« Ça, c’est Paris », Paris dans le documentaire français des années vingt (1919-1929)

JUAN Myriam, « Ça, c’est Paris », Paris dans le documentaire français des années vingt (1919-1929), Maîtrise [Pascal Ory, Myriam Tsikounas], Univ. Paris 1 CHS, 2002, 2 vol. 424 p.

Entre document et œuvre d’art, le documentaire cinématographique est une pratique protéiforme et un objet d’histoire culturelle très ambigu.

L’analyse des documentaires français des années vingt sur Paris est particulièrement propice à en interroger le statut historique, tout en permettant d’étudier un grand moment méconnu de la représentation de la ville au cinéma.

Au sortir de la guerre, le projet de création d’une cinémathèque municipale réunissant l’intégralité des films documentaires qui ont été tournés à Paris témoigne de la hantise du déclin qui pèse alors sur la ville et de la reconnaissance, par certains, de la valeur de ces films comme documents d’histoire. Au même moment cependant, s’affirme un nouveau documentaire, bien différent des simples vues animées dont le public commence à se lasser. Dans le sillae des recherches sur le langage cinématographique, il est conçu comme un discours sur le monde, mais aussi comme une œuvre de cinéma, c’est-à-dire, en ces temps de cinéphilie passionnée, comme une œuvre d’art. À la fin de la décennie, certains films sont au cœur de ce que les historiens du cinéma ont appelé la « troisième avant-garde », où se forme une nouvelle génération, prometteuse, de cinéastes. Des formes anciennes continuent cependant d’exister, notamment dans des réseaux alternatifs et, au regard de la profession comme de la programmation, la pratique reste de surcroît toujours à la marge du système. Le corpus des films sur Paris reflète cette hétérogénéité. Parce qu’ils ont bénéficié d’un plus grand souci de conservation et, surtout, parce que la capitale fut pour les avant-gardistes un sujet de prédilection, les documentaires à visée artistique y sont toutefois sur-représentés. Tous ces films sont néanmoins susceptibles d’une double lecture. Au premier degré, il s’agit de discours sur la ville, sur la façon dont les contemporains en appréhendaient l’organisation géographique et sociale, à l’heure du travail comme dans les loisirs. Au second degré, ils s inscrivent dans les deux grands réseaux d’images véhiculés par la ville. L’un, désuet et pittoresque, renvoie davantage au Paris d’avant-guerre qu’à celui des années vingt. L’autre tend au contraire, parfois avec maladresse, à faire de la capitale une grande ville moderne. Par-delà ces imaginaires dominants, quelques tentatives se font jour cependant pour montrer, à défaut du « vrai » Paris qui toujours se dérobe, une autre ville.

Malgré l’impression d’authenticité émouvante qu’ils dégagent, ces documentaires participent donc, à leur manière, au mythe de Paris. Entre deux pratiques (la fiction et la non-fiction), ils dépeignent une ville entre deux mondes, qui peine à faire le deuil de son passé et à représenter pleinement la modermté, mais trouve finalement, dans un compromis de fortune entre ces deux visages, son charme et son identité.