Gavroche, anatomie d’un hebdomadaire socialiste (1943-1948)

DEMONSAIS Bruno, Gavroche, anatomie d’un hebdomadaire socialiste (1943-1948), Maîtrise [Pascal Ory], Univ. Paris 1 CHS, 2004, 2 vol. 251 p. + 68 p. d’annexes

Cette étude monographique a pour objet l’hebdomadaire Gavroche, créé, fabriqué et distribué clandestinement à partir de mai 1943, avant de paraître officiellement du 9 novembre 1944 au 26 mai 1948. Porté sur les fonts baptismaux par une petite équipe de journalistes proches ou membres du mouvement socialiste dès l’entre-deux-guerres, le périodique associe, dans une formule semblable à celle des hebdomadaires des années vingt et trente (Candide, Vendredi, Marianne), deux types majeurs d’information : le commentaire politique et l’actualité littéraire. Ses deux directeurs successifs, René Lalou, éminent journaliste et critique littéraire, et Jean Texcier, l’un des premiers journalistes clandestins sous l’Occupation, symbolisent la double vocation de cet hebdomadaire socialiste à la Libération. Au moment où un nouveau régime politique s’élabore, où le socialisme semble « maître de l’heure » et où le communisme attire dans sa mouvance nombre d’intellectuels à la conquête du pouvoir littéraire et éditorial, la SFIO comprend la charge qui lui incombe de lancer — en cette période faste pour les publications — un hebdomadaire de vulgarisation culturelle. Relais de l’effervescence artistique de Saint-Germain-des-Prés, support des « nouvelles littéraires » et reflet des polémiques du milieu parisien, Gavroche se trouve par sa double nature (politique et culturelle) au centre des querelles de l’épuration et de la responsabilité des intellectuels (affaire René Lalou). Cette recherche répond également à la volonté de mettre en lumière l’originalité de ce périodique, à la fois héritier des codes d’une formule de presse ancienne (l’hebdomadaire politique et littéraire) et préfiguration du newsmagazine (type Express ou Nouvel Observateur). La réflexion se situe au carrefour de deux angles d’approches : une étude du contenant (maquette ; auréoles des structures de sociabilité qui président à la fabrication de l’hebdomadaire : passages par le Parti socialiste, les journaux socialistes, les publications littéraires, la presse clandestine, les institutions littéraires parisiennes) et une étude du contenu (poursuite du combat pour la libération du territoire atlantisme affiché, promotion d’un nouvel ordre international pacifié ; débats parlementaires, heurts avec les deux adversaires gaullistes et communistes, élaboration d’une « Troisième Force » ; vulgarisation culturelle : critiques artistiques, espace de création, de publication et de débats). Les messages véhiculés par l’hebdomadaire Gavroche visent à mobiliser les militants socialistes, à étoffer leur bagage politique et culturel et à occuper une place privilégiée dans la sphère intellectuelle parisienne, tout en respectant les idéaux assignés par ses fondateurs pendant la Résistance.