La commission féminine confédérale de la CFDT (CFTC) dans les années 60 : pour une synthèse entre lutte de classe et lutte de sexe

BATAILLER Stéphanie, La commission féminine confédérale de la CFDT (CFTC) dans les années 60 : pour une synthèse entre lutte de classe et lutte de sexe, Maîtrise [Michel Dreyfus], Univ. Paris 1 CRHMSS, 1997, 265 p.

Au début des années 60, de jeunes militantes responsables entrent à la Commission féminine confédérale (CFC) de la CFTC. Minoritaires, leur préoccupation première est de mener l’organisation à sa déconfessionnalisation au Congrès de 1964. Cependant, elles commencent à s’interroger sur la place des femmes dans le mouvement syndical et découvrent qu’elle n’est pas ce qu’elle devrait. Les militantes représentant pourtant la moitié du syndicat sont marginalisées. Cette situation est-elle inhérente à la CFTC ? à sa conception de la famille et à la place de la femme au foyer ? Elles recherchent alors les causes de cette situation et constatent que l’infériorisation des femmes dans l’entreprise reflète celle qui existe dans la société.

Comme les minoritaires masculins, les femmes de la CFC se tournent vers l’extérieur pour approfondir leur réflexion. Elles font appel à des intellectuelles comme Colette Audry, Evelyne Sullerot, et utilisent leurs études en sciences sociales sous un angle nouveau, celui de la condition féminine. La CFDT est à la recherche d’une orientation : le socialisme démocratique. Trois femmes de la commission, J. Laot, S. Troisgros et A. Jeantet travaillent avec la nouvelle gauche féminine, le Mouvement démocratique féminin qui réunit des femmes de la SFIO, du PSU, de la CIR… dont Colette Audry et Evelyne Sullerot. Toutefois, comme la CFDT, la commission fait preuve d’indépendance engagée vis-à-vis de la politique.

On dit habituellement que la femme est plus sensible que l’homme, que les femmes arrivent à comprendre par le cœur ce que la conscience a occulté. Les militantes décident de ne plus se positionner en tant que victimes, elles luttent avec les militants pour une reconnaissance de la fonction humaine. Elles tentent d’établir une synthèse entre lutte de classe et lutte de sexe. Elles réfutent l’utopie du rôle exclusif de la femme, épouse et mère, qui brime toute liberté, toute virtualité réelle de réalisation de l’être humain, et proposent l’établissement entre les deux sexes de relations constructives pour chacun, qu’une société socialiste pourrait seule créer.

L’ouverture progressive de la confédération aux problèmes des travailleuses a été parallèle à l’approfondissement de l’analyse critique de la société capitaliste et des perspectives socialistes. Au congrès de 1964, la nouvelle notion de non-discrimination est introduite dans les statuts ; grâce au Colloque de 1967 et à la persévérance de femmes de la CFTC, l’organisation reconnaît à la femme le droit de choisir librement une profession sans jugement de valeur ; puis, avec la dynamique des événements de 1968 et la remise en cause des structures de la société, la notion de libération de la femme devient un élément de la stratégie de l’organisation du Congrès de 1970.