Les origines du radicalisme en Corse

TORRE Pascal, Les origines du radicalisme en Corse, Maîtrise, Univ. Paris 1 CRHMSS [Antoine Prost, Jacques Girault], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1992, 195 p.

À la veille de l’effondrement du Second Empire, la Corse demeure un département conservateur, bonapartiste et catholique. Les radicaux incarnent l’opposition au régime. Héritiers de 1848, ils constituent une petite minorité sans lien avec la population, ne parvenant pas à ébranler la citadelle bonapartiste. Après 1881, le processus d’adhésion à la République s’accélère sous la direction de l’opportunisme. Une lutte violente s’engage alors entre ces deux forces sur la conception de la République et pour la conquête du pouvoir local. La presse intransigeante, les comités anti-opportunistes animent dans le Sartenais, le Cortenais et la Casinca cette bataille. Les tensions provoquées lors des législatives de 1885-1886, la collusion avec le boulangisme, précipitent le déclin du radicalisme.

Cette éclipse dure jusqu’en 1901. L’avènement d’une République plus ardente donne le signal d’une renaissance, préparée par la Franc-Maçonnerie et une kyrielle d’associations laïques. Le combisme fut une étape décisive dans l’affirmation de cette nouvelle force. La lutte anticléricale, le zèle épurateur de la base, façonnent une idéologie et des pratiques. Cependant, ni le combisme ni la structuration du parti en 1904 ne permettent une implantation durable. Sous sa forme intransigeante, anti-religieuse, le radicalisme suscite le rejet d’une grande partie de la population.

La crise du bloc, la mort d’Emmanuel Arène, la prise de conscience de l’ampleur de la crise économique et des tensions sociales qu’elle génère accélèrent le processus de révision. Les radicaux prennent leur distance avec les thèmes traditionnels du radicalisme. Rationaliser le fonctionnement de l’appareil d’État, assurer sa progression dans l’île, arrimer la Corse au mouvement de la prospérité nationale deviennent les priorités. Dans cette perspective, ils souhaitent s’imposer comme le relais interne du pouvoir. Ils s’insèrent davantage dans les réseaux claniques, placent leurs hommes à des postes clefs (pour satisfaire une clientèle électorale) et mettent ainsi le clan au service d’une idée nouvelle. Le développement rapide des organisations du parti, entraînent la prise en compte de l’aspiration de nouvelles catégories sociales à participer à la vie politique, est partie intégrante de ce système. La politique corse s’inscrit davantage dans une perspective nationale, même si cela masque parfois des rivalités ancestrales au niveau des villages. Cela contribue aussi à une accélération de la politisation et à quelques progrès du vote individuel.

En 1914, au-delà des péripéties qui affectent l’organisation, le parti radical est ancré à gauche et sa géographie électorale se fige dans le Sartenais, le Cortenais et la région de Bastia.