles et des déportations. Depuis septembre 1940, jusqu’à la fin de l’Occupation, les Juifs iront pourtant se déclare comme tels ou solliciteront la police pour les affaires les plus urgentes : déclarer une perte de papiers d’identité pour ne pas vivre dans la clandestinité, un vol de carte d’alimentation pour pouvoir subsister… Les rares incidents recensés indiquent néanmoins que, jusqu’en mai 1941, c’est-a-dire avant les premières grandes rafles, les Juifs du quartier supportent relativement les décrets anti­sémites et discriminatoires. Il découle forcément de ces mesures une paupérisation inéluctable.

À partir de mai 1941, la population juive du quartier va être l’une des cibles parisiennes privilégiées des arrestations et des rafles. À la fin de la guerre, le Pletzl sera littéralement décimé et devra difficilement affronter les retours des Juif libérés. Les questions de trafics de biens Juifs, de relogement, de pillages, sont autant de préoccupations pour lesquelles la police sera sollicitée.

Les répertoires de la Libération témoignent de l’épuration spontanée engagée par les habitants du quartier et épaulés par les policiers qui, quelques semaines auparavant, participaient encore activement à la politique de collaboration.

La Libération permet également de revenir sur nombre d’affaires survenues durant ces quatre années noires. Cette source consacrée au délit et à la plainte apporte enfin une vision contrastée des « héros » de la Liberation. Les nombreux dérapages commis par des soldats américains et par des FFI envers la population du quartier, donnent un regard nuancé sur les « beaux jours mythiques » de la Libération.

2001

ABSALON Nora, Le personnel hospitalier originaire des DOM à l’Assistance publique de Paris, 1961-1987, Maîtrise [Christian Chevandier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 180 p.

Au début des années soixante, la France doit faire face à une pénurie de main-d’œuvre. Afin de pallier ce problème qui touche de nombreux secteurs et résoudre la crise économique et sociale qui sévit dans les départements d’outre-mer, l’État crée en 1963 le Bureau pour le développement des Migrations Intéressant les Départements & Outre-mer (BUMIDOM), qui est chargé de faciliter l’immigration des Français d’outre-mer, de les former et de les orienter vers les secteurs déficitaires en main-d’œuvre. Cette société d’État établit des partenariats avec des Administrations Générales dont celle de la Santé. C’est ainsi que débute le partenariat entre le BUMI­DOM et l’Assistance publique (AP). Cette dernière bénéficie pendant près d’une vingtaine d’années de l’action du BUMIDOM qui y place jusqu’à 200 Domiennes par an. En effet, les placements effectués par la société d’État concernent presque exclusivement des femmes. Le faible niveau de qualification de la majeure partie des immigrants, allié à l’action du BUMIDOM, contribue au recrutement des originaires des DOM à l’AP. Ils sont surtout représentés au sein du personnel hospitalier et plus précisément en tant qu’agents des services hospitaliers et aides-soignants(es), catégories les plus basses de la hiérarchie hospitalière.

C’est au cours des années soixante-dix que cette présence devient remarquable et que se façonne une certaine image de la femme domienne au sein de l’AP, proche des malades, plus relationnelle que technicienne. C’est également durant cette décennie que les syndicats commencent à jouer un rôle important auprès du personnel hospitalier en demandant l’amélioration du système de congés de ces agents. En effet, à partir de 1975, l’AP finance partiellement les frais de voyage de ces agents vers leur DOM d’origine. Mais le système est contraignant et durant près de quinze ans les syndicats œuvrent pour son amélioration. Le conflit qui les oppose à l’administration hospitalière touche momentanément à sa fin lorsque l’État légifère et réforme les statuts du personnel hospitalier.

BAILY Henri, Du Mouvement de Libération nationale (MLN) à l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR) : janvier 1944-juin 1946, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Gilles Morin], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 159 p.

Le MLN peut être considéré comme le plus grand mouvement de Résistance. Il est issu de la fusion des MUR et de mouvements de la Zone Nord comme Défense de la France et Résistance. La volonté de la plupart des dirigeants du MLN est d’intégrer l’ensemble des mouvements de résistance, y compris le FN d’obédience communiste, afin d’empêcher le retour des anciens partis de la IIIe République sur la scène politique. Le FN refuse la fusion au sein d’une UNR proposée par le MLN.

Le FN a également comme perspective d’intégrer dans sa mouvance les mouvements de résistance. Le MLN est divisé sur ce problème de l’unité de la résistance. L’aile gauche du mouvement est favorable à une fusion avec le FN, l’aile droite, majoritaire, récuse cette fusion. En janvier 1945 le congrès du MLN repousse la fusion. Majoritaires et minoritaires vont se combattre à l’intérieur du mouvement jusqu’à la scission du MLN.

Les résultats des élections municipales du printemps 1945 placent les mouvements très loin derrière les partis politiques. Désormais les mouvements doivent s’allier aux partis s’ils veulent continuer d’exister politiquement.

L’UDSR — Fédération de mouvements créée à l’instigation du MLN, de l’OCM, de Libération Nord — s’allie au PS puis, après la rupture du pacte d’unité d’action par la SFIO, avec le parti radical. Dans les deux cas, l’UDSR enregistre un échec électoral. Finalement, l’UDSR abandonne sa forme fédérative de mouvements pour se transformer en parti politique. La création de l’UDSR et du MURF consacre la division de la Résistance intérieure. Celle-ci est victime des divisions politiques qu’elle reproduit dans ses rangs, mais également de la stratégie poursuivie par le PC, le PS et le général de Gaulle.

BILLING François-Xavier, La représentation de la figure policière dans ie cinéma français de 1958 à 1975, Maîtrise [Myriam Tsikounas, Pascal Ory], Univ. Paris, 1, 2001, 181 p.

Gabin, Ventura, De Funès, Delon, Belmondo, mais aussi Montand, Bourvil, Perrier, Meurisse, et Bouquet telle est la galerie sélectionnée pour représenter l’essence du policier français au cinéma. Héros ou anti-héros, intègre ou crapuleux, violent ou psychologue, conformiste ou contestataire, le personnage policier occupe une place prépondérante au sein de la production cinématographique et donc de l’imaginaire collectif des Français. Il cristallise les haines, mais suscite aussi l’intérêt, la curiosité. Exerçant un travail pénible et harassant qui le force à côtoyer la lie de la société, le policier n’évolue qu’en marge de celle-ci, à croire kil s’y complait. Gouailleur, buveur, parfois joli-cœur, le policier — durant cette période — est aussi solitaire, zélé, procédurier et violent. Deux faces d’une même médaille qui résume le personnage en une équation simple où l’inconnu, que constitue la tentation, persiste. Partageant étrangement la même conception que son éternel négatif, le truand, le policier méprise et parfois exècre la société kil protège. Ainsi, il fait don de son corps à cette ingrate, mais conserve l’indépendance de son âme qu’il aiguise avec maîtrise au fusil du cynisme anarchiste. Protagoniste politique et politisé, le policier filmique est avant tout le personnage le plus récurrent et donc le plus à même à dévoiler d’étranges vérités. Il est ce témoin idéal si convoité pour ces surprenantes révélations. Son être recèle et retranscrit parfaitement les évolutions sociales et politiques de la France contemporaine.

BLANCO Delphine, Analyse de la publicité télévisée Peugeot de 1986 à 2000, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 2 vol., 139 p. et 46 p.

Le travail rapporté dans ce mémoire a pour but de déceler quels sont les représentations, les clichés et les stéréotypes présents dans la publicité des automobiles Peugeot, et d’apprécier leurs évolutions entre 1986 et 2000. 

Dans un premier chapitre, après avoir proposé une définition de la publicité conforme au sujet étudié, on a cherché à définir en quoi cette publicité pouvait être un objet d’étude historique, ainsi que ses caractéristiques et ses évolutions.

Dans la première partie du deuxième chapitre, on s’est intéressé aux relations entretenues avec l’automobile – moyen de transport, extension de notre maison et de nous-mêmes et marqueur social. La deuxième partie de ce chapitre présente la composition, les utilisations et les évolutions du parc automobile. Pour finir, la relation automobile-vitesse a été abordée.

Le sujet portant sur l’entreprise Peugeot, il semblait nécessaire de replacer son activité dans le marché automobile français et de présenter quelques données concer­nant ses investissements publicitaires. La fin de ce troisième chapitre est consacrée à la règlementation de la publicité automobile et de son évolution en particulier vis-à-­vis de l’utilisation de la vitesse comme argument de vente.

La présentation de la forme des cent-six spots constituant le corpus retenu fait l’objet du quatrième chapitre, qui s’attarde notamment sur l’augmentation du nombre de plans, du nombre de mots dans les slogans, et sur les changements survenus au niveau de la bande-son.

Dans le cinquième chapitre, l’identification des lieux et des personnages mis en scène dans ces spots fait apparaître des évolutions sur la période étudiée. Par exemple, le développement de l’usage de la ville et de l’image féminine a été mis en évidence.

Le dernier chapitre s’attarde sur le spectacle de la voiture dans les films du corpus. La dramaturgie est visible à travers l’arrivée du véhicule, son mouvement et la couleur de sa carrosserie. Deux aspects de la mise en scène sont présentés : l’anthropomorphisation du véhicule et la dualité voiture routière-voiture urbaine.

BOUGET Vincent, La grève des PTT de l’automne 1974 et les médias, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 178 p.

De par la durée et l’âpreté du conflit, la grève des PTT de l’automne 1974, qui débute le 17 novembre pour s’achever le 2 décembre, est certainement l’une des grèves les plus marquantes de l’histoire de l’administration. S’inscrivant dans la continuité des travaux sur la place des médias dans les mouvements sociaux, ce mémoire se propose non pas de retracer l’histoire de la grève, mais d’analyser sa représentation médiatique et l’enjeu qu’elle constitue dans le conflit. Cette étude s’appuie à la fois sur une partie de la presse écrite (notamment les quotidiens à diffusion nationale comme Le Monde, Le Figaro, l’Humanité et France Soir) et sur la télévision, à travers l’étude des notices descriptives des journaux télévisés des deux premières chaînes de l’ORTF.

La grève des PTT, rejointe au mois de novembre par d’autres mouvements dans la fonction publique, occupe une large place dans l’espace médiatique. Presse écrite et presse audiovisuelle multiplient les articles, les reportages, les interviews pour don­ner à leur public, usagers des Postes et Télécommunications, les dernières nouvelles, les dernières analyses d’un conflit qui ne peut laisser indifférent. Les médias procèdent alors à une reconstruction du conflit, obéissant aux contraintes du traitement journalistique, mais aussi aux choix des équipes rédactionnelles. Si les mots permettent de donner un sens à l’événement, les images fixes ou animées participent également de la représentation de la grève. L’une d’entre elles notamment en constitue un véritable symbole : celle des sacs postaux entassés. Alors que le nouveau Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing et son gouvernement, emmené par Jacques Chirac, sont jugés sur leur capacité de gestion des conflits sociaux et plus largement de leur aptitude à diriger le pays, les syndicats, CGT et CFDT en tête — apparaissant comme les leaders du mouvement — voient leurs légitimités de représentation et d’action faire l’objet d’un débat dans l’espace médiatique.

Miroirs déformants de la réalité, les médias ne laissent indifférents ni les organisations syndicales ni le gouvernement. La représentation médiatique est, en effet, pendant la grève, un terrain de lutte. Il s’agit pour chacune des parties d’attirer la bienveillance des usagers, et donc de l’ensemble de la population, pour faire infléchir le rapport de force. Alors que le gouvernement semble privilégier la tribune télévisuelle qu’elle contrôle, les syndicats, s’ils tentent de l’investir, ne se contentent pas de l’information médiatique pour expliquer aux usagers les raisons de la grève. Ils s’appuient sur une forte présence sur le terrain pour fournir à la population une information directe court-circuitant la presse. Au cœur du conflit, les médias le sont aussi directement soit en étant placés, dans le cadre de la presse audiovisuelle, sous l’autorité du gouvernement, soit en étant eux-mêmes des usagers des PTT. Organisateurs collectifs de la vie pendant la grève, ils sont considérés par les acteurs, comme des instances privilégiées pour toucher la population non seulement en tant qu’usager, mais aussi en tant qu’opinion publique, arbitre de la légitimité de leur action.

BOURDONCLE Laure, Les critiques de la politique culturelle de Jack Lang dans la presse de droite de 1981 à 1993 : l’exemple du Figaro Magazine, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 178 p.

Ce mémoire dégage les critiques du Figaro Magazine – hebdomadaire marqué à droite à l’encontre de la politique culturelle du ministre Jack Lang de 1981 à 1993. D’abord, il s’agit de dresser un tableau du contexte politique de l’époque et d’évo­quer un antagonisme profond entre la droite et la gauche et d’en expliquer les raisons. Cette étude précise dans un deuxième temps les fondements de la critique du Figaro Magazine en présentant les acteurs de cette critique — tels Pauwels et P. Plunkett —, en énonçant quelques pistes, notamment celle de l’anti-intellectualisme d’une partie de la droite. Ce travail suggère la suspicion de la droite sur une politique culturelle qu’elle soupçonne d’étatisme et d’entraves aux libertés. Ensuite, cette maîtrise précise la mise en œuvre de la critique en étudiant le vocabulaire ainsi que les images et les caricatures utilisées par le Figaro Magazine. Enfin, le mémoire s’interroge sur la vision de la culture à droite, en insistant sur les enjeux politiques. L’étude montre que dès le second septennat de François Mitterrand et lors du deuxième ministère Jack Lang, la critique s’amoindrit et devient moins virulente. Plusieurs hypothèses sont avancées dans le mémoire pour comprendre cette évolu­tion et notamment le consensus droite-gauche, le changement de la ligne éditoriale du Figaro Magazine et les problèmes financiers que rencontre l’hebdomadaire.

CAMINADE Émilie, Les écoles d’infirmières de l’Assistance publique de Paris dans l’après mai 1968, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 224 p.

À la fin des années 1960, dans un contexte de revendication au « mieux-être », de montée des aspirations individuelles ainsi que d’évolution rapide de la science et des techniques médicales, le rôle de l’infirmière que ce soit au sein du service, auprès des malades hospitalisés, ou plus généralement, au sein de la société, est alors en pleine mutation. Le corps est de plus en plus appréhendé en termes de « bien-être ». On s’attend désormais non seulement à être soigné et bien soigné lorsque l’on est malade, mais également à être aidé à promouvoir sa santé lorsque celle-ci est bonne.

Aussi les professionnels de santé dans leur ensemble doivent-ils faire face à ces nouvelles attentes sans pour autant toujours avoir les moyens d’y répondre. À l’hôpital, dans la mesure du temps passé auprès des malades, les infirmières sont en première ligne. Leur est-il possible, à partir de la formation reçue à l’école d’infirmière, de répondre effectivement aux nouvelles attentes des patients qui émergent alors ? Au moment où nous commençons notre étude, l’infirmière, formée à penser maladie et non santé, demeure enfermée dans le rôle de l’exécutante docile des soins prescrits par le médecin.

Partant de ce constat, nous nous sommes tout d’abord demandé pourquoi, après 1968, la formation des infirmières avait dû subir des transformations, avant d’essayer de définir de quelle manière et selon quelles modalités ces changements s’étaient effectués. Après une étude de la question de la genèse de la réforme des études d’infirmières, nous examinons comment celle-ci est repensée en fonction de la nouvelle conception du rôle de l’infirmière, avant de faire l’analyse, au travers de la presse syndicale, du mouvement revendicatif des élèves infirmières dans l’après-mai 1968.

CHARBIT Elsa, L’Écho de Paris et la mémoire du 6 février 1934 (1934-1938), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 117 p.

Ce mémoire de maîtrise se propose d’étudier la façon dont le journal L’Écho de Paris a véhiculé la mémoire du 6 février 1934 jusqu’à la fin de sa parution en 1938.

Il s’agit donc d’une mémoire en construction, encore fortement conditionnée par les enjeux politiques liés directement à l’événement qui la fonde. L’hypothèse d’un complot soulevée au lendemain de l’événement représente un enjeu politique fort pour les ligues ayant participé à la manifestation et pour ceux qui soutiennent plus généralement leur action, et devient immédiatement l’objet d’une violente polémique. Élément fondamental de la construction de cette mémoire, la légitimité politique de cette frange de la droite dépend effectivement de la reconnaissance positive du 6 février 1934 au sein de la société française.

Organe par excellence de la droite conservatrice patriote et catholique, ardent partisan du 6 février 1934 et démocrate convaincu, ce journal, plus que tout autre, révèle les paradoxes de la droite légaliste de 1934.

Le plan de ce mémoire s’articule autour des deux axes majeurs qui caractérisent la construction de la mémoire du 6 février 1934 dans L’Écho de Paris : la tentative d’intégration de cet événement à la mémoire collective et la réfutation de la thèse du complot. Ces deux thématiques se construisent en parallèle et sont interdépendantes. L’accusation de complot rend, en effet, d’autant plus nécessaire l’intégration positive de l’événement à la mémoire collective. Complot rime avec minorité, illégalité et désordre ; L’Écho de Paris revendique, pour cet événement, le collectif, la légitimité et l’affiliation aux épisodes les plus prestigieux de l’histoire nationale.

Mais avec l’avènement du Front populaire en 1936, qui scelle la victoire des « antifascistes » du 9 et du 12 février 1934, cette mémoire bascule dans l’illégitimité. L’histoire de la tentative de légitimation du 6 février 1934 et de sa mémoire est avant tout l’histoire d’un échec.

CHIRIO Maud, Une nouvelle écriture du destin national : la commémoration de l’Indépendance du Brésil sous la dictature militaire (1964-1985), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001

CHODORGE Julie, Les vacances dans le cinéma français de 1936 à 1969 : un aspect du processus historique d’individualisation, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 147 p.

Le phénomène des vacances est, ici, étudié à travers les représentations données par le cinéma français de fiction de 1936 à 1969. Durant cette période, le nombre de vacanciers a beaucoup augmenté et la société française a connu d’importants bouleversements, comme la mise en place d’un système de production basé sur la consommation de masse, l’augmentation de la population estudiantine, ou encore la diminution relative de la population rurale par rapport aux citadins.

L’étude des films abordant le thème des vacances durant cette période a donné deux types de renseignements : l’empreinte d’un système de valeurs plaçant l’individu et son épanouissement au centre des vacances, et le processus de familiarisation avec cette pratique. La familiarisation qui, dans les films, s’opère entre la majorité de la population et les vacances, montrerait l’intégration des valeurs véhiculées par ce type de vacances. On verra les formes données par l’importance accrue du dévelop­pement de l’individu, telle que l’attention donnée au corps, qui est perçue comme une fin en soi, ou bien l’émergence de la jeunesse. Celle-ci va chercher à définir sa vie privée individuelle qui passe par un conflit avec la famille, ou à prendre ses dis­tances par rapport à elle. Il peut aussi être fait mention de la distance prise par cer­taines femmes vis-à-vis de lem rôle social traditionnel d’épouses et de mères. Enfin, on a remarqué une recherche d’indépendance du vacancier qui se veut coupé du reste du monde et autosuffisant.

Cependant, les problèmes dans la diffusion de ce modèle témoignent de l’ampleur du changement. Le cinéma, qui véhicule des images avec leur propre force d’inertie, témoigne aussi de la difficulté à s’adapter aux changements. Ainsi, les films négligent la population vacancière la plus âgée dans certaines pratiques des vacances. De même, la représentation des femmes qui cherchent à redéfinir leur place au sein du couple est limitée à celles qui n’ont pas encore d’enfant. Par contre, l’émancipa­tion des femmes célibataires ou jeunes mariées se manifeste. On remarquera le contact difficile entre les communautés traditionnelles et les vacanciers qui s’établissent à proximité pour le temps des vacances.

Les représentations des vacances par les films français de 1936 à 1969 reflètent une même mentalité, qui est axée sur le développement personnel : le discours est unanime, il n’y a que les façons d’y parvenir qui diffèrent.

COULON Fanny, Une tentative de réforme des relations industrielles en Grande-Bretagne : le rapport Donovan, 1964-196B, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 163 p.

Ce mémoire de maîtrise étudie le rapport de la Commission royale présidée par Lord Donovan et instituée par le gouvernement Wilson dans le but d’examiner la situation des relations industrielles en Grande-Bretagne et de formuler des propositions de réformes.

Dans un premier temps le mémoire aborde les différents constituants du rapport, les transcriptions de la commission, les témoignages recueillis, les documents de recherche et la structure du rapport en les relativisant à l’abondante production sur la question des relations industrielles parue en Grande-Bretagne dans les années 1960-1970.

Le mémoire aborde ensuite ce que le rapport Donovan dit du système des relations industrielles britanniques, au niveau des organisations syndicales nationales, au niveau des rapports de force à la base en insistant sur le poids considérable des délégués d’atelier. L’analyse de ces situations renvoie à la théorie des deux systèmes (formels et informels) dite théorie d’Oxford.

Dans une troisième partie, le mémoire étudie les propositions ou recommanda­tions du rapport. Conclnant que le système des relations industrielles est un obstacle à l’avancée économique et sociale de la nation, le rapport recommande d’étendre la négociation collective, de créer des institutions de régulations sociales et que l’État intervienne davantage dans les politiques des prix et salaires.

Dans sa dernière partie le mémoire étudie les polémiques soulevées par le rap­ port et les désaccords au sein de la commission. Le rapport fut pris sous les feux croisés des Conservateurs et des syndicats. Finalement le projet de loi de Barbara Castle In place of strike, issu en partie du rapport, dut être abandonné.

Des annexes importantes présentent une riche documentation peu accessible en France.

CUKIER Déborah, La perception du recensement de la population française : reflet d’une société de 1968 à 2001, Maîtrise [Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 250 p.

L’idée générale de notre recherche est d’aborder le recensement de la population française d’une manière nouvelle, sous l’angle de la perception. Le principal objet de ce mémoire consiste à analyser la perception du recensement et son évolution pour toute une société de 1968 à 2001,

La perception du recensement est fort importante, car elle conditionne dans une large mesure l’adhésion ou non à l’opération. La participation de la population quant à elle est obligatoire, car sans elle, point de recensement. Il semble que le recensement ne soit pas bien perçu. Son image peut être définie comme empreinte de peurs multiples. Ces peurs se font surtout sur la finalité du recensement et sur la confidentialité que l’INSEE garantit en contrepartie de l’obligation de réponse. Cette vision de l’opération peut influencer négativement l’attitude de la population. Ce comportement, il est vrai, balance entre la méfiance et l’adhésion. Comme la perception, il n’est pas défini clairement, il est changeant. Il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas toujours allé de soi de dénombrer la population et de tenter de la cerner, du moins dans ses caractéristiques principales. Longtemps d’ailleurs, cette pratique n’a pas su profiter d’un accueil chaleureux de la part de la population. Pourquoi ? Ce sont, sans doute, les visées de ces dénombrements — à savoir la levée des troupes ou des impôts — qui expliquent en partie pourquoi les dénombrements et, à leur suite, les recensements se sont heurtés à tant de résistances au cours de leur histoire.

Ainsi, en ce qui concerne la période étudiée, des oppositions ponctuent souvent le recensement de façon sporadique. Ces résistances ne sont cependant pas la preu­ve que la population n’adhère plus à l’opération. L’adhésion de la population est l’œuvre de la majorité de la population alors que les oppositions sont minoritaires. Néanmoins, si elles sont trop nombreuses, ces oppositions peuvent être un obstacle au recensement et en particulier à l’encontre de la collecte. Elles sont également une entrave, avec d’autres facteurs, à l’exhaustivité de l’opération. Dans cette mesure, l’INSEE met en place des moyens afin de les éviter ou de les faire disparaître. Ces procédés sont multiples. Ils prouvent que l’adhésion de la population ne se fait pas à priori puisqu’elle a besoin d’être encouragée. Cette situation n’est pas le seul cas de la France. En effet, d’autres pays connaissent des oppositions beaucoup plus vio­lentes. En Allemagne ou aux Pays-Bas, elles ont mené à la suppression du recense­ ment et à son remplacement par des fichiers. En France, les oppositions n’ont ni la même ampleur ni la volonté de le supprimer.

DAGRY Raphaël, La Fédération socialiste de Seine-et-Marne : 1945-1975, Maîtrise [Gilles Morin], Univ. Paris 1 CHS, 2001

DAVID Aurélia, Le monde populaire de Marseille dans l’œuvre de Robert Guédiguian, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 157 p.

Robert Guédiguian est un cinéaste natif de Marseille, qui depuis 1980, a réalisé dix longs-métrages. L’intérêt historique d’étudier l’œuvre de Robert Guédiguian est qu’il a produit un témoignage du vécu des couches populaires de Marseille, et plus particulièrement du quartier de l’Estaque, de la fin du XXe siècle, alors que celles-ci sont — surtout depuis les mutations industrielles et la chute du communisme — oubliées des médias. Sa filmographie s’inscrit dans le courant du cinéma social : elle s’appuie sur un socle réaliste, auquel s’ajoute l’imaginaire de l’auteur. Il décrit le quotidien populaire local de Marseille, mais son discours a une teneur universelle : il parle de la condition du petit peuple en général, en en montrant les aspects professionnels, et les aspects sociaux.

La condition populaire est fatalement et étroitement liée au travail, tant financièrement que physiquement. Robert Guédiguian donne à voir le travail manuel, brièvement, mais efficacement, ce qui ajoute une dimension documentaire à son œuvre, et souligne particulièrement les aspects difficiles. Il insiste beaucoup sur la notion de précarité, sur le spectre du chômage.

Robert Guédiguian montre aussi la vie en dehors du travail. Sa vision est teintée du parti pris de lutter contre l’oubli et la dévalorisation. Il propose comme contre­poids à cette situation professionnelle pénible, la solidarité de la communauté intergénérationnelle. Si son propos se place principalement dans le présent, il fait néanmoins revivre le passé et la culture de la classe ouvrière. Robert Guédiguian tient également un discours actif sur l’avenir, dans lequel il voit une fuite de la condition ouvrière.

Tantôt optimiste, tantôt pessimiste, la filmographie de Robert Guédiguian contribue à la construction de la mémoire ouvrière.     .

DEBATTY Orianne, Les préfets en Seine-et-Marne pendant l’Occupation, Maîtrise [Claire Andrieu, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 158 p.

Les préfets ont été l’objet durant l’Occupation de la plus grande attention de la part du Gouvernement, pour qui ils étaient des relais précieux, mais aussi des Allemands, qui les utilisaient pour faire appliquer leurs ordonnances.

En Seine-et-Marne, trois hommes se sont succédé à la préfecture de Melun : Pierre Voizard, Jean Chaigneau et Paul Demange. Ils ont été confrontés à d’impor­tantes difficultés au niveau des services administratifs français, les plus traditionnels manquant de personnel, tandis que ceux créés par Vichy se montraient dans l’ensemble insoumis à son autorité et incompétents. L’administration allemande, qui quadrillait le département, a présenté des exigences correspondant généralement à ses droits, même si les préfets ont signalé quelques problèmes.

Chargés principalement de l’action en matière de politique et d’économie, les trois préfets ont eu dans les deux domaines la responsabilité de la surveillance et de la répression. Ils sont restés en relation avec les élites locales traditionnelles à l’ex­ception des communistes qu’ils ont exclus. Ils ont visiblement eu avec les mouvements autorisés par le Gouvernement le minimum de contacts imposés par leur fonction. Du point de vue économique, soumis, comme partout, à la pression de la population trouvant le ravitaillement insuffisant, ils ont dû particulièrement s’impliquer au niveau de l’agriculture. Celle-ci n’avait plus son niveau d’avant-guerre à cause de l’accumulation des difficultés matérielles et humaines.

Pierre Voizard est l’objet d’un débat dans l’opinion concernant son action tandis que les deux autres ont été appréciés, même si Jean Chaigneau n’a pas laissé un souvenir durable. Le préfet Voizard n’a pas été jugé à la Libération, et Paul Demange a été relativement épargné par rapport à d’autres préfets, comme Jean Chaigneau. Les deux premiers ont d’ailleurs pu poursuivre leur carrière après guerre.

D’HOOP Guillaume, La représentation sociale des Algériens en France pendant la guerre d’Algérie à travers l’étude des faits divers, Maîtrise [Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 205 p.

De 1954 à 1962, les « événements d’Algérie » obligent les « Européens » à redéfinir leurs rapports avec les « Nord-Africains » dont près de 300 000 vivent alors sur le sol métropolitain. Le conflit, ses débats et surtout son prolongement en France même, provoquent une évolution de la perception de ces immigrés particuliers. Cette étude cherche à mettre en avant les permanences et les changements des thèmes de leur représentation. Les étapes de cette évolution sont ici analysées par l’observation des récits de faits divers de cinq grands journaux nationaux, France­ Soir, Le Parisien Libéré, L’Aurore, Le Figaro et l’Humanité. La nature de cette rubrique en fait un terrain d’étude privilégié pour l’histoire des représentations collectives, essentiellement par cet aspect « secondaire » par rapport à l’actualité. Entre la source d’informations et les aspirations de leurs lectorats, les journaux donnent une vision particulière de la vie quotidienne des Algériens en métropole et de la difficile question de leur adaptation sociale. Par ailleurs, le développement de la criminalité « terroriste » conduit la presse à réévaluer sa représentation de la délinquance algérienne largement imputable à la misère matérielle des immigrés. L’explosion de la criminalité nationaliste déchaîne les passions, et le travail de la police reçoit, en conséquence, une plus forte caution populaire. Malgré cela, tous les journaux ne sont pas prêts à tolérer les abus de cette répression ni les élans populaires des réflexes dits de « légitime défense ». Néanmoins, devenu un Algérien à part entière, le Nord­-Africain n’est plus invité à vivre sous l’aile protectrice de la République française. Le paternalisme laisse finalement place à une méfiance renforcée envers cette présence « étrangère » et toujours potentiellement dangereuse.

DUPONT Crysoline, Serge Nigg : itinéraire d’un compositeur de l’après-guerre, Maitrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ, Paris 1, 2001, 161 p.

Le propos de ce mémoire est de retracer l’itinéraire tant musical que politique d’un compositeur de l’après Seconde Guerre mondiale, Serge Nigg. Compositeur français né en 1924, Serge Nigg est, au côté de Pierre Boulez, l’un des créateurs les plus emblématiques de sa génération. Son parcours qui le conduit à cheminer entre différentes esthétiques et différents idéaux politiques en fait un objet d’étude passionnant. Étudiant au Conservatoire de Paris pendant l’Occupation puis adepte parmi les tout premiers compositeurs français de sa génération du sérialisme, défendant ensuite les principes jdanoviens du « réalisme socialiste », pour enfin rompre avec tout dogmatisme esthétique et politique, Serge Nigg mena pendant un demi-siècle la quête passionnée de son propre langage. Retracer l’histoire de cet individu ne consiste pas uniquement à raconter l’histoire de sa vie et a faire de ce mémoire la simple monographie d’un artiste. À travers les tribulations politiques et esthétiques de Serge Nigg, parcours teinté à ses débuts de marxisme passionnel, puis de dégout politique et de repli total sur soi, transparait en effet une certaine image du second vingtième siècle. Le cadre historique dans lequel s’inscrit cette évolution est riche en événements marquants comme la Seconde Guerre mondiale, l’Occupation et la guerre froide qui ont influencé l’itinéraire et les choix du compositeur. La musique qu’il a composée pendant ce demi-siècle (de 1941 à nos jours) est, elle aussi, tributaire des principaux événements historiques. Ce mémoire se situe donc entre histoire individuelle et histoire collective entre politique et esthétique.

Dans le cadre d’un mémoire d’histoire culturelle, les compositions de Serge Nigg et plus précisément ses partis pris esthétiques font l’objet d’une étude sur les rapports entre musique et événements historiques. Au même titre que l’homme est marqué par les faits de l’histoire, les œuvres composées en portent le sceau. Aussi la musique de Serge Nigg est-elle étudiée à l’instar de n’importe quelle autre source et considérée comme le témoin de son époque, le reflet d’un imaginaire collectif.

Ce mémoire analyse chronologiquement les choix esthétiques et politiques de Serge Nigg sous l’éclairage des faits marquants du second XXe siècle. Dans un premier temps, c’est sa jeunesse et ses premières réalisations esthétiques dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale et de ses lendemains qui sont retracés. Sont ici analysées les perspectives de créations musicales propres non seulement à Serge Nigg, mais également à un ensemble des compositeurs français et européens nés dans les années vingt. Le choix du sérialisme que fit Nigg dès 1945 incarne le désir commun à toute une génération de compositeurs de renouveler un langage musical européen perdu dans les cercles du néo-classicisme d’un Stravinski ou d’un Poulenc. Aussi cette adhésion au système sériel se situe-t-elle dans l’aventure musicale d’une génération n’ayant que vingt ans en 1945. Le deuxième moment du mémoire retrace l’évolution historique et esthétique de Serge Nigg au temps de la guerre froide. Durant cette période, le compositeur se laisse entraîner dans les cercles du marxisme et du progressisme, là encore, à l’instar de nombreux intellectuels compagnons de route du Parti communiste, ses créations artistiques deviennent le reflet de ses engagements et sont de formidables témoins de cette époque. Enfin, la dernière partie du mémoire décrit le parcours du compositeur depuis les années soixante et montre comment celui-ci s’est peu à peu détaché des influences historiques pour trouver une voie qui lui soit propre. La révélation des crimes de Staline et la lente dislocation du communisme et de son idéal entraînèrent Nigg vers une évolution nettement plus singulière.

FOURNIER Yann, Dix ans au Front. Les défilés du Premier Mai et les fêtes Bleu Blanc Rouge à travers les sujets des journaux de TF1, France 2, France 3, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 154 p.

L’étude porte sur le travail effectué par les journalistes des chaînes de télévision de TF1, France 2 et France 3, de 1990 à 2000 sur le défilé en l’honneur de Jearme d’Arc, le 1er Mai et les Fêtes Bleu Blanc Rouge du Front National.

Une première partie de l’analyse s’arrête sur les sujets diffusés à l’antenne : la durée, l’heure de diffusion, le montage et le commentaire du journaliste. Le mémoire dans un second temps s’intéresse plus particulièrement aux journalistes, en étudiant leur motivation pour suivre le FN, leur parcours au sein du monde de la télévision française.

Il s’agit aussi de leur relation, tendue, avec le Front National. Cela permet de mettre en avant les pressions physiques et morales dont sont victimes parfois les journalistes. Il est aussi question de la présence à l’écran des militants, la manière dont ils apparaissent à l’écran, leur attitude vis-à-vis des journalistes.

Enfin une dernière partie examine les différents traitements des chaînes de télé­ vision pour évoquer des événements précis liés au Front national, comme la journée du Premier Mai 1995, le meurtre de Brahim Bouarram, le défilé du Premier Mai 1999, et la présence des skinheads à l’écran. Le travail des journalistes qui suivaient le Front National pendant ces années n’était pas simple. Ils se sont interrogés sur la manière de traiter le FN, et ses éventuelles conséquences, comme celles d’assurer la promotion du parti de Jean-Marie Le Pen. Dans le même temps, sur le terrain, ils devaient faire face à l’hostilité des militants et du DPS. Aujourd’hui le Front national n’est plus au cœur des débats comme il a pu l’être durant la période des années quatre-vingt-dix. La couverture du parti de Jean-Marie Le Pen est réduite au minimum, en conformité avec les règles du CSA.

FOURREY Cécile, La représentation du criminel et de ses crimes dans Détective de 1967 à 1978, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 229 p.

Entre 1967 et 1978, l’hebdomadaire Détective apparu en 1928 et spécialisé dans les faits divers criminels évolue rapidement dans un contexte particulier de liberté, de crise et de retour aux valeurs, celui de l’après Mai 68 en France. Le cadre de la représentation du crime et du criminel est toujours le même sur la période : une littérature faite d’images de convention marquantes et de références à une mémoire du crime, une écriture qui sélectionne certaines images de la criminalité, faisant que celle-ci n’est pas représentative de la réalité. Les agressions dont le journal rend compte ont un impact sur les consciences ; l’hebdomadaire verse dans le sensationnalisme et choisit l’enquête accompagnée de témoignages et illustrée de photographies pour raconter le crime. Il véhicule quelques stéréotypes qui sont ceux de l’imaginaire social dans ses récits d’homicides passionnels, et familiaux, crimes de sadiques et énigmes, ses thèmes de base, pour répondre aux attentes du public, mais choisit de plus en plus de surprendre avec des sujets qui mêlent la violence, le sang, le sexe et la famille.

En effet, le crime a toujours été utilisé pour vendre l’hebdomadaire et faire passer quelques idées. Dans notre période, le thème omniprésent apparaissant derrière le crime est le sexe et toutes les déviances dont la presse en général aime parler, qui répondent aux fantasmes du lecteur. Dans Détective, le sexe et le crime renvoient à l’homme et à ce qu’il est fondamentalement : un être soumis à des passions, un être qui peut se révéler dangereux ou cruel, et qui renferme des instincts pouvant faire de lui un monstre. Tout concourt en fait à susciter des peurs et en premier lieu la peur du crime. Celui-ci fascine et répugne, c’est cette ambivalence qui fait qu’il se vend si bien. Les peurs s’accompagnent d’un discours sécuritaire et alarmiste, l’ordre est jugé nécessaire pour protéger la société et les citoyens. Détective vend du crime, mais ce dernier est constamment sanctionné de façon à rester moral dans la conclusion des articles. L’objectif du journal est de satisfaire le lecteur, de répondre à ses attentes quelque peu ambigües, constituées d’un attrait pour la violence, le sexe et le sang, mais aussi d’un désir de justice et d’ordre. Détective est un phénomène exemplaire — il permet peut-être au lecteur de défouler ses instincts et ses passions — mais on ne peut s’empêcher de critiquer ses options sociales ou morales.

GAUTIER David, Jean Borotra (1898-1994) : au service de ses engagements, Maîtrise [Michel Dreyfus, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 227 p.

Jean Borotra présente un cas complexe de parcours dans le siècle, que ses engagements, ses prises de positions et son statut particulier rendent encore plus difficile à cerner.

Le nom de Jean Borotra évoque à beaucoup la figure d’une gloire sportive exceptionnelle. Il est en effet, avant toutes choses, un champion renommé, membre de la fameuse équipe des mousquetaires, qui dominèrent le tennis entre 1926 et 1933, et dont le palmarès, inégalé, a forgé une légende inaltérable.

Mais la vie du Basque bondissant ne s’arrête pas au simple aspect sportif. Issu de Polytechniques, il profite de ses voyages aux USA pour introduire les pompes à essence en France, et devient pour 50 ans un personnage de premier plan du monde de l’hydrocarbure français. Il mêle alors son activité professionnelle et sa passion sportive dans un rythme de vie effréné et étourdissant, qui ne l’empêche pas de s’inscrire dans d’autres domaines de la vie sociale.

Car Borotra s’engage politiquement dans son époque, fréquentant les grands de son monde grâce au tennis et profitant opportunément de sa renommée et de cette promiscuité pour s’affirmer dans l’action politique. Volontaire National et sympathisant Croix de feu, sa vie opère un brutal tournant en juillet 1940, lorsqu’il rejoint Vichy et devient selon le souhait de Pétain, Commissaire général à l’éducation générale et aux sports. Il adhère sans retenue à la philosophie de la Révolution Nationale à laquelle sa politique se réfère totalement. Toutefois, son farouche patriotisme lui commande d’observer la plus stricte orthodoxie vis-à-vis de la nation : il refuse obstinément toute idée de collaboration avec l’Allemagne nazie, et conçoit bientôt son rôle comme celui d’une préparation du pays à la revanche.

Cette position particulière lui vaut d’être évincé en avril 1942, puis rapidement arrêté et déporté en Allemagne en compagnie de Daladier, Reynaud, La Rocque, Jouhaux, après qu’une intervention personnelle du Roi de Suède auprès d’Hitler l’eut peut-être sauvé d’un sort tragique.

La République reconnaît les mérites de cet héroïque prisonnier et l’honore en conséquence, malgré les polémiques. Cela ne suffit pas à le distraire de ses idéaux originels. Fidèle à ses convictions, il rejoint l’Association pour défendre la mémoire du Maréchal Pétain. En outre, il parvient à consacrer sa politique sportive de 1940 au sein des comités de réflexions sur la question, en pleine France gaullienne. Refusant de comprendre que l’on puisse l’honorer tout en désapprouvant Vichy, Jean Borotra s’aveugle dans une conviction inaltérable, qui le mène à se maintenir au service de ses engagements, en dépit du bon sens.

GOUZON Clément, La représentation de la vieillesse dans le journal de l’Union des vieux de France (1946-1995), Maîtrise [Michel Pigenet, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 157 p.

À travers cette étude, nous avons tenté de mettre en valeur les caractères originaux du processus de formation d’une association de vieux militants communistes, l’Union des Vieux de France, au cours de la deuxième moitié du XXe siècle et souligné combien ce groupe, dont l’activité est centrée sur la défense d’intérêts communs et la revendication catégorielle, doit son existence collective à la législation sociale. Né après la deuxième guerre mondiale, au moment de la mise en place de la Sécurité sociale, le groupe se donne, dans l’espace publie, des représentations de lui-même qui sont intimement liées aux étapes de formation de la politique de la vieillesse en France.

L’aspiration à la retraite dans le mouvement associatif a représenté une demande sociale primordiale. Elle était perçue comme la revendication d’un droit à l’existence dans les vieux jours, fondée sur le droit à une créance sur la société qu’ouvre une vie de labeur. Cette demande sociale a été formulée dans le cadre de la création des institutions de retraite. Après la mise en place de la Sécurité sociale, l’association polarise sa lutte sur l’amélioration des critères sur lesquels repose le droit à la retraite. L’enjeu fondamental du débat sur la vieillesse, au cours des années 1946-1977, est celui du développement d’un droit social à la retraite. Les problèmes de la vieillesse ont tendance à être subsumés au débat sur le montant du revenu de substitution. De là découle la représentation militante et protestataire de la vieillesse donnée par les hommes de l’association.

Le rôle joué par la Commission d’Étude des problèmes de la vieillesse, instituée par les pouvoirs publics en février 1962, est déterminant. Cette vaste consultation, la première de ce genre, a donné aux différents agents agissant dans le champ de la vieillesse le moyen de s’unifier autour d’une problématique commune, l’insertion sociale de la vieillesse. En même temps qu’ils y puisent des langages et des concepts communs, ils y trouvent une légitimation publique de leurs interventions.

Pour l’association, le second enjeu du débat sur la vieillesse, au cours des années 1978-1995, devient celui de la définition d’un mode de vie spécifique de la vieillesse. Les mesures de participation sociale, de maintien à domicile, et plus largement de loisirs et de défense du pouvoir d’achat ont pour fondement les débats autour de cet enjeu. L’action sur le mode de vie devient, à partir du Congrès de Grenoble en octobre 1978, un véritable projet d’insertion sociale de la vieillesse. Il importe d’agir désormais sur le mode de vie, en vue d’aider celle-ci à prolonger le plus longtemps possible une vie normale, autonome et insérée.

Ce retournement de perspective va de pair avec l’élaboration d’une nouvelle définition de la vieillesse. Cette dernière n’est plus simplement perçue en tant que retraite comme droit à l’inactivité pensionnée, mais aussi en tant que position sur l’échelle des âges ouvrant de nouvelles possibilités d’insertion sociale. La vieillesse, faite d’images multiformes, revêt désormais deux significations : l’âge de la retraite (« le troisième âge ») et la grande vieillesse (l’âge de la dépendance). La formule habile du troisième âge doit être comprise comme l’introduction d’une seconde jeunesse, intercalée entre l’âge adulte, dans les limites de la vie active, et une authentique vieillesse. La première vieillesse est résolument active et autonome.

La dernière étape de la vie est désormais écartelée, non seulement par des réalités plus diversifiées que jamais, mais aussi par des images collectives de plus en plus fragmentées.

GRENIER Clément, Les rappelés de 1955, un contingent réfractaire : « La quille ! » et « le Maroc aux Marocains », Étude d’une révolte sous les drapeaux (24 août 1955-décembre 1955), Maîtrise [Michel Pigenet, Jean-Louis Robert], Univ, Paris 1, 2001, 213 p.

Le 24 août 1955, le gouvernement d’Edgar Faure décide, dans le cadre de l’augmentation des effectifs militaires destinés au « maintien de l’ordre » au Maroc et en Algérie, le rappel de 70 000 disponibles du contingent 1953/2. Le terme de disponible désigne les hommes qui, ayant déjà effectué leur service militaire, se trouvent placés dans la disponibilité, une période de trois ans durant laquelle ils peuvent être rappelés sous les drapeaux. Ces jeunes gens, revenus à la vie civile depuis quatre mois se voient ainsi arrachés à leur activité professionnelle et à leur environnement familial et affectif pour être envoyés en Afrique du Nord. Le gouvernement prend une série de mesures visant à atténuer le sacrifice demandé à ces hommes et l’armée met en œuvre dans la précipitation cette mobilisation soudaine et massive.

Ces rappelés vont alors manifester leur mécontentement : aux mois de septembre et octobre 1955, plusieurs milliers d’entre eux se livrent à des actes de protestation dans les casernes et les gares, notamment à l’occasion de leur départ pour l’Afrique du Nord. Cri de slogans, déclenchement du signal d’alarme des trains qu’ils empruntent, refus d’obéir aux ordres, affrontement avec les forces de l’ordre les encadrant : les rappelés s’expriment et agissent sous diverses formes. Notre travail a consisté à dater et analyser ces événements afin de comprendre le mécontentement et les oppositions qu’ils traduisent. Les rappelés se sont opposés à leur départ en Afrique du Nord sans que cette protestation n’exprime ouvertement un refus de la guerre coloniale, cependant, son existence même constitue une fissure dans la cohésion nationale et représente un point d’appui pour les remises en cause politique de la présence française en Algérie. Ce mouvement spontané, relayé jusqu’à un certain point par le Parti communiste, qui entend se faire l’écho de la colère des rappelés et de leurs familles, inquiètent les autorités, qui répriment les « meneurs » et constatent qu’une partie de ces rappelés n’est pas convaincue de l’utilité, voire de la légitimité de la mission qu’ils sont amenés à accomplir.

GUÉDON Timothée, X-men, un comic-book en France (1970-2000). Reflet de l’hégémonie des États-Unis d’Amérique, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 177 p.

Ce mémoire a pour objet d’analyser une bande dessinée de super héros importée en France. Un comic-book, c’est le nom américain donné à cette forme de bande dessinée, n’a rien en commun avec la bande dessinée franco-belge. Ce petit format avec une couverture souple nous raconte sous forme d’épisodes les aventures d’une équipe de super héros : les X-Men.

Avant d’aborder les problèmes d’importation et d’adaptation de cette série en France, nous nous sommes d’abord penchés sur le processus d’élaboration de cette forme de bande dessinée au travers d’une maison d’édition omniprésente, Marvel, ainsi que des différents acteurs participant à sa production. Production et non création, car cette forme de bande dessinée s’apparente plus à un produit de consommation de masse fruit de l’industrialisation, qu’à une œuvre d’artiste. Face à cet emblème du libéralisme américain, la France — grâce à la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à l’enfance et à l’adolescence — s’est d’abord opposée farouchement à l’arrivée des comic-books sur son territoire. Mais malgré la censure, des éditeurs français se sont lancés dans l’aventure, n’hésitant pas à recourir à l’autocensure, pour faire découvrir au jeune public français ces récits d’outre-Atlantique. En même temps qu’ils importaient ces comic-books, les éditeurs ont introduit une nouvelle façon de consommer de la bande dessinée, au travers de périodiques, rapprochant de plus en plus leurs parutions du modèle américain.

Au-delà de la forme, c’est un véritable discours américain qui transparait dans ces récits. Les aventures des X-Men sont truffées de références à notre univers quotidien, à notre histoire contemporaine et à l’actualité. Ce monde familier dans lequel évoluent ces héros nous offre une représentation du monde et de notre société contemporaine tels qu’ils sont perçus par les auteurs. Un monde fait de violence, d’injustice et de haine. Face à cette vision du monde, les auteurs proposent une solution incarnée par les X-Men. Ces mutants, rejetés de la société à cause de leur particularité génétique, se battent pour un rêve de coexistence pacifique. Ces héros aux physiques idéalisés deviennent alors des modèles à suivre. Des héros d’une nouvelle mytholo­gie auxquels s’identifient des lecteurs, tandis que des artistes contemporains y voient, au moyen de détournement des images, une façon de dénoncer une société industrielle de consommation de masse.

Ce support devient pour l’historien le reflet d’une mémoire contemporaine qui lui permet de participer à l’élaboration d’une histoire culturelle du vingtième siècle.

HENRY Juliette, Genèse et évolution d’un musée du XIXe siècle : le Musée Condé du Château de Chantilly. La pensée muséographique du duc d’Aumale, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 177 p.

Le musée Condé du château de Chantilly est resté un musée typique du XIXe siècle, au décor intérieur surabondant, avec un éclairage zénithal et un accrochage des tableaux sur plusieurs niveaux, cadre à cadre et qu’aucune logique ne semble coordonner. En effet, en constituant, le 25 octobre 1886, la donation de son château, et de tout ce qu’il contient, à l’Institut de France, son concepteur Henri d’Orléans (1822-1897), duc d’Aumale, fils du roi Louis-Philippe, impose des clauses très strictes : que le musée soit ouvert au public, que l’accrochage reste inchangé et qu’aucun tableau ne sorte du musée. De par la volonté du Prince, le musée présente donc encore aujourd’hui une muséographie gelée, figée en 1897, à sa mort.

Historien, bibliophile, collectionneur amateur, ayant consacré ses vingt années d’exil à essayer de rassembler les collections familiales dispersées (Bourbon, Condé, Orléans), à acheter dans des ventes ou à des particuliers manuscrits, estampes, gravures, peintures, meubles, objets d’art et antiquités, le duc d’Aumale décida à son retour en France de relever les murs du Grand château de Chantilly hérité, avec sa fortune, de son grand-oncle Louis Henri Joseph, duc de Bourbon. Son ambition est de construire un musée, écrin pour sa fabuleuse collection, la deuxième collection de peinture après celle du Louvre, qu’il a constituée, et qu’il ne va pas cesser d’enrichir par de nouvelles acquisitions jusqu’à sa mort. Mais c’est aussi un musée d’histoire, inspiré du Musée historique de Versailles, créé par son père, où il rend hommage aux familles qui l’ont précédé. Modifié et étendu au cours de son élaboration, le Musée Condé témoigne de la pensée muséographique d’une figure du XIXe. Exigeant et animé d’un souci constant, contrôlant pas à pas les projets et les travaux, le duc d’Aumale imprime au lieu son esprit et une certaine idée qu’il se fait du musée.

Cette recherche propose d’étudier tout d’abord les paramètres qui font du duc d’Aumale un grand collectionneur ancré dans le XIX’ siècle, en soulignant son attachement pour l’héritage historique, remontant aux familles des Montmorency et des Condés, qu’il a reçu en même temps que la demeure princière qu’est Chantilly, en présentant les influences qui ont modelé cet exilé, arraché à sa patrie, fils du roi des Français, son goût pour l’armée, la chasse, l’Orient et l’Italie qui marquent sa politique d’acquisition tournée vers la reconstruction d’un patrimoine et le choix d’une peinture « intellectuelle », chargée de symboles et de souvenirs. Le propos s’attache ensuite à montrer quelles ont été l’action et la volonté du Prince mécène lors de la reconstruction, du remembrement du Grand château, de la conception de l’espace muséal et de l’aménagement du musée Condé jusque dans le choix des décors et du mobilier muséographique, et quelles sont les lignes directrices de l’accrochage, réalisé en plusieurs étapes, et qui demeure un exemple de la muséographie du XIXe siècle. Sont enfin analysés le processus de la donation, qui s’inscrit dans le projet de création du musée, et les conséquences du passage de témoin de la gestion du Musée Condé à l’Institut de France qui eut pour mission d’ouvrir le musée au public en 1898 et de conserver l’esprit insufflé par le duc d’Aumale en appliquant les clauses de la donation, et les limites du développement de la gestion de ce musée figé dans le passé au cours du XXe siècle.

HUBERT Magali, La mode du bronzage : de ses balbutiements à sa maturité, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 165 p.

À la lumière des documents trouvés dans Vogue, Le Petit Écho de Ia mode, Marie Claire et Elle, il est possible, dans la mesure où ces magazines féminins reflètent la société d’une époque, de considérer l’évolution de la mode du bronzage de 1920 à 1949, c’est-à-dire de ses balbutiements à sa maturité. On constate ainsi que le hâle, autrefois redouté, est de plus en plus recherché. On ne l’obtient plus par accident, mais volontairement. En vue des séances de bronzage à venir, on prend l’habitude de faire un régime et de l’exercice physique pour remodeler sa silhouette. On fait également attention à l’état de son épiderme, on lui administre des soins particuliers et on l’accoutume à la chaleur du soleil. À la fonction protectrice des produits que l’on s’applique sur la peau, s’ajoute une fonction bronzante. Sur la plage, les maillots de bain sont de plus en plus échancrés et les peignoirs délaissés, au même titre que les différents ustensiles susceptibles de gêner l’action du soleil, tels que les gants, la voilette et l’ombrelle. Les techniques de bronzage, calquées sur le modèle médical de l’héliothérapie, sont complétées par des méthodes nouvelles, grâce auxquelles le bain de soleil est rendu plus efficace et plus supportable. La raison première pour laquelle on s’expose au soleil n’est plus la volonté de guérir, mais le désir de brunir. La plage, lieu de prédilection par excellence des adeptes du bronzage est alors concurrencée par la montagne et la campagne. On prend également l’habitude de se laisser dorer au soleil chez soi, dans son jardin ou encore, sur son balcon : à l’abri des regards, on peut ainsi se dévoiler plus librement. La mode du bronzage se développe donc géographiquement, mais pas seulement ! Ne touchant au départ que les catégories sociales les plus aisées, c’est-à-dire celles qui ont les moyens de quitter la ville pour partir en vacances dans un endroit ensoleillé, la vogue du brun s’adresse également, par la suite, aux personnes dont les revenus sont plus modestes, grâce à l’influence des congés payés de 1936. Toutefois, même si la mode du bronzage tend à se généraliser, on prend conscience qu’il n’y a pas, pour autant, face au soleil, une égalité parfaite, en raison de l’état de santé des uns et de la fragilité de peau des autres. Peu à peu, on perd l’habitude de se débarrasser du hâle dès qu’il apparaît, et on prend celle de ne le chasser qu’une fois les vacances terminées. Certaines femmes cherchent même à le prolonger au-delà de la période d’ensoleillement. Par ailleurs, différentes marques de cosmétiques présentent de nouveaux produits de maquillage permettant de mettre en valeur les teints hâlés. Quant aux bienfaits et aux méfaits du soleil sur la santé et sur la beauté, ils sont de plus en plus mentionnés et leur évocation dans les magazines féminins consultés représente un indicateur supplémentaire de l’évolution de la mode du bronzage.

KABACALMAN Rukan, La représentation iconographique de la jeunesse à travers les affiches et les photographies de propagande sous le gouvernement de Vichy (1940-1944), Maîtrise [Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 3 vol. : 111 p, + 2 vol. d’annexes.

Notre étude a pour objet de mettre en évidence les rapports entre les images de propagande et la représentation de la jeunesse sous le gouvernement de Vichy. À partir de l’observation de l’image, nous essaierons d’en comprendre les significations et les spécificités. L’originalité de l’étude se traduit dans la volonté de proposer un « renouvellement » de la représentation de la jeunesse sous Vichy, non à partir du discours idéologique, mais à travers l’iconographie de propagande. Il s’agit aussi de comprendre dans quelle mesure l’image de la jeunesse peut servir la propagande de l’État. L’intérêt pour la jeunesse peut s’expliquer par le fait qu’elle constitue la catégorie la plus malléable et la plus réceptive à cette propagande. La place particulière accordée par le régime à la jeunesse, espoir du renouveau de la France ne pouvait qu’entraîner son utilisation par la propagande.

KRAUS François, Les assises du socialisme ou l’échec d’une tentative de rénovation d’un parti, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ+. Paris 1, 2001, 2 vol. 276 p.

Réunissant dans l’élan de la campagne présidentielle de mai 1974 des représentants du PS, du PSU et de la mouvance cédétiste autour d’un leader (F. Mitterrand), d’une idéologie (le socialisme autogestionnaire) et d’une stratégie (l’union de la gauche), les Assises du socialisme se présentent comme la dernière étape d’un long processus de déconstruction et de reconstruction de la gauche socialiste, engagé depuis une quinzaine d’années. L’ouverture de fonds d’archives riches et divers, complétés par des entretiens inédits, permet de jeter un regard neuf sur ce moment important de l’histoire du socialisme français contemporain.

Nées de la prise de conscience de la restriction du champ politique du PSU dans les réseaux associatifs et syndicaux se réclamant de l’autogestion, les Assises traduisent la volonté d’un changement d’outil de « médiation politique » de la part de ces milieux et une tentative de rénovation interne des idées, des pratiques et du personnel politique du PS. Ayant pour fonction d’atténuer les clivages culturels en mettant en lumière un substrat idéologique commun et la prise en compte par le PS d’un militantisme nouveau, elles apparaissent comme une grand-messe devant conférer à l’arrivée des forces et des idées nouvelles une dimension cérémonielle et solennelle.

Malgré ces efforts, les oppositions et réticences que soulève le processus au sein de chacune des forces impliquées indirectement (CFDT, GAM) ou directement (PS, PSU, Objectif socialiste) cassent la dynamique de regroupement organisationnel, ce qui se traduit par une nette démobilisation des militants susceptibles de participer à l’entreprise. Divisés et peu nombreux à adhérer au PS, ces derniers, confrontés à un choc des cultures politiques et à un certain ostracisme interne, constatent rapidement l’échec de l’opération. Leurs aspirations initiales supposaient en effet une mutation profonde du Parti socialiste et de ses pratiques militantes et non une simple couche de peinture idéologique aux couleurs de l’autogestion.

LE STUNFF Nathalie, Les compagnons charpentiers à Paris entre 1880 et 1914, Maîtrise [Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 166 p.

Les compagnons charpentiers constituent une entité originale au sein du monde compagnonnique. À la fin du XIXème siècle, alors qu’un grand nombre de corporations organisées en compagnonnage voient leurs effectifs péricliter, les compagnons charpentiers maintiennent leur influence sur la scène de la représentation ouvrière. Ils se sont attachés à demeurer une société de secours mutuels performante et à garder leur mainmise sur le marché de l’embauche par l’intermédiaire du Rouleur. Tout en préservant leurs structures d’encadrement originelles et leurs traditions ancestrales, les compagnons ont su prendre le chemin de la modernité. Cet alliage fait leur originalité. Depuis le début du XIXème siècle, les charpentiers sont organisés en deux sociétés, celle des compagnons passants charpentiers du Devoir, communément appelés Loups et celle du Devoir de Liberté dont les membres sont appelés Indiens. Elles demeurent longtemps rivales, mais parviennent au cours de ce siècle à vivre en bonne entente et à oublier leurs divergences quant aux origines du compagnonnage et à la signification des rites. Durant la période étudiée, les effectifs de ces deux sociétés figurent parmi les plus forts du monde compagnonnique.

Si le compagnonnage s’est conservé aussi fort chez les charpentiers, il le doit au fait que les travaux de charpente exigent encore une haute connaissance du métier et un important savoir-faire. L’ouvrier charpentier, à l’heure de l’industrialisation et du bouleversement des méthodes de travail reste un ouvrier qualifié, presque un ouvrier d’art. Entre 1880 et 1914, les compagnons charpentiers renoncent à ce qui avait fait leur réputation, c’est-à-dire à la défense des intérêts de la corporation et des droits du travailleur. La survie de leurs sociétés semble désormais résider dans l’amélioration des techniques professionnelles et dans la participation aux grandes entreprises architecturales de l’époque.

Je me suis intéressée à comprendre par quels moyens les charpentiers sont parvenus à maintenir leur influence face à la présence de plus en plus importante de syndicats sur la scène de la représentation ouvrière.

Travailler sur le compagnonnage implique de se heurter à des problèmes de source. Les sociétés de compagnonnage n’ont jamais renoncé à leur caractère secret. Les archives compagnonniques sont difficilement compagnonniques, dès lors ma recherche s’est effectuée par des moyens détournés. Les rapports de police de la Préfecture de Police de Paris représentent le corpus de documents le plus important de ma recherche. Société secrète, le compagnonnage laisse néanmoins des traces dans le paysage urbain. Les compagnons associent en effet la construction de la Tour Eiffel au compagnon charpentier du Devoir de Liberté, l’indien Eugène Million.

LOCHARD Marion, Analyse démographique de la population d’un ilot du XXe arrondissement de Paris, à partir des listes nominatives de recensement de 1926, 1931, 1936 et 1946. L’îlot Planchat-Terre-Neuve-Buzenval-Haies, Maîtrise [Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 163 p, + annexes

Ce mémoire d’histoire quantitative urbaine a pour terrain d’étude un îlot situé au nord de la Place de la Nation et plus spécialement au cœur du quartier de la Réunion. Il s’agit d’un espace à l’échelle très réduite. Les quatre rues, Planchat, Terre­ Neuve, Buzenval et des Haies, forment un quadrilatère partagé par la rue des Vignoles. Huit impasses parallèles entre elles coupent perpendiculairement celle-ci de part et d’autre. Cette organisation singulière de notre espace résulte du passé agricole de ce quartier, attaché à Paris seulement en 1860.

Situé aux marges de la capitale, cet îlot a toujours accueilli des populations immigrées, françaises et étrangères. La population italienne domine parmi la très grande variété de nationalités représentées au sein de la population étrangère. La population française demeure toutefois majoritaire.

Les quatre recensements, qui constituent notre source principale, de 1926, 1931, 1936 et 1946 ont été dépouillés. Cette source est largement critiquée tout comme la méthode employée est présentée. En effet, l’ensemble des données démographiques (le sexe, la date et le lieu de naissance, la profession…) contenues dans les listes nominatives de recensement ont pu être traitées grâce à l’outil informatique. Nous avons dégagé nos résultats de la base de données que nous avons créée. Au total, 3001 individus ont été répertoriés par ces quatre recensements successifs. Des sources complémentaires ont aussi été consultées, pour pallier aux lacunes de la principale d’une part, et pour réunir des informations de nature différente, d’autre part. Parmi ces sources complémentaires, nous pouvons citer les listes électorales et la « main courante », mais aussi un entretien mené avec une habitante de l’îlot. Parmi les caractéristiques dégagées, nous pouvons ici en signaler quelques-unes : il s’agit d’une population vieillissante où le célibat demeure majoritaire et à très forte proportion ouvrière. L’îlot est très largement commerçant et se caractérise, à cet égard, par le nombre important d’ébénisteries installées dans les impasses.

Puis, l’origine géographique des individus largement détaillée, nous nous sommes attachés à comparer d’un côté, l’ensemble de la population française et de l’autre, l’ensemble de la population de migrants étrangers, en mettant en avant les particularités les plus significatives. Parmi les différences observées, la population française est moins active et dégage un profil professionnel plus varié tandis que la population étrangère est plus masculine et plus jeune. Au sein de cette dernière, les populations italiennes, polonaises et algériennes ont été, pour finir, plus spécifiquement étudiées. Là encore, des particularités nationales existent. Par exemple, les comportements démographiques des Italiens tendent à se rapprocher de ceux de la population française. La population polonaise, quant à elle, et contrairement à l’ensemble des populations immigrées étrangères, est majoritairement féminine. Enfin, les Algériens sont presque tous célibataires et ouvriers.

L’origine géographique influe donc largement sur les comportements démographiques de chacun. Certaines populations immigrées se sont intégrées plus vite que d’autres et surtout, de façon différente. Mais, d’une manière générale, si chaque population présente des caractéristiques propres, une règle commune se dégage : plus un individu est installé depuis longtemps dans sa terre d’accueil, plus son comportement se détache des spécificités initiales de son groupe d’origine.

MARTINEZ Céline, Éléments pour une histoire de la Fédération nationale des mutuelles de travailleurs, 1968-1986, Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ, Paris 1, 2001, 103 p.

L’instauration du régime de Sécurité sociale qui identifie le bénéficiaire par rapport à son emploi, amène le mouvement mutualiste à modifier son mode d’intervention. Les comités d’entreprise, instaurés en 1946, ont vocation à intervenir dans la gestion de la société mutualiste d’entreprise. La rupture, qui s’était produite auparavant entre mutualisme et syndicalisme, est amenée à disparaître.

Des mutuelles d’entreprise naissent grâce à ce nouveau dispositif ; beaucoup émanent de militants de la CGT, ce qui leur interdit l’entrée dans la Fédération nationale de la mutualité française. En 1960, ces mutuelles créent, avec le soutien de la CGT, la Fédération nationale des mutuelles ouvrières devenue en 1968 Fédération nationale des mutuelles de travailleurs, puis Fédération des mutuelles de France à partir de 1986.

La filiation syndicale de cette organisation qui revendique 800 000 adhérents en 1968 et plus de 3 millions en 1986 apporte une identité particulière à son histoire. Ses méthodes d’action — manifestation, pétitions, réunions dans les entreprises — sont proches de celles d’une organisation syndicale. Ses dirigeants, anciens responsables de la CGT et du Parti communiste, développent une conception nouvelle de la mutualité. Leur organisation offre aux mutualistes une réflexion sur leur mouvement et des services nouveaux, notamment dans le domaine des vacances et du logement. Enfin, la volonté d’unification du mouvement mutualiste, présente dans les premières années de la FNMF, échoue ; dès lors, on assiste à une structuration de plus en plus importante de la FNMF qui tend à se poser en organisation alternative. Cette concurrence est accrue par des oppositions de fond sur la place du secteur lucratif dans la protection sociale.

MATHIAS Annabelle, Verdun et Oradour-sur-Glane : la réconciliation franco-allemande à travers les lieux de mémoire depuis 1945, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 2 vol. : 152 p. et 54 p.

Les peuples de France et d’Allemagne se sont affrontés à de nombreuses reprises et avant même que leurs États soient constitués en tant que tels. Si depuis 1945 ces deux pays ne se sont plus opposés militairement, des crises diplomatiques ont encore émaillé leur histoire. Après des siècles d’affrontement et l’horreur de la Seconde Guerre mondiale, les pays européens au premier rang desquels la France et l’Allemagne ont décidé de s’unir plutôt que de se déchirer.

Si la volonté politique s’oriente en faveur du rapprochement et de la réconciliation franco-allemande, l’opinion et les mentalités n’évoluent pas nécessairement avec la même rapidité. Le traité de Francfort avait créé un état d’hostilité permanente entre les deux nations, chacun considérant l’autre comme l’ennemi héréditaire (Erbfeind), l’adversaire irréconciliable. Les ennemis d’hier que l’on combattait selon les ordres du pouvoir politique pour défendre la patrie peuvent-ils changer de statut dans les consciences populaires et selon quels processus ?

Cette haine de l’adversaire se cristallise dans des lieux devenus symboles de leur affrontement. Cette étude porte sur deux de ces lieux de mémoire : Verdun et Oradour-sur-Glane. Dans ces lieux, la volonté du souvenir a été présente très tôt, des lieux de recueillement sont organisés et la volonté de préserver ces sites pour empêcher l’oubli par les générations à venir est effective. Ils fournissaient le cadre d’un récit qui était encore à faire et d’une mémoire à construire. L’organisation de ces lieux n’a pas cessé d’évoluer depuis, ni les sites d’être mis en valeur. Ainsi une mémoire nationale s’est constituée en ces lieux.

Lorsqu’on évoque alors la réconciliation franco-allemande au plan politique et la construction européenne, il s’agit de voir comment ces concepts sont représentés en ces lieux qui symbolisent au départ le contraire pour les communautés. La notion d’Eutope ne peut être effective que si sa population considère qu’elle existe et qu’elle-même en fait partie intégrante. Quels sont donc la place et le rôle de ces lieux dans la construction d’une conscience européenne commune aux Français et aux Allemands ? Comment en ces lieux, la mémoire nationale est-elle retravaillée pour constituer une mémoire européenne ?

Pour répondre à ces questions, l’évolution de la mémoire et des relations franco-­allemandes à Verdun et Oradour ainsi que les deux centres de la mémoire qui struc­turent et fixent le souvenir pour les visiteurs sont étudiés successivement, à travers la presse principalement. Ensuite, il est analysé comment ces villes de guerres sont devenues des villes de paix et comment elles développent cette thématique.

MERCIER Isabelle, la répression de l’avortement, 1939-1945, Maîtrise (Claire Andrieu, Jean-Louis Robert) Univ. Paris 1 CHS, 2001, 2 vol. : 153 p. et 50 p.

La démographie française devenant dans les années 1930 une préoccupation croissante, une véritable politique de la Famille et de la natalité fut mise en place par le gouvernement Dalladier. Le Code de la Famille, décret du 29 juillet 1939, renforça la répression de l’avortement, considéré comme un fléau. Les peines punissant ce délit, jugé devant les tribunaux correctionnels depuis 1923, s’en trouvèrent considérablement augmentées.

Avec l’avènement du régime de Vichy, la lutte contre l’avortement prit une nouvelle dimension. La défaite française, causée, selon les autorités, par la faiblesse de la natalité et la culpabilité de certains groupes d’individus, auxquels les femmes et les avorteurs appartenaient, légitima une nouvelle campagne lancée contre l’interruption volontaire de grossesse. Celle-ci, toujours punie en application des peines prévues par le Code de la Famille, fut plus sévèrement réprimée. Le 14 septembre 1941, une loi interdit l’application des circonstances atténuantes et du sursis en cas d’avortement, au même titre que tout acte susceptible de nuire au peuple français. Le 15 février 1942, le gouvernement français s’octroya la possibilité de déférer à une juridiction d’exception, le Tribunal d’État, créé le 7 septembre 1941, les avorteurs dits professionnels.

Le Tribunal d’État, prévu à l’origine afin de juger des personnes coupables « d’activités communistes », de trafics de cartes d’alimentation, de hausse illicite, fut un véritable archétype de l’outil de répression politique. L’application du sursis et des circonstances atténuantes fut impossible. Nommés par décret, les magistrats, qui y siégèrent ne furent pas tous professionnels. Les peines prévues étaient extrêmement sévères, allant jusqu’à la peine de mort, sans aucun recours.

Quarante-six personnes furent jugées par deux sections du Tribunal, l’une parisienne, l’autre lyonnaise, jusqu’en juillet 1944. Deux avorteurs, condamnés à la peine de mort, furent exécutés en 1943, d’autres condamnés à de longues peines de travaux forcés. De plus, de nombreuses femmes avortées et leurs complices, maris, amants, mères, amis se retrouvent sur les bancs des accusés, victimes d’une propagande offensive et d’une répression effective.

MIMRA Thomas, La SFIO et la guerre d’Ethiopie : 1935-1936, Maîtrise [Gilles Morin], Univ. Paris 1 CHS, 2001

MONTBOBIER Émilie, Le théâtre et l’Action française, 1898-1914, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 120 p.

L’Action française s’est imposée comme le principal mouvement nationaliste et royaliste du XXe siècle. L’époque comprise entre le retentissant « J’accuse ! » de Zola et le début de la Première Guerre mondiale voit naître et grandir ce groupe politique. Le Comité d’Action Française créé par Vaugeois et Pujo va trouver en Charles Maurras le théoricien des idéaux politiques du groupe. Ce dernier ayant toujours soutenu que sa doctrine politique lui avait été inspirée par ses conceptions artistiques et littéraires, le mouvement fut remarqué aussi pour la place particulière qu’il donnait à la critique littéraire et théâtrale dans ses organes de presse.

La Revue de l’Action française et le quotidien qui portait le nom du mouvement ne se contentèrent pas d’affirmer les positions de l’Action française sur les questions politiques. Des plumes de Blainville et de Léon Daudet jailliront les conceptions artistiques et littéraires du mouvement. Les œuvres classiques sont magnifiées et posées en références suprêmes. Tous les auteurs ne se référant pas au classicisme et aux valeurs traditionnelles, que s’offre de défendre le mouvement, sont exclus défi­nitivement des invitations à la lecture faite aux abonnés de la revue et du quotidien. Les critères de sélection deviennent ceux que détermine l’idéologie politique du mouvement. Les auteurs nationalistes et les auteurs xénophobes sont encensés, ceux d’origine étrangère ou juive sont systématiquement bannis. Le romantisme, le natu­ralisme ou le symbolisme sont envisagés comme un même courant artistique né des idéaux révolutionnaires réprouvés par l’Action française. Toutes les pièces de théâtre qui s’en réclament sont mises à l’index.

L’actualité théâtrale devient alors l’instrument de la propagande de la doctrine politique du mouvement.

Les Camelots du roi, en prenant d’assaut les théâtres vont joindre à la critique dogmatique l’utilisation de la violence physique pour condamner toute pièce n’étant pas en parfaite adéquation avec l’idéologie politique de l’Action française.

D’inspirateur des idéaux politiques de l’Action française qu’il avait été, l’Art devient peu à peu l’un des promoteurs de la doctrine du mouvement, le théâtre un simple vecteur du « nationalisme intégral »·

MORETTI Magali, La représentation de l’homme dans les affiches de propagande, 1940-1944, Maîtrise [Claire Andrieu, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 147 p.+ 26 p. d’annexes.

Après les défaites militaires et l’armistice signé avec l’occupant allemand, la France, sous l’autorité du maréchal Pétain, découvre les thèmes de la Révolution nationale qui doit relever le pays et lui faire oublier la décadence de la IIIe République.

Le pays connaît alors entre 1940 et 1944 une active propagande, la plus massive en ce qui concerne les affiches. Dans cette propagande qui doit marquer la rupture avec la IIIe République, on constate que l’homme a une place privilégiée ; la propagande définit une nouvelle France et un Homme nouveau.

En étudiant les affiches de propagande de cette période, il est possible de montrer l’importance de la représentation de l’homme sur ce type de support. En effet, pour le régime de Vichy, la propagande doit être la plus efficace possible ; il fut donné aux idées à transmettre une forme concrète, capable de sensibiliser le plus grand nombre. L’homme s’impose donc comme un véritable intermédiaire entre la pensée idéologique de Vichy et la population française qu’il faut convaincre.

Sans se préoccuper de l’impact réel de cette image sur les Français, on peut dire que la représentation de l’homme est véritablement construite selon un schéma et des arguments que l’on veut solides. Nous montrerons de quelle manière cet homme apparaît comme un vecteur privilégié, avec différents aspects et différents rôles allant du chef exemplaire au modèle du parfait héros.

Dans tous les cas, on montrera que l’homme des affiches est le symbole d’une France régénérée, que chacun doit construire.

MORRISSEY Priska, La collaboration entre le cinéaste et l’historien dans les films historiques français, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 2 vol. 288 p.

Ce mémoire étudie les relations qui s’établissent entre le cinéaste et l’historien au cours de l’élaboration d’un film historique. Le corpus comprend les films suivants : La Marquise d’O et Perceval Le Gallois d’Eric Rohmer, Les Camisards, Moi, Pierre Rivière… et Un Médecin des Lumières de René Allio, Que la fête commence et La Passion Béatrice de Bemand Tavernier, Le Retour de Martin Guerre de Daniel Vigne et enfin Le Nom de la Rose de Jean-Jacques Annaud. Tous ces réalisateurs ont apporté un soin particulier à la mise en scène du passé, mais tous n’ont pas eu recours aux services d’un conseiller historique. Ainsi, Bertrand Tavernier et Eric Rohmer expliquent-ils dans leurs entretiens (source principale de ce mémoire) pourquoi ils préfèrent travailler seuls.

Cette étude s’inscrit dans un contexte à la fois cinématographique (nouvelles formes de représentation de l’histoire) et historiographique (médiatisation de l’histoire et de l’historien), car l’une des nouveautés de cette décennie tient justement dans l’apparition au générique de chercheurs, universitaires renommés et reconnus.

La collaboration cinéaste-historien est multiforme : l’historien peut être un ami et participer à l’écriture même du scénario (ex. : Jean-Pierre Peter et Arlette Farge pour Un Médecin des Lumières), travailler en équipe au sein d’une grosse production internationale (ex : Jacques Le Goff, Jean-Claude Schmitt, Michel Pastoureau, Françoise Piponnier, etc. pour Le Nom de la Rose) ou encore être requis pour donner quelques renseignements précis et ne pas être cité au générique (ex. : Michel Pastoureau pour Perceval Le Gallois). Il existe donc une palette assez large des fonctions du conseiller historique. Au sein de cette étude, a été considéré comme conseiller historique l’historien véritablement engagé (signature d’un contrat, rémunération) et mentionné au générique technique du film.

Dans un premier temps, sont exposés les enjeux de la reconstitution tant du côté du réalisateur que de l’historien : quelles formes artistiques et politiques le cinéaste veut-il donner à sa mise en images du passé ? Pourquoi le réalisateur fait-il appel à un conseiller historique ? Pour quels motifs l’historien accepte-t-il de jouer ce rôle ? Dans un deuxième temps, la transmission du savoir scientifique est étudiée dans toutes ces configurations : échanges oraux, dossiers, nature du savoir transmis, fonctions qu’endosse le conseiller (juge, garant, réservoir d’anecdotes). Cette patrie analyse également le fruit de cette collaboration tant du point de vue de l’artiste que du chercheur. Enfin, dans la troisième partie, les limites et conflits de cette collaboration sont examinés : quelles frustrations éprouve l’historien ? Quels genres de conflits sont survenus lors de ces échanges ? Il convenait ici de s’appuyer sur l’étude de Paul Ricœur sur le récit fictionnel et le récit historique (Temps et Récit, t. I, II et III).

NAEGELLEN Aude, L’image de la criminalité à travers le fait divers à la une de Détective de 1946 à 1958, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 202 p.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte où la France est entièrement à réorganiser au point de vue économique, politique et social, il ne paraît pas surprenant d’étudier la criminalité. Car on se représente facilement toutes les dérives occasionnées dans un tel environnement. Mais nous avons cherché à savoir ce que la population perçoit de la criminalité après une guerre et ce qui la pré­ occupe par rapport au crime.

En revanche, choisir le fait divers comme indicateur pour appréhender les angoisses d’une société n’était pas à priori évident. Si l’on tient compte de sa réputation d’information mineure, sensationnelle donc amplifiée et pas nécessairement vérifiée, il ne semblait pas bien significatif. Mais de grands écrivains et historiens ont contribué à le réhabiliter en dépassant cette réputation et mettant en valeur toutes les informations qu’il révèle sur la société.

Détective, l’hebdomadaire spécialiste du fait divers nous a donc permis de voir comment suite à une guerre, le fait divers reprend place dans la société. En effet, la criminalité régulière d’une société au lieu d’être dépréciée, par le souvenir d’une criminalité de guerre aux effets incomparables, assimile les angoisses que suscite un tel souvenir. Car le fait divers est toujours présent dans une société pour stigmatiser ses craintes et ses angoisses. Et ce en dépit de ce qu’elle a vécu avant, à côté de quoi il peut paraître insignifiant.

Les crimes qui retiennent l’attention dans les années 1950, sont tous ceux qui représentent une menace dans la vie privée de l’individu et le mettent en danger dans son espace privé, mais aussi les crimes soutenus par une organisation. À cela s’ajoute la peur de l’étranger et de l’immigré. Limage de la criminalité à travers le fait divers montre bien que la société porte encore les inquiétudes de la guerre durant toute la décennie suivante, alors que le pays retrouve une certaine prospérité. L’intérêt d’un travail sur les représentations consiste donc à voir le décalage entre la réalité de la société et ce par rapport à quoi se développent des angoisses.

NORTIER Laura, La guerre d’Algérie et le roman français, 1955-2000, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 163 p.

Chez les Français, la guerre d’Algérie a marqué profondément la mémoire collective. Malgré les efforts faits pour en effacer les traces, les souvenirs des sept années de guerre ont du mal à disparaître. Les douleurs et les fureurs des acteurs de ce drame ont envahi le champ d’écriture. Contrairement à des opinions communes, la guerre d’Algérie a été et continue d’être source d’inspiration. Trois-cent-cinquante-deux romans ayant un rapport plus ou moins direct avec la guerre ont été publiés de 1954 à 2000 inclus.

Plus de quarante ans ont passé. Comment les romanciers agissent-ils avec ce passé ? Les romans de l’immédiat après-guerre (1960-1970) ne sont pas ceux des années 1980-1990. Au témoignage de l’acteur qui poursuit son combat ou le légitime à postériori, se substituent progressivement des œuvres à « distance ». La réappropriation consciente des mémoires des uns et des autres permet à la fois de reconnaitre le passé comme passé, de ne plus le vivre comme présent incidemment et de le mettre en perspective d’un futur différent. Plus la guerre s’éloigne, plus elle nous apparaît dans sa totale complexité. Les auteurs-acteurs et/ou témoins de la guerre ou de la génération suivante s’ouvrent aux raisons de l’autre et à leurs propres déchirements. De nouveaux auteurs cherchent à déchirer le voile du silence qui entoure la guerre et ses acteurs.

Depuis la fin des années soixante-dix, la multiplication des récits d’anciens du contingent, le développement d’une littérature de la deuxième génération, témoigne que la guerre d’Algérie est un objet de mémoire. Trois décennies après la paix, le sujet s’est imposé aux auteurs de romans policiers et de romans pour la jeunesse. L’enjeu de mémoire ne passe plus par l’amnésie ou le traumatisme, mais par le savoir. La guerre d’Algérie appelle aujourd’hui une histoire scientifique, gage — on peut l’espérer — d’une plus grande sérénité. Le travail de mémoire, de deuil et de réconciliation est à ce prix.

NOUVET Antoine, La loi Deixonne et les débats sur l’enseignement des langues régionales dans la vie politique française, Maîtrise [Claude Pennetier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 241 p.

La loi Deixonne est la première reconnaissance officielle de l’existence de langues régionales en France, en tant qu’autorisation donnée aux breton, basque, catalan et occitan d’être enseignés à l’école primaire, aux collèges et lycées ainsi qu’à l’université. Elle souligne un assouplissement de la traditionnelle politique culturelle centralisatrice et unanimiste nationale qui associe depuis la Révolution les langues régionales à la réaction et à l’Église. Maurice Deixonne, rédacteur et rapporteur de cette loi, en est l’illustration même. Hostile en 1945, la Rue de Grenelle se résout à accepter cet enseignement en 1951. Pourtant, en 1953, la méfiance est toujours de mise. L’application de la loi se heurte à de nombreux obstacles. Mais cette difficile exécu­tion était envisageable dès la conception de cette loi, rythmée par quatre ans de rudes combats au sein et en dehors du Parlement. La loi Deixonne n’est en réalité qu’une reconnaissance bien timide de ces langues régionales, limitée à l’École et excluant le corse, le flamand et l’alsacien. L’alsacien parvient néanmoins en 1952 à obtenir un statut particulier – étranger au cadre de la loi Deixonne, mais tout de même très proche dans l’esprit de sa rédaction. Cette période ne marque alors qu’un assouplissement dans le jacobinisme des pouvoirs publics. La loi n’est qu’une concession mitigée n’accordant qu’une faible satisfaction à la revendication linguistique régionale, essentiellement bretonne, évoluant pourtant dans un contexte totalement apolitique. L’hostilité au pluralisme linguistique est toujours présente en France. La loi Deixonne n’échappe pas à cet état de fait. Elle n’est qu’une récupération stratégique, mais habile, de mots d’ordre émanant de régions culturellement spécifiques réclamant une reconnaissance de leur particularisme. Motivée par une initiative à l’origine communiste, cette Loi n’en est qu’une pâle version. Elle consacre avant tout la victoire du français et sa primauté. Les langues régionales ne se voient offrir qu’une place bien étroite. La loi Deixonne n’annonce pas une nouvelle politique nationale, qui continue à confondre unité et unanimisme. Par contre, en tant que première brèche expérimentale, elle augure d’une nouvelle revendication. Celle-ci peut désormais s’appuyer sur un texte législatif et légitime, pour demander plus. La loi Deixonne offre la perspective d’une radicalisation des demandes et d’une politisation de mouvements menant alors vers une revendication pouvant réclamer un certain autonomisme.

PAGANELLI Aurélia, Le nationalisme corse, 1966-1981, Maîtrise [Marie-Claude Blanc-Chaléard], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 200 p.

Quelles sont les origines du nationalisme corse et comment comprendre la violence dont il ne semble guère pouvoir se défaire ? Telles sont les interrogations qui ont guidé le projet de ce mémoire.

Une première partie analyse la situation de la Corse dans la France des années soixante. Elle cherche à faire comprendre les impasses de l’époque : d’un côté, une situation d’abandon économique singulière dans une période de grande croissance, de l’autre, le poids des habitudes politiques clientélistes et au milieu, une population insulaire mal préparée aux évolutions. Aussi les premières associations régionalistes naissent-elles au sein de la génération des jeunes des sixties, ceux qui font leurs études sur le continent, notamment à Nice. Dans le capital culturel de ce premier nationalisme, rien qui s’apparente aux vieilles lunes du nationalisme d’extrême droite, au contraire, plus souvent, un discours calqué sur celui de l’exploitation du tiers-­monde.

À partir de là, le plan suit une progression chronologique, qui jalonne les étapes conduisant du régionalisme à l’autonomisme (1966-1975), puis de la revendication autonomiste au nationalisme (1975-1981). Suivre l’enchainement des événements est important pour comprendre l’inexorable escalade dans laquelle, aux maladresses insignes de la gestion étatique (affaire des boues rouges, question des rapatriés et incidents d’Aleria), répond une violence de plus en plus désordonnée, tacitement acceptée par la population.

Les sources utilisées sont essentiellement des articles, ouvrages et textes militants produits par les nationalistes. S’y ajoutent des analyses de géographes et des livres sur le problème corse. Plusieurs interviews de nationalistes se sont révélés inutilisables, tant ils étaient empreints de dissimulation. Preuve que l’histoire brûlante est souvent bien difficile !

PALLEAU Marie, Les Jeunes du Maréchal, un exemple de mouvement de jeu­nesse sous le régime de Vichy, 1940-1943, Maîtrise [Claire Andrieu, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 151 p.

Ce mémoire se veut la biographie d’un mouvement de lycéens, pour la plupart parisiens, qui naquit en octobre 1940 au lycée Voltaire, à Paris. C’est un professeur de grammaire, Jacques Bousquet, qui en prend rapidement la tête et organise cette nouvelle association. Celle-ci se veut fidèle à la politique de la jeunesse que le régime de Vichy met en place. Fières du patronage illustre de Philippe Pétain, les Jeunes du Maréchal parviennent à se développer dans la capitale, puis dans les départements proches (Oise, départements de la Normandie). Ils se constituent des règlements moraux et matériels précis, se structurent en différents bureaux et travaillent en collaboration avec le Secrétariat général à la Jeunesse dont ils distribuent des tracts. Leur idéologie se calque sur celle de la Révolution nationale et leur vie s’organise en fonc­tion des activités de groupe que met en place leur service social.

Mais, peu à peu, les dirigeants du mouvement vont détourner les membres de leur fidélité au Maréchal pour les engager dans la voie d’un fascisme plus prononcé. Les enjeux politiques deviennent de plus en plus importants dans la gestion del’as­sociation et les querelles internes se succèdent. Le nombre d’inscriptions baisse, les fonds manquent. La proclamation de l’engagement de certains Jeunes du Maréchal dans la Légion des volontaires français (influencés par leur nouveau chef, Jean-Marie Balestre), en novembre 1942, incite finalement le gouvernement à dissoudre en mai 1943 un mouvement qui n’était déjà plus que l’ombre de lui-même.

PERRIGNON Pauline, L’aventure du théâtre Récamier, 1958-1978, Maîtrise [Pascale Goetschel], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 217 p.

Le théâtre Récamier ouvre ses portes en 1958. Il les referme vingt ans plus tard. À l’image de nombre de ces petites scènes privées de la capitale, le Récamier n’aura pas survécu à une désaffection progressive de son public, et à des déficits d’exploitation successifs. Emblématique de ce fait, l’itinéraire du Récamier recouvre également deux décennies de profonde évolution du paysage théâtral en France. Évolution dont il se ressent et dont il participe : ce théâtre accueille en effet quelques-unes des figures les plus marquantes de la seconde moitié du XXe siècle. Jean Vilar, Jean-Louis Barrault, Antoine Bourseiller en assument à un moment la direction. De même, de jeunes talents, pionniers d’un renouveau théâtral qui caractérisera les années soixante-dix, en offrent un avant-gout au Récamier. Un théâtre qui fait enfin la part belle à la création pour l’enfance et la jeunesse et se montre ainsi fidèle à la vocation de la Ligue del’enseignement qui en est propriétaire. Rares cependant seront les membres de ce mouvement à en promouvoir l’activité.

L’aventure du théâtre Récamier commence sous l’égide de Jean Vilar qui fait de cette scène un théâtre d’essai, succursale du TNP, réservée à la présentation d’œuvres de jeunes auteurs contemporains. Mais en 1961, Vilar s’en défait, au terme de deux saisons : son public ne l’a pas suivi, la critique ne l’a pas d’emblée soutenu. D’autant que celle-ci brandit alors la menace d’une sclérose artistique à laquelle Jean Vilar entendait remédier avec le Récamier. Le théâtre Récamier connaît dès lors, et jusqu’au tournant de 1968, des années décisives, quoi qu’il soit alors cantonné au rang de théâtre « garage » : de jeunes troupes peu connues y trouvent un lieu pour se produire, y explorent des voies nouvelles, y découvrent la production étrangère, préfigurant ainsi un théâtre repensé, tel qu’il le sera au lendemain de 1968.

Évincés de l’Odéon après les événements de mai, Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud trouvent un refuge au théâtre Récamier qu’ils habitent, quatre saisons durant, à partir de 1970. Destinant le Récamier à la recherche théâtrale et non à la représentation de pièces, Jean-Louis Barrault s’y résout cependant à l’occasion d’un cycle Beckett. Plusieurs œuvres y sont par la suite mises en scène par Roger Blin, Claude Régy notamment. Nommé à nouveau à la direction du théâtre des Nations en 1972, Jean-Louis Barrault fait alors du Récamier le siège de cette institution. Années d’effervescence donc pour le Récamier que celles marquées par la présence de Barrault en son sein. Mais celui-ci quitte les lieux en 1974 pour le théâtre d’Orsay, plus à l’échelle de ses ambitions.

C’est Antoine Bourseiller qui prend sa succession, et ce, jusqu’à la fermeture du théâtre quatre ans plus tard. À Récamier, il prend le parti d’un art « politiquement incorrect », mais les choix qu’il fait alors ne recueillent ni l’adhésion du public ni celle de la critique. De plus, la baisse de la subvention que lui accordait le ministère de la Culture lors de son arrivée, l’entente médiocre avec la Ligue de l’enseignement, enfin, la nécessité d’engager des travaux au sein d’un théâtre qui ne répond plus, depuis longtemps, aux normes de sécurité, amènent Antoine Bourseiller à plier bagage au début de l’année 1978. Le théâtre Récamier ferme définitivement ses portes. Plusieurs projets sont formulés, mais — de même qu’aucun travaux ne sont entrepris par la Ligue faute d’argent — ceux-ci ne verront jamais le jour. En 1983 enfin, la Ligue s’entend avec la Comédie Française qui transforme le théâtre Récamier en espace de répétition. Un contrat de neuf ans est alors conclu. Il sera renouvelé en 1992.

PILLOSIO Raphaël, La représentation de la Première Guerre mondiale dans le cinéma italien parlant, Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 210 p.

Il s’agit, dans cette étude, d’établir un panorama des évocations cinématographiques italiennes de la Première Guerre mondiale. Conflit à partir duquel s’est constitué un véritable mythe, cet événement a profondément marqué la société italienne tout au long du XXe siècle. Exploité comme le symbole de l’unité du pays par le régime fasciste, puis par le régime démocratique au pouvoir après 1945, il faut attendre les armées soixante pour qu’une nouvelle génération d’historiens remette en question cette interprétation de la guerre 1914-18. Paradoxalement, l’industrie cinématographique italienne s’est désintéressée de ce sujet et très peu de films mettent en image ce conflit.

Douze longs-métrages qui ont pour objet la Première Guerre mondiale ont été intégrés au corpus : Le Scarpe al sole, Tredici uomini e un cannone, Piccow a ino, Il Caimano del Piave, La Leggenda del Piave, Guai ai vinti, La Grande guerra, Il Giorno più corto, La Ragazza e il generale, Fraülein Doktor, Uomini contro, Porca vacca.

La première partie du mémoire s’intéresse à la période 1930-1945 : après être revenu sur le contexte politique et industriel, je propose une analyse des deux filins vus, Le Scarpe al sole et Tredici uomini e un cannone. La deuxième partie s’articule autour des armées 1945-1959 : alors qu’au début des années cinquante les films réalisés respectent la vision mythique du conflit, La Grande guerra, produit en 1959, marque un tournant dans la représentation du conflit à l’écran. Enfin, les derniers chapitres sont consacrés à l’image filmique de la guerre depuis 1960 et s’attachent particulièrement au film de Francesco Rosi, Uomini contro, qui marque la rencontre entre la nouvelle historiographie sur la Première Guerre mondiale et le cinéma.

PORTALIS Aude, Les dirigeants de l’Union des étudiants communistes de 1956 à 1968 : essai d’analyse prosopographique, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 204 p.

L’Union des étudiants communistes (UEC) de 1956 à 1968 représente une des organisations politiques étudiantes les plus solides en France. Son histoire politique à cette période est bien connue. Son histoire militante, par contre, l’est beaucoup moins. Cette approche militante et sociale des étudiants communistes s’est plus particulièrement attachée à la direction de l’Union des étudiants communistes, car celle-­ci représente un corpus plus facilement identifiable.

Située dans une perspective plus large et plus globale que l’histoire politique, cette étude est à la frontière de plusieurs champs : à la croisée de l’histoire politique, sociale, culturelle et intellectuelle.

Cette tentative d’élaboration d’une prosopographie s’attache à reconstituer une cartographie des itinéraires et des trajectoires empruntées par les anciens dirigeants de l’Union. Cette étude s’appuie sur la construction de biographies à la fois indivi­duelles et collectives.

Proposer l’esquisse d’une histoire sociologique de l’UEC, c’est tenter de saisir les principales phases de l’histoire de l’Union, le rôle de sa direction, le milieu d’origine des étudiants, l’éveil et la formation de leur engagement politique, et leurs trajec­toires ultérieures. Les concepts de génération et de sociabilité comme instruments d’investigation se sont révélés précieux. Tous ces aspects permettent alors de découvrir le devenir et l’identité d’un groupe issu d’une matrice commune : la direction de l’UEC dans les années 60.

QUÉRAN Sophie, Les cadres scientifiques au CEA des Centres d’Étude nucléaire de Fontenay-aux-Roses et de Saclay, 1946-1968, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 372 p.

Le projet de la fondation d’un Commissariat à l’Énergie atomique (CEA) est lancé par le Général de Gaulle à l’automne 1945. Son ambition est de voir la France reprendre son rang dans les recherches sur l’énergie atomique. La voie avait en effet été tracée par Irène et Frédéric Joliot découvrant, en 1934, la radioactivité artificielle et la possibilité de provoquer sur des noyaux fissiles des réactions en chaine explosives libérant une énorme quantité d’énergie.

La réalisation d’une mission de cette ampleur, dans la France de la Reconstruction, place les dirigeants de l’organisme devant l’impérieuse nécessité de constituer un potentiel technique par le choix d’infrastructures, dédiées à la recherche, inconnue jusqu’alors en France. Mais l’aspect le plus fondamental de cette tâche passe par de nouveaux modes de gestion du savoir scientifique. Il s’agit de créer de nouvelles formes d’enseignement pour de nouvelles spécialités, de recruter des hommes de talent qui soient à la fois chercheurs et ingénieurs, d’agencer leurs compétences réciproques afin de permettre une meilleure communication entre eux, et donc une meilleure rentabilité de leur travail, enfin, d’insuffler un esprit susceptible d’homogénéiser l’ensemble de l’entreprise.

Les Centres d’Étude nucléaire (CEN) de Fontenay-aux-Roses et de Saclay constituent en cela un laboratoire des nouvelles techniques de gestion du savoir d’une population de scientifiques. Ils sont la scène privilégiée où se discernent les conséquences sociologiques d’une industrialisation de la recherche. Alors que l’on passe de la figure du savant solitaire à celle d’un technicien de la science assimilé dans de vastes équipes de travail, les formes d’appartenance identitaire classique du scientifique évoluent au fur et à mesure que le champ de ses collaborateurs s’élargit à travers la planète. D’autre part, la parcellisation des tâches et la complexité conceptuelle de son travail le cantonnent à une spécialisation accrue rendant difficile un net positionnement dans le progrès de la science en général.

Tous ces éléments concourent à imposer le terme de « malaise » des cadres scientifiques comme cause d’une nouvelle forme d’engagement d’ordre politique et social dans la société de son temps. Notre étude qui se clôt en 1968 met ainsi au jour les éléments structurels liés à cette évolution du cadre scientifique contemporain d’une puissante remise en cause de l’organisme en 1968. Si les événements de mai 68 per­ mettent de soulever des problèmes latents aux CEN, la modification des options prises par le CEA dans ses recherches en électronucléaire bouleverse d’autant plus les cadres scientifiques que le nucléaire et la recherche fondamentale lourde connaissent un revirement dans l’opinion publique.

Pour les cadres scientifiques des Centres d’Étude nucléaire de Fontenay-aux-­Roses et de Saclay, le passage du savoir au pouvoir et du·rationnel à l’opérationnel — caractéristique de notre modernité selon Valéry — fait ainsi vaciller la façon d’appréhender la nature et de se positionner dans sa société.

RICHARD Antoine, L’image du mouvement de Tiananmen dans les médias français, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 196 p. + annexes.

Au cours du printemps 1989, un vaste mouvement de contestation éclôt en République populaire de Chine. Les manifestations se succèdent, des étudiants font la grève de la faim et nous vivons l’événement quotidiennement grâce aux médias déployés en masse. Réprimé dans le sang au cours de la nuit du 3 au 4 juin, ce mouvement a marqué l’opinion française puisque les manifestations de soutien aux contestataires sont nombreuses. Devant cet engouement, nous nous sommes deman­dé comment il était possible que le mouvement ait eu un tel impact.

Pour mener cette étude, nous avons d’abord étudié la production de l’image pour comprendre quelle image est susceptible d’être transmise. Nous avons caractérisé un corpus strict de sources destiné à être le plus représentatif possible, incluant quatre quotidiens nationaux — Le Monde, Le Figaro, Libération et l’Humanité — ainsi que les journaux télévisés des trois chaines hertziennes. Puis, nous avons étudié, d’une part, la médiatisation des événements dans ces médias et, d’autre part, la gestion de l’information avec une étude des correspondants permanents et autres envoyés spéciaux. Après avoir défini la possible image que peuvent produire les médias, nous nous sommes attachés à comprendre l’image de la contestation dans les médias au travers d’une étude sur la chronologie du mouvement, sur les lieux de la contestation et enfin avec une qualification de son seul interlocuteur : le pouvoir chinois. Nous avons alors aperçu la fabrication de l’image étudiante et pro-démocratique du mouvement de Tiananmen. Cette image s’affirme essentiellement, à l’unanimité dans nos médias, au lendemain de la répression. Nous nous apercevons que les médias développent une image universelle au mouvement, en le délocalisant notamment ou en mettant en évidence le côté totalitaire et répressif du pouvoir.

Les médias définissent le mouvement comme étudiant. Or, nous avons vu que la population se range en masse à ses côtés, qu’elle le soutient. De même, les médias insistent sur la revendication pro-démocratique du mouvement, mais qu’en est-il véritablement ? Est-ce la seule revendication ? Nous nous sommes attachés à comprendre la composition du mouvement, notamment à la description des étudiants et de la population par les médias ; ainsi qu’aux slogans et revendications tels qu’ils apparaissent aux détours de nos quotidiens. Nous voyons que le mouvement est étudiant dans sa définition, car les étudiants apparaissent comme le plus groupe le plus apte à le représenter. Les médias développent ainsi une image contestataire des étudiants, en rappelant leur appartenance à une élite traditionnellement contestataire, ou en insistant sur leur faible condition de vie. Avec leurs descriptions, les médias légitiment la lutte des étudiants. Ces derniers définissent désormais le mouvement par leurs actions. D’un autre côté, la population est définie comme attentiste face au dévelop­pement du mouvement. Les médias mettent en scène divers groupes sociaux pour expliquer le ralliement, la force du mouvement. Le plus remarquable semble alors être le ralliement progressif des travailleurs qui caractérisent la base du régime communiste et donc qui démontre le rejet de celui-ci. Ce ralliement s’effectue sur une base revendicative instaurée par les étudiants. Les étudiants ont eu « l’intelligence politique, de ne pas enfermer le mouvement dans leurs seules revendications. En manifestant aussi contre la corruption, ils peuvent alors obtenir le ralliement de la population à leur lutte. Dans cette étude des revendications et des slogans, nous nous apercevons tout d’abord que les médias finissent par occulter toutes les revendications n’ayant pas trait à la démocratie.

Nous prenons alors conscience du fait que l’image du mouvement développée par les médias est une image susceptible de toucher les Français. Les médias incorporent en une même image, l’image de la jeunesse en lutte, avec des rappels à mai 68, l’image de la lutte pour la démocratie et la liberté, déterminante en cette année du bicentenaire de la Révolution française.

RICHET Domitille, Décadence et modernité : le regard de la critique française sur Vienne, 1880-1938, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 171 p.

Le regain d’intérêt dont témoignent les Français depuis les deux dernières décen­nies pour la culture viennoise des années 1880-1938 révèle l’impact que provoque l’image d’une Vienne moderne et décadente.

En effet, la critique française présente la culture viennoise en l’intégrant dans un cadre général en pleine déliquescence, jugé étonnamment moderne. La récurrence de certains thèmes sinistres s’observe ainsi dans le discours tenu par la critique française à propos de cinq écrivains viennois contemporains et emblématiques de la culture viennoise : Peter Altenberg (1859-1918), Arthur Schnitzler (1862-1931), Hugo von Hofmannsthal (1874-1929), Robert Musil (1880-1942) et Joseph Roth (1894-1939). Et ce sont justement ces thèmes consternants qui confèrent une unité à Vienne entre 1880 et 1938.

La perte de puissance de l’Autriche-Hongrie, puis sa chute en 1918, entretient un sentiment de déclin chez tous les Autrichiens et les Viennois, sentiment qui se manifeste sous diverses formes : nostalgie, désespoir, humour noir. La progression de l’antisémitisme à partir des années 1880 puis le triomphe du nazisme en 1938 signent la détérioration du jeu politique et l’exaspération d’une crise d’identité chez les Juifs, peuple sans territoire déjà menacé par l’éclatement de l’Autriche-Hongrie. La culture viennoise est considérée comme l’expression de cette angoisse juive ; elle représente l’aboutissement des efforts de certains Juifs pour trouver leur voie grâce à l’art ou à la réflexion. La culture viennoise apparaît intimement liée à son contexte de crise ; la critique française discerne en elle la volonté de tout remettre en cause, les traditions, les émotions, l’engagement politique, et de fonder une nouvelle morale. De là surgissent cependant un chaos et une incertitude générale. Tout désormais — l’Autrichien, le Viennois, l’œuvre littéraire ou la théorie scientifique — subit la loi de la relativité, de la confusion et de l’absurdité. L’influence attribuée à la psychanalyse sur la culture viennoise corrobore cette impression : incohérence, déraison, illusion et incertitude sont les maîtres-mots de la vision de l’homme promue par les intellectuels viennois, ainsi que des phénomènes psychiques les plus observés dans la Vienne de cette époque.

La prégnance de ces thèmes éclaire l’importance qu’a prise aujourd’hui l’esprit fin-de-siècle. Elle rejoint les discours pessimistes de la presse et des essayistes sur le déclin de la France, le regret des Trente Glorieuses, et les désordres mondiaux, sur le silence des intellectuels français et la méfiance qui s’exerce à l’encontre des hommes comme des idéologies politiques, et sur une société qui se désagrège sous les coups d’un hédonisme individualiste.

RISI Florence, Les expositions temporaires organisées au Musée de la France d’Outre-Mer entre 1935 et 1959, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 277 p.

Créé en 1931 à l’occasion de l’Exposition coloniale internationale, le Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie s’intitule alors Musée des Colonies. Il devient Musée de la France d’Outre-Mer en 1935. Il conserve ce titre jusqu’en 1959, date à laquelle André Malraux le transforme en Musée des Arts Africains et Océaniens. Le Musée de la France d’Outre-Mer a pour mission de diffuser l’idéologie coloniale. L’analyse des expositions commémoratives, économiques, artistiques et ethnographiques qui y sont organisées, montre que l’activité du musée exclusivement produite et diffusée par des coloniaux — véhicule une représentation exotique de l’Empire. Pour séduire le public, les expositions temporaires font basculer l’idéologie coloniale dans la mythologie. L’exotisme du musée ainsi que sa représentation mythologique de l’Empire assurent à la fois son succès auprès du grand public et son échec à diffuser l’idée coloniale. Paradoxalement, le musée ne parvient à assumer sa vocation de musée colonial qu’auprès d’un public déjà convaincu par cette idéologie. L’effondrement du Musée de la France d’Outre-Mer à partir du milieu des années cinquante et sa difficile transition en musée artistique expliquent l’image d’échec qui pèse sur le Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie. Toutefois, cette image n’est pas justifiée concernant le Musée de la France d’Outre-Mer qui a connu un réel succès du point de vue de la fréquentation. L’analyse des pratiques et des discours qui s’ar­ticulent autour de ce musée permet de comprendre le regard colonial qui s’est élaboré sur les arts non-occidentaux, regard au cœur du débat actuel sur les « arts premiers ».

ROBIN Arnaud, Life, la photographie et la guerre 1936-1945, Maîtrise [Claire Andrieu, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 183 p.

Ce mémoire s’attache à retracer l’histoire de la photographie et du photojournalisme de guerre à travers l’hebdomadaire illustré américain Life entre 1936 et 1945. Dans une première partie, la question du statut de la photographie au’milieu des années trente a été étudiée. L’apparition massive d’une image considérée comme objective, comme un document — là où l’écrit régnait en maître — constitue un tournant dans l’histoire du journalisme, car pour la première fois, le photojournalisme y joue un rôle important.

Les représentations de la guerre civile espagnole, celles du conflit sino-japonais ainsi que celles de la Seconde Guerre mondiale véhiculées par Life ont été analysées.

Cette recherche m’a conduit à m’interroger sur la capacité de la photographie à rendre compte des conflits guerriers.

RODINO Giulia, L’enseignement de la guerre d’Algérie dans les classes de terminale en France, un exemple de l’enseignement de l’histoire, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 134 p.

Le manuel scolaire est un outil dont enseignants et élèves disposent afin de mettre en application le programme que l’Éducation nationale a élaboré. La première partie de cette étude a pour objectif de décrire la constitution d’un manuel, à travers sa mise en forme, ses destinataires, ses objectifs. Une présentation sur l’évolution pédagogique permet de prendre en compte les enjeux de l’enseignement de l’histoire avant et durant la période définie.

En seconde partie, nous avons entrepris une étude plus descriptive afin de situer le traitement de la guerre d’Algérie au sein du manuel. Nous avons abordé les leçons à proprement parler (dans les différents programmes ainsi que selon les éditions retenues) ; le support documentaire qui constitue un ensemble quel’on pourrait qualifier de « bancal » dans le sens où l’interprétation que l’on peut faire des divers documents proposés nécessitent des compétences — dans le domaine de l’image par exemple — que l’enseignant ne maîtrise pas toujours et que l’élève, s’il est de plain-pied dans une société où ces outils sont banalisés, ne relie pas forcément au travail historique effectué en classe ; une étude du langage de ces manuels fait le lien qui mène à la comparaison réalisée dans la troisième partie, entre le traitement de la leçon sur la guerre d’Algérie dans les livres de classe et le même sujet traité dans les ouvrages universitaires (et dans la presse, puisqu’au cours de cette étude les médias ont largement diffusé la polémique qui a fait suite aux révélations diverses sur la torture). Le sujet ainsi balayé, nous évoquons l’ambition des éditeurs en matière d’his­toire, affichée dans les « avertissements » en début d’ouvrage.

ROSEMBERG Julien, Représentations de l’Histoire et idéologies sous-jacentes dans la collection Vécu de l’éditeur Glénat : 1984-2000, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001.

Les Éditions Glénat font aujourd’hui partie des trois plus grandes maisons d’édition de bandes dessinées en France. Créées en 1969 par Jacques Glénat, avant tout amateur du médium, elles se sont ouvertes depuis, à d’autres domaines dont celui des « Beaux-Livres ».

Profitant d’un contexte favorable, au début des armées quatre-vingt, l’éditeur décide de créer une collection de bandes dessinées historiques, suivant ainsi l’idée suggérée par Henri Filippini. Grâce au fonds déjà présent dans le magazine Circus créé dans les années soixante-dix, la collection Vécu nait en 1985, précédée du magazine du même nom qui accueille des bandes dessinées en prépublication. Vécu s’est rapidement développé jusqu’à contenir 332 albums en décembre 2000. Proposant des intrigues dans des contextes variés, la collection entraine les lecteurs dans des aventures sur fond historique. De nombreux auteurs collaborent, apportant des visions de l’Histoire variées. Tout en prenant en considération ces différences, il est néanmoins possible d’observer des visions communes éclairant sur une représentation collective des divers passés relatés. Pour cela, il faut prendre en compte les méthodes utilisées par les auteurs à travers un support spécifique : la série. Celle-ci possède des caractéristiques qui contribuent à donner des visions spécifiques du passé. Vécu ne s’adresse pas à des spécialistes de l’Histoire, mais plutôt à un lectorat éclectique et populaire.

Mais, tout auteur est de son époque, la vision du monde proposée dévoile une idéologie contemporaine au moment de la création. Ainsi, plus que d’instruire sur la science humaine, les auteurs informent sur la représentation qu’ils se font des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. S’il ne faut pas réduire ces différentes visions en catégories distinctes, il n’en demeure pas moins que certaines thèses sont récurrentes dans l’ensemble des albums. Le pouvoir et ses détenteurs sont unanimement décriés, ainsi que de nombreuses dérives qui entrainent des inégalités sociales. Loin de se contenter de fustiger, les auteurs posent des revendications. Le féminisme, l’anticléricalisme, l’équité et l’hédonisme constituent des voies proposées. Ces thèses convergent vers une idéologie libertaire diffuse dans les albums sans que de profils politiques soient réellement discernables ; cette vision transcende les clivages politiques traditionnels. De plus, ces thèmes se marient bien avec la bande dessinée d’aventure qui constitue aussi un élément permissif à la représentation de ceux-ci. Penser que ces visions sont peu reçues est une erreur puisqu’en moyenne, chaque année, plus d’un million d’albums sont vendus principalement en France.

Ce travail présente ainsi deux intérêts : contribuer à analyser le genre historique à travers un médium beaucoup lu et peu étudié, attester la présence d’une culture libertaire diffuse dans le milieu artistique français, laquelle transcende les clivages politiques traditionnels.

TEICHER Fabrice, L’affaire Garaudy dans la presse nationale française : analyse de la constitution d’une polémique autour du soutien de l’abbé Pierre à Roger Garaudy, Novembre 1995-décembre 1998, Maîtrise [Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 194 p.

En décembre 1995, la revue La Vieille Taupe publie Les Mythes fondateurs de la politique israélienne, de l’ancien député communiste Roger Garaudy, ouvrage citant et reprenant un certain nombre de thèses négationnistes dans le cadre d’une critique virulence de l’État d’Israël. Cette publication a lieu dans la quasi-indifférence de la presse jusqu’à ce que, quatre mois plus tard, l’abbé Pierre soutienne son ami Garaudy et son ouvrage. Commence alors l’affaire Garaudy.

Cette étude analyse comment se constitue l’affaire Garaudy et son traitement éditorial, de la parution de l’ouvrage de Garaudy jusqu’à son jugement en appel le 16 décembre 1998. Le choix des acteurs et de la nature de cette affaire est révélatri­ce des méthodes de travail des journalistes à la fin de ce siècle. Pourquoi l’abbé Pierre est-il le personnage principal de ce que l’on appelle l’affaire Garaudy ? Les journa­listes — qui ont souvent occulté les défauts de l’abbé Pierre — se retrouvent ici pris à leur propre piège. Des personnes également impliquées dans l’affaire n’ont pas fait l’objet d’une celle médiatisation. C’est le cas de Roger Garaudy lui-même, paradoxalement relégué en arrière-plan de l’affaire qui porte son nom, mais également de son avocat Jacques Vergès, ou de l’essayiste Jean Ziegler.

Si une affaire est par définition un mélange de genres, l’affaire Garaudy en est un exemple parfait. Affaire inclassable, on la retrouve aussi bien dans les rubriques politique, sociale et justice que médias. Selon l’orientation des journaux et de leur public, cette affaire prendra donc une tournure politique ou culturelle. Cependant, le traitement de l’affaire par la presse est biaisé par la croyance, ou non, en l’existence d’un lien entre antisionisme et antisémitisme. En effet, Roger Garaudy se revendique du premier tout en prétendant condamner le second. C’est le traitement par la presse de l’actualité proche-orientale qui permettra de révéler la nature de cette ambigüité. La constitution et le traitement de l’affaire Garaudy sont révélateurs d’un certain nombre de comportements et méthodes de travail journalistiques de cette fin de siècle. Acteur ou canal de l’information, les journalistes sortent parfois du rôle qui leur incombe. Quand la presse rend la justice, cela se traduit par un traitement partial de l’affaire qui n’accorde que très peu de place au procès juridique de l’intéressé et à une opinion arabe internationale majoritairement acquise à sa cause. Enfin, cette affaire soulève les grandes questions du rapport d’influence entre l’opinion et la presse et celle de la déontologie des journalistes.

TOUMIT Cécile, L’alternative culturelle : le rôle et l’action d’associations d’opposition face à la politique culturelle de Jack Lang, 1981-1986, Maîtrise [Pascale Goetschel], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 151 p.

Depuis la fin des années 1960, la culture a véritablement fait irruption sur la scène politique. Avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en mai 1981, la culture devient un « impératif culturel » : le nouveau ministre de la Culture, Jack Lang, lance ainsi la France dans la politique du « tout culturel ». C’est dans ce contexte que des artistes, réunis au sein de l’association « Art et Lumière », se proposent de lutter conne de supposées théories avant-gardistes devenues, selon eux, « culture officielle ». D’une démarche à l’origine artistique — ils souhaitent fonder un festival « porteur de valeurs populaires et spirituelles » —, la contestation rejoint les objectifs des hommes politiques de droite. En effet, après vingt-trois ans de pouvoir, ces derniers sont rejetés dans l’opposition où ils prennent conscience de l’importance du fait cul­turel dans l’établissement d’une politique globale. La culture est devenue un enjeu majeur pour les élus, au même titre que l’économie. Ainsi, une « Association des élus pour la liberté de la culture » est créée à l’initiative du maire RPR de Saumur, Jean­ Paul Hugot, pour « arracher à la gauche le monopole de la culture ». Une alliance est donc passée entre les artistes et les hommes politiques de l’opposition : pour ces artistes — qui se trouvent hors des subventions du ministère de la Culture et qui se sentent « opprimés » et « menacés » — le monde politique de droite représente le seul soutien possible pour pouvoir « créer librement » dans l’optique spiritualiste qu’ils défendent. Au moyen d’une troisième association, l’« Alliance pour une nouvelle culture », ils vont donc chercher à étendre leurs relations à droite. Cependant, des liens sont aussi tissés avec des mouvances plus radicales, voire extrémistes, de la droite française. De leur côté, les élus — comme Jean-Paul Hugot à Saumur — utilisent la démarche artistique comme un élément actif d’une politique culturelle municipale. Mais ce mouvement contestataire, avec la création du Festival International de France — festival où se mêlent réalisations artistiques et forums de discussions politiques, va susciter l’intérêt de la presse. Certains, comme la presse locale et la presse de droite, s’intéressent à la démarche artistique qu’ils jugent de grande qualité, alors que la presse de gauche tend à présenter les associations comme un mouvement d’extrême droite. Ce jugement ne laissera pas indemne le mouvement aussi bien au niveau artistique que politique.

WASSELYNCK Myriam, Les volontaires des Brigades internationales et le Val­-de-Marne : leur vécu, leur image, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 125 p. + 23 p.

L’étude a pris en compte les personnes parties combattre volontairement dans les rangs de l’armée républicaine espagnole entre 1936 et 1939. Leur but était de venir en aide à la République, celle-ci devant faire face à un coup d’État militaire. Les putschistes, regroupés derrière le général Franco, ont été assistés par des troupes et du matériel allemands et italiens. Les républicains, abandonnés par les démocraties européennes, ont reçu le soutien de combattants volontaires internationaux.

Le contingent français a été le plus important, les historiens font état de 9000 individus. Leur importance numérique explique la limite géographique de cette étude. Le Val-de-Marne se situant dans la « ceinture rouge » de Paris, j’ai décidé d’étudier les hommes et les femmes liés à ce département dans ses limites d’avant 1964. Nous aborderons ici le cas de toutes les personnes ayant eu un rapport avec le Val-de-Marne, que ce soit par leur naissance, leur mariage, leur travail, leur habitation ou leur lieu de décès. En effet, ils ont tous influé sur l’image des combattants de la colonne internationale dans ce département.

Qui étaient-ils avant leur départ ? Comment ont-ils vécu la guerre d’Espagne ? En quoi leur participation à ce conflit a influé sur leur vie à leur retour ? Et, en paral­lèle à celles-ci, comment a été vu leur volontariat par leurs contemporains ?

Les Brigades internationales restent le symbole de l’engagement militant. Mais aujourd’hui encore les volontaires sont mal connus des Français. Le travail de mémoire n’a réellement débuté dans notre pays que depuis 1996. Nous sommes aux prémices de l’écriture de l’histoire des combattants de la colonne internationale, cette étude tente d’y participer.

WIEDER Thomas, La commission internationale contre le régime concentrationnaire, 1949-1959. Des rescapés des camps nazis combattent les camps de concentration, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 272 p.

Le 12 novembre 1949, Le Figaro littéraire publie en première page un appel aux anciens déportés des camps nazis et à leurs organisations, toutes nationalités et toutes tendances politiques confondues, les priant de constituer une commission d’enquête sur les camps de travail en URSS. L’auteur de l’article est David Rousset, rescapé de Buchenwald et Neuengamme, auteur de L’Univers concentrationnaire (prix Renaudot 1946).

L’initiative de Rousset suscite de nombreuses réactions. Les plus violentes viennent des rangs communistes. Le 17 novembre 949, Pierre Daix, ancien déporté à Mauthausen, publie dans Les Lettres françaises — dont il est le rédacteur en chef — un long article dans lequel il accuse Rousset de propagande antisoviétique, d’avoir falsifié les textes et de s’être appuyé sur de faux témoignages. Rousset réplique en engageant une action en diffamation contre Daix et son journal. Un an après, a lieu à Paris un procès retentissant où viennent témoigner un grand nombre d’anciens déportés du Goulag.

Si tous les anciens déportés et les intellectuels ne suivent pas les communistes dans leur croisade, rares sont ceux qui adhèrent sans condition à la proposition de Rousset. En limitant l’enquête aux seuls camps soviétiques, celui-ci est soupçonné d’arrière-pensées politiques qui, en cette période de guerre froide, demeurent inacceptables pour beaucoup, y compris pour de nombreux non communistes. En octobre 1950, la Commission internationale contre le régime concentrationnaire (CICRC) est finalement créée, mais son champ d’investigation est élargi à tous les camps susceptibles cl’exister à travers le monde. Composée d’Allemands, de Belges, d’Espagnols, de Français et de Hollandais, puis plus tard de Danois et de Norvégiens, la CICRC effectue, de 1950 à 1959, un travail considérable, et ce malgré des difficultés financières chroniques. Elle s’intéresse aussi bien à des États communistes — comme la Chine et l’URSS — qu’à des dictatures « de droite » comme l’Espagne et la Grèce, et même à la politique coloniale de la France, puisque des délé­gations de la CICRC étudient le problème des camps d’internement en Tunisie (1952) et en Algérie (1957). Chaque fois, des centaines de témoins sont interrogés, leurs récits sont décortiqués et comparés. De nombreux documents sont collectés, traduits et analysés. Lorsque la CICRC est autorisée à le faire, elle envoie sur place une délégation chargée de visiter les camps et les prisons. Dans le cas contraire, elle se contente d’un travail sur dossiers et organise une sorte de procès au cours duquel un tribunal d’honneur est chargé, comme c’est le cas pour l’URSS et pour la Chine, d’établir l’état des connaissances sur le système mis en cause, en statuant notamment sur son caractère « concentrationnaire » (ou non). Au terme de l’enquête, la CICRC publie ses conclusions, sous la forme de « livres blancs », et participe en tant qu’organisme consultatif aux travaux du Conseil économique et social de l’ONU. Enfin, à partir de 1954, le Bulktin d’information (qui devient en 1956 la revue Saturne) élargit le champ d’activité de la CICRC : parallèlement aux enquêtes ponctuelles, la CICRC étend ses investigations à des sujets plus vastes que les seuls camps de concentration. Elle cherche alors dénoncer les atteintes aux droits de l’homme à travers le monde.

WIHLIDAL Peggy, Création et essor du service des Affaires interrégionales du Ministère de la Culture, 1981-1984, Maîtrise [Pascale Goetschel, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2001, 233 p.

Cette maîtrise s’intègre dans le cadre d’une convention de recherche signée entre Paris 1 et le Comité d’histoire du ministère de la Culture sur le ministère Lang 1981-1988. Elle entend montrer comment a été préfiguré, mis en place, et s’est pérennisé le Service des affaires internationales du ministère de la Culture.

La création d’un tel service bénéficie de conditions favorables : l’existence d’une réflexion au sein du Parti socialiste sur la politique culturelle à mener ; une ambition culturelle internationale commune à François Mitterrand et Jack Lang ; un contexte propice à l’émergence d’un service autonome depuis les années soixante-dix (rapports Rigaud et Grémion).

La mise en place du Service des affaires internationales en 1981 permet au ministère de la Culture d’acquérir une visibilité dans le domaine des affaires culturelles internationales jusque là réservé au ministère des Affaires étrangères. Intégré à la nouvelle Direction du développement culturel, le service dirigé par P. Ollivier cherche à développer différents types de solidarités – francophonie, méditerranée, Europe – face à l’impérialisme nord-américain et œuvre en ce sens par le financement de diverses manifestations.

Les faiblesses de ce service sont néanmoins soulignées : un fonctionnement trop administratif, des liens artificiels avec la Direction du développement culturel et des relations difficiles avec le ministère des Affaires étrangères (AFAA). Le service a, malgré tout, le mérite d’exister de façon autonome et de fonctionner sans être le jouet du ministre. C’est ce dont témoigne le partenariat avec la maison des cultures du monde de Cherif Khaznadar ou avec l’association pour le dialogue entre les cultures d’André Larquié.

ZACHARIAS Mélanie, L’art contemporain au bureau. Les collections d’art d’en­treprise en France, 1967 à nos jours, Maîtrise [Pascal Ory], Univ, Paris 1, 2001, 219 p.

En France, l’art vivant a longtemps été négligé par les collectionneurs, même dans les collections publiques. Ce sont les années soixante qui ont amorcé la nais­sance des collections d’art contemporain réunies par des entreprises. À ne pas confondre avec les simples acquisitions d’œuvres d’art, une collection d’entreprise est une initiative patronale, prise en charge par un département spécifique dans l’entreprise, qui vise à constituer un ensemble esthétique cohérent d’art contemporain, et de qualité suffisante pour être susceptible de figurer à terme dans un musée. Seize collections françaises correspondent à cette définition, la première étant celle de Renault (1967) et la dernière celle de la Fondation d’entreprise NSM-Vie pour la photographie contemporaine (1997). Malgré le succès que cette formule connaît auprès des entreprises depuis 1967, aucune étude n’a posé de définition et n’en a écrit l’histoire. Le présent travail vise donc à dégager les évolutions du phénomène des collections d’entreprise sur la totalité de leur période d’existence, à partir d’une sélection de huit collections : Renault, SACEM, Fondation Cartier, Caisse des Dépôts et consignations, Vacances Bleues, Fondation d’entreprise Colas, Société Générale et Première Heure. Le plan thématique a été privilégié pour traiter ce sujet récent et comparatif.   ,

Les collections d’entreprise sont apparues il y a une trentaine d’années, l’État ne s’étant engagé en faveur del’art contemporain qu’à la fin des années soixante. Mises à part Renault et la SACEM le grand mouvement de création des collections d’entreprise n’a commencé que dans les années quatre-vingt, alors que le mécénat d’entreprise ­commence à se développer. Le gouvernement a mis en place des mesures d’incitation à l’attention des entreprises, dont deux concernent directement l’acquisition d’œuvres : la déduction des achats sur l’impôt des sociétés (loi du juillet 1987) et la création des fondations d’entreprise (loi de juillet 1990). Malgré cela, seulement seize collections ont été créées en France depuis 1967. Cela est très faible par rapport aux collections publiques, mais aussi en regard aux pays étrangers. Cette situation s’explique par la faiblesse de la philanthropie privée dans notre pays, avant même l’insuffisance des mesures juridiques et fiscales. Ces collections ont aussi vu le jour grâce aux évolutions qu’ont connues les entreprises dès les années soixante-dix. Le marché devient plus compétitif, et la concurrence entre les firmes les mène à repenser leurs politiques d’image, puis, au début des années quatre-vingt-dix, apparaît la notion d’« entreprise citoyenne », préoccupation nouvelle que cette dernière développe pour son environnement extérieur, notamment en soutenant les artistes contemporains.

Les collections d’entreprise ont toutes connu des évolutions similaires. La poli­tique d’achat suivie par les entreprises s’est organisé progressivement, certaines étant allées jusqu’à les inscrire dans une fondation, d’entreprise ou sous l’égide de la Fondation de France. En véritables mécènes, les firmes bâtissent au fil des années leur propre manière de prospecter sur le marché de l’art. Pourtant, après vingt ans d’existence, les budgets dévolus aux collections demeurent très modestes. Leur gestion s’est aussi modifiée et professionnalisée dans la durée, par l’appel à un personnel de conservation spécialisé. Cela a permis aux achats d’abord ponctuels de devenir de véritables collections, en adoptant une ligne de conduite de plus en plus précise. Le cadre des entreprises est une contrainte en soi, car il n’est pas destiné à recevoir des œuvres. Malgré la tentative de quelques sociétés de doter leurs collections d’un statut juridique, la plupart n’en possèdent pas.

L’étude de la réception de ces collections fait apparaître qu’il a fallu de nombreuses années d’efforts et de programmes pédagogiques pour que les entreprises parviennent à faire évoluer les regards très souvent critiques de leurs employés sur ces œuvres difficiles. Très récemment, elles sont finalement entrées dans la culture d’entreprise. Quant à la réception par le grand public, elle ne date que du début des années quatre-vingt-dix.

Les collections d’entreprises sont arrivées en France comme un nouveau contre­poids théorique aux collections publiques, prédominantes. Le phénomène s’est développé et structuré en trente ans, mais demeure mineur en regard aux collections publiques. Cela s’explique par plusieurs de leurs caractéristiques, qui demandent à évoluer davantage. Leur problème majeur est leur fragilité due à leur dépendance, à la conjoncture des entreprises, tandis que les collections publiques sont inaliénables.

2000

ANTOINE Émilie, Les choix littéraires de l’Action française 1908-1914. Naissance d’une école de goût, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 269 p.

Dans le système de pensée de l’Action française, le fait littéraire occupe une place de choix : doctrine politique et réflexions esthétiques sont inséparables, à l’instar de l’œuvre de Charles Maurras. L’objet de notre recherche porte sur la période d’avant 1914 et tend à prouver l’influence décisive de la critique littéraire de l’Action française dans les milieux littéraires contemporains, notamment par le biais de la Revue critique des idées et des livres ; influence qui s’explique, à n’en pas douter, par la rigueur et par la précision des principes concourant à l’élaboration d’une esthétique néo-classique de la littérature. Cette esthétique, de par les nombreux esprits qu’elle séduit, rencontre une adhésion suffisamment large pour laisser présager, avec la faciliter de juger à postériori, la future hégémonie intellectuelle de l’Action française dans les années 1920.

Les principes de cette esthétique reposent avant tout sur le respect de règles classiques de l’écriture (style, composition, distinction des genres…). Leur application généralisée devrait permettre, dans l’esprit des critiques littéraires de l’Action française, d’enrayer définitivement la « décadence littéraire » héritée du XIXe siècle. Le respect de la tradition littéraire française est l’autre point fondamental sur lequel insistent sans relâche les critiques. Selon la méthode maurrassienne de l’« Empirisme organisateur », la critique ne conserve que les œuvres dignes d’appartenir à cette tradition, qui fut à l’origine de la gloire des lettres françaises au XVIIe siècle. Dans la mesure où, dans l’esprit de l’Action française, restauration littéraire et restauration sociale sont liées, il revient également au critique d’encourager, par des choix conformes à la « tradition psychologique » de la France, des valeurs morales et sociales traditionnelles. On aurait tort de croire que ces choix se résument à de simples considérations théoriques : dans l’esprit des critiques, il est indispensable d’allier la parole à l’action et, pour servir ce dessein, il n’est pas exclu de soulever l’agitation, voire de recourir à la violence.

ANTON Églantine, La presse clandestine féminine communiste, Maîtrise [Claire Andrieu], 2000, Univ. Paris 1 CHS, 150 p.

Les journaux clandestins féminins communistes s’inscrivent dans la continuité de la presse féminine communiste d’avant-guerre. Internationale communiste a incité tous les Partis communistes à créer une organisation pour les femmes : les Comités de travail communistes parmi les femmes, dont le but est la propagande dans les masses féminines : un secrétariat féminin et un organe de presse réservé aux femmes. Mais en entrant dans la clandestinité, quelques adaptations sont parfois nécessaires. L’élaboration des journaux féminins est le résultat d’échanges entre les sphères dirigeantes du Travail parmi les femmes et la base organisée dans des Comités populaires féminins. Les différents échelons sont structurés selon le système des triangles propre à l’organisation du PCF. La réalisation et la diffusion sont également adaptées aux conditions particulières qui régissent la France entre septembre 1940 et août 1944 (limites du corpus étudié). Le contenu thématique évolue aussi, la vie chère mobilise les femmes — de tout temps les gardiennes du foyer — mais les symptômes sont conjoncturels : le manque d’argent, le rationnement, les queues interminables, la dénonciation du marché noir. Ces journaux font l’éloge des qualités typiquement féminines et font appel au sentiment maternel. L’entraide est le créneau militant de la femme, elle est le défenseur des faibles et de tous les déshérités : enfants, vieillards, familles des victimes de la répression, emprisonnées, prisonniers. La presse clandestine féminine reprend la spécialisation, fait typique, de la presse communiste, elle espère ainsi sensibiliser ses lectrices qui se reconnaissent dans au moins une des trois catégories : la militante communiste (ouvrières, jeunes filles), la ménagère et la femme de prisonnier (mères ou filles). La nouveauté qu’annonce cette presse est le véritable engagement de la femme dans la vie de la nation. Elle est présentée comme une fervente patriote ce qui ne l’empêche pas d’être une sympathisante voire une militante communiste, La presse clandestine féminine communiste appelle les femmes à une action plus réelle : la lutte contre l’occupant et ses alliés. Ce combat est très ambigu, il se traduit par des manifestations, du soutien aux combattants et même de la lutte armée, contestée par la majorité des militants et dirigeants communistes. L’action de toutes ces femmes sera reconnue (droit de vote), mais ne changera pas immédiatement la place de la femme dans la société ni le regard du PCF sur elle.

ARISTIDE Franck, La départementalisation des Antilles : étapes et vécu, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 217 p.

L’étude des étapes de la départementalisation des Antilles a été analysée avec le souci de mettre en relief l’évolution de l’état d’esprit des hommes politiques et de la population. La méthode utilisée est concentrée sur l’étude des archives de l’Assemblée nationale et des conseils généraux (projets de lois, vœux, débats…), de la presse et sur la réalisation d’entretiens. La chronologie de la recherche va de 1820 à 1970, c’est-à-dire du début de la revendication assimilationniste au début de la remise en question de la loi dite d’Assimilation. Toutefois, il est important de préciser qu’en ce qui concerne la première période (1820-1946), notre étude n’a pas été continue. En effet, durant toute cette période, la question de la départementalisation des Antilles n’apparaît qu’à certains moments. Les deux périodes qui suivent (l’année 1946 et la période 1947-1970) sont, par contre, « hantées », tout au moins aux Antilles (et même un peu en Métropole), par cette question. Nous les avons donc étudiées de façon plus suivie. En outre, précisons que, si la départementalisation a concerné les quatre « vieilles colonies », Guadeloupe, Martinique, Réunion et Guyane française, nous avons consacré notre analyse aux Antilles (Guadeloupe et Martinique) et, plus particulièrement, à la Guadeloupe. Ce choix se justifie par le fait que les recherches ont été effectuées en France et en Guadeloupe où la majorité de la documentation visée ne concernait que ce département.

La question de la départementalisation peut se résumer de la sorte, du moins pour notre période d’étude :

•1630-1820 : la politique de la France tend vers l’assimilation des « vieilles colonies », mais la question ne se pose guère ; • 1820-1946 : la revendication assimilationniste devient de plus en plus importante dans les « vieilles colonies », dans toutes les strates de la population (d’abord chez la bourgeoisie de couleur, puis chez la population noire et enfin chez les békés ou colons), avec cependant des petites différences de vue entre les deux partis de l’époque. La France fuit la sourde oreille ; • 1946 : c’est le consensus général. La revendication est toujours présente dans les « vieilles colonies » et la France accepte enfin de donner satisfaction aux populations antillaises ; • 1947-1970 : de nombreuses réalisations et améliorations dans les DOM, mais aussi de nombreux problèmes posés par la départementalisation. C’est le début de la remise en question du statut de département français d’outre-mer.

AUZAS Vincent, La Mémoire de la Résistance chez les cheminots : construction et enjeux (septembre 1944-novembre 1948), Maîtrise [Jean-Louis Robert, Christian Chevandier], 2000, 182 p.

Entre septembre 1944 et décembre 1948, y a-t-il eu volonté de construction de la mémoire de la Résistance chez les cheminots et quels en étaient les enjeux ? Cette recherche a essentiellement été accomplie à partir de journaux issus du monde des cheminots : Notre Métier, La Tribune des Cheminots (CGT), Le Cheminot de France (CFTC), Le Rail syndicaliste (FO). À ces publications, soumises à un traitement informatique, se sont ajoutées des sources provenant de différents instituts de recherche : l’Institut d’histoire sociale de la Fédération Nationale des travailleurs du chemin de fer (CGT) ; le centre d’archives interconfédéral (CFTC)… Dans une première partie, il a été nécessaire de mettre en évidence trois démarches différentes apparaissant entre septembre 1944 et mars 1946. Puis, dans une seconde partie, il fallait se demander sous quelle forme a été matérialisée cette mémoire, avant juin 1947. Enfin le second semestre 1947 apportant un grand changement contextuel, qui est marqué notamment par une accentuation des tensions dans les relations sociales, il était donc intéressant de voir quelle avait été la place de la mémoire de la Résistance des cheminots au cœur des grèves de 1947, en distinguant celle de juin de celle de décembre. Puis se demander si ces conflits, ainsi que ce nouveau climat social, qui aboutit en novembre 1947 à l’exclusion des représentants de la CGT du Conseil d’Administration de la SNCF, n’ont pas apporté de modifications dans les approches de la mémoire de la Résistance chez les cheminots.

BEL Arnaud, Initiatives culturelles et problématique de l’intégration à Saint-Denis de 1989 à 1999, Maîtrise [Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 141 p.

À la fin des années 70, la politique française en matière d’intégration change. Il y a concomitance entre l’élaboration d’une politique d’intégration des immigrés et la montée du chômage et de l’exclusion qui résulte de la crise économique. Parallèlement, l’action culturelle en direction des immigrés se développe. Elle devient un outil de la politique d’intégration.

En raison de l’importance de la population étrangère à Saint-Denis, la politique d’intégration et les actions culturelles qui y sont menées ont valeur d’exemple. La municipalité dionysienne pratique une politique volontariste visant à résoudre les problèmes sociaux liés à l’intégration, dans des circonstances économiques particu­lièrement difficiles. Elle tente de réunir une certaine cohésion sociale sur les ruines de l’identité ouvrière de la « banlieue rouge ». La culture est un outil pour promouv­oir l’intégration à la vie de la cité. L’étude couvre la période 1989-1999. Elle vise à examiner, en prenant l’exemple de la politique culturelle, comment la municipalité de Saint-Denis s’attaque à la problématique de l’intégration pour en faire une poli­tique globale et, en même temps, spécifique à chaque quartier. Elle montre en quoi les initiatives « du terrain » se révèlent prédominantes dans l’élaboration de la politique culturelle face à l’essoufflement des solutions mises en œuvre au niveau natio­nal pour favoriser l’intégration. L’étude montre par ailleurs qu’il existe une spécificité de la politique d’intégration par la culture. La municipalité recourt systématique­ ment à l’outil culturel lorsque les circonstances (exemple : la période de la Coupe du Monde) sont favorables et lorsque les conditions matérielles existent. Il apparaît que la réussite d’une véritable politique d’intégration — qui ne se limite pas à la lutte contre l’exclusion — dépend de facteurs extérieurs et notamment de la situation économique générale ainsi que de la synergie des efforts au niveau local et national.

BÉTARD Daphné, Les expropriations dans la rue Geoffroy-l’Asnier (1940-1944), Maîtrise [Claire Andrieu, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 173 p.

En 1941, la Préfecture de la Seine a organisé une série d’expropriations dans la partie sud du quartier de Saint-Gervais, à Paris. Il s’agissait d’immeubles jugés plus ou moins insalubres appartenant à « l’îlot 16 » ; îlot défini selon des statistiques de décès par tuberculose et des notions hygiénistes du début du 20, siècle. La rue Geoffroy-l’Asnier nous a paru un objet particulièrement pénitent pour étudier les expropriations qui ont eu lieu dans l’îlot 16 sous Vichy. Il a été possible d’étudier en détail les relations entre les différents facteurs et acteurs des opérations d’expropriation. Ces opérations ont pu avoir lieu par le biais des nouvelles lois promulguées par le gouvernement de Vichy qui s’appuyaient sur la notion d’insalubrité générale et non plus sur l’insalubrité de chaque immeuble en particulier. Deux types de questions se posent dès lors qu’on aborde le thème des expropriations : celles qui se rapportent à l’expropriation proprement dite et celles qui concernent les conséquences des expropriations sur la population du quartier. La première phase de la procédure consistait à acquérir les immeubles. Ensuite, l’administration devait évincer (dépossédé juridiquement de leurs locaux) et indemniser les locataires de logements d’habitation et de locaux commerciaux. À travers l’étude des cas d’expropriation de la rue Geoffroy-l’Asnier, on se propose donc d’étudier comment la Préfecture de la Seine, grâce à la législation de Vichy, a pu exproprier des immeubles considérés comme globalement insalubres et comment les locataires de logements d’habitation et les com­merçants de la rue ont subi et vécu leur éviction en pleine période d’Occupation.

BOULLAND Paul, L’encadrement de la Fédération Communiste de Seine-Ouest (puis Hauts-de-Seine) de 1953 à 1968, Maîtrise [Claude Pennetier, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 317 p.+ 56 p. d’annexes.

Ce mémoire se propose d’étudier la direction de la fédération du Parti commu­niste français de la banlieue Ouest de Paris. Depuis la création de la fédération en 1953 jusqu’en 1968, nous avons cherché à analyser, sous des angles divers, le groupe des militants qui donnaient corps à cette équipe dirigeante. La structure du Comité fédéral se trouve en effet à l’intersection de deux problématiques au cœur de l’histoire et de l’analyse du PCF. Elle pose la question des mécanismes de la promotion au sein du Parti et, de façon plus générale, celle des pratiques politiques, militantes et sociales mises en jeu par celui-ci. Nous tentons de déterminer la composi­tion de ce groupe et comment celui-ci s’inscrit dans un environnement géographique, social et politique au cœur de la politique et du discours communistes.

Dans les années 50, on remarque l’évolution d’une équipe dirigeante en construction et, de façon générale, l’existence de certaines étapes importantes du renouvellement, comme l’année 1964, qui révèle les aménagements apportés à la direction fédérale à une date charnière de l’histoire du PCF. Du point de vue des individus, il est surtout intéressant de noter que le Comité fédéral était une structure composée de militants issus de divers horizons de l’organisation communiste. Nous avons tenté de les classer en différents types qui s’organisent selon les attributions du Comité fédéral, depuis les gestionnaires des organismes locaux jusqu’aux cadres supérieurs du Parti ou aux notables communistes.

Derrière l’unité des processus individuels de l’engagement militant, nous décelons les évolutions qui ont pu déterminer l’existence de plusieurs générations militantes. On peut en particulier s’attarder sur l’identification d’une génération originale, issue de la période de la Guerre d’Algérie. Cette distinction est à mettre en lien avec le renouvellement important de l’année 1964, qui marque son avènement. La question des femmes apparaît également décisive, notamment par ce qu’elle révèle du fonctionnement de l’organisation communiste. On voit en effet que le militantisme féminin restait marginal au sein du Parti communiste, du fait de l’incapacité à surmonter les contraintes sociales pesant sur les militantes. De son côté, la classe ouvrière représentait un élément d’unité essentiel, jusque dans la représentation d’autres catégories sociales. Marqué par le poids des ouvriers qualifiés, le groupe l’était aussi dans une certaine mesure par la distance prise avec les réalités de la condition ouvrière. Par les importantes responsabilités qui incombaient aux permanents, l’essentiel du travail politique et organisationnel était de fait pris en charge par des militants qui sortaient du cadre strict des réalités et de la sociabilité ouvrières, tandis que les mécanismes de la promotion façonnaient une identité sociale et politique propre aux militants. La structure fédérale participait activement à la cohésion de l’organisation communiste, notamment par son rôle auprès des organismes de base, et elle contribuait au travail en direction de l’ensemble de la population, par une pratique ancrée dans le territoire placé sous sa responsabilité.

La fédération Seine-Ouest apparaît de façon générale comme un espace privilégié de la pratique communiste. Les militants tentaient d’y créer une forme d’asso­ciation entre identité locale et identité communiste et ils contribuaient ainsi à la for­mation et à la pérennité du mythe de « la banlieue rouge ». À ce titre, la banlieue ouest était un espace placé en permanence sous le regard de la direction nationale. De façon générale, l’étude de la direction de la fédération Seine-Ouest permet de révéler certaines évolutions ou certains mécanismes décisifs du point de vue de l’ensemble du Parti communiste français. Les modifications apportées dans cette pério­de au corpus doctrinal autant qu’aux pratiques militantes, modifications traduites en termes de recrutement et de promotion, semblent ainsi montrer que la période de la fin des années 50 et des années 60 fut essentielle dans l’histoire du PCF.

CHARLIER Raphaële, Le minutier central des notaires de Paris, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 191 p.

Les archives notariales qui restituent avec authenticité les actes courants de périodes reculées de notre histoire présentent beaucoup d’intérêt pour l’historien. Elles constituent, entre autres, une des seules sources permettant de retracer l’histoi­re sociale et économique de notre pays avant le XVIIIe siècle. Nombre d’historiens, de biographes, de généalogistes font appel aux actes notariés pour effectuer leurs recherches relatives à la littérature, l’économie, le social, l’art, etc. Dès la fin du XIXe siècle, les sociétés savantes s’insurgent contre le manque de rigueur dont il est fait preuve dans la conservation des archives à la garde de chaque notaire. Elles soulignent cet intérêt historique qu’ont pour elles des archives quelquefois devenues sans intérêt juridique et pratique, dont les familles ignorent souvent l’existence, et qui constituent une charge pour le notaire qui, faute de moyens, de temps ou de bonne volonté, les laissent se dégrader au fond des caves et greniers de ses locaux.

Le 14 mars 1928, une loi vint couronner les efforts déployés depuis plusieurs années par l’archiviste Ernest Coyecque pour obtenir le dépôt des archives des notaires aux archives Nationales et départementales. En application directe de cette loi, l’inauguration officielle du Minutier Central des Notaires de Paris eut lieu le 28 mai 1932 à l’hôtel de Rohan, acquis cinq ans plus tôt par les Arcltives nationales. Les Archives de France, en charge directe du Minutier Central des Notaires de Paris, furent amenées, depuis son ouverture, à assumer les problèmes logistiques et matériels liés aux dépôts et à la conservation des archives des notaires. Cette prise en charge par des professionnels de l’archivistique permit alors de mettre à la disposition des chercheurs en tout genre des outils performants grâce à la méthodologie mise en place au fil des années pour gérer le fonds d’archives ainsi constitué. Le problème juridique alors soulevé par la communication de ses archives particulières demeura un frein à la recherche historique, car le développement du Minutier resta intimement lié au milieu très fermé du notariat, caractérisé par la Chambre des Notaires de Paris, institution extrêmement riche qui se retranchait derrière le secret professionnel pour éviter l’immixtion d’autres organismes dans son domaine réservé.

CONRAD Ludivine, La politique éditoriale des Éditions Denoël – 1928-1945, Maîtrise [Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 144 p.

Les Editions Denoël, fondées en 1929 par le jeune Belge Robert Denoël, après des débuts assez confidentiels marqués par l’édition d’ouvrages à compte d’auteur, connaissent très rapidement le succès avec des ouvrages tels que L’Hôtel du Nord d’Eugène Dabit. En quelques années seulement, marquées par des publications importantes comme celle du Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline en 1932 et par l’association avec l’Américain Bernard Steele, cette jeune maison d’édition parvient à faire partie du trio de tête de l’édition française, aux côtés des prestigieuses maisons Gallimard et Grasset, et à les concurrencer sur leur terrain même de prédilection, celui des prix littéraires.

Il s’est agi de montrer quels ont été les différents facteurs qui ont présidé à une telle réussite et leur évolution dans le temps, qu’il s’agisse dans les premières années de la mise en place d’une véritable structure éditoriale et de la constitution d’un cata­logue, ou par la suite de la diversification de ce dernier, en considérant les pratiques éditoriales mises en œuvre qui ont permis aux Éditions Denoël d’acquérir une place originale dans le champ de l’édition française pendant la période considérée, par une conciliation réussie entre capital économique et capital symbolique, édition littéraire et édition populaire, mais au prix d’accommodements plus ou moins marqués avec l’occupant de 1940 à 1944. Il a ainsi été possible de voir dans quelle mesure Robert Denoël a mené une politique éditoriale qu’on peut qualifier de cohérente malgré un catalogue de prime abord hétéroclite, par une stratégie placée sous le signe de l’anticonformisme et du jeu de l’antagonisme avec des maisons d’édition comme Gallimard, et marquée par une figure d’éditeur parvenant in fine à réconcilier le grand public et la critique, le sens des affaires et l’amour de l’art.

CRÉTOIS Anne, L’encadrement de la presse pour la jeunesse par la Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence (1955-1962), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 222 p. + 23 p. d’annexes

« Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse ». Telle est la mention mystérieuse que l’enfant découvre au dos de son journal ou de son livre. La formule est obligatoire. Elle atteste le contrôle d’une commission instituée par la loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse et installées au ministère de la Justice depuis 1950.

À la fin des années cinquante, cette commission bénéficie toujours de façon plus ou moins marquée du soutien des acteurs qui l’ont portée sur les fonts baptismaux : les autorités politiques et les éducateurs notamment.

Elle s’intéresse en particulier à la représentation de la violence dans les illustrés et à son influence réelle sur les enfants. Elle condamne aussi le racisme, la fausse science-fiction, la débauche et le mercantilisme. Prenant sa mission à cœur, elle déborde ses prérogatives et étend son contrôle aux médias récents, mais néanmoins dangereux : la radio et la télévision. Elle est encouragée dans cette voie par les éditeurs de presse enfantine las d’être seuls à être contrôlés aussi strictement.

Les éditeurs français, mais aussi étrangers doivent s’adapter aux exigences de la Commission. L’autocontrôle au sein d’associations, l’autocensure et la respectabilisation se développent alors. Mais les éditeurs commerciaux ne peuvent perdre de vue la nécessaire rentabilité de leur entreprise que la Commission néglige trop fréquemment. Celle-ci brandit la menace de sanctions judiciaires devant les récalcitrants. À partir de 1961, elle bénéficie d’une jurisprudence en la matière. Elle gagne en effet à cette date un procès contre Pierre Mouchot, seul éditeur de presse enfantine à avoir été condamnée. Mais elle constate aussi la longueur de l’affaire débutée en 1954 et ponctuée de nombreuses relaxes de l’accusé. Elle s’emploie donc à retrouver la persuasion tout en cherchant des sanctions extrajudiciaires.

À partir de 1962, une autre lutte s’annonce pour les commissaires. Ils sont alors les témoins amers de l’avènement d’une presse du cœur destinée aux adolescentes et surtout de l’explosion de la presse pour teenagers avec Salut les copains. Ces deux nouveaux types de revues n’obtiennent pas du tout leurs suffrages.

DARNON, Matthieu, La médiatisation de la délégation soviétique à travers les journalistes sportifs aux jeux olympiques, Maîtrise [Michel Dreyfus, Annie Fourcaut], Univ. Paris 1 CHS, 2000

DAVID Julia, La candidature de Daniel Cohn-Bendit aux élections européennes du 13 juin 1999 : retour d’un mythe français très médiatique, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 166 p.

Provoquant un véritable court-circuit temporel, le retour sur la scène politique française à l’occasion des élections européennes du 13 juin 1999 de l’ancien leader étudiant de Mai 68, Daniel Cohn-Bendit, ne va cesser de susciter le débat, d’agiter les cénacles journalistiques, de diviser les opinions. Grondements du sol et raz de ­marée, l’irruption de « Dany » engendre des remous médiatiques véritablement vol­caniques. Tel le phœnix de la fable renaissant de ses cendres, « l’anarchiste allemand » l’affirme : « Je suis venu boucler la boucle ». Les journalistes sont au rendez-vous et l’accueillent comme un véritable « Messie d’outre-Rhin ». Pour autant, par-delà l’intérêt évident, la petite musique médiatique est loin d’être monocorde et les journalistes semblent emportés dans un maelstrom des plus confus. Entre ceux qui y voient une occasion de nouveau monde et s’abîment dans la révérence, et ceux qui fustigent le retour des vieilleries soixante-huitardes repeintes aux couleurs du jour et posent Daniel Cohn-Bendit en parangon de la pensée unique, les orientations les plus diverses se manifestent. Fulgurances et ravissement, tensions et relâchements, la gamme des variations et des ambigüités se déclinent à l’infini. Mais toutes puisent, de la « Cohn-Benditomania » ardente au persifflage militant, dans le même arsenal imaginaire. Véritables rhapsodes modernes, tout à la fois déchiffreurs et ourdisseurs du mythe Cohn-Bendit, les médias feront preuve d’une maestria de conteurs. L’objet du mémoire est d’éclairer les arcanes de cette structure labyrinthique qu’est le monde des représentations et de comprendre comment s’opère la manipulation des ressources symboliques : quel rôle jouent les médias dans ce processus concret qu’est la cristallisation d’une mémoire collective, d’une « communauté imaginaire ».

DELPIROU Aurélien, Du Front de Seine au Parc André Citroën. Les conséquences spatiales de la rénovation urbaine dans le XVe arrondissement de Paris, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Mathieu Flonneau], 2000, 221 pages + 1 vol. d’annexe

Au sud-ouest de Paris, entre la tour Eiffel et le pont du Garigliano, la frange fluviale du XVe arrondissement s’est brutalement et radicalement transformée : le Front de Seine de Grenelle et l’aire Citroën à Javel ont été l’objet, à vingt années d’écart, de deux des plus importantes opérations de rénovation urbaine depuis les années soixante. Ce travail, fondé sur une approche essentiellement matérielle de la ville centrée autour de la notion de tissu urbain, s’attache à montrer dans quelle mesure cette rénovation modifie les structures de l’espace physique des quartiers. Il rappelle tout d’abord que les deux projets d’aménagement s’inscrivent dans un contexte urbain comparable. Les deux espaces initiaux appartiennent à la périphérie de la ville et présentent un parcellaire ancien occupé majoritairement par de vastes emprises industrielles et un tissu bâti peu dense et dégradé. Ensuite, il réinscrit les deux projets dans le cadre de la politique urbaine menée à Paris depuis 1945 par la préfecture et, après la progressive décentralisation de l’action urbaine, par la ville elle-même. Puis, ce travail met à plat le processus décisionnel de la rénovation et présente les mécanismes et les étapes de la phase opérationnelle des aménagements. Si la procédure de ZAC a en partie permis une démocratisation de l’urbanisme et un assouplissement des procédures, le déroulement des deux opérations est finalement très proche : définition d’un périmètre précis d’urbanisation, planification de l’aménagement par un document de référence (plan urbanisme de détail ou plan d’aménagement de zone), prise en charge des opérations par la même société d’économie mixte et, finalement, maîtrise de la collectivité publique. Ce travail achève par l’étude de détail consacrée au bilan spatial des deux rénovations et à celle du fonctionnement des espaces transformés. Au Front de Seine, l’application rigide de l’urbanisme de dalle et de la construction verticale a engendré la destruction du parcellaire préexistante et de la trame viaire, bouleversant l’organisation de l’espace de la ville. Le nouveau quartier, coupé de son environnement urbain, reste cependant attractif du fait d’une occupation et d’une localisation valorisantes. La ZAC Citroën, aménagée vingt ans après en réaction au Front de Seine, offre l’exemple d’un urbanisme fondé sur le respect des proportions, des lignes du paysage et de la continuité urbaine entre tissu ancien et tissu rénové. La difficulté d’appliquer ces principes à grande échelle a engendré un décalage entre les objectifs et le résultat. Aujourd’hui, la ZAC pêche par déficit d’urbanité et par une certaine artificialité. Finalement, l’approche historique de la rénovation urbaine permet de montrer la fragilité d’un espace urbain lorsque l’on veut effacer ses racines.

DENIAUD Emmanuel, Issy-les-Moulineaux, Malakoff, Meudon. L’action municipale en direction de la jeunesse 1955-1970. Naissance des politiques municipales d’éducation extra-scolaire au temps du « youth-boom », Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 414 p.

À la fin des années cinquante, en plein cœur de la croissance, la jeunesse, au sens le plus large, redevient une préoccupation politique. Les postes budgétaires des communes et les débats des conseils municipaux lui font de plus en plus la part belle. En 1970, l’action en direction de la jeunesse est devenue sous diverses formes un des axes majeurs de l’intervention des municipalités. Mais alors que l’école reste la chasse gardée de l’Éducation nationale, les mairies ont pu investir à loisir leurs compétences dans le domaine extra-scolaire. À tel point que l’on peut se demander si ce n’est pas au cours de cette période que sont nées les politiques municipales en direc­tion de la jeunesse.

Mais rechercher les traces d’une apparition des politiques municipales en direction de la jeunesse suppose de définir préalablement quelques critères permettant de valider leurs présences. D’autre part, s’il est à priori certain que les communes ont appréhendé différemment ce domaine, il faut se demander comment nécessité, autrement dit les circonstances, et la contingence, autrement du la volante politique, se sont partagées la responsabilité de l’émergence de ce nouvel axe de l’action des municipalités. Ceci nous conduit à nous interroger sur l’incidence de la couleur politique sur les choix municipaux concernant la jeunesse.

Avant même de prendre en considération l’action concrète des municipalités, c’est-à-dire la mise en pratique de leurs décisions, on constate, en analysant les origines de leur action, leurs discours ou les budgets qu’elles votent, qu’elles se distinguent nettement les unes des autres dans leur manière d’approcher les questions relatives à la jeunesse. Cette différenciation se retrouve lorsqu’on étudie plus finement les résultats de l’action de chacune. Des courbes d’évolution comparables se dessinent toutefois, tant en termes de quantité des actions que de qualité, même si ce res­serrement vers la similitude peut en partie être expliqué par la faiblesse des archives en ce qui concerne le contenu des actions. Ce qui est vrai pour la fin des années cinquante, qui est surtout une période d’amplification des actions plus que de renou­vèlement, l’est moins par la suite. En effet, l’intervention plus marquée d’autres acteurs ou la volonté de certains de réaffirmer leur primauté dans l’éducation de la jeunesse obligent les municipalités à mieux se démarquer, donc à plus expliciter leurs actions. Ainsi, à la fin des années soixante, les actions se sont diversifiées, d’autres sont nées, mais surtout, chacune est mieux définie qu’auparavant. C’est à cet instant, lorsqu’elles deviennent le fruit d’une réflexion voulue par les magistrats de la commune, que les actions municipales se démarquent les unes des autres et s’affirment ou non comme de véritables politiques municipales en direction de la jeunesse. On constate alors désabusé — s’il en est — que l’histoire est décidément bien conservatrice, puisque les décalages constatés à l’arrivée sont souvent les mêmes que ceux du départ…

DORE Delphine, Le personnel de l’Assistance publique pendant la Seconde Guerre mondiale, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 214 p.

En 1939, l’Assistance publique constitue la première institution hospitalière de France avec 34 948 lits occupés, répartis entre 69 établissements. Afin de remplir ses multiples missions et d’assurer le fonctionnement de ses différentes structures, elle rassemble environ 30 000 agents, répartis en cinq catégories : les médicaux, les administratifs, les soignants, les ouvriers et les techniques. Malgré la diversité de leurs fonctions, ils sont soumis dans leur ensemble aux mêmes exigences, formulées par la direction générale en matière de compétences et de discipline depuis le début de la laïcisation des hôpitaux dans les années 1880. Dans quelle proportion les événements de la Seconde Guerre mondiale modifient-ils cette description du personnel des Hôpitaux de Paris en 1939 ? Nos recherches ont eu pour but de retracer les principaux thèmes qui ont marqué l’histoire des agents pendant les années 1939-1944. Cependant, en parallèle à cette démarche, nous nous sommes demandé si nous pouvions parler d’une réelle spécificité à propos de la situation vécue par ce personnel pendant la Seconde Guerre mondiale. En d’autres termes, l’appartenance à cette institution, dont les deux principales missions sont de soigner et d’accueillir, confère-t-elle aux conditions de travail, aux conditions d’existence et à l’engagement des agents des Hôpitaux de Paris un caractère spécifique ? Les sources consultées aux Archives de l’AP-HP et à l’Union Syndicale de l’Assistance publique nous ont permis de dégager les différents enjeux qu’a pu représenter cette période pour la profession hospitalière, notamment en termes d’identité et de représentation.

DU LIEGE Morgane, Images et représentations des femmes dans la presse du Front national, 1984-1997, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 170 p.

Il existe non pas une, mais plusieurs images des femmes développées dans la presse du Front national, que ce soit à travers des journaux comme National Hebdo, des films de la société de production National Vidéo, ou des livres écrits par des militants. Les représentations reposent sur une symbolique très forte, à savoir, le rappel permanent de l’esprit patriotique incarné par Jeanne d’Arc, les origines de l’Homme avec la Vierge Marie, et la féminisation excessive de la France, terre de la Patrie et mère nourricière. Les femmes jouent un rôle concret très important dans l’évolution et la stratégie du parti, tant par le nombre croissant des militantes, ou le discours qu’elles développent et qui est celui de Jean-Marie Le Pen. Les femmes du Front national vivent le militantisme sur le terrain et ont acquis avec le Cercle national femmes d’Europe une certaine place au sein du parti. Sans pour autant se dire féministes, elles revendiquent une certaine reconnaissance de leur action et mettent en avant leurs qualités féminines comme atouts politiques. La vie familiale reste au premier plan et fait partie du programme du Front national. Mais, ayant conscience de l’évolution de la société, le parti a adapté son discours et, aujourd’hui, affiche un idéal féminin dynamique et volontaire, présent sut tous les fronts.

ELAMMOUNI lhsane, Le Rouge et le Bleu de Charles Spinasse, une expression du « socialisme » dans la collaboration (novembre 1941-août 1942), Maîtrise [Claire Andrieu, Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 439 p., + 87 p. d’annexes

L’hebdomadaire Le Rouge et le Bleu est publié en zone occupée, sous censure allemande, du 1er novembre 1941 au 22 août 1942. Le journal est fondé et dirigé par Charles Spinasse, un homme dont l’itinéraire politique est en partie lié à la crise de la SFIO des années trente. Cet ancien député et ministre socialiste (SFIO) du Front populaire, maire d’Egletons, rallié au maréchal Pétain dès le 18 juin 1940, présente son périodique comme la « revue de la pensée socialiste française », défendant une collaboration avec l’occupant « dans l’égalité des droits », et dans un esprit de fidélité à 1936. L’image la plus souvent associée au Rouge et le Bleu dans l’historiographie est celle d’un hebdomadaire relativement discret en matière de propagande pour l’occupant, tentant, dans la mesure du possible, de défendre l’héritage de la République et du Front populaire, et s’attirant ainsi de violentes attaques de la part des journaux autorisés appartenant pour la plupart à l’aile « droite » de la collaboration, avant d’être rapidement interdit par les autorités allemandes.

Cette recherche entreprend d’analyser les mécanismes contribuant à donner au journal de Charles Spinasse des allures de collaboration « convenable », et de cerner la spécificité du Rouge et le Bleu, au sein de la presse collaboratrice, en analysant la structure de l’objet « Le Rouge et le Bleu », le profil de l’équipe rédactionnelle, et l’évolution de la ligne éditoriale du journal, de novembre 1941 à l’été 1942. À cette date, Le Rouge et le Bleu exprime explicitement, par la voie de Charles Spinasse, et d’autres rédacteurs, son refus du modèle fasciste et nazi de parti unique, non sans avoir prôné, tout au long de sa période de publication, l’instauration d’une république autoritaire, animée par un grand parti populaire, et laissé transparaitre, sous la plume de certains rédacteurs, une forme d’attraction souterraine pour le fascisme et le nazisme. L’étude du Rouge et le Bleu, hebdomadaire « socialiste » autorisé, permet d’apporter des éléments de réflexion supplémentaires à la question des rapports existant entre collaboration de « gauche » et glissement, ou non, dans le fascisme, durant les deux premières années de l’occupation.

ESSOMBE Roger Magloire, La politique urbaine de la commune de Saint-Gratien (Val-d’Oise) de 1959 à 1977, Maîtrise [Annie Fourcaut, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 148 p., + 30 p. d’annexes

La présente étude a été menée dans une triple perspective : – l’analyse des ruptures et innovations ; – l’analyse des principales réalisations ; – l’analyse des nouvelles politiques urbaines.

Après une introduction historiographique relative à la banlieue et Saint-Gratien, à la politique d’aménagement et du logement de l’État, nous avons distingué trois étapes chronologiques d’inégales valeurs temporelles. Elles correspondent à la trame urbaine de la commune de Saint-Gratien.

De 1959 à 1962, une nouvelle équipe de gauche, vainqueur des municipales de mars 1959, met en place des conceptions urbanistiques qui faisaient défaut à la commune. Assainir et rénover le centre, urbaniser la périphérie, en construisant des logements sans pour autant rompre l’équilibre résidentiel de la commune. Les nouveaux textes favorisant l’établissement des plans et opérations de rénovations urbaines ont, été la base des principales orientations modernistes de la commune. De 1962 à 1973, en pleine expansion économique, l’urbanisation de la commune est caractérisée par la réalisation des grandes opérations urbaines : la rénovation dans ces deux premières tranches, où la priorité est donnée au logement social ; aux grands ensembles de Raguenets et des Marais s’opposent les ensembles pavillonnaires de la « Terreaux Clercs » et des « Dix Arpents ». En dix ans, la commune a connu une profonde mutation socio-démographique. Le grand ensemble des Raguenets est à l’origine de cette forte expansion, diversifiant ainsi sa structure sociale, ouvriers et employés venant s’ajouter à une population ou jusque-là dominaient les classes moyennes et aisées. De 1973 à 1977, cette période se distingue par de nouvelles politiques urbaines. Pour des raisons conjoncturelles (crise économique, désengagement progressif de l’État depuis 1970), la rénovation urbaine dans ses deux dernières tranches perd son caractère social et prend l’aspect sélectif. Un nouvel urbanisme à dimension humaine fait son apparition. La commune opte pour la politique del’environnement en associant la population à l’aménagement des espaces verts. Le P.O.S. ne fera que constater les principales réalisations de la commune.

Après avoir fait état de l’évolution des conceptions urbanistiques des conseillers, allant des solutions inspirées du mouvement moderne (destructrices pour le tissu urbain traditionnel du centre), à l’adoption d’un « nouvel urbanisme » qui fait une part essentielle à des préoccupations d’environnement, la conclusion insiste sur l’ori­ginalité de la politique écologique municipale. Celle-ci va au-delà du cadre de la consommation culturelle et place les habitants au centre des décisions. Ce mode par­ticulier d’approche de la ville souvent d’actualité, devrait s’imposer à tous.

FORTIER Bruno, Le genre gangster dans le cinéma français des années 1960, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 117 p.

Les années 1960 sont les témoins d’une mutation de la France, aussi bien politique que sociale et culturelle. Dans ce contexte de modification hexagonale, le cinéma opère, lui aussi, sa reconstruction dans une optique de profit rapide et de consommation de masse. En contrepartie d’un processus d’oubli d’un passé trouble et d’une actualité politique brûlante, les spectateurs (confortés par les pressions éta­tiques) se confinent dans une volonté générale de divertissement, dont le film de gangster est l’archétype. Issu d’une fascination, née de l’après-guerre, pour la culture américaine et, francisé par l’apport de la Série Noire, ce genre satisfait une majorité du public, par la standardisation de ses formes structurelles et des situations exposées. Levant le voile sur les mystères du crime, le truand est porté aux nues, autant par le rêve que son ascension sociale transmet, que par le respect inspiré par certaines valeurs propres à ce microcosme. Ainsi, ce genre ancré dans un présent criminel gratté de ses aspérités politiques semble confirmer l’état d’amnésie ambiante dans lequel la France s’est plongée.

Cependant, associé à une certaine forme de bonhommie du truand, ce genre propose une noirceur ambiante dont découle une idéologie inhérente aux auteurs et acteurs de ces films, qui propulse les gangsters dans un mépris, aussi bien des masses, que de son élite et de ses représentants. Elle implique également une tragédisation du malfrat, qui, à l’image des héros antiques, se voit condamné à ne jamais triompher. Par le rejet et l’irrévérence des gangsters pour les institutions étatiques, ce genre affirme la possibilité d’une évocation politique. Ainsi, bien que la notion d’intentionnalité de ses protagonistes ne puisse être formellement démontrée, ces films portent à l’écran les signes de conflits issus de la décolonisation et du passé obscur de l’Occupation. Si la guerre d’Indochine est posée comme formatrice de ces criminels, c’est à travers l’évocation de pratiques tortionnaires que ces films démystifient l’image du gangster résistant, mais aussi témoignent de la crise algérienne. Enfin, une réalité en entraînant une autre, par sa nécessité du cadre quotidien et sous l’impulsion d’une nouvelle génération de criminels, contigüe à un phénomène national, ces films, s’ils témoignent de la phase croissante de la banlieue comme cadre nouveau du crime, affirment l’inquiétude d’une société française face à une jeunesse, dont les codes, les modes et les aspirations sont en rupture avec l’ancienne école.

GALLI Frédérique, La revue Planète (1961-1968) : phénomène d’une génération, Maîtrise [Pascal Ory], 2000, 298 p.

L’objectif de ce travail est de restituer dans son contexte la formidable aventure humaine et intellectuelle, que constitue la revue Planète, afin de mieux comprendre les enjeux et les critiques d’une telle réalisation. Ce travail a été l’occasion de connaître la personnalité des deux fondateurs : Louis Pauwels et Jacques Bergier. Ils étaient différents, l’un littéraire, fou d’ésotérisme, l’autre un scientifique féru de science-fiction. Rien ne les destinait à se rencontrer et encore moins à s’entendre. Cependant Ieur collaboration s’avéra fructueuse puisqu’en 1960, ils publièrent Le matin de magiciens, un livre devenu best-seller et dont le succès est à l’origine de la création de Planète.

La revue d’un genre inclassable se distinguait à la fois par son contenu et son contenant. Planète, c’est avant tout un esthétisme particulier : un format carré et une mise en page originale. Il s’agit ensuite de décortiquer le périodique, et nous intéresser à son équipe. Planète fonctionnait grâce à une petite équipe, soudée et travailleuse. Bien gérés, ses bénéfices étaient réinvestis pour créer des activités complémentaires (conférences, ouvrages…). Planète était le centre de cette entreprise de presse. Le cœur de Planète était bien sûr son contenu, véritable mélange des genres : science, science-fiction, histoire, magie, extraterrestre… Parler de ce que les autres revues ne parlaient pas est la meilleure définition de Planète. La revue, mêlant des sujets sérieux et insolites, a suscité de vives critiques de nature et d’horizons très divers et l’acharnement de ses adversaires a sans doute contribué à son succès. Mais la revue s’arrêta brutalement après les événements de mai 1968 : les raisons restent floues.

GEOFFROY Charles, Emmanuel d’Astier de la Vigerie, Ministre de la Résistance (9 novembre 1943-9 septembre 1944), Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claire Andrieu], 2000, 158 p.

En raison d’un itinéraire politique très varié, l’action d’Emmanuel d’Astier de la Vigerie au gouvernement d’Alger a toujours été très discutée. Son compagnonnage de route avec le Parti communiste, après son départ du gouvernement de Charles de Gaulle et jusqu’à la fin des années cinquante, a amené des historiens et surtout d’anciens résistants, qui lui étaient déjà hostiles, à conclure que d’Astier marchait déjà avec les communistes durant cette période. Mais, d’un autre côté, ceux qui ont étudié les préparatifs puis la gestion de la Libération par le gouvernement de Gaulle ont bien montré que d’Astier a grandement participé à cet effort de restauration de la légalité républicaine. En s’appuyant sur une utilisation systématique des sources, puisées dans les archives privées d’Emmanuel d’Astier, on peut essayer de résoudre deux problèmes essentiels : d’Astier a-t-il été une sotte de « sous-marin » du Parti communiste lors de ces dernières années d’occupation ? Dans quelle mesure s’est-il rallié au général de Gaulle ?

La Résistance constitue, dans cette recherche, un élément central. C’est parce qu’il est attentif aux revendications d’une Résistance de plus en plus ancrée à gauche que certains l’accusèrent de compromission avec les communistes. Mais c’est parce qu’il est tenu à la rigueur gouvernementale qu’il est obligé d’en calmer l’ardeur. Derrière cet apparent dilemme, pour d’Astier, se dessinait la nécessité de l’unité de la Résistance. Une unité à la manière de De Gaulle, « accessoire » et idéalisée, mais avant tout nécessaire pour le Salut de la France. L’action de d’Astier s’inscrit tout entière dans l’exigeante ambition du Général : le redressement de la France en ces heures sombres de l’histoire nationale.

GIARD Florence, La représentation de la femme par les Guides de France (1968- 1983), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 226 p.

Les Guides de France, mouvement d’éducation féminin et catholique, voient le jour en 1923, en plein essor du fait associatif féminin. Attachées à leur indépendance vis-à-vis de leurs homologues masculins, les Scouts de France, elles mettent en place une pédagogie spécifiquement féminine. Notre étude, centrée sur les années 1970, met en lumière la façon dont le mouvement va devoir adapter sa propre représentation de la femme aux grandes évolutions politique, sociale et religieuse. En effet, les revues de l’association permettent de comprendre comment elle participe à la modernisation de l’image de la femme véhiculée par l’Église lors du Concile Vatican II. Celui-ci redonne un nouveau souffle au féminisme chrétien, qui conduit les Guides vers une réactualisation de leur conception du rapport des femmes à la religion. Ces nouvelles données vont avoir une influence sur l’ensemble de l’identi­té du mouvement et, en particulier, sur son éducation à la relation au corps et à la nature. Les Guides revendiquent également leur spécificité féminine et cette féminité les place au cœur des débats sur la condition féminine – débats qui se radicalisent à partir des armées 1970. Ne pouvant rester à l’écart de ces réflexions, elles les intègrent alors dans la construction d’une représentation de la place de la femme dans la société, qui leur est propre.

Scoutes, catholiques, citoyennes et femmes, l’identité des Guides de France est liée à ces caractéristiques fondamentales. Or, chacune de ces particularités place le mouvement sous l’influence de courants de pensée qui évoluent profondément dans les années 1970, et qui vont donc contribuer à la construction de son modèle représentatif féminin original. Au-delà des clichés donc le guidisme fait parfois l’objet, c’est une représentation et une éducation de la femme complexe, riche et parfois contradictoire qui ressort de cette étude.

ICHÉ Sandra, Histoire et enjeux d’un magazine francophone dans le Liban d’après­ guerre : L’Orient-Express (novembre 1995-février 1998), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 225 p.

La presse francophone libanaise au milieu des années quatre-vingt-dix se caractérisait par un vide concernant le message politique. L’Orient-Express a vu le jour sur une initiative publicitaire : le mensuel de L’Orient-Le Jour s’annonçait comme un nouveau magazine sans substance. Mais le choix de Samir Kassir comme rédacteur en chef est venu détourner le projet commercial. Composée majoritairement d’anciens expatriés, l’équipe de L’Orient-Express a opté pour une ligne éditoriale forte et une pratique corrosive de la langue française qui entendait bousculer une francophonie surannée et intéresser des Libanais, à priori réticents, à la langue des anciens mandataires. Au-delà de la formule réconciliatrice du « journal arabe en français », L’Orient-Express articulait des propositions visant une reconstruction nationale effective et durable.

La suspension du magazine, intervenue après la publication de 27 numéros, a été le fait d’une conjonction d’intérêts entre les deux sources de financement : la maison-mère d’une part, L’Orient-Le Jour, peu à même à soutenir un projet qui, par contraste, révélait son vieillissement, et le publicitaire d’autre part, Antoine Choueiri, pour lequel L’Orient-Express ne parvenait pas à séduire les annonceurs en pratiquant une liberté de ton suicidaire à leur égard.

L’histoire de L’Orient-Express est celle d’une tentative de presse marginale dans un Liban qui vit un après-guerre prolongé. Elle témoigne de la difficulté de faire entendre une voix orientée dans une société civile encore apathique et entretenue dans cet état par un personnel politique irresponsable et des décideurs financiers puissants.

JADÉ Mariannick, Regards communistes sur les arts plastiques de 1953 à 1956 à travers L’Humanité et Les Lettres françaises, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000.

Cette recherche a pour objet l’étude des regards communistes portés sur les arcs plastiques (architecture, sculpture et peinture) après le « réalisme socialiste », à travers la presse communiste, L’Humanité et Les Lettres françaises.

L’historiographie de la politique culturelle du Parti communiste français ne connaît guère que le phénomène du « réalisme socialiste » qui évolua de 1947 à 1953. Le mouvement artistique fut la preuve la plus flagrante d’un embrigadement des arts plastiques au service d’une propagande politique. Le présent mémoire se propose de démontrer qu’après 1953 et jusqu’en 1956 — l’année de toutes les ruptures — les communistes eurent sur les arts plastiques des regards nettement différents.

Dès 1953, le libéralisme s’installe au sein du PCF, favorisé par l’assouplissement momentané de la guerre froide. La politique culturelle s’assouplit également, mar­quée par Maurice Thorez, et par la personnalité énigmatique d’Aragon (directeur des Lettres françaises). Aragon établit les nouveaux fondements d’un « art de parti ». En 1956, malgré la crise du Parti, le XIIIe congrès dresse un bilan favorable de cette politique culturelle. Ces années définissent un nouveau « classicisme socialiste », d’une composition pour le moins hétéroclite et paradoxale, tant par la forme que par le contenu, où cohabitent des œuvres d’artistes communistes avec des œuvres d’artistes non-communistes.

La politique culturelle du Parti communiste français ne s’achève pas avec le « réalisme socialiste ». Après sa disgrâce, le Parti s’est attaché à construire une identité culturelle plus libérale et pérenne.

LACOMBE Arnaud, La Fédération CGT des Métaux et les immigrés pendant les Trente Glorieuses, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Pigenet], 2000, 143 p.

Ce mémoire s’attache à montrer comment la Fédération des Métaux a progressivement pris en compte les revendications particulières des immigrés pour aboutir à un système de travail qui prend véritablement son envol à partir du milieu des années 60. On ne négligera pas non plus la prise en compte de certains facteurs externes qui ont pu influencer l’action de la FTM : contexte économique et politique difficile des années 50, développement des courants migratoires au début des années 60. Cette étude commence par une description rapide des immigrés dans la métallurgie au cours de laquelle on voit quelques traits caractéristiques de la main-d’œuvre de ce secteur : succession de nationalités différentes, présence d’un groupe d’Algériens qui connaît une situation particulière au cours de la période, localisation géographique, répartition des immigrés dans deux branches essentielles que sont la sidérurgie et la construction automobile, syndicalisation inégale selon les entreprises…

Pour une fédération qui souhaite, à la Libération, s’adresser « du manœuvre à l’ingénieur », la question des immigrés, catégorie visible comme les femmes ou les jeunes, ne peut être négligée. État d’esprit d’autant affirmé que c’est également à partir de cette période que l’ensemble des acteurs économiques et sociaux s’accordent pour envisager une immigration massive dans les prochaines années. Mais le contexte économique agité des années 50 met entre parenthèses ce discours ambitieux. C’est au début des années 60 — qui voient un afflux massif des immigrés vers la France — que la FTM modifie son discours pour s’adresser à une population qui représente désormais un enjeu pour l’ensemble des revendications de la classe ouvrière française.

On étudie comment la Fédération a pu faire évoluer ses structures internes et, notamment, les tentatives pour intégrer les immigrés dans l’appareil fédéral ou bien encore pour influencer sur les décisions de syndicats parfois réticents à l’action en direction des immigrés ; également la mise en place, au milieu des années 60, d’un instrument essentiel qui est la commission fédérale de l’immigration laquelle révèle une des difficultés de cette étude. En effet, il apparaît que les archives disponibles sont incomplètes, spécialement en ce qui concerne « l’action interne » de la Fédération, l’élaboration du discours à travers les réunions des dirigeants fédéraux… Cette étude a donc été essentiellement fondée sur le traitement de l’immigration dans les organes officiels de la FTM : congrès fédéraux, presse fédérale… On a pu tout de même consulter certaines archives qui nous font entrevoir l’action directe de la Fédération.

LEBLANC Anne, Le personnel hospitalier féminin de l’hôpital Broca pendant l’Entre-deux-guerres, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Christian Chevandier], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 207 p.

Le personnel hospitalier féminin, comprenant tous les agents en contact avec les malades, de la fille de service à la surveillante, n’avait fait l’objet d’aucune étude précise. Son image demeurait soumise à certains stéréotypes issus de l’inconscient collectif. La Grande Guerre a permis de redorer l’image de ce personnel et la création du DE d’infirmière, en 1922, offrait la reconnaissance à cette profession oubliée. Grâce à la consultation, pendant la période de l’entre-deux-guerres, des registres du personnel de l’hôpital Broca, hôpital du XIIIe arrondissement de Paris, nous avons pu constituer une population de 547 agents. Cette étude a été complétée par la consultation de 136 dossiers administratifs du personnel. Toutes les données recensées ont été analysées systématiquement. Nous pouvions ainsi caractériser la composition géographique et sociale du personnel.

Originaires d’environ 70 % de communes provinciales, ces femmes cherchent, en grimpant les échelons de la hiérarchie hospitalière, à échapper à leur condition. Elles sont bien souvent dans des situations délicates et viennent principalement de régions où l’exode rural est important. Ces mobilités géographiques sont d’ailleurs souvent associées à des trajectoires de mobilité sociale ascendante intergénérationnelle. En effet, ayant des pères majoritairement ouvriers et agriculteurs, elles parviennent à entrer dans la fonction publique et épousent à près de 70 % un fonctionnaire. Les parisiennes sont issues de milieux ouvriers modestes. L’image d’un personnel voué au célibat semble désuète et la majorité de ces femmes n’hésitent plus à fonder une famille. La capitale leur offre de nouvelles perspectives d’avenir. On ne constate pas de changement radical du recrutement, mais certaines modifications, concernant notamment les parisiennes dont le nombre est en augmentation dès le début des années 1930, la crise favorisant un recrutement beaucoup plus local. Néanmoins, nous pouvons parler de stabilité dans la composition géographico­sociale du personnel.

LEGOULLON Gwenaëlle, La politique des cités d’urgence, 1954-1958, Maîtrise [Annie Fourcaut, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 250 p.+ 1 volume d’annexes

L’insurrection de la bonté de février 1954 remit sur le devant de la scène médiatique et politique l’idée de construire des cités d’urgence, rejetée un mois plus tôt par le Sénat. Confronté à une grave crise du logement, le Ministère de la Reconstruction et du Logement accepta donc cette proposition et commença à en organiser les différentes étapes dès la fin du mois de février. Mais ce projet, né dans la précipitation, était très ambigu : il s’agissait de loger au plus vite les sans-logis et les mal-logés les plus déshérités avant la fin de l’année 1954 afin d’éviter une nouvelle hécatombe. Cet aspect situait les cités d’urgence dans la lignée des constructions provisoires édifiées par le MRL depuis 1945 pour parer aux besoins les plus pressés en matière de logement. Toutefois, le ministère souhaitait également que ces « Logements Economiques de Première Nécessité » (LEPN) soient suffisamment solides pour accueillir des locataires pendant 50 ans, en attendant la réalisation de grands programmes de construction, qui venaient à peine d’être lancés. L’ambigüité du projet des cités d’urgence était la marque d’une époque de transition entre Reconstruction et Construction (de logements populaires) massive. Elle permet aussi d’expliquer en partie son échec. En effet, non seulement les 13 000 LEPN — dont la moitié se trouvait en région parisienne — furent construits très en retard (en un an au lieu des six mois prévus), mais la majorité d’entre eux se transforma très rapidement en taudis. Cette recherche a donc pour but d’essayer de comprendre cet échec, en retraçant l’histoire des cités d’urgence de l’insurrection de la bonté à leur rénovation nationale en 1956, grâce au dépouillement des archives du Ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement, ancien MRL. Ce mémoire a pour titre « la Politique des cités d’urgence » et non « les Cités d’urgence » parce qu’il s’est agi de reconstituer et d’évaluer, autant que faire se peut, un épisode, éphémère et totalement occulté, d’une certaine politique du logement du MRL.

LEGRIS Patricia, Les juifs ashkénazes du 20e arrondissement durant les années 1930. Lebn Vî Got in Frankraykh ?, Maîtrise [Michel Dreyfus, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 205 p.

La communauté immigrée juive du XXe arrondissement est marquée par la Yiddishkeit. Cet ensemble de valeurs constitué principalement de la religion et de l’emploi du yiddish marque son comportement avant et après l’exil. Persécutés par une politique de ségrégation en Europe orientale, beaucoup de juifs décident de fuir.

Ils empruntent des trajets plus ou moins longs pour arriver à Paris. N’ayant que peu de moyens, ils s’installent dans des quartiers populaires. Belleville devient durant l’entre-deux-guerres, outre un quartier populaire, un quartier dit « juif ». C’est un lieu marqué à gauche, mais où l’antisémitisme n’est pas absent. Ces immigrés y sont cloisonnés dans certaines catégories de métiers qui ressemblent à ceux pratiqués en Europe orientale.

Les juifs de France voient d’un mauvais œil cette arrivée massive de juifs aux traditions différentes des leurs. Craignant une poussée d’antisémitisme, voulant se démarquer de ces immigrés, les Israélites accueillent les immigrants froidement.

L’accueil est le même de la part des organisations de gauche et d’extrême gauche. La méfiance domine leurs décisions par rapport aux étrangers. La xénophobie est présente dans les comportements de la population française. Les immigrés juifs organisent alors seuls leur installation dans le 20e arrondissement. La solidarité y est grande bien que la majorité d’entre eux mènent une vie misérable. Ils sont logés dans de petits appartements situés dans l’îlot insalubre n° 7.

La communauté juive du XXe arrondissement est marquée par la religion sans être traditionaliste. Une partie de ces immigrés s’engage dans des organisations d’extrême gauche. La deuxième génération, celle des enfants, se fond au sein de la société française grâce à l’école, aux patronages, aux organisations engagées. Tous ces immigrés ressentent une profonde admiration à l’égard de leur pays d’accueil. Les gestes symboliques envers la France ne manquent pas : le français devient la langue de communication, les enfants portent des prénoms « français » et certains s’engagent lors de la Seconde Guerre mondiale aux côtés des Français ou des Résistants.

LESLOUS Katia, L’application de la législation antimaçonnique dans le monde enseignant, 1940-1941, Maîtrise [Claire Andrieu, Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 190 p. + annexes

Le régime de Vichy mène une politique discriminatoire et répressive à l’encontre d’un grand nombre de Français. La franc-maçonnerie n’échappe pas à cette entreprise scélérate de « purification nationale » et est d’autant plus conspuée qu’elle compte parmi ses membres de nombreux enseignants à qui l’on reproche la défaite française. Notre mémoire a pour objectif d’étudier l’impact sur le monde enseignant de la législation antimaçonnique, instaurée par Vichy, et tente d’élucider quelques points : • Pourquoi et comment ces lois sont-elles instituées et quelles en sont les conséquences sur les enseignants ? • Quelles réactions ont-elles suscitées dans l’opinion publique ? • Comment des enseignants, victimes de l’exclusion se sont-ils reconvertis, et ont pu progressivement être réintégrés dans la fonction publique ?

La lucre contre l’enseignant maçon s’analyse en trois étapes : • d’abord celle de l’installation du régime avec ses premières mesures antimaçonniques, dont le point d’orgue se trouve être la loi du 13 août 1940, qui interdit les associations secrètes et oblige les fonctionnaires à souscrire une déclaration d’appartenance ou de non­-appartenance à la franc-maçonnerie ; • la seconde période débutant à partir de l’été 1941 marque le durcissement du régime et l’intensification des exactions à l’encontre des francs-maçons. La loi du 11 août 1941 attaque directement les francs-maçons en tant qu’individu, en les livrant à la vindicte publique par la publication de leur nom au Journal officiel. Des milliers d’enseignants maçons sont révoqués. Beaucoup d’entre eux qui avaient rédigé une fausse déclaration sont déférés devant les tribunaux. Cette chasse aux sorcières provoque une vive émotion dans l’opinion publique obligeant le gouvernement à rebrousser chemin par la création d’une Commission chargée de délivrer des dérogations aux victimes de cette purge administrative. Mais, la pratique montre qu’aucune dérogation n’est, durant cette période, accordée par cette Commission qui n’est qu’un artifice destiné à calmer les esprits. Les enseignants maçons, évincés de la Fonction publique, vivent dans des conditions extrêmement précaires. Certains se reconvertissent dans l’agriculture, l’artisanat, le commerce, etc. D’autres continuent d’enseigner soit en donnant des leçons particulières soit en étant engagés dans des établissements d’enseignement privé ; • la troisième phase, caractérisée par le retour de Laval au pouvoir, montre une relative atténuation de la politique autoritaire de Vichy. La « révolution nationale » s’enlisant quelque peu, le gouvernement opte pour un changement de tactique à l’encontre des enseignants et déploie tout un panel de mesures qui se veulent apaisantes. Deux mesures législatives freinent la répression : la loi du 21 juin 1942 qui confie au chef du gouvernement toutes les questions relatives aux sociétés secrètes et la loi du 19 août 1942, qui place sous l’autorité de Laval la Commission spéciale des sociétés secrètes. Malgré les difficultés inhérentes à la lutte opposant les partisans d’une modération des sanctions frappant les maçons (Laval et ses fidèles) et les réfractaires acharnés que sont, entre autres, l’amiral Platon et Pétain. En général, les Inspecteurs d’Académie œuvrent en vue de faciliter les réintégrations des enseignants démissionnés d’office, contrairement aux préfets qui s’opposent fermement à l’application de ces mesures. Afin d’amplifier la proportion d’agents réintégrés, Laval met en place un système de réintégrations soit à titre définitif, soit à titre conditionnel pour une période de deux ans. Beaucoup d’enseignants ne retourneront dans leur classe, qu’après la Libération, au moment des réintégrations massives.

LIEGE Morgane, Images et représentations des femmes dans la presse du Front national (1984-1997), Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000

LIERVILLE Anne-Lise, La représentation de Dreux et son traitement médiatique de 1983 à 1993 à travers trois titres de la presse quotidienne nationale : Libération, l’Humanité, Le Figaro, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Claude Pennetier], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 209 p.

Septembre 1983 : Dreux, ville moyenne de la région centre, focalise l’attention de la presse des médias et du monde politique. La ville est en effet le théâtre d’une lutte électorale particulière. Le Front national, un parti aux scores jusque-là confidentiels, mais à l’idéologie clairement délimitée participe à la joute politique. Entre les deux tours se noue une alliance entre les partis de droite traditionnelle et le FN, face à une gauche en perte de vitesse. L’accord droite/extrême droit défraye la chronique. L’enjeu local prend une dimension nationale. « L’affaire » de Dreux est constituée. Elle s’achève sur la victoire sans appel de la coalition droite/extrême-droite au deuxième tour (55,33 %) sur la liste d’union de la Gauche. Pour beaucoup, le FN et l’extrême droite signent là leur sortie du désert. Dreux est promue au rang de ville laboratoire du FN. À cette image se juxtapose celle d’une ville symbole des questions liées à l’immigration. Un thème qui, depuis les élections générales de mars 1983, agite la classe politique et médiatique.

Si Dreux devient une cible médiatique pendant les partielles de septembre 1983, elle a effectué ses premiers pas dans le monde médiatique aux élections générales de mars de la même année. Là, déjà, le FN faisait partie intégrante du paysage politique local. Mieux, ce parti avait été, dès le premier tour, intégré au sein d’une liste de droite modérée. Et pourtant, cet accord électoral entre le RPR et le FN ne suscite pas alors de réelles prises de position. Au second tour, c’est alors l’UDF qui rejoint la liste commune droite/extrême droit. L’objectif de l’opposition municipale est clair : renverser le maire sortant, Françoise Gaspard, socialiste, brillamment élue lors des municipales de 1977. Cet objectif n’est pas atteint puisque le maire sortant est reconduit dans ces fonctions, malgré un scrutin très serré. Le scrutin enfin est annulé sur décision de justice. La ville s’offre un troisième tour de scrutin.

La presse, les politiques, sans ignorer les termes de l’accord de mars, n’y accordent qu’une importance relative. En septembre, l’affaire de Dreux devient une ligne de clivage au sein de la presse et du monde politique.

La représentation de Dreux dans la presse se situant au carrefour du social et du politique, nous avons porté une attention particulière au contexte dans lequel l’image de la ville s’élaborait. En outre, nous avons tenté de mettre en perspective le traitement médiatique de Dreux sur une période de dix ans. Les élections de mars 1983, les partielles de septembre, le décès, en novembre 1988, de Jean-Pierre Stirbois, principal acteur des alliances de 1983 et numéro deux du FN, et enfin les élections législatives de mars 1993, constituent les quatre jalons de notre étude. Les élections de 1993 — ultime étape de notre analyse — voient un renversement d’alliance. Le Front national, en la personne de Marie-France Stirbois (l’épouse et successeur du leader décédé), est devenu indésirable et se heurte à un « Front républicain » entre la gauche (en partie) et la droite.

Dreux a effectué sa percée médiatique au moment où le débat se polarise autour des questions liées à l’immigration et l’insécurité. Ces deux thèmes voient leur trai­tement médiatique et politique évoluer dans la période qui nous intéresse. De même, le rapport de forces sur la scène politique se modifie considérablement, et l’entrée et la consolidation du FN pendant ces dix ans ne sont pas étrangères à ces mutations. L’examen de la construction d’un objet médiatique (ici, la représentation de Dreux), l’évolution de son traitement à travers dix ans de vie politique constituent le fondement de notre analyse.

MARTINAZZO Estelle, Les intellectuels de gauche et le Parti socialiste SFIO de 1944 à 1954, Maîtrise [Pascal Ory, Gilles Morin], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 168 p.

1944 ouvre une nouvelle ère, celle de l’engagement politique des intellectuels.

Plus qu’un point de départ, la période est l’aboutissement de la situation durant l’entre-deux-guerres, tournant majeur de l’histoire des clercs. Il est néanmoins une grande différence : ce sont dès lors les intellectuels de gauche qui dominent les débats, s’exprimant au travers de multiples revues. Le journalisme apparaît ainsi comme l’un des meilleurs moyens de s’engager, c’est pourquoi nous avons retenu la presse de gauche comme source principale de cette étude. Sur la scène politique, l’hégémonie du Parti communiste est incontestable : les intellectuels y adhèrent massivement après la guerre. La SFIO et ses dirigeants sont donc en constante concurrence avec les communistes. Cette animosité certaine ne fait que s’accentuer sur toute la période. On connaît mieux la manière dont les intellectuels se sont exprimés au sein du PCF à cette période ; l’attitude des intellectuels de gauche vis-à-vis de la SFIO est moins connue, tant d’un point de vue politique que concernant la doctrine. Les rapports de l’intellectuel à la politique sont ambigus. En témoignent les rapports au Parti socialiste. L’histoire de la période fait apparaître des ruptures successives, que l’on peut expliquer comme une désolidarisation des intellectuels vis-à-vis du Parti.

 Si jusqu’en 1954 la SFIO ne peut rivaliser avec le Parti communiste pour les intellectuels qu’elle a attirés, il ne faut pas se méprendre en affirmant qu’ils n’existent pas en son sein. La difficulté de cette étude est de comprendre ce que représente l’intellectuel socialiste : peut-on le définir comme l’intellectuel communiste ? Par bien des aspects, il apparaît que l’intellectuel socialiste — membre du Patti ou très proche de ce dernier — se définit lui-même par opposition à l’intellectuel communiste.

Pour ce qui est des destins individuels, six parcours permettant de définir un intellectuel socialiste ont été choisis. Paul Rivet, Pierre Rimbert et Jean Rous peuvent être qualifiés de « dissidents », car ils affirment leur mécontentement lorsqu’ils le jugent nécessaire, ce qui vaut à Paul Rivet de rompre avec la SFIO en 1948 par exemple. Enfin, trois autres intellectuels apparaissent comme très liés au Parti sur ces dix armées d’étude, André Philip, qui est aussi un homme d’État, Jean Texcier le fidèle militant et enfin Charles-André Julien, l’historien. Ce dernier est la preuve avec Ernest Labrousse, Odette Merlat et d’autres, de l’importance des universitaires et plus précisément des historiens dans le mouvement. Ce qui nous permet d’affirmer que le rôle du clerc au sein de la SFIO est très lié à celui de l’éducation politique des militants.

MASURE Ophélie, La participation musulmane au syndicalisme chrétien d’Algérie, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Franck Georgi], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 260 p.

En mai 1945, à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), comme dans toutes les organisations syndicales françaises, après leur dissolution par décret du 16 août 1940, le temps est à la reconstruction. La relance de l’activité de la CFTC est marquée par l’espoir de voir émerger un syndicalisme chrétien de masse qui implique une ouverture aux autres confessions religieuses. C’est dans la continuité du mouvement né en métropole que l’Union régionale de la CFTC, fondée dans les années 1920 par Alexandre Chauler, trouve un nouvel élan dynamique en terre d’Islam. Dans un pays où le rapport démographique est d’un Européen pour huit musulmans et où les valeurs chrétiennes ne touchent directement qu’une infime partie de la population, les dirigeants algériens prennent conscience, dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de la nécessité de la participation musulmane au syndicalisme chrétien. L’Union algérienne devient pour la CFTC un « terrain d’essai » de la cohabitation des confessions religieuses sur la base des principes de la « morale sociale chrétienne ». Mais l’ouverture du recrutement promet d’être difficile dans un pays faiblement industrialisé et syndicalisé et où l’analphabétisme demeure obstacle de premier ordre ; elle nécessite de la part des dirigeants chrétiens un ajustement du cadre de formation et des formes de propagande. Progressivement, la présence de musulmans à la CFTC d’Algérie se fut de plus en plus importante et pose un problème d’orientation idéologique au moment où, en métropole, une crise idéologique divise majoritaires attachés à une conception traditionnelle du syndicalisme chrétien et minoritaires favorables à une évolution vers un syndicalisme plus représentatif de l’ensemble des travailleurs. Au milieu des années 1950, à la crise idéologique s’ajoutent les problèmes issus de la guerre d’Algérie ; la présence de musulmans impose alors à la CFTC d’Algérie d’adopter des positions nuancées sur les événements qui prennent en compte autant les intérêts des Européens que ceux des musulmans. Mais les passions s’élèvent et la division communautaire pénètre la Centrale autour de la question du maintien ou non d’une Algérie française. Malgré l’échec global de la construction d’une « union fraternelle » des communautés algériennes, quelques dirigeants européens « convertis » à l’idée d’une évolution vers l’indépendance tentent d’assurer l’avenir de l’esprit syndical chrétien en terre d’Islam par la défense des travailleurs musulmans. Dissoute après l’indépendance, la CFTC parvient pourtant à léguer à l’Algérie nouvelle le modèle d’une action syndicale et revendicative orientée dans l’intérêt de tous les travailleurs assurée par la lutte conjointe de quelques dirigeants, militants et adhérents, européens et musulmans réunis.

MINKOWSKI Simon, 1946-1978, La presse italienne, questions juives et mémoires divergentes. (rencontre entre mémoire officielle collective et mémoires plurielles privées), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 221 p.

L’étude propose de porter un regard ciblé et à la fois élargi sur la presse quotidienne italienne (à travers six titres quotidiens, L’Avanti, Il Corriere della sera, Il Messaggero, L’Osservatore Romano, La Stampa et L’Unità, pour tenter de souligner le rapport évolutif entre information, mémoire collective et émergence-reconnaissance d’une mémoire juive italienne.

Avant toute recherche effective, il fallait s’interroger dans un premier temps, sur la démarche choisie de dépouiller la presse et les rapports bien précis et spécifiques du couple Histoire-Mémoire. La lecture des titres quotidiens allait donc se faire suivant une grille soulignant et renforçant le poids des dates commémoratives à fortes valeurs émotives, historiques, mnémoniques… Il fallait respecter la séparation qualitative, symbolique et scientifique entre histoire et mémoire, limite rendue parfois floue compte tenu de la proximité chronologique des faits historiques avec l’actualité quotidienne de la République italienne.

L’Italie à travers l’étude de la presse quotidienne montre une attitude spécifique à la péninsule, évolutive, mais véritablement marquée par des comportements contradictoires, opposés et violents. On voit ainsi, juste après la Seconde Guerre mondiale, se construire une mémoire officielle parallèle à la vérité historique, refusant de reconnaître et donc d’accueillir certaines mémoires, comme la mémoire juive.

De façon très progressive, sans être continue (marquée par des retours en arrière, des silences imposés…), la mémoire historique en constitution tente de modifier localement la mémoire officielle et collective, de la rapprocher de façon responsable de l’histoire nationale italienne, que cette dernière peine et refuse d’admettre dans sa totalité, dans sa réalité historique. L’évocation de la Shoah et surtout des responsabilités nationales italiennes dans la participation et la réalisation du génocide juif demeure timide, refoulée encore en 1978, marquant l’échec de la presse quotidienne italienne dans son devoir d’information.

Enfin, l’étude a été orientée sur les causes de cette exception italienne et les conséquences de cette vulgate historique, également sur les carences de la mémoi­re collective à travers l’Italie contemporaine, pour arriver, en 1988, à l’émergence d’un véritable débat national, et remarquer la résurgence parallèle de vieux fantômes à travers des comportements ouvertement amnésiques et antisémites d’une Italie qui peine à faire face à son Histoire nationale, et qui paie le prix d’un cin­quantenaire d’oublis, de silences et de trous noirs du discours officiel et de la mémoire collective.

MOISANT Xavier, Pierre Lefranc. Une vestale du gaullisme, Maîtrise [Pascal Ory], 2000, 163 p.

Après une mise au point sur la question historiographique, sur la biographie historique, j’ai établi dans une première partie chronologique le récit de la vie de Pierre Lefranc. Sa vie s’articule autour de son engagement auprès du général de Gaulle à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il a participé au gaullisme politique de la création du R.P.F. au référendum de 1969 sans jamais avoir de démarche élective. Il a été un des « barons » du gaullisme, ce terme générique du gaullisme qui s’appliquait à l’origine à sept personnes. Ensuite il a créé l’Institut Charles de Gaulle à la demande de Charles de Gaulle et l’a animé jusqu’au début des années 1990. Il a aussi écrit de nombreux livres sur le général de Gaulle, de multiples tribunes sur des sujets politiques, prenant la stature d’un intellectuel du gaullisme, d’une vestale veillant sur le feu sacré ce qui l’a marginalisé par rapport aux autres « barons » investis dans le gaullisme politique.

Pierre Lefranc a défini à plusieurs reprises les trois thèmes qui fondent le gaullisme : l’indépendance nationale, la souveraineté de l’exécutif et la dignité de l’homme. Dans cette seconde partie, j’ai mené une étude comparative de différents écrits de Pierre Lefranc sur ces thèmes. Les différentes approches du gaullisme m’ont permis une comparaison riche avec les idées de Pierre Lefranc.

Auteur prolixe sur le gaullisme à titre personnel, Pierre Lefranc a aussi joué un rôle dans la production de l’Institut Charles de Gaulle. J’ai d’abord étudié certains mythes gaullistes mis en avant par Pierre Lefranc au regard de l’histoire. Les autres « barons » ont aussi écrit sur le général de Gaulle et sur le gaullisme et j’ai établi une brève histoire de la « baronnie » gaullienne. J’ai comparé leurs écrits à ceux de Pierre Lefranc. J’ai comparé les attitudes différentes des « barons » concernant la gestion de l’héritage gaullien, écrivant ou pas sur le général de Gaulle. J’ai ainsi défini certains thèmes récurrents et certaines figures de style (effets Iyriques, hyperbole) qui contribuent à la création d’une mythologie autour de la personne et de l’œuvre du général de Gaulle. Enfin j’ai étudié le rôle plus spécifique de la revue Espoir dans l’œuvre de Pierre Lefranc et le positionnement de l’Institut et de la Fondation Charles de Gaulle envers la politique.

MONTIGNY Vincent, Marcel L’Herbier et la TV. Une tentative de médiation, 1952- 1961, Maîtrise [Pascal Ory, Marie-Françoise Lévy], 2000, 278 p.

Marcel L’Herbier — cinéaste, théoricien du cinéma et mélomane connu pour ses réalisations « impressionnistes » et ses initiatives en faveur de la profession cinématographique (fondateur de L’IDHEC en décembre 1943) — poursuit, à partir de 1951-1952, sa carrière à la Radio Télévision Française. L’étude de cette entreprise permet d’éclairer la dernière partie de la vie professionnelle d’un pionnier du cinéma qui, côtoyant ceux de la télévision, tente de trouver une nouvelle fraîcheur et un renouvellement esthétique. Durant presque dix ans, Marcel L’Herbier est le dépositaire d’une cinéphilie à la télévision. Par ailleurs, l’implication totale de ce personnage, ô combien atypique au sein d’une télévision en plein développement, permet d’apprécier la constitution de cette dernière, les interrogations qu’elle suscite ainsi que ses relations avec le cinéma.

La collaboration de L’Herbier à la télévision, à l’heure où l’on oppose ces deux techniques déjà concurrentes, vise à leur réunion et s’applique à définir les spécificités de cette dernière. Par voie de presse, Marcel L’Herbier s’attelle donc à la caracté­risation de ce cinéma total qui est aussi un cinéma de lecture et qui doit, selon lui, aboutir à une nouvelle esthétique cinématographique ainsi qu’à une nouvelle économie du cinéma français. Ce faisant, il lance trois cycles de cinémathèque à la télévision ; des émissions-concours durant lesquelles sont présentés des réalisateurs et de grands films de cinéma. Aux téléspectateurs de distinguer ceux qui leur ont paru les meilleurs sur le petit écran. Ces émissions consacrées aux réalisateurs, aux scénaristes et aux compositeurs de musique de film installent L’Herbier à la télévision alors qu’il réalise en direct, fin 1953, Adrienne Mesurat d’après Julien Green, son dernier projet cinématographique. Cette dramatique télévisée précède quatre autres mises en scène, avec la compagnie Renaud-Barrault, Jean Poiret et Michel Serrault notamment. De fin 1954 à fin 1956, ses séries sont plus documentaires. En 1956-1957, il lance Cinéma en Liberté, une émission d’analyse filmique. Rencontrant des difficultés administratives, il revient à des séries de type magazine telles que Héros Imaginaires et surtout Signes de Vies. À partir de l’été 1959, Marcel L’Herbier s’attache définitivement au cinéma en organisant à chaque saison estivale, et ce jusqu’en 1961, un « critérium » consacré au jeune cinéma, au film fantastique et au cinéma d’amateur. 1960 et 1961 sont également les années de sa dernière série Télé-Ciné-Club, émis­sion consacrée aux genres cinématographiques et à l’étude de grands cinéastes. Sa collaboration avec la télévision s’achève brusquement en octobre 1961 sur ordre de la direction générale de la RTF : on lui reproche d’avoir diffusé un extrait jugé licencieux d’un film de Claude Autant-Lara : Le Blé en Herbe. Simultanément, entre mars 1958 et mai 1961, L’Herbier accompagne sa démarche d’une action administrative en étant nommé au comité de Programme de Télévision. Il va très énergiquement essayer d’en optimiser le fonctionnement et de veiller au respect de ses attributions, notamment sur la question de la programmation des films du commerce.

PAOLACCI Claire, Henri Collet, Témoin de son temps, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 1999-2000, 274 p.

Henri Collet (1885-1951) est principalement connu, dans le milieu musical français, pour avoir nommé le Groupe des Six (Georges Auric, Louis Durey, Atrhur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc, Germaine Tailleferre) dans deux articles de Comoedia parus les 16 et 23 janvier 1920.

Nous avons voulu montrer que la carrière d’Henri Collet ne se résumait pas à ces deux critiques. Son influence fut importante dans le monde musical à partir des années 1920. Agrégé d’espagnol, Henri Collet est un musicologue spécialisé dans la musique espagnole, un critique musical et un compositeur inspiré par la Castille. Nous avons établi une biographie chronologique de ses premières années de formations scolaire et musicale. Nous nous sommes ensuite attachés à quelques personnalités françaises et espagnoles qui ont influencé Henri Collet pour élaborer son esthétique musicale. En France, le compositeur languedocien Déodat de Séverac, le poète mystique catholique Francis Jammes et le compositeur pyrénéen Gabriel Fauré ont aidé Henri Collet à se forger une esthétique latine française. En Espagne, Henri Collet suit les conseils du moine musicien Don Federico Olmeda et du compositeur érudit Felipe Pedrell, tous deux considérés comme les « précurseurs » du renouveau de la musique espagnole du XXe siècle. C’est auprès d’eux qu’il approfondit sa connaissance de la musique et qu’il se spécialise dans la musique espagnole du XVIe siècle. Après sa réussite à l’agrégation d’espagnol en 1909, il présente, en 1913, une thèse, préparée à l’institut hispanique de Madrid, sur le mysticisme espagnol au XVIe siècle. Toute sa vie, Henri Collet mènera parallèlement à sa carrière musicale celle de professeur d’espagnol en lycée.

Nous nous sommes ensuite intéressés à Henri Collet, compositeur. Ses œuvres inspirées principalement par la Castille, région espagnole qu’il aime beaucoup et qu’il a parcourue avec son maître Federico Olmeda et le compositeur français hispanisant Raoul Lapana, s’inscrivent dans une esthétique française. Cet attachement à la France, que nous percevons dans l’œuvre compositionnelle d’Henri Collet, est confirmé par l’étude de ses critiques musicales parues dans la rubrique La Musique chez soi, entre le 2 octobre 1919 et le 4 septembre 1922 dans le quotidien Comoedia. Il s’efforce de défendre la musique contemporaine française face à l’invasion de la musique allemande, qu’il proscrit dans un premier temps par devoir et non par goût, qu’il réhabilite ensuite, ayant trouvé des compositeurs capables défendre la modernité française. Avec l’accord tacite de Jean Cocteau qui les parraine, il nomme les Nouveaux Jeunes le « Groupe des Six », dont le chef de file implicite est Erik Satie.

La diversité de ses travaux et sa profonde connaissance de la musique espagnole font d’Henri Collet un musicologue qui aujourd’hui encore fait autorité.

PATRAULT Marie-Laure, La résistance dans le XXe arrondissement, 1940-1944, Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 162 p.

Situé à l’est de Paris, cet arrondissement a été annexé à la capitale par décret haussmannien en 1860. En 1940, le XXe est un quartier populaire traditionnellement de gauche et à forte proportion d’immigrés. Ses habitants sont majoritairement ouvriers ou artisans.

L’étude réalisée à partir d’un échantillon de résistants ayant un lien avec l’arrondissement permet de constater une mobilisation de jeunes aux côtés de plus âgés (moyenne d’âge 34 ans). Ils sont pour 38 % d’entre eux ouvriers ou artisans, on rencontre aussi des commerçants, des enseignants, des étudiants, des employés aux PTT, à l’hôpital, au métro, à la mairie, dans la police Les femmes occupent une place importante, proche de 25 %, chiffre supérieur à la moyenne nationale. Divers courants idéologiques sont représentés : les communistes avec l’organisation des Jeunesses (dont l’un des responsables est Henri Krasucki) la Main-d’œuvre immigrée, les juifs (nombreux dans le XXe), les socialistes avec le réseau Brutus et le mouvement Libération-Nord ou encore les gaullistes avec le réseau CND Castille.

Les actions de résistance multiples vont de la simple propagande, au moyen de tracts, de papillons et de journaux, à l’action armée. Une presse clandestine, à tendance communiste, propre à l’arrondissement est présente avec L’Éveil du XXe, et La Voix des femmes du XXe incite à la mobilisation contre l’ennemi et à la formation de manifestations pour l’amélioration du ravitaillement. Des groupes d’actions armées se forment dès 1941. Certains résistants participent à des opérations importantes, c’est le cas de Fernand Zalkinow présent aux côtés du Colonel Fabien lors de l’attaque d’un officier allemand à la station Barbès. Plusieurs membres de la MOI et des FTP-MOI se « planquent » dans l’arrondissement tels Marcel Rajman ou Armenak Manoukian. Progressivement, les Jeunesses communistes et une partie de la MOI sont victimes de dénonciations ou de filatures des inspecteurs des Brigades spéciales, entraînant ainsi leur « chute ». Toutefois, à partir du mois de juillet 1944, de nouveaux groupes de tendances pluralistes se reforment et participent activement à la Libération.

On trouve également dans le XXe le centre d’hébergement surveillé des Tourelles où séjournent des internés politiques et administratifs. Celui-ci est une plaque tournante d’où partent de nombreux convois en direction de camps comme Drancy ou Pithiviers. Il a pour particularité d’être sous la responsabilité de gendarmes français. La résistance y est tout de même présente et des réseaux d’évasions tentent de se former. La lutte des résistants du XXe pour les libertés ne se limite pas nécessairement à l’arrondissement en tant que tel, c’est pourquoi nous nous sommes également intéressés aux actes réalisés par les habitants du XXe en dehors de ce territoire. Si les témoignages et les archives ont permis de reconstituer petit à petit de nombreux faits de résistance, certains malheureusement restent encore dans l’ombre.

PÉQUIGNOT Julien, La mémoire télévisuelle de Mai 68, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 141 p.+ 93 p. d’annexes.

Ce mémoire porte sur la mémoire télévisuelle de Mai 68, c’est-à-dire, comment, dans la période de l’après 68, sont réemployées, par la télévision, les images que celle-­ci a produites en 68. Cet emploi à postériori comprend aussi des images qui ne proviennent pas nécessairement de la télévision, ces deux ensembles étant constamment mélangés et confondus.

La première partie de l’étude dresse un tableau le plus complet possible de l’état des sources et du corpus constitué par les sujets de l’après 68. Les analyses se basent sur des critères statistiques aussi bien que sur des examens du discours (audiovisuel et oral). La seconde partie est composée de deux grands ensembles proposant des lectures du corpus réuni pour ce travail.

Le processus commémoratif à l’œuvre dans l’évocation de Mai 68 ainsi qu’une prise de position sur l’interprétation que l’on peut en tirer sont analysés en premier lieu. Le deuxième temps cherche à montrer la dimension spectaculaire et fictionnelle contenue dans la commémoration de 68, à la fois en tant que système autonome, mais aussi en tant que productrice de sens.

Le résultat de ces recherches tient en une phrase : l’exercice de la mémoire de 68 est tout à fait soutenu par la télévision, mais d’une manière telle que les aspects de 68 qui peuvent encore être source de conflits sont minorés, éludés ou déformés, jusqu’à être parfois détachés de tout lien avec la réalité historique.

PERRIER DE LA BÂTHIE Claire, L’Afrique noire française dans le grand dictionnaire Larousse. Du Second Empire aux années 1930, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 201 p.

Ce mémoire s’intéresse à l’étude de l’Afrique Noire française dans le Grand Dictionnaire Larousse à travers la phase de construction coloniale. Il débute avec l’analyse du Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle (1864-1876) qui présente l’Afrique, alors mal connue des Occidentaux, à une époque où l’idéologie coloniale est en pleine construction. Le Nouveau Larousse illustré (1897-1904) et le Larousse du XXe siècle, publié à un moment où la colonisation connaît son apogée, illustrent la façon dont évolue le regard porté par les Français sur ces contrées lointaines.

Le Larousse illustre fidèlement la manière dont l’Afrique a été peu à peu découverte et mise en valeur par les Occidentaux. La création des colonies passe par une phase d’exploration et d’organisation administrative et commerciale. De plus, on découvre un dictionnaire profondément engagé en faveur de l’idéologie coloniale. Cette dimension est particulièrement frappante dans la première édition du dictionnaire qui prend une part active dans l’élaboration du discours colonial officiel.

Ce premier aspect de notre étude montre comment le Larousse est un fidèle témoin de son époque. Il est aussi l’héritier de tout un passé culturel. Il véhicule dans ses nombreux articles la plupart des stéréotypes de l’époque qui forment un imaginaire collectif dense. Par sa diffusion, L’encyclopédie Larousse devient ainsi un agent de vulgarisation de ces idées qui mêlent images populaires et discours scientifiques. Les descriptions physiques et morales qui sont faites des populations africaines sont pour la plupart fidèles à ce lourd héritage culturel. Le Larousse fait parfois preuve d’une certaine originalité en montrant par exemple que le continent africain ne forme pas un bloc homogène. Il ne se montre cependant guère original dans sa repré­sentation de l’Afrique, lue à travers le prisme d’une civilisation certaine de sa supériorité. Tout se passe comme si les rédacteurs du Larousse cherchaient à retrouver dans ce continent étrange des traces de leur propre culture. Le discours laroussien, à l’image de celui de ses contemporains, est finalement moins tourné vers l’altérité que vers l’Occident qui demeure la référence.

La représentation de l’Afrique Noire dans le Grand Dictionnaire Larousse est ainsi porteuse de maints stéréotypes qui, pour le lecteur de la fin du XXe siècle, semblent racistes et indécents. Les images de l’Africain mêlent avec ambigüité des sentiments de fascination et de répulsion, impulsés par le discours colonial. Prisonnier de son époque, le Larousse voit dans le Noir le reflet du Blanc et ne parvient pas toujours à maintenir le cap de l’objectivité.

Le Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle, surtout, est très profondément marqué par la forte personnalité de Pierre Larousse qui lui a insufflé ses opinions. La première édition du Larousse s’en trouve être une œuvre parfois très subjective, avec son ton incisif, marqué par un lyrisme qui participe aujourd’hui à son charme. Les deux éditions suivantes évoluent vers plus de sobriété et deviennent beaucoup plus synthétiques dans leurs discourts. L’étude de ces trois éditions souligne comment la méthode encyclopédique et la façon de percevoir le savoir changent au cours de la période.

PEYREL Benjamin, Les représentations de Paris dans le Petit Parisien, 1933-1939, Maîtrise [Jean-Louis Robert], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 123 p.

Quelle image de la capitale donne le quotidien au plus fort tirage des journaux du monde entier ? Comment les journalistes décrivent la vie et les évolutions de la capitale ? Comment — en tant que Parisiens — ils se la représentent ? Le Petit Parisien offre à ses lecteurs une représentation de la capitale assez ambivalente, essayant à la fois de mettre en valeur l’unité et la modernisation de la cité, et de préserver ce qui fait son charme, son pittoresque, c’est-à-dire sa diversité.

Daos une première partie, nous étudierons comment Le Petit Parisien traite de l’unité de la capitale. Pour lui, celle-ci passe par sa modernisation et son extension. Nous verrons tout d’abord que le quotidien se fait l’écho de l’action de la municipalité et des grandes théories en vogue à l’époque : politique urbanistique, hygiénisme, politique sociale. Le modernisme et l’extension vers la banlieue sont deux autres thèmes très présents daos le quotidien, à l’époque où Paris fait tomber ses frontières (fortifications) et essaye d’organiser dans un schéma directeur son expansion. Concernant le modernisme, Le Petit Parisien insiste sur la modification du cadre de vie des Parisiens, mais aussi sur l’idée que Paris — miroir du pays — doit, pour incarner un pays moderne, se moderniser. Ces différents thèmes contribuent à créer l’image d’une ville homogène, unie autour de ses grandes structures urbaines.

Dans une deuxième partie, nous verrons que Le Petit Parisien suit une ligne éditoriale assez ambivalente. La rédaction semble partagée et propose à ses lecteurs deux types d’informations. L’une plaide pour la modernisation de la capitale. L’autre prend la défense d’un certain Paris, c’est-à-dire le Paris des quartiers – celui du pittoresque. Certains journalistes mettent en valeur la diversité parisienne, son charme ancien et parfois miséreux. Ils s’attachent à protéger ce qui, selon eux, fait l’âme de Paris : l’artisanat, les petits métiers, les fêtes de quartier. Cette diversité de la capitale — éclatée autour des multiples centres que sont les quartiers — constitue la vraie nature de la ville. Nous verrons que c’est dans ces quartiers que la ville plonge que ses racines, et que, selon la symbolique spatiale du Petit Parisien, c’est dans les rues de ces quartiers que la ville travaille, qu’elle se distrait, qu’elle vit. Le quotidien propose cette fois-ci l’image d’une ville éclatée, pleine d’une diversité nécessaire et structurante.

Dans une troisième patrie, nous verrons comment ce rapport entre unité et diversité constitue finalement l’essence de la ville. Paris naît de cette ambivalence, de cette confrontation entre le quartier et la très grande ville. Certains articles et certains thèmes tentent d’en faire la démonstration. Le peuple de Paris, tel que Le Petit Parisien nous le présente, est le premier facteur constitutif de cette unité. Nous examinerons quelle figure du peuple donne le quotidien et comment des symboles, des lieux et des événements participent à la construction de l’identité parisienne. Cette unité parisienne se manifeste également quand le quotidien nous parle du rapport de Paris avec les étrangers à la ville (provinciaux et étrangers). Le Paris Creuset et le Paris Babel sont en effet deux images de la ville qui, si elles évoquent l’hétérogénéité de sa population, contribuent par contre à démontrer l’homogénéité de la cité, en mettant en valeur sa capacité à accueillir et son rayonnement.

PICOT Sophie, Les premières années de l’École du Louvre, 1882-1914, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 254 p.

À la fin du XIXe siècle, les musées sont perçus comme un lieu d’enseignement à valoriser. Il s’avère donc nécessaire de former son personnel afin de proposer rapidement aux visiteurs des collections classées selon un ordre chronologique ou stylistique rigoureux. C’est dans cette perspective qu’est créée, en 1882, une école au Louvre. Grâce à une telle implantation, elle peut délivrer un enseignement pratique en rapport étroit avec l’actualité des champs de fouilles et favoriser un contact direct avec l’œuvre d’art. La première équipe enseignante, essentiellement composée d’épigraphistes et d’archéologues conservateurs des collections nationales, trouve des intérêts variés à professer à l’École du Louvre. Mais, tous ont conscience de proposer un enseignement nouveau tant par sa méthode que par ses ambitions. Pourtant, le programme proposé ne reflète en rien la variété des collections nationales puisque l’archéologie grecque et romaine et les conservations d’art ne sont pas représentées. La nouvelle école tarde à s’organiser et semble peu disposée, dans un premier temps, à élargir son champ d’études et à accueillir un public moins spécialisé. Elle est donc très tôt soumise aux critiques, notamment de la presse, et se doit de créer dès 1886 des chaires d’histoire de l’art. L’École du Louvre est le premier lieu d’études en France à ouvrir ses portes à cet enseignement. Une telle innovation connaît un succès immédiat auprès des élèves, mais surtout des centaines d’auditeurs se précipitent pour assister aux conférences d’histoire de la peinture ou d’histoire de la sculpture. Une des originalités de l’École du Louvre réside en effet dans la coexistence d’un public recherchant une formation, une spécialisation et de nombreux dilettantes qui ne souhaitent que visiter les collections nationales avec plus de profit. Cette cohabitation peut être une source d’initiatives profitables à tous. Elle nourrit aussi les inquiétudes d’un corps enseignant qui a le sentiment de ne pas remplir sa mission en ne formant que de rares professionnels.

L’École du Louvre, durant ces premières années, n’est pas reconnue comme le seul et unique organe de formation des conservateurs. En revanche, elle contribue à alimenter la réflexion sur leur professionnalisation, par le biais d’innovations pédagogiques notamment.

PLANE Héloïse, La 6e et 9e section d’arrondissement du PSU à Paris dans les années 1960. Définition d’une identité militante par l’étude des cellules de base et l’analyse d’une sociabilité militante, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Gilles Morin], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 321 p.

Il s’agit de mettre en évidence le fonctionnement et les mécanismes des cellules de base d’un parti militant. Le PSU a, en effet, un rôle déterminant dans l’histoire de la gauche française : il a renouvelé les principes de base et les méthodes d’organisation des socialistes. Les sections parisiennes ont dans le parti un rôle central, car elles organisent l’activité militante dans la capitale face au pouvoir gaulliste. Les sections parisiennes, quoique tout à fait autonomes d’après les statuts, sont très liées aux personnalités nationales qu’elles accueillent et sont donc très sensibles aux querelles de pouvoir qui traversent le parti. Cependant, on s’aperçoit d’après la documentation interne des 6e et 9e sections que leur activité est orientée autant vers la construction théorique du programme socialiste que vers l’action militante à proprement parler. Les débats dans les sections, conclus systématiquement par des votes, concernent tous les grands enjeux du socialisme et donnent lieu à des suggestions auprès des instances nationales du parti. Les actions militantes ne se bornent pas aux tâches classiques que sont le collage d’affiche et la distribution de tracts, mais s’organisent, notamment dans le cas de la 6e section, autour d’un véritable programme politique de proximité. À l’intérieur des sections, le public d’adhérents se révèle très hétérogène dans ses origines sociales comme dans sa disponibilité. Les sections parisiennes rassemblent des adhérents dont le niveau d’engagement s’échelonne de la simple cotisation à une participation à plein temps, mais dont l’idéal commun est le seul véritable fil conducteur.

En conclusion, on peut donc voir qu’il n’y a pas de phénomène d’identification et d’uniformisation des militants du PSU, mais qu’au contraire les relations sociales entre les adhérents du parti sont orientées vers la découverte de l’autre et vers l’échange, et que l’action militante, quoique fédératrice d’unité, ne saurait effacer, entre des personnes de convictions, certaines différences irréconciliables.

POUPARDIN Marie, La politique culturelle de la municipalité d’Ivry-sur-Seine entre 1945 et 1973, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 148 p.

Au lendemain de la Libération, Ivry fait partie des municipalités à forte implantation du Parti communiste français. Elle s’érige progressivement en ville « laboratoire » du phénomène communiste en France et en ville-phare du communisme municipal. Les années qui suivent la guerre connaissent, d’une part, une certaine dispersion des initiateurs de politique culturelle et, d’autre part, une uniformité du contenu de cette politique. Il existe certes quelques associations culturelles, mais le rôle de diffusion de la culture est également propre à d’autres types d’organisations et institutions qui participent toutes de cette sociabilité formelle et informelle et qui contribuent, sans approche réellement planifiée, à l’élaboration de la vie culturelle ivryenne. Il s’agit des mouvements politiques et sociaux politiquement proches du PCF, du tissu associatif qui contribue à la construction de solides réseaux de sociabilité, ou encore de l’action municipale, qui cherche la plupart du temps à obtenir le bénéfice moral de l’ensemble des activités mises en place et développées par ces associations. Ainsi, dans un premier temps, la politique culturelle municipale s’articule autour de trois thèmes majeurs : tout d’abord, le souci d’éducation populaire, puis celui de développer une identité commune autour de l’histoire de l’URSS, enfin, celui de pérenniser une mémoire de la Résistance et de faire du Parti communiste le Parti résistant. Ces trois orientations sont, semble-t-il, uniformément adoptées et ceci est la conséquence directe de la politique du PCF qui consiste à construi­re dans les municipalités qu’il dirige une « contre société ». La culture n’est donc pas un véritable secteur autonome qui suscite une politique précise puisque les pratiques culturelles sont la plupart du temps mêlées à d’autres types d’activités, notamment politiques, mais aussi de loisir. À partir des années soixante, le secteur culturel tend à s’autonomiser et devient peu à peu un enjeu de taille pour la municipalité. Pour répondre à une nouvelle demande ainsi que pour faire face à la politique culturelle gouvernementale mise en œuvre par le récent Ministère des Affaires culturelles, la municipalité se dote d’institutions (Centre culturel ; Service municipal des Affaires culturelles ; Commission culturelle municipale, etc.) dont l’objectif est, dans un premier temps, le regroupement des associations culturelles existantes puis, dans un second temps, de permettre à la municipalité de participer réellement au développe­ ment culturel de la ville. L’action culturelle municipale devient donc la concurrente de celle du ministère des Affaires culturelles. Enfin, en 1973, la création du Théâtre des Quartiers d’Ivry, dont la naissance est due à l’adéquation entre les projets culturels municipaux et le projet personnel d’Antoine Vitez, produit un véritable changement de l’orientation de la politique culturelle municipale. En effet, le succès et la réussite du Théâtre des Quartiers d’Ivry apportent à la commune une nouvelle identité bâtie sur une expérience culturelle, identité qui n’est désormais plus uniquement politique.

Si l’on peut constater de réelles modifications du comportement municipal à l’égard du secteur culturel, il est également possible de relever la pérennité de cer­taines valeurs. En effet, tout au long de la période étudiée, le fort attachement de la municipalité à l’idée d’éducation populaire la conduit souvent à confondre politique d’éducation et politique culturelle. De plus, la municipalité conserve sa volonté d’établir un lien étroit entre politique et culture. Les choix culturels se doivent la plupart du temps de refléter des choix politiques et la diffusion de bribes de culture soviétique est loin d’être abandonnée, même après les années soixante.

PUYRAUD, Jean-baptiste, Le jazz en France : 1963-1971, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000

RATEL Boris, L’anarcho-syndicalisme dans le bâtiment en France entre 1919 et 1939, histoire et identité du mouvement anarcho-syndicaliste dans un cadre profes­sionnel : l’influence et les faiblesses d’une organisation syndicale révolutionnaire adaptée aux spécificités de l’industrie du bâtiment, Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 226 p.

Le but de ce mémoire est d’étudier l’anarcho-syndicalisme dans le cadre particulier d’un secteur professionnel : l’industrie du bâtiment, afin d’appréhender son évolution historique durant l’entre-deux-guerres et son identité syndicale. Le choix du bâtiment s’explique à la fois par le fait que l’anarcho-syndicalisme joue un rôle important dans l’histoire du syndicalisme dans le bâtiment et que le bâtiment est le secteur d’activité dans lequel l’anarcho-syndicalisme est le mieux implanté durant cette période. En effet, les anarcho-syndicalistes, dans un contexte de poussée des luttes sociales qui atteint son point culminant lors de la grève générale de mai 1920, parviennent en mai 1921 à devenir majoritaires au sein de la FNTB de la CGT. Par conséquent, celle-ci rejoint la CGTU en décembre 1921, lors de la scission de la CGT. Pourtant, les militants anarcho-syndicalistes de la FNTB se trouvent rapidement en conflit avec les militants communistes, majoritaires dans la CGTU. Néanmoins, au sein de la FNTB, ce sont les anarcho-syndicalistes qui restent majoritaires. Cette double lutte interne se termine à la fin de l’année 1924 par la décision de la FNTB de quitter la CGTU pour devenir autonome. Ensuite, elle participe en novembre 1926 à la fondation d’une confédération syndicale spécifiquement anarcho-syndicaliste, la Confédération Générale du Travail Syndicaliste Révolutionnaire, au sein de laquelle elle joue un grand rôle. Mais la FNTB se heurte, entre 1926 et 1932, à une grave crise interne, qui se traduit par la perte de la majorité de ses adhérents, puisqu’elle passe de 9000 membres à 2000. Puis, à partir de 1934, elle connait une croissance importante lui permettant de participer activement aux grèves générales de juin 1936 et de l’automne 1938.

Durant l’entre-deux-guerres, la FNTB développe tous les aspects de l’anarcho­ syndicalisme, sous une forme adaptée aux conditions de militantisme dans le bâtiment et en tenant compte de la tradition syndicale de cette industrie. Cela passe, en premier lieu, par une application constante des principes fondarnentaux de l’anarcho-syndicalisme et par un rapprochement avec le mouvement libertaire. De plus, cela se traduit par l’adoption du syndicalisme d’industrie comme mode d’organisation syndicale, ce qui est une particularité de la FNTB par rapport aux autres organisations syndicales du bâtiment. Ensuite, la FNTB se réclame de l’idéologie anarcho-syndicaliste, construite autour des notions de lutte des classes, de primauté du syndicalisme, de révolution sociale violente et d’instauration d’une société communiste libertaire dont les syndicats seront les fondements. De même, la FNTB pratique des méthodes de lutte inspirées par le concept d’action directe – soit l’action des salariés directement contre les patrons. Enfin, cette application de l’anarcho-syndicalisme par la FNTB se concrétise par un fonctionnement interne fondé sur le fédéralisme et la démocratie directe.

L’étude de l’histoire de la FNTB entre 1919 et 1939 démontre que l’anarcho­ syndicalisme est la doctrine syndicale la plus influente dans le bâtiment durant toutes les années vingt et que, malgré le recul qu’il connaît à partir de 1926-1927, il demeure solidement implanté parmi les travailleurs du bâtiment. Car l’anarcho-syndicalisme correspond aux conditions de travail et aux valeurs, des ouvriers du bâtiment et c’est la transformation de ces données durant les années trente qui explique ses difficultés ultérieures.

RIANDÉ Stéphane, Sujets de l’Empire et volontaires étrangers dans la 2e Division Blindée. Du 24 août 1943 au fer mars 1946, Maîtrise [Claire Andrieu, Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 213 p.

L’armistice du 22 juin 1940 avait consacré la défaite de la France face à l’Allemagne. Pourtant, parti du Cameroun, le général Leclerc forgea un outil de combat qui participa activement à la libération du territoire national : le 25 août 1944, moins d’un mois après son arrivée en Normandie, la 2e Division Blindée entrait victorieusement dans Paris. Ironie de l’histoire, les premiers soldats qui entrèrent dans Paris étaient des Espagnols, vaincus de la guerre civile, ayant trouvé au sein des forces françaises le moyen de continuer la lutte contre le fascisme qu’ils abhorraient. En effet, cas unique dans l’armée française, la 2e DB comptait de nombreux volontaires étrangers, en plus des soldats indigènes, dans ses rangs. Certes, évaluer leur nombre précisément est délicat, mais il s’avère que plus de 500 volontaires étrangers et qu’environ 3000 indigènes marocains, algériens, tunisiens, syriens et libanais contribuèrent à la libération de la France. Si les volontaires étrangers, généralement engagés précocement dans les FFL, n’étaient présents que dans quelques régiments, les indigènes furent affectés dans toutes les unités de la division. Parmi ces derniers, les Algériens étaient mobilisés alors que les 1500 Marocains de la division étaient, tout comme les Syriens et les Libanais, volontaires pour se battre. Affectés aux postes subalternes, les indigènes payaient en fait leur peu de formation technique sans qu’il soit possible d’incriminer une quelconque ségrégation au sein des régiments de la 2e DB. Cependant, quels que soient les services rendus, la fin du conflit en Europe et la démobilisation des effectifs firent de ces hommes les perdants de la paix : les Espagnols déracinés ne furent aidés que par la croix rouge espagnole alors que les Marocains et les Algériens étaient renvoyés dans leur pays sans que rien ne soit prévu pour les accueillir. 60 ans après, la France n’a toujours pas reconnu sa dette envers ses libérateurs.

ROLLAND Claire, La figure du Père Noël en France de 1945 à 1975, Étude de presse, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 132 p.+ 40 p.

Noël est la fête préférée des Français. La fin de la Seconde Guerre mondiale est marquée par l’introduction massive d’un « nouveau » personnage dans les pratiques festives des Français : le Père Noël.

Le Père Noël, vieillard à barbe blanche, à houppelande rouge et à la hotte garnie de cadeaux est d’origine anglo-saxonne. Il est l’héritier de nombreuses figures mythiques, cependant son acte de naissance est le fait d’un poème The night before Christmas, composé en 1822 par Clement C. Moore, professeur de théologie aux États-Unis. Le Père Noël enchante les petits comme les grands. Mais, il dérange aussi. Son effigie fut brûlée en 1951, sur le parvis de la cathédrale de Dijon. Cette exécution suit une campagne menée par l’épiscopat français contre ce Père Noël, paganisateur et hérétique. Cependant, le Père Noël n’est pas à proprement parler une invention anticléricale ou antireligieuse.

Dès les années 1960, le Père Noël est condamné dans la critique d’une société de consommation dont il est trop enclin à témoigner la vigueur. Viennent ensuite des attaques qui le prennent à partie par le biais de la psychopédagogie. Le dispensateur d’émerveillement a la vie dure. Discuté, condamné, repoussé, mais aussi adulé, il résiste à toutes les tempêtes et à toutes les modes. Les adultes mettent une réelle ardeur à le protéger. Les lignes de défense procèdent même d’une étrange inversion des rôles qui laisse suggérer que le Père Noël recouvre des réalités profondes.

La presse donne une image assez figée de ce Père Noël en dehors des « grandes » polémiques, comme celle de 1951. Le bonhomme symbolise la générosité et la jovialité. Il crée autour de sa personne une atmosphère ludique et devient l’incarnation de l’esprit des fêtes de Noël.

Le Père Noël est donc, entre 1945 et 1975, le puissant indice d’une société française en pleine mutation. Il témoigne de sa déchristianisation, de son américanisation et d’un vaste mouvement d’uniformisation. Mais plus encore, il est la réponse à notre indispensable et éternel besoin de merveilleux.

ROUSSEL Hélène, La CGT-FO et la construction européenne, Histoire d’un anticom­muniste syndical européen, 1947-1953, Maîtrise [Jean-Louis Robert, Michel Dreyfus], 2000, 292 p.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale des militants syndicaux vont faire éclater l’unité syndicale ouvrière française de la CGT. Ils dénoncent et refusent l’asservissement du syndicat à un parti politique : le Parti communiste. Après la scission de 1947, ils fondent une nouvelle centrale, la CGT-FO. Il est évident que ce bouleversement syndical en France fait écho à la constitution des deux blocs au niveau inter­national et à la Guerre froide jusqu’en 1953.

Dans ce contexte, la CGT-FO œuvre à la construction d’une Europe occidentale unie, objectif que l’on trouve, avant la scission chez les minoritaires de la CGT. FO encourage ainsi l’initiative du plan Marshall, source de conflit avec les communistes de la CGT. Cette position revendiquée très tôt lui permet d’obtenir le soutien actif des syndicats américains fortement anticommunistes. Au-delà de l’aide matérielle, les syndicats américains permettent à FO de s’imposer sur le devant de la scène internationale. Avec la création de la CISL (1949), FO réintègre le mouvement syndical international et devient un modèle en Europe du syndicalisme « libre ». Si l’influence américaine est très présente en Europe et précisément sur le terrain syndical, FO prend cependant une position européenne à part entière. En effet, certains militants de FO créent, en juin 1948 suite au Congrès européen de La Haye, un groupe nommé FOSE (Forces ouvrières syndicalistes européennes), à titre individuel, c’est-à-dire n’engageant nullement la centrale FO. Les documents communiqués par Claude Harmel et les archives du CHT de Nantes confirment que la plupart de ces militants appartiennent à la tendance minoritaire de FO. Ils partagent une même conception pacifiste du monde, source de leur engagement européen. Les FOSE se forment sous l’impulsion d’un petit groupe de syndicalistes — pour la plupart révolutionnaires (R. Le Boutre, R. Lapeyre) — qui œuvrent pour la construction de l’Europe fédérale. Trois ans seulement après la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils prônent le rapprochement franco-allemand, avec l’idée d’un pool du charbon pour mettre fin aux problèmes de la Ruhr. Ils proposent en 1948 une Société européenne des houillères — début d’unification économique européenne — deux ans avant le plan Schuman. La volonté de rendre concret le projet de Fédération européenne est réelle, la propagande est de rigueur, car il s’agit de mobiliser les masses travailleuses en faveur d’un tel projet. Ce sont des syndicalistes qui croient en la création d’une Europe fédérale, où les travailleurs sont représentés et leurs intérêts défendus par une participation active des syndicats dans les institutions européennes. Or, les orientations profondément anticommunistes des militants des FOSE peuvent porter à voir dans cette conception visionnaire de l’Europe, scellée par la réconciliation franco-allemande, un moyen efficace de faire bloc à l’avancée soviétique. Loin de la crainte de l’Allemagne revancharde, ils redoutent l’invasion communiste et la perte de la civilisation occidentale. Visionnaires ou réactionnaires ? Toujours est-il que les FOSE jouent un rôle important auprès de FO et donnent, en outre, une image particulière des mouvements fédéralistes européens de l’époque. Les FOSE parviennent à réveiller la conscience européenne de FO : en 1949, elle crée un Comité européen qui siège dans toutes les réunions et institutions de l’Europe.

FO, présente au sein du CSC de l’OECE et du plan Schuman, participe activement à l’ORE de la CISL et intensifie ses échanges intersyndicaux en Europe. Au nom de la lutte contre les syndicats communistes et de la volonté de participer à la construction européenne, FO mène l’unité d’action avec la CFTC dans les instances européennes, et rencontre les autres centrales « libres » d’Europe (DGB, IUC, CGIL…).

SMITH Joël, La représentation de la Résistance française dans le cinéma américain de 1940 à nos jours à travers l’étude de six films, Maîtrise [Claire Andrieu], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 191 p.

Si le thème de la Résistance française sous l’occupation est éminemment passionnel en France, où il touche à l’identité collective, le regard décentré du cinéma américain, étudié à travers six œuvres représentatives des moments forts de la production hollywoodienne sur la question, toutes disponibles et exploitables de nos jours, propose une vision à la fois marginale de la Résistance, éclipsée par des enjeux plus majeurs pour les Américains comme le débarquement du 6 juin 1944, et en même temps riche en enseignements. La Résistance, argument idéal de scénarios où l’action, l’héroïsme et le sens du sacrifice sont exaltés, y prend une forme à la fois codifiée et idéalisée, où les conditions de production hollywoodiennes jouent un rôle non négligeable. Ces œuvres s’inscrivent également dans leur contexte historique, qu’il s’agisse des besoins de propagande en vue de l’engagement américain dans les années 40 (« Vivre Libre », « Casablanca »), le dynamisme des années 60 permettant l’essor de grandes productions historiques par des studios tout juste sortis de la « chasse aux sorcières » maccarthyste (« Les Quatre cavaliers de l’Apocalypse », « Le Train », « Le Jour le plus long ») ou encore des années 80 où priment désormais des problématiques plus individualistes (« Plenty »). Au-delà de la spécificité du traitement de la question dans chaque œuvre, on note cependant l’absence d’ancrage de la représentation de la Résistance dans ses enjeux politiques, ce qui permet de dégager une universalisation du motif de Résistance, confirmée par la déclinaison du thème dans des superproductions situées à des époques très différentes. Représentés souvent comme des troupes d’appoints civiles avancées des forces alliées, les résistants incarnent à l’écran les mêmes valeurs militaires éternelles que les soldats venus mourir pour la liberté loin de chez eux ; l’action émancipatrice, le courage extrême et le sens altruiste du sacrifice œuvrent pour restaurer un ordre idéal, libre et valeureux. Mais sans problématique politique, cette Résistance cinématographique renonce à toute portée subversive, préférant la permanence d’un ordre social idéalisé aux mutations dialectiques d’une société complexe, traversée par ses conflits et ses contradictions.

SOLOMON Ambroise, Le PSU et l’enseignement (1960-1967), Maîtrise [Pascal Ory, Gilles Morin], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 206 p.

Le Parti Socialiste Unifié qui naît en 1960 rassemble des hommes qui tous se prononcent contre la Guerre d’Algérie et contre le retour au pouvoir du général de Gaulle. Au sein de la gauche, les enseignants se distinguent nettement par leur opposition résolue au conflit algérien. Ils représentent ainsi une forte proportion des adhérents de ce parti. Or, le régime gaulliste décide de mener une politique volontariste dans le domaine de l’enseignement dès 1959, conscient de la nécessité de réformer les structures du système scolaire en raison de la progression spectaculaire de ses effectifs, mais également dans le dessein de répondre aux besoins en personnel qualifié de l’économie qui connaît alors une période de croissance exceptionnelle. Aussi, l’École constitue un thème majeur du combat qui oppose la gauche et naturellement le PSU à la République gaullienne.

Cette étude révèle un nouvel aspect de l’histoire de ce parti. Elle montre que l’enseignement constitue une de ses préoccupations essentielles et permet de mesurer l’influence des enseignants sur sa position dans un domaine qui les concerne directement et, en outre, dans une période singulière. La construction de ce mémoire repose principalement sur la consultation de nombreuses sources écrites dont les archives du PSU déposées en 1999 aux Archives nationales, l’hebdomadaire Tribune socialiste, la presse syndicale et secondairement sur des entretiens avec des anciens membres de ce parti. La réflexion sur ce sujet s’organise autour de trois dates-clés qui recoupent trois étapes de la vie du PSU entre 1960 et 1967.

La loi du 31 décembre 1959 sur les rapports de l’État avec les établissements d’enseignement privés pose avec acuité la question de la coexistence au sein du PSU de militants croyants et incroyants sans pour autant que ce parti renonce à s’engager dans le combat laïque mené par les enseignants qui représentent un quart de ses membres. Le décret du 3 août 1963 portant création du Collège d’enseignement secondaire relance le débat sur la nécessité de démocratiser l’enseignement et sur les réformes souhaitables pour atteindre cet objectif. Le PSU critique sévèrement la politique gouvernementale et propose des solutions qui s’avèrent similaires à celles de la gauche et, en particulier, à celles des organisations syndi­cales enseignantes avec lesquelles il entretient des relations de plus en plus distantes depuis la fin de la Guerre d’Algérie malgré ses efforts pour les améliorer. En septembre 1964, le gouvernement annonce un vaste plan de réformes concernant le second degré, le baccalauréat et l’enseignement supérieur alors que se rapprochent des échéances électorales, enjeux majeurs pour la gauche et pour le PSU. Ce dernier donne une place remarquable à l’enseignement dans ses programmes électoraux, notamment dans celui de 1967, date à laquelle le renouvellement de son discours dans ce domaine coïncide avec celui de sa direction et marque la fin de la première phase de l’histoire du PSU, un an avant la rupture définitive de mai 1968.

TEITLER, Jean-françois, Les amis de Krasnik, les amis de Biala-Podlaska, les amis de Minsk-Mazowiecki : trois sociétés de secours mutuels de juifs polonais à Paris de la fin des années 20 à nos jours Identité et intégration de l’immigration juive de Pologne, Maîtrise [Patricia Hidiroglou], Univ. Paris 1 CHS, 2000

THOMA Pierre, L’image de la Seconde Guerre mondiale dans les albums de bandes dessinées, Maîtrise [Michel Pigenet], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 220 p. + 50 p. d’annexes

Un tel sujet impose une première partie méthodologique dans laquelle nous donnons une définition précise de ce que nous entendons par « album de bandes dessinées », ainsi que les critères de sélection ayant déterminé la constitution de notre corpus, source de notre mémoire. L’étude de notre corpus a montré une rupture chronologique très nette autour del’année 1980 : après cette date, l’album de bandes dessinées s’impose comme la forme principale d’expression du « 9e art », et la croissance des publications d’albums sur la Seconde Guerre mondiale devient exponentielle, avec une multiplication des différentes approches du conflit.

La période 1945-1980 se divise en deux séquences distinctes. De 1945 à 1957, les bandes dessinées adaptées en albums sont marquées par deux discours dominants : des bandes dessinées françaises dressent ainsi un hymne à la Résistance, reprenant à leur compte les mythes patriotiques de l’immédiat après-guerre, comme celui d’une France unanimement résistante. En 1957, tout change avec la série argentine Ernie Pike, battant en brèche le manichéisme. Surtout, en prenant pour héros de simples soldats affrontant la peur et le sang, elle donne un ton plus réaliste aux récits guerriers des années soixante. Ceux-ci sont marqués par l’émergence d’une nouvelle figure héroïque, celle du soldat « forte tête », volontiers indiscipliné et plus violent que son aîné. Les rares albums français de cette période investissent, eux, le genre comique, reprenant, d’une certaine manière, le thème de la comédie résistante, que l’on retrouve au cinéma. La période est enfin marquée par le premier tome de Maus, une série américaine, témoignage en bandes dessinées d’un rescapé d’Auschwitz, et une des premières œuvres de fiction sur la Shoah, tous genres d’expression confon­dus. Ces nouveaux éléments donnent une image plus réaliste de la guerre, sans se départir de certains clichés.

En 1980, les albums et les approches se diversifient. Quelques albums, au début des années quatre-vingt, adoptent un ton militant, se servant du conflit pour des mises-en-garde antifascistes fortement marquées par l’effervescence idéologique des années soixante-dix. Mais le grand thème de cette décennie est une lecture corrosive du conflit, avec l’humour acerbe et satirique des bandes dessinées « punks » 7 relayées par des albums érotiques. La sortie du deuxième tome de Maus marque le triomphe de cette œuvre sur la Shoah, mais l’échec d’autres albums sur le même thème montre que cette bande dessinée américaine est l’unique réussite du « 9, » art sur ce sujet grave.

À partir de la fin des années quatre-vingt, de nouveaux thèmes surgissent. De nombreux albums français jettent un nouveau regard sur la France de l’époque, en insistant sur les éléments autrefois soigneusement cachés de Vichy et de la collaboration. D’autres thèmes très novateurs apparaissent, comme ces albums prenant pour héros des soldats de l’Axe, ou se servant du conflit comme d’un simple décor, prétexte à des développements intemporels. On assiste également à un curieux retour de l’héroïsme, marqué cependant par un second degré et un ton désabusé très contemporain.

TRAVERS Alice, La montagne éducatrice. Politique et représentations de la montagne sous Vichy, Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2000, 221 p. + 44 p. d’annexes.

La défaite de juin 1940 et la création de l’État français voient la naissance d’une véritable politique de la montagne, menée par le Commissariat général à l’Éducation générale et aux Sports (CGEGS). La lecture des publications officielles du Commissariat, Éducation générale et Sports, puis Stades, ainsi que l’étude des archives de la Direction de l’Équipement sportif permettent de comprendre le rôle joué par cette politique de la montagne dans le dessein culturel vichyste : c’est parce que la montagne est éducatrice, qu’elle détient une place cruciale dans la doctrine de régénération nationale de l’État français.

Le CGEGS prend très rapidement conscience des avantages que présente la montagne, et des possibilités d’éducation qu’offre la pratique de sports comme le ski et l’alpinisme. Le préalable nécessaire à l’encouragement des activités alpines est l’équipement de la montagne, tâche à laquelle s’attelle dès sa création la Direction de l’Équipement sportif, dirigée de 1940 à 1942, par Georges Glasser, puis, jusqu’à la fin de la guerre, par Jean Couteaud. Ces deux hommes vont encourager la mise sur pied d’un vaste programme d’équipement de la montagne et créer, à cet effet, un nouvel organisme placé sous leur tutelle : le Secrétariat technique de la Montagne, dirigé par Louis Macaigne, qui prend, à partir de 1942, le nom de Service de l’Équipement sportif de la Montagne, dirigé par Gérard Blachère.

La politique de la montagne comprend trois volets. Le premier est la promotion de la montagne et des sports alpins, activement menée par le Service lnformation ­propagande, en collaboration avec la Direction de l’Équipement sportif, qui utilise différents moyens (presse, cinéma, exposition). Le deuxième est la structuration et la législation des activités alpines, qui uniformise et nationalise les professions alpines et l’enseignement. Enfin, le dernier volet de cette politique est l’encouragement à la pratique des sports de montagne par les jeunes, avec la mise en place d’une politique du ski scolaire, l’encouragement des camps d’alpinisme organisés par les associations alpines ou par des administrations étatiques.

Que la montagne soit devenue une affaire d’État s’explique par la « rencontre » entre Vichy et la montagne, rencontre dont l’origine est très largement culturelle : certaines représentations de la montagne correspondent exactement à celles de la Révolution nationale. La montagne est le moyen par excellence d’une « éducation générale », elle est le vecteur d’une idéologie éthique, prônant l’ascèse régénérante, la formation virile d’un homme nouveau, d’un chef, et le communautarisme : autant de valeurs que la Révolution nationale a mises à l’honneur et que le CGEGS et les autres administrations s’empressent de souligner dans les sports de montagne. Enfin, une des raisons primordiales de ce rapprochement est sans aucun doute le patriotisme véhiculé par l’alpinisme et le ski. Ces deux sports autorisent en effet, dans le discours qui les entoure comme dans leur pratique, l’expression d’une grandeur nationale. Cette exaltation de la patrie, dont on attend l’encensement du régime, se teinte parfois d’ambigüité, par une tonalité revancharde qui prend quelques distances vis-à-vis du discours officiel de l’État français.

Une certaine vision de la montagne éducatrice a ainsi favorisé, pendant la Seconde Guerre mondiale, l’accélération de l’évolution des sports de montagne, ski et alpinisme, et la naissance d’une politique étatique de la montagne, sur la base d’une convergence de représentations et de valeurs.

VAUTROT Caroline, La représentation du mouvement social des infirmières de 1988 et 1991 dans les journaux télévisés de TF1 et d’Antenne 2, Maîtrise [Christian Chevandier, Michèle Lagny], Univ. Paris 1 CHS et Paris 3, 2000, 169 p.

Lorsque les infirmières entrent en grève en 1988 puis en 1991, elles expriment des revendications concernant la reconnaissance des compétences techniques et la revalorisation sociale et économique de leur profession. Ces demandes fondamentales sont liées plus largement à la dénonciation de l’image traditionnelle de l’infirmière, désormais dépassée, mais persistante, celle d’une jeune femme dévouée, tout entière consacrée au malade et désintéressée. Comme dans toute protestation, l’image de la profession et la redéfinition de son identité sociale tiennent une place centrale. Et lorsque l’on évoque les termes de représentation professionnelle ou d’image sociale, il est clair que la télévision, la plus puissante médiation collective d’aujourd’hui, et plus précisément les journaux télévisés y sont inévitablement associés. Ces rendez-vous quotidiens ont pour mission de séduire et distraire, instruire au passage, mais surtout capter et retenir le téléspectateur. C’est pourquoi de véritables constructions de l’information sont proposées à travers différentes mises en forme linguistiques et visuelles porteuses de significations culturelles intéressantes à étudier dans le cadre d’un mouvement qui tend justement à faire reconnaître et instituer des modifications sociales.

À la croisée de l’histoire culturelle, « l’histoire sociale des représentations » selon Pascal Ory, de la sociologie et de l’analyse audiovisuelle (ce que l’image donne à voir et à comprendre), ce travail se propose donc d’examiner le traitement médiatique du mouvement social des infirmières de 1988 et 1991 à travers les journaux télévisés des deux chaînes françaises TF1 et Antenne 2. Pour ce faire, un rappel des principales caractéristiques du malaise infirmier s’impose afin d’appréhender pleinement la construction télévisuelle proprement dite et avant de laisser place enfin à l’image de la profession qui s’en dégage.

Au cours du conflit des infirmières dont la représentation publique a été explicitement fabriquée pour intéresser les médias, on assiste d’une part à de véritables mises en scène revendicatives de leur vécu, de leur condition de travail et de leur relation à la profession. Très élaborées, elles sont destinées à produire une image valorisante du groupe. D’autre part, les répercussions évidentes du journal sur le mouvement influencent la perception de celui-ci. Parallèlement, l’analyse du commentaire, de l’image et du rapport entre les deux souligne la prédominance du faire-voir sur le faire-comprendre et le faire-penser. Les journalistes se trouvent tiraillés entre deux logiques potentiellement antithétiques : une visée sérieuse d’information et une visée de captation, c’est-à-dire intéresser le public en ayant recours à des stratégies de séduction. Cette façon de mettre les images au service des propos du journaliste, au lieu de rédiger un commentaire explicatif du contenu de l’image, permet d’imposer aux téléspectateurs une opinion sur le fait à la place d’une information sur ce qui s’est réellement produit. De plus, la mise en images de la parole des protagonistes est réalisée en fonction du jugement que les journalistes portent sur ce que ces premiers sont et font. La manière de rendre compte du malaise infirmier nous apprend alors peut-être autant sur le milieu journalistique lui-même que sur le groupe dont il parle.

Enfin, dans les reportages des journaux télévisés, l’infirmière passe progressivement de l’image d’icône issue de l’héritage du passé au statut de femme moderne, travaillant pour vivre et non l’inverse, engagée sur la scène sociale et distinguant vie privée et vie professionnelle par définition confondue chez la religieuse. Elle incarne dès lors une certaine vision de la société qui mettrait l’humain au cœur de celle-ci. Cependant, le danger ne serait-il pas de retomber dans un autre cliché, même si celui-ci est plus valorisant ? Le stéréotype de la jeune femme à la morale irréprochable, défendant des valeurs appréciées, succèderait à celui de la religieuse dévouée. Deux caricatures qui ne seraient finalement pas si éloignées l’une de l’autre.